Discours 1996 - Maison diocésaine Saint-Sixte, Reims, Dimanche 22 septembre 1996

AUX AGENTS DE LA PASTORALE DIOCÉSAINE

Cathédrale de Reims, Dimanche 22 septembre 1996


Chers Frères et Soeurs,


1. Il est heureux que vous ayez choisi de méditer la conversation si importante de Jésus avec la femme de Samarie, pour cette rencontre où vous témoignez de la « démarche synodale » du diocèse de Reims, je remercie votre Archevêque, Monseigneur Gérard Defois, de son accueil, ainsi que tous ceux qui ont présenté cette ample réflexion sur la vie de l'Église en Champagne et dans les Ardennes. À travers vous, rassemblés dans votre prestigieuse cathédrale, je tiens à saluer tous les fidèles de ce diocèse aux racines chrétiennes antiques et profondes.

2. Avec vous, je voudrais poursuivre la méditation de la grande page de l'Évangile que nous avons écoutée. Nous voyons Jésus, fatigué par la route, s'arrêter au bord d'un puits; arrive alors une femme de Samarie, venue puiser de l'eau. Jésus lui dit: «Donne-moi à boire » [1]. La Samaritaine lui dit: « Comment! Toi qui es Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine? » [2]. Jésus lui répond: « Si tu savais le don de Dieu, si tu connaissais celui qui te dit: "Donne-moi à boire", c'est toi qui lui aurais demandé, et il t'aurait donné de l'eau vive » [3]. En effet, «tout homme qui boit de cette eau aura encore soif; mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif; et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle » [4].

Jésus ne parle pas ici de l'eau que les habitants de Samarie venaient puiser au puits de Jacob. Comme le chante une hymne liturgique, il parle de l'eau qui nous donne, « dans le labeur, le repos; dans la fièvre, la fraîcheur; dans les pleurs, le réconfort » [5]. Cette eau est le symbole de l'Esprit Saint. Celui qui boit de cette eau n'aura plus jamais soif, car l'Esprit est la source qui apaise la soif de l'âme des hommes. Il est la fontaine de la connaissance et de l'amour, qui coule à jamais.

Au cours des réflexions que vous avez poursuivies ces dernières années, vous avez dû puiser abondamment à cette fontaine d'eau vive. Je suis sûr que l'Esprit Saint était avec vous, qu'il agissait dans vos paroisses ou dans vos lieux d'accueil. Il animait vos rencontres avec ces horaires et ces femmes à qui vous devez faire découvrir que seul le Seigneur peut combler leurs attentes et leurs soifs et qu'il frappe à la porte de tout homme. L'Esprit Saint vous guidait et vous soutenait de ses dons: les dons de la sagesse et de l'intelligence, de la science et du conseil, de la force, de la piété et de la crainte de Dieu.

3. Continuons à suivre le dialogue extraordinaire que le Christ a entrepris avec la Samaritaine au bord du puits de Jacob. A un moment donné, cette femme reconnaît que Jésus n'est pas un marcheur ordinaire qui cherche à se reposer près du puits. Elle découvre qu'il est un prophète et le lui dit sans détour: « Seigneur, je le vois, tu es un prophète » [6]. Les prophètes appartiennent à la tradition d'Israël. Ce sont eux qui parlent au nom de Dieu et qui guident le Peuple de Dieu sur la voie de l'adoration. C'est pourquoi la femme dit: « Nos pères ont adoré Dieu sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut l'adorer est à Jérusalem » [7]. Ces paroles font écho à la querelle qui opposait les Samaritains aux Juifs sur le Temple, sur le lieu du culte véritable. Alors Jésus répond: « Femme, crois-moi: l'heure vient où vous n'irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père.... Mais l'heure vient et c'est maintenant où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité; tels sont les adorateurs que recherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui l'adorent, c'est en esprit et en vérité qu'ils doivent l'adorer » [8]. À ce moment, le Christ confie à cette femme ? une pécheresse ? l'une des plus grandes vérités de la Bonne Nouvelle: l'adoration de Dieu ne dépend pas du lieu, du temple construit par les mains des hommes; l'Esprit Saint lui-même construit ce temple intime en tout homme qui cherche Dieu sincèrement et qui ne ferme pas son coeur aux appels de la grâce. Et ce temple spirituel est le lieu de l'adoration que l'homme doit rendre à Dieu le Père « en esprit et: en vérité ».

4. Le Concile Vatican II a renouvelé l'enseignement sur le sacerdoce universel de tous les croyants et sur le sacerdoce ministériel. Vos travaux, j'en suis sûr, se sont inspirés de ce magistère conciliaire, exprimé surtout dans la Constitution « Lumen Gentium » sur l'Église. Cet enseignement est admirable, il libère notre manière de penser et notre expérience chrétienne de tout ritualisme étroit. Il nous apprend à faire de nos vies une offrande spirituelle [9].

La démarche conciliaire nous invite aussi à participer de la manière la plus profonde possible à la vie sacramentelle de l'Église, spécialement à l'Eucharistie. Pour prolonger votre démarche synodale, reprenez la lecture des documents conciliaires essentiels qui traitent du sacerdoce. Il faut sans cesse approfondir le sens du sacerdoce, aussi bien du sacerdoce universel des fidèles, lié au baptême, que du sacerdoce ministériel. Fidèles laïcs, vous serez plus assurés dans votre vie et votre activité si vous comprenez mieux ce que comportent votre consécration baptismale et votre mission dans la communauté ecclésiale. Réfléchissez aussi au rôle irremplaçable de l'évêque et des prêtres: ils sont ordonnés pour célébrer l'Eucharistie du Seigneur et transmettre les dons de la grâce dans les autres sacrements, pour rassembler les fidèles au nom du Christ et pour être les premiers porteurs de la Parole de Dieu. Je tiens à saluer ici le dévouement des prêtres, des diacres, des religieux et des religieuses de votre diocèse; et je prie avec vous pour que des jeunes entendent l'appel du Seigneur à se mettre totalement à son service dans son Église en acceptant de s'engager dans les ministères ordonnés ou dans la vie consacrée.

5. Nous lisons dans l'Évangile de saint Jean que la Samaritaine, après avoir entendu tout cela, abandonna sa cruche et revint à la ville pour parler aux gens de sa rencontre extraordinaire [10]. « Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait. Ne serait-il pas le Messie? » [11]. Venez voir un Homme. Venez voir le Messie, le Christ. Cet appel s'adresse à toute la communauté de l'Église à Reims: venez voir le Christ.

Un jour, Pilate demandera à Jésus: « Es-tu le roi des Juifs? » [12]. Il entendra cette réponse: si je l'étais, «j'aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs » [13]. Vois, je me trouve devant toi attaché, accusé, et l'on réclame pour moi une condamnation à mort; humainement parlant, il n'y a en moi rien de royal. Pilate reprend la même question: «Alors, tu es roi? ». Le Christ répond: « C'est toi qui dis que je suis roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci: rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix » [14]. Je pense qu'il y a un lien significatif entre cet événement du Vendredi saint et le dialogue qui eut lieu au bord du puits de Jacob: venez voir l'homme qui m'a dit toute la vérité [15]. C'est cet Homme qui dira devant Pilate: « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci: rendre témoignage à la vérité » [16].

En suivant ces deux dialogues, vous aurez pu vous convaincre une fois encore que le Christ est le premier et le dernier Témoin de la Vérité divine. Les Samaritains avaient cru au Christ et disaient à la femme: « Ce n'est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons maintenant, nous l'avons entendu par nous-mêmes, et nous savons que c'est vraiment lui le Sauveur du monde » [17].

Chers Frères et Soeurs, je souhaite que votre recherche commune contribue à vous faire approfondir votre foi, à en témoigner sans crainte dans la société française et à vous rendre plus attentifs aux besoins de votre époque, dans la certitude que seul le Christ, mort et ressuscité, est le Sauveur du monde; qu'il a les paroles de la vie éternelle; que celui qui le suit « ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie » [18]. Je fais mienne ici votre prière: « Seigneur, fais-nous devenir des prophètes de vie, d'amour et de joie, alors l'Église resplendira de la foi des jeunes! ».

6. Que Jésus, le Christ, qui est la Voie, la Vérité et la Vie, vous accorde de la connaître et de le suivre, d'être ses témoins en partageant avec tous vos frères la lumière de la foi, la force de l'espérance et le don suprême de l'amour du Père!

C'est le souhait que je voulais vous laisser pour la conclusion de cette belle rencontre. Que Dieu vous bénisse!


[1] (Jn 4,7).
[2] Ibid. (Jn 4,9).
[3] Ibid. (Jn 4,10).
[4] Ibid. (Jn 4,13-14).
[5] Sequentia « Veni, Sancte Spiritus » sollemnitatis Pentecostes.
[6] (Jn 4,19).
[7] Ibid. (Jn 4,20).
[8] Ibid. (Jn 4,21 Jn 4,23-24).
[9] Cfr. (Rm 12,1).
[10] Cfr. (Jn 4,28).
[11] Ibid. (Jn 4,29).
[12] Ibid. (Jn 18,33).
[13] Ibid. (Jn 18,36).
[14] (Jn 18,37).
[15] Cfr. ibid. (Jn 4,29).
[16] Ibid. (Jn 18,37).
[17] Ibid. (Jn 4,42).
[18] Ibid. (Jn 8,12).



CÉRÉMONIE DE CONGÉ

Aéroport de Reims-Champagne, Dimanche 22 septembre 1996



Monsieur le Premier Ministre,


1. Au terme de ma visite pastorale en France, je vous remercie vivement d'être venu me saluer ici tandis que je prends congé; je suis sensible aux paroles que vous venez de m'adresser. Vous voudrez bien exprimer ma gratitude à Monsieur le Président de la République pour l'accueil délicat qu'il m'a réservé. Mes remerciements s'étendent à vous-même, aux membres du Gouvernement et aux Pouvoirs publics pour toutes les prévenances dont j'ai bénéficié au cours de ces journées.

2. Les étapes de mon voyage ont été riches de sens. Je suis heureux d'avoir pu me rendre à Saint-Laurent-sur-Sèvre, où la présence de nombreuses personnes engagées dans la vie consacrée a manifesté la générosité et la fidélité de serviteurs de l'Église qui font honneur à leur pays en perpétuant les traditions de soutien et d'aide à leurs frères, dans leurs régions comme dans leurs missions â l'extérieur. A Sainte-Anne d'Auray, les catholiques de l'Ouest de la France, et de nombreuses familles venues de plus loin encore, ont montré par leur ferveur le sérieux de leurs engagements. Les célébrations de Tours ont été placées sous le signe du grand évêque saint Martin, dont l'influence a été déterminante pour le développement de l'Église dans vos régions et pour l'entraide à l'égard des plus démunis, constamment pratiquée par le peuple de France. À Reims, aujourd'hui, la commémoration du baptême de Clovis a été l'occasion, pour de nombreux catholiques, de reprendre conscience du sens de leur propre baptême, à la suite de générations de fidèles qui ont joué un rôle dans l'histoire de la nation et dans l'élaboration de sa haute conception de l'homme et de sa culture.

3. Les différents thèmes de mes rencontres se complètent en évoquant beaucoup des qualités reconnues de ce que j'ai appelé « l'âme française ». Je me réjouis de l'occasion qui m'a été donnée de mettre en valeur tant d'acquis, tout en encourageant vos compatriotes à poursuivre leurs engagements en faveur d'une solidarité humaine dont le monde entier a besoin en notre temps.

4. Je tiens à exprimer a nouveau ma vive gratitude aux Évêques de France, qui ont préparé intensément cette visite avec la collaboration de nombreuses personnes. Touché par la qualité de leur accueil, je voudrais assurer tous les catholiques de l'Église en France, clergé et laïcs, de mon affection dans une profonde communion spirituelle. Je les invite à s'engager pour que leurs communautés ecclésiales développent leur dynamisme, dans la foi et avec l'esprit de service des disciples du Christ. Ils ont reçu un bel héritage; qu'ils continuent â le faire fructifier de manière toujours nouvelle!

J'aimerais aussi adresser un salut respectueux aux chrétiens des autres confessions, aux croyants du Judaïsme et à ceux de l'Islam, en souhaitant que le dialogue religieux et la collaboration se développent entre tous, pour une harmonieuse cohésion de la société française dans son ensemble.

5. Monsieur le Premier Ministre, à travers votre personne, je salue tous les Français, et je leur offre mes voeux fervents de prospérité dans une entente fraternelle. Que votre nation demeure accueillante, qu'elle continue à faire partager sa culture, qu'elle contribue à faire progresser sans cesse les idéaux de liberté, d'égalité et de fraternité qu'elle a su présenter au monde!

En vous renouvelant l'expression de ma gratitude pour l'accueil de la France, j'appelle sur tous vos compatriotes l'abondance des Bénédictions de Dieu.



Octobre 1996

À S.Exc. M. HISAKAZU TAKASE, NOUVEL AMBASSADEUR DU JAPON

Vendredi 4 octobre 1996



Monsieur l'Ambassadeur,

1. C'est avec plaisir que j'accueille aujourd'hui Votre Excellence, à l'occasion de la présentation des Lettres par lesquelles Sa Majesté l'Empereur Akihito L'accrédite auprès du Saint-Siège en qualité d'Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Japon.

Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur, des paroles déférentes que vous venez de m'adresser et du message que vous me transmettez de la part de Sa Majesté l'Empereur et de Sa Majesté l'Impératrice; je garde vivante en ma mémoire la visite cordiale que Leurs Majestés m'ont rendue dans ce palais en septembre 1993, marquant leur attachement et celui des autorités de votre pays aux relations diplomatiques et aux liens d'amitié noués avec le Siège Apostolique, ainsi que l'attention portée à ses activités internationales, notamment en faveur de l'entente entre les peuples. Votre présence auprès du Successeur de Pierre et le fait même de votre résidence dans la Ville éternelle sont aussi un signe éloquent de l'estime de votre pays à l'égard du Saint-Siège. Je vous saurais gré de bien vouloir exprimer en retour à Sa Majesté l'Empereur Akihito mes voeux fervents pour sa personne, pour la famille impériale, pour les membres du gouvernement et pour l'ensemble du peuple japonais.

2. Vous venez de rappeler l'intérêt primordial que votre Nation accorde à la paix, au désarmement, à la résolution pacifique des conflits et à la solidarité entre les hommes. Votre pays garde en mémoire les épisodes douloureux de la deuxième guerre mondiale qui frappèrent d'innombrables victimes innocentes à Hiroshima et à Nagasaki. De ce fait, il a une mission spécifique à remplir en faveur de la paix auprès des autres nations de la planète. L'histoire récente nous invite à fuir tous les comportements personnels et collectifs qui peuvent induire des conflits armés. Comme je le soulignais lors de ma visite émouvante au Peace Memorial Park le 25 février 1981 et encore le 8 mai 1995 dans mon message à l'occasion du cinquantième anniversaire de la fin de la deuxième guerre mondiale en Europe [1], « rappeler le passé, c'est s'engager dans le futur. Rappeler Hiroshima, c'est abhorrer la guerre nucléaire. Rappeler Hiroshima, c'est s'engager pour la paix. Rappeler que les gens de cette ville ont souffert, c'est renouveler notre foi dans l'homme, dans sa capacité de faire ce qui est bon, dans sa liberté de choisir ce qui est juste, dans sa détermination à transformer un désastre en un nouveau commencement ». Ces tragédies ne doivent pas être oubliées par les jeunes générations, auxquelles il convient de donner une éducation au sens de la vie humaine, à la paix, au dialogue et à la tolérance, valeurs humaines qui sont porteuses d'avenir pour une nation.

3. Vous savez les multiples efforts et les appels du Saint-Siège, qui a signé les principaux Traités et Conventions internationaux, pour que soient renforcées les normes concernant la non-prolifération des armes nucléaires et l'élimination totale et définitive des armes chimiques et biologiques, ainsi que de toutes les armes qui frappent les populations innocentes de manière aveugle. Il appartient à la Communauté internationale et à chaque pays de prendre les décisions courageuses sur le plan politique et économique pour que cesse la course aux armements, qui ne résoudra jamais de manière durable et dans le respect des personnes et des peuples les conflits, de quelque nature qu'ils soient. La logique des armes ne peut que conduire à une escalade de la violence et défigurer l'homme et l'humanité tout entière. Comme vous le soulignez, la recherche d'une amitié toujours plus solide entre les peuples et la reconnaissance d'une interdépendance qui bénéficie à toutes les nations doivent être des voies à privilégier.

4. Dans son histoire très récente, votre pays a été à plusieurs reprises marqué par des drames liés au déchaînement des éléments naturels ou à des actions irresponsables de personnes. En ces circonstances, la population japonaise a su faire preuve d'une authentique solidarité. Je ne peux qu'apprécier les collaborations étroites entre toutes les composantes de la nation, dans des circonstances exceptionnelles et dans la vie courante, qui s'imposent de manière pressante dans un monde toujours davantage marqué par la pauvreté et par un nombre croissant de personnes exclues des structures du travail et de l'économie. Cette attention aux frères les plus pauvres conduit vos concitoyens à faire des choix qui les honorent en vue d'un partage fraternel et plus équitable du travail et des richesses au sein de la communauté nationale.

5. Tout en cherchant à préserver les personnes et les groupes les plus fragiles des idéologies qui peuvent mettre en péril les individus et qui cherchent à annihiler leur faculté de jugement et leur conscience propre, les autorités de votre pays s'attachent à ce que toute communauté spirituelle jouisse de la liberté, faisant ainsi droit au pluralisme culturel et religieux. Pour leur part, les responsables de l'Église catholique au Japon ont le souci du dialogue entre ces différentes communautés. Les relations, les collaborations quotidiennes et le partage fraternel entre les catholiques et leurs compatriotes font grandir l'estime, la reconnaissance et l'amour mutuels, facteurs de cohésion sociale et de développement personnel.

6. Bien que peu nombreux, les catholiques, aux côtés de leurs frères, ont le désir de contribuer activement à la vie sociale de leur pays. Ils souhaitent en particulier poursuivre leur rôle dans le domaine scolaire et universitaire, avec le souci de donner à tous les jeunes qu'ils accueillent au sein de leurs établissements un enseignement de qualité et une éducation aux valeurs humaines et spirituelles, nécessaires à des prises de décision personnelles qui conduisent à mener une vie digne et à être des partenaires responsables dans la vie publique fondée sur le dialogue et sur le respect de l'autre. Vous le savez, Monsieur l'Ambassadeur, dans la vie internationale, à travers ses institutions et ses membres, l'Église catholique ne poursuit pas d'autre dessein que de défendre l'homme, sa liberté spirituelle et la bonne entente entre les peuples, pour que les personnes et les communautés humaines puissent trouver leur place, s'épanouir et jouir des richesses et des beautés de la création. C'est dans cet esprit de service que la Caritas, présente sur le territoire, vient en aide aux personnes les plus démunies.

7. Au moment où commence votre mission, je vous offre mes voeux les meilleurs et je puis vous assurer que vous trouverez toujours auprès de mes collaborateurs une aide attentive et une compréhension cordiale.

J'invoque sur vous-même, sur vos proches et sur vos collaborateurs de l'Ambassade, comme sur tous vos compatriotes les bienfaits divins.

[1] Ioannis Pauli PP. II Nuntium ob Lum anniversarium diem IIae terrarum orbis conflictionis finis in Europa, 9, die 8 maii 1995: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XVIII, 1 (1995) 1243.





À S.Exc. M. GIJSBERT NICOLAAS WESTEROUEN VAN MEETEREN, NOUVEL AMBASSADEUR DES PAYS-BAS

Vendredi 4 octobre 1996




Monsieur l'Ambassadeur,

1. C'est avec plaisir que j'accueille aujourd'hui Votre Excellence, à l'occasion de la présentation des Lettres par lesquelles Sa Majesté la Reine Beatrix L'accrédite auprès du Saint Siège en qualité d'Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Royaume des Pays-Bas.

Je vous remercie vivement, Monsieur l'Ambassadeur, des paroles déférentes que vous venez de m'adresser, manifestant votre satisfaction d'avoir été appelé à cette nouvelle mission. Je vous sais gré du message respectueux que vous me transmettez de la part de Sa Majesté la Reine des Pays-Bas et je vous prie de bien vouloir Lui exprimer en retour mes voeux fervents pour sa personne, pour la famille royale, pour les membres du gouvernement et pour l'ensemble du peuple néerlandais. Je suis particulièrement sensible à l'attention de votre gouvernement pour les positions du Saint-Siège sur des grands problèmes de la planète et à ses engagements spécifiques, qui sont une contribution de l'Église catholique à la vie internationale, afin d'offrir à nos contemporains une situation sociale et un environnement qui puissent favoriser le développement intégral de l'homme et de la croissance harmonieuse de la société.

2. Vous venez de rappeler l'intérêt des Autorités de votre Nation pour les valeurs humaines fondamentales auxquelles sont attachés vos compatriotes. Je m'en réjouis vivement. À juste titre, vous évoquez les trois catégories éthiques primordiales que sont la justice, la charité et les droits de l'homme. Toutes les trois se fondent sur la valeur intrinsèque de la personne humaine, dont la dignité doit être respectée dans toutes les étapes de son existence, de la conception à sa fin naturelle. Cette dignité primordiale est aussi essentielle pour l'avenir de la nation tout entière, qui repose avant tout sur les personnes qui la composent et qui en sont la première et la plus importante richesse. Le principe de justice est à l'origine de la vie sociale et des droits de l'homme, car il permet la reconnaissance de l'égalité entre les citoyens et la convivialité, au sein d'une société particulière comme entre les nations. On peut donc dire que ce principe est la valeur première du bien commun. Dans la mise en oeuvre de ce principe, le législateur a pour fonction essentielle de protéger l'être humain et de lui garantir ses droits fondamentaux. Et, d'un autre côté, chaque citoyen doit sans cesse prendre conscience que tout acte personnel est à mettre en relation avec le bien commun et qu'il est l'expression de l'attention portée à ses frères en humanité.

3. La justice est donc en cela un service de la communauté humaine et une des façons premières de servir l'homme et de promouvoir les personnes. Elle ouvre la voie à la paix et a la sécurité. Je n'oublie pas que votre pays abrite le siège d'une haute instance juridique internationale, qui a actuellement un rôle à jouer dans la consolidation de la paix entre les peuples d'Europe, car le respect des règles de la vie commune, avec l'autorité du droit, est la garantie première de la vie sociale. Aussi, permettez-moi de saluer les efforts accomplis par votre pays pour que se construise une Europe accueillante aux nations qui sortent à peine de la grande épreuve du communisme. Des pays qui élaborent de nouvelles constitutions et qui mettent en place un nouveau système institutionnel ont besoin d'un soutien généreux de la part des États ayant une forte tradition démocratique, pour réaliser les réformes sociales qui s'imposent, pour mettre en place des structures appropriées et pour donner à leurs citoyens l'éducation civique nécessaire à la prise en charge de la res publica. C'est la force de l'Europe de pouvoir unir des peuples, dans le respect légitime des souverainetés nationales et des cultures spécifiques, par la coopération dans les multiples domaines de la vie commune, ainsi que par la solidarité et par la charité. En s'engageant résolument dans ce sens, le continent européen ouvrira la voie à une ère nouvelle de paix et de fraternité.

4. Comme vous le soulignez, la charité est aussi une catégorie essentielle pour la vie sociale. Il s'agit de l'attention que chacun est appelé à développer à l'égard de son prochain, une attention faite de compassion et de tendresse, spécialement à l'égard des plus faibles et des plus pauvres de la société, dans son propre pays et dans l'en semble du monde. Elle reconnaît en tous des frères et des partenaires de la société, unis pour que chacun ait sa part dans la vie nationale, qu'il ne soit pas exclu des réseaux économiques et qu'il puisse bénéficier des richesses nationales. Je me réjouis de la place que les autorités néerlandaises accordent à la lutte contre les situations de pauvreté et au développement, en particulier par leur contribution à l'aide humanitaire. Vous rappelez à bon droit le soutien apporté pour cela par les organisations d'inspiration chrétienne qui, tout en gérant les fonds récoltés, s'attachent à promouvoir les personnes et les institutions locales, selon le principe de subsidiarité et grâce à une pédagogie adaptée.

Les autorités catholiques, quant à elles, ne ménagent pas leurs efforts dans ce domaine. Poursuivant leur tradition caritative, les fidèles s'engagent pour venir en aide à leurs frères, aux Pays-Bas et dans l'ensemble du monde, selon la tradition missionnaire de votre pays que vous venez d'évoquer. C'est pourquoi, je souhaite que l'Église catholique, qui a conscience de ses responsabilités dans la recherche du bien commun en liaison avec toutes les institutions du Royaume, trouve toujours mieux sa place dans la société néerlandaise et, en particulier, que les moyens de communication sociale aient le souci de contribuer à faire connaître son véritable visage, dans le respect de sa mission et de sa démarche spécifiques en faveur des valeurs humaines et chrétiennes, ainsi que de la famille, cellule de base de la société. Les catholiques ont aussi le souci de poursuivre et de développer toujours davantage leurs relations avec toutes les composantes de la nation; en particulier, ils s'efforcent de promouvoir les relations oecuméniques avec les autres communautés chrétiennes, partageant les mêmes convictions et le même désir de servir l'homme. Ce dialogue est porteur d'espérance, car il témoigne de l'attention et de l'estime mutuelle entre les communautés spirituelles, faisant droit au pluralisme culturel et religieux.

5. Les efforts fournis par votre pays au sein des institutions internationales manifestent l'attachement de votre Gouvernement à la paix, au désarmement, à la résolution pacifique des conflits et à la solidarité entre les hommes et les peuples, dans tout le continent et sur l'ensemble de la planète. Le futur de l'humanité ne peut être pensé que grâce à l'engagement de tous en faveur de la paix et de la justice. Il convient d'entendre sans cesse l'appel lancé par le Pape Pie XII à la veille de la deuxième guerre mondiale: « Rien n'est perdu avec la paix. Tout peut l'être avec la guerre. Que les hommes recommencent à se comprendre, qu'ils recommencent à traiter! » [1]. L'usage de la force doit être évité par tous les moyens, car il entraîne pour les populations désordres graves et prolongés comme on a pu le constater dans les territoires de l'ex-Yougoslavie ou au Moyen-Orient. Elle est toujours le signe d'un échec du dialogue. Dans le Catéchisme publié en 1992 [2], l'Église catholique rappelait les conditions morales qui pouvaient éventuellement conduire à prendre une décision de résistance à l'oppression d'un pouvoir politique et, donc, au recours au conflit armé. Mais il faut toujours se souvenir que la logique des armes ne peut que favoriser l'escalade de la violence et défigurer l'homme et l'humanité tout entière. La Communauté internationale et chaque pays se doivent de prendre des décisions courageuses sur le plan politique et économique pour que cesse la course aux armements, qui ne résoudra jamais les conflits de manière durable et dans le respect des personnes et des peuples. Ils doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour créer et affermir une solide amitié entre les nations, fondée sur la reconnaissance de l'autre dans sa différence et sur l'interdépendance.

Vous le savez, Monsieur l'Ambassadeur, dans la vie internationale, à travers ses institutions et ses membres, l'Église catholique ne poursuit pas d'autre dessein que de défendre l'homme, sa liberté spirituelle et la bonne entente entre les peuples, pour que les êtres et les communautés humaines puissent s'épanouir et jouir des richesses et des beautés de la création.

6. Au moment où commence votre mission, je vous offre mes voeux les meilleurs et je puis vous assurer que vous trouverez toujours auprès de mes collaborateurs une aide attentive et une compréhension cordiale.

J'invoque sur vous-même, sur vos proches et sur vos collaborateurs de l'Ambassade, sur fa famille royale et sur tous vos compatriotes les Bénédictions divines.

[1] Pii XII Radiophonicum nuntium « Une heure particulièrement grave », die 24 aug. 1939, AAS, 31 (1939) 334.
[2] Cfr. Catholicae Ecclesiae Catechismus, n. (CEC 2243).





AUX NOUVEAUX AMBASSADEURS LORS DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Salle du Consistoire, Vendredi 4 octobre 1996




Excellences,

Je suis heureux de vous accueillir aujourd'hui et de recevoir les Lettres de Créance qui vous accréditent comme Ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires de vos pays respectifs: le Japon, l'Égypte, la Chine et les Pays-Bas. Je tiens à renouveler l'expression de mon estime et de mon amitié à l'égard des autorités de vos nations et à l'égard de vos concitoyens. Je vous remercie vivement des messages cordiaux que vous m'avez transmis de la part de vos chefs d'État respectifs. Je vous saurai gré de leur exprimer en retour mes salutations déférentes et mes voeux chaleureux pour leur personne et pour leur haute mission au service de leurs compatriotes.

Dans le monde actuel plus que jamais, vos peuples sont porteurs d'espoirs et d'aspirations profondes, en particulier à la paix et au respect des droits de l'homme. De manière légitime, chacun souhaite être reconnu comme une personne, avec sa culture et sa démarche spirituelle spécifiques, et en même temps comme faisant partie d'un corps social, dans lequel il peut occuper la place qui lui revient. Vous savez l'attachement et l'engagement permanent du Saint-Siège en faveur d'une entente toujours plus forte entre les peuples. La paix est le désir de vivre ensemble, pour le bien de tous et spécialement des jeunes générations, en vue desquelles il nous faut préparer un avenir meilleur. Ceux qui aujourd'hui travaillent à éduquer la jeunesse dans la conviction que tout homme est notre frère et que, de ce fait, il mérite attention et respect, construisent la paix. Dans cet esprit, l'apprentissage de la fraternité et des valeurs humaines, civiques, morales et spirituelles est une contribution à l'édification d'une civilisation de l'amour, dont nous avons tous besoin au seuil du troisième millénaire. En tant que diplomates, j'en suis sûr, vous êtes particulièrement sensibles à cet aspect de la vie sociale. Alors que vous commencez votre mission, je vous offre mes voeux les meilleurs et j'invoque sur vous l'abondance des Bénédictions divines, ainsi que sur vos familles, sur vos collaborateurs et sur les nations que vous représentez.



Novembre 1996

AUX MEMBRES DE L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU CONSEIL PONTIFICAL « JUSTICE ET PAIX »

Vendredi 8 novembre 1996




Messieurs les Cardinaux,
Chers Frères dans l'Épiscopat,
Chers amis,

1. Je suis heureux de vous rencontrer et de vous exprimer ma vive gratitude pour les travaux de l'Assemblée plénière du Conseil pontifical Justice et Paix. Votre réunion a lieu peu avant le lancement des trois années préparatoires au grand Jubilé de l'An 2000; cet événement exceptionnel donne au programme de travail de votre Dicastère son inspiration profonde, afin que le monde connaisse des jours de justice et de paix dans le Christ.

Je remercie tout particulièrement votre Président, Monsieur le Cardinal Roger Etchegaray, pour les paroles qu'il m'a adressées, et pour son inlassable ardeur dans les missions qu'il accomplit afin d'apporter, au nom du Siège Apostolique, la parole et les gestes de la paix a ceux que blessent les fléaux de la guerre et tant de formes sociales de la pauvreté. Je voudrais aussi remercier ses actifs collaborateurs pour les services qu'ils rendent quotidiennement. Organe du Saint-Siège, le Conseil Justice et Paix contribue largement à la diffusion de la doctrine sociale de l'Église; l'apport de ses réflexions a été précieux et a enrichi la participation du Saint-Siège aux activités de la communauté internationale ces dernières années.

2. Le thème central de votre Assemblée plénière est celui du rapport entre la démocratie et les valeurs, que j'ai déjà évoqué bien des fois. Il s'agit d'un ensemble de questions parmi les plus actuelles et les plus déterminantes pour maintenir et améliorer les systèmes démocratiques.

La doctrine sociale de l'Église condamne toutes les formes de totalitarisme, parce qu'elles nient « la dignité transcendante de la personne humaine » [1]; et, par ailleurs, elle exprime son estime pour les systèmes démocratiques [2], conçus pour assurer la participation des citoyens [3], selon le sage critère du principe de subsidiarité. Un tel principe suppose que le système politique reconnaisse le rôle essentiel des personnes, des familles et des différents groupes qui composent la société civile.

Une source d'inquiétude apparaît cependant: dans de nombreux pays, la démocratie affermie depuis longtemps ou bien commencée récemment, peut être mise en péril par des points de vue ou des comportements inspirés par l'indifférence ou le relativisme dans le domaine moral, méconnaissant l'authentique valeur de la personne humaine. Une démocratie non fondée sur les valeurs propres à la nature humaine présente le risque de compromettre la paix et le développement des peuples.

3. Devant de telles situations, les chrétiens sont appelés à réagir avec la force qui leur vient de l'Évangile de Jésus Christ et du patrimoine éclairant de la doctrine sociale de l'Église. Il revient en particulier aux fidèles laïcs de rendre riche de valeurs humaines et chrétiennes la pratique démocratique des peuples, grâce à une action éducative intelligente et continue: former à l'honnêteté, à la solidarité, à l'attention aux plus démunis, à « un style de vie dans lequel les éléments qui déterminent les choix de consommation, d'épargne et d'investissement soient la recherche du vrai, du beau et du bon, ainsi que la communion avec les autres hommes pour une croissance commune » [4].

En se fondant clairement sur les valeurs de la dignité éminente de la personne humaine, la réflexion actuelle sur le système démocratique ne devra pas prendre seulement en considération les systèmes politiques et les institutions, mais elle devra s'élargir à l'ensemble de la société, à l'économie du travail [5], afin d'élaborer une conception de la démocratie authentique et complète.

4. Dans cette perspective, où sont opportunément associées la démocratie et l'économie, je voudrais attirer votre attention sur la question de la dette internationale, car, de la part de ceux qui portent le nom de chrétiens, une contribution déterminée pour résoudre raisonnablement ce problème donnerait un signe éloquent de la conversion des coeurs, élément essentiel du grand Jubilé. Vous savez que le problème de la dette contribue à rendre très dure la situation sociale dans de nombreux pays et qu'elle constitue une hypothèque dramatique sur le développement démocratique de leurs systèmes politiques et économiques, car cela empêche toute espérance en un avenir plus humain.

La communauté internationale, inquiète de voir se disloquer les réseaux de solidarité, a commencé à réfléchir de manière responsable sur ce sujet si important pour le bien de l'humanité, afin de parvenir à des solutions concrètes et raisonnables. À l'égard de ces engagements prometteurs, je voudrais ici exprimer l'estime et les encouragements de l'Église, décidée à poursuivre pour sa part ses efforts pour éclairer ceux qui ont à prendre des décisions lourdes de conséquences.

Voici déjà dix ans, le Conseil pontifical Justice et Paix avait formulé des propositions lucides et prévoyantes dans son courageux document sur la dette internationale (27 décembre 1986). En confirmant aujourd'hui ce type de mission du conseil, je lui confie la responsabilité de mettre à jour et d'élaborer des suggestions et des orientations dans le cadre spirituel et culturel du grand Jubilé de l'An 2000. J'ai la conviction que je puis compter sur votre généreuse disponibilité dans la recherche de solutions qui tendront à soulager la condition de pauvreté de nombreux frères et soeurs et qui stimuleront un monde qui a besoin de retrouver le temps du partage et de la solidarité, en particulier sur le plan international.

En demandant, pour ces racles et pour ces soucis, le soutien maternel de Marie, je bénis de grand coeur vos diocèses, vos pays et vos familles.

[1] Centesimus annus, (CA 44).
[2] Cf. ibid., (CA 46).
[3] Cf. (Gaudium et spes GS 75).
[4] (CA 36).
[5] Cf. Paul VI, Octogesima adveniens, 47.






Discours 1996 - Maison diocésaine Saint-Sixte, Reims, Dimanche 22 septembre 1996