Discours 1996 - Vendredi 8 mars 1996


AUX PARTICIPANTS À LA IIe SESSION PLÉNIÈRE DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES SOCIALES

Salle du Consistoire, Vendredi 22 mars 1996



Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Académiciens,

1. La deuxième session plénière de l'Académie pontificale des Sciences sociales, par laquelle vous inaugurez le travail normal de votre institution après une première période d'organisation, me donne l'occasion de vous exprimer toute ma gratitude. Mes remerciements s'adressent tout d'abord à vous, Monsieur le Président, pour vos paroles courtoises. Je tiens à vous dire toute mon estime, car vous veillez à mettre en place une méthode de travail rigoureuse et une collaboration intense entre les membres de l'Académie, pour favoriser une recherche fructueuse. J'adresse mes salutations cordiales à tous les membres de votre nouvelle institution; je les remercie d'avoir accepté de scruter, avec compétence et avec une grande disponibilité intellectuelle, les réalités sociales modernes, dans le but d'aider l'Église à remplir sa mission auprès de nos contemporains.

2. Constatant l'augmentation rapide des inégalités sociales, entre le Nord et le Sud, entre les pays industrialisés et les pays en voie de développement, mais aussi au sein même des nations habituellement considérées comme riches, vous avez choisi comme premier thème de réflexion celui de l'emploi. Cela est particulièrement opportun dans la société contemporaine où les bouleversements politiques, économiques et sociaux nécessitent une nouvelle répartition du travail. J'apprécie ce choix, qui répond à un souci constant de l'Église; comme je le rappelais dans l'encyclique Laborem Exercens, par le travail, « non seulement l'homme transforme la nature en l'adaptant à ses propres besoins, mais encore il se réalise lui-même, comme homme et même, en un certain sens, il devient plus homme » [1]. Cette préoccupation était l'un des axes de l'encyclique Rerum Novarum, où Léon XIII affirmait avec force que, dans la vie économique, il est primordial de respecter la dignité de l'homme [2].

Dans votre démarche, vous prenez soin de relier la Doctrine sociale de l'Église avec les aspects scientifiques et techniques. Vous manifestez ainsi le véritable statut de la Doctrine sociale, qui n'a pas de propositions concrètes à présenter et qui ne se confond pas « avec des attitudes tactiques ni avec le service d'un système politique » [3]. L'Église n'entend pas se substituer aux Autorités politiques ni aux décideurs économiques, pour engager des actions concrètes qui relèvent de leurs compétences ou de leur responsabilité dans la gestion du bien public. Le Magistère veut rappeler les conditions de possibilité, sur le plan anthropologique et éthique, d'une démarche sociale qui doit placer en son centre l'homme et la collectivité, pour que chaque personne s'épanouisse pleinement. Il offre « des principes de réflexion, des critères de jugement et des directives d'action », manifestant que la Parole de Dieu s'applique à «la vie des hommes et de la société comme aussi aux réalités terrestres qui s'y rattachent » [4].

3. C'est donc d'abord une anthropologie qui appartient à la longue tradition chrétienne que les scientifiques et les responsables de la société doivent pouvoir accueillir; car « toute action sociale engage une doctrine » [5]. Cela n'exclut pas la pluralité légitime des solutions concrètes, dans la mesure où les valeurs fondamentales et la dignité de l'homme sont respectées. L'homme de science ou celui qui a une responsabilité dans la vie publique ne peut fonder son action uniquement sur des principes tirés des sciences positives; ceux-là font abstraction de la personne humaine, mais considèrent les structures et les mécanismes sociaux. Ils ne peuvent pas rendre compte de l'être spirituel de l'homme, de son désir profond de bonheur et de son devenir surnaturel, dépassant les aspects biologiques et sociaux de l'existence. S'en tenir à cette attitude, légitime comme instance épistémologique serait traiter l'homme « comme un instrument de production »[6]. Tout ce qui a trait au Bien, aux valeurs et à la conscience excède la démarche scientifique et relève de la vie spirituelle, de la liberté et de la responsabilité des personnes qui, de par leur nature, sont portées à rechercher le bien.

De ce fait, la prospérité et la croissance sociales ne peuvent se réaliser au détriment des personnes et des peuples. Si le libéralisme ou tout autre système économique ne privilégie que les possesseurs de capitaux et ne fait du travail qu'un instrument de production, il devient source de graves injustices. La concurrence légitime, qui stimule la vie économique, ne doit pas aller contre le droit primordial de tout homme à avoir un travail qui puisse le faire vivre avec sa famille. Car, comment une société peut-elle se juger riche si, en son sein, de nombreuses personnes manquent du nécessaire vital? Tant qu'un être humain sera blessé et défiguré par la pauvreté, c'est, d'une certaine manière, toute la société qui en sera blessée.

4. En ce qui concerne le travail, tout système économique doit avoir comme principe premier le respect de l'homme et de sa dignité. « Le but du travail... reste toujours l'homme lui-même » [7]. Il convient de rappeler à ceux qui, à un titre ou à un autre, sont des pourvoyeurs d'emplois les trois grandes valeurs morales du travail. Tout d'abord, le travail est le moyen principal d'exercer une activité spécifiquement humaine. Il est « dimension fondamentale de l'existence humaine, par laquelle la vie de l'homme est construite chaque jour, où elle puise sa propre dignité spécifique » [8]. C'est aussi pour toute personne le moyen normal de couvrir ses besoins matériels et ceux de ses frères placés sous sa responsabilité. Mais le travail a encore une fonction sociale. Il est un témoignage de la solidarité entre tous les hommes; chacun est appelé à apporter sa contribution à la vie commune et aucun membre de la société ne devrait être exclu des circuits du travail ni marginalisé. Car l'exclusion des systèmes de production entraîne presque inéluctablement une exclusion sociale plus large, avec en particulier des phénomènes de violence et des fractures familiales.

Dans la société contemporaine où l'individualisme est de plus en plus fort, il importe que les hommes prennent conscience que leur action personnelle la plus humble et la plus discrète, en particulier dans le monde du travail, est un service de leurs frères en humanité et une contribution au bien-être de la communauté tout entière. Cette responsabilité relève du devoir de justice. En effet, chacun reçoit beaucoup de la société et il doit être en mesure de donner à son tour, en fonction des talents qui sont les siens.

5. L'absence de travail, le chômage et le sous-emploi conduisent beaucoup de nos contemporains, dans les sociétés industrielles comme dans les sociétés à économie traditionnelle, à douter du sens de leur existence et à désespérer de l'avenir. Il convient de reconnaître que, pour que le progrès soit vraiment au service de l'homme, il faudrait que tous les hommes soient organiquement insérés dans les processus de production ou de service du corps social, afin d'en être les auteurs et d'en partager les fruits. Cela est particulièrement important pour les jeunes qui souhaitent justement gagner leur vie, s'insérer dans le tissu social et fonder une famille. Comment peuvent-ils prendre confiance en eux et être reconnus par autrui si les moyens ne leur sont pas donnés de s'insérer dans les réseaux professionnels? Dans les périodes où le plein emploi n'est plus possible, l'État et les entreprises ont le devoir de réaliser une meilleure répartition des tâches entre tous les travailleurs. Les institutions professionnelles et les travailleurs eux-mêmes doivent savoir, pour le bien de tous, accepter ce partage et peut-être une perte relative d'avantages acquis. C'est un principe de justice humaine et de morale sociale tout autant que de charité chrétienne. Personne ne peut raisonner dans une perspective purement individualiste ou dans un esprit trop fortement corporatiste; chacun est invité à tenir compte de l'ensemble de ses frères. Il convient donc d'éduquer nos contemporains, afin qu'ils puissent prendre conscience du caractère limité de la croissance économique, pour ne pas induire la perspective erronée et illusoire que semble offrir le mythe du progrès permanent.

6. Vous avez souhaité élargir votre recherche à ses implications politiques et: démographiques. Vos appréciations sur la situation internationale seront une contribution précieuse pour faire apparaître les nombreux facteurs liés au développement économique. Devant la mondialisation des problèmes, j'apprécie votre souci de proposer une démarche qui tienne davantage compte de la répartition démographique du travail, et de la situation des pays en voie de développement qui ne peuvent pas être ignorés dans le choix des stratégies internationales; devant les difficultés qu'ils rencontrent dans leurs lentes transitions politiques et économiques, on ne peut se désolidariser.

7. Mesdames et Messieurs les Académiciens, à l'occasion de votre deuxième session plénière, je tiens à vous renouveler ma confiance et mon estime. L'Église compte sur vous poux être éclairée dans des domaines où se font de plus en plus sentir l'urgence et la nécessité de décisions qui ouvriront un avenir plus solidaire et plus fraternel au sein des nations et entre tous les peuples de la terre. En vous exprimant mes voeux fervents pour vos travaux, j'invoque sur vous l'assistante de l'Esprit de vérité et les Bénédictions du Seigneur.

[1] N. (LE 9).
[2] Cf. n. 32.
[3] Pauli VI, (Evangelii nuntiandi, n. EN 38).
[4] (Sollicitudo rei socialis, n. SRS 8).
[5] Paul VI, (Populorum progressio PP 39).
[6] Pie XI, Quadragesimo anno.
[7] (Laborem Exercens LE 6).
[8] Ibid., n. I, (LE 1).

Avril 1996

AU GROUPE DE SPIRITUALITÉ DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES DE FRANCE

Salle du Consistoire, Mardi 2 avril 1997




Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

l. Je suis heureux de vous accueillir au cours de votre pèlerinage à Rome, sur la tombe des Apôtres Pierre et Paul. Vous effectuez cette démarche dans une période liturgique importante pour la vie spirituelle et pour l'action que tout chrétien est appelé à mener dans ses responsabilités quotidiennes.

Le nom de votre association, Groupe de Spiritualité des Assemblées parlementaires, rappelle que toute responsabilité chrétienne s'enracine dans la rencontre personnelle avec le Christ, qui unifie l'être et oriente l'action. Pour un chrétien engagé dans la vie publique, l'Évangile est une puissance inspiratrice de l'action politique. Et, dans la perspective de Pâques, nous sommes invités à une démarche spirituelle radicale; en prenant exemple sur le Christ, il nous faut nous dépouiller de toute vaine gloire, pour nous dépenser sans compter pour nos frères, car il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l'on veut servir [1]. Aussi, en contemplant la vie, la mort et la Résurrection du Fils de Dieu, trouverez-vous le sens profond de votre mission: elle est un engagement évangélique pour l'homme, auquel le Seigneur fait confiance, au-delà du péché qui l'habite. Il remet entre ses mains la conduite de la Création. Cette confiance ouvre à l'espérance. Elle est le moteur de l'action droite, en vue d'édifier la cité présente, illuminée par l'espérance de la cité future.

2. Tenant votre mandat de vos électeurs, votre mission primordiale est de servir l'ensemble nationale du peuple français et tous ceux qui sont accueillis sur le sur le territoire national, en vous fondant sur les principes spirituels et moraux qui viennent du christianisme. Dès les origines de l'Église, saint Paul, écrivant à Philémon, énonçait la valeur chrétienne fondamentale de la fraternité dans les relations entre les personnes, particulièrement importante dans la gestion du bien commun; il lui demandait en effet de recevoir désormais Onésime, qui fut son esclave et qui s'était enfui, « comme un frère très cher » [2]. La vie publique est ainsi un service des frères, pour que, sans que le statut social de chacun ne soit nécessairement changé, triomphent la justice et la charité, et que se réalise un autre mode de relations, fondées sur la dignité naturelle de tout être humain, sur la filiation divine et sur l'alliance, qui est la modalité première et la compréhension pratique des relations des hommes entre eux et de leur confiance mutuelle.

3. Dans votre activité d'hommes politiques, vous avez à coeur d'être attentifs â tous vos concitoyens, aux détresses auxquelles ils peuvent être confrontés dans ce monde où la crise économique atteint de plus en plus de personnes et contribue à de nombreuses ruptures familiales. Le législateur est appelé à favoriser pour l'ensemble de ses compatriotes un « bien vivre en homme », matériellement, moralement et spirituellement, condition pour que se réalisent l'unité et la fraternité nationales. Comme le soulignait Jacques Maritain, même si l' l'homme n'est pas totalement ordonné à la communauté politique, « la raison d'être de l'État est de l'aider à une conquête... d'une vie véritablement humaine » personnelle et collective [3]. Parce que la vie politique consiste aussi à penser l'universel, les Pouvoirs publics doivent s'attacher à promouvoir toutes les formes de solidarité au sein d'un pays, mais aussi entre les nations. Par sa tradition démocratique, la France a le devoir d'aider les États encore fragiles à se doter d'institutions nationales qui leur permettent d'avoir une forme de gouvernement stable et un développement harmonieux.

Parmi vos missions, une des plus importantes est sans doute le perfectionnement permanent du corpus législatif, pour que les lois soient au service de la vie et au service de toutes les personnes. Une législation positive ne peut être constituée indépendamment du respect de la loi naturelle et des valeurs morales fondamentales; au nom du principe démocratique, on ne peut pas bafouer la dignité inaliénable de tout être humain. L'État se doit aussi de respecter la conscience humaine. En effet, la raison et la conscience morales sont deux éléments essentiels du pacte social et de la confiance nécessaires à la vie en société. Le relativisme éthique est un danger pour la démocratie [4]. Ainsi que je l'écrivais dans l'Encyclique « Centesimus Annus », « une démocratie sans valeurs se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois » [5].

4. Dans le service de vos frères, il vous appartient de manifester une haute forme de désintéressement, c'est-à-dire non seulement ne pas rechercher votre intérêt ou ne pas privilégier quelques personnes, mais surtout faire prévaloir la vie fraternelle et la solidarité, faire triompher la paix sociale, engager inlassablement le dialogue et la négociation avec toutes les composantes de la société pour que chacun voie ses droits reconnus et que les conflits soient réglés pacifiquement. Cela doit s'accompagner du souci de la vérité et du sens de la responsabilité personnelle.

Comme le soulignait déjà Aristote [6], la conduite des affaires publiques exige de la part des dirigeants, et cela est a fortiori vrai pour ceux qui sont chrétiens, une vie personnelle de probité et de rectitude, avec le souci de la vérité et de la transparence dans l'administration; c'est d'abord un témoignage courageux, qui permet de gagner loyalement la confiance du peuple, et la manifestation que votre mission est essentiellement un service du bien commun et de l'homme.

5. Il vous appartient aussi d'être attentifs à l'éducation du sens civique et des valeurs morales de vos compatriotes, particulièrement des jeunes générations. Tous seront ainsi en mesure de participer activement à la vie associative, expression du principe de subsidiarité, dans les différents rouages de la société. Ils manifesteront toujours plus leur solidarité par des actes concrets et ils accepteront ce qui peut contribuer au bien commun, même si cela comporte des exigences.

Au terme de notre rencontre, mon coeur se tourne vers les catholiques de France que je m'apprête à visiter en septembre prochain, pour m'associer à leur prière et à la célébration de grands événements de la tradition spirituelle de votre pays. Invoquant sur vous l'assistance de l'Esprit Saint, pour qu'il vous aide toujours à vivre en conformité avec l'Évangile et à mettre les valeurs chrétiennes au coeur de votre action quotidienne, je vous accorde volontiers ma Bénédiction Apostolique, ainsi qu'à vos familles.


[1] Cfr. (Jn 15,12-14).
[2] Phm 1,16.
[3] Jacques Maritain, Christianisme et démocratie, p. 57.
[4] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Veritatis Splendor, (VS 101).
[5] Eiusdem Centesimus Annus, (CA 46).
[6] Cfr. Aristotelis Ethica ad Nicomachum, I, 3, 1095, aa. 2-8.



DISCOURS DE SA SAINTETÉ JEAN-PAUL II AUX CHEFS DES FORCES DE POLICE DES PAYS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE

Mardi 2 avril 1996



Ladies and Gentlemen,

… Certes, il appartient aux Autorités politiques de prendre les décisions qui s'imposent pour refaire et affermir le tissu social, afin que chacun soit reconnu et aimé par ses frères, quelque soient sa position et son statut dans la société. Tout en poursuivant la répression contre toutes les formes de crime et d'actes contraires aux règles de la morale communautaire la plus élémentaire, vos services sont aussi appelés à privilégier la prévention et l'éducation civique, par la proximité avec l'ensemble du peuple, afin de faire découvrir à tous la beauté et la joie des relations conviviales qui supposent des droits et des devoirs. Les jeunes, en particulier, doivent retenir toute votre attention. Leur fragilité personnelle et les difficultés de nombreuses familles font d'eux une proie facile pour ceux qui veulent en tirer profit, par l'attrait illusoire de l'argent et de la violence gratuite ou par des plaisirs faciles. Les jeunes entrent parfois très rapidement dans la délinquance et les aider à en sortir demande une longue patience et un sens pédagogique profond, pour qu'ils puissent réintégrer les réseaux relationnels et trouver leur place dans la société, en particulier dans les zones défavorisées des villes.

Le souci de l'ordre public et des droits de l'homme sont des éléments fondamentaux de l'harmonie sociale. Les services de police ont la charge d'offrir à leurs concitoyens une terre où il est possible de vivre en sécurité et où tous soient respectés dans leur dignité de personne humaine. Ils sont les garants du respect de la loi édictée par un État, fondement du pacte social, pour que la justice soit égale pour tous; mais, dans le même temps, chacun doit pouvoir bénéficier des droits qui garantissent son intégrité personnelle et sa défense. Votre mission auprès des hommes est donc un véritable service de la société.

En vous souhaitant des travaux fructueux, pour le bien de tous vos compatriotes et pour l'affermissement des relations entre les personnes au sein de la Communauté européenne, je vous accorde bien volontiers ma Bénédiction Apostolique, ainsi qu'à tous les policiers que vous représentez et aux membres de vos familles.






DISCOURS DE SA SAINTETÉ JEAN-PAUL II AUX JEUNES PARTICIPANT AU CONGRÈS « UNIV '96 »

Mardi 2 avril 1996




Carissimi universitari!

… 3. Chers amis, il importe de communiquer pour apprendre à vivre et de vivre dans la communion pour apprendre à communiquer. Transposé pour la vie spirituelle, cela signifie qu'il faut accueillir Dieu qui se donne et se donner à son tour à Dieu, en se mettant à l'école de Celui qui est l'Amour, pour vaincre tout égoïsme.

La contemplation de la Passion du Seigneur, à laquelle nous sommes invités par la liturgie des jours saints, nous aide à pénétrer dans le mystère de communion auquel Dieu nous appelle: mort sur la croix et ressuscité par la puissance de Dieu, le Christ nous plonge, par le baptême, dans sa mort, pour nous faire participer à sa résurrection. Dans le sacrement de Pénitence, par la grâce vivifiante du pardon, il vient au secours de nos faiblesses qui demeurent; dans l'Eucharistie, il se fait notre nourriture, pour nous soutenir dans notre marche sur les routes du monde et pour nous donner la force, afin que nous puissions rendre témoignage à l'Évangile. L'homme racheté est engagé dans une dynamique complexe. Dieu ne se contente pas d'une réponse partielle.

Il veut l'engagement de tout l'être. La communion à laquelle il nous invite ne se réalise pas seulement en paroles; elle ne peut pas non plus rester du domaine des sentiments; quelques gestes de générosité ne suffisent pas pour satisfaire les exigences qui surgissent pour celui qui a été régénéré ontologiquement par le Christ. Le discours de l'Apôtre Paul à ce sujet est très clair: par le baptême, nous avons été régénérés, « pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, de même que le Christ, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d'entre les morts » [1].

[1] (Rm 6,4).
[2] B. Josemaría Escrivá de Balaguer, É Cristo que passa, n. 122.



À UN GROUPE DE JEUNES DE L'ARCHIDIOCÈSE DE ROUEN

Salle Clémentine, Samedi 13 avril 1996



Cher Frère dans l'Épiscopat,
Chers amis,

l.. Je suis vraiment heureux de vous accueillir, jeunes du diocèse de Rouen, dans cette maison du successeur de Pierre. Et je remercie votre Archevêque, Monseigneur Joseph Duval, de m'avoir présenté votre groupe nombreux et enthousiaste.

Vous êtes venus à Rome, « à la découverte de l'Église ». Votre pèlerinage vous conduit auprès des tombeaux des Apôtres, parce que Pierre et Paul sont les disciples de Jésus vivant, le Ressuscité que nous acclamons en ce temps pascal, et parce qu'ils sont les véritables colonnes de l'Église.

2. Saint Paul a achevé en cette ville le long itinéraire de ses missions; il a su entrer en dialogue avec les hommes de son temps; il a su témoigner inlassablement de la rencontre décisive de sa vie, celle du Christ, lumière pour les nations, Sauveur du monde. Ayez, vous aussi, l'assurance de l'Apôtre qui disait: « je sais en qui j'ai mis ma confiance » [1].Conscient de sa faiblesse, Paul a eu la force d'être un témoin fidèle et audacieux, parce qu'il comptait plus sur la présence du Seigneur en lui que sur ses propres capacités. Je vous invite à faire confiance au Christ, comme saint Paul qui était totalement uni à Lui, pour développer les talents qui sont en vous et pour servir vos frères.

3. Pierre, vous le savez, n'avait pas suivi sans difficultés le Seigneur sur les routes de Galilée et de Judée. Mais, comme dit l'Évangile, il est « revenu » [2], pour affermir ses frères. Son humble fidélité dans l'amour de Jésus lui a valu de se voir confier la conduite de l'Église [3]. Il est venu à Rome où il a versé son sang comme Évêque de l'Église qui « préside â la charité » pour toutes les Églises répandues dans le monde. En ce temps de Pâques, retenez le message fort de la première Lettre de Pierre. Soyez les « pierres vivantes » jointes à la «pierre angulaire » qu'est le Christ pour bâtir l'Église [4]. Formez de vraies communautés de frères et soeurs, e en esprit d'union, dans la compassion, l'amour fraternel, la miséricorde, l'esprit d'humilité... » [5].

4. Plusieurs d'entre vous vont recevoir le sacrement de confirmation, dans une des catacombes qui rappellent le témoignage radical des martyrs des premières générations. Avec votre Évêque, je prie l'Esprit Saint de vous combler de ses dons, pour que vous soyez fidèles au Christ tout au long de votre route, membres de son Corps, et pour que vous répondiez généreusement aux appels qu'il vous adressera. Vos itinéraires serons divers, mais, comme le dit encore saint Paul, « en un seul Esprit nous avons tous été baptisés en un seul corps..., et tous nous avons été abreuvés d'un seul Esprit » [6].

5. Chers amis, poursuivez tout au long de votre vie la route de l'Église, dont j'ai souvent dit qu'elle est la route de l'homme! Demeurez fermes dans la foi, assurés dans l'espérance, unis dans la charité. Ce sont les voeux affectueux que je confie à Marie, la Mère de Jésus qui nous précède dans le pèlerinage de la foi.

De tout coeur, je vous donne la Bénédiction Apostolique.

[1] (2Tm 1,12).
[2] (Lc 22,31).
[3] Cfr. (Jn 21,15-19).
[4] (1P 2,4-6).
[5] Ibid. (1P 3,8).
[6] (1Co 12,13).


VOYAGE APOSTOLIQUE EN TUNISIE


CÉRÉMONIE DE BIENVENUE

Aéroport international de Tunis, Dimanche 14 avril 1996




Monsieur le Président de la République,
Mesdames, Messieurs les Représentants des Autorités de l'État,
Mesdames, Messieurs les Membres du Corps Diplomatique,
Chers amis,

1. C'est pour moi une joie réelle de venir dans votre beau pays de Tunisie, proche de Rome, riverain de la mer commune qu'est la Méditerranée. Je suis sensible à l'accueil que me réservent Monsieur le Président de la République et les personnalités qui ont tenu à se rassembler ici ce matin; je les remercie vivement de m'offrir cette occasion de rencontrer la communauté catholique vivant dans le pays et aussi de saluer cordialement tout le peuple tunisien.

2. J'aimerais dire tout d'abord mon estime à l'ensemble des Tunisiens, héritiers d'une longue histoire dont le prestige dépasse de loin leurs frontières. Je salue en eux un peuple à la haute tradition spirituelle, avec un grand respect pour sa croyance au Dieu unique, le Très-Haut, le Miséricordieux.

Au cours des dernières décennies, vous avez su accomplir de considérables progrès dans les domaines économiques et sociaux, sanitaires et éducatifs, pour ne mentionner que quelques aspects; tout cela manifeste bien les qualités de générosité et d'intelligence que vous avez su développer.

3. Dans le monde actuel, où nous voyons trop souvent que les réussites techniques et les différentes formes de la coopération internationale sont ralenties ou empêchées par des affrontements destructeurs, il importe au plus haut point que les pays entourant la Méditerranée parviennent à intensifier des échanges profitables à tous leurs habitants. Une certaine communauté de destin les invite à rechercher un dialogue responsable, franc et ouvert, avec la conviction qu'une entente durable entre les nations ne peut être fondée sur une logique marchande, mais qu'elle doit prendre en compte tous les aspects de la vie des peuples concernés. Dans le respect de l'originalité de chacun, la solidarité sera d'autant plus forte que seront reconnus les traditions sociales, les apports intellectuels et artistiques, de même que la dimension spirituelle, autant d'éléments qui font partie intégrante de la culture des peuples au sens le plus noble du terme. Dans les relations internationales, une conscience morale éclairée par la foi au Dieu Unique vite à éloigner tout risque de léser la dignité des personnes et des peuples concernés.

Dans ce bassin de la Méditerranée, tous souhaitent que ne cessent de se développer le dialogue et la coopération entre les pays du Nord et ceux du Sud, d'autant plus que l'histoire les a liés au long des siècles de bien des manières. La première exigence qui nous tient à coeur est évidemment celle de la paix, du renoncement à toute violence, à l'intérieur de chaque société comme entre les nations Pour sa part, l'Église catholique s'efforce d'y contribuer, car la paix, qui va de pair avec la justice et la fraternité, est un don essentiel que tous les hommes de bonne volonté doivent avoir à coeur de servir et de promouvoir. La Tunisie s'est forgé une forte tradition d'action en faveur de la paix, notamment au Moyen-Orient; je souhaite que ses efforts se poursuivent en ce sens, dans un dialogue constructif avec tous ses voisins.

4. Le but principal de ma visite, vous le savez, c'est de rencontrer les fidèles de l'Église catholique vivant en Tunisie. Dès mon arrivée, je salue avec affection Monseigneur Fouad Twal, Évêque de cette communauté, avant de rejoindre l'assemblée réunie à la cathédrale pour une liturgie solennelle. Les catholiques présents dans ce pays ont une grande diversité d'origines, de langues et de cultures, car ils proviennent de nombreuses nations. Mais je sais que, fidèles à l'Évangile, ils désirent être des partenaires loyaux de leurs frères et soeurs musulmans. Heureux d'être admis amicalement tels qu'ils sont, avec leur foi et leur pratique religieuse, ils désirent contribuer, selon la modestie de leurs moyens, à la vie sociale; en particulier, je salue ici leur souci de participer au développement, d'être des partenaires actifs et disponibles dans la vie culturelle et, avec prédilection, dans des tâches éducatives ou sanitaires auprès des plus défavorisés de leurs frères.

5. Monsieur le Président, je tiens à vous remercier d'avoir bien voulu m'inviter dans votre pays et d'avoir pris les dispositions nécessaires pour faciliter le déroulement de cette journée. Je vous offre mes voeux sincères pour votre personne, dans l'accomplissement de la haute mission que vous exercez au service de vos compatriotes. J'étends ces voeux aux dirigeants et à tout le peuple tunisien, sur qui j'appelle l'abondance des bienfaits du Très-Haut.



AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE RÉGIONALE DU NORD DE L'AFRIQUE (CERNA)

Evêché de Tunis, Dimanche 14 avril 1996



Chers Frères dans l'Épiscopat,

1. C'est avec joie que je vous rencontre pour la première fois dans cette région où vous exercez votre ministère pastoral, Évêques de la Conférence épiscopale régional du Nord de l'Afrique.

Je remercie Monseigneur Fouad Twal, pasteur de l'Église qui est en Tunisie, pour l'accueil prévenant qu'il m'a réservé, avec toute la communauté chrétienne qui, sur cette terre tunisienne, rend témoignage à l'amour universel du Christ, avec beaucoup de vitalité.

Il y a dix ans, j'étais heureux de faire ma première visite au Maghreb, à Casablanca, je garde dans ma mémoire le souvenir de l'accueil chaleureux que j'ai reçu de la part des Autorités et du peuple marocains. J'ai pu à cette occasion apprécier le dynamisme des communautés diocésaines du Maroc rassemblées autour de leurs Évêques.

Ma pensée se tourne naturellement vers vous, chers Frères dans l'Épiscopat, Pasteurs de l'Église qui est en Algérie. Avec vous, permettez-moi aussi de mentionner le vénéré Cardinal Duval, une grande figure de l'Église et de votre pays. À chacun de vous et à chacun des membres de vos communautés, je redis mon affectueuse proximité en ces moments si difficiles pour l'Église et pour le peuple algérien dont vous vous êtes faits proches, avec une grande générosité, parfois jusqu'au sacrifice de la vie. Je prie avec vous le Seigneur pour que, sur la terre d'Algérie, vienne rapidement le temps de la réconciliation et de la paix, dans le juste respect des différences.

Ma pensée va encore vers la communauté chrétienne de Libye et son Évêque, une communauté formée de personnes d'origines très diverses, qui témoigne de l'Évangile avec ardeur et dévouement, dans une société qui les accueille avec considération. Elle aussi partage les privations imposées au peuple libyen par un embargo qui affecte si gravement la vie quotidienne des populations.

Ce sont toutes les communautés chrétiennes du Maghreb que, depuis Tunis et à travers vous, je souhaite saluer au nom du Christ.

2. A l'occasion de ma visite en Tunisie, je voudrais vous encourager dans votre service de l'Évangile sur cette terre du Nord de l'Afrique. C'est de l'Église dans cette région que se sont levés Cyprien, Perpétue et Félicité, Augustin, les Papes Victor, Miltiade et Gélase, et tant d'autres grandes figures du christianisme des premiers siècles. C'est aussi sur cette terre que, très tôt, ont été envoyés les disciples de saint François d'Assise, de saint Dominique ou de saint Vincent de Paul. Plus récemment, c'est de l'expérience de l'Église au Maghreb que sont nées les intuitions missionnaires du Cardinal Lavigerie ou la spiritualité de Nazareth du Frère Charles de Foucauld. Depuis ses origines, l'Église qui est en Afrique du Nord a été la source d'une grande richesse spirituelle pour l'Église entière. Aujourd'hui, c'est une nouvelle page de l'histoire de cette Église que vous écrivez, dans un contexte bien différent de celui qu'ont connu vos Pères dans la foi, la page du dialogue et de la collaboration entre croyants de religions différentes. Cette vocation ecclésiale particulière est aussi une richesse pour l'Église universelle. Je vous encourage à partager avec elle ce que vous découvrez ici de l'oeuvre de Dieu.

3. Dans votre témoignage, la relation avec les croyants de l'Islam a une place particulière. Vous faites souvent l'expérience de la vulnérabilité du petit troupeau et vous endurez parfois des épreuves qui peuvent conduire jusqu'à l'héroïsme. Mais vous faites aussi l'expérience de la gratuité du don de Dieu, qu'à votre tour vous voulez vivre avec tous. Ce dont vous témoignez ainsi dans la foi, vous fortifiera pour une relation fraternelle avec les Musulmans, toujours plus profonde, plus spirituelle, vous conduisant à découvrir avec eux les bienfaits de Dieu, à les accueillir et à les partager.

Là où sévit la violence et la discorde, soyez des messagers de la paix qui vient de Dieu et de la réconciliation, voie qui conduit vers Lui. Nul ne peut tuer au nom de Dieu, nul ne peut accepter de donner la mort à son frère. Avec les hommes et les femmes de bonne volonté, construisez les liens de la fraternité qui annoncent le Royaume de Dieu qui vient. Rendez visible votre conviction que Dieu est le Dieu de la vie, qu'Il recherche la vie de l'homme et non sa mort. Malgré les difficultés et les incompréhensions, allez à la rencontre de vos frères et de vos soeurs, sans distinction d'origine ni de religion. C'est le Seigneur qui vous envoie vers eux. « Sachant que pour beaucoup de missionnaires et de communautés chrétiennes la voie difficile et souvent incomprise du dialogue constitue l'unique manière de rendre un témoignage sincère au Christ et un service généreux à l'homme, je désire les encourager à persévérer avec foi et amour, là même où leurs efforts ne rencontrent ni attention ni réponse Le dialogue est un chemin vers le Royaume et il donnera sûrement ses fruits, même si les temps et les moments sont réservés au Père [1] » [2].

4. La rencontre avec les Musulmans doit aller au-delà d'un simple partage de vie. Elle doit permettre de véritables collaborations. « Dieu veut que nous témoignions de lui dans le respect des valeurs et des traditions religieuses propres à chacun, travaillant ensemble pour la promotion humaine et le développement à tous les niveaux » [3].

Je connais les nombreux engagements de vos communautés dans des oeuvres communes au service de l'homme. Mais permettez-moi de souligner ici le rôle important des religieuses en faveur de la femme, de sa dignité et de sa place dans la société [4]. Et je voudrais redire ici ma reconnaissance à toutes les personnes consacrées, religieux, religieuses et laïques qui dans vos pays se donnent avec tant de générosité pour les pauvres, les malades, les femmes, l'éducation des jeunes, avec une fidélité qui les a parfois conduits jusqu'au martyre. À travers la promotion des personnes et des communautés humaines, elles mettent en ouvre la tendresse de Dieu auprès de tous les hommes.

Comme je l'écrivais encore dans l'Encyclique « Redemptoris Missio », « l'Église éduque les consciences en révélant aux peuples le Dieu qu'ils cherchent, en révélant la grandeur de l'homme créé à l'image de Dieu, en leur révélant l'égalité entre tous les hommes comme fils de Dieu, leur empire sur la création qui est mise à leur service, leur devoir de s'engager pour le développement de tout l'homme et de tous les hommes » [5].

5. Dans votre mission, la rencontre des cultures prend une place importante. L'Église regarde avec respect les cultures de tous les peuples. Par votre engagement au service de l'éducation, de la formation et des échanges intellectuels, vous voulez manifester ce respect de l'Église pour ces cultures qui façonnent les hommes et les femmes de vos pays. L'an dernier, devant l'Organisation des Nations Unies, j'affirmais déjà que « notre respect pour la culture des autres est ainsi fondé par notre respect des recherches que font toutes les communautés pour répondre au problème de la vie humaine » [6].

6. Pour vivre la rencontre et la collaboration avec les autres, les chrétiens doivent avoir une foi assurée. Je suis heureux de constater la vitalité spirituelle de vos diocèses au Maghreb. Pour rencontrer le prochain en vérité une réelle conversion du cour est nécessaire. Chers frères, je vous encourage à former des communautés qui manifestent le Christ parce qu'elles l'auront elles-mêmes rencontré sur leur route. Ce temps de Pâques nous invite à nous rappeler que nous devons être avant tout des témoins du Ressuscité, du Christ vivant dont nous faisons l'expérience concrète dans nos existences. L'Eucharistie est le bien précieux qui vous est offert pour construire de véritables communautés. Soyez des communautés eucharistiques, prêtes à vivre chaque jour leur offrande « en mémoire du Seigneur ». Que les chrétiens prennent le temps de l'adoration du Seigneur, Lui le Très-Haut qui s'est fait l'un de nous pour que tous aient la vie. Alors vous pourrez être des assemblées fraternelles qui révéleront aux yeux des hommes ce qu'est « le monde nouveau, la terre nouvelle » que nous attendons, et dont le germe et le commencement sont dans le Mystère pascal du Christ.

N'ayez pas peur d'être une Église rayonnante, dans le respect des autres traditions humaines et spirituelles, mais qui révèle clairement et sans crainte ce qu'elle est. C'est une exigence redoutable pour le chrétien que d'exprimer ce qu'il est devenu par son baptême.

7. Église du Christ au Maghreb, vous êtes aussi une part de l'Église qui est en Afrique. À ce titre vous avez participé à l'Assemblée spéciale pour l'Afrique du Synode des Évêques. Ce fut pour vous l'occasion d'un partage avec les Pasteurs des autres Églises locales de ce continent. Avec eux, vous assumez une même responsabilité, celle d'annoncer la Bonne Nouvelle aux hommes et aux femmes de ce continent. Vous êtes affrontés à des question communes, notamment la rencontre avec les croyants de l'Islam. Des jeunes africains sont en formation dans les universités de vos pays, d'autres sont de passage pour des raisons de travail ou de voyage. Je vous engage à développer les échanges entre Églises du continent, notamment en envisageant une solidarité plus grande pour un partage du personnel apostolique. L'Exhortation apostolique post-synodale « Ecclesia in Africa » est désormais pour vous la charte de votre mission commune au service de l'Évangile.

Cette solidarité avec les autres communautés chrétiennes, vous voulez aussi la concrétiser avec les Églises du Moyen-Orient qui, comme vous, sont présentes dans des sociétés à majorité musulmane et avec lesquelles vous avez des affinités culturelles. Je vous encourage à développer ces liens fraternels, à promouvoir des échanges d'expérience et à favoriser les rencontres et les collaborations entre les personnes engagées au service de l'Évangile dans cette région.

8. En terminant, je vous invite à vous tourner vers l'avenir avec confiance. Vous demeurez un petit troupeau fragile. Mais vous êtes l'Église du Christ sur cette terre du Nord de l'Afrique. C'est en Lui seul que vous devez mettre votre espérance. Laissez-vous conduire par l'Esprit Saint sur les chemins ardus de l'Évangile. Que Dieu vous donne l'audace des témoins de la Bonne Nouvelle, qu'Il vous aide à scruter les voies mystérieuses de l'Esprit, pour que vous vous laissiez conduire par Lui à la vérité toute entière [7]!

À la sollicitude maternelle de la Vierge Marie, Notre-Dame de Carthage, Notre-Dame d'Afrique, je confie votre ministère, que vous exercez avec abnégation et courage au service du peuple dont vous avez été chargés. Je lui confie aussi chacune de vos communautés qui vivent généreusement leur témoignage au milieu des peuples de cette région. Je lui demande tout particulièrement d'être votre soutien au milieu des difficultés et de vous guider vers son Fils. Et de grand coeur, je vous donne ma Bénédiction Apostolique, à vous, à vos prêtres, aux religieux et aux religieuses et à tous les fidèles de vos diocèses.


[1] Cfr. (Ac 1,7).
[2] Ioannis Pauli PP. II (Redemptoris Missio RMi 57).
[3] Eiusdem (Ecclesia in Africa ).
[4] Cfr. Eiusdem (Vita Consecrata VC 57-58).
[5] Eiusdem (Redemptoris Missio, RMi 58).
[6] Eiusdem Oratio ad Generalem Nationum Unitarum Coetum Neo-Eboraci habita, 10, die 5 oct. 1995: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XVIII, 2 (1995) 738.
[7] Cfr. (Jn 16,13); Ioannis Pauli PP. II (Redemptoris Missio RMi 87).



Discours 1996 - Vendredi 8 mars 1996