Discours 1997 - Lundi 3 mars 1997


AUX DÉPUTÉS DU PARTI POPULAIRE EUROPÉEN, GROUPE DÉMOCRATE-CHRÉTIEN, À L'OCCASION DU 40e ANNIVERSAIRE DES TRAITÉS DE ROME

Salle Clémentine, Jeudi 6 mars 1997


Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,

1. L'occasion du 40e anniversaire de la signature des Traités de Rome, que vous êtes venus célébrer dans cette ville, vous avez tenu à rencontrer le Successeur de Pierre. Je suis heureux de vous accueillir en cette heureuse circonstance et je remercie Monsieur Wilfried Martens, votre Président, pour ses paroles aimables. je me ré jouis des efforts que vous poursuivez afin que ces Traités, qui constituent l'acte de naissance d'une Europe nouvelle, soient aussi un appel pour dépasser les affrontements, les rivalités et les haines du passé. La signification de l'événement qui s'est déroulé il y a 40 ans est évidente, surtout lorsque l'on considère qu'a cette époque, tous les peuples d'Europe sortaient meurtris de la 2e Guerre mondiale, qui avait dépassé, par son extension et par ses multiples conséquences sur la conscience humaine, tous les conflits qui l'avaient précédée.

2. Aujourd'hui, il n'est peut-être pas inutile de rechercher quelle est la source du courage de ceux que l'on appelle les pères de l'Europe, dont quelques-uns ont appartenu à votre famille politique. Il apparait nettement que la foi chrétienne qui les animait, et qui constituait leur conviction première, a donné un élan particulier à leur engagement dans la res publica et aux projets qu'ils ont élaborés alors: leur action politique n'était jamais séparée de leur foi chrétienne. Ils étaient aussi conscients des exigences que cette foi comportait pour leur vie personnelle, afin de rendre clairs les fondements de leur action et de faire en sorte que leur projet politique fût crédible. En effet, le chrétien qui se met au service de la société civile sait que cela lui demande de grands efforts, afin d'être un témoin du Christ dans son comportement personnel comme dans son action politique.

Il fallait donc aux auteurs du projet européen une vision profonde de l'homme et de la société, et un courage hors du commun, pour proposer à leurs peuples qu'ils soient sortis de la guerre vainqueurs ou vaincus d'établir des relations nouvelles placées sous le signe d'une compréhension mutuelle et d'adopter un idéal européen, tout en soulignant l'importance pour chaque homme d'appartenir à une nation [1]; ces personnalités politiques donnaient ainsi aux hommes du continent le désir de faire ensemble l'Europe, en prenant conscience de la part de chaque personne et de chaque peuple à l'édification de la grande maison commune.

3. Le projet européen ne repose pas sur la volonté de puissance, mais sur l'idée que le dialogue et l'estime réciproque, sont essentiels à la construction de la paix du continent et au dynamisme de chaque nation. Les pères fondateurs de l'Union européenne ont proposé pour leurs peuples de nouvelles manières de vivre ensemble dans une communauté de destin, non pas en oubliant le passé, mais en l'assumant. Il fallait faire en sorte que plus jamais l'Europe ne soit à l'origine des guerres et des foyers d'idéologies qui ont détruit tant de vies humaines et corrompu tant de consciences, comme l'ont été les totalitarismes dont le souvenir est encore présent à notre mémoire. De même, il est important que les peuples européens s'attachent à remplir les conditions concrètes pour avancer dans l'édification de l'Union.

4. Avec attention, le Saint-Siège suit depuis son origine le projet européen, en étant conscient des difficultés de l'entreprise, qui exige beaucoup d'efforts et de sacrifices de la part des différentes nations de l'Union. Ceux qui ont été les initiateurs de la construction européenne et qui ont forgé une certaine idée de l'Europe sont un exemple pour les bâtisseurs actuels et futurs.

En effet, l'édification de l'Union européenne suppose avant tout le respect de toute personne et des différentes communautés humaines, faisant droit à leurs dimensions spirituelle, culturelle et sociale. Aujourd'hui, la tentation est grande d'affirmer que croire en Dieu est un simple phénomène contingent, de nature sociologique. La foi au Christ n'est pas un fait purement culturel qui serait propre à l'Europe; sa propagation sur tous les continents le prouve. Cependant, les chrétiens ont largement contribué à former la conscience et la culture européennes. Cela n'est pas sans importance pour l'avenir du continent, car si l'Europe se construit en écartant la dimension transcendante de la personne, en particulier si elle refuse de reconnaître à la foi au Christ et au message évangélique leur force d'inspiration, elle perd une grande part de son fondement. Lorsque la symbolique chrétienne est bafouée et lorsque Dieu est écarté de la construction humaine, cette dernière est fragilisée, car elle manque de bases anthropologiques et spirituelles. En outre, sans référence à la dimension transcendante, la démarche politique se réduit souvent à une idéologie. À l'inverse, ceux qui ont une vision chrétienne de la politique sont attentifs à l'expérience personnelle de la foi en Dieu chez leurs contemporains, ils inscrivent leur démarche dans un projet qui place l'homme au centre de la société et ils ont conscience que leur engagement est un service de leurs frères, dont ils sont responsables devant le Maître de l'histoire.

5. On parle souvent de la nécessité de construire l'Europe sur les valeurs essentielles. Cela demande aux chrétiens engagés dans les affaires publiques d'être en tout temps fidèles au message du Christ et d'avoir le souci d'une vie morale droite, témoignant ainsi que ce qui les guide, c'est l'amour pour le Seigneur et pour le prochain. Aussi les chrétiens participant à la vie politique ne peuvent-ils se dispenser de porter une attention particulière aux plus pauvres, aux plus démunis et à tous ceux qui sont sans défense. Ils ont également le désir que soient créées les conditions justes pour que les familles soient aidées dans leur rôle indispensable au sein de la société. ns reconnaissent la valeur incomparable de la vie et le droit de tout être à naître et à exister dans la dignité jusqu'à sa mort naturelle.

L'amour d'autrui suscite des attitudes fraternelles et des relations solides entre les personnes et les peuples, pour que les principes du bien commun, de la solidarité et de la justice conduisent à un partage équitable du travail et des richesses, à l'intérieur de l'Union comme avec les pays qui ont besoin d'aide; il faut une motivation spirituelle généreuse pour que l'Europe reste un. continent ouvert et accueillant et pour que la dignité de nos frères ne soit pas bafouée, car la raison d'être de la société est de permettre à chacun de mener « une vie véritablement humaine » [2].

6. Dans les années à venir, votre tâche sera importante, en particulier pour que tous les pays qui le désirent puissent réunir les conditions nécessaires à leur participation à cette grande Europe, grâce au soutien de tous. Par vos débats et par vos décisions, vous faites partie des artisans de la société européenne de demain. En redonnant espoir à ceux qui l'ont perdu, en favorisant l'intégration sociale de ceux qui vivent sur le continent et de ceux qui s'y installent, vous répondrez à votre vocation d'hommes politiques chrétiens.

Au terme de notre rencontre, en vous confiant à l'intercession des saints patrons de l'Europe, je demande au Seigneur de vous éclairer et de faire porter des fruits à votre action, et je vous accorde de grand coeur la Bénédiction Apostolique, ainsi qu'aux membres de vos familles et à tous vos collaborateurs.


[1] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Centesimus Annus, CA 50.
[2] Jacques Maritain, L'homme et l'Etat, p. 11.



AUX ÉVÊQUES FRANÇAIS DE LA RÉGION APOSTOLIQUE PROVENCE-MÉDITERRANÉE À L'OCCASION DE LA VISITE « AD LIMINA APOSTOLORUM »

Samedi 8 mars 1997



Chers Frères dans l'Épiscopat,

1. Au terme des rencontres personnelles que votre visite ad limina m'a permis d'avoir avec vous, je suis heureux de m'adresser à vous tous, évêques de la Région apostolique Provence-Méditerranée, d'abord pour vous remercier de m'avoir fait part de vos préoccupations pastorales. Vos diocèses constituent une région diversifiée, rendue cohérente par une commune orientation vers la Méditerranée; c'est l'une des belles régions d'Europe qui attirent non seulement des touristes, mais aussi des personnes qui viennent y vivre. Vous êtes donc dans un lieu de contacts multiples. La présence de nombreux étrangers vous amène à développer le dialogue oecuménique avec les chrétiens venus d'Orient et avec les communautés ecclésiales issues de la Réforme. D'autre part, le dialogue interreligieux prend une importance particulière à cause de la présence parmi vous de nombreux croyants de l'Islam; il est bon que les échanges avec eux bénéficient d'études de bon niveau dans le cadre d'un nouvel institut spécialisé. Je retiens aussi que votre région comporte plusieurs centres universitaires importants, prolongés par des organismes de recherche scientifique actifs.

Les communautés catholiques de vos diocèses sont souvent petites, et les prêtres relativement peu nombreux. Mais vous portez témoignage du dynamisme du clergé et des laïcs, de leur fidélité à leurs origines antiques prestigieuses, reliées aux générations apostoliques, du maintien d'une religion populaire très respectable, tout autant que des efforts de renouveau accomplis par toutes les forces vives des diocèses. Dites à tous les fidèles, aux prêtres, aux religieux et aux religieuses contemplatifs ou apostoliques, les encouragements du Successeur de Pierre.

Vous m'avez dit votre souci des pauvres, souvent d'autant plus vif que, dans votre région, la misère contraste plus qu'ailleurs avec l'opulence: il est souhaitable que l'ensemble des fidèles aient le désir de promouvoir dans la vie sociale le sens du service public intègre et désintéressé au bénéfice de tous les habitants, quelle que soit leur origine, dans la solidarité et l'entraide, afin de mettre en oeuvre généreusement le précepte de l'amour du prochain. Que tous s'unissent pour être au jour le jour des témoins convaincants du Christ et des exigences de l'Évangile! Et, dans cet esprit, je tiens à adresser un encouragement particulier aux pasteurs et aux fidèles du diocèse d'Ajaccio pour leurs engagements, dans une société tourmentée, en laveur de la réconciliation et de la paix fraternelle.

2. Le sujet sur lequel je voudrais réfléchir davantage avec vous aujourd'hui est la pastorale liturgique et sacramentelle, compte tenu du rôle essentiel que jouent dans ce domaine chaque évêque et les Conférences épiscopales, comme je l'ai rappelé dans la Lettre apostolique pour le 25e anniversaire de la Constitution conciliaire « Sacrosanctum Concilium » [1].

Il s'agit d'améliorer sans cesse la mise en oeuvre des décisions du Concile Vatican II, qui a heureusement souligné la place de la liturgie au coeur de la vie de l'Église: « La liturgie, par laquelle, principalement dans le divin sacrifice de l'Eucharistie, "s'exerce l'oeuvre de notre Rédemption", contribue au plus haut point à ce que les fidèles, en la vivant, expriment et manifestent aux autres le mystère et la nature authentique de la véritable Église... Elle montre l'Église à ceux qui sont au-dehors comme un signe levé sur les nations, sous lequel les enfants de Dieu dispersés sont destinés à se rassembler » [2]. Ces paroles du Concile, que l'on aimera reprendre dans tout leur riche contexte, montrent déjà que l'action liturgique, et spécialement le mémorial du Sacrifice rédempteur du Christ, est « le sommet vers lequel tend l'action de l'Église et en même temps la source d'où découle toute sa vertu » [3]. Car la liturgie est le lieu par excellence où les membres du Corps du Christ sont unis à la prière du Sauveur, au don total de lui-même pour rendre gloire au Père, à sa mission de salut pour le monde. Il s'agit, comme le dit encore Vatican II, de « L'exercice de la fonction sacerdotale de jésus Christ,... dans lequel le culte public intégral est exercé par le Corps mystique de jésus Christ, à savoir par le Chef et par ses membres » [4].

3. La pastorale liturgique a donc pour fonction de guider prêtres et fidèles dans leur participation à l'acte central confié par le Christ à son Église, qui est l'actualisation du mystère pascal de la Passion et de la Résurrection. « C'est en effet du côté du Christ endormi sur la croix qu'est né "l'admirable sacrement de l'Église tout entière" » [5]. Il faut sans cesse redire que l'Eucharistie fait l'Église et fait d'elle le signe du Christ.

Une juste conception de la liturgie tient compte de ce qu'elle doit clairement manifester les notes fondamentales de l'Église. C'est d'abord l'unité du rassemblement où les baptisés se retrouvent pour célébrer le même Seigneur. A cet égard, il importe que l'unité rituelle soit perceptible par les différentes générations de fidèles, les différents milieux, les différentes cultures. Il ne doit pas y avoir opposition entre l'universel et le particulier. Certes, dans les villes et les villages, d'un pays à l'autre, les assemblées ont des caractères propres, mais la célébration liturgique doit permettre à chacun de saisir qu'ils n'accomplissent pas une action privée, simple reflet du groupe présent, mais que l'Église est le sacrement de l'unité [6]». C'est le Seigneur qui rassemble, et l'Église se porte à sa rencontre jusqu'à ce qu'il vienne réaliser dans sa plénitude le dessein bienveillant du Père: « Ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ » [7]. Ainsi peut être perçue, dans la plus modeste assemblée, la catholicité à laquelle tous sont appelés à participer.

Le sens du sacré est à sauvegarder avec un discernement attentif, en évitant tout autant de « sacraliser » exagérément tel style liturgique que de priver les rites ou les paroles saintes de leur sens propre qui est de signifier le don de Dieu et sa présence sanctifiante. Vivre l'action liturgique dans la sainteté, c'est accueillir le Seigneur qui vient parfaire en nous ce que nous ne pouvons accomplir par nos seules forces.

Il est clair que la note apostolique découle de la mission confiée aux Apôtres, de leur participation à l'unique sacerdoce du Christ dans la fonction ministérielle dont ils ont été investis auprès de tout le Corps ecclésial participant au sacerdoce universel. Apostolique, l'Église l'est aussi parce qu'elle ne s'écarte jamais de sa vocation missionnaire. Dans l'action liturgique est présenté à Dieu, pour le glorifier, tout ce qu'accomplissent les fidèles afin de remplir leur mission au coeur du monde. Et l'action liturgique conduit à reprendre la mission, avec le soutien de la grâce vivifiante du Christ, sur les chemins propres à la vocation de chacun.

La liturgie communautaire aide les membres de l'Église une, sainte, catholique et apostolique à vivre le mystère du Christ dans le temps. On ne saurait trop souligner l'importance du rassemblement pour la Messe, le jour du Seigneur. Les premières générations chrétiennes l'avaient bien saisi: « Nous vivons sous l'observance du Jour du Seigneur, jour où notre vie s'est levée par lui et par sa mort,... comment pourrions-nous vivre sans lui? » [8]. La fréquence hebdomadaire de l'Eucharistie dominicale et le cycle de l'année liturgique permettent de rythmer l'existence chrétienne et de sanctifier le temps, que le Seigneur ressuscité ouvre vers l'éternité bienheureuse du Royaume. La pastorale veillera à ce que la liturgie ne soit pas isolée du reste de la vie chrétienne; car les fidèles sont quotidiennement invités à prolonger leur pratique liturgique commune par la prière privée de chaque jour; cette démarche spirituelle donne un élan nouveau au témoignage de la foi des chrétiens vécue quotidiennement, et aussi au service fraternel des pauvres et du prochain en général. La pastorale liturgique, qui ne peut s'arrêter aux portes de l'église, propose à chacun de réaliser l'unité de sa vie et de son agir.

4. La liturgie, qui manifeste la nature propre de l'Église et qui est une source pour la mission, est donnée par L'Église elle-même pour rendre gloire à Dieu: elle a donc ses lois qu'il convient de respecter, dans la distinction des différents rôles remplis par les ministres ordonnés et les laïcs. La priorité revient à ce qui tourne les fidèles vers Dieu, à ce qui les rassemble et à ce qui les unit entre eux et avec toutes les autres assemblées. Le Concile a été clair à ce sujet: «Les pasteurs ont le devoir de veiller attentivement non seulement à ce que dans l'action liturgique soient observées les lois pour une célébration valide et licite, mais aussi à ce que les fidèles participent à celle-ci de façon consciente, active et fructueuse » [9].

Les célébrants et les animateurs doivent aider l'assemblée à entrer dans une action liturgique qui n'est pas leur pure production, mais un acte de toute l'Église. Il faut donc laisser la première place à la parole et à l'action du Christ, à ce que l'on a pu appeler la « surprise de Dieu ». L'animation n'a pas pour fonction de tout exprimer ou de tout prescrire; elle respectera une certaine liberté spirituelle de chacun dans son rapport avec la. Parole de Dieu et avec les signes sacramentels. L'acte liturgique est événement de grâce dont la portée dépasse la volonté ou le savoir-faire des acteurs, appelés à être d'humbles instruments dans la main du Seigneur. C'est à eux qu'il revient de donner à percevoir ce que Dieu est pour nous, ce qu'il fait pour nous, de faire saisir aux fidèles d'aujourd'hui qu'ils entrent dans l'histoire de la création sanctifiée par le Rédempteur, dans le mystère du salut universel.

5. Sur un plan plus concret, j'ajouterai qu'il importe de veiller à la qualité des signes, sans pour autant faire preuve d'« élitisme », car les disciples du Christ de toute culture doivent pouvoir reconnaître dans les paroles et les gestes la présence du Seigneur à son Église et les dons de sa grâce. Le premier signe est celui du rassemblement lui-même. Réunie, la communauté donne en quelque sorte l'hospitalité au Christ et aux hommes, qu'il aime. L'attitude de tous compte, car l'assemblée liturgique est la première image que donne d'elle-même l'Église, convoquée à la table du Seigneur.

Puis, c'est dans l'Église qu'est proclamée authentiquement la Parole de Dieu, une parole vénérée parce que parole vivante et habitée par l'Esprit. Tous les soins doivent être donnés à la lecture par les divers ministres de la parole, qui l'auront d'abord intériorisée afin qu'elle parvienne aux fidèles comme une vraie lumière et une force pour le présent. L'homélie suppose de la part des prêtres une méditation et une assimilation telles qu'ils puissent faire saisir le sens de la parole et permettre une adhésion effective, qui se prolonge par un engagement quotidien.

Les chants et la musique sacrée remplissent un rôle essentiel pour renforcer la communion de tous, par une forme très sensible de l'accueil et de l'assimilation de la Parole de Dieu, par l'unité de l'imploration. On sait l'importance biblique du chant, porteur de la Sagesse: « Psallite sapienter », dit le psalmiste [10]. Veillez à ce que l'on choisisse et que l'on crée de beaux chants, qui reposent sur des textes valables et qui soient accordés à un contenu signifiant. Plus généralement encore que le chant proprement dit, la musique liturgique a la capacité suggestive d'entrelacer le sens théologique, le sens de la beauté formelle et l'intuition poétique. Il convient d'ajouter ici également qu'à côté de la parole et du chant, le silence a une place indispensable dans la liturgie, quand il est bien préparé; il permet à chacun de développer en son coeur le dialogue spirituel avec le Seigneur.

Dans votre pays qui dispose d'un précieux patrimoine religieux, il n'est pas besoin de souligner que les lieux et les objets du culte sont naturellement des signes expressifs, qu'ils soient l'héritage du passé ou des créations contemporaines, car la foi apporte à la culture et à l'art un réel dynamisme créatif. A ce propos, je tiens à dire que j'estime vivement le soin donné à de nombreux édifices du culte, cathédrales ou églises paroissiales par les autorités de l'État et les collectivités locales. Ne négligez aucun effort pour faire vivre les églises des villages, même quand les habitants sont moins nombreux. Que la liturgie soit toujours la véritable raison d'être de ces monuments, car, a-t-on dit, comme les pierres sont ajustées les unes aux autres, les hommes le sont quand ils s'unissent pour louer Dieu.

En somme la liturgie est un extraordinaire moyen d'évangéliser l'homme, avec toutes ses qualités d'esprit et l'acuité de ses sens, avec ses capacités d'intuition et sa sensibilité artistique ou musicale, qui traduisent son désir d'absolu mieux que les discours.

Pour que la liturgie soit bien réalisée et féconde, la formation des célébrants et des animateurs doit être suivie avec soin, comme le font vos commissions diocésaines de pastorale liturgique. Ne cessez d'attirer l'attention des équipes d'animation liturgique sur les enjeux des célébrations, préparées dans une collaboration positive entre les prêtres et les laïcs.

6. Ce que je viens de rappeler au sujet de la pastorale liturgique dans son ensemble doit être prolongé par quelques réflexions sur la pastorale des sacrements, qui n'est pas réservée à quelques spécialistes. Toute l'Église du Christ a la responsabilité d'accueillir avec amour les frères et soeurs, même éloignés de la pratique régulière. Pour remplir pleinement leur mission d'intendants des mystères de Dieu, les prêtres comptent sur la collaboration des laïcs qui acceptent de constituer des équipes de préparation au baptême ou au mariage, de même que d'assurer, dans le cadre de la catéchèse et du catéchuménat, la préparation à l'Eucharistie et à la confirmation.

Pour les pasteurs et les communautés, il s'agit, en recevant les demandes des familles, des adolescents ou des adultes, de bien discerner le sens de la démarche, dans les situations réelles où se trouvent les gens. Si l'approche paraît souvent hésitante ou formaliste, il est bon de se montrer ouvert, de faire confiance à la présence de l'Esprit dans les demandeurs eux-mêmes; on propose les sacrements comme des dons de grâce pour tout l'être, comme des appels à la conversion, et non comme l'aboutissement ou le sceau d'une maturité dans la foi qui aurait été acquise au préalable.

La pastorale des sacrements n'est pas séparable de l'ensemble de la mission d'évangélisation: elle porte à ménager des occasions de proposition de la foi et d'initiation à la vie chrétienne; elle veut favoriser le progrès spirituel de ceux qui viennent frapper à la porte de l'Église, en transmettant l'appel du Seigneur tout en manifestant clairement les exigences évangéliques. Il est souhaitable aussi que les paroisses et les mouvements se préoccupent de garder des contacts avec les personnes pour qui la réception des sacrements risque d'en rester à des actes isolés et étrangers à la vie quotidienne.

Sans pouvoir ici m'étendre sur la manière d'aborder les différents sacrements, je voudrais vous inviter à approfondir spécialement la réflexion sur le sacrement de mariage, dans sa dimension de signe de l'Alliance et de l'amour fidèle de Dieu. La crise du mariage et de la famille appelle un renouveau du sens chrétien de ce sacrement, qui devrait conduire les couples à témoigner d'une conception authentique du mariage, qui est à l'image de la relation de Dieu avec l'humanité.

Vous relevez aussi que le sacrement de la pénitence connaît une grande désaffection. Cela tient à bien des motifs, notamment d'ordre culturel, comme l'individualisme répandu actuellement, ou encore à des malentendus sur les exigences morales, sur le sens du péché et de la relation avec Dieu. C'est un service à rendre que de ne pas renoncer à faire réfléchir sérieusement nos frères et soeurs, à la lumière de l'Évangile qui révèle « Dieu riche en miséricorde » [11]. L'enjeu est essentiel pour des hommes et des femmes que parfois le péché accable, même s'ils ne savent pas le nommer, et qui reculent devant la confession, méconnaissant quel don admirable le Père nous fait par le Christ Sauveur, et négligeant la nécessité pour une conscience chargée d'une faute grave de recourir au sacrement du pardon avant de recevoir l'Eucharistie. Que les prêtres ne minimisent pas la portée du ministère de la réconciliation, certes exigeant, mais source de paix et de joie pour ceux à qui se révèle l'amour miséricordieux de Dieu.

7. Une pastorale liturgique avisée constitue une tâche de tout premier plan dans la mission de l'Église, afin d'ouvrir au plus grand nombre les voies de la communion dans la grâce du salut. J'ai abordé ces questions pour encourager les efforts considérables accomplis dans vos diocèses depuis le Concile Vatican II, Ainsi que je l'avais dit à un congrès liturgique en 1984, il faut tenir présents, « de la manière la plus équilibrée, la part de Dieu et la part de l'homme, la hiérarchie et les fidèles, la tradition et le progrès, la loi et l'adaptation, le particulier et la communauté, le silence et l'élan choral. Ainsi la liturgie de la terre se reliera à celle du ciel, où..., se formera un seul coeur..., pour élever d'une seule et même voix un chant de louange vers le Père par jésus Christ » [12].

Demandons au Seigneur qu'il aide les baptisés à croire fermement à l'action du Christ dans le monde aujourd'hui, grâce aux sacrements qu'il a donnés à son Église. Rendons grâce pour le dévouement de ceux qui contribuent à l'action liturgique dans vos communautés, sans oublier les jeunes, actuellement plus nombreux, qui servent à l'autel et qui sont ainsi plus disposés à entendre le cas échéant l'appel du Seigneur à le suivre dans le sacerdoce ou dans la vie consacrée.

Au nom du Seigneur, je vous donne de grand coeur, ainsi qu'à tous vos diocésains, la Bénédiction Apostolique.


[1] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Epistula apostolica « Vicesimus Quintus Annus », quinto iam lustro expleto a promulgata de Sacra Liturgia Constitutione « Sacrosanctum Concilium », 20-21 die 4 dec. 1988: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XI, 4 (1988) 1741 ss.
[2] Sacrosanctum Concilium, SC 2.
[3] Ibid. SC 10.
[4] Ibid. SC 7.
[5] Ibid. SC 5.
[6] Sacrosanctum Concilium, SC 26.
[7] Ep 1,10.
[8] S. Ignatii Antiocheni Ad Magnesios, 9, 1-2.
[9] Sacrosanctum Concilium, SC 11.
[10] Ps 47,8 (46), 8.
[11] Ep 2,4.
[12] Ioannis Pauli PP. II Sermo liturgici Conventus participibus, 6, die 27 oct. 1984: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, VI, 2 (1984) 1054 s.



AUX OFFICIERS ET À L'ÉQUIPAGE DU PORTE-HÉLICOPTÈRES « JEANNE D'ARC » DE LA MARINE NATIONALE FRANÇAISE

Samedi 15 mars 1997




Messieurs les Officiers,
Chers amis,

Vous avez désiré venir saluer l'Évêque de Rome, à l'occasion de l'escale à Naples du porte-hélicoptères Jeanne d'Arc. Je suis heureux de vous accueillir dans cette Ville, au coeur de l'Église dont beaucoup d'entre vous font partie. Vous savez que le ministère du Pape l'amène à travailler pour l'unité et la paix des hommes, au nom du Christ venu réconcilier l'humanité avec le Père. La carrière que vous avez choisie vous fait parcourir ce monde, souvent divisé et blessé: puissiez-vous agir toujours en serviteurs de la paix, dans l'amour pour les hommes!

La prochaine journée mondiale des jeunes, à Paris, a pour thème le dialogue des disciples avec Jésus: « Maître, où demeures-tu? ». La réponse du Christ est: « Venez et voyez » [1]. Je vous adresse aussi cette invitation. Que ce soit à Paris en août, ou sur les mers du globe, allez à la rencontre de Celui qui est la lumière du monde, apprenez à voir le visage du Christ, qui révèle la splendeur de Dieu et qui se laisse aussi reconnaître dans le plus humble de ses frères.

En ces jours, nous préparons les fêtes pascales. Je vous souhaite de les vivre à la suite du Christ qui aime les siens jusqu'au bout [2] et qui, le premier, se relève d'entre les morts dans la gloire de Pâques. Qu'il soit pour vous « le Chemin, la Vérité et la Vie » [3]!

Merci de votre visite. De tout coeur, je vous donne, à vous et à tous les vôtres, la Bénédiction Apostolique.

[1] Cfr. Jn 1,38-39.
[2] Cfr. Jn 13,1.
[3] Ibid. Jn 14,6.



AUX ÉVÊQUES FRANÇAIS DE LA RÉGION APOSTOLIQUE MIDI-PYRENÉE EN VISITE « AD LIMINA APOSTOLORUM »

Samedi 15 mars 1997



Chers Frères dans l'épiscopat,


1. L'occasion de votre pèlerinage aux tombeaux des saints Apôtres Pierre et Paul, et de votre visite ad limina, démarche qui manifeste la communion des Églises locales répandues à travers le monde avec le Successeur de Pierre et la collaboration confiante avec les différents services du Saint-Siège, c'est avec joie que je vous accueille aujourd'hui. Je remercie tout d'abord Monseigneur Maurice Gaidon, votre Président, de m'avoir présenté des aspects importants de votre ministère: des joies et des motifs d'action de grâce, car vous percevez l'oeuvre de l'Esprit dans le coeur des hommes, et des questions que vous rencontrez quotidiennement dans la mission. Nos entrevues roc permettent d'être proche du clergé et des fidèles des diocèses dont vous êtes les pasteurs.

Parmi les éléments de renouveau et les attentions que vous faites apparaître dans vos rapports quinquennaux, je retiens aujourd'hui ce qui concerne la catéchèse et les jeunes. Ce sont précisément ces deux aspects que je voudrais évoquer avec vous; dans l'esprit qui a animé l'Assemblée de printemps des évêques de France en 1996, je vous encourage à poursuivre et à intensifier votre action auprès de la jeunesse, car c'est spécialement vers elle que doit se porter la sollicitude de l'Église.

2. Tout d'abord, vous soulignez le souhait de nombreuses familles d'être accompagnées dans l'éveil à la foi des tout-petits. Face aux questions des enfants, les parents sont parfois désemparés; ils éprouvent alors la nécessité de faire appel aux pasteurs. C'est souvent pour eux une occasion de raviver leur foi personnelle et de revenir à une pratique sacramentelle plus intense. À la maison, dès leur plus jeune âge, les enfants s'interrogent sur Dieu; ils peuvent y recevoir les premières réponses à leurs demandes et être initiés au dialogue avec le Seigneur et à la confiance en sa bonté de Père. Mais une pédagogie toute simple de la prière chrétienne suppose aussi que les adultes donnent l'exemple de la prière personnelle et de la méditation de la Parole de Dieu. Nous avons donc à encourager les parents à prendre conscience de leur mission d'éducateurs de la foi et à demander le soutien des prêtres et de laïcs formés à cet aspect de la pastorale.

3. Pour satisfaire les demandes spécifiques d'éducation religieuse des enfants, vous avez soin de proposer un enseignement catéchétique qui développe de manière organique le mystère chrétien. En effet, la catéchèse a besoin de programmes bien articulés, inspirés du Catéchisme de l'Église catholique, présentant les différents éléments du Credo. D'autre part, en parcourant l'histoire sainte, les enfants apprennent à connaître les grandes figures bibliques, pour prendre comme exemples ceux qui ont préparé la venue du Sauveur, pour connaître le Christ et pour devenir à leur tour ses disciples. À un âge où la formation passe par la proposition de modèles de vie chrétienne, l'identification aux hommes et aux femmes de l'Ancien et du Nouveau Testament et aux saints de notre histoire est un aspect qui compte dans l'éducation spirituelle. Vous constatez aussi que de plus en plus d'enfants en âge scolaire demandent le baptême; on ne peut que se réjouir de ce renouveau, auquel il convient d'accorder une grande attention; c'est là un signe de ce que les enfants savent découvrir la valeur des sacrements: aidons-les à y participer régulièrement.

4. La catéchèse spécialisée connaît, elle aussi, un nouveau développement. Je salue les personnes qui acceptent de s'engager pour que les enfants affectés d'un handicap puissent recevoir une catéchèse adaptée et bénéficier d'une assistance spirituelle convenable. Avec tout leur coeur et malgré leurs souffrances, ces jeunes savent s'émerveiller de la grandeur et de la beauté de Dieu, qui se révèle non aux savants, mais aux pauvres et aux tout-petits [1]; ils ont aussi un sens profond de la prière filiale et de la confiance envers le Seigneur. Les adultes reçoivent beaucoup de la proximité avec ces jeunes. J'invite les communautés chrétiennes à accorder leur juste place à ceux qui sont les plus faibles et les plus fragiles.

5. Dans une société qui a tendance à mettre l'accent sur la rentabilité, il est bon de rappeler que le développement et la maturation humaines des jeunes ne peuvent se faire uniquement grâce à l'acquisition de connaissances scientifiques et techniques. Ce serait méconnaître le besoin d'intériorité de la personne. De l'expérience intérieure, jaillit le dynamisme vital, Pour le nécessaire développement spirituel des jeunes, de nombreux parents ont le souci de faire donner à leurs enfants une éducation religieuse qui ne se confonde pas avec l'enseignement de connaissances religieuses données dans une part importante des établissements scolaires, Des notions sur la religion sont opportunes, car elles permettent aux jeunes de découvrir les racines spirituelles et morales de leur culture. Cependant elles ne constituent pas encore la transmission de la foi, qui ouvre à la pratique de la vie chrétienne. Garder la possibilité d'une catéchèse est non seulement une question de liberté religieuse ou d'ouverture d'esprit, mais cela répond au souci de faire accéder les jeunes à la splendeur de la vérité et de faire d'eux des disciples du Seigneur, prenant leurs responsabilités dans la communauté chrétienne. Une formation catéchétique qui n'invite pas les enfants à rencontrer le Seigneur, dans la prière personnelle et par la pratique régulière des sacrements, en particulier de l'Eucharistie, risque de conduire rapidement les jeunes à abandonner la foi et les exigences de la vie morale.

Dans cette perspective, il importe que les Autorités et tous ceux qui ont des responsabilités dans le monde de l'éducation aient le souci de dégager et de maintenir, dans les semaines de la période scolaire, des plages horaires convenables, pour que les familles qui le désirent puissent offrir à leurs enfants une formation chrétienne et spirituelle, sans que cela soit pour les jeunes une surcharge trop grande dans leur emploi du temps et que cela les mette à l'écart des activités parascolaires. À ce propos, je salue les efforts importants consentis par les responsables de la catéchèse et par les paroisses, pour s'adapter aux horaires des jeunes.

6. De plus en plus de personnes participent à la catéchèse. Je me réjouis de ce que des pères et des mères de famille, en liaison avec des religieux, des religieuses et des prêtres, acceptent de donner du temps pour assurer cette mission primordiale de l'Église. En ce qui vous concerne, vous êtes attentifs à les former avec soin, sur le plan théologique, spirituel et pédagogique, afin qu'ils puissent accompagner patiemment les enfants dans leur croissance humaine et spirituelle, et leur transmettre le message chrétien. Le catéchiste est plus qu'un enseignant. il est un témoin de la foi de l'Église et un exemple de vie morale. Il conduit les jeunes à découvrir le Christ et les aide à trouver la place à laquelle ils aspirent dans les communautés chrétiennes qui doivent être attentives et les accueillir, en les intégrant dans les différentes activités ecclésiales.

Je salue les efforts faits par les services diocésains de catéchèse, qui s'attachent à mettre en place des relais où les adultes peuvent se former et trouver des ouvrages utiles et disposer des informations nécessaires; grâce à de multiples collaborations, les personnes chargées de la catéchèse ont ainsi à leur portée des instruments indispensables pour les aider dans leur tâche éducative, sur le plan doctrinal et sur le plan pédagogique.

7. Les écoles catholiques ont un rôle spécifique à jouer dans l'éducation religieuse, comme le rappellent en particulier les statuts de l'Enseignement catholique, récemment modifiés, et les réflexions approfondies au cours des différentes Journées nationales des Organismes de Gestion de l'Enseignement catholique. Au sein des établissements, à travers l'enseignement scolaire, les cours de culture religieuse, la catéchèse et la vie quotidienne, il revient à la communauté éducative de faire apparaître le sens chrétien de l'homme et de rendre clairement compte des valeurs spirituelles et morales essentielles dont est porteur le message chrétien. Les dirigeants et les enseignants auront soin d'être par toute leur vie des modèles de vie chrétienne; certes, cela est exigeant, mais les jeunes découvriront la foi qui fait vivre et agir autant grâce à la manière d'être de ceux qui les entourent que grâce à leurs paroles.

8. Portez mes encouragements chaleureux à tous les hommes et à toutes les femmes qui, dans les différents parcours de formation catéchétique, se dévouent sans compter pour que le Christ soit connu et aimé, et que le mystère chrétien soit clairement présenté aux jeunes d'aujourd'hui. Que, soutenus par la prière personnelle, par la vie sacramentelle et par l'ensemble des membres des communautés chrétiennes, ils développent sans cesse de nouvelles initiatives pédagogiques, malgré des moyens parfois réduits. J'invite aussi les communautés ecclésiales a proposer des liturgies de la Parole et, le dimanche là où cela est possible, des célébrations de l'Eucharistie dans lesquelles les enfants et les jeunes soient réellement intégrés et qui soient à leur portée.

9. Dans le domaine des activités parascolaires, l'Église a une longue tradition et a toujours eu un rôle à jouer, car les moments de détente sont aussi des temps précieux pour l'éducation. Le souvenir est resté vivant et fidèle, dans de nombreux mouvements de jeunesse, des prêtres, des personnes consacrées et des laïcs qui, durant les jours de congé et les périodes de vacances scolaires, rassemblaient les enfants et leur proposaient des jeux, des activités d'éveil, une vie communautaire entre jeunes et adultes; ce sont des éléments bénéfiques pour la croisesance intégrale des jeunes et pour leur ouverture sociale. De nombreux jeunes ayant participé à ces activités ont eu par la suite des responsabilités considérables dans l'Église ou dans la société. Aujourd'hui encore, il convient de rechercher les moyens les plus opportuns pour répondre à la demande des jeunes, qui, à côté de leur vie scolaire où les rythmes et les horaires sont parfois lourds, aspirent légitimement à des temps de loisir. Car la véritable éducation ne peut pas être envisagée seulement comme une formation intellectuelle. Par une attention à l'esprit et au corps, il s'agit avant tout d'édifier en chaque jeune l'homme ou la femme qu'il sera demain, responsable de lui-même et de ses frères, en l'aidant à parvenir à un équilibre spirituel, humain et affectif.

10. Vous êtes préoccupés par la faible présence des jeunes dans les communautés ecclésiales. Et vous m'avez fait part du nombre assez important de jeunes qui sont en situation d'échec scolaire ou qui sont perturbés par des difficultés personnelles et familiales. Vous constatez aussi que beaucoup d'entre eux sont profondément blessés par les crises que traverse la société actuelle. D'autres sont séduits et fascinés par des mouvements de toute sorte qui promettent des bonheurs illusoires, tout en entravant la liberté des personnes et en compromettant parfois l'équilibre psychologique des êtres. Pour remplir votre mission de façon plus appropriée, l'an dernier, vous avez lancé une grande enquête à l'intention des jeunes; vous avez reçu plus de 1200 réponses, parmi lesquelles de nombreux témoignages significatifs. C'est un signe encourageant et un appel à élaborer des propositions toujours plus fortes pour la jeunesse,

Grâce aux analyses et à la synthèse que votre Conférence épiscopale a faites à partir de l'enquête, vous aiderez maintenant les communautés locales, afin qu'elles envisagent des perspectives pastorales nouvelles, pour répondre aux attentes des jeunes et faire d'eux des partenaires de la vie ecclésiale. Toutes les forces vives des diocèses sont appelées à travailler ensemble et à intensifier leur action en direction de la jeunesse: les organismes diocésains concernés, les paroisses, les mouvements de jeunes, comme l'Action catholique, le scoutisme, le MEJ ou les communautés charismatiques.

11. Vous percevez aussi chez les jeunes une soif nouvelle de connaître Dieu, de développer leur vie intérieure et de mener une vie communautaire, pour répondre courageusement à l'appel de Dieu et faire des choix de qualités dans leur existence. A leur manière, comme les disciples, ils veulent redire au Christ: « Seigneur, à qui irions nous? Tu as les paroles de la vie éternelle »[2]. Durant les années de formation, les aumôneries dans l'Enseignement public ou privé constituent des communautés croyantes incomparables, qui permettent aux jeunes de faire une expérience d'Église et qui doivent les aider à s'insérer plus aisément dans l'Église diocésaine. Les jeunes sont aussi de plus en plus nombreux à participer à de grands rassemblements qui comportent des célébrations liturgiques dans un esprit de fête. Et ce sont paradoxalement ces grands rassemblements chrétiens, où le silence est aussi possible, qui leur offrent la possibilité de prendre conscience que Dieu est proche d'eux, en particulier dans les sacrements de l'Eucharistie et de la Réconciliation, et qu'il leur parle au coeur dans les Écritures; ils y font aussi l'expérience de la catholicité et de la diversité dans l'Église. Ainsi, de nombreux jeunes de vos diocèses se sont engagés dans la préparation des journées mondiales de la jeunesse. C'est un signe évident qu'ils aspirent à une vie chrétienne plus forte, avec d'autres jeunes de leur âge, et qu'ils souhaitent s'engager davantage à la suite du Christ, dans l'Église, pour être « des prophètes de la vie et de l'amour », comme je le rappelais récemment [3]. Dans ce sens, beaucoup d'entre vous m'ont dit leur joie de voir de nombreux jeunes faire une démarche de foi authentique, pour recevoir le sacrement de confirmation. Tout cela montre qu'il est opportun de favoriser l'insertion des jeunes dans la communauté chrétienne, comme vous le souhaitiez dans le message que vous avez adressé en 1996 aux jeunes catholiques de France.

12. Les jeunes attendent d'abord d'être écoutés, d'être aimés et d'être guidés, pour qu'ils puissent édifier leur personnalité de manière sereine. Ils ont aussi besoin d'adultes capables de leur rappeler les points de repère et les exigences que comporte toute existence qui veut être belle; capables aussi de trouver les façons positives de leur présenter le message chrétien, en particulier dans le domaine moral. Dans cette perspective, comme vous le soulignez, les jeunes prêtres sont souvent les plus aptes à être proches des jeunes et à donner un élan nouveau à la pastorale de la jeunesse. Aussi sera-t-il bon qu'éventuellement déchargés d'autres fonctions ministérielles, ils soient davantage disponibles pour la mission auprès des jeunes, en étant soutenus par leurs frères dans le sacerdoce et en ayant leur place dans les communautés paroissiales. J'encourage donc les jeunes prêtres, les jeunes religieux et religieuses, à être proches des jeunes, particulièrement dans les périodes clé de leur croissance. Au milieu d'eux, ils seront des témoins qualifiés et ils leur manifesteront que chacun a du prix aux yeux de Dieu et de l'Église.

Les jeunes éducateurs ont un rôle précieux; ils se souviendront que «l'homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres » [4]. Par leur façon d'être et la fidélité à leurs promesses, ils montreront la voie du bonheur et seront reconnus comme les véritables guides spirituels dont le peuple a besoin. Ils auront aussi à coeur de proposer aux jeunes un accompagnement personnel et la participation à une vie de groupe; ces deux aspects conjoints de la vie pastorale offriront aux jeunes des éléments nécessaires à l'unification de leur vie, en les aidant à discerner clairement leur vocation.

13. Le Concile oecuménique Vatican II s'est achevé par un message aux jeunes, appel pour qu'ils puissent « recueillir le flambeau des mains de [leurs] aînés et... le meilleur de l'exemple et de l'enseignement de [leurs] parents et de [leurs] maîtres » [5]. L'Église regarde toujours vers les jeunes avec confiance et avec amour. Elle se réjouit de leur enthousiasme et de leur désir de se donner sans retour. Pour les aider à trouver le sens de leur vie, elle doit leur présenter « le Christ éternellement jeune », « le vrai héros, humble et sage, le prophète de la vérité et de l'amour, le compagnon et l'ami des jeunes » [6].

Que les parents et les éducateurs ne désespèrent jamais et qu'ils sachent, à temps et à contretemps, rendre compte de la foi, de l'espérance et du bonheur qui les font vivre et qui les guident dans leurs choix, même si, en apparence, les jeunes ne donnent pas immédiatement leur consentement. Comment les jeunes pourront-ils avoir le goût de Dieu et vouloir être disciples du Seigneur s'ils n'en entendent jamais parler, s'ils ne côtoient pas des gens heureux d'être chrétiens et de s'engager sur la voie de la justice, de la solidarité et de la charité? En voyant les adultes croire et vivre leur foi, ils découvriront que seul l'amour fait agir les membres de l'Église [7].

14. Au terme de votre visite « ad limina », je vous encourage, avec toutes les forces vives de vos diocèses, à poursuivre vos efforts dans la pastorale de la jeunesse, qui est une de vos priorités. Que les communautés chrétiennes fassent toujours davantage confiance aux jeunes, leur donnent des responsabilités et les soutiennent avec patience. Portez les salutations du Pape aux prêtres, aux diacres, aux personnes consacrées ainsi qu'aux laïcs de vos diocèses, et, de manière particulière, transmettez aux enfants et aux jeunes mon affection. A vous-mêmes, aux évêques émérites et à tous vos diocésains, j'accorde de grand coeur la Bénédiction Apostolique.


[1] Cfr. Lc 10,21.
[2] Jn 6,68.
[3] Ioannis Pauli PP. II Nuntius scripto datus ad iuvenes ob XII mundialem diem iuventuti dicatum, 8, die 15 aug. 1996: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XIX, 2 (1996) 186.
[4] Cfr. Pauli VI Evangelii Nuntiandi, EN 41.
[5] Concilii Oecumenici Vaticani II Nuntii quibusdam hominum ordinibus dati: « Ad iuvenes », die 8 dec. 1965.
[6] Concilii Oecumenici Vaticani II Nuntii quibusdam hominum ordinibus dati: « Ad iuvenes », die 8 dec. 1965.
[7] Cfr. S. Teresiae a Iesu Infante Manuscrit MSB 3.



Discours 1997 - Lundi 3 mars 1997