Discours 1999 174


VOYAGE DU PAPE EN SLOVÉNIE


À LA CATHÉDRALE DE MARIBOR

Dimanche 19 septembre 1999

175 Vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce!
Très chers frères et soeurs dans le Christ!



1. J'éprouve une grande joie à vous rencontrer dans cette cathédrale, où repose la dépouille mortelle du vénéré Evêque Anton Martin Slomýek, que j'ai eu la joie de proclamer bienheureux ce matin. Je remercie Mgr Franc Kramberger, Evêque de Maribor, des paroles avec lesquelles il s'est fait l'interprète des sentiments de cette assemblée, en présentant ses objectifs. Je salue tous les évêques présents, ainsi que les prêtres, les religieux, les religieuses et les fidèles laïcs.

Je salue également le groupe de recteurs des Universités de l'Europe centrale, réunis ici pour célébrer le 140ème anniversaire de la fondation, dont l'initiateur fut le bienheureux Slomýek, de ce qui est ensuite devenu la faculté de théologie de Maribor.

Je salue avec respect également le Président du Parlement, le vice-chef du gouvernement, et les autres Autorités de l'Etat, ainsi que ceux qui ont collaboré à la préparation de ma visite.



2. Au mois de mai d'il y a deux ans, la Conférence épiscopale slovène, dans la perspective de l'entrée dans le troisième millénaire, prit la décision de célébrer un Synode plénier, dans le but de réfléchir sur le chemin parcouru jusqu'à présent par l'Eglise qui est en Slovénie et de préparer l'avenir. Très chers évêques, vous avez souhaité que le thème du Synode soit la parole d'admonestation tirée du Livre du Deutéronome! «Choisis la vie» (
Dt 30,19). Il s'agit d'un thème particulièrement significatif pour l'homme d'aujourd'hui, si avide de vie et également si incertain sur son sens et sur sa valeur. En réalité, c'est ce thème qui permet de mesurer la culture de chaque époque.

Avec ce Synode, l'Eglise qui est en Slovénie se prépare à célébrer le grand Jubilé de l'An 2000, en se proposant un engagement renouvelé pour une application plus fidèle des orientations du Concile Vatican II. L'un des points fondamentaux de l'enseignement conciliaire est sans aucun doute la doctrine sur le Peuple de Dieu. Elle peut être résumée dans la parole «communio», communion. Ce concept fondamental nous reconduit aux sources mêmes de l'Eglise, à la communion trinitaire et, à la lumière de cet ineffable mystère, nous aide à comprendre la réalité ecclésiale comme une unité profonde de tous les baptisés. Au-delà de leurs vocations spécifiques, ils participent au triple ministère du Christ: sacerdotal, prophétique et royal. La vie de l'Eglise et les relations entre ses membres doivent exprimer pleinement cette égale dignité, même dans la diversité des ministères.

Le Synode est certainement une expression caractéristique de cette communion: en lui, en effet, toute la communauté est représentée: pasteurs, religieux, religieuses, laïcs. A ces derniers, il est en particulier demandé d'apporter une contribution spécifique, surtout sur les thèmes qui touchent de plus près leur expérience dans le monde et leur mission (Lumen gentium LG 30). Pour leur part, les pasteurs, conscients de leur tâche d'être des guides soucieux du bien des fidèles, feront leur possible pour harmoniser les divers charismes et ministères, n'oubliant jamais que le premier protagoniste indispensable de la vie ecclésiale et de son renouveau est l'Esprit de Dieu. La réussite du Synode se mesure à la capacité de tous, pasteurs et fidèles, à se mettre à Son écoute, pour comprendre ce qu'Il demande en ce moment présent: «Celui qui a des oreilles, qu'il en- tende ce que l'Esprit dit aux Eglises» (Ap 2,7).



3. Très chers frères et soeurs, qui composez l'assemblée synodale et qui êtes aujourd'hui réunis auprès de la tombe du bienheureux Evêque Anton Martin Slomýek! Le rôle que vous jouez dans la célébration de ce synode est pour vous un honneur et dans le même temps une grande responsabilité. Sur le parcours suivi jusqu'à présent pour sa préparation, vous avez déjà mis en acte, dans une large mesure, votre capacité d'écoute mutuelle et de collaboration. Il faut poursuivre sur cette voie. Le Synode représente une occasion historique pour l'Eglise qui est en Slovénie: elle est appelée à élaborer, dans la nouvelle situation sociale, un projet pastoral actualisé et incisif. Ce qui la soutient dans cette action est le témoignage de foi et de dévouement à la cause de l'Evangile offert dans le passé par des évêques, des religieux et des fidèles laïcs. Les pasteurs se sont prodigués pour le peuple, et cela a été pour eux une source de respect et de vénération. Voilà un héritage de communion qui doit être valorisé, même dans les nouvelles conditions historiques.

Très chers frères et soeurs, tournez- vous vers le bienheureux Slomýek! Il avait toujours à l'esprit l'homme dans sa réalité concrète, et il savait prendre en considération les difficultés, les angoisses, la pauvreté des personnes, ainsi que leurs joies, leurs ressources, leurs aspirations. Aujourd'hui, c'est à vous qu'il revient de l'imiter. Faites-le en marchant ensemble, en tirant votre force de cette profonde communion issue de l'écoute assidue de la Parole et de la pieuse participation à l'Eucharistie, qui est la source de la vie de l'Eglise: qui en est même le coeur. Soyez dociles à l'Esprit Saint, pour qu'Il «vous revête de la force d'en-haut» (cf. Lc 24,49), et que vous puissiez vous consacrer avec enthousiasme, comme les premiers disciples, à l'oeuvre de la nouvelle évangélisation.

Evangéliser, annoncer à tous la joyeuse nouvelle du salut dans le Christ: telle doit être votre première préoccupation fondamentale. Pour ce faire, n'ayez pas peur de revendiquer les conditions de liberté indispensables à l'accomplissement de la mission de l'Eglise. Si les chrétiens, en tant que citoyens, ont le devoir de contribuer au bien de toute la société, en tant que fidèles ils ont droit à ce que leur activité légitime ne soit pas entravée. A ce propos, précisément en considérant le rôle fondamental du christianisme et de l'Eglise catholique dans l'histoire et la culture de la Slovénie, il est légitime de souhaiter que le processus vers la collaboration effective entre l'Eglise et l'Etat puisse avancer rapidement, en favorisant le dépassement des difficultés actuelles, au bénéfice de la coopération qui est dans l'intérêt de toute la société.



176 4. Je voudrais à présent m'adresser en esprit à toute l'Eglise de Slovénie, que vous représentez dignement. Je voudrais parler au coeur de chaque croyant, dans chaque lieu de votre terre bien-aimée.

A tous et à chacun je voudrais dire: Eglise qui vit en Slovénie «choisis la vie»; choisis par dessus tout ce très précieux don de Dieu Créateur et Sauveur! Apporte ce don à celui qui n'a pas la force de pardonner, aux hommes et aux femmes qui ont connu l'amertume de l'échec de leur mariage; apporte-le aux jeunes, trop souvent victimes de fausses idoles; apporte-le aux familles slovènes, afin qu'elles vivent avec confiance et générosité leur mission exigeante; apporte-le à tous ceux qui collaborent à l'oeuvre du Royaume de Dieu, afin qu'ils ne se découragent pas face aux difficultés; apporte-le à ceux qui contribuent par leur travail, et en particulier en assumant des responsabilités publiques, au bien commun de tous les citoyens.

Eglise qui est en pèlerinage d'espérance en Slovénie, poursuit le chemin entrepris il y a 1250 ans et franchis avec courage et confiance le seuil du troisième millénaire. Suis les pas du Christ; suis l'exemple de saint André Apôtre, patron de ce diocèse de Maribor et du bienheureux Evêque Anton Martin Slomýek, modèle de pasteur lumineux et inlassable.

Que la Très Sainte Vierge, Mère et Reine de la Slovénie, que ton peuple vénère sous le titre de Marija Pomagaj, veille sur toi et sur chacun de tes projets. Eglise bien-aimée qui vit en Slovénie, je t'assure, ainsi qu'à chacun de tes membres et à tout le peuple slovène, de mon souvenir dans la prière, alors que je bénis tous et chacun de tout coeur.







MESSAGE DU PAPE JEAN PAUL II AU PRÉSIDENT DE L'UNION CATHOLIQUE DE LA PRESSE ITALIENNE (UCSI) À L'OCCASION DU 40ème ANNIVERSAIRE DE LA FONDATION

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A Monsieur Paolo SCANDALETTI
Président de l'Union catholique de la Presse italienne



1. Le 40ème anniversaire de la fondation de l'Union catholique de la Presse italienne m'offre l'occasion propice de vous adresser une salutation cordiale, ainsi qu'à tous ceux qui font partie de cette Association. J'y unis volontiers l'expression de ma reconnaissance pour le service que l'UCSI rend à l'évangélisation à travers l'engagement de professionnels qualifiés dans le vaste domaine de la communication sociale, et de façon particulière dans le secteur de la presse.

A ce propos, je connais bien le soin avec lequel celle-ci s'efforce d'offrir sa contribution à la diffusion des valeurs chrétiennes, à travers une action incisive et capillaire dans les quotidiens et dans les périodiques. Il faut donc remercier les professionnels catholiques qui en font partie pour la préoccupation apostolique qui vivifie leur travail quotidien: le témoignage courageux de foi qu'offre chacun d'entre eux dans le domaine des mass-médias constitue un service précieux visant à protéger et à promouvoir le bien véritable de la personne et de la Communauté.



2. Le développement incessant des moyens de communication sociale exerce une influence croissante sur les personnes et sur l'opinion publique et cela accroît la responsabilité de ceux qui oeuvrent directement dans le secteur, car cela les conduit à établir des choix inspirés par la recherche de la vérité et au service du bien commun.

A cet égard, il faut souligner la présence, dans de larges couches de la société actuelle, d'un profond désir de bien, qui ne trouve pas toujours une réponse adéquate dans les journaux ou dans les bulletins radio-télévisés, où les paramètres d'évaluation des événements sont souvent davantage marqués par des critères de type commercial que de type social. On tend à privilégier «ce qui crée la nouvelle», ce qui fait «sensation», par rapport à ce qui aiderait au contraire à mieux comprendre les événements du monde. Le danger est de déformer la vérité. Pour s'en préserver, il est urgent que les chrétiens engagés dans le domaine de l'information agissent avec toutes les personnes de bonne volonté en vue d'un plus grand respect de la vérité. En outre, en mettant en valeur des thèmes comme ceux de la paix, de l'honnêteté, de la vie, de la famille, et en évitant d'accorder une importance excessive à des faits négatifs, on pourrait contribuer à la naissance d'un nouvel humanisme qui ouvre la voie à l'espérance.

Comme je l'écrivais dans le Message pour la XXXIIIème Journée des Comunications sociales: «La culture de la sagesse, propre à l'Eglise, peut éviter à la culture de l'information des medias de devenir une accumulation de faits sans signification; tandis que les medias peuvent aider la sagesse de l'Eglise à demeurer attentive aux connaissances toujours nouvelles qui apparaissent aujourd'hui» (n. 4, O.R.L.F. n. 6 du 9 février 1999). Dans cette perspective, l'information apparaît toujours plus comme une valeur incontournable, qui constitue un bien social, dont il est indispensable de garantir la juste distribution entre tous les utilisateurs.



3. La révolution digitale, qui caractérise le monde de l'information de cette fin de millénaire, introduit un nouveau mode de compréhension de la communication. Les modèles connus jusqu'à présent ont été modifiés: il n'existe plus seulement des sources capables de diffuser des informations et des bassins de réception en mesure de recueillir des messages. Un réseau d'ordinateurs reliés entre eux permet d'égaliser sur le plan hiérarchique ceux qui émettent les messages et ceux qui les reçoivent, avec une réciprocité d'émission. Cette opportunité extraordinaire s'accompagne d'un potentiel culturel sans précédent, ayant des conséquences sur l'ordre social et politique au bénéfice des plus faibles et des moins aisés. Elle risque pourtant de ne pas exploiter à fond tout son potentiel, si les utilisateurs ne disposent pas d'égales opportunités d'accès aux réseaux d'information.

Les flux de communication sont en mesure d'abattre les barrières traditionnelles de l'espace et du temps, en traversant les frontières et en échappant pratiquement à tout type de censure. L'impossibilité de contrôler crée de véritables inondations d'informations sur lesquelles il est pratiquement impossible pour le particulier d'exercer un quelconque type de vérification. Le risque est de créer un système fondé sur les grandes concentrations d'informations qui, au niveau national et supranational, sont en mesure d'opérer dans une «déréglementation» totale, recréant des conditions de supériorité et donc de sujétion culturelle.



4. Seul, le rappel à la responsabilité individuelle des agents de communication sociale ne suffit pas à assurer la gestion de ce processus complexe de changement. Un engagement de la part des autorités gouvernementales est nécessaire. En particulier, une prise de conscience généralisée est nécessaire de la part des utilisateurs, qui doivent pouvoir être en mesure de refuser la condition de récepteurs passifs des messages qui inondent les foyers, et donc les familles. Les «mass-médias» risquent souvent de se substituer aux institutions éducatives, en proposant des modèles culturels et des comportements pas toujours positifs, à l'égard desquels les plus jeunes en particulier sont sans défense. Il est donc indispensable de fournir à tous des instruments culturels adéquats pour dialoguer avec les moyens de communication sociale, dans le but d'en orienter de façon positive les choix d'information, dans le respect de l'homme et de sa conscience.

Ces problèmes de grande importance morale interpellent l'Eglise et les associations laïques, au niveau central et dans les organisations territoriales, diocésaines et paroissiales. La pastorale de la communication se révèle toujours plus importante comme point de référence, tant pour les agents des «medias» que pour ceux qui les utilisent. Je vous encourage donc à intensifier votre action apostolique dans la conscience de votre responsabilité dans l'Eglise et dans la société.



5. Les quarante ans d'histoire de l'Union catholique de la Presse italienne démontrent que la coopération des laïcs, même dans ce secteur particulier d'intervention culturelle, doit être recherchée et alimentée à travers une attention pastorale renouvelée. La tradition du journalisme catholique en Italie a eu sans aucun doute une influence sur la formation de générations de croyants animés par une foi vive. Combien de journalistes ont laissé un signe profond et combien d'autres continuent à oeuvrer avec un esprit de sacrifice et avec compétence dans le secteur des «medias»!

Face au développement de ce que l'on appelle la «culture médiatique», l'idée, relancée encore récemment d'un Comité d'éthique des medias, qui veille sur les manipulations possibles de l'in- formation, s'insère dans la tradition culturelle de la doctrine sociale de l'Eglise et réaffirme le principe selon lequel, même dans le monde de la communication sociale, tout ce qui est techniquement possible n'est pas moralement licite.

Nous nous acheminons vers le grand Jubilé de l'An 2000. Je sais qu'en préparation à cet événement extraordinaire, sous la direction des pasteurs diocésains, vous relisez actuellement les lettres de saint Paul et vous réfléchissez sur les passages les plus significatifs de de l'Ecriture Sainte. Il s'agit de la façon la plus adaptée de se préparer à entrer dans le nouveau millénaire, dans la conviction profonde que tout agent de la communication sociale, lorsqu'il accomplit sa mission avec sérieux et conscience, participe activement au grand dessein salvifique que le Jubilé repropose dans sa réalité la plus incisive. Puisse la prochaine Année Sainte dicter à nouveau chez les membres de cette Association un désir renouvelé de servir le Christ et son Royaume.

Avec ces voeux, j'invoque sur chacun de vous la protection maternelle de Marie, et je vous donne, Monsieur le Président, ainsi qu'à tous les membres de cette association méritoire, une Bénédiction apostolique, en gage d'abondantes grâces célestes.

De Castel Gandolfo, le 22 septembre 1999





MESSAGE DU PAPE JEAN PAUL II AU GROUPE JUBILÉ DE L'AN 2000 - "DEBT CAMPAIGN"

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Excellences,
Mesdames et Messieurs,

A cent jours exactement de l'An 2000, je suis heureux d'adresser des salutations cordiales aux dirigeants et principaux membres bienfaiteurs de la "Jubilee 2000 Debt Campaign". Je suis particulièrement reconnaissant de votre présence, au cours de ces jours-ci, à une série de rencontres, dans le cadre du prochain grand Jubilé, sur le lourd fardeau de la dette qui pèse sur les pays les plus pauvres.

Dans la Bible, le Jubilé était un temps au cours duquel toute la communauté était appelée à faire des efforts pour restaurer dans les relations humaines l'harmonie originelle que Dieu avait donnée à sa création et que le péché humain avait détruite. Il s'agissait d'un temps qui devait rappeler que le monde que nous partageons ne nous appartient pas, mais est un don de l'amour de Dieu. En tant qu'êtres humains, nous ne sommes que les serviteurs du projet de Dieu. Au cours du Jubilé, les fardeaux qui opprimaient et excluaient les membres les plus faibles de la société devaient être éliminés, afin que tous puissent partager l'espérance d'un nouveau début dans l'harmonie, selon le dessein de Dieu.

Le monde d'aujourd'hui a besoin d'une expérience jubilaire. De si nombreux hommes, femmes et enfants, ne sont pas en mesure de réaliser le potentiel qui leur a été donné par Dieu. La pauvreté et les inégalités sociales flagrantes demeurent encore diffuses, en dépit des immenses progrès scientifiques et technologiques. Trop souvent, les fruits du progrès scientifique, au lieu d'être placés au service de toute la communauté humaine, sont distribués de telle façon que les inégalités injustes s'aggravent encore plus, ou deviennent permanentes.

L'Eglise catholique note cette situation avec une grande préoccupation, non pas parce qu'elle peut offrir des modèles techniques de développement, mais parce qu'elle possède une vision morale de ce que le bien des individus et de la famille humaine exige. Elle a constamment enseigné qu'il existe une "hypothèque sociale" sur toute propriété privée, un concept qui doit être aujourd'hui appliqué à la "propriété intellectuelle" et à la "connaissance". La loi seule du profit ne peut être appliquée à ce qui est essentiel pour la lutte contre la faim, la maladie et la pauvreté.

La remise de la dette n'est, bien sûr, qu'un des aspects de la tâche beaucoup plus vaste qui est de combattre la pauvreté, et d'assurer que les citoyens des pays les plus pauvres puissent participer plus pleinement au banquet de la vie. Les programmes de remise de la dette doivent être accompagnés par l'introduction de politiques économiques solides et d'une bonne gestion. Mais il est tout aussi important, sinon plus, que les bénéfices qui dérivent de la remise de la dette atteignent les plus pauvres, à travers un système soutenu et solide d'investissements dans les capacités des personnes humaines, en particulier à travers l'éducation et l'assistance médicale. La personne humaine est la première ressource de toute nation et de toute économie.

La remise de la dette est toutefois urgente. Elle est, de nombreux points de vue, une condition afin que les pays pauvres puissent poursuivre leur lutte contre la pauvreté. Ce fait est désormais reconnu par tous, et il faut souligner le mérite de tous ceux qui ont contribué à ce changement de direction. Quoi qu'il en soit, nous devons nous demander pourquoi les progrès pour résoudre le problème de la dette sont si lents. Pourquoi tant d'hésitations? Pourquoi est-il si difficile de trouver les fonds nécessaires, même pour les initiatives qui ont déjà fait l'objet d'un accord? Ce sont les pauvres qui paient le coût de l'indécision et du retard.

Je lance un appel à toutes les personnes concernées, en particulier aux nations les plus puissantes, afin de ne pas laisser passer cette occasion de l'Année jubilaire, sans prendre des mesures définitives pour résoudre le problème de la dette. Il est reconnu que cela est possible.

Je prie pour que cette Année du Jubilé de l'An 2000, qui commémore la naissance de notre Seigneur Jésus-Christ, soit effectivement un moment de promesses et d'espérance, en particulier pour nos frères et soeurs qui vivent encore dans une terrible pauvreté dans notre monde d'opulence. Ensemble, nous pouvons faire beaucoup, avec l'aide de Dieu. Puissent ses Bénédictions se déverser sur vous et sur ceux qui vous sont chers!

Du Vatican, le 23 septembre 1999




AUX ÉVÊQUES DE LA RÉGION ATLANTIQUE DU CANADA EN VISITE AD LIMINA APOSTOLORUM

Samedi 25 septembre 1999

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Eminence,
Chers frères dans l'épiscopat,



1. Dans l'amour de l'Esprit Saint, je vous salue, Evêques du Nouveau Brunswick, de Terre-Neuve, de la Nouvelle Ecosse et de l'Ile du Prince Edouard, auxquels se sont joints aujourd'hui le Cardinal Ambrozic et les Evêques auxiliaires de Toronto, à l'occasion de votre visite ad limina Apostolorum: «A vous grâce et paix en abondance, par la connaissance de notre Seigneur!» (
2P 1,2). Ici, à Rome, au seuil de la tombe des Apôtres Pierre et Paul, vous renouvelez les liens de communion qui vous lient au Successeur de Pierre et vous ravivez les énergies spirituelles que votre ministère exige. Ce sont les tombeaux des martyrs, qui commémorent la puissance du témoignage chrétien en tout temps et qui nous rappellent que l'Eglise est née de l'effusion du sang - le sang de l'Agneau qui coule pour toujours dans les cieux et le sang de ceux qui ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau (cf. Ap Ap 7,14). Ici, vous célébrez le sacrifice eucharistique sur les autels élevés en mémoire de «ceux qui furent égorgés pour la Parole de Dieu et le témoignage qu'ils avaient rendu» (Ap 6,9), et vous vous joignez à eux pour chanter le grand hymne de louange de l'Eglise: «A Celui qui siège sur le trône, ainsi qu'à l'Agneau, la louange, l'honneur, la gloire et la puissance dans les siècles des siècles» (Ap 5,13). Vous remontez dans le temps aux origines du christianisme, mais vous le faites pour voir avec plus de clarté et de confiance l'avenir que Dieu veut pour l'Eglise dans le millénaire qui s'apprête à voir le jour.



2. Au coeur du projet de Dieu pour l'Eglise d'aujourd'hui, il y a ce grand moment de grâce, le Concile Vatican II. Les décennies qui se sont écoulées depuis le Concile n'ont pas été sans troubles, mais partout, il existe des signes des fruits merveilleux que l'Esprit peut apporter lorsque nous répondons dans la foi à ses suggestions. Sans aucun doute, l'un des fruits de l'Esprit au cours des années écoulées depuis le Concile a été celui de susciter une nouvelle vitalité spirituelle et de nouvelles énergies apostoliques parmi les fidèles laïcs. Les laïcs catholiques, hommes et femmes, vivent la grâce de leur baptême de façon qui montre avec une plus grande splendeur la variété des charismes qui renforcent et embellissent l'Eglise. Nous ne pourrons cesser de rendre gloire à Dieu pour cela.

Poursuivant la réflexion commencée avec les groupes précédents d'Evêques canadiens au cours de cette série de visites ad limina Apostolorum, je voudrais aujourd'hui partager avec vous certaines brèves considérations sur la relation entre les prêtres et les fidèles laïcs dans la vie pastorale de vos communautés et dans le témoignage de l'Eglise dans la société. Nous parlons souvent des évêques et des prêtres en tant que «pasteurs», puisant à la tradition biblique et patristique, dans laquelle l'image du berger est riche et évocatrice. Parfois cependant, cela a été accompagné par une certaine réticence à faire référence aux laïcs en tant que «troupeau», comme si cela condamnait les laïcs à un rôle strictement passif et dépendant. Cela n'est certainement pas ce que le Concile voulait, ni ce dont l'Eglise a besoin aujourd'hui. Il est donc utile de revoir cette image biblique afin de redécouvrir le sens de complémentarité et de communion qu'elle implique.

Cette image découle d'un monde dans lequel le troupeau était la pierre angulaire de la vie économique et la clé de la survie humaine. Le berger donnait à boire et à manger aux brebis et les protégeait jour et nuit contre les prédateurs et les maladies; et dans ce sens, les brebis vivaient grâce au berger. Le troupeau, en retour, fournissait la nourriture, les vêtements et même un abri non seulement au berger, mais à toute la famille ou la tribu. Dans ce sens, le berger était aussi dépendant du troupeau que le troupeau l'était de lui. Ce que l'image biblique offre est donc une vision de réciprocité qui donne la vie: les brebis vivent par le berger et le berger vit par les brebis. Cette même vision trouve son expression dans ce que saint Paul écrit à l'Eglise en Thessalonique: «Maintenant nous revivons, puisque vous tenez bon dans le Seigneur» (1Th 3,8). L'Apôtre a donné vie à la communauté et maintenant, à travers sa fidélité, celle-ci lui donne vie.



3. Plus radicalement encore, les brebis deviennent le corps du berger, particulièrement comme source de nourriture. Ici, l'image est si profonde qu'elle nous introduit à la notion de l'Eglise en tant que Corps du Christ. Jésus-Christ est le Pasteur éternel du troupeau au nom duquel tous les pasteurs servent; mais le troupeau est le Corps du Christ dans le monde. Une fois de plus, il existe une profonde réciprocité de don de soi, qui, dans ce cas, n'est pas seulement une question de vie matérielle et de survie humaine, mais il s'agit du grand mystère du sacrifice de Jésus pour le salut du monde, rendu présent à chaque fois que l'Eucharistie est célébrée. Ici, nous arrivons au coeur même du mystère du soin pastoral chrétien, car le Christ Pasteur est également l'Agneau. En effet, il est le Pasteur car il est l'Agneau. Aucun pasteur ne peut être un véritable pasteur du troupeau de Dieu s'il n'est pas une seule chose avec l'Agneau de Dieu, sacrifié pour les péchés du monde. Nous ne pouvons espérer être des bergers conformes au Christ que si nous vivons le mystère de sa Croix (cf. Ph Ph 3,10). Cela est aussi vrai pour les pasteurs d'aujourd'hui que ce l'était pour les Apôtres aux tombeaux desquels vous vous rendez en pèlerinage. En mourant martyrs, ils sont devenus une seule chose avec l'Agneau de Dieu et ils seront donc pour toujours les bergers qui «de leur lieu au ciel [...] nous guident encore» (Préface des Apôtres, I). Ce qui est vrai des pasteurs est également vrai pour toute l'Eglise, le Peuple sacerdotal de Dieu, dans le monde. Le coeur de toute activité pastorale et de toute forme d'apostolat est l'union avec le mystère pascal du Christ. En devenant un avec le Seigneur crucifié et ressuscité à travers la grâce de l'Esprit Saint, tous les baptisés sont en mesure de prendre part à la mission évangélisatrice de l'Eglise et à son service à la famille humaine. Le berger et les brebis ont des vocations de service complémentaires.



4. Une telle vision de la complémentarité et de communion entre prêtres et laïcs entraîne des formes de vies spécifiques pour les prêtres et pour la formation dans les séminaires, qui font apparaître clairement que le prêtre est un homme mis à part pour un service particulier. Dans la liturgie et dans la charge pastorale des communautés, les prêtres continuent l'unique sacerdoce de Jésus Christ, «le Chef des pasteurs» (1P 5,4). En conduisant le troupeau et en présidant ses prières, le prêtre l'élève vers Dieu et ennoblit la vocation chrétienne de tous les fidèles, dont il est le serviteur. Il est important que les prêtres soient en même temps «mis à part» et «serviteurs», l'un étant la condition de l'autre. Si le prêtre n'est pas clairement mis à part, il ne pourra pas remplir le service que l'Eglise lui demande; s'il n'est pas un véritable serviteur, il sera conduit à une solitude vide et stérile qui est étrangère à un pasteur authentique. Le célibat sacerdotal, la discipline de prière, la simplicité de vie et l'habit ecclésiastique constituent des signes évidents que le prêtre est un homme mis à part pour le service de l'Evangile. Il est indéniable que de tels signes sont porteurs de fruits, spécialement dans une culture qui cherche de manière angoissée des signes de la transcendance, une culture qui est à la recherche de vrais pasteurs et de témoins convaincants.



5. La complémentarité de la vocation différente des prêtres et des laïcs doit constituer le cadre dans lequel se déploient les efforts pour rassembler les forces de l'Eglise en vue de la nouvelle évangélisation au Canada. Cette complémentarité, qui répond au caractère symphonique du Corps du Christ, dont tous sont membres mais dans lequel tous n'ont pas les mêmes fonctions, est la condition d'une coopération porteuse de grâce à la mission de l'Eglise. La charge pastorale des prêtres n'est en aucun cas une manière d'étouffer les initiatives des laïcs ni de réduire le peuple à une attitude de passivité ou de dépendance. Il convient au contraire de favoriser des formes de témoignages laïques qui non seulement rendront plus efficacement l'Eglise présente au coeur du monde, mais feront naître d'abondantes et de bonnes vocations sacerdotales. Il faut prendre soin cependant d'éviter d'atténuer la distinction entre le sacerdoce ministériel et la vocation laïque, car ce n'est certainement pas ce que les Pères conciliaires avaient en vue lorsqu'ils demandaient une plus grande coopération entre les prêtres et les laïcs, cherchant en particulier à affermir la vocation des laïcs dans l'Eglise et dans le monde. Une notion imprécise de la mission différente des prêtres et des laïcs a parfois conduit à une crise d'identité et de confiance au sein du clergé, mais aussi à des formes d'activité laïques qui sont soit trop cléricalisées, soit trop «politisées».

Le premier domaine de la vocation laïque est la vie de la société, de la culture et de l'entreprise, qui s'étend bien au-delà des limites visibles de l'Eglise. Les laïcs, hommes et femmes, y sont appelés à remplir leur vocation baptismale et à promouvoir l'art d'être chrétiens dans le monde. A notre époque où diminuent les entrées dans l'Eglise et la pratique religieuse, il peut sembler étrange que l'Eglise veuille mettre l'accent sur la vocation séculière des laïcs. C'est précisément la mission évangélisatrice des laïcs dans le monde qui constitue la réponse de l'Eglise au malaise de l'indifférence, que l'on décrit souvent comme la «sécularisation». La tâche spécifique des laïcs d'aujourd'hui, hommes et femmes, était un des thèmes prépondérants de l'Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in America, qui dit entre autre: «Bien que l'apostolat intra-ecclésial des laïcs doive être stimulé, il faut faire en sorte qu'il coexiste avec l'activité propre des laïcs pour laquelle ils ne peuvent être substitués par des prêtres, à savoir le domaine des réalités temporelles» ().



6. Nous ne devons pas oublier que l'intention du Concile Vatican II était de déclencher de nouvelles forces évangélisatrices au sein de l'Eglise, à la suite de la destruction provoquée par les deux guerres mondiales et en vue des perspectives du nouveau millénaire. Une nouvelle sorte d'engagement missionnaire était nécessaire, une nouvelle évangélisation, et le Concile, à travers la grâce de l'Esprit Saint, est devenu le moyen de mettre en place cette dynamique. Tel a été l'objectif primordial de chaque nouvelle disposition pour la vie de l'Eglise provenant du Concile. C'est pourquoi nous devons éviter avec soin toute forme d'introversion ecclésiale, qui ne serait pas fidèle aux intentions du Concile, car elle ne ferait que diminuer, plutôt qu'augmenter, le dynamisme missionnaire nécessaire afin de répondre aux exigences du nouveau siècle.

Chers frères dans l'épiscopat, nous sommes appelés à écouter avec une oreille de disciple ce que l'Esprit dit aux Eglises (cf. Ap Ap 2,7), afin que nous puissions parler en tant que maîtres au nom du Christ, déclarant joyeusement avec saint Jean Damascène: «O Peuple glorieux de l'Eglise, montagne imposante, pure et claire, toi qui comptes sur l'aide de Dieu, toi en qui Dieu trouve son repos, reçois de nos lèvres la foi véritable du Christ sans tache, telle qu'elle nous a été transmise, qui édifie et renforce l'Eglise» (Expositio fidei, 1). Je prie avec ferveur pour que vous réussissiez dans cette importante tâche pastorale, afin que l'Eglise qui est au Canada puisse continuer à resplendir dans toute sa gloire comme l'Epouse du Christ, qu'il a choisie avec un amour infini. En confiant votre mission apostolique à l'intercession de la Vierge Marie, qui en toute époque est l'Etoile resplendissante de l'évangélisation, je vous donne avec joie ma Bénédiction apostolique, ainsi qu'aux prêtres, aux religieux et aux religieuses et aux fidèles laïcs de votre diocèse.




Discours 1999 174