Homélies St Jean-Paul II 132


14 juin 1979, Messe pour les enfants nouveaux communiants

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Au début du mois dé mai le Saint-Père avait annoncé qu’à l’occasion de la Fête-Dieu, journée dédiée à l’Eucharistie, il célébrerait une messe pour les jeunes enfants qui en cette période s’approcheraient pour la première fois de la Sainte Table. Le 14 juin plus de 10.000 petits communiants étaient au rendez-vous à Saint-Pierre accompagnés de leurs parents. Durant le Saint Sacrifice, Jean Paul II a prononcé une homélie.

Très chers enfants,

Grande est ma joie à vous voir ici, si nombreux et si fervents, pour célébrer avec le Pape la fête liturgique du Corps et du Sang du Seigneur !

Je vous salue tous et chacun en particulier avec la plus profonde tendresse et je vous remercie de tout cœur pour être venus renouveler votre première communion avec le Pape et pour le Pape ; de même que je remercie les curés de vos paroisses, toujours dynamiques et zélés, et vos parents et familles qui vous ont préparés et accompagnés.

J'ai encore devant les yeux le spectacle impressionnait des innombrables multitudes rencontrées durant mon voyage en Pologne ; et voici maintenant le spectacle des petits enfants de Rome, voici votre merveilleuse innocence, vos yeux étincelants, vos sourires éclatants !

Vous êtes les favoris de Jésus : "Laissez venir à moi les petits enfants — disait le Divin Maître — ne les empêchez pas !" (
Lc 18,16). Vous êtes également mes préférés ! Chers garçonnets et fillettes ! Vous vous êtes préparés à votre première

Communion avec tant de sérieux et tant de zèle et votre première rencontre avec Jésus a été un moment d'intense émotion et de profond bonheur. Sou venez-vous toujours de ce jour béni de la première communion ! Rappelez-vous toujours votre ferveur et votre joie très pure !

Et aujourd'hui vous êtes venus ici pour renouveler votre rencontre avec Jésus. Vous ne pourriez me faire don plus beau, plus précieux !

De nombreux enfants avaient exprimé le désir de recevoir la première communion de la main du Pape. C'eut été, certes, une grande consolation pastorale pour moi de donner pour la première fois Jésus aux garçonnets et fillettes de Rome. Mais ce n'était pas possible, puis il est préférable que chaque enfant reçoive la première communion dans sa propre paroisse, de la main de son propre curé. Mais il m'est au moins possible aujourd'hui, dans ce vaste et magnifique cénacle, de donner la sainte communion à un groupe d'enfants qui vous représentent, englobant tous les autres dans mon amour. Et ceci est pour moi et pour vous une joie immense que vous n'oublierez jamais plus ! En même temps je veux vous laisser quelques pensées qui pourront vous servir pour maintenir votre foi toujours limpide, votre amour pour Jésus-Eucharistie toujours fervent, votre vie toujours innocente.

1. Jésus est présent parmi nous. Voilà la première pensée. Jésus est ressuscité, il est monté au ciel ; mais il a voulu rester avec nous et pour nous, en tous lieux de la terre. L'Eucharistie est vraiment une invention divine !

Avant de mourir sur la Croix, offrant sa vie au Père dans un sacrifice d'adoration et d'amour, Jésus institua l'Eucharistie, transformant le pain et le vin en sa propre personne et donnant aux apôtres et à leurs successeurs, les évêques et les prêtres, le pouvoir de le rendre présent dans la Sainte Messe.

Jésus a donc voulu rester avec nous pour toujours ! Jésus a voulu s'unir intimement à nous dans la sainte communion afin de nous démontrer, directement et personnellement, son amour. Chacun peut se dire "Jésus m'aime ! J'aime Jésus".

Rappelant le jour de sa première communion, sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus a écrit : "Oh, comme il fut doux le premier baiser que Jésus a donné à mon âme...! C'était un baiser d'amour, je me sentais aimée et je dis à mon tour : 'Je vous aime... je me donne à vous pour toujours' ...Thérèse avait disparu comme la goutte d'eau qui se perd au sein de l'océan. Restait seulement Jésus ; le maître, le Roi" (Thérèse de Lisieux, Histoire d'une âme, chapitre IV).

Et elle se mit à pleurer des larmes de joie et de consolation, au grand étonnement de ses compagnes.

Jésus est présent dans l'Eucharistie pour être abordé, aimé, reçu, consolé. Partout où il y a le prêtre, là Jésus est présent, parce que la mission et la grandeur du sacerdoce est précisément la célébration de la Sainte Messe.

Jésus est présent dans les grandes villes et dans les petits pays, dans les églises de montagne et dans les lointaines paillotes d'Afrique et d'Asie, dans les hôpitaux et dans les prisons ; même dans les camps de concentration était présent Jésus-Eucharistie !

Chers enfants ! Recevez souvent Jésus ! Demeurez en lui ; laissez-vous transformer par lui !

2. Jésus est votre plus grand ami. Voilà la deuxième pensée. Ne l'oubliez jamais ! Jésus veut être le plus intime de nos amis, notre compagnon de route.

Vous avez certainement beaucoup d'amis ; mais vous ne pouvez pas être toujours avec eux et ceux-ci ne peuvent pas toujours vous aider, vous écouter, vous consoler.

Jésus, par contre, est l'ami qui ne vous abandonne jamais ; Jésus vous connaît un à un, personnellement; il connaît votre nom, il vous suit, il vous accompagne, il marche avec vous chaque jour ; il prend part à vos joies et vous console dans les moments de tristesse, de douleur. Jésus est l'ami dont on ne peut plus se passer quand on l'a rencontré et que l'on a compris qu'il nous aime et demande notre amour.

Avec Lui, vous pouvez parler; vous pouvez vous confier à Lui, vous adresser à Lui avec affection et confiance. Jésus est mort sur la Croix directement par amour pour nous ! Faites un pacte d'amitié avec Jésus et ne le rompez jamais ! Dans toutes les situations de vote vie, tournez-vous vers l'Ami Divin, présent en nous avec sa "Grâce" présent avec nous et en nous dans l'Eucharistie.

Et soyez aussi les messagers et les témoins joyeux de l'ami Jésus dans vos familles, parmi vos compagnons, aux lieux de vos jeux et de vos vacances, dans cette société moderne souvent si triste et insatisfaite.

3. Jésus nous attend !

Voilà la dernière pensée.

La vie, longue ou brève, est un voyage vers le Paradis ; c'est là qu'est notre patrie ; c'est là qu'est notre vraie demeure ; là que nous avons rendez-vous !

Jésus nous attend au Paradis ! N'oubliez jamais cette suprême et réconfortante vérité. Et la Communion, qu'est-elle sinon une anticipation du Paradis ? En effet, dans l'Eucharistie, c'est le même Jésus qui nous attend et que nous rencontrerons un jour ouvertement dans les cieux.

Recevez souvent Jésus pour ne jamais oublier le Paradis, pour être toujours en marche vers la maison du Père céleste et avoir déjà un avant-goût du Paradis !

C'est ce qu'avait compris Domenico Savio qui eut la permission de recevoir la première communion à l'âge de sept ans et qui ce jour-là mit ses intentions par écrit : "Premièrement, je me confesserai très souvent et ferai la communion toutes les fois que mon confesseur m'en donnera la permission. Deuxièmement je veux sanctifier les jours de fête. Troisièmement : mes amis seront Jésus et Marie. Quatrièmement : la mort mais pas le péché".

Ce que le petit Domenico écrivait il y a bien longtemps (en 1849) a gardé toute sa valeur aujourd'hui et la gardera toujours.

Très chers petits, je conclus en vous disant, garçons et filles, de demeurer dignes de Jésus que vous recevez ! Soyez innocents et généreux ! Efforcez-vous de rendre la vie belle à tous avec l'obéissance, avec la gentillesse, avec la bonne éducation ! Le secret de la joie est la bonté !

Quant à vous, chers, parents et famille, je vous dis avec anxiété et confiance : aimez vos enfants, respectez-les, édifiez-les ! Soyez dignes de leur innocence et du mystère enclos dans leur âme créée... directement par Dieu ! Ils ont besoin d' amour, de délicatesse, de bon exemple, de maturité. Ne les négligez pas ! Ne les trahissez pas !

Je vous confie tous à la Très Sainte Vierge Marie, notre Mère du ciel, Etoile de la mer de notre vie : priez-la tous les jours, vous enfants ! Donnez-lui, à la Très Sainte Vierge, la main pour qu'elle vous conduise à recevoir saintement Jésus.

Et j'adresse également une pensée d'affection et de solidarité à tous les enfants souffrants, à tous les petits qui ne peuvent pas recevoir Jésus parce qu'ils ne le connaissent pas, à tous les parents qui ont été douloureusement privés de leurs enfants, ou amèrement déçus dans leurs expectatives.

Dans votre rencontre avec Jésus, priez pour tous, invoquez grâces et assistance pour tous !

Et priez aussi pour moi, vous qui êtes mes préférés.



17 juin 1979, SOLENNITÉ DU CORPS ET DU SANG DU CHRIST

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Basilique Saint-Jean-de-Latran
Dimanche 17 juin 1979

A l’occasion de la Fête-Dieu, le Saint-Père reprenant une ancienne tradition a parcouru processionnellement la longue avenue Merulana — la via Papale de jadis — qui mène de la basilique Saint-Jean de Latran à la basilique Sainte-Marie-Majeure, portant d’un bout à l’autre l’ostensoir contenant la Sainte Eucharistie.



Très chers frères et soeurs !

1. Aujourd'hui, que mes paroles soient brèves. Que nous parle, par contre, la fête même,l'Eucharistie même dans la plénitude de son expression liturgique.

Nous voici sur le parvis de la basilique de Saint-Jean de Latran, de la cathédrale de l'Evêque de Rome, pour célébrer le Très-Saint Sacrifice ; à la fin nous irons en procession à la Basilique Sainte-Marie-Majeure sur l'Esquilin.

Nous désirons, de cette manière réunir en un seul acte liturgique le culte du sacrifice et le culte de l'adoration, comme nous l'imposent la fête solennelle d'aujourd'hui et la tradition séculaire de l'Eglise.

2. Nous désirons annoncer Urbi et Orbi l'Eucharistie, c'est-à-dire la gratitude. Ce sacrement est le signe de la gratitude de toute la création pour la visite du Créateur. Ce sacrement est le signe de la gratitude de l'homme parce que le Créateur est devenu créature ; parce que Dieu est devenu Homme, qu'il a pris son corps humain de la Vierge Marie Immaculée, pour nous élever de nouveau au Père, nous les hommes ; pour faire de nous les fils de Dieu.

Nous désirons donc annoncer et chanter de vive voix et encore plus confesser du fond de notre coeur humain, notre gratitude pour le sacrement du Corps et du Sang de Dieu avec lequel il nourrit nos âmes et renouvelle nos coeurs humains.

3. Puis, nous désirons annoncer Urbi et Orbi l'Eucharistie comme signe de l'Alliance que, de manière irréversible, Dieu a conclu avec 1'homme au moyen du Corps et du Sang de son Fils.

Ce Corps a été exposé à la passion et à la mort. Il a partagé le destin terrestre de l'homme après le péché originel. Ce Sang a été versé pour sceller la nouvelle Alliance de Dieu avec l'homme : l'alliance de grâce et d'amour, l'alliance de sainteté et de vérité. Nous prenons part à cette Alliance plus encore que le peuple de l'ancienne Loi. Nous voulons donc aujourd'hui en rendre témoignage devant tous les hommes.

En effet, Dieu s'est fait homme pour tous les hommes; et c'est pour tous les hommes que le Christ est mort et ressuscité. Tous les hommes, enfin, ont été appelés au banquet de l'éternité. Et ici, sur la terre, le Seigneur Dieu invite chacun de nous en disant: "Prenez-et mangez... Prenez et buvez ! ... afin de ne pas vous arrêter en chemin !".

4. Et enfin, nous désirons annoncer Urbi et Orbi l'Eucharistie comme signe de l'adoration due à Dieu seul. Comme il est admirable, notre Dieu ! Celui qu'aucune intelligence n'est capable d'embrasser et d'adorer à la mesure de Sa sainteté! Celui qu'aucun coeur n'est capable d'aimer à la mesure de son amour !

Comme il est admirable quand il veut que nous l'embrassions, l'aimions et l'adorions selon la dimension humaine de notre foi sous les espèces du pain et du vin !

5. Accepte, ô Christ-Eucharistie cet hommage d'adoration et d'amour que l'Eglise te rend par le ministère de l'Evêque de Rome, Successeur de Pierre. Sois adoré par la mémoire de tous mes prédécesseurs qui t'ont adoré sous les yeux de la ville et du monde.

A la fin de la liturgie de ce jour que Te reçoive, porté de nos mains sur le parvis de son temple, ta Très Sainte Mère qui, à Toi Fils Eternel du Père, a donné le corps humain :

"Ave verum corpus / natum ex Maria Virgine. / Vere passum immolatum / in cruce pro homine ; / esto nobis praegustatum / mortis in examine !" - "Salut ô vrai corps né de la Vierge Marie. Toi qui as vraiment souffert, immolé sur la croix pour l'humanité ; puissions-nous te savourer d'avance quand viendra l'épreuve de la mort !". Amen.



20 juin 1979, CONCÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE avec le Symposium des évêques d'Europe

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Mercredi 20 juin 1979



Chers frères

1. Je vous dis la joie cordiale et sincère que me donne votre rencontre, surtout parce qu’elle se situe dans le cadre du Symposium sur « les jeunes et la foi ».

Je me souviens du Symposium précédent, en 1975, auquel j’ai eu le bonheur de participer activement puisque j’en étais l’un des rapporteurs. Je voudrais en même temps dire ma joie de me trouver aujourd’hui avec vous, en concélébrant la sainte Eucharistie. J’espère que dans cette communion, où s’exprime de la façon la plus complète et la plus profonde notre unité sacerdotale et épiscopale, le Christ, prince des Pasteurs, nous donnera un surcroît de lumière et de force de l’Esprit Saint. Unique et éternel prêtre, il est en effet également unique source et fondement de cette unité que nous manifestons et vivons dans la concélébration eucharistique.

Nous avons tant besoin de cette lumière et de cette force de l’Esprit du Christ pour toutes les tâches qui découlent de notre mission — par exemple le monde des jeunes, qui constitue le thème de ce Symposium — mais non pas d’une façon exclusive. L’ensemble de ces tâches, toute notre mission, exige une grâce particulière pour que nous sachions répondre exactement et pleinement aux signes des temps qui constituent le « kairos » de salut pour les Européens et le continent que nous représentons et auquel nous « sommes envoyés » comme successeurs des apôtres, ces hérauts de l’Évangile d’où part l’histoire de l’Europe après le Christ.

2. Votre rencontre — et donc aussi notre concélébration eucharistique d’aujourd’hui — s’enracinent dans cette heureuse pensée de Vatican II qui rappelle aux évêques de toute l’Églisele caractère collégial de leur ministère. C’est justement de cette pensée, exprimée avec la plus grande précision doctrinale dans la Constitution dogmatique « Lumen gentium », que tirent leur origine une série d’institutions et d’initiatives pastorales qui, dès maintenant, témoignent de la nouvelle vitalité de l’Église et certainement constitueront dans l’avenir le fondement du renouveau ultérieur de sa mission de salut, dans la variété des dimensions et des sphères d’action.

À vrai dire, j’ai encore dans les yeux la merveilleuse assemblée des évêques de l’Église d’Amérique latine, que j’ai eu la joie d’inaugurer le 28 janvier dernier à Puebla, au Mexique.Cette assemblée était le fruit d’un collaboration systématique de toutes les conférences épiscopales de cet immense continent où habite actuellement près de la moitié des catholiques du monde entier. Ce sont des épiscopats d’une importance numérique variable. Certains sont très nombreux, surtout celui du Brésil qui, à lui seul, compte plus de 500 évêques. La collaboration méthodique de toutes les Conférences épiscopales d’Amérique latine s’appuie sur le Conseil communément appelé « CELAM », lequel permet à ces Conférences d’étudier ensemble les tâches qui se présentent aux pasteurs de l’Église dans ce grand continent, si important pour l’avenir du monde.

Déjà le thème même de la Conférence qui s’est tenue à Puebla du 27 janvier au 13 février 1979 l’atteste très nettement. Ce thème — « L’évangélisation de l’Amérique latine aujourd’hui et demain » — nous permet déjà de voir facilement combien Puebla a bénéficié du thème providentiel — l’Évangélisation — de la session ordinaire du Synode des évêques qui s’est tenue en 1974.

135 3. En rapport avec ce thème fondamental, chaque évêque du monde, en tant que pasteur de son Eglise particulière, de son diocèse, pouvait et devait considérer son Église du point de vue de son caractère actuel. Et comme l’évangélisation exprime la mission de l’Église, ce regard doit se rattacher au passé et ouvrir la perspective de l’avenir : hier, aujourd’hui et demain. Et ce n’est pas seulement chaque évêque dans son diocèse, mais aussi les différentes communautés d’évêques et surtout les Conférences épiscopales nationales qui peuvent et doivent faire de ce « thème clef » du Synode de 1974 un objet de réflexion sur la société à l’égard de laquelle elles ont des responsabilités pastorales d’évangélisation. Le thème proposé par Paul VI au Synode il y a 5 ans offre de multiples possibilités d’application sur différents plans.

En même temps, ce thème conduit à une réflexion fondamentale sur l’application du Concile et la mise en oeuvre de sa doctrine. La réalisation fondamentale de Vatican II n’est rien d’autre qu’une nouvelle conscience de la mission divine confiée à l’Église « parmi toutes les nations » et « jusqu’à la fin des temps ». La réalisation fondamentale de Vatican II n’est rien d’autre que le nouveau sens de la responsabilité pour l’Évangile pour la Parole, pour les sacrements, pour l’oeuvre de salut, que tout le Peuple de Dieu doit assumer de la façon qui lui est conforme. La tâche des évêques est de diriger ce grand processus. C’est en cela que réside leur dignité et leur responsabilité pastorale.

4. Il est très important et fondamental de réfléchir sur le problème de l’évangélisation ducontinent européen. Je considère ce thème comme complexe, extrêmement complexe. Comme pour tout autre contexte d’ailleurs, il faut faire émerger de l’analyse de la situation présente la vision de l’avenir, étant donné que cette situation est la conséquence du passé, d’un passé aussi ancien que l’Église, que le christianisme tout entier. Cette analyse devra englober chaque pays, chaque nation de notre continent. Mais elle devra aussi tenir compte de chacune de leurs situations, en ayant devant les yeux les grands courants de l’histoire qui, spécialement pendant le second millénaire, ont divisé l’Église et le christianisme sur le continent européen.

Je pense qu’actuellement, à l’heure de l’oecuménisme, le moment est venu de regarder ces questions à la lumière des critères élaborés par le Concile, dans un esprit de collaboration fraternelle avec les représentants des Églises et communautés avec lesquelles nous ne sommes pas en pleine unité. Et en même temps il les fait regarder en esprit de responsabilité pour l’Évangile. Et cela, non seulement sur notre continent, mais au-delà. L’Europe est encore et toujours le berceau de la pensée créatrice, des initiatives pastorales, des structures d’organisation, dont l’influence dépasse ses frontières.

En même temps l’Europe, avec son grandiose passé missionnaire, s’interroge sur les divers points de son actuelle « géographie ecclésiale » et elle se demande si elle ne va pas devenir un continent de mission.

Pour l’Europe se pose donc le problème de l’« autoévangélisation » selon l’expression de l’Exhortation apostolique « Evangelii nuntiandi ». L’Église doit toujours s’évangéliser. L’Europe catholique et chrétienne a besoin de cette évangélisation. Elle doit s’évangéliser elle-même. Peut-être nulle part ailleurs n’apparaissent aussi clairement que dans notre continent les courants de la négation de la religion, de la « mort de Dieu » de la sécularisation programmée, de l’athéisme militant organisé. Le Synode de 1974 nous a fourni beaucoup de matériel sur ce point.

Il est possible d’examiner tout cela selon des critères historiques et sociaux. Mais le Concile nous a indiqué un autre critère, celui des « signes des temps », c’est-à-dire d’un défi spécial de la Providence, de Celui qui est « le maître de la moisson » (
Lc 10,2).

L’an prochain, nous célébrerons le XVe centenaire de la naissance de St Benoît, que Paul VI a proclamé patron de l’Europe. Peut-être cela pourrait-il être l’occasion de mener cette réflexion approfondie sur le problème de « l’hier et l’aujourd’hui » de l’évangélisation de notre continent, ou plutôt sur ce défi de la Providence qui, dans son éventail historique riche et varié, constitue l’ « aujourd’hui » chrétien de l’Europe quant à sa responsabilité pour l’Évangile ; et aussi dans la perspective de l’avenir.

Notre mission est toujours et partout tournée vers l’avenir : aussi bien l’avenir eschatologique, l’avenir dont nous avons la certitude dans la foi, que l’avenir dont nous pouvons humainement être incertains. Nous pensons aux premiers messagers de la bonne nouvelle qui sont venus sur le continent européen, comme Pierre et Paul. Nous pensons à ceux qui, tout au long de l’histoire de l’Europe, ont aplani les voies menant vers de nouveaux peuples, comme Augustin ou Boniface, ou les frères de Thessalonique : Cyrille et Méthode. Eux non plus n’étaient pas certains de l’avenir humain de leur mission et même de leur propre sort. Leur foi et leur espérance, l’amour du Christ qui les « étreignait » (cf. II Co 5,14) furent plus forts que cette incertitude humaine. Dans cette foi, cette espérance et cette charité s’est manifestée l’action de l’Esprit. Il est nécessaire que nous aussi nous devenions des instruments dociles et efficaces de son action à notre époque.

5. Le thème de votre Symposium est : « les jeunes et la foi », et cela est bien. Je pense qu’il s’inscrit organiquement et profondément dans le grand thème de réflexion de toute l’Église postconciliaire, qui ne pourrait pas longtemps échapper à notre attention : le thème de l’évangélisation. Si nous pensons à l’évangélisation en fonction de l’avenir, il nous faut nous tourner vers les jeunes. Nous devons rencontrer les intelligences, les coeurs, les caractères des jeunes C’est le problème premier, à travers lequel nous parvenons au problème global.

Votre échange d’expériences et de suggestions doit être large ; il ne peut rester « particulier ».Toute pratique de la collégialité sert la cause de l’universalité de l’Église. Vous aussi, chers frères par cette pratique de la collaboration collégiale, au sein de votre Symposium, vous devez pour ainsi dire « élargir les espaces de l’amour » (St Augustin, « De Ep. Joan., ad Parthos », X 5 : PL XXXV, 2060). Cet élargissement n’éloigne jamais de la responsabilité confiée directement à chacun de nous ; il la rend au contraire plus vive. Il faut que les évêques et les conférences épiscopales de chaque pays et nation d’Europe vivent les intérêts de tous les pays et nations de notre continent. Et que ceux d’entre vous qui sont absents soient — dirais-je — encore plus intensément présents. Il faut élaborer des méthodes spéciales, efficaces, pour « rendre intensément présents » ceux qui sont « absents ». Leur absence ne peut être passée sous silence ou être justifiée par des lieux communs.

Souvenez-vous en : de même que toutes les Conférences épiscopales d’Europe participent à ce Symposium par leurs représentants, de même autour de cet autel, ce sont tous les épiscopats tous les évêques qui sont présents à la communion eucharistique d’amour, sacrifice et prière.

Et d’une certaine façon ceux qui manquent, ceux qui n’ont pas pu être là, sont encore plus présents.

À travers tous, l’Église, Peuple de Dieu de tout notre continent, « élabore » son avenir chrétiendans l’union avec le Christ prince des pasteurs, avec le Christ prêtre éternel. Amen.



24 juin 1979, ORDINATIONS SACERDOTALES À LA BASILIQUE SAINT-PIERRE

Le 24 juin fête de la naissance de saint Jean-Baptiste, le Saint-Père a conféré l’ordination sacerdotale, au cours d’une cérémonie qui s’est déroulée en la basilique Saint-Pierre, à 88 diacres provenant de 15 pays des divers continents.


1. "Et tu puer propheta Altissimi vocaberis"

"Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut" (Lc 1,76).

Ces paroles parlent du saint d'aujourd'hui. C'est par ces mots que le prêtre Zacharie salua son propre fils après qu'il eut retrouvé la faculté de parler. Il salua de ces mots son fils auquel il voulut, à la surprise de tous, donner le nom de Jean. Aujourd'hui l'Eglise nous rappelle ces événements en célébrant solennellement la fête de la naissance de saint Jean-Baptiste.

On pourrait également l'appeler jour de l'appel de Jean, fils de Zacharie et d'Elisabeth de Ain-Karim, pour être le dernier prophète de l'Ancienne Alliance ; pour être le Messager et l'immédiat Précurseur du Messie : Jésus Christ.

Voilà celui qui vient au monde dans des circonstances si insolites, apportant déjà avec soi l'appel divin. Cet appel provient du dessein de Dieu lui-même, de son amour salvifique, et il est inscrit dans l'histoire de l'homme dès le moment de la conception dans le sein maternel. Toutes les circonstances de cette conception, comme ensuite les circonstances de la naissance de Jean à Ain-Karim. indiquent un appel insolite:

"Praebis ante fartent Domini parare vins ejus".

"...car tu précéderas le Seigneur pour lui préparer les voies" (Lc 1,76).

137 Nous savons qu'à cet appel Jean-Baptiste a répondu avec toute sa vie. Nous savons qu'il lui est resté fidèle jusqu'à son dernier soupir. Le soupir il le rendit dans la prison par ordre d'Hérode, obéissant à la volonté de Salomé qui agissait à l'instigation de sa vindicative mère Hérodiade.

Mais aujourd'hui la liturgie ne fait pas état de tout ceci, le réservant pour un autre jour. Aujourd'hui la liturgie nous ordonne seulement de nous réjouir pour la naissance du Précurseur du Seigneur. Elle nous ordonne de rendre grâces à Dieu pour l'appel de Jean-Baptiste.

2. Et aujourd'hui, mes chers diacres et candidats au sacerdoce, vous vous présentez en la Basilique Saint-Pierre à Rome, nous voulons nous aussi nous réjouir pour votre appel à une prochaine participation au sacerdoce du Christ.

Dieu a inscrit le mystère de cet appel dans le coeur de chacun. Nous pouvons répéter avec le Prophète : "Je t'ai aimé d'un amour éternel, c'est pourquoi j'ai prolongé ma bienveillance pour toi" (
Jr 31,3).

A un certain moment de la vie vous avez pris conscience de cet appel divin. Et vous avez commencé à tendre vers lui, vous vous êtes mis en marche vers sa réalisation. Le chemin qui conduit au sacrement de l'Ordre que vous allez recevoir aujourd'hui de mes mains, passe par une série d'étapes et de milieux dont font partie le foyer familial, les années des écoles primaires et secondaires ainsi que les études supérieures, le cercle des amis, la vie paroissiale. Mais sur ce chemin il y a surtout le Séminaire ecclésiastique, où chacun de nous va trouver une réponse définitive à sa demande concernant sa vocation au sacerdoce. Chacun de nous, soucieux d'approfondir cette réponse d'une manière toujours plus mûrie, y va afin de pouvoir, se préparer en même temps profondément et systématiquement au sacrement de l'Ordre.

Mais aujourd'hui toutes ces expériences, vous les avez déjà laissées derrière vous. Vous ne demandez plus comme le jeune homme de l'Evangile : "Bon Maître, que dois-je faire...'" (Mc 10,17). Le Maître vous a déjà aidé à trouver le réponse. Vous vous présentez ici pour que l'Eglise puisse imprimer son sceau sacramentel sur cette réponse.

3. Ce sceau s'imprime par toute la liturgie, du Sacrement de l'Ordre. Il est imprimé par l'Evêque qui agit avec la force de l'Esprit Saint et en communion avec son Presbyterium.

La force de l'Esprit Saint est indiquée et transmise d'abord par le silence puis par la prière. Comme signe du transfert de cette force dans vos jeunes mains, celles-ci sont ointes avec le Saint-Chrême pour être dignes de célébrer l'Eucharistie. Les mains humaines ne peuvent célébrer d'autre manière que dans la force de l'Esprit Saint.

Célébrer l'Eucharistie veut dire rassembler le Peuple de Dieu et construire l'Eglise dans sa plus complète identité.

Le moment que nous vivons ensemble ici est de grande importance tant pour chacun de vous que pour l'Eglise tout entière.

L'Eglise a prié pour chacun de ces appels qui reçoivent aujourd'hui le sceau sacramentel du sacerdoce. L'Eglise désire que chacun de vous la construise avec son propre sacerdoce, avec son propre service qui, par la force obtenue du Christ — "ne dissipe pas mais amasse" (cf. Mt Mt 12,30).

138 4. L'Eglise prie encore aujourd'hui et prient ainsi vos parents, vos familles, les milieux auxquels votre vie a été liée jusqu'à présent, vos séminaires, vos diocèses, vos congrégations religieuses.

Prions le Seigneur de la moisson qui a appelé chacun de vous comme ouvrier pour sa moisson, afin que vous persévériez dans cette moisson jusqu'au bout.

De même que Jean, fils de Zacharie et d'Elisabeth de Ain-Karim à qui son père dit le jour de sa naissance : "Toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut" (
Lc 1,76).

Que votre persévérance soit le fruit de la prière que nous élevons. Persévérez comme prophètes du Très-Haut ! Persévérez comme prêtres de Jésus-Christ !

Portez des fruits abondants !

Amen !



28 juin 1979, Messe pour la Congrégation des Légionnaires du Christ

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Bien-aimés Fils, Légionnaires du Christ,

Ce jour où la Liturgie célèbre la fête d'une grande figure ecclésiale, sainte Irénée, nous sommes réunis près de cette Grotte de Lourdes, devant l'autel du Seigneur pour lui offrir avec l'Eucharistie le tribut de notre action de grâce, de nos louanges implorantes et de notre fidélité renouvelée.

Connaissant le lieu d'origine de la plupart des vôtres, le Pape ne saurait s'empêcher de rappeler et de revivre ces moments inoubliables vécus dans votre patrie, le Mexique : votre enthousiasme est pour moi l'écho de ses foules inombrables qui m'entouraient affectueusement de leurs acclamations.

En contemplant ici devant moi un si grand nombre de membres de votre famille religieuse, en compagnie de leur fondateur, me reviennent à l'esprit les paroles de la Genèse que nous venons d'entendre durant la première Lecture de cette Messe. Elles nous parlent de l'assistance divine qui multiplie la descendance à la faveur de sa bénédiction. C'est également la bénédiction du Seigneur qui a fait germer de façon féconde votre institut, fondé en cette année encore assez proche de 1941, dont le décret d'approbation date à peine de 14 ans et qui compte aujourd'hui plus de 130 prêtres et presque 700 membres. Répartis entre différentes maisons et diverses nations, ils travaillent — ou s'apprêtent à le faire — en vue de la diffusion du Royaume de Dieu dans la société en faisant appel à diverses formes d'apostolat spécifique.

Bien-aimés Fils, vous formez une jeune famille religieuse qui cherche, grâce à un dynamisme croissant d'offrir à l'Eglise de nos jours un apport nouveau de vives énergies. C'est précisément parce que je connais vos idéaux que je voudrais vous inviter, avec les accents évangéliques que nous venons d'entendre, à imiter cet homme prudent qui bâtit sa maison sur le roc. Pour vous qui avez comme trait caractéristique la spiritualité christocentrique, construire votre édifice sur le roc veut dire : s'efforcer de croître toujours dans la connaissance sublime du Christ, le regard fixé sur lui pour intégrer son message dans votre vie afin que, bien enracinés dans la foi et la charité, vous soyez capables de veiller à tout instant sur les intérêts du Christ. Vous pourrez acquérir ainsi cette assurance intérieure qui défie "la pluie, les torrents et les vents" (cf.
Mt 7,25), nécessaire pour édifier le royaume de Dieu dans la société actuelle, dans la jeunesse — avec laquelle vous travaillez fréquemment — société et jeunesse qui ont tant besoin de vives certitudes, d'une certitude découlant d'une foi et d'une confiance inébranlables en le Christ. Le Christ-Dieu, mort et ressuscité, qui s'est fait commencement de vie nouvelle pour nous et qui demeure toujours à nos côtés comme garantie de victoire sur les adversités.

Une part importante de cette solidité dans votre vie sera due à une très grande fidélité à l'Eglise et au Concile Vatican II, sans déviation d' aucune sorte, mais en étroite concordance avec ce que le Seigneur nous demande et ce que le Magistère propose au moment actuel.

Sur cette voie vous serez puissamment aidés par votre fidélité renforcée à ces grands sentiments d'amour qui, conformément à votre vocation propre, doivent être le caractère distinctif de tout Légionnaire : amour pour le Christ-Crucifié et amour pour la Vierge. Si vous êtes fidèles à ce beau programme, vous pouvez être sans crainte : votre édifice spirituel reposera sur des bases solides.

Pour que vous restiez fidèles à ces idéaux je voudrais vous recommander de recourir fréquemment à la prière. C'est le seul moyen de se renouveler intérieurement, la seule façon d'acquérir une lumière nouvelle pour éclairer ses propres pas, d'étayer sa faiblesse personnelle avec la force et la solidité du pouvoir divin. En un mot : c'est la seule façon de conserver une éternelle jeunesse d'esprit dans la disponibilité à l'égard de Dieu et du prochain.

C'est uniquement ainsi que vous pourrez vivre dans toute sa plénitude la joie débordante de votre vocation d'élus au service du Christ et de l'Eglise. Une joie qui témoigne de la présence du Seigneur et qui encourage au dévouement généreux à l'égard de nos frères. Quant au vœu que je forme, je le traduis avec les paroles de la liturgie d'aujourd'hui : "Seigneur, souviens-toi de moi quand tu montres ta bonté pour ton peuple ; rends-moi visite quand tu opères le salut pour que je partage la félicité de tes élus, que je jouisse de la joie de ton peuple et me glorifie de ton héritage".

Un mot pour conclure. Je sais qu'il y a parmi vous les jeunes qui, durant mon séjour au Mexique, ont prêté leur généreuse et enthousiaste collaboration à la Délégation apostolique. Je leur adresse le témoignage de ma vive satisfaction et de ma profonde reconnaissance. Ce sont des sentiments identiques que je désire exprimer également, en présence de leurs sœurs des Congrégations résidant à Rome, à l'égard des religieuses clarisses du Saint-Sacrement qui se sont tant prodiguées à Mexico pendant mon séjour à la Représentation apostolique.

Et maintenant, portons toutes ces intentions à l'autel du Seigneur.




Homélies St Jean-Paul II 132