Discours 1999 71


AUX MEMBRES DE LA "WORLD FEDERATION OF SCIENTISTS"

Samedi 27 mars 1999

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Monsieur le Président,
Eminents membres de la «World Federation of Scientists»!



1. Soyez les bienvenus! Je suis heureux de vous adresser à tous, qui êtes engagés à titres divers dans l'étude et la recherche, mes salutations les plus sincères et les plus chaleureuses. Je remercie le Professeur Antonino Zichichi des paroles à travers lesquelles il s'est fait l'interprète de vos sentiments communs, illustrant dans le même temps les objectifs et les projets de votre méritoire Fédération.

La rencontre d'aujourd'hui, qui me rappelle celle qui se déroula il y a vingt ans, au cours des premiers mois de mon pontificat, constitue une occasion propice pour porter notre regard vers l'avenir, en analysant ce qui a été fait dans le domaine de la science au cours de ce siècle, qui a connu un progrès scientifique jamais atteint auparavant dans toute l'histoire. Vous vous proposez de tracer un bilan, partiel mais significatif, de ce progrès.

Il en ressort avant tout une composante culturelle, complexe et diversifiée, qui consiste principalement en une nouvelle vision de la science, caractérisée par la fin du «mythe du progrès», selon lequel la science serait en mesure de résoudre en peu de temps tous les problèmes de l'homme.

Un autre facteur qui intéresse votre activité scientifique est l'aspect économique, lié aussi bien à la recherche qu'à l'application technologique des découvertes. Des ressources financières considérables sont allouées et dépensées à cette fin, faisant naître des préoccupations légitimes quant à leur utilisation et la validité des projets.

La dimension politique de la science apparaît également d'une importance capitale, en raison des conséquences qu'elle comporte sur l'édification de la paix. A cet égard, votre Fédération se propose de favoriser un échange concret et une participation généreuse entre chercheurs provenant de divers pays et de divers contextes culturels.



2. Il ne faut pas non plus sous-estimer le rapprochement croissant qui a lieu entre l'expérience scientifique et la conception religieuse de la réalité, auquel j'ai tenté d'apporter une contribution dans la récente Encyclique Fides et ratio. Tout en dénonçant le risque grave d'une réduction exclusivement scientiste des phénomènes (cf. FR
FR 88), j'ai voulu exprimer mon admiration et mon encouragement pour le travail du scientifique en tant que chercheur inlassable de la vérité (cf. ibid., FR FR 106). Il est plus que jamais nécessaire, en effet, que science et foi, une fois dissipés les équivoques et malentendus surgis, hélas, au cours des siècles, s'ouvrent à une compréhension réciproque toujours plus profonde, au service de la vie et de la dignité de l'homme.

C'est ici que le regard s'étend vers l'avenir, riche de défis et d'urgences. Comme vous venez de le souligner, Monsieur le Président, la planète Terre en présente certains que l'on ne peut plus ignorer, car la santé de tous et de chacun, ainsi que la survie même des peuples, font l'objet de menaces de grande portée. Des projets adéquats sont donc nécessaires, qui, grâce à la participation du volontariat scientifique et la coopération des agents culturels, économiques et politiques, contribuent à élaborer des projets visant à la sauvegarde du monde créé au bénéfice du véritable développement humain.



3. Dans quelques jours, au cours de la veillée pascale, la liturgie nous proposera l'antique récit biblique de la création, tiré du livre de la Genèse. Dieu, Créateur de l'univers, confie le monde à l'homme, afin qu'il le préserve et le cultive. En assumant ce devoir, l'être humain ne peut manquer de ressentir toute sa responsabilité face à une mission si importante. A travers les initiatives promues par la «World Federation of Scientists», vous vous proposez, chers scientifiques, d'apporter une contribution spécifique à sa réalisation concrète. Il s'agit de projets pilotes dans le cadre de situations d'urgences planétaires, qu'avec courage et clairvoyance, vous ne vous lassez pas d'approfondir et de proposer, mettant en place un «volontariat scientifique» important au service du bien commun.

Je vous encourage de tout coeur à poursuivre sur cette voie, et je vous accompagne de mes prières, afin que votre travail soit fécond et riche de fruits.

En invoquant sur chacun de vous la protection maternelle de Marie, Siège de la Sagesse, je vous bénis, ainsi que vos familles et l'oeuvre que vous accomplissez chaque jour.



AUX MEMBRES DU BUREAU DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L'EUROPE

Lundi 29 mars 1999

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Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,



1. Je suis heureux d'accueillir les Membres du Bureau de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et les Membres des différents Comités parlementaires: pour les Affaires politiques, pour les Affaires juridiques et les Droits de l'homme, pour les Migrations, les Réfugiés et la Démographie. Je salue de façon particulière votre Président, Lord Russel Johnston, en le remerciant des paroles bienveillantes qu'il a eu la gentillesse de m'adresser. Mes cordiales salutations vont aussi au Greffier de l'Assemblée, Monsieur Bruno Haller.

Vous célébrez cette année le cinquantième anniversaire de la création du Conseil de l'Europe. Le travail accompli depuis un demi-siècle a été un éminent service rendu aux peuples de l'Europe. Même si les difficultés rencontrées sur la voie de la démocratie et des droits de l'homme ont été et restent considérables, vous avez maintenu le cap fixé dès l'origine par les Statuts du Conseil de l'Europe: unir plus étroitement les peuples européens sur la base du patrimoine de valeurs qui leur est commun.



2. Au cours de ces cinquante ans, les valeurs morales et spirituelles ont manifesté leur fécondité et leur capacité de transformer la société, comme l'ont montré les événements survenus il y a bientôt dix ans en Europe. Elles doivent être, encore aujourd'hui, le socle sur lequel il faut poursuivre l'édification du projet européen.

Il convient tout d'abord de se rappeler qu'il n'y a pas de vie politique, économique et sociale juste sans le respect de la dignité de chacun, avec toutes les conséquences qu'il faut en tirer en matière de droits de l'homme, de liberté, de démocratie, de solidarité et de liberté.

Ces valeurs sont profondément enracinées dans la conscience européenne; elles représentent les aspirations les plus fortes des citoyens européens. Elles doivent inspirer tout projet ayant la noble ambition d'unir les peuples de ce continent. Les efforts que vous faites pour traduire ces valeurs et ces aspirations en termes de droit, de respect des libertés et de progrès démocratique sont essentiels; c'est en mettant inlassablement la personne humaine et sa dignité inaliénable au centre de vos préoccupations et de vos décisions que vous apporterez une collaboration durable à la construction de l'Europe, et que vous servirez l'homme et l'humanité tout entière.



3. Je voudrais mentionner ici le conflit que se déroule à nos portes, au Kosovo, et qui blesse l'ensemble de l'Europe. Je demande instamment que tout soit mis en oeuvre pour que s'instaure la paix dans la région et que les populations civiles puissent vivre dans la fraternité sur leur terre. En réponse à la violence, une autre violence n'est jamais une voie d'avenir pour sortir d'une crise. Il convient donc de faire taire les armes et les actes de vengeance pour engager des négociations qui contraignent les parties, avec le désir de parvenir au plus tôt à un accord qui respectera les différents peuples et les diverses cultures, appelés à édifier une société commune respectueuse des libertés fondamentales. Une telle démarche pourra alors s'inscrire dans l'histoire comme un nouvel élément prometteur pour la construction européenne.



4. Par ailleurs, je joins ma voix à celle du Conseil de l'Europe en demandant que le droit le plus fondamental, le droit à la vie pour toute personne, soit reconnu dans tout l'espace européen et que soit abolie la peine de mort. Ce droit premier et imprescriptible de vivre n'implique pas seulement que tout être humain puisse survivre, mais qu'il puisse vivre dans des conditions justes et dignes. En particulier, combien de temps devrons-nous encore attendre pour que le droit à la paix soit reconnu comme un droit fondamental dans toute l'Europe et qu'il soit mis en pratique par tous les responsables de la vie publique? Beaucoup d'hommes sont contraints de vivre dans la peur et dans l'insécurité. J'apprécie les efforts déployés par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et par les autres Organisations européennes, afin de faire appliquer ce droit à la paix et de soulager les souffrances des peuples éprouvés par la guerre et la violence. Les droits de l'homme doivent aussi trouver leur prolongement dans la vie sociale. A ce sujet, on apprécie que, dès le second sommet de Strasbourg (1997), le Conseil de l'Europe ait voulu donner un nouvel élan à la société.



5. Dans le même esprit, il est important de ne pas négliger la mise en place d'une politique familiale sérieuse, qui garantisse les droits des couples mariés et des enfants; cela est particulièrement nécessaire pour la cohésion et la stabilité sociales. J'invite les Parlements nationaux à redoubler d'efforts pour soutenir la cellule fondamentale de la société qu'est la famille et lui donner toute sa place; elle constitue le lieu primordial de socialisation, ainsi qu'un capital de sécurité et de confiance pour les nouvelles générations européennes. Je me réjouis aussi de voir se développer une nouvelle solidarité entre les peuples de l'Europe, car le Continent constitue une unité, riche d'une grande diversité culturelle et humaine, en dépit des barrières idéologiques artificielles construites au fil du temps pour le diviser.



6. Votre Assemblée a récemment déclaré que «la démocratie et la religion ne sont pas incompatibles, au contraire [...]. La religion, de par son engagement moral et éthique, les valeurs qu'elle défend, son sens critique et son expression culturelle, peut être un partenaire valable de la société démocratique» (Recommandation 1396 (1999), n. 5). Le Saint-Siège apprécie cette Recommandation, car elle donne la place qui leur revient à la vie spirituelle et à l'engagement des religions dans la vie sociale et dans le service de l'homme. Cela rappelle que les religions ont une contribution particulière à apporter à la construction européenne et qu'elles constituent un ferment pour la réalisation d'une union plus étroite entre des peuples.

Au terme de notre rencontre, je vous encourage à poursuivre votre mission pour que l'Europe de demain soit d'abord l'Europe des citoyens et des peuples, qui construiront ensemble une société plus juste et plus fraternelle, d'où seront bannis la violence et le refus de la dignité fondamentale de tout homme. En vous confiant à l'intercession des saints Benoît, Cyrille et Méthode, patrons de l'Europe, je vous accorde bien volontiers la Bénédiction apostolique, ainsi qu'à vos familles et à tous ceux qui vous sont chers.





AUX MEMBRES DU CERCLE SAINT-PIERRE

Lundi 29 mars 1999

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Très chers membres du Cercle Saint-Pierre!



1. C'est pour moi une joie renouvelée de me retrouver parmi vous à l'occasion de cette rencontre désormais traditionnelle, qui m'offre cette année encore l'occasion d'exprimer ma satisfaction et ma reconnaissance pour votre dévouement envers les pauvres et pour le service attentif que vous rendez à l'Eglise et au Pape.

Alors que je souhaite à chacun de vous une cordiale bienvenue, je salue avec une affection particulière votre Assistant spirituel, S.Exc. Mgr Ettore Cunial, animateur infatigable et zélé de l'Association, et votre Président, le Marquis Marcello Sacchetti, que je remercie pour l'aimable adresse d'hommage qu'il a prononcée au nom de tous. A travers ses paroles, il a voulu décrire les initiatives intéressantes et dignes d'éloges de votre Association méritante, qui célèbre cette année les 130 ans de sa fondation.



2. Parmi les multiples activités qui caractérisent votre Institution, l'une d'elles consiste à recueillir dans les Eglises de Rome le «Denier de Saint-Pierre», que vous êtes aujourd'hui venus remettre: que le Seigneur vous rende grâce pour ce geste de sollicitude concrète envers le Siège apostolique!

En cette troisième année de préparation au grand Jubilé de l'An 2000, année consacrée à Dieu le Père, j'ai eu l'occasion d'inviter plusieurs fois les chrétiens à devenir la voix des pauvres du monde, en soulignant de façon plus claire l'option préférentielle de l'Eglise pour les personnes marginalisées (cf. Tertio millennio adveniente
TMA 51).

Mon souhait est que chaque baptisé se sente invité à un élan généreux de charité, à l'image de l'amour extraordinaire avec lequel le Père a donné son Fils unique pour le salut du monde. Il s'agit d'accueillir cet admirable exemple divin comme un don de grâce, en se rappelant de la Parole de Jésus: «Il y a plus de joie à donner qu'à recevoir» (Ac 20,35).

A travers votre engagement de solidarité, récemment enrichi par l'inauguration du centre d'Accueil pour l'assistance gratuite au malades en phase terminale particulièrement dans le besoin, et votre service au Siège apostolique, vous êtes appelés à être les intermédiaires de cette tendresse pleine d'attention que Dieu nourrit à l'égard de chaque homme.

Très chers amis, faites en sorte que votre action soit toujours vivifiée par la référence constante à l'exemple de Jésus, qui, lorsqu'il guérissait les maladies physiques, auxquelles on peut parfois assimiler la pauvreté, révélait dans ses gestes délicats et aimants le visage miséricordieux du Père.



3. L'évangéliste Jean dit: «Dieu, personne ne l'a jamais contemplé; Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, en nous son amour est accompli» (1Jn 4,12). La Parole de Dieu nous rappelle que telle est notre mission: communiquer aux autres l'amour divin, à travers notre amour fraternel et serviable. Quand un geste, une parole, un sourire, une main tendue, une présence attentive naissent d'un amour authentique, ils peuvent facilement devenir pour ceux qui en bénéficient des occasions propices et fécondes pour allumer ou raviver la flamme de la foi. Que de bien peut-on accomplir, même avec des gestes simples et humbles!

Que le Seigneur vous aide dans votre travail quotidien. Que le Père céleste vous comble d'une abondante effusion de grâces, afin qu'en accomplissant votre activité, vous puissiez faire rayonner autour de vous la sérénité et la confiance et contribuer de façon sensible à l'oeuvre de la nouvelle évangélisation, à laquelle tous les croyants sont appelés, en particulier au seuil du troisième millénaire chrétien.

Avec ces sentiments, alors que je vous renouvelle ma gratitude pour votre visite d'aujourd'hui et pour votre service ecclésial, j'invoque sur vous la protection céleste de Marie, Salus Populi Romani, et des saints Apôtres Pierre et Paul, et je donne de tout coeur à chacun de vous et à vos familles une Bénédiction spéciale.



AUX PARTICIPANTS AU 32éme CONGRÈS INTERNATIONAL "UNIV 99"

Mardi 30 mars 1999

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Très chers amis!



1. Je souhaite à tous une affectueuse bienvenue. Des liens profonds m'unissent au monde des jeunes et je suis heureux chaque fois que je peux les rencontrer. L'audience au Congrès UNIV est désormais devenue un rendez-vous annuel. Bienvenus, chers jeunes de diverses nationalités! Notre rencontre a lieu au cours de la Semaine Sainte et elle est illuminée par la perspective de la célébration des jours prochains, les derniers du Carême. La liturgie nourrit en nous l'attente de la Résurrection et nous fortifie dans la conscience que l'amour a prévalu sur la haine, que la miséricorde a triomphé du péché. Les paroles: «Le Père vous aime!», qui constituent le thème central du récent Message aux jeunes, retentissent dans notre esprit. C'est cette certitude lumineuse qui confère un souffle profond au thème que vous avez choisi pour votre Congrès: «Solidarité et citoyenneté».


[en anglais]

2. Je souhaite commencer par le deuxième terme. Dans le livre du bienheureux Josémaría, que vous connaissez bien, l'on trouve un chapitre complet sous ce titre «citoyenneté». On peut y lire: «Voilà votre devoir en tant que citoyens chrétiens: contribuer à faire de l'amour et de la liberté du Christ la primauté de tout aspect dans la vie contemporaine - dans la culture, l'économie, le travail et les loisirs, dans la vie de famille et la vie en société» (Solco, n. 302). Le bienheureux Josémaría parle de l'amour et de la liberté du Christ: il s'agit de la libération du péché, le combat que, au nom de leur amour pour le Christ et soutenus par sa grâce, les chrétiens livrent en eux-mêmes contre tout ce qui les sépare de Dieu et de leurs frères et soeurs qui, comme eux, sont également fils de Dieu. N'oubliez jamais cela, car c'est ici que le combat décisif pour l'avenir de la société se joue: «La première et la plus importante des tâches s'accomplit dans le coeur de l'homme, et la manière dont l'homme se consacre à la construction de son avenir dépend de la conception qu'il a de lui-même et de son destin» (Centesimus annus
CA 51).


[en espagnol]

3. Parvenus au terme «citoyenneté», nous arrivons à celui de «solidarité». Comment ne pas nous sentir invités à réfléchir sur l'immense potentiel humain de paix, de concorde et de fraternité, qu'une vie chrétienne cohérente, désireuse de rencontrer personnellement le Christ dans la prière et l'engagement de charité fraternelle, peut projeter sur la transformation du monde? Après une analyse plus approfondie, la solidarité chrétienne se révèle, plus qu'une vertu en elle-même, une attitude spirituelle dans laquelle convergent diverses vertus et, de manière particulière, la justice et la charité. La justice peut réduire les différences, éliminer les discriminations, assurer les conditions du respect de la dignité de la personne. La justice a sans aucun doute besoin d'une âme. Et l'âme de la justice est la charité, la charité qui se fait service pour tout l'homme. Etre chrétien aujourd'hui requiert de croître dans la conscience d'«être au service d'une rédemption qui concerne toutes les dimensions de l'existence humaine» (Sainteté et monde, Actes du Congrès théologique d'études sur les enseignements du bienheureux Josémaría Escrivá, Rome, 1994, p. 10). Le premier apport fondamental que chaque croyant est appelé à offrir à la nouvelle évangélisation est d'incarner fidèlement l'Evangile dans sa propre vie: être saints. En effet, celui qui recherche la sainteté personnelle sans réserves, contribue de façon efficace à diffuser le bien dans le monde entier.

Il s'agit d'une façon concrète et à la portée de tous de devenir des apôtres de l'Evangile et des artisans d'une nouvelle humanité. A ce propos, vous avez un maître qui vous guide sur ce chemin: il s'agit du bienheureux Josémaría, dont le message constitue l'une des impulsions charismatiques les plus significatives que l'Esprit Saint offre à cette conscience du service que l'Eglise et chaque fidèle sont appelés à prêter en faveur de tout l'homme et de tous les hommes.


[en italien]

4. Très chers jeunes, il s'agit du dernier Congrès UNIV avant le grand Jubilé. Profitez de cette occasion et de toutes opportunités que cette rencontre vous offre. Répondez généreusement à l'appel du Seigneur: la vocation chrétienne, comme vous le savez bien, va au-delà de l'intimité privée de votre âme, elle élargit l'esprit aux dimensions sans limites de l'amour. Le don de soi à Dieu, sommet d'un processus de conversion allant de l'égoïsme à l'amour, vous fera participer à la mission salvifique du Christ. C'est dans cette solidarité complète avec le Christ que les enfants de Dieu peuvent pleinement découvrir la racine de la fraternité humaine.

Que Marie, Mère de Dieu et notre Mère, vous aide à orienter de façon décisive votre vie vers Dieu et vers vos frères et vous prépare à cultiver l'unique idéal véritablement digne d'un enfant de Dieu: celui de servir ses frères, comme Jésus et avec Jésus, qui a dit à propos de lui-même: «Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir» (Mt 20,28).

En formant, pour vous et les personnes qui vous sont chères, des voeux fervents de Sainte Pâque, je vous assure de mon souvenir dans la prière et je vous bénis de tout coeur.

Avril 1999



PAROLES DU PAPE JEAN PAUL II À L'ISSUE DU CHEMIN DE CROIX AU COLISÉE

Vendredi 2 avril 1999

76 1. «In manus tuas, Domine commendo spiritum meum», «Père, je remets mon esprit entre tes mains». Ce sont les paroles, le dernier cri du Christ sur la Croix. C'est la parole qui clôt le mystère de la Passion et qui ouvre le mystère de la libération à travers la mort, qui se réalisera dans la Résurrection. C'est une parole importante. L'Eglise, consciente de son importance, l'a inclue dans la Liturgie des Heures qui se termine chaque jour par ces mots: «In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum».

Aujourd'hui, nous voudrions placer ces paroles sur les lèvres de l'humanité à la fin du second millénaire, à la fin du vingtième siècle. Les millénaires ne parlent pas, les siècles ne parlent pas, mais l'homme parle, des milliers, des milliards d'hommes, qui ont rempli cet espace qui s'appelle vingtième siècle, parlent. Nous voulons aujourd'hui mettre ces paroles du Christ sur les lèvres de tous ces hommes qui ont été des citoyens de notre vingtième siècle, de notre second millénaire; car ces paroles, ce cri du Christ qui souffre, sa dernière parole ne fait pas que clore: cette parole ouvre. Elle représente une ouverture sur l'avenir.

«Père, je remets mon esprit entre tes mains». Cette parole ouvre. Nous souhaitons que, à la fin de ce Vendredi saint, à la veille de la Pâque 1999, cette parole - «In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum», «Père, je remets mon esprit entre tes mains» - soit également la dernière parole pour chacun de nous, celle qui nous ouvrira à l'éternité.



2. «Christus factus est pro nobis oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis». «Le Christ s'est fait pour nous obéissant jusqu'à la mort, et la mort sur la Croix» (Antienne du bréviaire; cf. Ph
Ph 2,8). Par ces paroles, la liturgie du Vendredi saint résume ce qui s'est accompli sur le Golgotha, il y a deux mille ans. L'évangéliste Jean, témoin oculaire, fait le récit des événements douloureux de la Passion du Christ. Il rapporte sa pénible agonie, ses dernières paroles: «Tout est accompli» (Jn 19,30) et la blessure de son côté d'un coup de lance, infligée par un soldat romain. Du côté ouvert du Rédempteur il sortit du sang et de l'eau, preuve non équivoque de sa mort (cf. Jn 19,34) et don extrême de son amour miséricordieux.



3. Ayant à l'esprit le témoignage de Jean, ce que dit le prophète Isaïe dans le cantique du Serviteur du Seigneur est encore plus étonnant. Il écrit quelques siècles avant le Christ et ses paroles semblent en parfaite harmonie avec celles du quatrième Evangile. Elles constituent un authentique «Evangile de la Croix»: «Méprisé, abandonné de tous, homme de douleurs, [...] / C'est à cause de nos fautes qu'il a été transpercé, c'est par nos péchés qu'il a été broyé. [...] / Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait son propre chemin. Mais le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous. [... ] / Il a été retranché de la terre des vivants, frappé à cause des péchés de son peuple. / On l'a enterré avec les mécréants [... ]. / A cause de ses souffrances, il verra la lumière, il sera comblé. Parce qu'il a connu la souffrance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs péchés» (Is 53,3 Is 53,5 Is 53,6 Is 53,8 Is 53,9 Is 53,11).

Ces considérations, si riches en détails, étonnent parce que ce sont les paroles de quelqu'un qui n'a pas pu voir de ses propres yeux le drame du Calvaire, ayant vécu bien longtemps auparavant. Dans ces considérations, la théologie du sacrifice de la croix du Christ se trouve cachée par avance. Il y a en elles, dans une admirable synthèse, tout le mysterium passionis et resurrectionis, qui conflue jusque dans le grand mysterium paschale.



4. Au terme de ce Chemin de Croix, les paroles prophétiques du livre d'Isaïe résonnent dans notre coeur, ce soir, ici au Colisée, mémoire éloquente de la passion et du martyre de nombreux croyants qui ont payé de leur sang leur fidélité à l'Evangile. Ces paroles font écho à la passion de Jésus «en agonie jusqu'à la fin du monde» (Pascal, Pensées, le mystère de Jésus, 553).

«Méprisé et abandonné», le Christ l'est dans l'homme outragé et tué dans la guerre du Kosovo et partout où triomphe la culture de la mort; «broyé par nos péchés», le Messie l'est dans les victimes de la haine et du mal de tous les temps et de tous les lieux. «Errants comme des brebis», les peuples, divisés et marqués par l'incompréhension et l'indifférence, semblent l'être parfois.

A l'horizon de ce tableau de souffrance et de mort, l'espérance brille cependant pour l'humanité: «A cause de ses souffrances, il verra la lumière [...] le juste mon serviteur justifiera les multitudes». Dans la nuit de la souffrance et de la détresse, la Croix est un flambeau qui maintient vive l'attente du jour nouveau de la résurrection. Ce soir, c'est vers la Croix du Christ que nous regardons avec foi, et c'est par elle que nous voulons crier au monde l'amour miséricordieux du Père pour tout homme.



5. Oui, aujourd'hui c'est le jour de la miséricorde et de l'amour; le jour où s'est réalisée la rédemption du monde, parce que le péché et la mort ont été vaincus par la mort salvifique du Rédempteur!

Divin Roi Crucifié, que le mystère de ta mort glorieuse triomphe dans le monde!

Fais que nous ne perdions pas le courage et l'audace de l'espérance devant les drames de l'humanité et devant chaque situation injuste qui humilie la créature humaine, rachetée par ton précieux sang!

Mais, avec encore plus de vigueur, fais que ce soir nous proclamions: Ta Croix est victoire et salut, «quia per sanctam crucem tuam redemisti mundum», parce que, par ton sang et par ta passion, tu as racheté le monde!




AUX PÈLERINS VENUS À ROME POUR LA CANONISATION DE MARCELLIN CHAMPAGNAT, GIOVANNI CALABRIA ET AGOSTINA LIVIA PIETRANTONI

Lundi 19 avril 1999

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Très chers frères et soeurs!



1. Je suis heureux de vous accueillir tous à nouveau, vous qui êtes venus pour la canonisation de Marcellin Champagnat, Giovanni Calabria et Agostina Livia Pietrantoni. La rencontre d'aujourd'hui nous offre l'heureuse occasion de prolonger la fête d'hier, dans le climat de la joie pascale caractéristique de ce temps liturgique.

Rendons grâce au Père qui est aux cieux, origine et source de toute sainteté, pour avoir donné à l'Eglise et au monde ces fils bien-aimés. En eux, Dieu a accompli de grandes choses, modelant dans leur personne, avec la douce force de l'Esprit Saint, l'image merveilleuse de son Fils unique. Alors que nous voyons se profiler à l'horizon le seuil de l'An 2000, comment ne pas penser au groupe nombreux de bienheureux et de saints que la Grâce divine a fait germer et fructifier dans les sillons de ces deux millénaires? Dans la vie des saints, le Royaume des cieux est déjà présent et oeuvre dans notre monde.


[en français]

2. Chers pèlerins venus célébrer la canonisation de Marcellin Champagnat, je suis heureux de vous accueillir. Votre présence est significative de votre attention au charisme toujours actuel de ce saint auquel se rattachent tant de vocations. Je salue Monseigneur Pierre Joatton, Evêque de Saint-Etienne, et les membres des Instances civiles du département de la Loire, où vécut saint Marcellin. Je salue particulièrement les Frères maristes, Institut qu'il a fondé, ainsi que les membres des autres Instituts de la famille mariste. Chers jeunes, venus notamment d'Espagne, du Mexique, de France, pour manifester votre attachement à l'esprit de l'éducation donnée par le Père Champagnat, je vous encourage à rester fidèles à la route vers Dieu qu'il vous a indiquée.

Je salue aussi les enseignants qui assurent une mission partagée avec les Frères maristes et qui sont venus dire leur admiration pour Marcellin Champagnat, apôtre de la jeunesse, et leur désir de poursuivre le même service éducatif que lui, dans le respect des jeunes et de leur évolution. Je salue enfin les membres des branches laïques maristes qui veulent vivre selon l'esprit de saint Marcellin, à travers tous leurs engagements. En vous mettant à l'école de Marie, puissiez-vous tous suivre le Christ et avoir le souci de le faire connaître!

Nous pouvons rendre grâce pour les nombreux disciples du Père Champagnat qui ont vécu avec fidélité leur mission jusqu'au témoignage du martyre. Nous nous souvenons spécialement des onze Frères, témoins de la vérité et de la charité, morts tragiquement, ces cinq dernières années, en Algérie, au Rwanda et en République démocratique du Congo. Témoins cachés de l'espérance, ils s'ajoutent au très long martyrologe des Frères maristes, qui a commencé dès le début de la fondation avec le Frère Jacinto. Nous pensons encore à saint Pierre Chanel, Père mariste, premier martyr de l'Océanie.

A tous les fidèles présents, ainsi qu'à tous les Frères maristes du monde, aux personnes qui oeuvrent avec eux dans le domaine éducatif et à tous les jeunes qui bénéficient de leur apostolat, j'accorde de tout coeur la Bénédiction apostolique.


[en italien]

78 3. En cette année où l'Eglise, en marche vers le grand Jubilé, tourne son regard vers l'infinie tendresse de Dieu le Père, nous reconnaissons chez saint Giovanni Calabria, prêtre véronais fondateur des Pauvres serviteurs et des Pauvres servantes de la Divine Providence, un admirable reflet de la paternité divine. Du reste, il conçut lui-même ainsi dès le début, la mission qui lui avait été confiée par le Seigneur: il sentait qu'il était appelé à «révéler au monde que la Divine Providence existe, que Dieu n'est pas étranger, mais qu'il est un Père, et qu'il pense à nous, à condition que nous pensions à Lui et que nous remplissions notre rôle, qui est tout d'abord celui de chercher le saint Royaume de Dieu et sa justice» (Lettre à ses religieux, III, 19 mars 1933). L'âme de toute son intense activité apostolique et caritative fut la découverte, à travers l'Evangile, de l'amour du Père céleste et du Christ pour l'homme.

La charité évangélique a été la vertu qui a le plus caractérisé sa vie. Une femme juive médecin, qu'il avait cachée parmi les soeurs pour la soustraire aux nazis et aux fascistes, a témoigné que chaque instant de son existence apparaissait comme une personnification de l'hymne de l'Apôtre saint Paul à la charité. Je souhaite de tout coeur à ses filles et à ses fils spirituels, à qui j'adresse ici un salut chaleureux, de prolonger et d'étendre toujours plus l'amour irrépressible qui débordait du coeur de ce saint prêtre, conquis par le Christ et son Evangile.



4. L'Eglise se réjouit aujourd'hui avec toute la famille religieuse des Soeurs de la Charité de sainte Jeanne Antida Thouret pour le don de sainte Agostina Livia Pietrantoni. Quelques jours après la célébration du deuxième centenaire de la fondation de l'Institut, nous louons le Seigneur pour les merveilles qu'Il a accomplies dans la vie de cette fidèle disciple de sainte Jeanne Antida. Dans le même temps, nous voulons également le remercier pour les abondants fruits de bien qui ont mûri au cours de ces deux siècles de vie de la Congrégation, à travers l'humble et généreuse oeuvre de tant de Soeurs de la Charité.

Ayant grandi dans une famille habituée au dur labeur et enracinée dans la foi, la nouvelle sainte embrassa l'idéal de saint Vincent, fait de charité, d'humilité, de simplicité, et exprimé dans le respect de l'autre, dans la cordialité, dans le sens du devoir «bien fait». Au cours de ses années de service à l'hôpital «Santo Spirito», où elle assistait les malades atteints de tuberculose, soeur Agostina rencontre l'homme qui souffre et qui implore la reconnaissance de la dignité de sa propre intégrité physique et spirituelle. A une époque caractérisée par un courant de laïcisation, Agostina Livia Pietrantoni devient le témoin des valeurs de l'esprit. Elle dit de ses malades, à l'époque incurables et souvent exaspérés et difficiles à soigner: «En eux je sers Jésus-Christ... je me sens enflammée de charité pour tous, prête à affronter n'importe quel sacrifice, même à verser mon sang pour la charité». Le sacrifice suprême du sang sera le sceau définitif de sa vie, qui s'est entièrement écoulée dans l'amour indivis pour Dieu et ses frères.

Puisse son exemple enflammer les Consoeurs de la Congrégation de sainte Antida et les pousser à un témoignage ardent de cette charité qui constitue la synthèse de la loi divine et qui est le lien de toute perfection (cf. Col
Col 3,14).



5. Très chers frères et soeurs! Regardons les nouveaux saints, et apprenons d'eux le secret de la sainteté. Approfondissons leur charisme, assimilons l'esprit qu'ils ont laissé en héritage et imitons leur exemple. Et la paix du Christ régnera dans nos coeurs! Que la Mère du Rédempteur, Reine de tous les saints, obtienne cela pour chaque personne.

Avec ces sentiments, je vous donne de tout coeur, ainsi qu'à vos proches, ma Bénédiction apostolique.




Discours 1999 71