Discours 1999 144


AUX ÉVÊQUES DE L'ÉGLISE CATHOLIQUE AU TOGO EN VISITE "AD LIMINA"

2 Juillet 1999

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Chers Frères dans l'épiscopat,



1. Je suis particulièrement heureux de vous accueillir, Évêques de l'Église catholique au Togo, alors que vous accomplissez votre visite ad limina. Votre pèlerinage aux tombeaux des Apôtres est une occasion privilégiée qui vous est offerte afin d'affermir en vous les dons reçus du Seigneur pour remplir la charge que vous avez reçue d'enseigner, de sanctifier et de gouverner le peuple de Dieu (cf. Décret Christus Dominus
CD 2). Que vos rencontres avec l'Évêque de Rome et avec ses collaborateurs soient pour vous des moments forts de communion ecclésiale qui vous aideront dans votre mission au service du peuple togolais !

Je remercie vivement le Président de votre Conférence épiscopale, Mgr Philippe Kpodzro, Archevêque de Lomé, pour les aimables paroles qu'il m'a adressées en votre nom. Elles attestent l'attachement que portent vos communautés au successeur de Pierre. Lorsque vous rentrerez dans vos diocèses, transmettez mon salut affectueux aux prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux catéchistes et aux laïcs dont vous êtes les pasteurs. Que Dieu donne à chacun la force de manifester ardemment la foi reçue au Baptême. À travers vos fidèles, c'est le peuple togolais tout entier que je rejoins, lui souhaitant de grand coeur de progresser avec courage et dans l'espérance sur les chemins du véritable progrès humain et spirituel.



2. Au cours des dernières années, trois diocèses ont été érigés dans votre pays. Je salue cordialement les nouveaux Évêques, et je me réjouis de la vitalité de l'Église au Togo dont ces créations sont le signe. Avec vous je rends grâce à Dieu pour le don de la foi qu'il ne cesse de répandre dans votre peuple. C'est pour vous et pour tous les catholiques, une exigence de sainteté de vie et de témoignage encore plus actif à rendre au Christ, afin de poursuivre avec une ardeur renouvelée une évangélisation en profondeur de la société. En vous appuyant sur l'exhortation apostolique Ecclesia in Africa, vous saurez trouver les voies nouvelles qui vous permettront, avec l'aide de l'Esprit Saint, de contribuer à l'édification et à la croissance de l'Église Famille de Dieu, communauté des disciples du Christ, solidaire, chaleureuse et ouverte à tous.

Pour s'acquitter de cette lourde charge, les pasteurs sont appelés à se mettre résolument à la suite du Christ qui a voulu accomplir le dessein d'amour de son Père pour les hommes en se mettant au service du plus humble de ses frères. Par leur profonde communion mutuelle, les membres de la Conférence épiscopale donnent un témoignage éminent de l'unité de la mission de l'Église, et ils y trouvent une aide efficace dans l'accomplissement de leur ministère pastoral. Je souhaite aussi qu'une véritable solidarité se manifeste entre les diocèses à travers une répartition adéquate du personnel apostolique qui permette d'aider généreusement les plus pauvres d'entre eux. En donnant la première place à votre mission spirituelle au service des fidèles et des hommes de bonne volonté, soyez pour eux des guides sur les chemins de la sainteté pour que tous puissent réaliser pleinement la vocation qu'ils ont reçue de leur Créateur !

Par ailleurs, comme je l'ai écrit dans l'encyclique Sollicitudo rei socialis, l'accomplissement du ministère de l'évangélisation dans le domaine social fait partie de la fonction prophétique de l'Église (cf. SRS SRS 41). En effet, l'annonce du message évangélique aux hommes et aux femmes de notre temps nécessite d'être attentif aux réalités de leur vie quotidienne. Il est du devoir de l'Église de contribuer au bien commun, avec tous les hommes de bonne volonté, afin que la dignité et les droits légitimes de toute personne soient toujours mieux respectés. Pour cela, j'engage donc vivement vos communautés à témoigner toujours et partout des valeurs évangéliques que le Seigneur nous a laissées. Qu'elles se souviennent que le Christ nous a envoyé "l'Esprit de vérité qui vient du Père" (Jn 15,26), nous rappelant par là l'importance essentielle de la vérité pour construire sa vie personnelle et édifier la société ! Sans elle, rien ne peut subsister durablement, et l'homme ne peut trouver la véritable liberté. En effet, "en un monde sans vérité, la liberté perd sa consistance et l'homme est soumis à la violence des passions et à des conditionnements apparents ou occultes" (encyclique Centesimus annus CA 46).



3. Voilà plus d'un siècle que la Bonne Nouvelle du Christ est annoncée sur votre terre. Avec vous, je rends grâce à Dieu pour le dévouement parfois héroïque de tous les missionnaires, hommes et femmes, qui ont permis l'implantation et la croissance de l'Église au Togo. À ceux et à celles qui poursuivent l'oeuvre de ces pionniers de l'Évangile, je redis l'estime et les encouragements du Successeur de Pierre.

À vos prêtres, qui, avec vous, portent aujourd'hui une grande part du travail d'évangélisation, j'adresse mon cordial salut. Qu'eux aussi prennent pour modèle de vie apostolique le Christ, venu pour servir et non pour être servi ! Que leur ministère, dont je connais les joies et les espérances, mais aussi les fatigues et les difficultés, soit un service généreux et désintéressé de la mission de l'Église auprès de tous les hommes ! Je les invite avec force à unifier et à vivifier leur être et leur agir sacerdotal en étant, dans l'intimité de toute leur existence, attachés au Christ comme ses amis. Ainsi ils seront capables de proposer aux autres une expérience de vie chrétienne et spirituelle. Je les invite donc à approfondir particulièrement leur rencontre du Christ par "la méditation fidèle de la Parole de Dieu, la participation active aux saints mystères de l'Église, le service de la charité à l'égard des 'petits'" (exhortation apostolique Pastores dabo vobis PDV 46). Aux moments de tentation et de découragement, c'est grâce à une vie spirituelle solide, fondée sur cette rencontre personnelle et quotidienne avec le Seigneur, qu'ils trouveront la force de vivre généreusement les engagements qu'ils ont pris au jour de leur ordination. Je souhaite aussi qu'ils ravivent le don qu'ils ont reçu de Dieu en accordant la place qui lui revient à la formation permanente. En effet, elle est indispensable pour discerner et suivre fidèlement la volonté du Seigneur. Elle est aussi un acte d'amour et de justice envers le peuple de Dieu dont ils sont les serviteurs (cf. ibid. PDV PDV 70).

Chers frères dans l'Épiscopat, il vous revient de manière particulière d'avoir le souci des vocations sacerdotales afin que l'Évangile soit annoncé partout. C'est une dimension essentielle de la pastorale de vos diocèses. La formation et l'accompagnement spirituel des candidats au sacerdoce demandent souvent d'accepter des sacrifices importants. Soyez assurés qu'avec la grâce de Dieu ils porteront du fruit ! La situation actuelle exige un sérieux discernement pour que les séminaristes aient suffisamment conscience que le chemin sur lequel ils s’engagent exige un renoncement total à eux- mêmes et à la recherche de toute promotion personnelle, afin de devenir des "ministres fervents et convaincus pour la 'nouvelle évangélisation', des serviteurs fidèles et généreux de Jésus Christ et des hommes" (ibid., PDV PDV 10).

Je salue aussi les religieux et les religieuses qui dans votre pays coopèrent à la mission de l'Église. En menant une vie uniquement vouée au Père, saisie par le Christ et animée par l'Esprit, ils contribuent de manière particulièrement profonde au renouveau du monde (cf. exhortation apostolique Vita consecrata VC 25). Pour enraciner solidement leur charisme et le développer dans la vie ecclésiale, il est nécessaire qu'ils manifestent clairement la spécificité du don reçu de Dieu pour le bien de toute l'Église. Plus que dans leur façon de faire, c'est par tout leur être que les religieux et les religieuses doivent maintenir présente chez les baptisés la conscience de devoir répondre par la sainteté de leur vie à l'amour que Dieu ne cesse de leur prodiguer. En vivant pleinement leurs engagements, ils rejoignent aussi les aspirations de leurs contemporains en leur indiquant les chemins d'une authentique recherche de Dieu.



4. Dans vos rapports quinquennaux, vous avez souligné la place primordiale des catéchistes pour implanter et faire vivre les communautés chrétiennes, en relation étroite avec les Évêques et les prêtres. À tous, transmettez la reconnaissance du Pape pour leur travail généreux au service de l'Évangile et ses encouragements, afin que par une vie personnelle et familiale exemplaire ils soient des témoins véridiques du message qu'ils annoncent. Soyez pour eux des pères attentifs à leurs besoins et apportez-leur le soutien moral et matériel qui leur est nécessaire. Leur formation spirituelle et doctrinale est une exigence première pour qu'ils puissent assurer avec compétence et responsabilité le service qui leur est demandé dans la communauté.



5. La vitalité de l'Église dépend de la réponse de chaque chrétien à l'appel que Dieu lui adresse à croître et à porter du fruit. Pour cela, il est nécessaire que les laïcs puissent acquérir une solide formation qui "a comme objectif fondamental la découverte toujours plus claire de leur vocation personnelle et la disponibilité toujours plus grande à la vivre dans l'accomplissement de leur propre mission" (exhortation apostolique Chistifideles laici, n. 58). Cette formation doit permettre à chacun de réaliser l'unité de sa propre existence, de vivre et de proclamer sa foi de manière authentique. L'ignorance dans le domaine religieux est en effet trop souvent mise à profit par des groupes ésotériques ou des sectes pour attirer des croyants trop peu enracinés dans leur foi.

La formation intégrale dispensée aux laïcs doit aussi les aider à être des citoyens qui prennent leurs responsabilités dans la vie de la collectivité. En effet, elle "doit permettre aux chrétiens d'acquérir non seulement une habileté technique pour mieux transmettre le contenu de la foi, mais encore une profonde conviction personnelle pour en témoigner efficacement dans la vie" (Ecclesia in Africa ). Dans la société, les laïcs ne peuvent renoncer à l'action multiforme pour promouvoir le bien commun. Cela passe aussi par le difficile engagement pour la défense et la promotion de la justice et pour l'affermissement d'une authentique démocratie qui permette à tous de se sentir effectivement acteurs de leur destinée dans la nation.



6. Les graves questions qui concernent le mariage chrétien et la vie familiale sont des défis auxquels l'Église dans votre région se trouve affrontée. C'est donc pour vous une tâche importante d'éduquer les fidèles aux valeurs fondamentales du mariage et de la famille. L'unité du couple est une exigence de vie qui respecte le dessein de Dieu tel qu'il a été révélé au commencement. Elle est aussi une manifestation de l'égale dignité personnelle de la femme et de l'homme, qui "dans le mariage se donnent dans un amour total qui, de ce fait même, est unique et exclusif" (exhortation apostolique Familiaris consortio FC 19). Aux personnes qui ont déjà accepté d'entrer dans la communauté des disciples du Christ, mais qui vivent dans des situations matrimoniales qui ne leur permettent pas de recevoir le sacrement du Baptême, l'Église doit porter une assistance spirituelle constante. Je vous encourage vivement à accueillir ces personnes avec une grande sollicitude pastorale et à demeurer attentifs à leurs besoins, pour leur permettre de progresser sur le difficile chemin de l'accueil intégral du message évangélique, dans la justice et la charité à l'égard de toutes les personnes concernées. Je souhaite que les fidèles prennent une vive conscience de la dignité du mariage chrétien et qu'ils reconnaissent son indissolubilité comme "fruit, signe et exigence de l'amour absolument fidèle que Dieu a pour l'homme et que le Seigneur Jésus manifeste à l'égard de son Église" (ibid., FC FC 20). Que les familles chrétiennes soient aux yeux de tous des modèles d'unité et d'amour partagé ! Que dans les difficultés elles ne se découragent pas, mais trouvent dans leur communion au Christ et dans l'entraide mutuelle au sein de l'Église la force de rester fidèles !



146 7. Pour que l'Évangile s'incarne pleinement dans votre terre, une véritable inculturation est nécessaire. Il est indispensable, en effet, de donner à tous la possibilité d'accueillir le Christ dans l'intégralité de son être et de sa culture, pour parvenir à l'union plénière avec Dieu. Aussi, je vous encourage dans les efforts que vous avez entrepris pour contribuer à transformer les authentiques valeurs de votre peuple en les intégrant dans le christianisme et à enraciner ainsi la foi chrétienne dans votre culture.

La mission de l'Église au milieu des nations appelle aussi l'établissement de relations fraternelles avec tous les hommes. Dans votre pays, les rapports avec les Musulmans et avec les adeptes de la Religion traditionnelle sont généralement bons. Je vous invite donc à poursuivre le dialogue de la vie qui est si nécessaire pour conserver un climat de concorde et de solidarité entre les différentes communautés et pour travailler ensemble à l'amélioration des conditions de vie des membres de la nation.

D'ailleurs, les nombreuses formes de pauvreté qui touchent les populations de votre région vous ont incités à développer des oeuvres sociales au service des personnes les plus défavorisées, sans distinction d'origine ou de religion. J'apporte mes vifs encouragements aux personnes qui, avec abnégation, travaillent à soulager les souffrances de leurs frères et de leurs soeurs ainsi qu'à celles qui contribuent à l'éducation des jeunes. Par leur engagement, l'Église entend être au milieu de tous le signe efficace de l'amour sans limites que Dieu porte aux hommes.



8. Chers frères dans l'Épiscopat, alors que se termine cette rencontre fraternelle, je voudrais vous engager à regarder vers l'avenir avec confiance, dans une adhésion renouvelée au Christ, qui manifeste pleinement l'homme à lui-même et lui dévoile sa très haute vocation (cf. Constitution pastorale Gaudium et spes
GS 22). J'invite particulièrement les jeunes Togolais à suivre le chemin que le Seigneur Jésus leur montre. Ils y trouveront lumière et force pour avancer sur les chemins de la vie et pour construire avec générosité la civilisation de l'amour où tous se reconnaîtront comme des frères appelés à une même destinée. Quelques mois nous séparent maintenant de l'ouverture du grand Jubilé de l'An 2000. Que ce temps de grâce soit pour l'Église qui est au Togo l'occasion d'un profond renouveau spirituel et d'une intense prise de conscience de sa responsabilité d'annoncer la Bonne Nouvelle du salut, particulièrement à travers un ardent témoignage de vie évangélique ! Je confie toutes vos communautés à la protection maternelle de la Vierge Marie, lui demandant de guider leurs pas à la rencontre de son Fils. De grand coeur, je vous donne la Bénédiction apostolique que j'étends aux prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux catéchistes et à tous les fidèles de vos diocèses.

Au Vatican, le 2 juillet 1999.




AUX PARTICIPANTES AUX CHAPITRE GÉNÉRAL DES ADORATRICES DU SANG DU CHRIST

Lundi 5 juillet 1999

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Chères Soeurs Adoratrices du Sang du Christ!



1. Je suis heureux de souhaiter à chacune de vous une cordiale bienvenue en vous remerciant de cette visite à travers laquelle, à l'occasion de votre Chapitre général, à 165 ans de la Fondation de votre Institut, vous avez voulu témoigner de votre fidélité au Successeur de Pierre. Je désire vous exprimer ma reconnaissance pour tout le bien que vous avez réalisé et que vous continuez à réaliser dans les diverses parties du monde au service de l'Evangile et surtout pour l'amour avec lequel vous accueillez dans votre vie de femmes consacrées les attentes et les nécessités des frères plus petits et plus pauvres.

L'Assemblée capitulaire est une occasion pour réfléchir sur la mission particulière que le Seigneur vous confie, afin que l'expérience mûrie par l'Institut au cours des années puisse constituer, au seuil d'un nouveau millénaire chrétien, les heureuses prémices d'un service renouvelé en vue de la diffusion de l'Evangile dans le monde.

Votre Congrégation naît de la foi intrépide et de l'ardeur missionnaire de deux grandes âmes qui, prenant modèle sur Celui qui a réalisé la réconciliation entre Dieu et l'homme «se faisant obéissant jusqu'à [...] la mort sur la croix» (
Ph 2,5-11), ont saisi dans la spiritualité du Sang du Christ la voie maîtresse pour conduire les frères à Dieu et susciter en eux une conscience plus intense de la consanguinité surnaturelle entre les hommes rachetés.

Face à l'affirmation de nouvelles doctrines et de coutumes qui bouleversaient la vie religieuse et morale de leurs contemporains, saint Gaspard del Bufalo et la bienheureuse Marie De Mattias voulurent témoigner à travers les paroles et les oeuvres qu'il n'y a de salut pour l'homme que dans Celui qui par amour, a donné son Sang. Cette certitude les rendit inlassables dans l'annonce de l'Evangile, dans l'éducation de la conscience au service des pauvres.

En particulier, votre Fondation, à laquelle les paroles et l'exemple de saint Gaspard ouvrirent des possibilités nouvelles et imprévues de consécration à Dieu, se sentit appelée à soutenir à travers les richesses du génie féminin l'annonce joyeuse de l'efficacité rédemptrice du Sang du Christ. Dans cette perspective, elle donna origine à une nouvelle Famille religieuse qui, dans le nom et dans le style de vie, reflétait le désir de salut universel, de réconciliation et de solidarité qui naît de la contemplation du Sang versé par le Rédempteur sur la Croix.

Ardente mystique et femme d'action passionnée, la bienheureuse Marie De Mattias, à travers son inlassable oeuvre d'éducation et d'évangélisation, ouvrit de nouvelles voies à la présence de la femme dans l'Eglise, en proposant des modèles originaux de service à l'Evangile.



2. Désirant être fidèles au charisme de votre Fondatrice, vous avez décidé de profiter du Chapitre général pour revoir le fondement de la spiritualité de votre Congrégation et de lire votre mission à la lumière du principe fécond hérité de celle-ci: le caractère sacré de toute personne rachetée par le Sang du Christ. Cela vous a conduit à considérer avec un regard de foi les nécessités et les problèmes qui ressortent des divers contextes difficiles dans lesquels vous êtes présentes, voyant en eux de providentiels «signes des temps» à travers lesquels le Seigneur vous appelle à une fidélité renouvelée au charisme originel dans les nouvelles conditions de vie de l'Eglise et du monde.

Vous étudiez le présent pour projeter l'avenir, mais en demeurant toujours bien conscientes de votre passé, pour lequel vous rendez grâce au Seigneur. Des générations entières de vos consoeurs ont annoncé et témoigné avec courage de l'amour de Dieu pour les pauvres, les opprimés, les exclus; elles ont placé tout leur engagement dans la réalisation de l'unité dans la diversité, à travers l'écoute et le dialogue; elles ont cultivé dans le recueillement la contemplation qui fait de la vie personnelle et communautaire une participation joyeuse à la Croix du Christ à travers laquelle s'édifie l'Eglise, Corps mystique du Christ.



3. L'exigence de refléter de façon toujours plus vive, au seuil du troisième millénaire, la charité divine, dont le Sang du Christ est le signe, l'expression, la mesure et le gage, vous appelle à faire de vos communautés des signes vivants de l'amour fidèle de Dieu. Cela exige que chacune de vous, dans les rapports quotidiens, se fasse guider par un regard de tendresse surnaturel envers chaque consoeur et envers ceux qu'elle rencontre sur son chemin. Seule une attitude contemplative, alimentée par la méditation de la Parole de Dieu et par la prière constante, pourra vous permettre une telle approche dans le milieu humain qui vous entoure et vous conduira à accueillir les diversités personnelles et culturelles comme une possibilité d'enrichissement du charisme originel, en vue d'une action apostolique toujours plus incisive dans le monde d'aujourd’hui. Dans cette optique, les aspects organisatifs et quotidiens eux-mêmes de la vie religieuse se révéleront comme autant d'occasions pour renouveler la fidélité personnelle et communautaire au Christ. Il sera ainsi possible de constituer des communautés multiculturelles, enracinées dans le charisme de la Congrégation et, sur les traces de la Fondatrice, riches de choix originaux et généreux.

Dans le contexte historique actuel, marqué par de préoccupantes divisions et inégalités, il est particulièrement important que chacune de vos Communautés promeuve une action réconciliatrice et solidaire, se plaçant en défense de la vie, partout où elle fait l'objet de menaces et d'atteintes et apportant l'espérance là où les déchirures sont les plus profondes, où les droits de la personne sont foulés, où s'élève le cri silencieux des derniers.



4. Il sera également nécessaire d'apporter une attention particulière à la formation initiale et permanente des religieuses, afin de les préparer de façon adéquate à répondre aux défis de notre temps, en rendant actuel et fécond le patrimoine spirituel de l'Institut.

La conscience de la vocation commune des Adoratrices du Sang du Christ vous conduira à vivre l'obéissance évangélique au sein de relations interpersonnelles authentiques et fraternelles, en recherchant constamment la volonté de Dieu. Le fruit de cet engagement sera la croissance dans la coresponsabilité et dans la participation à la vie communautaire, ce qui vous permettra de servir toujours mieux les exigences du Royaume du Christ.

Ce contexte rendra en outre possible et féconde la participation des laïcs, outre dans les divers services, également dans la spiritualité de la congrégation, en faisant en sorte que leur collaboration se transforme en une participation active à l'unique mission.



5. Très chères Soeurs, considérez votre vocation d'Adoratrices du Sang du Christ comme un don précieux pour toute l'Eglise et engagez-vous à vivre en harmonie constante avec sa mission évangélisatrice. Considérez-vous comme des instruments privilégiés de l'Alliance réalisée dans le Sang précieux du Christ et témoignez avec une ferveur toujours renouvelée des grandes valeurs de la réconciliation et de la paix, partout où la Providence vous appelle à oeuvrer et, en particulier, parmi les jeunes et les personnes éloignées. Que vos communautés soient une annonce concrète de la civilisation de l'amour, qui trouve dans le Christ crucifié et ressuscité son fondement et son espérance.

J'adresse une pensée particulière aux soeurs âgées et malades, qui constituent un soutien spirituel irremplaçable pour la congrégation: très chères amies, considérez votre condition comme une aide précieuse pour l'apostolat de vos consoeurs et pour la vie de l'Eglise.

Je pense également avec reconnaissance et affection aux Soeurs engagées sur les frontières de la mission «ad gentes» et dans les lieux où règnent la guerre, l'exclusion et la violence. Je désire leur faire parvenir une parole particulière de reconnaissance qui soit pour elles un réconfort dans les difficultés et un encouragement à persévérer au milieu de celles-ci et des épreuves, interprétées dans la foi comme un prolongement de la Passion du Christ.



6. Que l'amour et la dévotion au Sang du Christ, qui ont illuminé et transformé la vie de la bienheureuse Maria De Mattias constituent pour chacune de vous, chères soeurs, une référence constante dans la prière et dans l'action pour contribuer de façon efficace à la mission de l'Eglise, dont l'unique but est d'attirer au Christ les hommes et les femmes de tout temps.

Je confie votre congrégation à la protection céleste de la Sainte Vierge. Qu'elle rende fructueux les travaux du Chapitre général et vous transforme à travers sa tendresse maternelle en femmes sages, fidèles et généreuses.

Avec ces souhaits, je donne volontiers ma Bénédiction apostolique à la Mère générale, aux capitulaires, à toutes les consoeurs, ainsi qu'aux multiples initiatives dans lesquelles s'exprime votre ardeur d'Adoratrices du Sang du Christ.




AUX PARTICIPANTES AU CHAPITRE GÉNÉRAL DES SOEURS MISSIONNAIRES DE LA "CONSOLATA"

Lundi 5 juillet 1999

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Très chères Soeurs Missionnaires de la «Consolata»!



1. Je suis heureux de m'adresser à vous qui, provenant de divers pays d'Afrique, d'Amérique et d'Europe, dans lesquels votre Institut est présent et accomplit sa généreuse oeuvre missionnaire, vous êtes réunis pour participer au Chapitre général et conduire une réflexion communautaire approfondie sur le thème stimulant: «Choix charismatiques urgents aujourd'hui pour la vitalité de notre mission inculturée "ad gentes" dans un moment de difficultés».

Je vous salue avec affection, chères Capitulaires, en adressant une pensée et un voeu particuliers aux Soeurs auxquelles est confiée le service d'autorité pour le bien de la Congrégation. J'embrasse également en esprit toutes vos Consoeurs présentes dans le monde, ainsi que les personnes auxquelles s'adressent leur précieuse activité évangélisatrice, unie à un témoignage généreux de solidarité envers les frères les plus pauvres et laissés pour compte.



2. La mission «ad gentes» exprime un élément constitutif de la nature de l'Eglise. En regardant le Christ «envoyé» par le Père pour le salut de l'humanité (cf. Tertio millennio adveniente
TMA 1), l'Eglise ressent l'urgence de poursuivre tout au long de l'histoire la mission salvifique, apportant la Bonne Nouvelle à tous les peuples. Les personnes consacrées ont apporté par le passé un témoignage lumineux de cet élan missionnaire, qui appartient à la nature intime de la vie chrétienne. Aujourd'hui, leur contribution apparaît plus nécessaire que jamais: en effet, la foule de ceux qui attendent encore de connaître le Christ est infinie. C'est ce que j'ai souligné dans l'Exhortation apostolique post-synodale Vita consecrata: «Aujourd'hui encore ce devoir continue à s'imposer avec urgence aux Instituts de vie consacrée et aux Sociétés de vie apostolique; pour l'annonce de l'Evangile du Christ, on attend d'eux le plus grand engagement possible» (VC 78).

C'est précisément cet élan missionnaire qui resplendit dans la vie et dans l'activité du bienheureux Giuseppe Allamano qui, du Sanctuaire de la «Consolata», voulut insuffler à son zèle pour le salut des frères, un souffle universel. Dans ce but, il fonda à l'aube de ce siècle deux Instituts religieux, les Missionnaires et les Missionnaires de la «Consolata», imprimant dans leur charisme spécifique l'engagement de l'évangélisation «ad gentes».



3. Au seuil du troisième Millénaire, le mandat d'annoncer à tous le Christ, unique Sauveur du monde, se repropose avec une urgence renouvelée. Pour cela, chères Soeurs, je vous encourage à vivre avec élan et générosité votre vocation missionnaire, en sachant lui imprimer les formes adaptées à notre temps. Dans cet effort de fidélité et de renouveau, laissez-vous guider par l'exemple de votre bienheureux Fondateur, par la solide tradition missionnaire de la Congrégation et par les lignes de programme qui ressortent de vos travaux capitulaires.

149 Je vous exhorte à adopter toujours plus le style de la nouvelle évangélisation, en suivant les indications que j'ai données dans l'Encyclique Redemptoris missio.Cela vous permettra de vous sentir en pleine communion avec toute l'Eglise.

Soyez d'authentiques missionnaires à travers un témoignage convaincant de vie consacrée personnelle et communautaire, à travers une présence humble et respectueuse auprès des personnes les plus pauvres et des groupes sociaux minoritaires, avec une attention particulière à la famille, à la femme et aux jeunes. Proclamez de façon ouverte et courageuse l'amour inconditionnel que Dieu le Père éprouve pour chaque personne, appelée au salut à travers la foi en Jésus-Christ. Offrez un exemple généreux de solidarité, en partageant la vie et le chemin des personnes et des peuples dans les situations concrètes dans lesquelles elles se trouvent, dans un esprit de dialogue attentif aux exigences de l'inculturation. Unissez à l'annonce de l'Evangile l'engagement en vue d'une authentique promotion humaine et de la libération intégrale des personnes de toute sorte de violence et d'oppression, qu'elle soit physique ou morale.



4. En suivant votre charisme spécifique, soyez une présence de réconfort, d'espérance et de paix. Dans cette perspective, je me félicite de votre choix courageux de solidarité à l'égard de populations éprouvées de diverses façons, auprès desquelles vous demeurez, affrontant souvent des situations d'insécurité et de risque. La présence des soeurs missionnaires de la «Consolata» dans les régions déchirées par la guerre civile ou envahies par les intégrismes intolérants, où elles se font «la voix des sans-voix», constitue un témoignage clair d'une vie entièrement donnée au service de Dieu et des frères.

Dans le Chapitre actuel, vous entendez ratifier l'engagement d'étendre votre zèle missionnaire à de nouveaux milieux, en particulier sur le continent asiatique, pour y apporter la semence de l'annonce évangélique. Il s'agit d'un choix louable, qui exprime le désir de tout l'Institut d'entrer dans le troisième millénaire intérieurement renouvelé, renforcé dans la conscience du charisme des origines et prêt à affronter les nouveaux défis de la mission dans l'«aujourd'hui» de l'Eglise et du monde. Le Pape est avec vous et vous encourage!

Je confie les réflexions et les engagements nés de l'Assemblée capitulaire à l'intercession maternelle de Marie, à laquelle votre Institut est lié de façon particulière et que vous invoquez sous le beau titre de «Consolata».

Que la protection céleste du bienheureux Fondateur vous assiste, afin que vous soyez des dispensateurs de réconfort et d'espérance, partout où la Providence vous appelle à oeuvrer pour le Royaume de Dieu.

Que vous accompagne également ma Bénédiction, que je donne avec affection à vous toutes et à vos communautés présentes dans le monde.




AUX SOEURS SERVANTES DE MARIE IMMACULÉE DE RITE BYZANTIN-UKRAINIEN

Mardi 6 juillet 1999

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Très chères soeurs Servantes de Marie Immaculée!



1. Je suis très heureux de vous accueillir, à l'occasion de votre Chapitre général. J'adresse à chacune de vous mon salut cordial, que j'étends à toutes vos Consoeurs. Cette rencontre, bien que brève, me permet de vous manifester ma proximité spirituelle en invoquant avec vous la sagesse divine, afin qu'elle illumine votre discernement et vos intentions au cours de l'Assemblée capitulaire. Celle-ci entend concentrer son attention sur le thème de la formation, pour en préciser les normes en référence aux caractéristiques de votre Congrégation, née il y a un peu plus d'un siècle en Ukraine, et qui est la première Congrégation de vie active dans le rite byzantin-ukrainien.



2. En ce qui concerne l'engagement fondamental de la formation, je suis heureux de rappeler que celle-ci est appelée à collaborer à l'action de Dieu le Père, qui, à travers l'Esprit Saint, modèle chez les personnes la physionomie du Fils unique. La délicatesse de ce devoir exige avant tout que soient choisis des formateurs adaptés et experts, capables de conjuguer en un équilibre harmonieux la sagesse spirituelle et celle humaine, ainsi que d'assurer la pleine harmonie avec le chemin de toute l'Eglise.

La formation possède une dimension communautaire intrinsèque: dans la communauté l'on apprend à se réjouir et à travailler ensemble, à accepter les autres avec leurs particularités et leurs limites, à partager les dons pour le bien de tous. L'on apprend également à affronter et à analyser les expériences apostoliques, en en tirant de précieuses indications sur les comportements personnels.



3. Chaque institut est invité à élaborer un projet de formation, inspiré par le charisme originel, qui présente sous une forme claire et dynamique le chemin à suivre pour assimiler pleinement sa propre spiritualité. Ce projet doit tenir compte du fait que le processus de formation connaît une phase initiale très intense, mais ne se limite pas à elle. La formation initiale doit donc s'unir à la formation permanente, afin d'accompagner chaque personne consacrée grâce à un programme qui s'étend à toute l'existence. Aucune phase de la vie ne peut se considérer si sûre et fervente au point d'exclure l'opportunité d'attentions spécifiques pour garantir la persévérance dans la fidélité, de même qu'il n'est pas d'âge où la maturation de la personne est complète.

Vous avez derrière vous une tradition glorieuse de fidélité au Christ et à l'Eglise, ayant subi des souffrances de tout genre au cours des longues années d'oppression sous le régime communiste. En regardant les exemples des Consoeurs qui ont su affronter avec courage la dure période des «catacombes», vous ressentez toute la fierté de maintenir haut le flambeau de votre idéal de dévouement total à Dieu dans le service quotidien aux frères. La Congrégation des Soeurs Servantes de Marie Immaculée, en effet, est la première de vie active dans le rite byzantin-ukrainien et possède comme engagement originel personnel celui d'éduquer le coeur du peuple, allant là où le besoin se fait le plus ressentir.

Dans l'engagement de renouveau du programme de formation, vous ne manquerez pas de tenir compte de votre charisme originel tout en cherchant à l'adapter aux exigences du présent, afin de pouvoir agir de façon incisive dans le monde d'aujourd'hui. Que votre préoccupation soit de demeurer fidèles à l'identité orientale qui vous est propre, en prenant soin de la mise à jour des Constitutions à la lumière du Code des Canons des Eglises orientales, que j'ai promulgué en 1990. Que vous encourage dans ce travail la perspective du grand Jubilé, auquel vous désirez vous préparer activement, afin que toutes les religieuses de la Congrégation puissent en tirer des avantages spirituels.



4. Très chères amies, vous portez le nom de Soeurs Servantes de Marie Immaculée. En qui, donc, sinon en Marie Immaculée, pouvez-vous trouver le modèle parfait de vie consacrée, en saisissant également sa dimension dynamique connaturelle? Oui, Marie est immaculée dès le premier instant de son existence et, dans le même temps, Elle est devenue la «pleine de grâce» en vertu des mérites du Sacrifice rédempteur du Fils, sacrifice auquel Elle s'est associée corps et âme, en suivant Jésus dans toute sa mission, jusqu'à la passion et à l'oblation extrême sur la croix.

L'existence terrestre de Marie est un chemin de foi, d'espérance et d'amour, un chemin exemplaire de sainteté, qui a connu l'élan du «fiat», la joie du «magnificat», le recueillement contemplatif dans les activités quotidiennes, la persévérance dans la nuit profonde de la Passion, jusqu'au partage de la joie du Fils divin à l'aube radieuse de la Résurrection.

Chères Soeurs, en vivant, donc, dans une intimité quotidienne avec la Très Sainte Vierge Marie, sachez trouver dans le mystère de son Immaculée Conception, une source inépuisable de conversion, de maturation, de sanctification. Une source qui, en coulant continuellement en vous, vous pousse avec l'urgence de l'amour, à annoncer et témoigner du Christ à tous, là où la Providence vous appelle.

Tel est mon souhait pour chacune de vous et pour tout l'Institut, que j'accompagne de tout coeur d'une Bénédiction apostolique particulière.

Août 1999


Discours 1999 144