Discours 1999 18

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3. Comme le suggère la devise avec laquelle le Mexique a voulu recevoir pour la quatrième fois le Pape - «Un nouveau millénaire naît; réaffirmons notre foi» - la nouvelle ère qui s'approche doit conduire à l'affermissement de la foi en Jésus-Christ de l'Amérique. C'est cette foi, vécue chaque jour par de nombreux croyants, qui animera et inspirera les normes nécessaires pour surmonter les carences du progrès social des communautés, en particulier celles agricoles et autochtones, pour s'opposer à la corruption qui imprègne tant d'institutions et de citoyens, pour éliminer le trafic de la drogue, fondé sur le manque de valeurs, sur l'appât du gain facile et sur le manque d'expérience des jeunes, pour mettre fin à la violence qui oppose cruellement les frères et les classes sociales. Seule la foi en Jésus-Christ donne naissance à une culture opposée à l'égoïsme et à la mort.

Parents et grands-parents ici présents: c'est à vous qu'il revient de transmettre aux nouvelles générations des convictions solidement établies de foi, de pratiques chrétiennes et de saines habitudes morales. Vous serez aidés en cela par les enseignements du dernier Concile.



4. Le Concile Vatican II, en tant que réponse évangélique à la récente évolution du monde et au début d'un nouveau printemps chrétien (cf. Tertio millennio adveniente
TMA 18), a été providentiel pour le XXème siècle. Ce siècle a vu deux guerres mondiales, l'horreur des camps de concentration, les persécutions et les massacres, mais il a également été le témoin de progrès qui sont une source d'espoir pour l'avenir, tels que la naissance des Nations unies et la Déclaration universelle des Droits de l'Homme.

Je suis donc heureux de constater les bénéfices qui découlent de l'écoute des orientations conciliaires, comme le profond sens de communion et de fraternité existant entre les évêques d'Amérique, qui, en étroite union avec le Pape, est apparu évident dans la célébration du Synode que j'ai conclu hier de façon solennelle; l'engagement croissant des laïcs dans l'édification de l'Eglise; le développement de mouvements qui donnent une impulsion à la sainteté de vie et à l'apostolat de ses membres; et enfin, l'augmentation des vocations au sacerdoce et à la vie consacrée que l'on observe dans différents lieux, dont le Mexique.

Quatre générations sont ici présentes et je vous demande: est-il vrai que le monde dans lequel nous vivons est à la fois grand et fragile, sublime mais parfois désorienté? S'agit-il d'un monde progressiste par certains aspects et rétrograde par d'autres? Mais pourtant ce monde, notre monde, a besoin du Christ, le Seigneur de l'histoire, qui illumine le mystère de l'homme et qui à travers son Evangile le guide dans la recherche de solutions aux principaux problèmes de notre temps (cf. Gaudium et spes GS 10).

Parce que des puissants ont tourné le dos au Christ, ce siècle qui s'achève assiste, impuissant, à la mort par la famine de millions d'êtres humains, même si, paradoxalement, la production industrielle et agricole augmente; il renonce à promouvoir les valeurs morales, progressivement érodées par des phénomènes comme la drogue, la corruption, la consommation effrénée et l'hédonisme diffus; il contemple, passif, le gouffre croissant existant entre les pays pauvres et affaiblis et les autres, puissants et riches; il continue à ignorer la perversion intrinsèque et les terribles conséquences de la «culture de la mort»; il promeut l'écologie, mais ignore que les racines profondes de tout attentat à la nature sont le désordre moral et le mépris de l'homme pour l'homme.



5. Amérique, terre du Christ et de Marie! Tu as un rôle important dans la construction du nouveau monde que le Concile Vatican II a voulu promouvoir. Tu dois t'engager afin que la vérité prévale sur les si nombreuses formes de mensonges, afin que le bien s'oppose au mal, la justice à l'injustice, l'honnêteté à la corruption. Accueille sans réserve la vision conciliaire de l'homme, créé par Dieu et racheté par Jésus- Christ. Tu atteindras ainsi la pleine vérité des valeurs morales, face au mirage des certitudes momentanées, précai- res et subjectives.

Nous qui formons l'Eglise, - évêques, prêtres, personnes consacrées et laïcs - nous sentons engagés dans l'annonce salvifique du Christ. En suivant son exemple, nous ne voulons pas imposer son message, mais le proposer en pleine liberté, en rappelant que Lui seul possède les paroles de vie éternelle, et en nous en remettant pleinement à la force et à l'action de l'Esprit Saint dans l'intimité du coeur humain.

Que vous, catholiques de toutes les générations du XXème siècle, soyez porteurs et témoins de la grande espérance de l'Eglise dans tous les milieux où Dieu vous a envoyés comme semence de foi, d'espérance et d'un amour sans limite pour tous vos frères!


IIe PARTIE - Le XXIème siècle, siècle de la nouvelle évangélisation et du grand défi des jeunes chrétiens

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6. L'année prochaine, nous célébrerons les deux mille ans écoulés depuis que «le Verbe s'est fait chair et est venu habiter parmi nous» (
Jn 1,14). Le Fils de Dieu qui s'est fait homme nous a tous enseigné à être des hommes et des femmes authentiques, éprouvant de la compassion pour les multitudes qu'il rencontrait comme des brebis sans pasteur et donnant sa vie pour notre salut. Sa présence et son action se poursuivent sur la terre à travers l'Eglise, son Corps mystique. C'est pourquoi chaque chrétien est appelé à annoncer, à témoigner et à rendre présent le Christ, dans tous les milieux et dans les diverses cultures et époques de l'histoire.



7. L'évangélisation, devoir primordial, mission et vocation propre à l'Eglise (cf. Evangelii nuntiandi EN 14), naît précisément de la foi dans la Parole, qui est la véritable lumière qui illumine tout homme qui vient dans ce monde (cf. Jn 1,9). A vous, qui êtes aujourd'hui unis au Pape, en personne ou à travers les moyens de communication sociale, je dis: sentez-vous responsables de diffuser la lumière que vous avez reçue!

Bientôt se concluront un siècle et un millénaire dans lesquels, en dépit des nombreux conflits, a été promue la valeur de la personne, au-delà des structures sociales, politiques et économiques. A ce propos, la nouvelle évangélisation porte en soi également la réponse de l'Eglise à cet important changement de perspective historique. Chacun de vous, avec sa façon de vivre et son engagement chrétien doit témoigner, dans toute l'Amérique et dans le monde, que le Christ est le véritable promoteur de la dignité humaine et de sa liberté.



8. Nous, disciples du Christ, désirons qu'au cours du prochain siècle, prévalent l'unité et non les divisions, la fraternité et non les antagonismes, la paix et non les guerres. Il s'agit également d'un objectif fondamental de la nouvelle évangélisation. En tant que fils de l'Eglise, vous devez oeuvrer afin que la société globale qui s'approche ne soit pas pauvre spirituellement, ni n'hérite des erreurs du siècle qui se conclut.

Pour ce faire, il est nécessaire de dire oui à Dieu et de s'engager avec lui dans l'édification d'une nouvelle société, dans laquelle la famille est un milieu de don et d'amour, dans laquelle la raison établit un dialogue serein avec la foi, dans laquelle la liberté favorise une coexistence caractérisée par la solidarité et la participation. En effet, celui qui possède comme guide et comme norme de vie l'Evangile ne peut conserver une attitude passive, mais doit partager et diffuser la lumière du Christ, même au prix de son sacrifice.



9. La nouvelle évangélisation sera une semence d'espérance pour le nouveau millénaire si vous, catholiques d'aujourd'hui, vous efforcerez de transmettre aux générations futures l'héritage précieux de valeurs humaines et chrétiennes qui ont donné un sens à votre vie. Vous, hommes et femmes qui avec les années avez accumulé de précieux enseignements de vie, avez la mission de faire en sorte que les nouvelles générations reçoivent une solide formation chrétienne lors de leur préparation intellectuelle et culturelle, pour éviter que le progrès rapide ne les ferme au transcendant. Enfin, apparaissez toujours comme des promoteurs inlassables de dialogue et de concorde face à la prédominance de la force sur le droit et à l'indifférence face aux drames de la faim et de la maladie qui frappent de larges couches de la population.



10. Pour votre part, vous, les jeunes, qui regardez l'avenir le coeur empli d'espérance, vous êtes appelés à être les artisans de l'histoire et de l'évangélisation dans le présent et dans l'avenir. La preuve du fait que vous n'avez pas reçu en vain un si riche héritage chrétien et humain sera votre aspiration décisive à la sainteté, que ce soit dans la vie de famille qu'un grand nombre d'entre vous formeront dans quelques années ou en vous donnant à Dieu dans le sacerdoce ou dans la vie consacrée si vous y êtes appelés.

Le Concile Vatican II nous a rappelé que tous les baptisés, et non seulement quelques créatures privilégiées, sont appelés à incarner dans leur existence la vie du Christ, à avoir ses sentiments et à avoir pleinement confiance dans la volonté du Père, en s'en remettant sans réserve à son plan salvifique, illuminés par l'Esprit Saint, emplis d'une générosité et d'un amour inlassables pour leurs frères, en particulier pour les plus malheureux. L'idéal que Jésus-Christ vous propose et vous enseigne à travers sa vie est certainement très élevé, mais il est le seul à pouvoir pleinement donner un sens à la vie. Pour cela, méfiez-vous des faux prophètes qui proposent d'autres objectifs, parfois plus agréables, mais toujours trompeurs. Ne vous contentez pas de si peu!

Les chrétiens du XXIème siècle possèdent en outre une source intarissable d'inspiration dans les communautés ecclésiales des premiers siècles. Ceux qui vécurent avec Jésus ou qui écoutèrent en personne le témoignage des Apôtres, sentirent leur vie comme transformée et inondée par une lumière nouvelle. Ils durent pourtant vivre leur foi dans un monde indifférent, et même hostile. Faire pénétrer la vérité de l'Evangile, bouleverser de nombreuses convictions et coutumes qui dénigraient la dignité humaine requit de grands sacrifices, une solide constance et une grande créativité. Ce n'est qu'avec leur foi inébranlable dans le Christ, alimentée constamment par la prière, par l'écoute de la parole et par la participation assidue à l'Eucharistie, que les premières générations chrétiennes réussirent à surmonter ces difficultés et à féconder l'histoire humaine avec la nouveauté de l'Evangile, en devant verser, souvent, leur propre sang.

Dans cette ère qui touche à son terme, ère de l'informatique et des puissants moyens de communication sociale, proche d'une globalisation toujours plus aisée dans les relations économiques et sociales, vous, très chers jeunes, ainsi que les jeunes de votre âge, devez relever le défi de faire en sorte que l'esprit et le coeur de l'humanité s'ouvrent à la nouveauté du Christ et à la gratuité de Dieu. C'est seulement ainsi que s'éloignera le risque d'un monde et d'une histoire sans âme, enorgueillie de ses nombreuses conquêtes techniques, mais privée d'espérance et de signification profonde.



12. Vous, jeunes du Mexique et d'Amérique, devez faire en sorte que le monde qui vous sera confié un jour soit orienté vers Dieu et que les institutions politiques ou scientifiques, financières ou culturelles se placent au service authentique de l'homme, sans distinction de race, ni de classe sociale. La société de demain devra savoir grâce à vous, à travers la joie qui provient de votre foi chrétienne vécue en plénitude, que le coeur humain ne trouve la paix et le véritable bonheur qu'en Dieu. En tant que bons chrétiens, vous devez être également des citoyens exemplaires, capables de travailler avec les hommes de bonne volonté pour transformer les peuples et les régions avec la force de la vérité de Jésus et de l'espérance qui ne manque pas face aux difficultés. Efforcez-vous de mettre en pratique le conseil de saint Paul: «Ne te laisse pas vaincre par le mal, sois vainqueur du mal par le bien» (Rm 12,21).



13. Je vous laisse en souvenir et en gage les paroles d'adieu de Jésus, qui illuminent l'avenir et ravivent notre espérance: «Et voici que je suis avec vous pour toujours, jusqu'à la fin du monde» (Mt 28,20).

Au nom du Seigneur, allez évangéliser de façon décisive votre milieu, afin qu'il devienne plus humain, plus fraternel et solidaire, plus respectueux de la nature qui nous a été confiée. Transmettez la foi et les idéaux de vie à tous les peuples du continent, non pas à travers des oppositions inutiles, mais à travers le témoignage de votre vie. Révélez que le Christ a des paroles de vie éternelle, en mesure de sauver l'homme d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Révélez à vos frères le visage divin et humain de Jésus-Christ, l'Alpha et l'Oméga, le Principe et la Fin, le Premier et le Dernier de toute la création et de toute l'histoire, même celle que vous êtes en train d'écrire avec votre vie.



DÉPART DU PAPE JEAN PAUL II

Mardi 26 janvier 1999

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  Monsieur le Président,
Messieurs les Cardinaux et frères dans l'épiscopat,
Messieurs les représentants des Autorités,
Bien-aimés frères et soeurs du Mexique,



1. Les journées intenses et émouvantes passées avec le Peuple de Dieu en pèlerinage sur les terres mexicaines ont laissé en moi une marque profonde. Les visages de tant de personnes rencontrées au cours de ces derniers jours resteront gravés dans ma mémoire. Je suis reconnaissant à chacun de vous pour votre chaleureuse hospitalité, expression authentique de l'âme mexicaine, et surtout d'avoir pu partager des moments intenses de prière et de réflexion au cours des célébrations de la Messe à la Basilique de Guadalupe et à l'autodrome «Hermanos Rodríguez», au cours de la visite à l'hôpital «Licenciado Adolfo López Mateos» et de la rencontre mémorable avec les quatre générations au stade aztèque.



2. Je demande à Dieu de bénir et de récompenser tous ceux qui ont contribué à la réalisation de cette visite. Monsieur le Président, je vous suis très reconnaissant pour les aimables paroles que vous m'avez adressées à mon arrivée, de m'avoir reçu dans votre résidence présidentielle, pour toutes les attentions que vous avez eues à mon égard, ainsi que pour la collaboration des Autorités.

Ma gratitude s'adresse également à Monsieur le Cardinal Norberto Rivera Carrera, Archevêque-Primat de Mexico, ainsi qu'aux autres cardinaux et évêques mexicains et à ceux qui sont venus de tout le continent, qui ont collaboré afin que cette visite soit vécue de façon si intense. Mon remerciement se fait prière en invoquant du Ciel les bénédictions pour ce peuple qui en tant d'occasions, a montré sa fidélité à Dieu, à l'Eglise et au Successeur de saint Pierre. C'est pourquoi j'élève dès à présent ma voix vers le haut:

Dieu te bénisse, Mexique, pour les exemples d'humanité et de foi de tes peuples, pour tes efforts en défense de la famille et de la vie.

Dieu te bénisse, Mexique, pour la fidélité et l'amour de tes fils pour l'Eglise. Que les hommes et les femmes qui composent la riche mosaïque de tes cultures diverses et fécondes trouvent dans le Christ la force pour surmonter les antagonismes anciens et nouveaux et se sentir les fils d'un même Père.

Dieu te bénisse, Mexique, avec tes nombreux peuples autochtones, dont tu veux promouvoir le progrès et le respect. Ils conservent de riches valeurs humaines et religieuses et désirent oeuvrer pour édifier un avenir meilleur. Dieu te bénisse, Mexique, qui t'efforces sans cesse d'éliminer pour toujours les luttes qui ont divisé tes fils à travers un dialogue fécond et constructif. Un dialogue dont personne n'est exclu et qui rassemble encore plus tes habitants, les croyants fidèles à leur foi dans le Christ ainsi que ceux qui sont loin de Lui. Seul le dialogue fraternel entre tous apportera une vigueur aux projets de réformes futures, souhaitées par les citoyens de bonne volonté, appartenant à toutes les croyances religieuses et aux divers secteurs politiques et culturels.

Dieu te bénisse, Mexique, qui continues à faire sentir la nostalgie de tes fils émigrés à la recherche de pain et de travail. Ils ont contribué également à diffuser la foi catholique dans leurs nouveaux milieux et à édifier une Amérique qui, comme l'ont également affirmé les évêques lors du Synode, veut être solidaire et fraternelle.

Dieu te bénisse, Mexique, pour la liberté religieuse que tu reconnais à ceux qui adorent Dieu à l'intérieur de tes frontières. Cette liberté, garantie d'une stabilité, donne une pleine signification aux autres libertés et aux droits fondamentaux.

Dieu te bénisse, Mexique, pour l'Eglise présente sur ta terre. Les évêques, avec les prêtres, les personnes consacrées et les laïcs, engagés dans la nouvelle évangélisation, fidèles au Christ et à son Evangile, annoncent sur ta terre, depuis presque cinq siècles, le Royaume de Dieu.



3. Le Mexique est un grand pays qui puise ses racines dans un passé riche de par sa foi chrétienne et ouvert à l'avenir de par sa claire vocation américaine et mondiale. En reparcourant les routes du District fédéral, en tenant présent dans mon coeur les Etats qui composent la Nation, j'ai ressenti à nouveau battre le coeur de ce noble peuple qui m'a reçu avec tant d'affection lors de mon premier voyage apostolique loin de Rome, au début de mon ministère pétrinien. Dans son accueil, je vois le reflet fidèle d'une réalité qui suit son chemin dans la vie mexicaine: celle d'un nouveau climat dans les rapports respectueux, solides et constructifs entre Etat et Eglise, surmontant d'autres moments qui, avec leurs lumières et leurs ombres, font déjà partie de l'histoire. Ce nouveau climat favorisera toujours plus la collaboration en faveur du peuple mexicain.



4. En concluant cette visite pastorale, je désire rappeler ma pleine confiance dans l'avenir de ce peuple, un avenir dans lequel le Mexique, toujours plus évangélisé et plus chrétien, soit un point de référence en Amérique et dans le monde; un pays où la démocratie, chaque jour plus enracinée et solide, plus transparente et effective, avec la joyeuse et pacifique coexistence entre ses peuples, soit toujours une réalité placée sous le doux regard de sa Reine et Mère, la Vierge de Guadalupe.

C'est à Elle que s'adressent mon dernier regard et mon dernier salut avant de quitter pour la quatrième fois cette terre mexicaine bénie. A elle, je confie tous et chacun de ses fils mexicains, dont je garde le souvenir dans mon coeur. Vierge de Guadalupe, veille sur le Mexique! Veille sur le bien-aimé continent américain!

 

VOYAGE À SAINT-LOUIS (ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE) PENDANT LA CÉRÉMONIE DE BIENVENUE

Saint-Louis 26 janvier 1999

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Monsieur le Président,
chers habitants de Saint-Louis,
chères populations des Etats-Unis,



1. C'est pour moi une grande joie de revenir aux Etats-Unis et de faire l'expérience, une fois de plus, de votre chaleureuse hospitalité.

Comme vous le savez, je suis allé au Mexique pour célébrer la conclusion de l'Assemblée spéciale pour l'Amérique du Synode des Evêques. Le but de cette importante rencontre était de préparer l'Eglise à entrer dans le nouveau millénaire et de susciter un sens renouvelé de solidarité parmi les peuples du continent. A présent, je suis heureux d'apporter ce message au coeur de l'Amérique, sur les rives du Mississipi, dans cette ville historique de Saint-Louis, située aux Portes de l'Ouest.

Monsieur le Président, je vous suis reconnaissant de la cordialité dont vous avez fait preuve en venant m'accueillir à mon arrivée. De même, je salue le gouverneur et les autorités du Missouri, ainsi que le Maire de Saint-Louis et les autres hauts-fonctionnaires de la ville et des environs. De nombreuses personnes ont offert leur coopération généreuse dans la préparation de cette visite, et je leur en suis reconnaissant.



2. En tant que Pasteur de l'Eglise universelle, je suis particulièrement heureux de saluer la communauté catholique de l'archidiocèse de Saint-Louis, avec son riche héritage spirituel et ses traditions dynamiques au service de ceux qui sont dans le besoin. Je désire adresser une parole particulière de reconnaissance à l'Archevêque Mgr Justin Rigali, qui est très proche de moi depuis que je suis devenu Pape, il y a vingt ans. Je me réjouis de rencontrer les prêtres, les diacres, les religieux et les laïcs de cette Eglise locale, qui a exercé une si grande influence sur l'histoire du Midwest.

Avec une profonde reconnaissance, je salue les cardinaux et les évêques. Leur présence me donne l'occasion de transmettre mes meilleurs voeux à toute la province de Saint-Louis et sa région apostolique, ainsi qu'à tous les diocèses de ce pays. Bien qu'en cette occasion, ma visite se limite à Saint-Louis, je me sens proche de tous les catholiques des Etats-Unis.

J'exprime mon amitié et mon estime à mes frères chrétiens, à la communauté juive en Amérique, à nos frères et soeurs musulmans. J'exprime mon respect cordial pour les peuples de toutes les religions et pour toutes les personnes de bonne volonté.



3. Comme l'histoire le rapporte, le nom de Saint-Louis sera à jamais lié au premier vol transatlantique et à l'immense effort et audace humains qui se cachent derrière le terme d'«Esprit de Saint-Louis».

23 Vous vous préparez au bicentenaire de la «Louisiana Purchase», en 1804 de la part du Président Thomas Jefferson. Cet anniversaire représente un défi pour le renouveau civil et religieux de toute la communauté. Ce sera l'occasion de confirmer l'«Esprit de Saint-Louis» et de réaffirmer les vérités et les valeurs authentiques de l'expérience américaine.

Dans l'histoire de chaque pays, il existe des périodes d'épreuve, de mises à l'essai de caractère national. L'Amérique n'a pas été épargnée. L'une de ces périodes d'épreuve est étroitement liée à Saint-Louis. C'est ici qu'eut lieu la célèbre affaire Dred Scott. Suite à cette affaire, la Cour suprême des Etats-Unis déclara qu'une classe entière d'êtres humains - des personnes de descendance africaine - devait être exclue du cadre de la communauté nationale et de la protection de la Constitution.

Après d'innombrables souffrances et d'immenses efforts, cette situation a été, du moins en partie, révoquée.

L'Amérique doit faire face à une période d'épreuve semblable aujourd'hui. En effet, il existe aujourd'hui un conflit entre une culture qui affirme, qui préserve et qui célèbre le don de la vie, et une culture qui tente d'exclure des groupes entiers d'êtres humains - les enfants non-nés, les malades en phase terminale, les personnes handicapées ou considérées comme «inutiles» - de la protection légale. Etant donné la gravité des questions en jeu et de l'influence profonde de l'Amérique sur le monde entier, l'issue de cette nouvelle période d'épreuve aura des conséquences profondes pour le siècle dont nous sommes sur le point de franchir le seuil. J'élève des prières ferventes pour qu'à travers la grâce de Dieu à l'oeuvre dans les vies des Américains, quelles que soient leur race, leur appartenance ethnique, leur situation économique ou leur croyance, l'Amérique résiste à la culture de la mort et choisisse de se placer de manière décisive du côté de la vie. Choisir la vie - comme je l'ai écrit dans le Message pour la Journée mondiale de la Paix cette année - implique le refus de toute forme de violence: la violence de la pauvreté et de la faim, qui opprime tant d'êtres humains; la violence des conflits armés, qui ne résoud pas, mais ne fait qu'accroître les divisions et les tensions; la violence des armes particulièrement effroyables, comme les mines anti-personnel; la violence du trafic de drogue; la violence du racisme; et la violence de la détérioration inconsidérée de l'environnement naturel.

Seule une plus haute vision morale peut motiver le choix de la vie. Et les valeurs sous-jacentes à cette vision dépendront dans une large mesure de la volonté de la nation de continuer à honorer et à révérer la famille en tant que cellule fondamentale de la société: la famille, école d'amour, de service, de compréhension et de pardon; la famille, ouverte et généreuse à l'égard des besoins d'autrui; la famille, la grande source du bonheur humain.



4. Monsieur le Président, chers amis: je suis heureux de cette nouvelle occasion de saluer le peuple américain pour les innombrables oeuvres d'aide et de solidarité humaines qui ont représenté depuis le début une si grande part de l'histoire de votre pays. Dans le même temps, je sais que vous entendrez ma prière afin d'ouvrir vos coeurs aux difficultés croissantes et aux besoins urgents de nos frères et soeurs les plus malheureux, partout dans le monde.

Cela aussi - l'esprit de compassion, de sollicitude et de partage généreux - doit faire partie de l'«Esprit de Saint-Louis». Bien plus, ce doit être l'esprit renouvelé de cette «nation unique, placée sous la protection de Dieu, dans la liberté et la justice pour tous». Dieu vous bénisse tous! Dieu bénisse l'Amérique!



AUX JEUNES DES ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE

Mardi 26 janvier 1999, "Kiel Center" (Saint-Louis)

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Ière PARTIE - S'exercer à la piété...

Chers jeunes de Saint-Louis,
Chers jeunes des Etats-Unis,
Loué soit Jésus-Christ!



1. Votre accueil affectueux et enthousiaste me rend très heureux. Il me dit que ce soir le Pape vous appartient. Je reviens de Mexico, où j'ai célébré la conclusion du Synode des Evêques pour l'Amérique. J'ai eu la joie d'y rencontrer des milliers de jeunes. A présent, ma joie se poursuit ici avec vous; hier avec les jeunes du Mexique, aujourd'hui avec les jeunes de Saint-Louis, du Missouri et de tous les Etats-Unis.



2. Ce soir, nous sommes ici réunis pour écouter Jésus qui nous parle à travers sa Parole et avec la puissance de l'Esprit Saint.

Nous venons d'écouter l'Apôtre Paul dire à Timothée, son jeune compagnon d'évangélisation: «Exerce-toi à la piété» (1Tm 4,7). Ce sont des paroles importantes pour chaque chrétien, pour tous ceux qui désirent vraiment suivre le Seigneur et mettre en pratique ses paroles. Elles sont particulièrement importantes pour vous, jeunes de l'Eglise. Vous devez vous demander: quel type d'exercice suis-je en train d'accomplir pour vivre une vie authentiquement chrétienne?

Vous savez tous ce qu'est un «exercice» et ce qu'il signifie. En effet, nous nous trouvons ici, au «Kiel Center», dans lequel de nombreuses personnes s'exercent longuement et assidûment en vue de compétitions dans divers sports. Aujourd'hui, ce stade impressionnant est devenu le siège d'un autre type d'exercice, non pas de hockey, de football, de base-ball ou encore de basket - je ne commencerai pas à parler de football américain! -, mais de celui qui vous aidera à vivre votre foi en Jésus de manière plus déterminée. C'est «l'exercice dans la piété» auquel saint Paul fait référence, l'exercice qui vous offre l'opportunité de vous donner sans réserve au Seigneur et à l'oeuvre qu'Il vous appelle à accomplir!



3. On m'a dit qu'il y a eu une grande ferveur ici, à Saint-Louis, lors de la récente saison de base-ball, lorsque deux grands joueurs (Mark McGwire et Sammy Sosa) se disputaient le record de «home-rum». Vous pouvez éprouver le même enthousiasme profond lorsque vous vous exercez pour un autre type de but: celui de suivre le Christ, d'apporter son message au monde.

Chacun de vous appartient au Christ et le Christ vous appartient. Avec le Baptême, vous avez été appelés au Christ avec le Signe de la Croix; vous avez reçu la foi catholique comme un trésor à partager avec d'autres. Avec la Confirmation, vous avez été marqués du sceau des dons de l'Esprit Saint et renforcés pour accomplir votre mission et votre vocation chrétienne. Avec l'Eucharistie, vous recevez le pain qui vous nourrit pour affronter les défis spirituels de chaque jour.

Je suis particulièrement heureux qu'aujourd'hui, un grand nombre d'entre vous aient eu la possibilité de recevoir le Sacrement de la Pénitence et de la Réconciliation. Dans ce sacrement, vous vivez la tendre miséricorde et l'amour du Sauveur de façon très personnelle, libérés du péché et de son horrible compagne qui est la honte. Vous vous présentez allégés de vos fardeaux et vous éprouvez la joie d'une nouvelle vie dans le Christ.

Votre appartenance à l'Eglise ne peut trouver une expression ou un soutien plus grands que ceux qui dérivent de la participation à l'Eucharistie chaque dimanche dans votre paroisse. Le Christ nous offre le don de son Corps et de son Sang pour faire de nous un seul corps, un seul esprit en Lui, pour que nous soyons plus profondément en communion avec Lui et avec tous les membres de son Corps, l'Eglise. Faites en sorte que la célébration dominicale dans votre paroisse soit une authentique rencontre avec Jésus dans la communauté de ses disciples: il s'agit d'une partie essentielle de votre «exercice à la piété» pour le Seigneur!



4. Chers jeunes amis, dans la Lecture que nous venons d'écouter, l'Apôtre Paul dit à Timothée: «Que personne ne méprise ton jeune âge» (1Tm 4,12). Il le dit, car la jeunesse est un don merveilleux de Dieu. C'est un temps d'énergies particulières, d'occasions et de responsabilités spéciales. Le Christ et l'Eglise ont besoin de vos capacités particulières. Utilisez à bon escient les dons que le Seigneur vous a donnés!

C'est le temps de votre «exercice», de votre développement physique, intellectuel, émotif et spirituel. Toutefois, cela ne signifie pas que vous pouvez remettre à plus tard votre rencontre avec le Christ et votre participation à la mission de l'Eglise. Même si vous êtes jeunes, c'est le moment d'agir! Jésus ne «méprise pas votre jeunesse». Il ne vous met pas de côté, jusqu'au moment où vous serez plus vieux et que votre exercice sera terminé. Votre exercice ne finira jamais. Les chrétiens s'exercent toujours. Vous êtes prêts pour ce que le Christ désire de vous à présent. Il désire que vous, vous tous, soyez la lumière du monde, comme seuls les jeunes peuvent l'être. Il est temps de faire resplendir votre lumière!

Au cours de tous mes voyages, je parle au monde de vos jeunes énergies, de vos dons et de votre disponibilité à aimer et à servir. Et partout où je me rends, je défis les jeunes, comme un ami, à vivre dans la lumière et dans la vérité de Jésus-Christ!

Je vous exhorte à laisser sa parole pénétrer dans vos coeurs et à Lui dire, du plus profond de ceux-ci: «Voici, je viens, ô Dieu, pour faire ta volonté» (cf. He He 10,7).


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IIe PARTIE...pour devenir la lumière du monde

«Vous êtes la lumière du monde [...] Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes» (Mt 5,14-16)



Chers jeunes,

1. Demandez-vous: est-ce que je crois à ces paroles de Jésus dans l'Evangile? Jésus vous appelle lumière du monde. Il vous demande de laisser votre lumière resplendir devant les autres. Je sais que dans vos coeurs, vous désirez dire: «Me voici Seigneur. Voici que je viens, ô Dieu, pour faire ta volonté (Psaume responsorial; cf. He He 10,7). Cependant, ce n'est que si vous devenez une seule chose avec Jésus que vous pourrez partager sa lumière et être une lumière pour le monde.

Etes-vous prêts à cela?

Malheureusement, trop de personnes s'éloignent aujourd'hui de la lumière, dans un monde d'illusions, un monde d'ombres fugaces et de promesses non tenues. Si vous vous tournez vers Jésus, si vous vivez la Vérité qui est Jésus, vous aurez en vous la lumière qui révèle les vérités et les valeurs sur lesquelles édifier votre bonheur, en construisant dans le même temps un monde de justice, de paix et de solidarité. Rappelez ce que Jésus a dit: «Je suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie» (Jn 8,12).

Puisque Jésus est la lumière, nous aussi, nous devenons lumière lorsque nous l'annonçons. Tel est le centre de la mission chrétienne à laquelle chacun de vous a été appelé à travers le Baptême et la Confirmation. Vous êtes appelés à faire en sorte que la lumière du Christ resplendisse de façon lumineuse dans le monde.




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