Discours 1995 - Résidence de l'Archevêque de Malines-Bruxelles, Dimanche 4 juin 1995

CÉRÉMONIE DE CONGÉ

Aéroport militaire de Melsbroek à Bruxelles, Dimanche 4 juin 1995



Hoogheid,
mijnheer de Eerste Minister,
hooggeachte Autoriteiten,
dierbare Broeders in het Episkopaat,
dierbare vrienden van België,

1.



2. Ma pensée se porte en ce moment vers tant de vos compatriotes que je n’ai pu rencontrer, particulièrement les malades ou les personnes souffrant de conditions de vie précaires, les personnes isolées, et aussi les détenus; je voudrais leur adresser à tous un message affectueux. Je prie Dieu riche en miséricorde de ne laisser aucun d’entre eux sans espérance et sans soutien fraternel, pour que chacun voie respectée sa dignité d’homme; tel est aussi le message du Père Damien, lui qui avait une prédilection pour les plus démunis de ses frères.

3. A vous, Monsieur le Cardinal Godfried Danneels, et à mes frères les Evêques de Belgique, je dis merci de tout coeur d’avoir si attentivement préparé les célébrations de ces jours et de m’avoir reçu avec une hospitalité généreuse. Faites part de mes sentiments cordiaux et reconnaissants à tous ceux qui ont oeuvré à vos côtés pour permettre à l’Église en Belgique d’honorer dignement avec l’Evêque de Rome le nouveau bienheureux.

Au moment de quitter la Belgique, ce sont vos communautés diocésaines tout entières que je désire assurer de la sympathie du Successeur de Pierre. Je les encourage à avancer sur leurs routes diverses en se souvenant de l’ardente charité évangélique du Père Damien. Je les appelle à développer sans cesse les dons qu’elles ont reçus, à préparer avec un généreux dynamisme le grand rendez-vous de l’An 2000: nous célébrerons alors le bimillénaire de la naissance du Christ, conscients de l’héritage dont nous bénéficions. Qu’il soit donné à tous d’être plus unis, plus fidèles à l’écoute de la Bonne Nouvelle, témoins courageux de la vérité de l’homme, créé à l’image de Dieu! Qu’ils soit donné aux prêtres, aux diacres, aux religieux et aux religieuses, de vivre leur vocation et leur ministère comme des intendants fidèles de l’Evangile, dans la joie de leur Maître[1]!

Soyons aussi d’inlassables artisans de réconciliation, dans ce monde encore meurtri par des conflits douloureux en différentes régions de la planète, alors que l’on avait espéré connaître enfin une ère de paix! Pratiquons une entraide toujours plus active, envers nos frères en humanité proches ou lointains!

4.
[1] Cfr. (Mt 25,21).



À S.Exc. M. SEMIH BELEN, NOUVEL AMBASSADEUR DE TURQUIE PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Lundi 26 juin 1995


Monsieur l’Ambassadeur,

1. C’est avec joie que j’accueille Votre Excellence et que je Lui souhaite la bienvenue à Rome à l’occasion de la présentation des Lettres qui L’accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Turquie auprès du Saint-Siège.

2. Je vous remercie, Monsieur l’Ambassadeur, des paroles aimables que vous venez de m’adresser et des voeux que vous m’avez transmis de la part de Son Excellence Monsieur Süleyman Demirel, Président de la République de Turquie. Je vous saurai gré de lui exprimer en retour mes souhaits déférents pour sa personne et pour sa très haute mission au service de tous ses compatriotes, ainsi que les voeux que je forme pour ceux qui ont la charge de servir la nation et pour tout le peuple de Turquie.

Vous avez évoqué l’entrevue que j’ai eue avec Monsieur le Président de la République alors Premier Ministre, à l’occasion de ma visite dans votre pays en 1979, pour la fête de saint André, en ces jours mémorables où j’avais rencontré le Patriarche Dimitrios I. Dans quelques jours, j’accueillerai avec une intense émotion son successeur, Sa Sainteté le Patriarche Bartholomaios Ier, réalisant ainsi un pas supplémentaire sur la voie de l’oecuménisme.

3. Je suis particulièrement sensible à vos paroles d’estime à l’égard des efforts déployés par le Siège Apostolique dans la vie internationale et à l’attention que vous portez aux graves questions de la paix, de la justice et du dialogue inter-religieux. Vous évoquez les conflits qui ensanglantent notre monde, et en particulier le continent européen. Dans ces luttes fratricides, c’est l’homme dans sa dignité qui est bafoué, ce sont des peuples tout entiers qui ne sont pas respectés dans leurs droits et dans leurs libertés fondamentales, souvent, comme vous le faites observer, en raison de différences ethniques ou même religieuses. Dans ce sens, il convient de souligner l’engagement des chefs religieux pour une meilleure entente entre les différentes religions, par un dialogue de plus en plus intense, dans un esprit de confiance mutuelle et de reconnaissance des richesses dont chaque famille spirituelle est porteuse. Vous savez l’attachement de l’Église catholique à la liberté de la foi et de la pratique religieuse qui, comme le disait le deuxième Concile du Vatican dans la Déclaration «Dignitatis Humanae» [1], est un droit non seulement pour les individus mais aussi pour les personnes lorsqu’elles agissent ensemble. Cette liberté fondamentale est pour tous les croyants une école d’humanité et de fraternité, comme je l’ai récemment rappelé dans mon Message à l’occasion du Lème anniversaire de la fin de la IIème guerre mondiale en Europe [2].

4. Les catholiques de votre pays, bien que peu nombreux, ont le souci de s’engager pleinement dans la vie sociale, dans la construction nationale et dans le dialogue islamo-chrétien. Je saisis cette occasion pour saluer chaleureusement, par votre entremise, la communauté catholique présente en Turquie. Les membres de l’Église ont à coeur de servir leur pays, de promouvoir les relations amicales avec l’ensemble de leurs compatriotes et de participer à la réflexion dans les domaines de la culture et de la famille.

Je voudrais vous exprimer la satisfaction du Saint-Siège pour les relations établies entre l’Université d’État d’Ankara et l’Université pontificale grégorienne, ainsi que pour les contacts pris avec le Président du Conseil pontifical pour la Culture, afin de développer des échanges intellectuels de haut niveau et de faire participer des universitaires catholiques aux recherches poursuivies dans le pays, comme ce fut le cas à travers des symposiums sur le philosophe et mystique turc Yunus Emre et encore sur les situations nouvelles dans le monde actuel, au moment du centenaire de l’encyclique «Rerum Novarum». Il convient aussi de mentionner l’activité des communautés religieuses dans le secteur sanitaire, qui est une des multiples formes de la solidarité entre les hommes. Comme leurs frères musulmans, les catholiques de Turquie puisent leur dynamisme dans leur pratique religieuse spécifique, nécessaire à leur foi, au sein de communautés vivantes qui se réunissent régulièrement autour de leurs pasteurs. Il est souhaitable que l’on continue à oeuvrer pour la recherche d’une reconnaissance juridique toujours plus adéquate, dans le respect de la liberté religieuse et de la mission spécifique de l’Église catholique.

5. Depuis mars dernier, votre pays s’est engagé dans une nouvelle étape, dans la perspective de son adhésion totale à l’Union européenne. On ne peut que se réjouir de l’attachement de votre Gouvernement à cette participation plénière à la grande Europe des nations et des peuples, pour mettre en place des institutions politiques et économiques qui favorisent le bien-être spirituel et matériel des personnes et des communautés humaines. Par sa position privilégiée entre l’Occident et l’Orient, la Turquie a la vocation insigne au sein de l’Europe de créer des ponts entre des cultures différentes, de permettre des rapprochements entre des peuples aux sensibilités distinctes.
Par son riche patrimoine architectural, en particulier sur le plateau d’Anatolie, la Turquie détient une part de la culture antique du bassin méditerranéen. Aussi, la ville dans laquelle vous venez d’arriver ne vous sera-t-elle pas totalement étrangère. D’un autre côté, pour les pays de l’Europe occidentale, Antioche, Éphèse, Smyrne, Tarse, ou la Cappadoce sont autant de noms familiers, qui nous relient les uns aux autres, à travers l’histoire. Plus encore pour les chrétiens, ils constituent des hauts lieux de la foi et ils rappellent des personnalités célèbres par leur intelligence, leur culture et leur intense spiritualité.

6. Au moment où commence votre mission, je vous offre mes voeux les meilleurs. Soyez assuré que vous trouverez toujours auprès de mes collaborateurs un accueil attentif et une compréhension cordiale, pour mener à bien votre activité.

Sur Votre Excellence, sur les dirigeants et sur le peuple de Turquie, j’invoque de grand coeur les Bienfaits du Tout-Puissant.

[1] Dignitatis Humanae, (DH 3-4).
[2] Jean-Paul II, Message à l'occasion du 50ème anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, 12, die 8 maii 1995: vide supra, p. 1245 s.



Août 1995





À UN GROUPE DE RELIGIEUX ENGAGÉS DANS LE DIALOGUE INTERRELIGIEUX AVEC LES MUSULMANS

Samedi 26 août 1995




Chers Frères franciscains,
Chers amis,

1. C’est avec joie que je vous accueille, vous qui participez au congrès organisé par la Commission internationale de l’Ordre des Frères Mineurs pour les relations avec les Musulmans. Votre Commission s’est fixé pour but de promouvoir la présence franciscaine parmi les Musulmans et de répondre aux interrogations des chrétiens qui vivent et travaillent parmi eux. Les organisateurs franciscains ont opportunément invité à prendre part à vos travaux des membres d’autres communautés religieuses, afin d’enrichir vos réflexions grâce à leurs compétences. Venus de vingt-huit pays d’Afrique, du Moyen-Orient, d’Asie et d’Europe, vous avez une riche expérience à mettre en commun, avec l’aide d’experts éminents dans les questions que vous étudiez. Je vous remercie d’avoir désiré rencontrer le Successeur de Pierre pour lui faire part de vos préoccupations.

2. L’engagement franciscain dans le dialogue avec les Musulmans n’est pas nouveau: il remonte, en effet, à saint François d’Assise, qui est allé en personne rencontrer le Roi musulman Al-Kamel en Égypte. Saint François a laissé à ses fils des directives sur la manière d’aborder leurs relations avec les Musulmans. Ainsi, en poursuivant aujourd’hui le dialogue interreligieux, en particulier avec les adeptes de l’Islam, vous êtes fidèles à l’un des charismes de votre Ordre. Je suis heureux de voir se renouveler depuis quelques années l’engagement de la famille franciscaine dans ce dialogue interreligieux, qui entre dans le cadre de la mission évangélisatrice de l’Eglise [1].

3. Pour vos échanges, vous avez choisi un sujet délicat: les intégrismes dans l’Islam et le christianisme. En effet, on rencontre de telles attitudes en divers milieux; constater cela vous permet de faire une analyse objective de ce phénomène dans l’Islam.

Dans les régions où vous exercez votre ministère, vous avez l’expérience directe des effets du fondamentalisme musulman qui se manifeste particulièrement depuis quelques années. Vous avez besoin de garder du recul et de rester lucides pour exercer votre mission dans ce contexte. Le phénomène de l’intégrisme doit être étudié dans toutes ses motivations et ses manifestations. L’analyse des situations politiques, sociales et économiques montre que le phénomène n’est pas seulement religieux, mais que, dans bien des cas, on exploite la religion à des fins politiques ou bien pour compenser des difficultés d’ordre social et économique. Il ne peut y avoir de réponse réellement durable au phénomène de l’intégrisme tant que les problèmes qui l’engendrent ou l’entretiennent ne sont pas résolus.

Si l’on doit condamner l’intolérance et la violence suscitées par l’intégrisme, il importe au plus haut point de poser un regard de foi et d’amour sur les personnes qui prennent de telles attitudes et qui en souffrent fréquemment.

4. Votre présence et le témoignage que vous rendez au Christ dans des pays musulmans sont précieux pour l’Eglise. Je sais que cela ne va pas toujours sans difficultés pour vous; mais je vous encourage à continuer à porter la Bonne Nouvelle de l’amour du Christ Sauveur pour tous les hommes, Lui qui a dit à ses disciples: «Je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde» [2].

De grand coeur, je vous donne la Bénédiction apostolique et je l’étends aux fidèles parmi lesquels vous exercez votre mission.


[1] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Redemptoris Missio, (RMi 55-57).
[2] (Mt 28,20).



Septembre 1995


À UN GROUPE DE PÈLERINS DU SÉNÉGAL

Palais pontifical de Castelgandolfo, Mardi 5 septembre 1995



Chers Frères et Soeurs,

Ma joie est grande de vous recevoir en cette résidence de Castelgandolfo au cours du pèlerinage qui vous mène dans trois cités particulièrement chères à la mémoire chrétienne, Jérusalem, Rome et Lourdes. Vous venez du Sénégal, une terre où j’ai séjourné voici trois ans et qui m’a laissé un souvenir très vif. Je salue avec plaisir la présence de Monseigneur Adrien Théodore Sarr, Evêque de Kaolack, que j’avais été heureux de rencontrer au cours de ce voyage. Avec vous, c’est un peu comme si le soleil de l’Afrique venait briller sur le sol de l’Italie.

Vous le savez, je suis à la veille de partir pour votre continent et c’est pour moi un motif de joie et d’action de grâces. La récente Assemblée pour l’Afrique du Synode des Evêques a rappelé combien l’Evangile s’était implanté dans ses différentes régions et aussi l’ampleur de ce qui reste à faire. Avenir à la mesure du passé, présent riche de promesses, nous demandons chaque jour à Dieu de faire grandir ce qu’il a lui-même semé. Un peu de levain suffit à faire lever toute la pâte. Vous êtes, chers amis, le levain du Seigneur, le levain de l’Eglise si vous acceptez de vous laisser saisir par le Christ pour devenir vous-mêmes les missionnaires africains de l’Afrique.

Missionnaires, comment le seriez-vous sans être enracinés dans le terreau où l’Evangile commença à se déployer? Vous voici à Rome, car vous avez voulu faire pèlerinage là même où le premier des Apôtres, saint Pierre, rendit le témoignage de la foi et donna son sang pour celui à qui il avait dit: «Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant»[1]. C’est Rome qui vous offre aujourd’hui cette «teranga», cette hospitalité dont j’ai été moi-même bénéficiaire. Elle est heureuse de le faire, car elle correspond ainsi à sa vocation profonde de mère des Eglises.

N’hésitez pas à parcourir la Ville Eternelle à la recherche des innombrables souvenirs qui attestent l’enracinement du christianisme. Les basiliques vous montreront avec quelle vénération nos pères dans la foi voulurent rendre un culte au Christ Sauveur, par l’intercession des plus grands saints. Vous prierez le chef des Apôtres à Saint-Pierre du Vatican; vous honorerez à Saint-Jean de Latran la première cathédrale de la chrétienté, qu’un lien invisible unit au plus petit des sanctuaires de votre pays. Vous demanderez à l’Apôtre saint Paul la force d’annoncer l’Evangile «à temps et à contretemps»[2] et vous irez alors chanter la louange de la Bienheureuse Vierge à Sainte-Marie Majeure.

Vous le voyez, les activités ne vous manqueront pas! Car vous pourrez aussi aller visiter les catacombes, entrer et prier dans les églises qui jalonnent les rues de la Ville, découvrir ses nombreux musées, sans oublier les moments de détente qui sont indispensables. Plus vous connaîtrez Rome, plus vous aurez envie de la connaître!

Bon séjour, chers amis, et merci de votre visite. Je vous confie à Notre-Dame de Lourdes et, saluant à travers vous tous vos frères et toutes vos soeurs du Sénégal, je vous donne avec affection ma Bénédiction Apostolique.


[1] (Mt 16,16).
[2] (2Tm 4,2).


PÈLERINAGE APOSTOLIQUE AU CAMEROUN, AFRIQUE DU SUD ET KENYA


CÉRÉMONIE DE BIENVENUE

Aéroport international de Nsimalen à Yaoundé, Jeudi 14 septembre 1995




Monsieur le Président de la République,
Mesdames, Messieurs les Membres du Gouvernement et des Corps constitués,
Mesdames, Messieurs les Membres du Corps Diplomatique,
Messieurs les Cardinaux, chers Frères dans l’Épiscopat,
Chers amis Camerounais,

1. C’est avec une grande satisfaction que je retrouve la terre d’Afrique dans votre beau pays du Cameroun. Je vous remercie vivement, Monsieur le Président, de votre accueil et de vos paroles. Ma gratitude va aussi aux nombreuses personnalités camerounaises et aux membres du Corps Diplomatique qui ont tenu à honorer de leur présence cette cérémonie d’accueil.

Mon arrivée dans votre pays ravive en moi les précieux souvenirs de ma visite pastorale d’il y a dix ans, en plusieurs régions du Cameroun, ce pays si attachant par la diversité de ses paysages et surtout de ses populations riches de leur antique héritage culturel.

Je désire adresser à tous les Camerounais un salut chaleureux et leur dire mon estime et mes voeux pour la prospérité de la nation et pour l’épanouissement humain et spirituel de tous, dans la concorde et la paix. Et ma pensée se porte vers tous les peuples d’Afrique; je tiens à leur dire, dès ces premiers instants de ma visite, que je considère comme irremplaçables leur présence dans le monde et leur rôle dans la communauté internationale. Leur avenir me tient à coeur et je puis les assurer que l’Église catholique les respecte, dans la diversité de leurs traditions culturelles et religieuses, et qu’elle ne cessera d’appeler les nations du monde à se montrer concrètement solidaires à l’égard d’un continent trop souvent défavorisé au cours de l’histoire de ces derniers siècles.

Ne pouvant oublier les deuils et les conflits qui blessent de nombreux pays, je forme pour tous les Africains des voeux ardents pour qu’ils retrouvent la paix et pour qu’ils sachent pratiquer la réconciliation, pour que les droits humains de tous soient garantis dans la justice et le respect de la dignité de chacun, pour que les plus démunis, notamment les malades et les réfugiés, reçoivent l’assistance fraternelle qu’ils attendent.

2. Ce nouveau voyage que j’effectue en Afrique a pour principal objet la célébration solennelle du Synode pour l’Afrique dont la session de travail s’est déroulée à Rome l’an dernier. Par ma présence et celle des Cardinaux et des Évêques qui m’entourent, l’Église universelle entend saluer les jeunes Églises d’Afrique qui parviennent à une vraie maturité, et encourager les fidèles de ce continent pour la mission qu’ils portent en commun avec les disciples du Christ dans le monde entier: une mission au service de l’humanité appelée à accueillir la Bonne Nouvelle du salut, afin d’avancer vers la civilisation de l’amour à laquelle tous aspirent.

En saluant les Évêques qui représentent ici les épiscopats de 29 pays du continent, c’est aux fidèles de toutes les Églises particulières d’Afrique que je voudrais adresser le salut du Successeur de Pierre, et leur exprimer la reconnaissance de toute l’Église pour ce qu’ils lui apportent, pour leur ardeur dans la foi, leur courage dans les épreuves, leur constance dans l’espérance, leur joie dans la charité.

C’est avec plaisir que j’adresse aussi un salut cordial aux représentants des autres communautés chrétiennes, de l’Islam et de la religion traditionnelle africaine. Je leur sais gré d’avoir tenu à s’associer à cette cérémonie d’accueil, qui prélude à un événement marquant pour leurs compatriotes catholiques.

3. My greetings also go to the English-speaking people of Cameroon and of other countries of Africa who have joined us today. The African Synod is an expression of the maturity of the Catholic Church in Africa and a call to proclaim the Gospel with ever greater fervour. May the Synod inspire in everyone a fuller appreciation of Africa’s immense spiritual resources and build understanding, co-operation and friendship among all committed to the future of this Continent.

4. Très spécialement, je voudrais dire mon affection à l’Église catholique qui est au Cameroun. Je salue les Pasteurs qui sont venus à ma rencontre; je les remercie de m’accueillir et d’accueillir un grand nombre de membres du Synode. J’offre aux prêtres et aux diacres, aux religieux et aux religieuses, aux catéchistes et à tous les laïcs, mes souhaits cordiaux et mes encouragements. Je pense en ce moment à vos diocèses, à vos paroisses, à vos diverses communautés, à vos écoles, à vos oeuvres d’entraide, qui témoignent de la vitalité de l’Église fondée sur cette terre voici à peine plus d’un siècle. Je souhaite que vous demeuriez avec désintéressement au service de vos frères, comme le demande l’Évangile. Et je souhaite que votre place dans la société camerounaise soit toujours mieux reconnue; ainsi, j’espère que les familles auront la possibilité d’assurer dans les meilleures conditions l’éducation générale et l’éducation religieuse de leurs enfants dans l’école de leur choix, que les jeunes bénéficieront de la formation professionnelle qui leur permettra d’entrer dans la vie active; j’apprécie aussi les efforts déployés par les membres de l’Église pour animer des centres de santé ouverts à leurs compatriotes malades de toutes religions.

Je tiens à vous dire que je partage votre inquiétude devant l’insécurité et la violence subies par certains d’entre vous. Parmi eux, j’évoque avec émotion la mémoire de Monseigneur Yves Plumey, ancien archevêque de Garoua, ce pasteur vénéré qui avait tant fait pour l’Église au nord du Cameroun, assassiné il y a quatre ans dans des circonstances encore inexpliquées. Que le don de ces vies généreuses soit fécond, comme le grain tombé en terre!

Les catholiques du Cameroun, je le sais, désirent sincèrement participer à la vie nationale en oeuvrant pour le bien commun. Il est satisfaisant de voir confirmer par l’État la valeur de certaines de leurs initiatives, comme le montre l’accord récent pour la reconnaissance des diplômes délivrés par l’Institut catholique de Yaoundé. Je vois là un signe positif de la collaboration naturelle entre les catholiques et tous ceux qui composent la nation, dans le respect mutuel des convictions différentes et de la liberté de conscience et de religion.

5. Monsieur le Président, je suis heureux de voir votre pays accueillir la première étape des célébrations du Synode, grâce à l’invitation que vous m’avez adressée. Je vous remercie encore de votre accueil et des dispositions que vous avez bien voulu prendre pour faciliter mon séjour dans la capitale du Cameroun.

Que Dieu bénisse le Cameroun!

Que Dieu bénisse l’Afrique tout entière!



LORS DE LA PREMIÈRE SESSION CÉLÉBRATIVE DE L’ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR L’AFRIQUE DU SYNODE DES ÉVÊQUES

Yaoundé (Cameroun), Vendredi 15 septembre 1995



Messieurs les Cardinaux,
Chers Frères dans l’Épiscopat,
Chers amis,

1. Loué soit Jésus Christ! Loué soit le Verbe de Dieu, car «tout a été fait par Lui», car il est «la lumière véritable qui éclaire tout homme», car «à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu»[1]!

Nous rendons grâce à Dieu pour l’Église enracinée sur la terre d’Afrique, Famille des membres du Corps du Christ. Nous rendons grâce à Dieu pour l’Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Évêques qui est un beau fruit de la maturité de l’Église dans ce continent. Dans l’espérance, nous célébrons la conclusion de ces assises dont l’Évêque de Rome est heureux de porter ici les appels aux fils et aux filles de la Famille de Dieu qui est en Afrique. Recevez aujourd’hui les réflexions et les consignes qui composent l’Exhortation post-synodale. Pasteurs et fidèles, soyez les témoins du Christ, engagés avec une ardeur renouvelée dans la mission évangélisatrice de l’Église vers l’An 2000!

2. Je tiens à dire ma gratitude à tous ceux qui ont permis que l’Assemblée synodale – profondément solidaire des peuples marqués par trop d’épreuves et témoin des merveilles accomplies par Dieu parmi vous – reflète la foi, l’espérance et l’amour qui animent l’Église en Afrique. Dans cette cathédrale, je remercie le Cardinal Christian Tumi et les Évêques qui ont pris la parole: ils ont rendu compte avec ferveur de l’intense expérience de communion que furent les travaux du Synode et ils ont présenté l’Exhortation dans laquelle je reprends les orientations proposées par les Pères.
Je salue les croyants des autres confessions chrétiennes et je les remercie de marquer leur intérêt à notre Assemblée par leur présence et par les paroles de leur représentant.

J’adresse aussi un cordial salut aux croyants de l’Islam et à ceux de la religion traditionnelle africaine, en leur disant ma gratitude pour la part qu’ils prennent à l’événement qu’est le Synode pour l’Église catholique en Afrique.

3.

...

4.

… 5. Parmi les thèmes de réflexion du Synode, une grande attention a été naturellement accordée à l’inculturation. Il s’agit au fond, pour les peuples du monde, de recevoir le Fils de Dieu fait homme, par qui la nature de l’homme «a été élevée à une dignité sans égale», Lui qui «s’est en quelque sorte uni à tout homme», Lui qui, «par son sang librement répandu, nous a mérité la vie», Lui en qui «Dieu nous a réconciliés avec lui-même et entre nous»[2]. Ces paroles essentielles du Concile Vatican II nous guident quand nous réfléchissons à la démarche de l’inculturation.

Tout homme est appelé à accueillir le Christ dans sa nature profonde. Tout peuple est appelé à l’accueillir avec toute la richesse de son héritage. De tout son être, la personne humaine aimée et sauvée par le Christ se laisse saisir par sa présence et se laisse purifier par l’Esprit. C’est une rencontre transformante, car l’amour change celui qui reçoit le Seigneur. Et Jésus vient avec grandeur et humilité fraternelle en même temps; par sa présence, il enrichit ce qui est bon dans l’homme et change ce qui reste d’impur. J’évoquais à la Messe la parabole des sarments de la vigne: l’inculturation véritable a lieu quand les vivants sarments se laissent greffer sur le cep qu’est le Christ et émonder par le vigneron qu’est le Père.

La richesse de cette rencontre avec le Christ qu’est l’inculturation vient du don unique de la Rédemption, accueilli avec toutes les ressources de l’être rétabli dans sa dignité: le message du salut est prononcé dans toutes les langues des peuples; les gestes et l’art de toutes les cultures expriment leur réponse priante aux appels à la sainteté; dans les diverses étapes de la vie, du travail, de la solidarité sociale, il y a fécondation des traditions diverses par la Parole de Dieu et par la grâce.
Dès l’origine du christianisme, il y eut une inculturation de la part des peuples qui se convertissaient à l’Évangile et chez qui s’implantait l’Église. Cette route continue; d’âge en âge, l’Église reflète dans la diversité la présence du Ressuscité: d’innombrables disciples sont illuminés par les dons de la sainteté. Aujourd’hui, vous bénéficiez des richesses de l’unique fondation apostolique et des apports qui constituent la Tradition vivante; à votre tour, membres jeunes et féconds de la Famille de Dieu, poursuivez la construction du Corps du Christ, acceptez les purifications nécessaires et apportez le meilleur de la culture africaine pour embellir encore le visage de l’Église[3]!

6. Pour que le message chrétien soit bien entendu par les Africains et pour que la vie de vos Églises soit orientée en toute fidélité au Seigneur, je voudrais souligner le rôle de la théologie. Je le fais d’autant plus volontiers que nous nous trouvons non loin de l’un des grands centres universitaires catholiques de ce continent. L’oeuvre théologique est sans cesse à poursuivre, à approfondir. Elle contribue évidemment à l’inculturation; à cet égard le Synode a indiqué plusieurs champs d’investigation où le travail est urgent[4].

L’Afrique a déjà donné à l’Église universelle, je le rappelais ce matin, de hautes figures de la pensée chrétienne. Leur exemple montre que l’on ne peut dissocier la réflexion de la foi vécue: de fait, les plus grands théologiens, témoins de la Tradition, sont aussi des saints. La recherche s’appuie nécessairement sur tous les moyens dont disposent les sciences, mais sans jamais oublier qu’il s’agit de scruter le sens d’une Parole de vie qui est le don de Dieu dans la Personne du Verbe incarné. La recherche se met au service des Églises particulières, mais pour qu’elles prennent part, avec leurs dons propres, à la mission évangélisatrice de toute l’Église. La satisfaction du théologien est sans doute de réaliser une oeuvre avec toute son intelligence, mais sa vraie joie n’est-elle pas de permettre à ses frères de découvrir le salut dans le Christ, de mieux diriger leur vie et de devenir des témoins avisés et convaincants de l’Évangile[5]?

7.

… 8.

… 9. Je voudrais donc faire entendre au Peuple de Dieu qui est en Afrique, en communion avec le Synode qui a rassemblé vos pasteurs, un appel au dialogue entre chrétiens, entre croyants des différentes religions, et entre peuples et nations. Le dialogue, animé par un esprit réellement fraternel et respectueux de tous, suppose que tous aient le désir de surmonter ce qui oppose et qui divise. On se heurte au péché qui sépare, à l’hostilité et même à la haine qui précipitent tant de nations dans le malheur. Frères et Soeurs d’Afrique, laissez-vous réconcilier avec Dieu pour que la réconciliation des hommes engendre la paix! Inlassablement pardonnez, comme Dieu pardonne inlassablement. Que les adversaires redécouvrent qu’ils sont en vérité des frères! Nous pensons tous ici aux blessures vives qui déchirent l’Afrique. Dieu veuille étendre sur cette terre sa miséricorde! Puisse l’Esprit d’amour et de sainteté remplir tous les coeurs[9]!

10. En d’autres lieux, les jours prochains, les célébrations du Synode se poursuivront et seront l’occasion de faire entendre de nouveaux appels. En ce jour, à Yaoundé, en présence des Pères synodaux de vingt-cinq pays du continent, le Successeur de Pierre exhorte l’Église en Afrique à remplir avec courage sa mission d’évangélisation. Dans les difficultés et les peines, l’appui des Églises soeurs du monde entier ne lui manquera pas. Et je tiens à dire que, par le dynamisme missionnaire qui est désormais le sien, elle apporte aux Églises soeurs d’autres régions du monde un exemple stimulant et déjà une aide réelle. Rendons grâce pour ces échanges de dons!

Afrique bien-aimée, malgré la pauvreté et la souffrance qui trop souvent pèsent sur toi, avance sur ta route avec confiance!

Peuples de cette terre bien-aimée, vous qui avez tant d’amour de la vie et qui puisez dans votre héritage antique des dons si précieux, ouvrez plus largement vos coeurs à la Bonne Nouvelle du Christ! Église bien-aimée qui es en Afrique, toi qui portes des fruits de sainteté, toi qui aimes vénérer et prier la Mère du Sauveur, chante la louange du Seigneur de gloire, «Celui qui est, qui était et qui vient»[10], le Créateur et Père de miséricorde, le Fils venu ouvrir le chemin du salut, l’Esprit de Sagesse éternelle! Amen.


[1] (Jn 1,3 Jn 1,9 Jn 1,12).
[2] Gaudium et Spes, (GS 22).
[3] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Ecclesia in Africa, ().
[4] Cfr. ibid., ().
[5] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Ecclesia in Africa, ().
[6] Nostra Aetate, (NAE 1).
[7] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Ecclesia in Africa, ().
[8] Ap 3,22; cfr. Ioannis Pauli PP. II Ecclesia in Africa, ().
[9] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Ecclesia in Africa, ().
[10] (Ap 1,4).



CÉRÉMONIE DE CONGÉ

Aéroport international de Nsimalen à Yaoundé, Samedi 16 septembre 1995



Monsieur le Président de la République,
Mesdames, Messieurs les Représentants des Autorités,
Messieurs les Cardinaux,
Chers Frères dans l’Épiscopat,
Chers amis Camerounais,

1. Au terme de la première étape de mon voyage en Afrique, je vous suis reconnaissant d’être venus courtoisement m’accompagner jusqu’ici. Monsieur le Président, recevez l’expression de ma gratitude pour toutes les attentions dont vous avez entouré mon séjour à Yaoundé. Et veuillez assurer de ma reconnaissance vos collaborateurs et les services qui ont permis le bon déroulement de cette visite en veillant à ce que les rassemblements aient lieu dans les meilleures conditions.

Vous me permettrez d’assurer aussi de ma cordiale reconnaissance les journalistes de la presse écrite et de la presse audio-visuelle; je les remercie d’avoir donné à de nombreux Camerounais, comme à beaucoup d’autres personnes au-delà des frontières, la possibilité de s’associer aux moments marquants de cette visite pastorale.

En quittant ce pays, ce carrefour situé au coeur du continent africain, je tiens à saluer encore tous ses habitants. Chers amis camerounais, les circonstances ne me permettaient pas de vous rencontrer dans vos régions, vos villes et vos villages. Mais recevez tous mon message de cordiale amitié!

Je voudrais m’adresser spécialement aux plus démunis d’entre vous que j’aimerais réconforter; je pense aux isolés, à toutes les personnes qui souffrent dans leur coeur et dans leur corps; j’ai aussi une pensée pour les détenus à qui je souhaite de pouvoir retrouver dans une sérénité renouvelée leur place dans la société.

Je salue les familles qui assurent leurs tâches avec courage; elles méritent que la société reconnaisse leur indispensable rôle pour le bien de tous. J’adresse à nouveau mes voeux aux jeunes, afin qu’ils construisent leur avenir de manière positive, ouverts à la dimension spirituelle de la vie, gardant toujours le souci d’être utiles à leurs frères.

Mes souhaits vont aussi aux hommes et aux femmes qui portent des responsabilités dans la vie publique et dans la vie économique. J’espère qu’ils pourront contribuer à lever les obstacles qui ralentissent encore un développement dont tous leurs compatriotes doivent pouvoir bénéficier.

2. J’adresse un merci tout particulier à Monsieur le Cardinal Christian Tumi, à Monseigneur Jean Zoa, Archevêque de Yaoundé, et à tous les Évêques de ce pays, pour l’accueil merveilleux qu’ils m’ont réservé. Et ma gratitude s’étend à tous ceux qui ont collaboré à l’organisation des célébrations d’hier. Je garde un souvenir inoubliable de la foule fervente qui a participé à la Messe solennelle, sommet de cette rencontre avec l’Eglise qui est en Afrique. Vous avez su, chers amis, exprimer votre foi et votre espérance avec toute la richesse de vos qualités naturelles, avec le meilleur de votre culture. Merci pour cette ardente manifestation de la communion de l’Église en Afrique avec le Successeur de Pierre et avec toute l’Église universelle.

Et je voudrais dire encore combien j’ai été sensible à la présence de représentants des autres confessions chrétiennes et des autres traditions religieuses. Ils ont donné un signe éloquent de l’ouverture d’esprit et du respect mutuel qui doivent présider au libre dialogue des croyants de différentes appartenances. Je souhaite que ce dialogue s’approfondisse dans la vie de chaque jour, dans la collaboration pour l’entraide fraternelle, de même que pour la réflexion d’ordre spirituel.

3. Mes encouragements s’adressent en particulier aux prêtres, aux religieux et aux religieuses de l’Église catholique. Vous êtes, chers amis, l’un des plus beaux signes vivants de la maturité à laquelle parviennent vos communautés. Vous portez une grande responsabilité pour conduire et animer paroisses et groupes. Beaucoup comptent sur votre témoignage généreux et désintéressé de serviteurs fidèles de Dieu et de l’Église. Respectez les engagements que vous avez pris en répondant aux appels du Seigneur. Par le rayonnement de votre foi, par votre enseignement éclairé et par l’exemple de votre persévérance, aidez les membres de l’Eglise à bâtir ensemble des communautés unies et ferventes.

À toute l’Église catholique au Cameroun, je souhaite que la célébration du Synode pour l’Afrique soit le point de départ d’un élan nouveau. Frères et Soeurs, entendez les appels que vous adresse l’Évêque de Rome uni à vos Évêques. Vivez sincèrement ce que vous croyez, soyez des chrétiens fidèles, ouverts et fraternels dans tout votre être et dans tous les moments de votre vie!

4.

… 5. Monsieur le Président, en prenant congé, je vous renouvelle mes remerciements et mes voeux. Que le Cameroun prenne avec tout son dynamisme sa part dans le développement de ce continent africain qui m’est si cher! Que tous les Camerounais connaissent le bonheur de vivre dans une entente fraternelle et de réaliser la prospérité d’une société toujours plus heureuse!
Que Dieu tout-puissant et miséricordieux bénisse votre patrie!



Discours 1995 - Résidence de l'Archevêque de Malines-Bruxelles, Dimanche 4 juin 1995