Discours 1997 - Salle du Consistoire, Vendredi 18 avril 1997


À NEUF NOUVEAUX AMBASSADEURS À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Salle Clémentine, Jeudi 24 avril 1997



Messieurs les Ambassadeurs,

1. C'est avec plaisir que je reçois des mains de Vos Excellences les Lettres qui Les accréditent auprès du Saint-Siège comme Ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires de leurs nations respectives. Au début de votre nouvelle mission, je forme pour vous des voeux cordiaux et je vous souhaite la bienvenue à Rome, dans cette ville où une civilisation antique a laissé son empreinte, non seulement dans les pierres, mais aussi dans la culture et dans l'expression des valeurs morales et spirituelles que les hommes ont vécues au cours des temps.

2. Mon récent voyage à Sarajevo m'invite à lancer à nouveau, par votre intermédiaire, un vibrant appel en faveur de la paix entre les communautés humaines à l'intérieur de chaque pays et entre les nations. Vous savez le prix que l'Église attache à la bonne entente entre les peuples, pour permettre à chacun de vivre dans la sérénité et pour édifier ensemble la cité terrestre. Les phénomènes de mondialisation qui se développent sont parfois à l'origine de tensions sociales. Cependant, ils peuvent être une source de dynamisme pour les pays et pour les échanges amicaux des hommes. Cela suppose que soient sans cesse approfondies les règles de la vie internationale, en s'inspirant des principes éthiques.

Il convient tout d'abord de rappeler la place première de l'homme, fait pour vivre en société, mais qui ne peut être réduit à cette dimension communautaire de son existence. En raison de ses prérogatives et de ses fonctions, l'État est le premier garant des libertés et des droits de la personne humaine, c'est-à-dire du respect de toute personne, en vertu de sa dignité propre; en effet, parce qu'il est un être spirituel, l'homme est la valeur fondamentale et compte plus que toutes les structures sociales auxquelles il participe. « Toute menace contre les droits de l'homme, que ce soit dans le cadre de ses biens spirituels ou dans celui de ses biens matériels, fait violence à cette dimension fondamentale » [1]. Cette attention aux droits de l'homme de la part des Autorités donne à tous les citoyens confiance dans les institutions nationales, chargées d'assurer leur protection.

3. Dans la vie publique comme dans les différents domaines de la vie sociale, tous les hommes doivent aussi favoriser le dialogue. Cela permet à chaque personne, à chaque groupe d'être reconnu dans sa diversité et, en même temps, de se sentir appelé à servir sa patrie. Il appartient à ceux qui, a un titre ou à un autre, exercent une responsabilité publique de veiller à l'intégration des personnes vivant sur un même territoire, pour faire concourir leur action au bénéfice de tous. Lorsque des membres de la communauté nationale ne sont pas partie prenante du destin de leur pays, leur marginalisation progressive ouvre la voie à de multiples formes de violence. À l'inverse, la reconnaissance des différences religieuses et culturelles, leur prise en compte par l'État, ainsi que l'appel pour que chacun travaille en vue du bien commun, sont des éléments qui renforcent chez l'ensemble des citoyens l'amour de leur patrie, le désir de se dépenser pour son unité et pour sa croissance, ainsi que l'ouverture aux autres qui va jusqu'à l'accueil fraternel de personnes déplacées et d'étrangers.

4. Au niveau de chaque pays et de la communauté internationale, les Autorités et les partenaires sociaux ont le souci de développer une solidarité effective entre les citoyens et entre les peuples.Face aux difficultés croissantes que traversent de nombreux pays, une solidarité accrue se traduit tout d'abord par des aides d'urgence. À ce propos, je salue les efforts de la communauté internationale et de nombreux organismes en faveur de l'aide humanitaire, pour assister les pays les plus pauvres de la planète, pour porter secours aux populations civiles des zones de conflits, pour accueillir des personnes contraintes de fuir leur terre et pour offrir une assistance aux régions confrontées à différentes catastrophes naturelles.

Mais cette solidarité se manifeste aussi autrement. En effet, par une assistance technique et une formation appropriée, il convient d'encourager les pays qui sortent de périodes difficiles à se doter d'institutions démocratiques stables, à mettre en valeur leurs richesses propres pour le bien de tous les habitants et à assurer aux populations une éducation morale, civique et intellectuelle. C'est au prix de la promotion intégrale des personnes que l'on aidera réellement les pays à se développer, à être des acteurs de leur progrès et des partenaires de la vie internationale, et à envisager l'avenir avec confiance. Pour sa part, grâce aux finalités de la décennie pour l'éradication de la pauvreté, déterminées au sommet de Copenhague, l'ONU lance un appel particulièrement opportun à tous les pays, pour redoubler leurs efforts en ce domaine.

5. Vos concitoyens catholiques, clergé et laïcs, sont soucieux de s'engager dans la société nationale, en s'appuyant sur les principes moraux que le Saint-Siège ne cesse d'enseigner et de développer. En particulier, ils prennent une part active dans les domaines de l'éducation, de la santé et de l'action caritative, qui sont trois formes de service grâce auxquels ils veulent aider les jeunes à construire leur personnalité et accompagner les personnes qui souffrent. Ils manifestent ainsi à ceux qui les entourent, dans le respect des croyances spécifiques et sans esprit de prosélytisme, le visage d'amour de Dieu. La liberté de religion et la liberté de conscience dont ils doivent jouir, ainsi que tous leurs compatriotes, au titre de l'équité entre tous les citoyens d'une nation, leur laissent la possibilité d'épanouir leur vie spirituelle, en trouvant dans la prière personnelle et dans les célébrations communautaires la source de leur dynamisme dans le monde.

6. Messieurs les Ambassadeurs, notre rencontre est l'occasion de vous livrer ces quelques réflexions. Au terme de cette cérémonie, ma pensée se tourne vers les États que vous représentez auprès du Successeur de Pierre et vers leurs dirigeants. Je vous saurais gré de leur exprimer les sentiments profonds que j'éprouve à leur égard et l'attention que je leur porte. Dans la prière, je forme pour vos compatriotes des vaux de paix et de prospérité.

Sur vos personnes, vos familles, vos collaborateurs comme sur vos compatriotes, j'invoque l'abondance des bienfaits divins.


[1] Ioannis Pauli PP. II Oratio ad Educativam, Scientificam et Culturalem Nationum Unitarum Institutionem (UNESCO) Lutetiae Parisiorum habita, 4, die 2 iun. 1980: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, III, 1 (1980) 1638.



À S.E. M. OLLI MENNANDER, NOUVEL AMBASSADEUR DE FINLANDE PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Jeudi 24 avril 1997




Monsieur l'Ambassadeur,

1. C'est avec grand plaisir que je souhaite la bienvenue à Votre Excellence, au moment où Elle présente les Lettres qui L'accréditent auprès du Saint-Siège, en qualité d'Ambassadeur extraordinaire notre et plénipotentiaire de Finlande.

Je vous prie de bien vouloir transmettre à Son Excellence Monsieur Martti Ahtisaari, Président de la République de Finlande, mes remerciements cordiaux pour l'aimable message dont vous vous êtes fait l'interprète. À mon tour, je forme des voeux cordiaux pour l'heureux accomplissement de sa tâche au service de tous ses compatriotes. Je vous remercie des paroles courtoises que vous avez eues à mon égard. Elles témoignent de nobles sentiments que j'ai vivement appréciés; elles manifestent aussi votre attention et votre compréhension pour l'action et la mission spirituelles et morales du Siège apostolique en faveur de la paix, de la solidarité entre les peuples, des droits de l'homme et de la dignité de tout être.

2. Vous avez évoqué, Monsieur l'Ambassadeur, quelques aspects de la vie internationale, en rappelant opportunément le rôle joué par votre pays dans le développement des relations en Europe, en particulier au sein de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, dont la fondation reste liée à votre terre par la signature de l'acte final, à Helsinki, le 1er août 1975. Tous les pays du continent sont invités à s'engager dans la construction d'une Europe de paix et de solidarité, pour que les institutions mises en place soient réellement au service des peuples. À ce propos, je sais gré à votre Gouvernement et à vos compatriotes d'avoir participé aux efforts de paix en Bosnie-Herzégovine, par le dialogue avec les forces antagonistes et par une assistance technique soutenue, afin que les hommes de cette terre puissent se doter d'institutions démocratiques indispensables à la vie publique et relancer leur économie, pour le bien de tous.

Pour l'avenir du continent européen dans lequel existent encore d'inquiétants foyers de tension, ainsi que pour la paix et l'amitié entre les peuples, il est plus que jamais important que les nations se donnent ensemble des moyens institutionnels solides; cela affermira la collaboration confiante entre les différentes Autorités gouvernementales, ainsi qu'entre les hommes qui vivent sur le continent. Une telle démarche sera bénéfique pour tous les Européens et elle favorisera la croissance spirituelle, morale et économique, essentielle dans une période où la crise atteint de nombreuses personnes et de nombreuses familles.

3. Vous avez évoqué, Monsieur l'Ambassadeur, la question des droits de l'homme, à laquelle le Saint-Siège est fortement attaché, car elle est l'expression de la grandeur et de la dignité inaliénable de tout être humain, du sens moral et de l'attention à la place de chacun dans la société. En effet, il y a un lien étroit entre la valeur de la personne et le service qu'elle est appelée à rendre en vue du bien commun. Comme on peut le constater dans un certain nombre de conflits, le refus de garantir l'inviolabilité de l'être humain ne peut qu'avoir des conséquences néfastes sur la vie sociale. Car, en tant que membre d'une nation, l'homme doit travailler avec et pour ses frères, mais, créé à l'image de Dieu, son être et sa vie ne se limitent pas à leur aspect communautaire. L'homme spirituel est au service de l'humanité, mais la société est ordonnée à la promotion de l'homme.

4. Ainsi que je l'écrivais déjà dans l'encyclique « Evangelium Vitae », je me réjouis de « la progression d'un sens moral plus disposé à reconnaître la valeur et la dignité de tout être humain en tant que tel, sans aucune distinction de race, de nationalité, de religion, d'opinion politique ou de classe sociale » [1]. Plus que jamais, nos contemporains sont donc appelés à lutter pour que le droit primordial à la vie et la dignité humaine de tout être déjà conçu soient protégés et que les sociétés développent une culture de la vie. Dans cet esprit, il importe que se poursuive la formation de la conscience morale de nos contemporains, afin qu'ils puissent inlassablement réagir lorsque la dignité humaine est bafouée. Cela doit pouvoir aller, en particulier pour les personnels de santé, jusqu'à la possibilité, librement reconnue d'exercer leur devoir d'objection de conscience, pour ne pas commettre des actes que leurs convictions philosophiques et que leur foi réprouvent. En effet, ceux qui sont chargés de soigner leurs frères définissent avant tout leur profession comme un « oui » passionné et tenace à la vie et à sa beauté, quelle que soit la perception que les autres peuvent en avoir. Ce consentement à la vie donnera aux jeunes une espérance renouvelée et leur permettra de prendre courage en eux-mêmes.

5. Votre venue dans la maison du Successeur de Pierre me permet d'évoquer la présence des fidèles catholiques dans votre pays. Ils sont peu nombreux, mais ils apprécient la liberté qui leur est laissée dans l'exercice de leur vie chrétienne; en promouvant les valeurs morales primordiales qui fondent la dignité de l'homme et qui ouvrent à la-vie fraternelle, ils ont avant tout le désir de participer activement à la vie sociale de leur terre, dans un dialogue cordial et constructif avec toutes les composantes de la nation, notamment, en un esprit oecuménique, avec les différentes communautés religieuses qui se trouvent en Finlande.

Ma pensée se tourne aussi vers l'ensemble de vos compatriotes dont un nombre important subit aujourd'hui les effets de la crise économique qui frappe le continent. Je souhaite que, dans un élan constant de solidarité nationale, chacun puisse trouver la place qui lui revient au sein de la société et avoir les moyens de vivre dans la dignité avec les membres de sa famille. Grâce à leur sens convivial et aux valeurs de l'accueil et du partage qui les caractérisent, vos concitoyens sont aussi invités à apporter leur contribution spécifique à la construction de l'Europe des peuples. Ils découvriront ainsi que les échanges entre les nations du continent sont sources de bienfaits pour tous les hommes et ils feront avancer la cause de la justice et de la paix, pour être heureux de vivre sur leur terre.

6. Au moment où commence votre mission de Représentant de la République de Finlande, je vous souhaite, Monsieur l'Ambassadeur, un heureux séjour à Rome. Je puis vous assurer que vous trouverez toujours auprès de mes collaborateurs un soutien attentif et un accueil cordial.

Sur Votre Excellence, sur le peuple finlandais et sur ceux qui ont en charge ses destinées au seuil du troisième millénaire, j'invoque de grand coeur l'abondance des Bénédictions divines.

[1] Ioannis Pauli PP. II Evangelium Vitae, EV 18.



À S.E. M. ELTIGANI SALIH FIDAIL, NOUVEL AMBASSADEUR DU SOUDAN PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Jeudi 24 avril 1997



Monsieur l'Ambassadeur,

1. Soyez le bienvenue au Vatican, où j'ai le plaisir d'accueillir Votre Excellence à l'occasion de la présentation des Lettres qui L'accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République du Soudan auprès du Saint-Siège.

Je vous remercie des salutations que vous m'avez adressées au nom de Son Excellence le Président Omer Hassan Ahmed Elbashir et du peuple soudanais. Je vous saurais gré de bien vouloir leur transmettre les voeux que je forme pour le bonheur et la prospérité de la nation entière. Je prie le Très-Haut pour qu'Il inspire à chacun les sentiments de compréhension mutuelle et de fraternité qui permettront l'édification d'une société plus juste et plus solidaire fondée sur une effective reconnaissance des droits de toutes ses composantes.

2. Dans votre allocution vous avez fait état des efforts accomplis par le Soudan pour parvenir à la paix et pour garantir les droits de chaque citoyen. Il est nécessaire, en effet, que toutes les nations reconnaissent véritablement les droits fondamentaux de la personne dans la diversité des communautés humaines et religieuses qui les composent. Les différences, trop souvent comprises comme un poids ou comme une menace contre l'unité nationale, manifestent au contraire la richesse et la grandeur de la nature humaine, créée par Dieu de telle sorte que tous ceux qui en participent forment une unique famille humaine. La paix se construit sur une véritable solidarité entre les personnes et entre les groupes humains.

3. Monsieur l'Ambassadeur, vous avez voulu saluer la contribution du Saint-Siège à la paix. C'est le devoir de l'Église de rappeler inlassablement la dignité inaliénable de la personne humaine, quelles que soient son origine, sa race, son sexe, sa culture ou sa religion. Cela signifie aussi que les communautés humaines, même lorsqu'elles sont minoritaires, doivent pouvoir exister avec leurs caractéristiques propres, et qu'il est du devoir de l'État de reconnaître leur place légitime, en les respectant et en faisant en sorte que les différences soient un apport pour le bien commun. Ce droit à l'existence inclut celui de la liberté de se tourner vers le Créateur selon sa propre conscience, pour rechercher la vérité et pouvoir y adhérer sans contrainte, ainsi que de manifester librement et publiquement sa foi, jouissant en toute sécurité des lieux de culte, d'éducation et de service social. Comme j'ai eu l'occasion de le déclarer devant la 50e Assemblée générale des Nations Unies, toutes les communautés humaines doivent être respectées dans leurs recherches pour répondre au problème de la vie humaine. « Dans cette perspective, il nous est possible de reconnaître l'importance de préserver le droit fondamental à la liberté de religion et à la liberté de conscience, colonnes essentielles sur lesquelles repose la structure des droits humains et fondement de toute société réellement libre. Il n'est permis à personne d'annihiler ces droits en faisant usage de coercition pour imposer une réponse au mystère de l'homme » [1].

4. Le dialogue entre les croyants des diverses traditions religieuses, dans lequel les catholiques sont engagés, doit être l'effort de chacun pour permettre, dans la vérité, une meilleure compréhension afin que la paix et la justice s'instaurent de façon stable entre tous les citoyens. Dans cette perspective, l'Église catholique souhaite vivement que chrétiens et musulmans puissent travailler ensemble au développement de leur pays dans le respect mutuel des convictions de chacun, librement manifestées.

5. Votre présence en ces lieux témoigne du désir de votre pays de donner une place importante aux valeurs spirituelles qui sont nécessaires pour l'édification d'une société véritablement humaine. Je souhaite que votre mission contribue à renforcer des relations de compréhension mutuelle entre le Soudan et le Siège apostolique, pour le bien de tous les Soudanais, chrétiens et musulmans.

6. Par votre intermédiaire, permettez-moi, Monsieur l'Ambassadeur, de saluer la communauté catholique du Soudan dont je connais les épreuves et le courage. Unie à ses Pasteurs, qu'elle demeure ferme dans la foi et qu'elle mette son espérance dans la puissance de Dieu qui entend l'appel de ceux qui sont faibles et sans défense. J'encourage les catholiques à témoigner avec ardeur, à la suite de la bienheureuse Bakhita, de la charité du Christ au milieu de leurs frères et de leurs soeurs. Qu'ils sachent que l'Église entière est solidaire de tous ceux qui, dans leur pays, souffrent dans leur corps ou dans leur coeur!

7. Alors que commence votre mission, je vous offre mes voeux les meilleurs pour son bon déroulement. Soyez assuré que vous trouverez toujours ici un accueil attentif et une compréhension cordiale auprès de mes collaborateurs.

Sur Votre Excellence et sur tout le peuple soudanais j'invoque de grand coeur l'abondance des Bénédictions du Très-Haut.

[1] Ioannis Pauli PP. II Oratio occasione oblata L anniversariae memoriae Nationum Unitarum Institutionis (ONU) Neo-Eboraci habita, 10, die 5 oct. 1995: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XVIII, 2 (1995) 738.



À S.E. M. ELIAS NAJMEH, NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE ARABE SYRIENNE PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Jeudi 24 avril 1997




1. C'est avec joie que j'accueille Votre Excellence à l'occasion de la présentation des Lettres qui L'accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République Arabe Syrienne auprès du Saint-Siège.

Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur, de m'avoir transmis les voeux de Son Excellence Monsieur Hafez Al Assad, Président de la République Arabe Syrienne. Je vous saurais gré de lui exprimer en retour mes souhaits déférents pour sa personne et pour son long engagement au service de tous ses compatriotes, ainsi que les voeux que je forme pour ceux qui ont la charge de servir la nation et pour tout le peuple de Syrie.

2. Vous avez évoqué l'importance des valeurs spirituelles et morales qui appartiennent aux traditions de vos compatriotes et des habitants de votre région, marquée par l'histoire de saint Paul, une des colonnes de l'Église, qui s'est inlassablement attaché à développer ces mêmes valeurs auprès des peuples qu'il rencontrait. Aujourd'hui encore, il est essentiel de privilégier ces valeurs, qui favorisent un dialogue authentique entre les membres des religions monothéistes et qui mettent à parité les personnes et les différents groupes religieux au sein de la société. Comme je le rappelais récemment, les dirigeants des Nations ont la grave responsabilité « d'orienter par leurs décisions l'harmonie entre les peuples, les cultures et les diverses religions » [1].

3. Le dialogue, dont vous avez souligné l'importance, suppose la liberté de conscience et la liberté religieuse des personnes et des familles. Cette liberté fondamentale est pour tous les croyants une école d'humanité et de fraternité [2]. Elle contribue à l'édification d'une société toujours plus conviviale. En effet, par le respect de leur identité spirituelle propre, les hommes et les femmes se sentent valorisés dans leur être et sont ainsi plus aptes à s'engager dans le développement social de leur pays, qu'ils aiment parce qu'il est leur terre d'origine. Cette vision doit inspirer la situation régionale et chacun doit s'efforcer, malgré les difficultés, de soutenir la recherche d'une paix globale, juste et durable.

Mais, dans toutes les nations, « la paix ne pourra être juste et durable que si elle repose sur le dialogue loyal entre partenaires égaux, dans le respect de l'identité et de l'histoire de chacun, si elle repose sur le droit des peuples à la libre détermination de leur destin, sur leur indépendance et sur leur sécurité » [3].

Comme leurs frères musulmans, les catholiques de Syrie puisent leur dynamisme dans la pratique religieuse, nécessaire à leur foi, au sein de communautés vivantes appelées à se réunir régulièrement autour de leurs pasteurs. Bien que peu nombreux dans votre pays, ils souhaitent s'engager au service de la paix et de la construction nationale, aux côtés de leurs compatriotes. Vous savez, Monsieur l'Ambassadeur, que les efforts de l'Église et des chrétiens sont particulièrement orientés vers le bien intégral des personnes et des peuples, en raison même de la mission spirituelle, religieuse et morale de l'Église au sein de la Communauté internationale, mission à laquelle vous avez aimablement fait référence.

4. Je suis particulièrement sensible aux paroles d'estime de votre Gouvernement à l'égard des efforts déployés par le Siège apostolique en faveur de la paix, de la justice et du dialogue interreligieux. Partout dans le monde, l'Église catholique s'efforce de se faire l'interprète de la soif de dignité et de justice de ses contemporains, et de conduire les hommes sur le chemin de la paix; elle reconnaît et salue l'attention de la Communauté internationale et les nombreuses actions entreprises dans ce domaine au cours des années écoulées. Mais elle mesure aussi le chemin qu'il reste encore à parcourir pour que chaque peuple retrouve sa liberté sans ambiguïté et chaque pays sa souveraineté complète [4]. Dans la cause de la paix, l'Église, qui a un rôle distinct de celui des Autorités civiles, souhaite uniquement servir le bien communs [5].

C'est en raison de cette attention spécifique à l'homme que, sans prendre la place des Autorités légitimes des pays, l'Église et les fidèles du Christ présents dans les différentes nations souhaitent aussi participer à l'éducation des consciences aux principes essentiels et aux valeurs fondamentales de la vie sociale, comme le respect de la dignité inaliénable de tout être humain, la solidarité et la fraternité entre toutes les composantes humaines d'une nation.

5. Au moment où commence votre mission, je vous offre mes voeux les meilleurs. Soyez assuré que vous trouverez toujours auprès de mes collaborateurs un accueil attentif et une compréhension cordiale, pour mener à bien votre activité. Sur Votre Excellence, sur les dirigeants et sur le peuple de Syrie, j'invoque de grand coeur les Bienfaits du Tout-Puissant.

[1] Ioannis Pauli PP. II Nuntius « Urbi et Orbi » e Vaticanae Basilicae podio die Paschalis, 5, die 30 mar. 1997: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XX, 1 (1997), 558 s.
[2] Cfr. Eiusdem Nuntius L vertente anno secundi omnium gentium belli in Europa confecti, 12, die 8 maii 1995: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XVIII, 1 (1995) 1245 s.
[3] Eiusdem Sermo ad Legatorum Ordinem apud Sanctam Sedem, 3, die 13 ian. 1997: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XX, 1 (1997) 95.
[4] Cfr. Eiusdem Sermo ad Legatorum Ordinem apud Sanctam Sedem, 7, die 12 ian. 1991: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XIV, 1 (1991) 88 ss.
[5] Cfr. Gaudium et Spes, GS 76.



À S.E. M. MOHAMED-SALAH DEMBRI, NOUVEL AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE ALGÉRIENNE DÉMOCRATIQUE ET POPULAIRE PRÈS LE SAINT-SIÈGE

Jeudi 24 avril 1997



Monsieur l'Ambassadeur,

C'est avec plaisir que j'accueille Votre Excellence au Vatican à l'occasion de la présentation des Lettres qui L'accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République Algérienne Démocratique et Populaire près le Saint-Siège.

Je vous saurais gré de transmettre à. Son Excellence Monsieur le Président Liamine Zéroual, ainsi qu'au peuple algérien, les voeux de bonheur et de prospérité que je forme pour toute la nation, priant le Très-Haut de lui accorder le don de la paix tant désirée.

2. Vous avez souligné, Monsieur l'Ambassadeur, la nécessité du respect des convictions de chacun ainsi que des libertés individuelles et collectives afin d'établir un véritable État de droit. Pour avancer sur les chemins du progrès et de la concorde, il est indispensable, en effet, de satisfaire les justes aspirations du peuple, en ouvrant des perspectives d'avenir fondées sur une réelle solidarité entre tous les citoyens et sur une acceptation mutuelle des diverses sensibilités. Mais les réponses à ces attentes ne peuvent se limiter à des dimensions purement économiques et matérielles, elles doivent prendre en compte tous les aspects de l'existence humaine, notamment en permettant une satisfaction légitime des besoins spirituels et culturels essentiels des personnes et de la société.

3. Je me réjouis de ce que vous avez dit de l'engagement de votre pays afin de prendre part à l'édification d'un monde plus solidaire et plus juste. Pour parvenir à la stabilité et à la paix entre les nations, c'est une nécessité aujourd'hui de promouvoir l'entente et la coopération. Dans cette perspective, on ne peut que soutenir les efforts faits entre les pays riverains de la Méditerranée pour favoriser une meilleure compréhension réciproque et le bien-être des populations. Le dialogue entre les croyants des différentes traditions religieuses doit aussi permettre une ouverture spirituelle qui favorise une collaboration fructueuse au service des peuples de la région.

4. Alors que nous nous approchons du troisième millénaire, l'Église catholique souhaite que les nations et les communautés humaines entreprennent ensemble « un véritable pèlerinage de paix, chacun partant de la situation concrète dans laquelle il se trouve » [1]. Pour trop de personnes, la violence est devenue la tragique réalité quotidienne. Les souffrances qu'elle cause en appellent à la conscience de tout homme de bonne volonté et invitent à rechercher avec constance les chemins de la réconciliation. Cette voie est difficile et parsemée d'obstacles; pourtant, la culture de la violence doit laisser place à la « culture de la paix ». Seule une volonté sincère de parvenir à une réconciliation effective peut permettre de surmonter les résistances et de rechercher le bien commun avant les intérêts particuliers.

Par votre présence en ces lieux, votre pays manifeste sa volonté de donner une place importante aux valeurs spirituelles et morales sans lesquelles une société ne peut s'établir durablement. Je souhaite que les liens, déjà anciens, entre le Siège apostolique et l'Algérie permettent une compréhension toujours plus grande, qui contribue à la concorde entre les communautés humaines.

5. Par votre entremise, permettez-moi, Monsieur l'Ambassadeur, d'adresser un salut affectueux à la petite communauté catholique de votre pays. Au cours des derniers mois, à plusieurs reprises, elle a été tragiquement frappée par la violence aveugle, partageant ainsi la condition de tant de vos compatriotes. Je souhaite que le sacrifice de l'Évêque d'Oran, des moines trappistes de Notre-Dame de l'Atlas, ainsi que celui de plusieurs autres religieux et religieuses soit pour votre pays un gage d'espérance et de foi dans un avenir de justice et de respect mutuel. Aux Évêques et aux catholiques d'Algérie je redis mes encouragements dans leur généreux témoignage de fraternité avec le peuple algérien tout entier. Je reste proche d'eux, et je prie Dieu pour que vienne rapidement sur cette terre, qui a connu tant d'épreuves, le moment de la réconciliation et de la paix.

6. Alors que commence votre mission, je vous offre mes voeux les meilleurs pour la noble tâche qui vous attend. Je vous assure que vous trouverez toujours auprès de mes collaborateurs un accueil attentif et une compréhension cordiale.

Sur Votre Excellence et sur tout le peuple algérien, j'invoque de grand meut l'abondance des Bénédictions du Tout-Puissant.

[1] Ioannis Pauli PP. II Nuntius ob diem ad pacem fovendam dicatum pro a. D. 1997, 1, die 8 dec. 1996: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XIX, 2 (1996) 928.



AUX MEMBRES DE L'ACADÉMIE PONTIFICALE DES SCIENCES SOCIALES

Salle des Papes, Vendredi 25 avril 1997


Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Académiciens,

1. Je suis heureux de vous rencontrer à l'occasion de la session plénière de l'Académie pontificale des Sciences sociales, consacrée à une réflexion sur le thème du travail, déjà amorcée l'an dernier. Le choix de ce thème est particulièrement opportun, car le travail humain « est une clé, et probablement la clé essentielle, de toute la question sociale » [1]. Les profondes transformations économiques et sociales que nous connaissons font que le thème du travail est de plus en plus complexe et qu'il a de graves répercussions humaines, car il fait naître des angoisses et des espérances dans de nombreuses familles et chez beaucoup de personnes, spécialement chez les jeunes.

Je remercie votre Président, Monsieur le Professeur Edmond Malinvaud, pour ses paroles courtoises et pour la disponibilité dont il fait preuve dans la toute jeune Académie pontificale. Je vous renouvelle à tous l'expression de ma gratitude pour la générosité avec laquelle vous mettez vos compétences, au sein de cette Institution, non seulement au service de la science, mais aussi de la doctrine sociale de l'Église [2].

2. En effet, le service que doit rendre le Magistère dans ce domaine, est devenu aujourd'hui plus exigeant, car il doit faire face à une situation du monde contemporain, qui se modifie avec une extraordinaire rapidité. Certes, la doctrine sociale de l'Église, dans la mesure où elle propose des principes fondés sur la Loi naturelle et sur la Parole de Dieu, ne varie pas au gré des mutations de l'histoire. Cependant, ces principes peuvent être sans cesse précisés, spécialement dans leurs applications concrètes. Et l'histoire montre que le corpus de la doctrine sociale s'enrichit en permanence de perspectives et d'aspects nouveaux, en rapport avec les développements culturels et sociaux. Il me plaît de souligner la continuité fondamentale et la nature dynamique du Magistère en matière sociale, au moment du XXXe anniversaire de l'Encyclique « Populorum Progressio », par laquelle le Pape Paul VI, le 26 mars 1967, à la suite du Concile Vatican II et sur le chemin ouvert par le Pape Jean XXIII, proposait une relecture perspicace de la question sociale dans sa dimension mondiale. Comment ne pas rappeler le cri prophétique qu'il lançait, se faisant la voix des sans voix et des peuples les plus défavorisés? Paul VI voulait ainsi réveiller les consciences, montrant que l'objectif à atteindre était le développement intégral par la promotion « de tout homme et de tout l'homme » [3]. À l'occasion du XXe anniversaire de ce dernier document, j'ai publié l'Encyclique « Sollicitudo Rei Socialis », où j'ai repris et approfondi le thème de la solidarité. Au cours de ces dix dernières années, de nombreux événements sociaux, en particulier l'effondrement des systèmes communistes, ont considérablement changé la face du monde. Devant l'accélération des mutations sociales, il convient aujourd'hui d'effectuer de manière continue des vérifications et des évaluations. C'est là le rôle de votre Académie, qui, trois ans après sa fondation, a déjà apporté des contributions éclairantes; sa démarche est particulièrement prometteuse pour l'avenir.

3. Parmi vos recherches actuelles, l'approfondissement du droit du travail est d'un grand intérêt, spécialement si l'on considère la tendance actuelle de la « déréglementation du marché ». Il s'agit d'un thème sur lequel le Magistère s'est exprimé à plusieurs reprises. Personnellement, je vous rappelais l'an dernier le principe moral selon lequel les exigences du marché, fortement marquées par la compétitivité, ne doivent pas « aller contre le droit primordial de tout homme à avoir un travail qui puisse le faire vivre avec sa famille » [4]. Reprenant aujourd'hui ce thème, je tiens à souligner que, lorsqu'elle énonce ce principe, l'Église n'entend nullement condamner la libéralisation du marché en soi, mais demande qu'elle soit envisagée et mise en oeuvre dans le respect de la primauté de la personne humaine, à laquelle doivent être soumis les systèmes économiques. L'histoire montre largement la chute de régimes marqués par la planification qui porte atteinte aux libertés civiques et économiques. Mais cela n'accrédite pas pour autant des modèles diamétralement opposés. Car, malheureusement, l'expérience fait apparaître qu'une économie de marché, laissée à une liberté inconditionnelle, est loin d'apporter le plus d'avantages possible aux personnes et aux sociétés. Il est vrai que l'étonnant élan économique de certains pays nouvellement industrialisés semble confirmer le fait que le marché peut procurer richesse et bien-être, même dans des régions pauvres. Mais, dans une perspective plus large, on ne peut oublier le prix humain de ces processus. On ne peut surtout pas oublier le scandale persistant des graves inégalités entre les différentes nations, et entre les personnes et les groupes à l'intérieur de chaque pays, comme vous l'avez souligné dans votre première session plénière [5].

4. Il reste encore trop de personnes pauvres de par le monde, qui n'ont pas accès à la moindre parcelle de l'opulente richesse d'une minorité. Dans le cadre de la « globalisation », encore appelée « mondialisation », de l'économie [6], le transfert facile des ressources et des systèmes de production, réalisé uniquement en vertu du critère du profit maximum et en raison d'une compétitivité effrénée, s'il accroît les possibilités de travail et le bien-être dans certaines régions, laisse en même temps à l'écart d'autres régions moins favorisées et peut aggraver le chômage dans des pays d'ancienne tradition industrielle. L'organisation « globalisée » du travail, en profitant du dénuement extrême des populations en voie de développement, entraîne souvent de graves situations d'exploitation, qui bafouent les exigences élémentaires de la dignité humaine.

Face à de telles orientations, il reste essentiel que l'action politique assure une pondération du marché dans sa forme classique, par l'application des principes de subsidiarité et de solidarité, selon le modèle de l'État social. Si ce dernier fonctionne de manière modérée, il évitera aussi un système d'assistance excessif, qui crée plus de problèmes qu'il n'en résout. À cette condition, il reste une manifestation de civilisation authentique, un instrument indispensable pour la défense des classes sociales les plus défavorisées, souvent écrasées par le pouvoir exorbitant du « marché global ». En effet, on profite aujourd'hui de ce que les nouvelles technologies donnent la possibilité de produire et d'échanger presque sans aucune limite, dans toutes les parties du monde, pour réduire la main d'oeuvre non qualifiée et lui imposer de nombreuses contraintes en s'appuyant, après la fin des « blocs » et la disparition progressive des frontières, sur une nouvelle disponibilité de travailleurs faiblement rémunérés.

5. Du reste, comment sous-estimer les risques de cette situation, non seulement en fonction des exigences de la justice sociale, mais encore en fonction des plus larges perspectives de la civilisation? En soi, un marché mondial organisé avec équilibre et une bonne régulation peut apporter, avec le bien-être, le développement de la culture, de la démocratie, de la solidarité et de la paix. Mais on peut s'attendre à des effets bien différents d'un marché sauvage qui, sous prétexte de compétitivité, prospère en exploitant à outrance l'homme et l'environnement. Ce type de marché, éthiquement inacceptable, ne peut qu'avoir des conséquences désastreuses, au moins à long terme. Il tend à homologuer, en général dans le sens matérialiste, les cultures et les traditions vivantes des peuples; il éradique les valeurs éthiques et culturelles fondamentales et communes; il risque de créer un grand vide de valeurs humaines, « un vide anthropologique », sans compter qu'il compromet de manière plus dangereuse l'équilibre écologique. Alors, comment ne pas craindre une explosion de comportements déviants et violents, qui engendrerait de fortes tensions dans le corps social? La liberté elle-même serait menacée, et même le marché qui avait profité de l'absence d'entraves. Tout bien considéré, la réalité de la « globalisation », considérée d'une manière équilibrée dans ses potentialités positives comme dans ce qu'elle fait redouter, appelle à ne pas différer une harmonisation entre les « exigences de l'économie » et les exigences de l'éthique.

6. Il faut toutefois reconnaître que, dans le cadre d'une économie « mondialisée », la régulation éthique et juridique du marché est objectivement plus difficile. Pour y parvenir efficacement, en effet, les initiatives politiques internes des différents pays ne suffisent pas; mais il faut une « concertation entre les grands pays » et la consolidation d'un ordre démocratique planétaire avec des institutions où « les intérêts de la grande famille humaine soient équitablement représentés » [7]. Les institutions ne manquent pas, au niveau régional ou mondial. Je pense en particulier à l'Organisation des Nations Unies et à ses diverses agences à vocation sociale. Je pense aussi au rôle que jouent des entités comme le Fonds Monétaire International et l'Organisation Mondiale du Commerce. Il est urgent que, sur le terrain de la liberté, s'affermisse une culture des « règles » qui ne se limite pas á la promotion du simple fonctionnement commercial, mais qui prenne en charge, grâce à des instruments juridiques sûrs, la protection des droits humains dans toutes les parties du monde. Plus le marché est « global », plus il doit être équilibré par une culture « globale » de la solidarité, attentive aux besoins des plus faibles. Malheureusement, malgré les grandes déclarations de principe, cette référence aux valeurs est toujours plus compromise par la résurgence d'égoïsmes de la part de nations ou de groupes, ainsi que, à un niveau plus profond, par un relativisme éthique et culturel assez répandu, qui menace la perception du sens même de l'homme.

7. Mais c'est là - et l'Église ne se lassera pas de le rappeler! - le noeud gordien à trancher, le point crucial par rapport auquel les perspectives économiques et politiques doivent se situer, pour préciser leurs fondements et la possibilité de leur rencontre. C'est donc à juste titre que vous avez mis à votre ordre du jour, en même temps que les problèmes du travail, ceux de la démocratie.Les deux problématiques sont inévitablement liées. En effet, la démocratie n'est possible que « sur la base d'une conception correcte de la personne humaine » [8], ce qui implique qu'a chaque homme soit reconnu le droit de participer activement à la vie publique, en vue de la réalisation du bien commun. Mais comment peut-on garantir la participation à la vie démocratique à quelqu'un qui n'est pas convenablement protégé sur le plan économique et qui manque même du nécessaire? Lorsque même le droit à la vie, de la conception à son terme naturel, n'est pas pleinement respecté comme un droit absolument imprescriptible, la démocratie est dénaturée de l'intérieur et les règles formelles de participation deviennent un alibi qui dissimule la prévarication des forts sur les faibles [9].

8. Mesdames et Messieurs les Académiciens, je vous suis très reconnaissant pour les réflexions que vous conduisez sur ces sujets essentiels. L'enjeu n'est pas seulement celui d'un témoignage ecclésial toujours plus pertinent, mais la construction d'une société qui respecte pleinement la dignité de l'homme, qui ne peut jamais être considéré comme un objet ou une marchandise, parce qu'il porte en soi l'image de Dieu. Les problèmes qui se présentent à nous sont immenses, mais les générations à venir nous demanderont des comptes sur la manière dont nous avons exercé nos responsabilités. Plus encore, nous en sommes comptables devant le Seigneur de l'histoire. L'Église compte donc beaucoup sur votre travail, empreint de rigueur scientifique, attentif au Magistère et, en même temps, ouvert au dialogue avec les tendances multiples de la culture contemporaine.

Sur chacun de vous, j'invoque l'abondance des Bénédictions divines.


[1] Ioannis Pauli PP. II Laborem Exercens, LE 3.
[2] Cfr. Pontificiae Academiae Socialium Scientiarum Statuta, art. 1.
[3] Cfr. Pauli VI Populorum Progressio, PP 14.
[4] Ioannis Pauli PP. II Sermo ad Pontificiae Academiae Socialium Scientiarum sodales, 3, die 22 mar. 1996: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, XIX, 1 (1996) 593.
[5] Cfr. Pontificiae Academiae Socialium Scientiarum The study of the tension between human equality and social inequalities from the perspective of the various social sciences, Vatican City 1996.
[6] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Centesimus Annus, CA 58.
[7] Ibid. CA 58
[8] Ibid., CA 46.
[9] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Evangelium Vitae, EV 20 EV 70.


Mai 1997



Discours 1997 - Salle du Consistoire, Vendredi 18 avril 1997