Discours 1995 - MESSAGE DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II À L'OCCASION DU CINQUANTIÈME ANNIVERSAIRE DE LA FIN DE LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE EN EUROPE


AUX PARTICIPANTS À LA XVe ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE LA «CARITAS INTERNATIONALIS»

Samedi 13 mai 1995




Chers frères dans l’épiscopat,
Chers amis,

1. La quinzième Assemblée générale de Caritas Internationalis qui s’achève me donne l’heureuse occasion de vous accueillir, vous les représentants des hommes et des femmes du monde entier qui constituent l’admirable réseau des «Caritas».

Vous êtes parmi les plus actifs et les plus compétents pour inciter tous les fidèles de l’Eglise à répondre généreusement au commandement fondamental de l’amour du prochain, que le Seigneur a mis au même rang que celui de l’amour de Dieu, pour résumer toute la Loi et pour guider la vie chrétienne[1].

Je remercie votre Président, Monseigneur Affonso Gregory, pour les paroles qu’il vient de m’adresser en votre nom, se faisant l’écho de vos travaux. Au moment où vous venez de le confirmer dans sa charge, je lui offre mes voeux et lui exprime ma confiance.

2. Le Pape Paul VI avait voulu que, près du Successeur de Pierre, le Conseil pontifical Cor Unum assure la coordination harmonieuse des nombreux et divers mouvements qui oeuvrent pour une charité concrète dans l’Eglise. Il est heureux que Caritas internationalis figure au premier rang de ceux qui travaillent dans l’esprit qui préside à la mission de ce Conseil qui m’est si proche.

Avant de souligner quelques aspects de votre activité, je voudrais dire toute l’estime et la gratitude de l’Eglise pour l’oeuvre accomplie par les différentes Caritas dans le monde entier. Je pense à tous ceux qui se dépensent sans compter dans vos divers organismes, parfois depuis plusieurs décennies, sans jamais se lasser.

Je souhaite la bienvenue aux Caritas fondées récemment en Europe ou en Afrique, qui vous rejoignent dans cette rencontre internationale, ainsi qu’aux responsables du nouveau regroupement établi pour l’Océanie.

Avec les membres de Caritas, je tiens aussi à saluer vos invités, les observateurs présents auprès de vous, qui témoignent de l’étendue et de la diversité de la grande famille de la charité active de l’Eglise.

Et comment ne pas évoquer toute la générosité des donateurs, sans lesquels vous ne pourriez agir? Comment ne pas rappeler l’engagement des permanents et des bénévoles qui, tout près de chez eux comme dans les missions lointaines, savent donner beaucoup d’eux-mêmes pour accueillir et soutenir leur prochain le plus pauvre? Et je pense avec émotion à tant d’hommes et de femmes qui ont payé un prix personnel élevé, maintes fois jusqu’au sacrifice de leur vie, parce qu’ils ont été fidèles jusqu’au bout à leur mission d’amour.

3. Vos assises constituent un lieu d’échanges précieux pour que se développent, sans s’arrêter aux frontières, les collaborations nécessaires en vue d’une meilleure diaconie de la charité à l’échelle du monde. Vous avez à reprendre et approfondir sans cesse les motivations théologiques et spirituelles qui orientent votre action et qui distinguent Caritas d’autres Organisations non-gouvernementales.

4. Pour inspirer et organiser efficacement les diverses formes d’entraide fraternelle, il importe que chaque communauté locale ait ses propres organes caritatifs, sans pour autant déléguer à quelques-uns seulement ce qui reste un devoir essentiel de tous.

Les animateurs, permanents ou bénévoles, de vos divers services ont une responsabilité particulière. Ils ont besoin de recevoir une bonne formation, non seulement en fonction des compétences techniques indispensables, mais aussi pour qu’ils vivent eux-mêmes et communiquent à leurs frères le vrai dynamisme évangélique de la charité. Il s’agit de mettre en oeuvre la doctrine sociale de l’Eglise en comprenant bien son esprit; j’ai déjà dit qu’elle «a par elle-même la valeur d’un instrument d’évangélisation»[2]. Et je désire ajouter ici, en cette époque oecuménique, combien il est souhaitable que tous ceux qui se reconnaissent disciples du Christ s’unissent pour lutter contre la pauvreté et favoriser le développement intégral de l’homme.

C’est au contact quotidien des réalités les plus humbles de l’humanité et de sa souffrance que vous mesurez la portée réelle de l’enseignement social de l’Eglise, des exigences du respect de la vie et de la dignité de la personne. La charité est d’abord présence attentive et secourable auprès des plus démunis; mais vous savez qu’il faut aussi se préoccuper de soutenir les familles, de sauvegarder le droit au travail et au logement, l’accès aux soins de santé devant les épidémies et les carences de toutes sortes, l’éducation et la formation professionnelle des jeunes. Il vous revient d’être parmi les défenseurs d’une économie saine qui n’écrase pas les pauvres et ne fracture pas la société.

En prenant ces quelques exemples, je pense autant aux actions d’entraide sur le plan local et personnel, qu’à l’influence souhaitable de vos organisations dans des ensembles plus vastes. Que vos compétences et votre sens fraternel fassent de vous des porte-parole convaincants de l’enseignement social de l’Eglise auprès des responsables de l’économie et des autorités civiles. Exprimez avec netteté et discernement les exigences de la justice, qui ne sont d’ailleurs à nos yeux qu’une autre face du respect et de l’amour de l’homme, au nom desquels nous désirons l’amélioration des conditions de vie de tous.

5. Ces dernières années, les épreuves terribles subies par des nations comme la Bosnie-Herzégovine ou le Rwanda, pour ne nommer que celles-là, ont provoqué de la part des chrétiens oeuvrant dans les Caritas du monde un élan de solidarité et des interventions remarquables sur le terrain. Mais vous êtes les premiers à souligner que l’action en situation d’urgence reste insuffisante. Nous sommes dans un monde où l’inégalité et même l’injustice restent dramatiques. La pauvreté demeure un fléau grave, dans des pays tout entiers, comme dans des parties notables de la population des pays plus riches. Continuez à agir immédiatement et dans des actions à long terme. Nous ne pouvons nous résigner à voir des millions d’êtres innocents victimes de la malnutrition, chassés de leurs terres, ou affectés de bien d’autres maux que le monde actuel a les moyens de vaincre. Vous êtes des agents efficaces d’une solidarité effective qui ne doit cependant pas dispenser les responsables politiques et économiques d’agir pour le vrai bien des peuples en mobilisant tous les moyens des Etats et de la Communauté internationale.

6. Dans le plan de travail élaboré à l’occasion de votre Assemblée, j’ai noté avec une vive satisfaction que vous entendez inscrire votre activité dans la préparation du grand Jubilé de l’entrée dans le troisième millénaire chrétien. L’année 1999 sera placée particulièrement sous le signe de la charité. Il est encourageant de voir que vous allez contribuer à ce sursaut chrétien si nécessaire en ce temps: car il faut que la voix du Christ soit entendue, que le commandement de l’amour soit un moteur puissant pour l’édification d’une société où la solidarité de tous consolidera la paix.
Chers amis, portez à tous vos frères les encouragements de l’Evêque de Rome. En appelant sur vous de grand coeur la Bénédiction Divine, j’invoque avec vous le Père riche en miséricorde, le Christ Sauveur et l’Esprit d’amour.

[1] Cfr. Mt 22,34-40.
[2] Ioannis Pauli PP. II Centesimus Annus, (CA 54).



AUX PARTICIPANTS À L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE LA SOCIÉTÉ DES MISSIONS AFRICAINES

Vendredi 19 mai 1995



Monsieur le Supérieur général,
Chers amis de la Société des Missions africaines,

1. L’Assemblée générale qui s’achève me donne l’heureuse occasion de vous accueillir. Je remercie le Père Daniel Cardot, votre nouveau Supérieur général, des paroles qu’il vient de m’adresser; il prend le relais du Père Patrick Harrington, qu’il me plaît de saluer; je lui offre donc tous mes encouragements et mes voeux pour l’exercice de sa charge, avec ses nouveaux assistants.


2. Vous avez pu reconsidérer ensemble, au cours de semaines de méditation et d’échanges, le sens de la mission qui caractérise votre Société. Peu après l’Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Evêques et quelques mois avant les célébrations synodales qui auront lieu sur la terre d’Afrique, je suis sensible à votre fidélité aux nombreux pays de ce continent où vous oeuvrez. Nos frères africains connaissent de dures épreuves, nous le savons, à cause de la pauvreté, de l’injustice, de maintes formes de violence. Mais, comme vous aimez à le souligner, l’Eglise en Afrique, pauvre aux yeux du monde, est riche des qualités innées de ses fils. Elle vit une foi sereine dans une espérance profonde.

Votre présence fraternelle représente au sein des jeunes Eglises un appui très précieux et les aide à acquérir leur physionomie propre en communion avec l’Eglise universelle. Continuez à partager avec nos frères et soeurs d’Afrique, et aussi des autres régions où vous êtes présents, les dons reçus par chaque missionnaire dans sa vocation personnelle, et par toute votre Société, dans sa tradition d’évangélisation.

3. En ce temps pascal, nous sommes attentifs aux paroles du Ressuscité qui envoie en mission ses disciples, avec la force de l’Esprit, porteurs de l’annonce du salut, du pardon et de la réconciliation. Sur la route d’Emmaüs, Jésus fait découvrir aux disciples le sens de son sacrifice rédempteur sur la Croix et de sa victoire sur la mort; il manifeste sa présence dans la fraction du pain, il amène ces hommes désorientés à retrouver le chemin de la communion avec leurs frères lorsqu’ils retournent auprès des Apôtres à Jérusalem.

Ce grand moment de l’Evangile pascal inspire votre méditation de la mission, dans l’esprit de l’Encyclique «Redemptoris Missio» et du message que le Synode pour l’Afrique a lancé. Les Pères synodaux ont admirablement exprimé le sens authentique de l’évangélisation: «Inaltérable dans son contenu qui est le Christ,...elle n’est pas d’abord une théorie mais une vie, une rencontre d’amour qui bouleverse notre vie, aujourd’hui comme au début de l’Eglise....Evangéliser, c’est faire vivre de Jésus-Christ, l’unique Rédempteur de l’homme»[1].

Vous avez à coeur de manifester à nos frères et soeurs d’Afrique toutes les dimensions de la charité évangélique: le secours et l’appui apportés aux plus démunis, et le dévoilement du visage du Seigneur reflété dans le visage des plus petits, qui sont ses frères, comme le montre si fortement l’Evangile de saint Matthieu[2]. Le message chrétien est tel qu’il ne peut être communiqué que dans la présence fraternelle de ceux qui en ont eux-mêmes reçu la grâce. Il y a un véritable échange de dons, pour reprendre une formule que j’ai employée ailleurs: les missionnaires que vous êtes reçoivent et accueillent le sens religieux, le sens de la communauté et la confiance en la vie qui sont des qualités essentielles en Afrique; vous discernez avec joie au coeur de ces peuples de vivantes semences du Verbe. En échange, vous avez à faire découvrir les trésors dont le Christ nous comble en tous temps et en tous lieux, la lumière de la révélation et les multiples aspects de la vie ecclésiale.

4. L’une des plus belles manifestations de cet échange des dons est visible dans le développement même de votre Société et les vocations accueillies dans les terres évangélisées par les missionnaires d’Afrique: les jeunes Eglises sont prêtes à donner leurs fils pour poursuivre l’annonce de la Bonne Nouvelle. Confions au Seigneur les jeunes qu’il appelle, leur formation sous votre conduite et la fécondité de leur ministère à venir.

5. Chers amis, dans cette brève rencontre, je voulais surtout vous encourager et vous dire la confiance du Successeur de Pierre pour une institution qui a déjà tant donné au service de l’Evangile et sur laquelle l’Eglise compte aujourd’hui comme hier.

Que le Christ Sauveur guide sur leurs chemins les fils de Monseigneur Marion de Brésillac!
De grand coeur, je vous accorde, ainsi qu’à tous les membres de la Société, la Bénédiction Apostolique.

[1] Synodi Episc. Africae Nuntius, 9, die 6 maii 1994.
[2] (Mt 25,31-46).



AUX ADHÉRENTS AU MOUVEMENT «PAX CHRISTI» À L'OCCASION DU 50ème ANNIVERSAIRE DE SA FONDATION

Salle Clémentine, Lundi 29 mai 1995




Monsieur le Cardinal,
Chers Frères dans l’épiscopat,
Chers amis,

1. Je suis heureux de vous accueillir à l’occasion du Conseil international du mouvement Pax Christi, qui a eu lieu la semaine dernière à Assise, et du rassemblement au cours duquel vous avez célébré le 50ème anniversaire de la fondation de votre mouvement, au lendemain de la IIème guerre mondiale. Je salue en particulier le Cardinal Godfried Danneels, votre Président, et les évêques présents.

Pax Christi est né en raison de la prise de conscience de l’incroyable puissance destructrice de la guerre et de l’expérience des grandes souffrances vécues par les populations pendant les années de combat. Le mouvement constitue un signe de la volonté des chrétiens d’éviter que réapparaisse une telle catastrophe. Face à la haine et au manque de respect pour la personne humaine et pour ses droits fondamentaux, votre mouvement n’a pas cessé de militer en faveur de la paix et de la réconciliation. Il est né pour promouvoir les armes de la prière, du dialogue et de la réflexion, qui peuvent seules s’opposer radicalement à la violence et à tous les effets inhumains des idéologies totalitaires.

2. Dans mon récent message à l’occasion du 50ème anniversaire de la fin de la IIème guerre mondiale, j’ai voulu rappeler le sens de cette guerre pour les hommes d’alors et pour ceux d’aujourd’hui. «L’expérience tragique qui a été vécue entre 1939 et 1945 représente aujourd’hui une sorte de référence nécessaire à qui veut réfléchir sur le présent et sur l’avenir de l’humanité»[1]. Les cris des victimes de cette guerre ne peuvent pas ne pas laisser inquiète l’humanité présente, et spécialement les jeunes. Un examen sérieux des facteurs qui ont conduit à l’éclatement de ce conflit, aux destructions énormes et aux souffrances profondes nous invite à affirmer avec toujours plus de fermeté: plus jamais la guerre, qui blesse de manière durable la fraternité dans le Christ Rédempteur.

3. Notre société doit être vigilante, pour éviter que reviennent les idéologies totalitaires, parce qu’elles offensent la dignité de toute personne, en cultivant le rejet d’une partie de l’humanité au nom d’une appartenance culturelle ou religieuse. Il convient de rappeler sans cesse que tout ce qui s’oppose à la vie humaine ouvre la voie à la culture de mort et que tout crime contre la vie est un attentat contre la paix[2]. En analysant les origines de la IIème guerre mondiale, on découvre que la culture de la haine et de l’intolérance, avec le refus de l’homme différent, avaient préparé le terrain au règne de la violence.

En 1945, au terme de combats meurtriers, une espérance en un avenir de paix et de solidarité pouvait renaître dans les peuples d’Europe, qui désiraient ardemment que tous les hommes enfin se parlent et construisent une société fraternelle. C’est dans cet esprit qu’est né le mouvement Pax Christi, comme mouvement de réconciliation entre les personnes et les peuples. Ce nom rappelle avec vigueur l’origine de la véritable paix: le Seigneur, lui qui vient mettre en nos coeurs les grâces nécessaires à la conversion et à la réconciliation, chemins de la véritable humanité. En effet, le monde ne peut se donner à lui-même la paix, qui commence par l’accueil personnel du pardon de Dieu, riche en miséricorde. Réconcilié, pacifié et unifié par le Christ, chacun peut à son tour lutter contre le péché, qui éloigne de ses semblables. Il devient alors un artisan de paix auprès de tous ses frères, non seulement de ses amis mais aussi de ses ennemis; en effet, aimer ces derniers est «le fait des seuls chrétiens»[3], car c’est un fruit éclatant de la charité divine.

4. Ces dernières années, votre mouvement s’est aussi employé à promouvoir la communion et le dialogue entre les chrétiens et entre les différentes confessions religieuses, patiemment et de manière désintéressée. Partout où cela était possible, vous avez travaillé à édifier la paix, par la compréhension mutuelle des communautés, pour le respect des droits et des cultures spécifiques des personnes et des peuples. Par la voie du dialogue, vous avez fait la preuve que des divisions et des barrières historiques entre des groupes humains pouvaient être dépassées, et que la convivialité était possible si l’on développe la solidarité.

5. Devant vous, je voudrais encore évoquer les appels de mes prédécesseurs et ceux que j’ai moi-même lancés, à maintes reprises, sur les implications morales du recours systématique ou trop facile aux armes et sur la nécessité d’avancer dans la voie du désarmement. Aucune forme de violence ne peut régler les conflits entre des personnes ou entre les nations, car la violence engendre la violence. Il convient de rappeler les pays producteurs d’armes à leur responsabilité morale: en particulier, dans leurs échanges avec les pays en voie de développement, où trop d’importance est donnée à la fourniture d’armements, plaçant ainsi ces pays dans une situation de surendettement, au lieu de les aider à utiliser leurs ressources propres et les aides internationales pour la promotion des personnes. Il existe aujourd’hui de nombreux instruments, dans chaque nation comme sur le plan international, pour favoriser la transparence et le respect de la légalité dans le commerce des armes. ce propos, il faut saluer la récente décision des Nations Unies, adoptée par consensus, en faveur de l’extension indéfinie du Traité sur la non prolifération des armes nucléaires, en souhaitant que tous les pays s’emploient à une meilleure et totale mise en oeuvre de ce Traité, en vue de créer un ordre international assurant la sécurité de tous et de parvenir au désarmement. En outre, il est heureux que l’opinion publique, grâce à des mouvements comme le vôtre, soit sensibilisée et reçoive l’éducation nécessaire pour exercer de justes pressions sur les Autorités et sur les différents groupes humains, afin que ne soit pas mis en danger le fragile édifice de la paix, seulement pour des raisons d’intérêts.

6. Les dirigeants des nations et les acteurs de la vie politique et économique ont de graves responsabilités dans la production et l’usage de certaines formes d’armement, aux effets particulièrement traumatisants, qui frappent cruellement et sans discrimination les populations civiles, avec des conséquences durables au-delà des périodes de conflits. Je voudrais de nouveau lancer un vigoureux appel pour qu’on cesse définitivement de fabriquer et d’utiliser ces armes que l’on appelle «les mines anti-personnelles», qui, dans de nombreux pays, compromettent pour longtemps le retour à la paix, parce qu’elles ont été placées sur les routes et dans les champs, avec l’intention de nuire de manière indifférenciée au maximum de personnes. En effet, bien après la fin des hostilités, elles continuent à tuer et à causer des dommages irréparables, en provoquant chez les adultes et surtout chez les enfants de graves mutilations.

7. Mais la diminution des armements, le désarmement ou l’absence de guerre ne conduisent pas immédiatement à la paix. Il faut essentiellement créer une culture de vie et une culture de paix. C’est un apprentissage qui doit commencer très tôt, en famille et dans les différents lieux d’éducation. En effet, les comportements qui édifient la paix nous deviennent familiers lorsque nous apprenons à respecter celui qui est proche, lorsque nous nous exerçons à résoudre par des moyens pacifiques les conflits entre personnes qui vivent ensemble et lorsque nous développons les démarches de pardon, qui désarment les sentiments violents. Les parents ont donc un rôle inestimable, pour créer un climat familial harmonieux, propice à aider à la maturation des jeunes et à mettre en leurs coeurs le désir de rechercher la paix, envers et contre tout.

Les mouvements comme le vôtre sont précieux. Ils rendent les personnes attentives à toute violence qui brise l’harmonie entre les personnes, au sein de la création. Ils participent à la formation des consciences, pour que, dans les relations entre les personnes et entre les peuples, triomphent la justice et la recherche du bien commun, fondements d’une paix durable[4].

8. Dans ces jours qui précèdent la fête de la Pentecôte, nous contemplons la première communauté chrétienne, rassemblée avec la Vierge Marie. Dans la prière, elle reçoit le don de la paix, qui fait partie de la mission évangélisatrice de l’Eglise[5]. Avec saint Paul, je vous exhorte: «Tenez-vous donc debout, avec la vérité pour ceinture, la justice pour cuirasse, et pour chaussures le zèle à propager l’Evangile de la paix»[6]. C’est dans ces sentiments que je vous bénis de grand coeur, vous-mêmes et tous les membres du mouvement Pax Christi dont vous êtes les représentants, pour qu’à travers votre parole et votre vie le monde reconnaisse que la paix est un don de Dieu et que la paix est possible pour le monde, dans le Christ, notre Pâque et notre paix définitives.

[1] Ioannis Pauli PP. II Message à l'occasion du 50ème anniversaire de la fin de la IIème guerre mondiale, 2, die 8 maii 1995: vide supra, p. 1236 ss.
[2] Cfr. Pauli VI Nuntius ob diem ad pacem fovendam dicatum pro a.D. 1977, die 8 dec. 1976: Insegnamenti di Paolo VI, XIV (1976) 1021 ss.
[3] Tertulliani Ad Scapulam, I, 3.
[4] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Centismus Annus, (CA 5); S. Thomae Summa Theologiae, II-II 29,2, ad 3; Catechismus Catholicae Ecclesiae, nn. CEC 2302-2317.
[5] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Nuntius ob diem ad pacem fovendam dicatum pro a.D. 1990, die 8 dec. 1989: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XII, 2 (1989) 1463 ss.
[6] Ep 6,14-15.



Juin 1995


AUX PARTICIPANTS À UN COURS ORGANISÉ PAR LE COLLÈGE DE DÉFENSE DE L'OTAN

Vendredi 2 juin 1995

Monsieur le Général,
Mesdames et Messieurs,

Voici cinquante ans, les hostilités de la Deuxième Guerre mondiale s’achevaient en Europe. Les célébrations de cet événement ont été une occasion de méditer sur les causes et les effets de ce conflit. Cependant, elles n’ont pas pu se dérouler dans un contexte pacifique, comme l’auraient désiré tous les hommes et les femmes de bonne volonté. Aujourd’hui encore, sur le continent européen, des peuples s’affrontent et des innocents sont victimes, non seulement dans leur corps du fait des armes, mais aussi dans leur coeur du fait de la haine et de la violence.

Diplomates et militaires, provenant de nombreux pays membres de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, vous venez à Rome pour parfaire votre qualification professionnelle, et aussi pour que, grâce à vous, vos peuples respectifs puissent mieux se connaître et mieux s’apprécier, dans la perspective de votre mission essentielle, qui est de construire la paix.

Dans cette tâche, certes, le diplomate et le militaire ont des fonctions différentes, mais ils ont un même objectif; créer une société plus humaine, plus juste et donc plus pacifique. Dans leurs efforts pour y parvenir, ils sont confrontés aux exigences de leurs responsabilités, qui ne se limitent pas à la défense des intérêts légitimes de leurs nations mais qui en font des bâtisseurs d’une Communauté internationale digne de la personne humaine.

Une société internationale juste repose sur la conscience morale de ceux qui en sont les responsables, à quelque niveau que ce soit. Permettez-moi de vous rappeler que votre conscience ne peut fuir devant la vérité, ni éluder sa responsabilité personnelle devant Dieu et devant l’histoire. Comme vous le savez, les causes qui ont conduit à la Deuxième Guerre mondiale n’ont pas été seulement des questions d’intérêts nationaux ou stratégiques, mais il y a eu aussi l’obscurcissement de la conscience morale, devenue incapable de reconnaître et de respecter son semblable dans chaque personne humaine, dont la dignité fondamentale est d’être à l’image de Dieu. C’est pourquoi, aujourd’hui comme par le passé, pour que le continent européen retrouve la paix, il est indispensable que les consciences se réveillent afin que chacun assume ses responsabilités en prenant pour base des principes tels que ceux du respect de l’autre, de la protection du pauvre et du démuni, de la défense de la vie, de la solidarité, de la générosité et de la magnanimité. Le tout se résume pour le chrétien dans le commandement de l’amour du prochain.

Que Dieu vous accompagne, vous et vos familles! Qu’il bénisse vos efforts!



VOYAGE APOSTOLIQUE EN BELGIQUE


CEREMONIE DE BIENVENUE

Aéroport militaire de Melsbroek de Bruxelles (Belgique), Samedi 3 juin 1995


Sire,

1. Je suis très sensible aux paroles chaleureuses de bienvenue que Votre Majesté vient de m’adresser et je L’assure de toute ma gratitude. Je remercie de leur présence Sa Majesté la Reine, ainsi que les hautes Autorités gouvernementales, provinciales et communales qui ont tenu à prendre part à cette cérémonie d’accueil.

L’an dernier, les circonstances m’avaient obligé à reporter la visite que je désirais faire à nouveau en Belgique, pour célébrer la béatification du Père Damien de Veuster, originaire de Tremelo, au milieu du peuple dont il est un fils illustre. C’est une joie pour moi de venir aujourd’hui dans votre pays à cette occasion.

Je suis heureux de me trouver une nouvelle fois sur cette terre, ce carrefour riche de rencontres et d’échanges qui ont marqué le continent européen. Je suis heureux de retrouver votre peuple qui a contribué à façonner l’histoire et la culture de l’Europe et qui y tient aujourd’hui une place de choix. En saluant les personnes présentes, les habitants de Melsbroek ainsi que les militaires de cette base et leurs familles, j’ai aussi une pensée pour les diocésains de Namur, qui m’attendaient l’année dernière à Malonne auprès du tombeau de saint Mutien-Marie.

J’adresse à tous les Belges, qu’ils soient membres de l’Église catholique ou qu’ils appartiennent à d’autres traditions, le salut très cordial de l’évêque de Rome. Alors que les citoyens de ce pays ont su faire évoluer les institutions en assumant leurs diversités, je leur offre mes voeux fervents pour un avenir de prospérité et de progrès social dans la concorde fraternelle.

2. Sire, voici dix ans, c’est votre frère, le Roi Baudouin, qui m’accueillait en Belgique. A mon arrivée, je tiens à rendre hommage à sa mémoire, me souvenant des rencontres personnelles que j’ai eues avec lui, comme de l’estime et de l’affection que lui portaient les Belges et d’innombrables personnes bien au-delà de vos frontières. Je salue en lui le chrétien qui, très uni à la Reine Fabiola, sut servir ses compatriotes avec un dévouement vraiment évangélique.

3.

… 4.



RÉFLEXION DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II AU TERME DE LA RÉCITATION DU ROSAIRE

Eglise des Franciscains de Bruxelles, Samedi 3 juin 1995



Chers frères et soeurs,

1. Ensemble nous venons de prier la Vierge Marie, nous préparant ainsi à la béatification du Père Damien, votre compatriote, qui aimait lui aussi se confier inlassablement à Marie, notre Mère des cieux; en effet, il ne quittait que rarement son chapelet, qu’il récitait jour et nuit; Marie, modèle de foi et d’amour, l’aidait à se rendre disponible, pour se tenir, comme elle, debout au pied de la Croix, et pour être un missionnaire de l’Evangile. Avec elle, il a su dire oui au Sauveur, pour recevoir de lui la force du témoignage et la grâce de la vie éternelle.

2. Au terme de cette prière mariale, j’accueille avec joie tous les Belges présents, en particulier les fidèles de la paroisse qui nous reçoit. J’adresse un salut cordial à tous ceux qui se sont joints à nous par l’intermédiaire de la radio. À l’exemple de l’apôtre des lépreux, j’invite tous les chrétiens à venir sans cesse se confier à Notre-Dame. Frères et soeurs de Belgique, faites grandir votre attachement à Marie, pour raviver en vous le don de Dieu! Elle vous conduira au Christ.

3.

… 4. Lorsque Jésus appelle, ce n’est pas pour contraindre une personnalité, mais pour son épanouissement, dans la vérité de l’être, afin de réaliser l’idéal qui l’anime. Quand il demande un engagement plus spécifique et qu’il choisit quelqu’un pour une mission particulière dans l’Église, comme ce fut le cas pour le Père Damien, le Sauveur comble de ses dons celui qui répond et le rend totalement libre. Ce qui semble alors impossible aux hommes devient possible avec l’aide de Dieu[4]. D’autre part, loin d’éloigner du monde et d’appauvrir la personnalité, la consécration au Seigneur permet au contraire à chacun de trouver sa véritable place, selon la liberté à laquelle tout homme est convié, en servant ses frères, pour la gloire de Dieu et le salut du monde.

L’Église vous fait confiance. Elle se réjouit de votre désir de vivre en plénitude. Ne vous laissez pas prendre par les tentations et les séductions fascinantes que peut présenter le monde. La vie véritable est une conquête progressive de la maîtrise de soi. Enracinez votre espérance et votre foi au Christ, dans l’espérance et dans la foi de l’Église! Ainsi, le Seigneur vous aidera à devenir chaque jour meilleurs et il comblera vos désirs les plus profonds. Puisez à la source de la vie, en particulier par une participation fréquente aux sacrements de l’Eucharistie et du pardon. Laissez-vous réconcilier par le Christ, qui fera de vous des êtres renouvelés!

5. En vous laissant guider par la parole exigeante de Jésus, jeunes et adultes de Belgique, ensemble, collaborez à l’édification de l’Église, avec le souci de la communion autour des pasteurs et du Successeur de Pierre! Ainsi, en puisant dans les sacrements, dans la prière personnelle et communautaire la force de la mission, vous serez attentifs à tous vos frères et vous témoignerez concrètement de l’amour de Dieu! Que le Père Damien, avec sa foi inébranlable au Christ et à son Église, soit votre modèle!

O Marie, présente avec les Apôtres au moment du don de l’Esprit Saint, viens soutenir la foi et la mission des chrétiens de Belgique!

Maria, Mutter der Kirche, die Menschen in Belgien mögen sich durch deine Fürsprache in Vertrauen dem Herrn zuwenden, um von ihm das ewige Leben zu empfangen und damit auf dieser erde eine neue Welt erstehe, in der Gerechtigkeit, Friede und Liebe herrschen!

[1] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Veritatis Splendor, (VS 16).
[2] Mt 19,21.
[3] Cfr. 1R 16,7.
[4] Cfr. Mt 19,26.




RENCONTRE DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II AVEC LES MEMBRES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DE BELGIQUE

Résidence de l'Archevêque de Malines-Bruxelles, Dimanche 4 juin 1995


Monsieur le Cardinal,

Chers Frères dans l’Episcopat,

1. Après la magnifique célébration de la Pentecôte que nous venons de vivre, au cours de laquelle j’ai eu la joie de procéder à la béatification tant attendue du Père Damien, je suis heureux d’avoir un moment d’entretien avec vous, membres de la Conférence épiscopale de Belgique. Que Monsieur le Cardinal Danneels soit remercié du message de bienvenue qu’il vient de m’adresser et de l’accueil qu’il me réserve avec vous tous dans sa maison.

C’est bien sûr sous le patronage du nouveau bienheureux que je tiens à placer les quelques réflexions que je voudrais partager avec vous. En effet, si nous distinguons un Serviteur de Dieu par la béatification, c’est parce que nous le considérons, spécialement pour l’Église locale dont il est originaire, comme un membre éminent de la communion des saints à laquelle tous nous participons. Non seulement l’évocation des aspects importants de son existence au siècle dernier, mais aujourd’hui son expérience exemplaire et plus encore sa présence d’intercesseur nous inspirent et nous encouragent dans notre action.

2. Les mérites du Père Damien découlent clairement de sa foi, je dirais de son élan vers Dieu qui sauve les hommes en son Fils. L’apôtre de la charité qui s’est livré pour ses frères malades est tout autant un homme à la vie spirituelle intense. Que son courage de témoin de l’Évangile nous stimule!

À sa manière simple et modeste, il peut éclairer les fidèles de vos diocèses pour rendre toujours plus forte leur vie de foi et la pratique concrète de leur vie ecclésiale. Damien tenait tellement à l’Eucharistie! Comptez sur son intercession pour qu’il aide ses frères d’aujourd’hui à approfondir le sens de la Messe dominicale, comme vous le leur demandez dans votre programme pastoral de mise en valeur du jour du Seigneur. Nous nous rappelons aussi l’importance de la confession pour lui. L’ensemble de la vie sacramentelle demande à être sans cesse présenté clairement aux baptisés, pour qu’ils comprennent que là se trouve le centre de la vie chrétienne, source de grâce pour chacun et lien de communion entre tous. C’est le fondement véritable de la vitalité des paroisses, si l’on saisit que la vie sacramentelle est la source de la mission et qu’elle se prolonge donc tout naturellement par les actions pastorales les plus diverses. À cet égard, vos initiatives pour la catéchèse des jeunes sont essentielles, afin qu’ils aient accès à une vision organique de la foi, nécessaire à leur croissance spirituelle. De même, les adultes ont besoin de progresser dans leur intelligence du mystère chrétien; je suis heureux de saluer ici la récente parution du «Catéchisme de l’Église Catholique» dans sa version néerlandaise.

J’espère aussi que la vocation sacerdotale et religieuse du bienheureux Damien inspirera un renouveau des vocations parmi les jeunes de Belgique. Sans doute, les cheminements sont divers, les expressions varient avec le temps, mais l’appel du Seigneur reste fondamentalement le même: consacrer sa vie à Le servir dans les membres de son Corps qui est l’Église. Soyez attentifs à l’éveil des vocations, notamment dans le cadre des mouvements de jeunes; puis offrez aux jeunes de vos séminaires une formation équilibrée qui les prépare à un ministère bien inséré dans la société de notre temps, grâce à la profondeur de leur vie spirituelle et au sérieux de leur formation intellectuelle.

3. Chez Damien, l’élan vers Dieu ne se sépare pas de l’amour des autres: il prend le relais de l’un de ses frères parce qu’il a ressenti la nécessité d’apporter l’Évangile à ceux qui ne l’ont pas découvert. Chez lui, c’est une première forme de la charité fraternelle; et je sais que de nombreux missionnaires belges l’ont admirablement pratiquée comme lui. Cependant, la tâche reste immense. Évêques, vous êtes les premiers responsables de l’évangélisation: il vous revient d’encourager et de stimuler ceux qui sont appelés à porter la Bonne Nouvelle à leurs frères, sur les routes lointaines comme dans leur plus proche voisinage. L’Esprit de Pentecôte y invite spécialement aujourd’hui, lui qui donne de surmonter la crainte et qui parle en nous [1].

Le service des pauvres et des malades représente bien sûr, aux yeux du monde, la part la plus éclatante du témoignage de charité rendu inlassablement par Damien, jusqu’à son identification avec les lépreux dans son corps et jusqu’à l’offrande de sa vie. Est-il besoin de souligner que l’amour des pauvres, des êtres meurtris et sans défense, s’impose aujourd’hui en Belgique et partout dans le monde, comme hier à Molokaï pour Damien? Je le rappelle simplement pour vous dire combien il est essentiel que les fidèles reconnaissent leur devoir de servir la vie dans la société, chacun selon ses possibilités. J’apprécie les efforts déployés chez vous pour défendre le droit de vivre des enfants à naître et soutenir leurs mères et leurs foyers, pour accueillir l’étranger, pour donner un toit à qui en est privé, pour réinsérer ceux qui sont marginalisés, pour accompagner ceux qui souffrent lorsqu’ils connaissent une extrême faiblesse physique ou psychique, ou lorsque approche le terme de leur existence. Les disciples du Christ ne peuvent qu’être fidèles à ces plus petits qui sont ses frères [2].

Nous savons tous que le domaine de la charité est plus vaste encore. Il comporte de nombreuses manières de servir le prochain dans la solidarité internationale et dans l’action pour la paix. Sans m’étendre ici sur ce point, je désire seulement rappeler, à titre d’exemples, que l’aide au développement des peuples les plus défavorisés fait partie d’un témoignage authentique de charité évangélique, de même que toute intervention pour le respect de la dignité humaine et pour la paix. Beaucoup de vos compatriotes s’y emploient, je tiens à le reconnaître avec vous.

Cela m’amène à évoquer aussi cette forme délicate mais nécessaire de l’amour fraternel qu’est l’exercice de responsabilités dans la société civile, dans la vie économique et politique. Encouragez les chrétiens qui en ont les capacités à jouer pleinement leur rôle dans la vie sociale. Une bonne connaissance de la doctrine sociale de l’Église pourra non seulement les guider pour la rectitude et la probité de leurs choix mais aussi les inviter à ne pas se dérober au service du bien commun.

4. Chers Frères dans l’Episcopat, à la suite de ces réflexions qui prenaient comme point de départ l’exemple suggestif de l’amour de Dieu et des hommes pratiqué par le bienheureux Damien, je voudrais vous encourager dans l’accomplissement de votre mission. Vous faites face aux difficultés de notre époque d’autant mieux que vous travaillez dans une féconde concertation. Dans un pays comme le vôtre, où la diversité n’empêche pas une réelle cohésion, la conférence des Évêques peut constituer un appui précieux et un stimulant pour chacun de vous. De même, dans les diocèses, vous rendrez le dynamisme pastoral plus intense si vous développez vos échanges de fond avec les prêtres et si vous les encouragez à collaborer les uns avec les autres fraternellement. Et le prolongement indispensable, ce sont les diverses formes d’entente et de collaboration du clergé séculier avec les religieux et les religieuses, ainsi qu’avec les laïcs. Les échanges confiants, l’écoute mutuelle, sont nécessaires à tous ces niveaux; ce sont des conditions de crédibilité pour notre témoignage; car c’est une des traductions concrètes de l’amour mutuel qui nous font reconnaître comme disciples du Christ aux yeux du monde [3]. La communauté ecclésiale présente une légitime diversité, mais elle ne peut rendre un témoignage fidèle au Seigneur que dans la coordination harmonieuse de ses composantes et donc dans l’unité préservée avec amour.

D’autre part, le témoignage de foi rendu par les membres du Corps du Christ n’aura toute sa valeur que s’il existe un accord sur la compréhension de l’essentiel du message dont nous sommes porteurs. On doit parvenir à saisir l’unité réelle du message de la Révélation avec toutes ses incidences sur l’existence des hommes. La vérité ne se divise pas. Adhérer au Christ, c’est aussi «garder sa parole» en toute circonstance [4]. L’enseignement moral de l’Église, souvent incompris actuellement, ne peut être dissocié de l’Évangile. J’ai voulu le montrer dans deux documents récents, en ce qui concerne les fondements de la morale dans l’encyclique «Veritatis Splendor», et en ce qui concerne la valeur inviolable de la vie dans l’encyclique «Evangelium Vitae». Cet enseignement, il vous appartient de le reprendre par vous-mêmes et de le proposer aux fidèles, sous la forme qui convient aux divers groupes, afin de les aider à mieux évaluer leurs responsabilités personnelles, l’harmonie de leurs décisions avec les exigences de la foi et leur adhésion à la vérité qui rend libre [5]. Ainsi avancera-t-on notamment dans la réalisation du «tournant culturel» nécessaire aujourd’hui pour bâtir une culture de la vie [6].

5. Plus d’un aspect de ce que je viens d’évoquer figure dans les orientations présentées par la lettre apostolique «Tertio Millennio Adveniente». Par ce document, j’invite toute l’Église à préparer le grand Jubilé de l’An 2000, le Jubilé de la naissance du Rédempteur. Par votre ministère épiscopal, les membres de l’Église en Belgique seront tous appelés à faire de ces prochaines années un parcours ascendant, afin d’entrer dans le nouveau millénaire avec plus de lucidité et de générosité, en témoins actifs de la foi, porteurs d’une espérance assurée, animés d’une charité ardente.

Que le bienheureux Damien de Veuster, saint Mutien-Marie et tous les saints de votre terre intercèdent pour votre peuple, et que la Mère du Sauveur le protège! Avec affection, j’appelle sur vous et sur vos frères et soeurs de Belgique la Bénédiction de Dieu.

[1] Cfr. (Mt 10,19).
[2] Cfr. (Mt 25,40).
[3] Cfr. (Jn 13,35).
[4] Cfr. (Jn 14,23).
[5] Cfr. (Jn 8,23).
[6] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Evangelium Vitae.




Discours 1995 - MESSAGE DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II À L'OCCASION DU CINQUANTIÈME ANNIVERSAIRE DE LA FIN DE LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE EN EUROPE