Discours 1999 157


AUX ÉVÊQUES DE CÔTE-D'IVOIRE EN VISITE "AD LIMINA APOSTOLORUM"

Samedi 28 août 1999

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Chers Frères dans l'épiscopat,



1. Au moment où vous accomplissez votre pèlerinage au tombeau des Apôtres Pierre et Paul, c'est avec une grande joie que je vous accueille, vous qui êtes les pasteurs de l'Eglise catholique en Côte-d'Ivoire. La visite ad limina est en effet un moment de grande importance pour la vie et le ministère des Evêques, qui viennent rendre gloire à Dieu pour tous les bienfaits reçus de lui et pour manifester leur communion avec le Successeur de Pierre et avec l'Eglise universelle. Dans leurs rencontres avec l'Evêque de Rome et avec ses collaborateurs, ils peuvent encore puiser réconfort et soutien pour accomplir la mission qui leur a été confiée.

Je remercie le président de votre Conférence épiscopale, Mgr Auguste Nobou, Archevêque de Korhogo, pour les paroles aimables qu'il m'a adressées en votre nom. J'exprime aussi tous mes voeux à Mgr Vital Komenan Yao, Archevêque de Bouaké, que vous avez élu pour lui succéder dans quelques jours.

Lorsque vous rentrerez dans vos diocèses, portez à vos prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux catéchistes et à tous les fidèles, le salut affectueux du Pape, qui garde encore en mémoire la chaleur de leur accueil lors de ses trois visites dans leur pays. Transmettez à tous vos compatriotes ses souhaits cordiaux pour un avenir de paix et de prospérité.



2. L'Eglise en Côte-d'Ivoire a connu au cours de son histoire différentes phases d'enracinement et de croissance. Aujourd'hui elle fait preuve d'une belle vitalité qui permet de regarder vers l'avenir avec confiance. Les adhésions à la foi en Jésus Christ et les demandes de sacrements de l'initiation chrétienne sont nombreuses. Les célébrations liturgiques sont très suivies et vivantes. Par leur esprit convivial et joyeux, vos communautés expriment l'amour fraternel que Jésus a enseigné à ses disciples. Ainsi se manifeste la soif de Dieu de votre peuple et son désir de vivre pleinement les commandements divins ! A l'occasion du synode africain, auquel plusieurs d'entre vous ont participé, les Pères ont porté leur réflexion sur ces signes d'espérance, mais aussi sur les ombres et les défis qui se présentent pour la mission. En rappelant l'urgence de la proclamation de la Bonne Nouvelle aux millions de personnes qui ne la connaissent pas encore, ils ont souhaité qu'une nouvelle ardeur évangélisatrice anime les Eglises locales. Ils ont voulu aussi appeler tous les catholiques du continent à une nouvelle évangélisation en profondeur, en les conviant à marcher courageusement sur les difficiles chemins de la conversion du coeur et de la rénovation constante.

A la suite de ce synode, dans l'exhortation apostolique Ecclesia in Africa, j'ai voulu présenter moi-même les décisions et les orientations qui permettront à l'Eglise d'assurer sa mission d'une manière aussi efficace que possible. C'est en quelque sorte la charte missionnaire de l'Eglise famille de Dieu en Afrique, que tous sont invités à rendre effective dans leur vie personnelle et dans les situations particulières. Je souhaite vivement qu'en ce temps privilégié qui va voir la célébration du deux millième anniversaire de l'Incarnation, tout soit «orienté vers l'objectif prioritaire du Jubilé qui est le renforcement de la foi et du témoignage des chrétiens» (Lettre apostolique Tertio millennio adveniente
TMA 42). J'exhorte les disciples du Christ à fortifier les liens qui les unissent au Sauveur de l'humanité, afin d'en être les témoins fidèles et généreux. Pour cela, il est essentiel que soit présenté sans crainte le message chrétien dans sa totalité et dans toute sa vigueur prophétique, en faisant usage des moyens adaptés que le monde moderne peut offrir. Toutefois, il faut se souvenir que le témoignage d'une vie de sainteté est irremplaçable pour une annonce authentique de l'Evangile, dont le but est avant tout de proposer la personne même de Jésus ressuscité comme l'unique Sauveur de tous les hommes.



3. Depuis quelques années, le nombre de prêtres croît régulièrement; cela suscite espérance et optimisme pour l'avenir. En renouvelant mon salut cordial à tous vos prêtres, je les encourage à être dans leur ministère d'authentiques serviteurs du Christ, qui les a envoyés, et du peuple dont ils ont la charge, dans une communion toujours plus vivante avec leur Evêque et avec toute l'Eglise. La vocation au sacerdoce engage en effet les prêtres à entrer résolument dans l'attitude même de Jésus, serviteur chaste et fidèle, qui a donné sa vie sans compter pour réaliser la mission qui lui avait été confiée par son Père. Je les invite donc à se mettre avec ardeur à la suite du Seigneur, à la manière des Apôtres, en vivant leur sacerdoce comme un chemin spécifique de sainteté. Ainsi, ils seront, en toutes circonstances, des témoins véridiques et crédibles de la Parole qu'ils annoncent et des sacrements dont ils sont les ministres. En exerçant ce service dans un esprit de détachement évangélique par rapport à la recherche immodérée des biens matériels et des avantages personnels, ils seront des signes de la générosité de Dieu, qui prodigue gratuitement ses dons aux hommes.

Par une formation permanente soucieuse de l'approfondissement des connaissances théologiques et de la vie spirituelle, formation attentive aussi aux saines valeurs de leur milieu de vie, les prêtres trouveront une expression et une condition de leur fidélité à leur ministère et de l'unification de leur être même. Acte d'amour de Jésus Christ, qu'il faut connaître et rechercher sans cesse, cette formation continue est aussi un acte d'amour envers le peuple de Dieu que le prêtre a pour vocation de servir (cf. Exhortation apostolique Pastores dabo vobis PDV 70).

Permettez-moi d'exprimer ici la reconnaissance de l'Eglise pour le travail réalisé chez vous, depuis plus d'un siècle, par tant de missionnaires, hommes et femmes, qui ont laissé leur pays d'origine pour que l'Evangile soit annoncé en terre ivoirienne. Leur témoignage, parfois héroïque, est aujourd'hui encore un modèle de vie toute donnée à Dieu et aux autres, et une source de dynamisme pour de nombreux religieux, religieuses, prêtres Fidei donum, laïcs, qui se sont engagés généreusement dans leur sillage. Que Dieu bénisse leur oeuvre et fasse grandir dans l'Eglise de Côte-d'Ivoire le souci de la mission universelle ! Chers frères dans l'épiscopat, dans cet esprit missionnaire que vous avez reçu de vos pères dans la foi, je vous encourage à développer toujours davantage la grande tradition africaine de solidarité par le partage des ressources en personnel apostolique avec les diocèses moins favorisés de votre pays ou encore au- delà de vos frontières.



4. Je connais votre attachement à une formation sérieuse des futurs prêtres. Le rapport étroit qui doit exister entre l'Evêque et le séminaire est primordial. C'est une grave responsabilité mais aussi une grande joie pour un pasteur de suivre le cheminement de ceux qui seront appelés à devenir ses plus proches collaborateurs dans le ministère apostolique. En effet, comme je l'ai écrit dans l'exhortation apostolique Pastores dabo vobis, «la présence de l'Evêque a une valeur particulière, non seulement parce qu'elle aide la communauté du séminaire à vivre son insertion dans l'Eglise particulière et sa communion avec le Pasteur qui la guide, mais aussi parce qu'elle authentifie et sert la finalité pastorale qui caractérise toute la formation des candidats au sacerdoce» (PDV 65).

L'initiative que vous avez prise récemment de mettre en place une année de propédeutique mérite d'être encouragée. Ce temps de préparation à l'entrée au grand séminaire est une occasion privilégiée pour préciser les motivations des candidats, pour approfondir leur vie chrétienne et ecclésiale, et pour aider les formateurs dans leur tâche de discernement des vocations.

Par l'exemple de communautés éducatives unies et fraternelles qui donnent une image concrète de communion ecclésiale, les séminaristes apprendront à devenir eux-mêmes des hommes de foi fidèles à l'Eglise et aux engagements qu'ils seront appelés à prendre. Pour cela, il est nécessaire de choisir, de préparer et d'accompagner des prêtres de vie exemplaire possédant les qualités humaines, intellectuelles, pastorales et spirituelles qui correspondent à leur charge de formateurs du clergé. Dans un contexte où il est souvent difficile de proposer aux jeunes une vie d'ascèse et une discipline intérieure, on recherchera les moyens idoines pour leur présenter avec clarté les exigences de la vie sacerdotale, en évitant toute ambiguïté et tout compromis, néfastes pour leur vie personnelle et pour l'Eglise.



5. Pour être fidèle à sa mission d'annoncer l'Evangile, l'Eglise tout entière doit être missionnaire. Tous les membres du peuple de Dieu ont reçu dans leur baptême et dans leur confirmation, chacun selon sa vocation spécifique, la responsabilité de témoigner de leur foi dans le Christ. Aussi la formation des fidèles laïcs tient-elle une place de premier ordre dans les orientations pastorales, afin de les aider à mener une vie pleinement cohérente et de pouvoir en rendre compte à leurs frères. Cette formation doit permettre aux laïcs de connaître clairement les vérités de la foi et leurs exigences, afin de ne pas se laisser «ballotter et emporter à tout vent de la doctrine, au gré de l'imposture des hommes et de leur astuce à fourvoyer dans l'erreur» (Ep 4,14). Elle contribuera à les guider pour qu'ils assument leurs responsabilités propres dans l'Eglise et dans la société, y compris dans le domaine socio-politique et économique, à la lumière de l'Evangile et de l'enseignement de l'Eglise. «Les chrétiens doivent être formés à vivre les implications sociales de l'Evangile de telle sorte que leur témoignage devienne un défi prophétique à tout ce qui nuit au vrai bien des hommes et des femmes d'Afrique, de même que de tous les autres continents» (Ecclesia in Africa ).

159 Parmi les fidèles laïcs, les catéchistes, dont la charge demeure déterminante au sein des communautés chrétiennes, sont particulièrement appelés à approfondir inlassablement leur formation afin d'être de véritables témoins de l'Evangile par l'exemple de leur vie et leur compétence dans la mission qui leur est confiée. A chacun d'eux portez mes encouragements et ma reconnaissance pour leur générosité dans le service de l'Eglise et de leurs frères.



6. Dans la culture et la tradition africaines, la famille joue un rôle fondamental, car elle représente le premier pilier de l'édifice social et la première cellule de la communauté ecclésiale. C'est pourquoi le synode africain a considéré l'évangélisation de la famille comme une priorité majeure. Je vous encourage vivement à renforcer sans cesse une pastorale appropriée pour accompagner les familles dans les différentes étapes de leur formation et de leur développement. Il est particulièrement indispensable de préparer les jeunes au mariage et à la vie familiale. On les aidera à comprendre la grandeur et les exigences du sacrement du mariage, qui donne aux époux la grâce de s'aimer de l'amour dont le Christ a aimé son Eglise, de perfectionner ainsi leur amour humain, d'affermir leur unité indissoluble et de les sanctifier sur le chemin de la vie éternelle (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique
CEC 1661). Il est du devoir de l'Eglise d'affirmer avec force l'unité et l'indissolubilité de l'union conjugale. «A ceux qui, de nos jours, pensent qu'il est difficile, voire impossible de se lier à quelqu'un pour la vie, à ceux encore qui sont entraînés par une culture qui refuse l'indissolubilité du mariage et qui méprise même ouvertement l'engagement des époux à la fidélité, il faut redire l'annonce joyeuse du caractère définitif de cet amour conjugal, qui trouve en Jésus Christ son fondement et sa force» (Exhortation apostolique Familiaris consortio FC 20). Le témoignage de foyers unis et responsables de même que l'éducation au sens de la fidélité, sans laquelle il n'y a pas de vraie liberté, seront pour les jeunes des exemples précieux qui leur permettront de mieux connaître et d'accueillir la riche réalité humaine et spirituelle du mariage chrétien.

J'invite les fils et les filles de l'Eglise catholique à aimer et à soutenir la famille de façon particulière, en ayant une grande estime pour ses valeurs et ses possibilités, à reconnaître les dangers et les maux qui la menacent afin de pouvoir les surmonter et à lui assurer un milieu qui soit favorable à son développement (cf. ibid., FC FC 86) !



7. La nouvelle évangélisation à laquelle l'Église est appelée doit prendre en compte avec un intérêt renouvelé le lien intime qui existe entre les cultures humaines et la foi chrétienne. La religion traditionnelle africaine, d'où proviennent de nombreux chrétiens, marque profondément la culture de votre peuple, et elle exerce encore une grande influence sur la compréhension de la foi par les fidèles et sur leur façon de la vivre, provoquant parfois des incohérences. Comme je l'ai écrit dans Ecclesia in Africa, un dialogue serein et prudent avec les adeptes de cette religion «pourra, d'une part préserver d'influences négatives qui affectent la manière de vivre de nombreux catholiques, et, d'autre part, permettre l'assimilation de valeurs positives, telles que la croyance en un Etre suprême, Eternel, Créateur, Providence et juste Juge, qui s'harmonisent avec le contenu de la foi» (). Cependant, il est essentiel d'aider les baptisés à établir une relation authentique et profonde avec le Christ, qui doit devenir le centre effectif de leur existence. Une telle rencontre, où l'homme découvre le mystère de sa propre vie, implique une conversion radicale de la personne et une purification de toutes les pratiques religieuses antérieures à cette rencontre.

Par ailleurs, un fraternel dialogue de vie avec les musulmans est aussi une nécessité pour construire paisiblement l'avenir. Malgré les obstacles et les difficultés, il est urgent que tous les croyants, et les hommes de bonne volonté qui partagent avec eux des valeurs essentielles, unissent leurs efforts pour édifier la civilisation de l'amour, fondée sur les valeurs universelles de paix, de solidarité, de fraternité, de justice et de liberté. Pour cela, il convient de travailler ensemble au développement harmonieux de la société, afin que tous les fils de la nation puissent vivre dans la reconnaissance de leurs droits et de leurs devoirs les uns à l'égard des autres et que soit accordée à tous la liberté de pratiquer les exigences de leur religion dans le respect mutuel.

Pour favoriser le dialogue entre la foi et la culture, je me réjouis de la présence dans votre pays de plusieurs institutions catholiques internationales, notamment de l'Institut catholique de l'Afrique de l'Ouest. Elles sont un signe de la croissance de l'Eglise en tant qu'elles intègrent dans leurs recherches les vérités et les expériences de la foi, et aident à les intérioriser (cf. Ecclesia in Africa ). De nombreux jeunes reçoivent aussi une formation humaine et intellectuelle dans les institutions d'éducation qui dépendent de l'Eglise ou de l'Etat et qui sont des lieux privilégiés de la transmission de la culture. Je vous engage donc à porter une attention particulière à la pastorale du monde scolaire et universitaire, et plus largement encore du monde de la culture, pour un réel enracinement de l'Evangile dans votre pays.



8. Au terme de notre rencontre, chers Frères dans l'épiscopat, je rends grâce à Dieu avec vous pour son oeuvre au milieu de votre peuple. La proximité du grand Jubilé est pour tous les catholiques une invitation pressante à fixer les yeux sur le mystère de l'Incarnation du Fils de Dieu, venu pour le salut de l'humanité. Que l'entrée dans le nouveau millénaire stimule les pasteurs et les fidèles à élargir leur regard de foi vers des horizons nouveaux pour que le Règne de Dieu soit annoncé jusqu'aux extrémités de la terre ! Je confie chacun de vos diocèses à l'intercession maternelle de la Vierge Marie, Notre-Dame de la Paix, particulièrement vénérée dans le sanctuaire de Yamoussoukro. J'implore son Fils Jésus, pour qu'il répande sur l'Eglise en Côte-d'Ivoire l'abondance des bénédictions divines, afin qu'elle soit un signe vivant de l'amour que Dieu porte à tous, en particulier aux démunis, aux malades, aux personnes qui souffrent. De grand coeur, je vous donne la Bénédiction apostolique, que j'étends volontiers aux prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux catéchistes et à tous les fidèles laïcs de vos diocèses.

Septembre 1999


LORS DE L'INAUGURATION DU SÉMINAIRE MÉTROPOLITAIN DE SALERNE

Samedi 4 septembre 1999

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Monsieur le Cardinal,
Vénérés frères dans l'épiscopat,
Eminents membres des Autorités,
Chers prêtres, religieux, religieuses et séminaristes,
Très chers frères et soeurs!



1. C'est avec une grande joie que je me trouve aujourd'hui parmi vous, à l'occasion de l'inauguration du nouveau séminaire métropolitain et de la Maison du clergé «Saint Matthieu»; ces oeuvres ont été voulues et réalisées par la communauté de Salerne avec l'aide de la Conférence épiscopale italienne et le soutien effectif des évêques de la région. Merci de m'avoir invité à participer à un événement aussi significatif et merci de l'accueil affectueux que vous m'avez réservé.

Je salue l'antique et noble Eglise de Salerne et la communauté de Pontecagnano-Faiano. Je remercie Mgr Gerardo Pierro, pasteur de ce diocèse, pour les paroles avec lesquelles il a voulu se faire l'interprète des sentiments communs à l'égard du Successeur de Pierre. Ma pensée affectueuse s'adresse ensuite au presbyterium diocésain, aux hommes et aux femmes consacrées, aux séminaristes, aux autorités présentes et à tous ceux qui ont voulu prendre part à ce joyeux moment de foi et de communion. Je salue le Cardinal Michele Giordano, Archevêque de Naples et Président de la Conférence épiscopale de Campanie. Avec lui, j'embrasse en esprit tous les prélats de la Campanie et les populations de cette chère région, en particulier celle de la terre martyrisée de Sarno.

Tandis que je venais ici à Salerne, j'ai en effet survolé la zone frappée l'année dernière par une terrible inondation, qui provoqua la destruction et la mort. J'ai prié pour les défunts, mais j'ai en particulier demandé le soutien divin pour les personnes et les familles les plus durement touchées. Puissent-elles trouver dans l'espérance chrétienne la force de construire, avec le soutien de la communauté nationale également, un avenir de sérénité, en particulier pour les jeunes générations. J'adresse un salut cordial à ces frères et soeurs, tous proches de mon coeur.



2. Très chers amis, ce nouveau séminaire métropolitain et la Maison pour le clergé «Saint Matthieu», que l'Eglise de Salerne a voulu construire avec un soin plein d'amour, constituent un don providentiel pour les personnes appelées au ministère presbytéral et pour les prêtres. Le séminaire, en particulier, avec sa structure moderne et fonctionnelle, se place dans le sillage de la longue tradition de service de l'archidiocèse de Salerne aux diocèses proches, lui qui fut pendant des années le siège du séminaire pontifical régional Pie XI. En renouvelant en esprit cet engagement de communion et de collaboration, le séminaire métropolitain pourra lui aussi accueillir des séminaristes d'autres communautés de Campanie, dont les évêques en feront la demande.

L'ouverture d'un séminaire suppose tout d'abord une grande confiance dans l'oeuvre du Christ, qui continue à faire parvenir son invitation à de nombreux jeunes qui, comme les deux disciples du passage évangélique que nous avons entendu, se sentent attirés par lui: «Rabbi (qui signifie maître), où demeures-tu?» Ce séminaire s'ouvre aujourd'hui pour permettre à Jésus de répondre aux jeunes de cette terre de Salerne: «Venez et voyez» (cf.
Jn 1,38-39). En effet, le séminaire est appelé à créer le milieu dans lequel vivre une expérience particulière de communion avec le Christ. Puissent les jeunes, qui s'engageront ici dans l'étude et dans la prière, faire leurs les paroles d'André à son frère Simon: «Nous avons retrouvé le Messie» (Jn 1,41).



3. Dans cette perspective, je voudrais m'adresser en particulier à vous, très chers séminaristes, qui êtes les premiers aujourd'hui à participer à cette fête. Ce séminaire vous est tout d'abord destiné ainsi qu'à ceux qui, également à l'avenir, seront prêts à répondre à l'appel de Dieu et qui passeront ici des années de formation indispensable.

Je vous souhaite d'être dociles à la voix du Seigneur, de vous donner généreusement à lui. Puissiez-vous croître ici dans l'engagement à la prière et à l'étude, en vivant les renoncements et les difficultés quotidiennes comme tout autant d'actes d'amour envers ceux que le Seigneur vous enverra. Vous pourrez compter sur la direction sage et généreuse de vos supérieurs, sur la prière de la communauté chrétienne et, surtout, sur la présence maternelle de la Reine des Apôtres, à laquelle sont en particulier confiés ceux qui sont appelés à agir «in persona Christi».



4. Chers éducateurs, c'est à vous qu'est confiée la tâche de faire revivre aux futurs prêtres l'expérience du Cénacle, qui fut, dans un certain sens, le premier séminaire. Au Cénacle, le Maître, après avoir instruit les Douze, lava leurs pieds et, anticipant le sacrifice sanglant de la Croix, se donna lui-même entièrement et pour toujours dans le signe du pain et du vin. Ensuite, au Cénacle, dans l'attente de la Pentecôte, les apôtres se retrouvèrent «assidus à la prière avec quelques femmes dont Marie mère de Jésus» (Ac 1,14).

Très chers amis, inspirez-vous de cette icône si éloquente, en préparant les évangélisateurs pour le troisième millénaire. Suscitez chez les élèves l'amour pour le Seigneur et la passion pour son Evangile, afin qu'ils se conforment pleinement au Christ maître, prêtre et pasteur (cf. Optatam totius OT 5). Eduquez-les à la communion fraternelle. Assurez-leur une solide préparation théologique et culturelle. Faites surtout en sorte qu'ils soient des «hommes de Dieu», et précisément pour cela, également des hommes de charité, de pauvreté, de partage, capable d'accomplir généreusement leur ministère demain parmi le peuple de cette terre qui, comme tout le sud de l'Italie, est marquée par des défis anciens et nouveaux, et qui a besoin plus que jamais de pasteurs dont le témoignage évangélique est intègre.



161 5. Effectuant un choix judicieux, votre Archevêque a voulu qu'à côté du séminaire se trouve la Maison pour le clergé «Saint Matthieu», destinée à aider les prêtres à vivre en fraternité, en expérimentant les multiples avantages de la vie commune, recommandée, sous ses diverses formes, par le Concile Vatican II (cf. Presbyterorum ordinis PO 8), et si précieuse pour le développement du ministère.

Je souhaite que la proximité des deux institutions constitue pour les hôtes respectifs une précieuse occasion de rencontre fraternelle, de communion dans la charité, de souvenir réciproque dans la prière et d'encouragement dans le service du Seigneur.



6. Je désire ensuite adresser une pensée particulière aux autres jeunes que je vois ici présents. Très chers jeunes, garçons et filles, accueillez le message du Christ et répondez à son amour. Il invite chacun de vous à le suivre de manière personnelle et spécifique. De la réponse à son appel dépend la réussite de votre vie. Ne vous laissez pas fasciner par des mirages illusoires et transitoires: le Christ vous appelle à la sainteté, également dans les conditions ordinaires de la vie laïque. Et s'il demande à certains de se consacrer totalement au service de l'Evangile dans la voie du sacerdoce ou de la vie consacrée, n'ayez pas peur d'accueillir avec courage sa proposition, qui ouvre des perspectives exaltantes de grâce et de joie. L'Eglise attend la contribution de votre créativité, de vos dons, de votre enthousiasme.



7. Très chers frères et soeurs, le complexe que nous nous apprêtons à inaugurer est le fruit de l'engagement et de la collaboration de tant de personnes. Je désire exprimer ma satisfaction à tous ceux qui y ont prodigué leurs énergies, leur intelligence et leur compétence: à ceux qui ont créé le projet, aux constructeurs, aux ouvriers, à tous!

Comme signe concret de votre amour pour le Christ et l'Eglise, vous avez voulu donner au nouveau séminaire le nom du Pape qui vous parle à présent. Je vous remercie de ce geste d'affection, qui renforce les liens anciens de l'Eglise de Salerne avec le Successeur de Pierre, principe et fondement perpétuel et visible de l'unité de la foi et de la communion (cf. Lumen gentium LG 18).

A Marie, Reine des Apôtres et Mère des prêtres, dont l'image a été placée comme sentinelle sur le nouveau séminaire, je confie ceux qui vivront, étudieront et travailleront dans cette citadelle de foi et de culture. Qu'elle veille avec amour sur le labeur de tous; qu'elle les soutienne sur leur chemin, afin qu'ils puissent répondre généreusement à la parole du Fils et servir leurs frères avec une fidélité immuable.

Avec ces sentiments, je donne de tout coeur ma Bénédiction à chacun de vous ici présents, à la communauté diocésaine et à toute la région de Campanie.

Au terme de son discours le Saint-Père ajoutait les paroles suivantes:

C'est la deuxième fois que je viens à Salerne. Mais c'est la première fois que je viens dans cette partie de la ville où se trouve le séminaire. Je présente mes meilleurs voeux à votre communauté qui pense toujours à l'avenir, car le séminaire, les séminaristes nous parlent de l'avenir, du troisième millénaire. Tous mes voeux pour le troisième millénaire de votre diocèse. Loué soit Jésus-Christ! Au revoir!





MESSAGE DU PAPE JEAN PAUL II AU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L'ÉDUCATION, LA SCIENCE ET LA CULTURE

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A Monsieur Federico MAYOR SARAGOZA
Directeur général de l'Organisation des Nations Unies
pour l'Éducation, la Science et la Culture,



1. A l'occasion de la trente-troisième Journée internationale de l’Alphabétisation, organisée par l’U.N.E.S.C.O., je tiens à rendre hommage aux hommes et aux femmes qui, au cours des âges, ont aidé leurs frères à acquérir les éléments fondamentaux du savoir: il faut saluer particulièrement les enseignants qui, sur tous les continents, s’appliquent à former les jeunes et les adultes, avec persévérance et efficacité. Je voudrais aussi rappeler la mission exercée par de nombreux laïcs, religieux et religieuses, pionniers de l’instruction populaire, qui ont été, dans l’exercice de leurs fonctions, des témoins du Christ, en éveillant les intelligences et les consciences.



2. Au cours des dernières décennies, il convient de reconnaître le rôle de premier plan qu’a joué, en relation avec d’autres organismes internationaux, l'Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Science et la Culture, qui a multiplié ses efforts pour faire face à la grave situation d’analphabétisme dans le monde. En donnant à chaque être humain les moyens d’accéder à une culture générale, l’UNESCO lui offre ainsi la possibilité de mener une existence digne, de prendre en charge son avenir et d’exercer sa part de responsabilité au sein de la société. La lutte contre l’analphabétisme est le chemin obligé du développement des personnes et des peuples, qui reçoivent ainsi des outils de réflexion et d’analyse, et qui peuvent se défendre plus aisément contre les discours sectaires, intégristes ou totalitaires. Il est donc hautement souhaitable que se poursuivent avec succès les actions entreprises, qui nécessitent une coordination toujours plus intense des efforts nationaux et internationaux.

3. A l’aube du troisième millénaire, j’invite tous les peuples à s’unir pour lutter contre l’analphabétisme, qui est un lourd handicap pour une part importante de l’humanité, notamment les femmes et les filles. En effet, jusqu’à une période récente, deux tiers des illettrés étaient des femmes et 70% des enfants non scolarisés sont des filles. Dans ce domaine aussi, il est important de supprimer les disparités, ce qui est un des objectifs de la convention de l’UNESCO: “Assurer à tous le plein et égal accès à l'éducation, la libre poursuite de la vérité objective et le libre échange des idées et des connaissances” (Préambule de la Convention). Une telle entreprise de lutte contre l’analphabétisme suppose l’engagement du corps enseignant, dont il convient de reconnaître et de valoriser la fonction, faisant en sorte que ceux qui exercent cette activité se sentent estimés et soutenus dans leur remarquable métier de transmission des connaissances, des valeurs fondamentales et des raisons de vivre.

L’école est appelée à être de plus en plus accueillante aux enfants, quelles que soient leur origine et leur condition sociale, en portant une attention toute particulière aux plus pauvres, aux victimes de la violence et de la guerre, aux réfugiés et aux personnes déplacées. Elle doit se préoccuper toujours davantage, par une pédagogie adaptée et une attention aux cultures locales, de développer les talents et d’éveiller les consciences des élèves, ainsi que de prendre soin des jeunes qui sont inadaptés au système scolaire.



4. Pour sa part, poursuivant la mission que lui a confiée le Christ, l’Eglise souhaite continuer à participer à l’éducation des jeunes et des adultes, aux côtés des hommes et des femmes de bonne volonté. L’Ecole catholique est un instrument de choix, qui permet aux enfants de recevoir, en plus de l’enseignement, une formation religieuse et catéchétique qui les aidera à approfondir leur foi, à découvrir le Christ, qui veut aider l’homme à parvenir à sa pleine stature d’adulte. Dans une société en quête de sens, l’Ecole catholique est appelée à diffuser avec clarté et vigueur le message chrétien, tout en respectant ceux qui ne partagent pas ses convictions mais qui souhaitent cependant bénéficier de ses méthodes d’enseignement. Soucieuse d’apporter sa contribution à la relation entre l’Evangile et les cultures, l’Ecole catholique situe le savoir dans l’horizon de la foi, pour qu’il devienne une sagesse de vie et qu’il conduise les hommes au vrai bonheur, que Dieu seul peut donner.



5. A l’aube d’une ère nouvelle, je me réjouis de l’oeuvre accomplie par l'U.N.E.S.C.O., en coopération avec tous les Etats membres. J’invoque le soutien des Bénédictions divines sur vous, Monsieur le Directeur général, et sur l'ensemble des personnes qui, en participant à la mission de l'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture, sont au service de l'humanité.

Castel Gandolfo, le 28 août 1999.




AUX ÉVÊQUES DU TCHAD EN VISITE AD LIMINA APOSTOLORUM

9 septembre 1999

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Chers Frères dans l'épiscopat,



1. C'est avec une grande joie que je vous accueille au cours de votre pèlerinage au tombeau des Apôtres. Evêques de l'Eglise catholique au Tchad, vous êtes venus sur les lieux mêmes où Pierre et Paul ont témoigné du Christ jusqu'au don suprême de leur vie. Vous y trouverez paix et réconfort pour accomplir la mission qui vous a été confiée au service du peuple de Dieu. A travers vos rencontres avec le Successeur de Pierre et ses collaborateurs, que le Seigneur fasse grandir toujours plus en vous l'esprit de communion avec l'Eglise universelle et ses pasteurs unis à l'Evêque de Rome !

Mgr Charles Vandame, le Président de votre Conférence, a exprimé en votre nom, avec clarté et lucidité, les joies, les peines et les espérances qui sont les vôtres dans votre ministère épiscopal. Je l'en remercie très cordialement.

Transmettez à vos prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux catéchistes et aux laïcs de vos diocèses, le salut affectueux du Pape. Que Dieu les comble de ses Bénédictions pour que tous soient de généreux témoins de l'Evangile ! Portez aussi mes voeux de bonheur et de paix à tout le peuple tchadien dont je connais la générosité.



2. Depuis votre dernière visite ad limina, deux nouveaux diocèses ont été créés pour favoriser l'annonce de l'Evangile dans des régions qui jusqu'ici étaient parmi les plus isolées. On ne peut que se réjouir du dynamisme de vos communautés, dont ces créations sont un signe éloquent. Je souhaite que les Évêques qui, avec la richesse de leur expérience missionnaire, sont venus élargir votre Conférence épiscopale, bénéficient pleinement de l'atmosphère fraternelle et collégiale qui la caractérise.

C'est une joie pour moi de constater les progrès spirituels de l'Eglise au Tchad ainsi que ses efforts méritoires pour devenir de plus en plus incarnée dans les réalités sociales et culturelles du pays. J'invite vos communautés à demeurer fidèles à l'oeuvre de l'Esprit Saint en elles et à donner le témoignage d'un amour mutuel sincère, pour que tous reconnaissent Celui qui est à la source de cet amour et croient en lui. Que chacun se souvienne "qu'on est missionnaire avant tout par ce que l'on est, en tant que membre de l'Eglise qui vit profondément l'unité dans l'amour, avant de l'être par ce que l'on dit ou par ce que l'on fait" (Encyclique Redemptoris missio
RMi 23).



3. Au cours des dernières années, le nombre de prêtres tchadiens a augmenté de façon significative. Je les salue cordialement et je les encourage dans leur ministère, souvent difficile, mais exaltant, d'annoncer l'Evangile du Christ à leurs frères et de leur dispenser les sacrements de l'Eglise. Je connais leur fidélité à leur vocation et leur dévouement pastoral. Je les exhorte à découvrir toujours plus la profondeur de leur identité sacerdotale. Qu'ils trouvent dans une rencontre personnelle avec le Seigneur ressuscité, par la prière et les sacrements, la source vive de leur existence et de leur mission ecclésiale ! Chers frères dans l'épiscopat, je sais combien vous êtes attentifs à leur vie sacerdotale et à leurs besoins, notamment dans le domaine de la formation permanente. Qu'ils trouvent toujours auprès de vous le Père qui saura les encourager et les guider dans leur ministère !

Vous avez tenu à diversifier la provenance des missionnaires venus participer à l'oeuvre d'évangélisation dans votre pays. Je les félicite pour leur réponse généreuse aux appels de l'Eglise au Tchad et je souhaite qu'ils soient partout des témoins ardents de l'esprit de l'Evangile, qui doit conduire à surmonter les barrières des cultures, des nationalismes, écartant toute fermeture (cf. Exhortation apostolique Ecclesia in Africa ). Originaires d'Afrique, continent désormais pleinement intégré à l'activité missionnaire de l'Eglise, mais venant aussi d'autres régions du monde, ils manifestent clairement l'universalité du message évangélique et de l'Eglise, ainsi que leur désir d'aider les prêtres tchadiens à prendre davantage en main le devenir de l'Eglise locale.

Les religieux et les religieuses participent aussi pleinement et avec beaucoup d'abnégation à la vie de vos diocèses. Leur engagement est essentiel dans l'oeuvre d'évangélisation et de service de vos communautés. Je souhaite donc que la vie consacrée trouve un nouvel essor parmi les jeunes du Tchad, pour que l'Eglise puisse bénéficier de ce "don précieux et nécessaire pour le présent et pour l'avenir du peuple de Dieu, parce qu'elle appartient de manière intime à sa vie, à sa sainteté et à sa mission" (Exhortation apostolique Vita consecrata VC 3). En effet, la vie consacrée est un témoignage éloquent du don gratuit de soi au Seigneur et d'une orientation de l'existence tournée vers l'Absolu et vers l'essentiel, qui rend heureux. Aussi, il est indispensable que les valeurs fondamentales de la vie religieuse s'enracinent en profondeur dans la culture de votre pays pour y devenir un ferment évangélique.

La formation des futurs prêtres est l'une de vos préoccupations majeures. Déjà, vous voyez les premiers fruits de l'effort déployé dans le discernement de vocations capables de porter le poids des engagements de la vie sacerdotale. La création d'un nouveau séminaire est pour vous un signe encourageant et une occasion privilégiée de rendre grâce pour la générosité des jeunes gens à répondre à l'appel du Seigneur. Je vous engage à donner aux candidats au sacerdoce non seulement une solide formation intellectuelle et spirituelle, mais aussi une sérieuse éducation "à l'amour de la vérité, à la loyauté, au respect de toute personne, au sens de la justice, à la fidélité à la parole donnée, à la véritable compassion, à la cohérence et en particulier à l'équilibre du jugement et du comportement" (Exhortation apostolique Pastores dabo vobis PDV 43). En cultivant ces qualités humaines, ils pourront devenir des personnalités équilibrées, capables d'assumer les responsabilités pastorales qui leur seront confiées.



4. Dans vos diocèses, les communautés ecclésiales de base sont un instrument privilégié pour faire croître l'Eglise famille de Dieu et contribuer à l'évangélisation. On ne peut que se réjouir de voir s'y développer un laïcat de qualité qui progressivement prend la place qui lui revient dans la vie de l'Eglise et de la société. Dans la pastorale de vos diocèses, la formation doctrinale et spirituelle appropriée des laïcs doit donc prendre une importance de plus en plus grande, afin que leur foi soit assurée et que leur témoignage soit véridique et crédible.

Je salue chaleureusement les catéchistes, qui assurent avec générosité la mission que vous leur avez confiée. Par une formation doctrinale et spirituelle sérieuse, ils acquièrent une compétence qui les rend dignes de leur fonction. Je les encourage à vivre avec foi et vigueur leur appartenance à l'Eglise dans le service de l'Evangile au milieu de leurs frères. Qu'ils soient, par toute leur existence, d'ardents disciples du Christ et des exemples de vie chrétienne !

Les fidèles, encore profondément marqués par les conceptions de l'existence et les pratiques de la culture traditionnelle, ont souvent des difficultés à vivre les exigences du mariage chrétien. Il convient donc de leur donner les éléments de réflexion qui pourront contribuer à leur faire comprendre la dignité et le rôle du mariage, qui est une authentique voie de sainteté. "C'est pourquoi le mariage suppose un amour indissoluble; grâce à sa stabilité, il peut contribuer efficacement à la pleine réalisation de la vocation baptismale des époux" (Ecclesia in Africa ). Une meilleure prise de conscience de l'égale dignité de l'homme et de la femme, en particulier dans l'amour qu'ils se portent mutuellement, aidera aussi à faire clairement apparaître que l'union conjugale exige l'unité du mariage. Une sérieuse préparation à l'engagement matrimonial, et aussi le témoignage des foyers chrétiens unis et rayonnants, dont on sait l'importance pour exprimer l'authenticité d'un choix de vie, susciteront chez les jeunes des convictions fortes pour prendre leurs responsabilités d'époux et de parents. Dans cette perspective, je me réjouis de l'attention portée à la pastorale familiale, car c'est par les couples que les enfants apprennent les premiers éléments de la vie spirituelle et morale, ainsi qu'une saine conduite en société. C'est ce même souci qui vous conduit à promouvoir le respect dû à la femme ainsi que la sauvegarde de ses droits, car quoique différents, l'homme et la femme sont essentiellement égaux du point de vue de l'humanité.



164 5. Depuis bien des années, suivant les orientations de l'enseignement social de l'Église, vous avez pris de nombreuses initiatives dans les domaines de la santé, de l'éducation, des oeuvres sociales et caritatives. Vous avez aussi développé une réflexion approfondie sur les implications de l'Évangile dans les différentes situations que connaissent les populations de votre pays. L'engagement de vos communautés au service de la promotion humaine et du développement mérite d'être vivement encouragé. Ainsi, les fidèles ont pris une conscience renouvelée de leurs responsabilités de disciples du Christ dans la vie collective, en refusant résolument de se rendre complices de l'injustice ou de la violence, et ils se sont largement engagés dans la défense des droits de l'homme, là où ils sont menacés.

La célébration prochaine du grand Jubilé est d'ailleurs un temps favorable pour que les chrétiens se fassent la voix de tous les pauvres du monde et manifestent clairement l'option préférentielle de l'Eglise pour les pauvres et les exclus. Ils le feront notamment en pensant, comme je l'ai déjà écrit, "à une réduction importante, sinon à un effacement total, de la dette internationale qui pèse sur le destin de nombreuses nations" (Lettre apostolique Tertio millennio adveniente
TMA 51), selon des modalités qui ne pénalisent pas d'une autre manière les populations les plus démunies et en incitant à s'interroger sur une gestion des ressources de la nation qui permette à tous de mener une vie digne et solidaire.

Les écoles catholiques sont une contribution importante apportée par l'Eglise à l'éducation de la jeunesse tchadienne, sans distinction d'origine sociale ou religieuse. On ne peut que se réjouir de l'équilibre maintenu entre les exigences d'un projet éducatif conforme à l'Évangile et les contraintes administratives. Alors que la société connaît des mutations importantes, il est en effet nécessaire de proposer aux jeunes des repères qui leur permettent d'affronter les défis qui se présentent à eux aujourd'hui et de vaincre les obstacles à leur épanouissement, en leur donnant une éducation qui prenne en compte les réalités humaines et spirituelles de leur existence et qui les aide à vivre entre jeunes de religions et de milieux sociaux différents. De ce fait, ils seront mieux préparés à construire l'avenir dans un esprit de respect mutuel et de collaboration.

Pour que la vie de vos communautés ainsi que le service de leurs compatriotes puisse se dérouler sereinement, il vous appartient de poursuivre le dialogue avec les Autorités civiles, afin que l'Église catholique soit toujours davantage reconnue comme une institution à part entière au sein de la société.



6. Dans votre pays, qui est traditionnellement une terre de rencontre paisible entre les cultures et les religions, des relations bienveillantes entre la communauté catholique, les autres chrétiens et les musulmans doivent être favorisées, afin que disparaissent les causes d'incompréhensions ou d'affrontements et que les principes de tolérance et de fraternité président à l'édification d'une nation solidaire et unie. Certaines évolutions récentes ont pu parfois conduire à des oppositions qui risquent de développer des antagonismes durables. Il est nécessaire que les catholiques rejettent résolument toute attitude de peur et de refus de l'autre. Pour cela, je vous encourage à poursuivre avec persévérance les initiatives que vous avez prises en vue d'une meilleure connaissance mutuelle qui aille au-delà des préjugés. Il s’agit en effet de favoriser la rencontre des personnes en vérité et surtout de développer le dialogue de la vie qui permettra de s'accepter avec ses différences et de travailler ensemble pour le bien commun. Il est aussi profitable de maintenir actif un dialogue sincère avec les autorités religieuses musulmanes pour faciliter la compréhension entre les communautés.

Dans cette même perspective d'ouverture et de dialogue, il est toutefois nécessaire que les chrétiens demeurent conscients de leurs propres droits dans la collectivité nationale, dont ils sont des membres à part entière, et qu'ils les défendent dans un esprit de justice, en recherchant avec tous l'établissement de liens fraternels, respectueux des droits et des devoirs de chacun et de chaque communauté. Comme j'ai eu souvent l'occasion de le rappeler, la liberté religieuse, qui inclut le droit de manifester sa croyance, seul ou avec d'autres, en public ou en privé, et qui exclut toute ségrégation pour des motifs religieux, constitue le coeur même des droits humains et rend possible les autres libertés personnelles et collectives. Le recours à la violence au nom de son propre credo religieux constitue une déformation des enseignements mêmes des grandes religions (cf. Message pour la journée mondiale de la paix, 1999, n. 5). Je souhaite vivement que tous les croyants, dépassant résolument leurs antagonismes, unissent leurs efforts pour lutter contre tout ce qui va à l'encontre de la paix et de la réconciliation, afin de contribuer à l'établissement de la civilisation de l'amour, qui devrait être pour chacun une façon de rendre gloire à Dieu.



7. Au terme de notre rencontre, chers Frères dans l'épiscopat, alors que s'approche la célébration du grand Jubilé de l'an 2000, je vous invite à regarder l'avenir avec espérance. Le grain semé en terre par les premiers missionnaires, il y a soixante-dix ans, ne cesse de donner du fruit. Le dévouement désintéressé des hommes et des femmes qui, au cours des années passées, ont donné leur vie pour transmettre le flambeau de la foi chrétienne au Tchad, et auxquels je veux rendre hommage, doit demeurer pour les générations actuelles et futures un exemple de vie apostolique et un appel constant à témoigner avec ardeur du message qu'elles ont reçu et du Seigneur qui est venu à leur rencontre pour qu'elles aient la Vie véritable.

Je confie votre ministère et chacun de vos diocèses à la protection maternelle de la Vierge Marie, Mère du Christ et Mère des hommes. Qu'elle guide fermement vos pas vers son Fils ! De grand coeur, je vous donne la Bénédiction apostolique que j'étends aux prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux catéchistes, et à tous les fidèles du Tchad.




Discours 1999 157