Discours 1999 150


MESSAGE DU SAINT-PÉRE À Monseigneur Étienne NGUYÊN NHU THÊ

Archevêque de Hué,
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1. À l’occasion de la clôture de l’année mariale et du vingt-cinquième pèlerinage triennal au sanctuaire Notre-Dame de La Vang, je m’associe par la prière aux fidèles vietnamiens et aux pèlerins qui ont recours à l’intercession maternelle de la Vierge Marie, demandant à cette Mère très sainte d’accompagner l’Église catholique au Viêt Nam dans sa marche vers le Seigneur et de l'assister dans le témoignage qu'elle a à donner au seuil du troisième millénaire.

“Depuis deux mille ans, l'Église est le berceau où Marie dépose Jésus et où elle le confie à l'adoration et à la contemplation de tous les peuples” (bulle d’indiction du grand Jubilé Incarnationis mysterium, n. 11), qui ne se lassent jamais d'invoquer la Mère de toutes les miséricordes. Les hommes trouvent toujours refuge et courage sous sa protection. En effet, Marie “brille déjà sur cette terre comme un signe d’espérance assurée et de consolation devant le peuple de Dieu en pèlerinage” au milieu des difficultés de ce monde (Lumen gentium
LG 68). Elle est la mère de l'Église en marche, qu'elle continue à enfanter, invitant sans cesse les hommes à accueillir comme elle la promesse de Dieu et, avec l'aide de l'Esprit Saint, à être des missionnaires de l'Évangile.



2. En se mettant à son école de manière toute particulière à l’approche du grand Jubilé où ils sont appelés à une conversion toujours plus intense, les fidèles affermiront leur foi, seront davantage attentifs à la parole de Dieu et se rendront disponibles à leurs frères. Pour tous les disciples du Christ, Marie est le modèle par excellence de la vie chrétienne. Elle dispose nos coeurs à accueillir le Christ, nous donnant de la même manière qu’aux serviteurs des noces de Cana la consigne de faire tout ce qu’Il nous dira (cf. Jn 2,5). Elle nous invite à aller à la rencontre de ceux qui ont besoin de notre soutien et de notre aide, comme elle le fit elle-même avec sa cousine Élisabeth (cf. Lc 1,39-45). Ainsi, nous recevons de cette Mère très chère le “goût” de la rencontre avec Dieu et de la mission auprès de nos frères, qui sont les deux aspects de la charité chrétienne.

Lorsque nous nous tournons vers Marie, notre espérance est ravivée. En effet, elle est membre de notre humanité et, en elle, nous contemplons la gloire que Dieu promet à ceux qui répondent à son appel. J’invite donc les fidèles à mettre leur confiance en notre Mère commune, souvent invoquée sous le vocable de Stella Maris, pour que, au milieu des tempêtes du péché et des événements parfois douloureux de l'histoire, ils demeurent fermement attachés au Christ et puissent témoigner de son amour. "En la suivant, vous ne vous égarerez pas ; en la suppliant, vous ne connaîtrez pas le désespoir ; en pensant à elle, vous éviterez toute erreur. Si elle vous soutient, vous ne sombrerez pas ; si elle vous protège, vous n'aurez rien à craindre ; sous sa conduite, vous ignorerez la fatigue ; grâce à sa faveur, vous atteindrez le but" (saint Bernard, Deuxième homélie sur les paroles de l'Évangile: "L'ange Gabriel fut envoyé).



3. En se rendant au sanctuaire Notre-Dame de La Vang, cher au coeur des fidèles vietnamiens, les pèlerins viennent lui confier leurs joies et leurs peines, leurs espoirs et leurs souffrances. Ils se tournent ainsi vers Dieu et se font les intercesseurs de leurs familles et de l'ensemble de leur peuple, demandant au Seigneur de mettre dans le coeur de tous les hommes des sentiments de paix, de fraternité et de solidarité, pour que tous les Vietnamiens s'unissent chaque jour davantage, afin de construire un monde où il fait bon vivre, fondé sur les valeurs spirituelles et morales essentielles, et où chacun puisse être reconnu dans sa dignité d'enfant de Dieu et se tourner librement et filialement vers son Père des cieux, "riche en miséricorde" (Ep 2,4).



4. Particulièrement proche de vous par la pensée en cette période où l'Église dans votre pays honore la Mère du Sauveur, je vous confie à l'intercession de Notre-Dame de La Vang et je vous accorde de grand coeur, à vous-même et à tous les Pasteurs, une affectueuse Bénédiction apostolique, ainsi qu'aux pèlerins qui feront halte au sanctuaire dans l'esprit jubilaire et aux fidèles catholiques du Viêt Nam.

Du Vatican, le 15 juillet 1999




À L'ASSEMBLÉE INTERNATIONALE DE L'ORDRE DE LA TRÈS SAINTE TRINITÉ

Jeudi 26 août 1999

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Très chers frères et soeurs!




1. Je suis heureux de vous rencontrer en une circonstance aussi significative que celle-ci: vous célébrez cette année le VIIIème centenaire de la fondation de l'Ordre de la Très Sainte Trinité et le IVème centenaire de sa réforme. C'est pourquoi la Famille trinitaire qui plonge ses racines dans le projet de son Fondateur saint Jean de Matha et qui vit du même charisme, a pensé se rassembler de façon opportune en "Assemblée générale" pour réfléchir ensemble sur les problèmes communs et sur les solutions possibles au seuil du nouveau millénaire.

Je salue le Ministre général de l'Ordre et je le remercie des paroles courtoises qu'il m'a adressées. Je salue également les responsables, hommes et femmes, des divers Instituts qui appartiennent à la Famille trinitaire, ainsi que les religieux, les religieuses et les laïcs venus de toutes les parties du monde pour cette Assemblée. Elle constitue un moment particulièrement propice pour intensifier le chemin de fidélité au don de l'Esprit reçu par le Fondateur, et pour vous insérer plus profondément dans le renouveau voulu par le Concile Vatican II, de façon à pouvoir répondre aux exigences et aux défis du monde d'aujourd'hui.



2. Au cours de huit siècles, à travers de multiples événements historiques, la Famille trinitaire, animée et vivifiée par son charisme d'origine, fondé sur la glorification de la Trinité et sur l'attention à la rédemption de l'homme, s'est développée et répandue dans l'Eglise et dans le monde à travers la floraison de divers instituts et de diverses associations laïques. Les divers organismes se reconnaissent dans le nom de la Trinité, à laquelle ils sont consacrés de façon particulière, et en saint Jean de Matha, qu'ils vénèrent comme Père commun. Tous participent au même charisme de glorification de la Trinité et d'engagement pour la rédemption de l'homme, se consacrant à des oeuvres de charité et de libération en faveur des pauvres et des esclaves de notre époque.

Aujourd'hui, la Famille trinitaire, outre les religieux, est également composée de religieuses de vie contemplative et active. Ces dernières s'articulent en diverses Congrégations: il y a les Soeurs trinitaires de Valence, de Rome, de Valence et de Madrid en Espagne, de Majorque, de Séville. En outre, s'y ajoutent l'Institut séculier des Oblates trinitaires et l'Ordre séculier trinitaire, ainsi que des Confréries et de nombreuses Associations du laïcat trinitaire qui témoignent dans le monde de la dimension séculaire de l'esprit trinitaire.

Je renouvelle à tous l'exhortation à vivre avec une fidélité généreuse le charisme originel, qui conserve une actualité extraordinaire dans le monde d'aujourd'hui. L'homme contemporain a besoin d'entendre annoncer le salut au nom de la Très Sainte Trinité et d'être protégé de chaînes tout aussi dangereuses que celles d'autrefois, même si elles sont moins visibles. C'est pourquoi la Famille trinitaire fera bien de se mettre à l'écoute des implorations qui proviennent des victimes des formes modernes d'esclavage, pour trouver des voies concrètes répondant à leurs attentes angoissées.

Que vous soutiennent dans votre réflexion et dans votre engagement les nombreux frères et soeurs qui vous ont précédés et qui vous ont laissé de lumineux exemples de vertus et de sainteté dans l'accomplissement de ce même charisme: des religieux, des religieuses et des laïcs dont les noms, souvent tachés de sang, sont inscrits dans l'album des saints et vivent dans le témoignage de la tradition Trinitaire.



3. A la lumière de ce témoignage héroïque, vous voulez préparer des projets concrets avec lesquels entrer dans le nouveau millénaire. En particulier, vous avez pensé à instituer un organisme international de la Famille trinitaire, à travers lequel pouvoir intervenir plus efficacement en défense des personnes persécutées ou discriminées à cause de la foi religieuse et de la fidélité à leur conscience ou aux valeurs de l'Evangile. Vous avez donné à ce nouvel organisme le nom de "Solidarité internationale trinitaire", voulant intéresser toute la Famille au service des nombreuses personnes qui souffrent et qui sont malheureuses, et qui dans leur misère aspirent à une "épiphanie" du Christ Rédempteur.

Un autre projet très significatif est celui d'une nouvelle fondation au Soudan, que vous avez programmée comme l'expression de la mission rédemptrice et miséricordieuse propre à l'Ordre. L'initiative se propose, en même temps que l'apostolat missionnaire et de libération, le dialogue interreligieux entre christianisme et islam, selon les indications données par le Concile Vatican II et reprises et développées dans des documents successifs du Magistère.



4. Le grand Jubilé de l'Incarnation constitue pour toute la Famille trinitaire un encouragement ultérieur à approfondir la méditation du Mystère trinitaire, dans lequel elle trouve le coeur de sa propre spiritualité. En puisant à cette Source intarissable, elle ne manquera pas de s'engager dans le développement de toutes les possibilités de la consécration trinitaire, en l'enrichissant d'une nouvelle plénitude. De cette expérience trinitaire profondément vécue naîtra un engagement renouvelé de libération à l'égard de toute forme d'oppression.

Le Chapitre général extraordinaire, qui s'est conclu ces jours derniers, a placé au centre de votre réflexion le thème de la Domus Trinitatis et Captivorum. Dans l'esprit original du projet de saint Jean de Matha - qui mérite d'être valorisé également à notre époque - doit régner dans cette Domus, le dynamisme de l'amour, qui a sa source dans le Mystère trinitaire et qui s'étend vers les préférés de Dieu: les esclaves et les pauvres. Que l'Esprit du Père et du Fils, qui est amour, vous pousse à devenir un don d'amour pour les autres. L'unité et la charité seront le meilleur témoignage de votre vocation trinitaire dans l'Eglise.

Que la Très Sainte Vierge, que vous invoquez depuis des siècles à travers la belle prière: "Ave, Filia Dei Patris, Ave, Mater Dei Filii, Ave, Sponsa Spiritus Sancti, Sacrarium Sanctissimae Trinitatis", vous introduise toujours davantage dans la contemplation du Mystère et vous aide à vivre les jours du grand Jubilé comme un temps d'espérance renouvelée et de joie sereine dans l'Esprit.

Avec ces voeux, je vous donne de tout coeur, ainsi qu'à tous les membres de la Famille trinitaire, une Bénédiction apostolique spéciale.




AUX PARTICIPANTS À LA SEMAINE INTERNATIONALE D'ÉTUDE ORGANISÉE PAR L'INSTITUT PONTIFICAL JEAN-PAUL II POUR LES ÉTUDES SUR LE MARIAGE ET LA FAMILLE

Vendredi 27 août 1999

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Messieurs les Cardinaux,
Vénérés frères dans l'épiscopat,
Mesdames et Messieurs,



1. C'est avec une grande joie que je souhaite aujourd'hui la bienvenue à chacun de vous, qui prenez part à la Semaine internationale d'étude, organisée par l'Institut pontifical pour les Etudes sur le Mariage et la Famille. Je salue tout d'abord Mgr Angelo Scola, Recteur Magnifique de l'Université pontificale du Latran et Proviseur de l'Institut, et je le remercie des paroles qu'il m'a adressées au début de notre rencontre. Je salue également Mgr Carlo Caffarra, Archevêque de Ferrare et son prédécesseur, le Cardinal-Vicaire Camillo Ruini ainsi que le Cardinal Alfonso López Trujillo, Président du Conseil pontifical pour la Famille, les prélats présents, les illustres professeurs, qui m'ont exposé plusieurs réflexions intéressantes, ainsi que ceux qui, à titres divers, coopèrent à la réussite de votre congrès. Je vous salue tous, chers membres des corps enseignants des divers sièges de l'Institut, qui vous êtes réunis ici à Rome pour effectuer une réflexion organique sur le fondement du dessein divin sur le mariage et la famille. Merci de votre engagement et du service que vous rendez à la famille.



Le souvenir de l'expérience avec les jeunes universitaires à Cracovie

2. Dès sa naissance, il y a dix-huit ans, l'Institut pour les Etudes sur le Mariage et la Famille a eu soin d'approfondir le dessein de Dieu sur la personne, sur la mariage et sur la famille, conjuguant la réflexion théologique, philosophique et scientifique avec une attention constante à la cura animarum.

Cette relation entre pensée et vie, entre théologie et pastorale, est vraiment décisive. Si je considère ma propre expérience, il ne m'est pas difficile de reconnaître combien le travail accompli avec les jeunes dans la pastorale universitaire de Cracovie m'a aidé dans la méditation sur des aspects fondamentaux de la vie chrétienne. La coexistence quotidienne avec les jeunes, la possibilité de les accompagner dans leurs joies et dans leurs efforts, leur désir de vivre pleinement la vocation à laquelle le Seigneur les appelait, m'aidèrent à comprendre toujours plus profondément, la vérité qui est que l'homme grandit et mûrit dans l'amour, c'est-à-dire dans le don de soi, et que précisément en se donnant, il reçoit en échange la possibilité de son accomplissement.

Ce principe possède l'une de ses expressions les plus élevées dans le mariage, qui «est une sage institution du Créateur pour réaliser dans l'humanité son dessein d'amour. Par le moyen de la donation personnelle réciproque, qui leur est propre et exclusive, les époux tendent à la communion de leurs êtres en vue d'un mutuel perfectionnement personnel, pour collaborer avec Dieu à la génération et à l'éducation de nouvelles vies» (Humanae vitae
HV 8).



Le service louable rendu par l'Institut dans diverses parties du monde

3. Agissant dans le cadre de cette inspiration d'une profonde unité entre la vérité annoncée par l'Eglise et les options concrètes et les expériences de vie, votre Institut a rendu au cours de ces années un service louable. Grâce aux sections présentes à Rome à l'Université pontificale du Latran, à Washington, à Mexico et à Valence, avec les centres académiques de Cotonou (Bénin), Salvador di Bahia (Brésil) et Changanacherry (Inde), dont l'iter d'incorporation à l'Institut a désormais commencé et avec la prochaine ouverture du centre de Melbourne (Australie), l'Institut pourra compter sur ses propres sièges dans les cinq continents. Il s'agit d'un développement pour lequel nous voulons rendre grâce au Seigneur, alors que nous considérons avec la reconnaissance qui leur est due ceux qui ont apporté et qui continuent à apporter leur contribution à la réalisation de cette oeuvre.



Les urgences qui se présentent aujourd'hui à la mission de l'Eglise

4. Je voudrais avec vous tourner à présent le regard vers l'avenir, en partant d'une considération attentive des urgences qui, dans ce domaine, se présentent aujourd'hui à la mission de l'Eglise et, donc, à votre Institut lui-même.

154 Par rapport à il y a dix-huit ans, lorsque vous avez commencé votre chemin académique, la provocation lancée par la mentalité séculariste à la vérité sur la personne, sur le mariage et sur la famille est devenue, dans un certain sens, encore plus radicale. Il ne s'agit plus uniquement d'une mise en discussion de seules normes morales d'éthique sexuelle et familiale. A l'image de l'homme/femme propre à la raison naturelle et, en particulier, au christianisme, s'oppose une anthropologie alternative. Elle refuse la donnée, inscrite dans le caractère corporel, qui est que la différence sexuelle possède un caractère identifiant pour la personne; en conséquence, le concept de la famille fondée sur le mariage indissoluble entre un homme et une femme, comme cellule naturelle et de base de la société entre en crise. La paternité et la maternité ne sont conçues que comme un projet privé, à réaliser également à travers l'application de techniques biomédicales, qui peuvent se passer de l'exercice de la sexualité conjugale. On postule, de cette façon, une inacceptable «division entre la liberté et la nature», qui sont en revanche «harmonieusement liées entre elles et intimement alliées l'une avec l'autre» (Veritatis splendor VS 50).

En réalité, la connotation sexuelle de la corporéité fait partie intégrante du plan divin originel, dans lequel l'homme et la femme sont créés à l'image et ressemblance de Dieu (Gn 1,27) et sont appelés à réaliser une communion de personnes, fidèle et libre, indissoluble et féconde, comme reflet de la richesse de l'amour trinitaire (cf. Col Col 1,15-16).

Ensuite, paternité et maternité, avant d'être un projet de la liberté humaine, constituent une dimension vocationnelle inscrite dans l'amour conjugal, à vivre comme une responsabilité singulière à l'égard de Dieu, en accueillant les enfants comme l'un de ses dons (cf. Gn 4,1), dans l'adoration de cette paternité divine «de qui toute paternité, au ciel et sur la terre, tire son nom» (Ep 3,15).

Eliminer la médiation corporelle de l'acte conjugal, comme lieu où peut prendre origine une nouvelle vie humaine, signifie dans le même temps dégrader la procréation du rang de collaboration avec Dieu créateur à une «reproduction» techniquement contrôlée d'un exemplaire d'une espèce, et donc égarer la dignité personnelle unique du fils (cf. Donum vitae, II B/5). En effet, ce n'est que lorsque sont intégralement respectées les caractéristiques essentielles de l'acte conjugal, en tant que don personnel des conjoints, corporel et dans le même temps spirituel, qu'est également respectée, dans le même temps, la personne du fils et que se manifeste son origine qui vient de Dieu, source de chaque don.

En revanche, lorsque l'on considère son propre corps, la différence sexuelle qui y est inscrite et ses facultés procréatives comme de simples données biologiques mineures, passibles de manipulations, on finit par renier la limite et la vocation présentes dans la corporéité et ainsi se manifeste une présomption qui, au delà des intentions subjectives, exprime la méconnaissance de son propre être comme don provenant de Dieu. A la lumière de ces problématiques d'une si grande actualité, je réaffirme avec une conviction encore plus grande ce qui est déjà écrit dans l'Exhortation apostolique Familiaris consortio: «Le destin de l'humanité passe à travers la famille» (FC 86).



Approfondir ultérieurement le dessein de Dieu sur la personne, sur le mariage et sur la famille

5. Face à ces défis, l'Eglise n'a d'autre voie que de tourner le regard vers le Christ, Rédempteur de l'homme, plénitude de la révélation. Comme j'ai eu l'occasion de l'affirmer dans l'Encyclique Fides et ratio, «la Révélation chrétienne est la vraie étoile sur laquelle s'oriente l'homme qui avance parmi les conditionnements de la mentalité immanentiste et les impasses d'une logique technocratique» (FR 15). Cette orientation nous est offerte précisément à travers la révélation du fondement de la réalité, c'est-à-dire de ce Père qui l'a créée et qui la conserve, à chaque instant, dans l'être.

Approfondir ultérieurement le dessein de Dieu sur la personne, sur le mariage et sur la famille, est la tâche qui requiert votre engagement avec une ardeur renouvelée, au début du troisième millénaire.



A la lumière du Mystère de la Très Sainte Trinité

Je voudrais ici suggérer certaines perspectives pour cet approfondissement. La première concerne le fondement au sens strict, c'est-à-dire le Mystère de la Très Sainte Trinité, source même de l'être et, donc, base ultime de l'anthropologie. A la lumière du mystère de la Trinité, la différence sexuelle révèle sa nature parfaite de signe expressif de toute la personne.



La vocation de l'homme et de la femme à la communion

155 La seconde perspective, que j'entends soumettre à votre étude, concerne la vocation de l'homme et de la femme à la communion. Elle aussi plonge ses racines dans le mystère trinitaire. Elle nous est pleinement révélée dans l'incarnation du Fils de Dieu - dans laquelle nature humaine et nature divine sont unies dans la Personne du Verbe -, et s'insère historiquement dans le dynamisme sacramentel de l'économie chrétienne. En effet, le mystère nuptial du Christ Epoux de l'Eglise s'exprime de façon singulière à travers le mariage sacramentel, communauté féconde de vie et d'amour.



Dans la réalité sacramentelle de l'Eglise

De cette façon, la théologie du mariage et de la famille - à l'exception du troisième thème que je désire vous proposer - s'inscrit dans la contemplation du mystère de l'Un et Trine qui invite tous les hommes aux noces de l'Agneau accomplies lors de la Pâque et éternellement offertes à la liberté humaine dans la réalité sacramentelle de l'Eglise.



Une attention particulière au rapport personne-société

En outre, la réflexion sur la personne, sur le mariage et sur la famille s'approfondit en consacrant une attention particulière au rapport personne-société. La réponse chrétienne à l'échec de l'anthropologie individualiste et collectiviste demande un personnalisme ontologique enraciné dans l'analyse des rapports familiaux de base. Rationalité et relationalité de la personne humaine, unité et différence dans la communion et les polarités constitutives homme-femme, esprit-corps et individu-communauté, sont des dimensions coessentielles et inséparables. Dernièrement, la réflexion sur la personne, sur le mariage et sur la famille se laisse ainsi intégrer dans la Doctrine sociale de l'Eglise, finissant par en devenir l'une de ses plus solides racines.



Interagir à travers le dialogue avec les résultats de la recherche de la raison philosophique et des sciences humaines

6. Pour le travail futur de l'Institut, ces perspectives, et tant d'autres, devront être développées selon la double dimension de méthode qui ressort également de cette rencontre.

D'une part, il est incontournable de partir de l'unité du dessein de Dieu sur la personne, sur le mariage et sur la famille. Seul ce point de départ unitaire permet à l'enseignement offert à l'Institut de ne pas être la simple juxtaposition de ce que théologie, philosophie et sciences humaines nous disent sur ces thèmes. De la révélation chrétienne naît une anthropologie adaptée et une vision sacramentelle du mariage et de la famille, qui sait interagir à travers le dialogue avec les résultats de la recherche propre à la raison philosophique et aux sciences humaines. Cette unité originelle est également à la base du travail commun entre les enseignants de diverses matières et rend possible une recherche et un enseignement interdisciplinaires approfondi qui ont pour objet l'«unum» de la personne, du mariage et de la famille, de points de vue divers et complémentaires, avec des méthodologies spécifiques.

D'autre part, il faut souligner l'importance des trois thématiques sur lesquelles sont concrètement organisés tous les «curricula» d'études proposés à l'Institut. Ces trois thématiques sont nécessaires pour l'intégralité et la cohérence de votre travail de recherche, d'enseignement et d'étude. En effet, comment ne pas prendre en considération le «phénomène humain» comme il est proposé par les diverses sciences? Comment renoncer à l'étude de la liberté, base de toute anthropologie et voie d'accès aux questions ontologiques originelles? Comment faire à moins d'une théologie dans laquelle nature, liberté et grâce sont considérées comme une unité articulée, à la lumière du mystère du Christ? C'est ici que se trouve le point de synthèse de tout votre travail, car «en réalité, le mystère de l'homme ne s'éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné» (Gaudium et spes
GS 22).



La double dimension romaine et universelle exemplairement vécue par l'Institut

7. La nouveauté de l'Institut pontifical pour les Etudes sur le Mariage et la Famille, n'est pas seulement liée au contenu et à la méthode de la recherche, mais s'exprime également à travers son organisation juridique et institutionnelle spécifique. L'institut constitue dans un certain sens un «unicum» dans le contexte des Institutions académiques ecclésiastiques. En effet, il est un (avec un seul Grand Chancelier et un seul Proviseur) et, dans le même temps, il s'articule sur les divers continents à travers la figure juridique de la section.

Nous nous trouvons ainsi face à une traduction juridique et institutionnelle du dynamisme normal de communion qui existe entre l'Eglise universelle et les Eglises particulières. De cette façon, l'Institut vit, de façon exemplaire, la double dimension romaine et universelle qui caractérise les institutions universitaires de l'Urbs et, de façon particulière, l'Université pontificale du Latran, dans laquelle se trouve la section centrale, et qui est définie par l'article n. 1 des Statuts comme l'«Université du Souverain Pontife à titre particulier».

Si l'on considère l'Institut et son histoire, nous voyons combien le principe de l'unité dans la pluriformité est fécond! Il ne se concrétise pas seulement dans une unité d'orientation doctrinale qui confère son efficacité à la recherche et à l'enseignement, mais s'exprime surtout dans la communion effective entre enseignants, étudiants et personnel. Et cela tant au sein de chaque section que dans l'échange réciproque entre les sections, pourtant si différentes entre elles. Vous collaborez de cette façon à l'enrichissement de la vie des Eglises et, en dernière analyse, de la Catholica elle même!



La Sainte Famille de Nazareth, guide privilégié pour votre travail

8. Afin que les hommes puissent participer à sa vie comme membre de l'Eglise, le Fils de Dieu a voulu devenir membre d'une famille humaine. C'est pour cette raison que la Sainte Famille de Nazareth, cette «Eglise domestique originelle» (Redemptoris custos, n. 7), constitue un guide privilégié pour le travail de l'Institut. Elle révèle clairement l'insertion de la famille dans la mission du Verbe incarné et rédempteur et illumine la mission de l'Eglise.

Que Marie, Vierge, Epouse et Mère, protège les enseignants, les étudiants et le personnel de votre Institut. Qu'elle accompagne et soutienne votre réflexion et votre travail afin que l'Eglise de Dieu puisse trouver en vous un soutien assidu et précieux dans sa tâche d'annoncer à tous les hommes la vérité de Dieu sur la personne, sur le mariage et sur la famille.

Je vous remercie tous et je vous donne ma Bénédiction.






AUX PARTICIPANTS AU PREMIER CONGRÈS INTERNATIONAL: «LES JEUNES VERS ASSISE»

Samedi 28 août 1999

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Très chers jeunes,



1. C'est avec une véritable joie que je vous accueille au terme de votre premier congrès international intitulé «Les jeunes vers Assise», qui s'est déroulé sous forme de pèlerinage, en marchant sur les traces de saint François d'Assise. Bienvenus! Je vous salue tous avec affection.

Je remercie chacun de vous de la contribution que vous avez offerte à la réussite de l'initiative; je remercie le Ministre général des Frères mineurs conventuels des paroles courtoises qu'il m'a adressées. J'exprime ma satisfaction, en particulier, aux Frères mineurs conventuels qui vous ont proposé ce pèlerinage singulier comme un temps d'expérience pré-jubilaire, en préparation à la XVème Journée mondiale de la jeunesse de l'An 2000 qui se tiendra à Rome dans environ un an. Je leur souhaite de savoir vivre constamment leur consécration comme un don que le Seigneur fait à l'Eglise, fidèles au style de vie transmis à l'Ordre par le Poverello d'Assise.



2. Très chers jeunes garçons et jeunes filles, l'itinéraire qui vous a conduit dans des lieux si chers à la spiritualité mariale et franciscaine, a été rythmé par des moments de prière, de pénitence et par des rencontres de réflexion. A Padoue, à Lorette et à Assise vous avez eu l'occasion de visiter des sanctuaires significatifs de la foi en Italie et votre étape d'aujourd'hui, à Rome, complète bien votre parcours spirituel. Vous êtes guidés par la question suivante: «François, pourquoi le monde te suit-il?». Je suis certain que, en écoutant les enseignements et les témoignages, vous avez pu recevoir des encouragements utiles pour adhérer de façon renouvelée à l'Evangile.

157 Aujourd'hui vous êtes venus, sur l'exemple de saint François, rencontrer le Pape pour réaffirmer votre fidélité à l'Eglise, laquelle, disait le saint, «conserve intacts entre nous les liens de la charité et de la paix... En sa présence fleurira toujours la sainte observance de la pureté évangélique et elle ne permettra pas que disparaisse, ne serait-ce que pour un instant, la bonne odeur de la vie» (2 Cel XVI, 24: FF 611).

Merci de votre visite! Vous avez voulu me remettre, comme le fit saint François avec mon vénéré prédécesseur Honorius III, une règle de vie évangélique que vous entendez pratiquer, et vous y avez joint une contribution financière, fruit de votre journée de pénitence. Je vous remercie de tout coeur également pour cela.



3. A présent, votre expérience se termine et, en retournant chez vous, vous pourrez communiquer aux jeunes de votre âge ce que vous avez éprouvé au cours de ces journées. Ce pèlerinage a certainement été une opportunité providentielle de rencontre avec le Christ et avec vous-mêmes. Il vous a donné l'occasion de contempler le visage de Dieu (cf.
Ps 27,8) et son admirable sainteté, confiants dans le pouvoir de guérison de sa grâce et de sa miséricorde.

Soyez reconnaissants au Seigneur, d'avoir été accompagnés par des maîtres patients, qui vous ont guidés spirituellement pas à pas et, à présent, alors que vous reprenez la route vers d'autres directions, que votre coeur reste docile à l'écoute de Dieu. Reprenez vos activités normales, diffusez autour de vous la lumière qui a illuminé votre esprit. Aimez et suivez le Christ! Parfois, lorsque le chemin devient difficile, si vous êtes assailli par la fatigue, reposez-vous à l'ombre de la prière. Dans le dialogue avec Dieu vous trouverez la paix et le réconfort.

Vos compagnons de route seront les «témoins» que vous avez appris à mieux connaître et à aimer davantage au cours de ces journées. A Padoue, dans la basilique qui lui est consacrée, vous avez rencontré saint Antoine, homme évangélique qui parcourut la voie d'une patiente et jalouse rencontre avec Dieu. A Lorette, dans la Sainte Maison, l'humble coeur en écoute de Marie, la «Vierge faite Eglise», comme aimait l'appeler saint François (Salut à la B.V.M. 1: FF 259), vous a placés face au Christ incarné. A Assise, François, coeur libre et en prière, miséricordieux et fraternel, vous a enseigné à éprouver de la compassion pour tous les hommes et toutes les créatures. En suivant l'invitation de l'Ecriture à considérer «l'issue de leur carrière, imitez, imitez leur foi. Jésus-Christ est le même hier et aujourd'hui, il le sera à jamais» (He 13,7-8).



4. Très chers jeunes, votre rassemblement itinérant, qui a touché des lieux et des thèmes suggestifs de la foi, peut être considéré comme une anticipation de la Journée mondiale de la Jeunesse qui, si Dieu le veut, aura lieu ici à Rome l'année prochaine. Dès à présent, je vous invite tous à y participer. Au coeur de l'Année Sainte de l'An 2000, elle constituera en effet une occasion extraordinaire pour vous les jeunes: le Christ veut que vous soyez ses collaborateurs pour construire le nouveau millénaire, selon son dessein universel de salut. Vivre l'Evangile est certainement une tâche exigeante; mais ce n'est qu'avec le Christ qu'il est possible d'édifier avec efficacité la civilisation de l'amour.

Que vous accompagne Marie, Etoile du chemin; que vous protègent saint Antoine, saint François et sainte Claire. Pour ma part, je reste proche de vous par la prière.

Avant de vous quitter, je désire à présent vous bénir avec les paroles de l'Ecriture, si chères à François, et que que vous avez sûrement entendues de nombreuses fois: «Que Yahvé vous bénisse et vous garde! Que Yahvé fasse pour vous rayonner son visage et vous fasse grâce! Que Yahvé vous découvre sa face et vous apporte la paix!» (cf. Nb Nb 6,24-26 FF Nb 262).






Discours 1999 150