Discours 1997 - Salle des Papes, Vendredi 25 avril 1997


VOYAGE APOSTOLIQUE AU LIBAN (10-11 MAI 1997)


CÉRÉMONIE DE BIENVENUE

Aéroport de Beyrouth, Samedi 10 mai 1997


Monsieur le Président,
Monsieur le Cardinal,
Béatitudes, Excellences,
Mesdames, Messieurs,

1. Je remercie tout d'abord Monsieur le Président de la République des paroles cordiales de bienvenue qu'il vient de m'adresser au nom de tous les Libanais et je suis particulièrement sensible à l'accueil qui m'est réservé en cette circonstance mémorable.

Ma gratitude va aussi aux plus hautes Autorités de l'Etat, en particulier à Son Excellence Monsieur le Président du Parlement et Son Excellence Monsieur le Président du Conseil des Ministres. Je sais gré de leur accueil chaleureux aux Patriarches et aux Evêques catholiques, ainsi qu'aux autres Chefs religieux chrétiens, musulmans et druze, aux Autorités civiles et militaires, et à tous les amis libanais. Je salue les fils et les filles de cette terre qui ont tenu à s'associer à cette cérémonie par la radio ou par la télévision.

Allah iuberekum! ? (Que Dieu vous bénisse!).

2. Comment ne pas rappeler d'abord l'escale que le Pape Paul VI avait voulu faire à Beyrouth, le 2 décembre 1964, en se rendant à Bombay? Il manifestait ainsi son attention spéciale à l'égard du Liban, montrant que le Saint-Siège estime et aime cette terre et ses habitants. Aujourd'hui, c'est avec une grande émotion que j'ai embrassé la terre libanaise, en signe d'amitié et de respect. Je viens chez vous, chers Libanais, comme un ami qui vient rendre visite à un peuple et qu'il veut soutenir dans sa marche quotidienne. C'est en ami du Liban que je viens encourager les fils et les filles de cette terre d'accueil, ce pays d'antique tradition spirituelle et culturelle, soucieux d'indépendance et de liberté. Au seuil du troisième millénaire, le Liban, tout en conservant ses richesses spécifiques et en restant lui-même, doit être en mesure de s'ouvrir aux réalités nouvelles de la société moderne et de prendre toute sa place dans le concert des nations.

3. Tout au long des années de guerre, avec toute l'Eglise, j'ai suivi attentivement les moments difficiles traversés par le peuple libanais et je me suis associé par la prière aux souffrances qu'il endurait. En de nombreuses circonstances, dès le début de mon pontificat, j'ai alerté la Communauté internationale, pour qu'elle aide les Libanais à retrouver la paix, au sein d'un territoire national reconnu et respecté par tous, et pour qu'elle favorise la reconstruction d'une société de justice et de fraternité. A juger humainement, de nombreuses personnes sont mortes en vain à cause des conflits. Des familles ont été disloquées. Des Libanais ont dû s'exiler loin de leur patrie. Des personnes de culture et de religion différentes, qui vivaient en bonne entente et en bon voisinage, se sont trouvées séparées, voire durement opposées.

Cette période, qui a heureusement pris fin, demeure présente dans toutes les mémoires et laisse de nombreuses blessures dans les coeurs. Cependant, le Liban est appelé à se tourner résolument vers l'avenir, librement déterminé par le choix de ses habitants. Dans cet esprit, je voudrais rendre hommage aux fils et aux filles de cette terre qui, dans les périodes troublées que je viens d'évoquer, ont donné l'exemple de la solidarité, de la fraternité, du pardon et de la charité, au risque même de leur vie. Je salue en particulier l'attitude de nombreuses femmes, et parmi elles des mères de famille, qui ont été des ferments d'unité, des éducatrices à la paix et à la convivialité, et d'inlassables partenaires du dialogue entre les groupes humains et entre les générations.

4. Désormais, chacun est invité à s'engager en faveur de la paix, de la réconciliation et de la vie fraternelle, en posant à son niveau des gestes de pardon et en travaillant au service de la communauté nationale, afin que plus jamais la violence ne l'emporte sur le dialogue, la peur et la méfiance sur la confiance, le ressentiment sur l'amour fraternel.

Dans ce nouveau Liban que vous rebâtissez peu à peu, il importe de donner une place à chaque citoyen, en particulier à ceux qui, habités par un légitime sentiment patriotique, désirent s'engager dans l'action politique ou dans la vie économique. De ce point de vue, la condition préalable à toute pratique réellement démocratique est le juste équilibre entre les forces vives de la nation, selon le principe de subsidiarité qui appelle une participation et une responsabilité de chacun dans les décisions. D'autre part, la gestion de la res publica repose sur le dialogue et sur le compromis, non pour faire prévaloir des intérêts particuliers ou encore pour maintenir des privilèges, mais pour que l'action soit un service des frères, indépendamment des différences culturelles ou religieuses.

5. Le 12 juin 1991, j'avais annoncé la convocation de l'Assemblée spéciale pour le Liban du Synode des Evêques. Après de nombreuses étapes de réflexion et de partage au sein de l'Eglise catholique au Liban, elle s'est réunie en novembre et décembre 1995. Aujourd'hui, je suis venu chez vous pour célébrer solennellement la phase conclusive de l'Assemblée synodale. J'apporte aux catholiques, aux chrétiens des autres Eglises et Communautés ecclésiales, et à tous les hommes de bonne volonté, les fruits des travaux des évêques, enrichis par des dialogues cordiaux avec les délégués fraternels: l'Exhortation apostolique post-synodale Une espérance nouvelle pour le Liban. Ce document, que je signerai ce soir en présence des jeunes, n'est pas une conclusion ni un point final à la démarche entreprise. Bien au contraire, il est une invitation à tous les Libanais, pour qu'ils ouvrent avec confiance une page nouvelle de leur histoire. Il est la contribution de l'Eglise universelle à une plus grande unité dans l'Eglise catholique au Liban, au dépassement des divisions entre les différentes Eglises et au développement du pays, auquel tous les Libanais sont appelés à participer.

6. Arrivant pour la première fois sur le sol du Liban, je tiens à vous redire, Monsieur le Président de la République, combien je vous suis reconnaissant pour votre accueil. Je forme des voeux chaleureux pour votre personne et pour votre mission auprès de vos compatriotes. A travers vous, j'adresse mes salutations cordiales à tous les citoyens libanais. Avec eux tous, je prie pour le Liban, afin qu'il soit tel que le veut le Très-Haut.

Allah iuberekum! ? (Que Dieu vous bénisse!).




RENCONTRE AVEC LES PATRIARCHES ET LES ÉVÊQUES

Résidence patriarcale maronite de Bkerké, Dimanche 11 mai 1997


On a évoqué beaucoup de personnes. Je voudrais souligner que la conclusion actuelle de l'Assemblée synodale pour le Liban va marquer un pas ultérieur dans le chemin synodal, si l'on peut dire, de ce Synode, pas seulement traditionnel, mais aussi Synode régional. Synode pour le Liban et Synode régional, pas seulement pour le pays, mais un peu pour l'Asie mineure. Et ici, je dois rappeler la personnalité de mon compatriote W. Rubin qui a été le premier prédécesseur du Cardinal Schotte. Je le rappelle d'autant plus que j'étais très lié avec lui. Il a étudié ici, à l'Université Saint-Joseph, et il est toujours resté très lié, très attaché au Liban. J'espère qu'il a bien servi le Synode des Evêques dans cette période décisive, parce que première, et que l'idée synodale gagnera toujours plus de sens, fera un très grand progrès. Cela veut dire que si l'Eglise de Rome n'est pas une Eglise synodale, on attache de plus en plus d'importance, une valeur plus grande au Synode des Evêques. Alors c'est une Eglise synodale dans un sens différent, mais en tous cas une Eglise synodale où le Synode des Evêques joue un rôle important. Cela peut nous rapprocher, je pense, de nos frères orthodoxes. Dans cet esprit, j'attends Vos Béatitudes cet après-midi. On va se rencontrer et parler avec les patriarches orthodoxes qui ont voulu participer à cette solennité et participer aussi au Synode, du moins à travers leurs représentants, et je me réjouis beaucoup de cette rencontre.

Merci pour tout.



CÉRÉMONIE DE CONGÉ

Aéroport de Beyrouth, Dimanche 11 mai 1997



Monsieur le Président de la République,

1. Au terme de ma visite pastorale dans votre pays, vous avez tenu à venir me saluer avec la délicatesse et le sens de l'accueil qui font partie de la tradition libanaise. Je tiens à vous dire à nouveau ma gratitude pour l'accueil que vous m'avez réservé, pour les dispositions qui ont été prises et qui ont facilité le déroulement des différentes rencontres qu'il m'a été donné de vivre.

Mes remerciements s'étendent aux Autorités civiles et militaires, aux responsables des différentes Eglises et Communautés ecclésiales, pour leurs prévenances au cours des deux journées passées dans ce beau pays, si cher à mon coeur. J'exprime aussi ma vive gratitude et ma reconnaissance aux membres des services de sécurité et à tous les bénévoles qui, avec générosité, efficacité et discrétion, ont contribué à la réussite de ma visite.

2. Au cours des célébrations et des différentes entrevues que j'ai pu avoir, j'ai constaté l'amour profond que les catholiques Libanais et tous leurs compatriotes portent à leur patrie et leur attachement à sa culture et à ses traditions. Ils sont restés fidèles à leur terre et à leur patrimoine en de nombreuses circonstances, et ils continuent à manifester la même fidélité aujourd'hui. Je les exhorte à poursuivre dans cette voie, en donnant dans la région et dans le monde un exemple de convivialité entre les cultures et entre les religions, dans une société où toutes les personnes et où les diverses communautés sont considérées à parité.

3. Avant de quitter votre sol, je renouvelle mon appel aux Autorités et au peuple libanais tout entier, pour que se développe un nouvel ordre social, fondé sur les valeurs morales essentielles, avec le souci de garantir la place primordiale de la personne et des groupes humains dans la vie nationale et dans les décisions communautaires; une telle attention à l'homme, qui appartient naturellement à l'âme libanaise, portera des fruits de paix dans le pays et dans la région. J'exhorte les Dirigeants des Nations au respect du droit international, tout particulièrement au Moyen-Orient, pour que soient garanties la souveraineté, l'autonomie légitime et la sécurité des Etats et que soient respectés le droit et les aspirations compréhensibles des peuples. En saluant les efforts de la Communauté internationale dans la région, je souhaite que le processus pour rechercher une paix juste et durable continue à être soutenu avec détermination, courage et cohérence. Je souhaite aussi que les efforts soient poursuivis et intensifiés, afin de soutenir la croissance du pays, la marche des Libanais vers une société toujours plus démocratique, dans une totale indépendance de ses institutions et dans la reconnaissance de ses frontières, conditions indispensables pour garantir son intégrité. Mais rien ne pourra se faire si tous les citoyens du pays ne s'engagent pas, chacun en ce qui le concerne, sur la voie de la justice, de l'équité et de la paix, dans la vie politique, économique et sociale, ainsi que dans le partage des responsabilités au sein de la vie sociale.

4.Je tiens à exprimer à nouveau ma vive gratitude aux Patriarches, aux Evêques libanais, au clergé, aux religieux et religieuses, ainsi qu'aux laïcs de l'Eglise catholique qui ont préparé intensément ma venue. A eux tous, j'ai confié l'Exhortation apostolique post-synodale, pour qu'elle les guide et les soutienne dans leur marche spirituelle et dans leurs engagements aux côtés de leurs frères. Sensible à l'accueil des catholiques libanais, dont j'ai pu apprécier la vitalité pastorale, je voudrais les assurer de mon affection et de ma profonde communion spirituelle, les invitant à être des témoins miséricordieux de l'amour de Dieu et des messagers de paix et de fraternité.

Mon salut respectueux s'adresse aussi aux Chefs des autres Eglises et Communautés ecclésiales, à tous les chrétiens des autres confessions, aux croyants de l'Islam, en souhaitant que tous poursuivent le dialogue religieux et la collaboration, pour manifester que les convictions religieuses sont sources de fraternité et pour témoigner qu'une vie conviviale est possible, par amour pour Dieu, pour ses frères et pour sa patrie.

A travers votre personne, Monsieur le Président, je salue et je remercie tous les Libanais, en leur offrant mes voeux fervents de paix et de prospérité. Que votre nation, dont les montagnes sont comme un phare au bord de la mer, offre aux pays de la région un témoignage de cohésion sociale et de bonne entente entre toutes ses composantes culturelles et religieuses!

En vous renouvelant ma gratitude, j'appelle sur tous vos compatriotes l'abondance des Bénédictions divines.


À UNE DÉLÉGATION OFFICIELLE DE LA RÉPUBLIQUE DU BULGARIE

Samedi 24 mai 1997



1. En bulgare..

Votre pèlerinage au tombeau de saint Cyrille, dans l'antique basilique Saint-Clément, montre que le peuple bulgare reconnaît avec gratitude l'importance de la mission d'évangélisation accomplie par les saints frères.

L'oeuvre missionnaire de Cyrille et Méthode joua un rôle déterminant pour le destin des peuples slaves et elle a marqué profondément l'histoire spirituelle et culturelle de l'Europe.

Originaires de Salonique, envoyés auprès des nations slaves par mandat de Constantinople, les saints frères surent prêcher l'Évangile en communion avec toute l'Église. Même dans les moments difficiles et dans l'adversité, ils préservèrent les liens de l'unité et de la charité, au point de devenir des modèles pour l'unité ecclésiale en Orient et en Occident. En réfléchissant sur la portée de cette grande période de l'évangélisation, j'ai pu écrire dans l'Encyclique « Slavorum Apostoli » que « pour nous, les hommes d'aujourd'hui, [cet] apostolat exprime aussi un appel oecuménique: il invite à reconstruire, dans la paix de la réconciliation, l'unité qui a été gravement compromise après l'époque des saints Cyrille et Méthode et, en tout premier lieu, l'unité entre l'Orient et l'Occident » [1].

2. L'action des saints frères comporte une autre dimension, étroitement liée à leur mission d'évangélisation. Ils n'ont pas imposé aux populations slaves leur culture grecque, assurément très riche, mais ils se sont souvenus de la parole de l'Écriture: « Que toute langue proclame de Jésus Christ qu'il est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » [2]; et ils se sont consacrés à la traduction des livres saints. Engageant dans cette oeuvre ardue et singulière leur maîtrise de la langue grecque et leur propre culture, ils se fixèrent comme objectif de comprendre et de pénétrer la langue, les usages et les traditions propres des peuples slaves, en interprétant fidèlement leurs aspirations et les valeurs humaines qu'ils possédaient et qu'ils exprimaient » [3]. Leur oeuvre, spécialement la création d'un alphabet adapté à la langue slave, apporta une contribution essentielle à la culture et à la littérature de l'ensemble des nations slaves.

Je tiens aussi à rappeler que, par leurs disciples directs, la mission des saints frères s'est affermie et développée dans votre pays grâce à des centres de vie monastique très dynamiques. De Bulgarie, le christianisme se répandit ensuite dans les pays limitrophes et s'étendit jusqu'à la Rus' de Kiev [4].

3. Si une grande partie de l'Europe semble aujourd'hui à la recherche de son identité, elle ne peut manquer de revenir à ses racines chrétiennes, et spécialement à l'oeuvre de Cyrille et Méthode. Celle-ci constitue sans aucun doute un apport de première importance pour l'unité de l'Europe dans ses dimensions religieuse, civile et culturelle. Une étude approfondie de l'action et de l'héritage des saints frères permettra de redécouvrir les valeurs qui ont modelé l'identité de l'Europe dans le passé mais qui peuvent aujourd'hui encore renouveler le visage de ce continent.

En vous remerciant pour votre aimable visite, je forme des vaux fervents pour votre Délégation, pour les Autorités et pour le peuple bulgares.


[1] Ioannis Pauli PP. II Slavorum Apostoli, 13.
[2] Ph 2,11.
[3] Ioannis Pauli PP. II Slavorum Apostoli, 10.
[4] Cfr. ibid. 24.

Juin 1997



À L'OCCASION DE LA REMISE DU PRIX INTERNATIONAL « PAUL VI » À M. JEAN VANIER, FONDATEUR DE LA « COMMUNAUTÉ DE L'ARCHE»

Salle du Consistoire, Jeudi 19 juin 1997



Signori Cardinali,
carissimi Fratelli e Sorelle!

1.... en italien...

2. Dans un message adressé à un groupe de pèlerins de l'association « Foi et Lumière » venus à Rome en 1975 pour l'Année sainte, Paul VI écrivait que l'attention portée aux personnes handicapées est le test le plus significatif d'une famille pleinement humaine, d'une société vraiment civilisée, a fortiori d'une Église authentiquement chrétienne » [2].

Sur le chemin qu'elle parcourt depuis plus de trente ans, ainsi que l'a rappelé le Président de l'Institut Paul VI, l'Arche est devenue un germe providentiel de la civilisation de l'amour, un germe véritable et porteur d'un dynamisme évident. On le voit par sa remarquable expansion dans de nombreuses régions du monde: elle est, en effet, présente dans vingt-huit pays, sur les cinq continents. Cependant, elle ne se limite pas à la philanthropie ni même à une simple assistance. Malgré sa croissance et sa diffusion, l'Arche a su conserver le style des origines, un style d'ouverture et de partage, d'attention et d'écoute, qui considère toujours l'autre comme une personne à accueillir et à respecter profondément.

Sans aucun doute, cela tient à la dimension spirituelle que Monsieur Jean Vanier a toujours su mettre au centre de la communauté de l'Arche. C'est là un message éloquent pour notre temps assoiffé de solidarité, mais surtout de spiritualité authentique et profonde.

A ce propos, comment ne pas penser spontanément au Père Thomas Philippe, dominicain, qui a inspiré et encouragé Monsieur Vanier à prendre la route sur laquelle l'appelait le Seigneur? Il l'a ensuite toujours accompagné de sa prière et de sa présence. A lui, qui vit désormais dans l'« Arche du ciel », nous rendons aujourd'hui un fervent hommage de gratitude.

Et comment ne pas évoquer tous ces hommes et toutes ces femmes qui ont entouré les différentes communautés de l'Arche par leur service silencieux et généreux? La distinction conférée aujourd'hui veut aller en même temps à toutes ces personnes. Elle honore aussi, et même surtout, les personnes marquées par un handicap, depuis les deux premières que Monsieur Jean Vanier accueillit chez lui jusqu'au grand nombre de celles que l'Arche compte actuellement. Elles sont, en effet, les personnages principaux de l'Arche, qui, avec foi, patience et fraternité, font d'elle un signe d'espérance et un joyeux témoignage de la Rédemption.

3. Mentre mi felicito calorosamente con il Signor Jean Vanier, auguro che l'opera da lui fondata - nel suo insieme ed in ogni comunità - sia sempre accompagnata dalla luce e dalla forza dello Spirito Santo, per rispondere adeguatamente al progetto del Signore, venendo così incontro alle sofferenze ed alle necessità di tanti fratelli e sorelle.

Invoco a tal fine la costante protezione di Maria Santissima ed imparto di cuore a tutti voi e in modo speciale all'Istituto Paolo VI, come pure al Fondatore ed ai membri dell'Arca, una speciale Benedizione Apostolica.

[1] Pauli VI Evangelii Nuntiandi, EN 41.
[2] Pauli VI Nuntius scripto datus sodalibus associationis « Foi et Lumière » anno 1975: Insegnamenti di Paolo VI, XIII (1975), 1197.



AUX ÉVÊQUES DE L'ASSEMBLÉE DE LA HIÉRARCHIE CATHOLIQUE D'EGYPTE EN VISITE « AD LIMINA APOSTOLORUM »

Mardi 24 juin 1997


Béatitude,
Chers Frères dans l'Épiscopat,

C'est avec une grande joie et une affection fraternelle que je vous accueille à l'occasion de votre visite ad Limina. Votre venue à Rome constitue tout d'abord pour vous un pèlerinage sur la tombe des Apôtres Pierre et Paul, exemples du témoignage tendu au Christ jusqu'au don du sang; c'est aussi une démarche qui manifeste la communion des Églises locales répandues à travers le monde avec le Successeur de Pierre. Votre présence dans la Ville éternelle, à l'approche de la fête des bienheureux Apôtres, souligne la dimension d'unité entre toutes les communautés catholiques. Je remercie votre Patriarche pour ses aimables paroles qui me permettent d'être proche des fidèles dont vous êtes les pasteurs.

Tandis que je vous reçois ici, ma pensée se tourne vers vos communautés; elles sont les héritières de l'évangéliste saint Marc qui, il y a bientôt deux mille ans, a porté l'Évangile dans votre région, après avoir été lui-même affermi dans sa foi et dans sa mission par la contemplation du Seigneur et par la proximité des Apôtres. Je prie pour que les chrétiens de vos diocèses, à l'exemple de leurs devanciers, soient d'authentiques disciples du Christ, en puisant la force de témoigner dans la lecture de l'Évangile et dans les sacrements. En Église, vous êtes appelés à rendre présent le visage du Christ sur votre terre, pour que nos contemporains puissent découvrir la splendeur et la lumière de notre Dieu, qui éclaire toute action humaine et donne son sens plénier à l'existence.

2. Par votre ordination épiscopale, vous avez été choisis pour conduire le peuple de Dieu, pour l'enseigner et pour organiser avec une charité affective et effective les différents services diocésains. Vous vous attachez à être proches de vos prêtres et de vos fidèles, formant ainsi des communautés soudées, où chacun est prêt à aider et à soutenir ses frères. En particulier, je me réjouis des relations de collaboration confiante et fraternelle que vous entretenez avec les prêtres diocésains, relations fondées « en premier lieu sur les liens d'une charité surnaturelle » [1]. Ils portent parfois douloureusement le poids du jour et des situations difficiles. Soutenez-les dans leur vie spirituelle, car leur apostolat suppose avant tout d'être proche du Maître, qui donne la grâce pour le service pastoral et le courage de poser des gestes prophétiques de dialogue et de réconciliation.

Avec vous, j'exhorte les prêtres à ne pas négliger le temps de la prière personnelle et de la méditation. La vie en intimité avec le Christ façonne leur être profond, les conformant chaque jour au Souverain Prêtre. En s'attachant à célébrer la Liturgie des Heures, seuls ou à plusieurs, ils s'associent à la prière de toute l'Église et ils prennent conscience de ce que la mission primordiale du ministre ordonné est de présenter chaque jour à Dieu les hommes de ce temps, pour que le Seigneur en fasse un peuple saint et mette en eux son Esprit.

Pour qu'ils puissent exercer leur ministère, les prêtres doivent aussi avoir des conditions de vie matérielle dignes, leur permettant de se consacrer à leurs tâches pastorales. Je sais combien vous êtes attentifs à ce que, dans toutes les éparchies, les ministres sacrés bénéficient des mêmes avantages et des mêmes protections sociales, afin qu'ils puissent, sans peur du lendemain, s'adonner totalement à la charge qui est la leur.

Je voudrais saluer le courage et le travail patient des prêtres, en particulier leur ministère de proximité. Ils s'attachent à rencontrer régulièrement leurs fidèles, pour les aider à vivre leur vie chrétienne et à approfondir le sens des sacrements, et pour les soutenir dans les différentes décisions qu'ils ont à prendre chaque jour. Vous soulignez aussi le soin qu'ils prennent à. annoncer l'Évangile par les homélies dominicales, préparées avec beaucoup d'attention et avec un grand souci pédagogique.

Ils introduisent ainsi les fidèles dans le mystère du dogme chrétien. Dans ce domaine, grâce aux programmes de catéchèse établis au niveau des paroisses, des éparchies et de l'Église locale tout entière, grâce aussi à votre enseignement, les fidèles sont fortifiés dans leur foi, pour être des témoins solides. Le but de l'enseignement catéchétique « est de rendre chez les hommes la foi vivante, explicite et active, en l'éclairant par la doctrine » [2].

3. Dans votre charge épiscopale, veillez tout particulièrement a la pastorale des vocations, en exerçant un discernement attentif sur les candidats au sacerdoce et en formant les séminaristes, afin qu'ils soient prêts à devenir ainsi vos collaborateurs immédiats. Le dynamisme de l'Église de demain repose en grande partie sur l'attention que nous portons à la préparation au sacerdoce. N'hésitez pas à appeler des jeunes à se consacrer totalement et radicalement au Christ. Pour leur part, c'est grâce à leur rayonnement et à leur joie spirituelle que les prêtres peuvent amener des jeunes à s'engager à la suite du Christ dans le ministère ordonné.

4. Je rends grâce au Seigneur pour la longue tradition, pour la riche histoire de l'Église copte catholique et pour l'apostolat actif de l'ensemble des fidèles. Vous manifestez vos liens fraternels au cours de vos différentes rencontres périodiques. En effet, au sein des instances patriarcales, vous collaborez activement pour mettre en place les structures nécessaires à un meilleur dynamisme pastoral, en prenant soin d'associer étroitement à votre mission, dans les différentes commissions du patriarcat et des éparchies, des prêtres, des religieux et des religieuses, ainsi que des laïcs.

5. Vous avez désormais élaboré un programme de préparation au mariage, pour aider les fidèles à comprendre le sens du sacrement et à assumer pleinement leurs responsabilités d'époux et de parents, respectueux du sens de la sexualité dans le mariage, vécue selon le plan de Dieu, de la dignité de la femme et de la valeur de toute vie humaine confiée par le Créateur. Il convient que les prêtres et les laïcs appelés à accompagner les fiancés reçoivent la formation théologique, spirituelle et psychologique suffisante pour présenter la pensée de l'Église en ce domaine. La préparation sérieuse des jeunes à la vie conjugale est particulièrement importante, car ils sont appelés par l'exemple de leur vie et par leurs choix moraux spécifiques à être des témoins du Christ, auprès de leurs enfants et auprès de leurs compatriotes. Leurs frères découvriront la joie de vivre dans la liberté des enfants de Dieu.

Je me réjouis du travail que vous avez accompli pour la réforme des différents rituels et pour leurs traductions en langue moderne, guidés par le désir de maintenir votre patrimoine liturgique et spirituel spécifique et de le transmettre aux jeunes générations. Vous permettez ainsi au peuple chrétien de comprendre davantage le dogme chrétien et de participer de manière plus active à la Divine Liturgie.

6. C'est un signe parlant pour les hommes qu'il y ait entre toutes les communautés catholiques d'Égypte une juste répartition des biens et des dons, par laquelle est manifesté l'amour de Dieu. Je remercie les Églises locales et les mouvements qui vous soutiennent financièrement. Je les encourage à poursuivre et à intensifier leurs efforts en faveurs de vos éparchies. Ce partage doit aussi se réaliser toujours da davantage au sein de votre patriarcat, pour que les éparchies qui reçoivent plus de subventions viennent en aide à celles qui sont plus pauvres et à celles qui sont de fondation récente. Vous réalisez ainsi entre vous et avec vos frères d'autres pays une ouvre de charité comparable à celle qui existait dans les temps apostoliques, où « les disciples décidèrent d'envoyer, chacun selon ses moyens, des secours aux frères de Judée » [3].

7. Le patriarcat copte catholique et le vicariat latin de votre pays ont une longue tradition éducative. Je sais les sacrifices que cette oeuvre représente pour vos communautés. En proposant la gratuité de la scolarité dans certaines écoles, vous tenez compte des conditions de vie actuelles qui mettent parfois en péril la vie des familles, celles-ci ayant de moins en moins les moyens de subvenir à leurs besoins fondamentaux pour élever et éduquer les jeunes. Des prêtres, des religieux et des religieuses, des laïcs, sont engagés dans la formation intellectuelle de la jeunesse égyptienne, chrétienne et musulmane. En outre, la communauté éducative participe à la croissance de la personnalité intégrale des jeunes, en leur proposant les valeurs humaines, spirituelles et morales essentielles, dans le respect de ceux qui ne partagent pas les convictions chrétiennes; mais les parents qui mettent leurs enfants dans les écoles catholiques doivent accepter que les disciples du Christ ne puissent taire les valeurs chrétiennes qui fondent leurs convictions, leur enseignement et leur mode de vie.

Portez à tous ceux qui sont engagés dans ce service des hommes et de l'Église mes encouragements cordiaux. Que les éducateurs et les parents se rappellent que les jeunes ont besoin de modèles et que l'école est un lieu de convivialité et d'intégration sociale où chacun est appelé à reconnaître l'autre, à l'accueillir avec sa sensibilité propre et à le reconnaître comme un frère. Les jeunes apprendront: ainsi que ce qui compte le plus pour l'édification sociale, c'est la solidarité entre tous et le respect de chaque personne. Ce sont les conditions essentielles à la paix et à l'épanouissement des êtres. On apprécie l'attention accordée par les Autorités égyptiennes et par l'ensemble de vos concitoyens à la haute qualité de l'enseignement et de l'éducation humaine et morale dans les écoles catholiques, ainsi qu'à l'engagement des fidèles dans la pastorale caritative et dans l'assistance sanitaire et sociale.

8. Dans vos rapports quinquennaux, vous avez rappelé les liens fraternels qui vous unissent à l'Église copte orthodoxe et les possibilités de collaboration qui sont offertes au niveau de l'enseignement de la religion et de l'entraide caritative. Ce sont des premiers pas dans le dialogue oecuménique, qui en appelle d'autres. Je voudrais vous inviter à poursuivre votre ouverture aux autres Églises et les relations oecuméniques avec elles. Je m'associe aussi volontiers aux souffrances dont vous m'avez fait part et que vous ressentez face aux incompréhensions de ceux qui sont vos frères très chers, avec lesquels vous partagez la même tradition spirituelle et le même désir de faire connaître et aimer le Seigneur. Malgré les difficultés, que les pasteurs et les fidèles catholiques ne se lassent jamais de poser des gestes fraternels! Qu'ils se souviennent que l'amour appelle l'amour et qu'une attitude de charité invite à la réciprocité! Les témoignages de charité contribuent à rétablir et à maintenir un climat serein entre les Églises et à trouver des éléments de solution pour des problèmes qui font encore obstacle à la pleine communion. Dans ce domaine, je me réjouis des signes tangibles qui ont été posés par vos communautés pour aider généreusement l'Église copte orthodoxe, en particulier le transfert d'églises qui leur permet de célébrer avec leurs fidèles la Divine Liturgie.

Le dialogue et le rapprochement n'empêchent nullement que chaque communauté soit respectueuse des sensibilités propres des autres communautés, ainsi que de la manière spécifique d'exprimer la foi au Christ qui nous est commune et de célébrer les sacrements que les Églises doivent reconnaître mutuellement comme accomplis au nom du même Seigneur. En effet, le Catéchisme de l'Église catholique rappelle clairement que « le Baptême constitue le fondement de la communion entre tous les chrétiens » [4], car il est « le lien sacramentel d'unité existant entre ceux qui ont été régénérés par le Christ » [5].

9. Il est important que tous les hommes de bonne volonté s'associent pour réduire les incompréhensions, les divisions et les fractures qui peuvent entraver la vie quotidienne; tous doivent travailler afin que toutes les parties de la population d'un pays, même numériquement faible, soient considérées avec tous les égards et l'attention auxquels elles ont droit dans la société, et que toute personne soit reconnue comme un citoyen à part entière. Dans ce domaine de la défense des personnes et des peuples, au sein de chaque nation, l'Église a une mission particulière. Elle « se sent appelée précisément à réduire ces fractures » [6] et à édifier des ponts entre toutes les composantes culturelles d'un peuple. Dans cet esprit, l'Église invite inlassablement chrétiens et musulmans à s'efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu'à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté. Comme le rappelaient récemment les Patriarches catholiques d'Orient, « l'Islam n'est pas l'ennemi, mais le partenaire d'un dialogue indispensable pour la construction de la nouvelle civilisation humaine ». De même, « le Christianisme... n'est pas l'ennemi, mais le partenaire de base dans le dialogue indispensable pour la construction d'un monde nouveau » [7].

De ce fait, les chrétiens ont le droit légitime et le devoir de s'engager dans la vie publique et de mettre leurs compétences au service des collectivités locales, pour participer à l'édification de la société, à la paix entre tous et à la gestion du bien commun. Dans son enseignement, l'Église a souvent rappelé les principes de justice et d'équité dans la participation à la vie sociale. En effet, nul ne peut être écarté de la res publica au nom de ses opinions politiques ou religieuses. Chaque culture particulière est à jamais marquée par les apports religieux et civils des différentes civilisations qui ont prévalu dans une région déterminée et qui doivent être considérés comme des éléments de la culture commune [8]. Il appartient donc à l'ensemble des acteurs de la vie sociale d'assurer, au titre de la simple réciprocité, la liberté nécessaire à la vie religieuse et morale, sans que cela entraîne une mise à l'écart du peuple auquel on appartient et que l'on aime parce qu'il constitue ses racines et qu'il est celui de ses ancêtres. Dans cette perspective, j'invite les chrétiens de vos communautés à être inlassablement des ferments de concorde et de réconciliation.

10. Dans vos rapports, vous avez souligné la place importante des religieux et des religieuses auprès du peuple égyptien dans des domaines comme l'éducation, la santé, les oeuvres caritatives, la promotion de la femme égale à l'homme, et les relations avec les chrétiens des autres confessions et avec les musulmans. Transmettez-leur mes salutations cordiales. Je rends grâce au Seigneur pour ce qu'il leur est donné d'accomplir. Présentes au milieu des hommes, les personnes consacrées rappellent de manière prophétique, par la pratique des conseils évangéliques, que le Christ est premier et qu'il peut combler pleinement ceux qui s'engagent à sa suite. Le peuple chrétien a besoin d'hommes et de femmes qui soient totalement dévoués au Seigneur et à leurs frères, et puissent exprimer cet amour de Dieu et du prochain par des choix cohérents et par des projets concrets. Je sais gré aux Congrégations et aux Instituts d'envoyer régulièrement dans votre pays des personnes nouvelles pour répondre aux besoins pastoraux les plus urgents.

11. Frères très chers de l'Église copte catholique, vous devez faire face à de nombreuses difficultés dans le développement de vos communautés qui n'ont pas toujours les lieux de culte nécessaires à leurs rassemblements liturgiques et dont les fidèles sont parfois poussés à quitter leur Église uniquement en raison des conditions sociales faites aux chrétiens. Puissiez-vous donner aux membres de vos éparchies les moyens spirituels leur permettant de demeurer fermes dans la foi au milieu de leurs concitoyens, pour que l'Église demeure légitimement présente et visible dans le pays!

Récemment, je me suis rendu au Liban pour remettre aux chrétiens de ce pays l'Exhortation apostolique post-synodale u Une Espérance Nouvelle pour le Liban », fruit de l'Assemblée spéciale du Synode des Évêques. Je vous invite à porter aussi votre attention sur ce document, qui comporte des aspects concernant les différentes communautés catholiques orientales et les liens avec les hommes d'autres religions.

12. Béatitude, je désire vous adresser mes voeux chaleureux à l'occasion du trentième anniversaire de votre ordination épiscopale, pour raviver en vous le don de Dieu reçu par l'imposition des mains. J'adresse aussi mes souhaits cordiaux à tous ceux d'entre vous et à tous vos prêtres qui célèbrent en ce mois de juin un anniversaire d'ordination. Je prie l'Esprit Saint de vous accompagner et de vous combler de ses dons! Ma prière rejoint aussi l'ensemble des catholiques de rite copte et du vicariat apostolique latin. Portez à tous le salut affectueux et les encouragements chaleureux du Successeur de Pierre. Que, dans les difficultés présentes, les disciples du Christ ne perdent pas l'espérance et que l'Esprit inspire à tous des sentiments de concorde et de paix!

Par l'intercession de l'Apôtre saint Marc, je vous accorde de grand coeur la Bénédiction Apostolique, ainsi qu'aux membres du peuple de Dieu confié à votre sollicitude pastorale.


[1] Christus Dominus, CD 28.
[2] Ibid., CD 14.
[3] Ac 11,29.
[4] Cathechismus Catholicae Ecclesiae, n. CEC 1271.
[5] Unitatis Redintegratio, UR 22.
[6] Ioannis Pauli PP. II Ecclesia in Africa, .
[7] Patriarcarum Catholicorum Orientalium Epistula pastoralis, 40, in Nativitate Domini 1994.
[8] Cfr. Ioannis Pauli PP. II Une Espérance Nouvelle pour le Liban, 93.


Discours 1997 - Salle des Papes, Vendredi 25 avril 1997