Homélies St Jean-Paul II 151


14 octobre 1979, Béatification du prêtre espagnol Enrique de Ossó y Cervelló

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L’IMAGE TOUJOURS ACTUELLE DU PRÊTRE



Loué soit Jésus-Christ !

Vénérables frères et bien-aimés fils et filles,



1. Ce matin, l’Église entonne une hymne de joie et de louanges au Seigneur. C’est le chant de la Mère qui célèbre la bonté et la miséricorde divine en proclamant Bienheureux un fils insigne qui s’est distingué par sa pratique éminente des vertus chrétiennes : le prêtre Enrique de Osso y Cervello, gloire de la chère Espagne terre de saints.

Pour assister à la glorification du nouveau Bienheureux, nous voyons rassemblés en cette basilique de Saint-Pierre, un grand nombre de ses compatriotes. Soyez tous les bienvenus, évoques, prêtres, religieux et fidèles espagnols ici présents, et tous ceux qui proviennent des lieux où a rayonné le bien semé par le Bienheureux Enrique de Osso et où a germé vigoureusement une juste reconnaissance et appréciation de sa personne et de son oeuvre.

Mais vous surtout, soyez les bienvenues, religieuses de la Compagnie de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus venues avec vos élèves, actuelles et anciennes, en des divers lieux et pays d’Europe, d’Afrique et d’Amérique pour offrir un chaleureux hommage de dévotion à votre Père fondateur et pour lui confirmer votre fidélité.

Permettez-moi toutefois de réserver un salut tout particulier aux représentants du diocèse de Tortosa et plus concrètement à ceux de la petite population de Vinèbre, berceau natal de cette admirable figure d’homme et de prêtre que l’Église propose aujourd’hui à notre imitation.



2. Oui, le bienheureux Enrique de Osso nous offre une vivante image de prêtre fidèle, persévérant, humble et courageux devant les oppositions, méprisant tous les intérêts purement humains, animé de zèle apostolique pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, actif dans l’apostolat et contemplatif dans son extraordinaire vie de prière.

Elle n’était certes pas facile l’époque qu’il dut vivre dans une Espagne écartelée par les guerres civiles du XIX° siècle et secouée par les mouvements laïques et anticléricaux qui visaient à la transformation politique et sociale non sans provoquer parfois de sanglants épisodes révolutionnaires. Lui, il sut cependant rester ferme et intrépide dans sa foi ; il y trouvait force et inspiration pour projeter la lumière de son sacerdoce sur la société de son temps. Ayant clairement conscience de sa propre mission comme homme d’Église, d’une Église qu’il aimait de tout son coeur, sans chercher jamais à s’imposer dans des domaines étrangers à sa condition, il était ouvert à tous, sans distinction, pour les rendre meilleurs et les mener au Christ. Il réalisa son projet : « Je serai toujours avec Jésus, son ministre, son apôtre, son missionnaire de paix et d’amour ».

Les trente années à peine de sa vie sacerdotale donnèrent lieu à un continuel développement d’entreprises apostoliques bien méditées et réalisées avec abnégation, avec une impressionnante confiance en Dieu.

Sa vie fut une prière continuelle qui alimentait sa vie intérieure et modelait toutes ses oeuvres. A l’école de la grande sainte d’Avila, il apprit que la prière, ce « traité d’amitié » avec Dieu est le moyen nécessaire pour connaître et vivre la vérité, pour croître dans la conscience d’être un fils de Dieu, pour croître dans son amour. Elle est aussi un moyen efficace de transformation du monde. C’est pourquoi le Bienheureux Enrique de Osso sera également un apôtre et un maître enseignant de la prière. A tant et tant d’âmes il apprit à prier avec son oeuvre : Le quart d’heure de prière !

Ce fut le secret de sa : grande vie sacerdotale, ce qui lui donna la joie, l’équilibre et la force ; ce qui fit que lui, prêtre, serviteur et ministre de tous, souffrant avec tous, les aimant et les respectant tous, se sentait heureux d’être ce qu’il était. Il avait conscience de tenir en ses mains, des dons reçus du Seigneur pour la rédemption du monde, tout petit et indigne qu’il se sentait. Il savait que ces dons lui étaient offerts par la supériorité infinie du mystère du Christ et ils remplissaient son âme d’une joie ineffable. Un témoignage et une leçon de vie ecclésiale toujours valables pour le prêtre d’aujourd’hui qui, dans l’exemple des saints et dans l’enseignement ou les normes de l’Église — et non dans des suggestions ou théories étrangères — peut trouver son identité pour se réaliser avec une orientation sûre pour conserver plénitude.

Je voudrais une fois de plus, en cette splendide occasion, vous exhorter, mes bien-aimés frères prêtres, à l’abandon total au Christ, joyeusement vécu dans le célibat, pour le royaume des cieux et pour le service généreux en faveur de nos frères, surtout les plus pauvres, et à mener une vie centrée sur leur propre ministère pastoral — qui est la mission spécifique de l’Église et caractérisée par ce style évangélique que j’ai défini dans ma lettre du Jeudi saint, et dont j’ai parlé de nouveau dans mes rencontres avec les prêtres durant mon récent voyage apostolique.



3. Si nous voulons dégager maintenant un des traits les plus caractéristiques de la physionomie apostolique du nouveau Bienheureux, nous pourrions dire qu’il fut un des plus grands catéchistes du XIX° siècle, ce qui le rend des plus actuels en ce moment où l’Église réfléchit — comme ce fut le cas lors de la dernière session du Synode des évêques — sur le devoir de catéchiser qui incombe à tous ses fils. Comme catéchiste génial, il se distingua par ses écrits et par son travail pratique, attentif à faire connaître, de manière adéquate et conforme au Magistère de l’Église, le contenu de la foi et à le vivre. Ses méthodes pratiques en firent un devancier des conquêtes pédagogiques ultérieures. Mais, par-dessus tout, l’objectif qu’il se proposa fut de faire connaître et réanimer l’amour envers Dieu et envers l’Église ce qui est au coeur de la mission du véritable catéchiste.

Et cette mission lui fit aborder tous les milieux : celui des enfants avec ses inoubliables catéchèses à Tortosa, (« par les enfants au coeur des hommes ») ; celui du monde des jeunes, avec ses associations de jeunesse, qui finirent par avoir la plus ample diffusion ; celui de la famille, avec ses écrits de propagande religieuse et particulièrement la Revista Teresiana ; celui des travailleurs avec l’objectif de leur faire connaître la doctrine sociale de l’Église ; celui de l’enseignement et de la culture où, tenant compte de la mentalité de l’époque, il lutta pour assurer la présence de l’idéal catholique dans les écoles à tous les niveaux jusqu’à celui des universités. Il se dévoua inlassablement au ministère de la parole parlée par ses prédications et à celui de la parole écrite, au moyen de la presse comme voie d’apostolat.



4. Toutefois, dans son effort de catéchiste, son oeuvre de prédilection — celle qui mobilisa la plus grande partie de ses énergies — fut la fondation de la Compagnie de sainte Thérèse de Jésus.

Pour étendre son rayon d’action dans le temps et dans l’espace, pour pénétrer au coeur des familles, pour servir la société à une époque où les capacités culturelles commençaient à être indispensables, il appela autour de lui des femmes qui puissent l’aider dans sa mission, et il entreprit la tâche de les former avec soin. Il commença avec elles le nouvel institut qui se distingua par ces traits : comme filles de leur époque, l’estime pour les valeurs de la culture ; comme religieuses consacrées à Dieu, un engagement total au service de l’Église ; comme propre style de spiritualité, l’assimilation de la doctrine et des exemples de sainte Thérèse de Jésus.

Nous pourrions dire que la compagnie de sainte Thérèse fut et est pareille à la grande catéchèse organisée par le bienheureux Osso pour toucher la femme et à travers elle, infuser une nouvelle vitalité à la société et à l’Église.

Filles de la compagnie de sainte Thérèse, laissez-moi vous dire qu’il me plaît de voir que vous restez fidèles à votre charisme au sein du renouvellement que demande l’époque actuelle à la lumière des directives du concile Vatican II et de l’exhortation apostolique Evangelica testificatio de mon prédécesseur Paul VI. D’accord avec l’héritage de votre fondateur et avec l’esprit de la grande sainte d’Avila, soyez généreuses dans votre don total au Christ afin de donner beaucoup de fruit dans les pays de mission. Que toute votre conduite reflète la richesse d’une vie intérieure dans laquelle le renoncement est amour ; le sacrifice, efficacité apostolique ; la fidélité, acceptation du mystère que vous vivez ; l’obéissance, élévation surnaturelle ; la virginité, donation joyeuse au prochain pour le royaume des cieux. Soyez devant le monde, également par les signes extérieurs, de vivants témoins des grands idéaux devenus réalité, en catéchisant, en évangélisant toujours par la parole et par l’action apostolique ; soyez une preuve convaincante de ce qu’aujourd’hui comme hier cela vaut la peine de ne pas couper les ailes à son propre esprit, afin de pouvoir donner au monde actuel — qui en a bien besoin et les cherche parfois même sans le savoir — la sérénité dans la foi, la joie dans l’espérance, le bonheur dans le véritable amour. Oui, cela vaut la peine de vivre pour cela : de vivre ainsi sa propre vocation de femme et de religieuse. A l’imitation de la Vierge envers qui votre Fondateur professait une tendre dévotion.



5. Au chrétien d’aujourd’hui, plongé, dans un milieu de recherche haletante d’un nouvel idéal d’homme, le bienheureux Enrique de Osso, l’éducateur chrétien, a laissé lui-même un héritage. Cet homme nouveau qui se cherche ne pourra jamais être authentiquement tel sans le Christ, le Rédempteur de l’homme. Il faudra le cultiver, l’éduquer, le dignifier de plus en plus dans ses multiples facettes humaines, mais il faudra également toutefois, le catéchiser, lui ouvrir les horizons spirituels et religieux où il découvrira son destin d’éternité, comme fils de Dieu et citoyen d’un monde qui va au-delà du présent Quel ample champ s’ouvre au dévouement généreux des pères et des mères de famille ! aux responsables et professeurs des collèges et instituts d’enseignement — surtout ceux de l’Église qui doivent continuer à être, avec le respect dû à tous, des centres d’éducation chrétienne — ; à chacune de vous, anciennes élèves des collèges de la compagnie de sainte Thérèse qui vous trouvez aux côtés, de vos éducatrices d’autrefois ; à toutes les autres âmes qui, à divers postes, publics ou privés, peuvent contribuer à l’élévation culturelle et humaine des autres, et à leur formation dans la foi ! Soyez conscients de vos responsabilités et de vos possibilités de faire le bien .



6. Je termine ces réflexions en adressant un cordial salut aux membres de la mission spéciale envoyée à cette cérémonie par le gouvernement espagnol. Je demande à Dieu que la tradition catholique de la nation espagnole, au sujet de laquelle le nouveau bienheureux a tant écrit et parlé, soit un stimulant dans la phase actuelle de son histoire et puisse tendre à des objectifs supérieurs, visant décidément le futur, sans oublier toutefois de conserver et de renforcer les choses essentielles du passé, afin qu’ainsi le présent soit une époque de paix, de prospérité matérielle et spirituelle, d’espérance en le Christ Sauveur.




15 octobre 1979, Messe pour l'inauguration de l'Année académique des Universités ecclésiastiques romaines

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Basilique Saint-Pierre
Lundi 15 octobre 1979

« L’INTELLIGENCE EST LE FRUIT DE LA FOI »

1. C’est pour moi un motif de joie sincère de me trouver ici, aujourd’hui, pour présider cette liturgie eucharistique solennelle qui voit réunis autour de l’autel du Christ, avec M. le Cardinal-Préfet de la S. Congrégation pour l’Éducation catholique et les recteurs des universités pontificales et des athénées romains, les professeurs, les étudiants et le personnel auxiliaire de ces centres d’étude.

Fils très chers, nous sommes réunis ici pour une circonstance particulièrement significative : nous voulons, par cette concélébration, inaugurer officiellement l’année académique 1979-1980. Nous voulons l’inaugurer sous le regard de Dieu, et nous pensons qu’il est bon qu’il en soit ainsi. Qu’est-ce, en effet, qu’une nouvelle année d’étude, sinon la reprise d’une ascension qui, par des sentiers souvent raides et escarpés, porte celui qui cherche toujours plus haut sur les pentes de cette mystérieuse et fascinante montagne qu’est la vérité ? La fatigue du chemin est largement récompensée par la beauté des panoramas toujours plus merveilleux qui s’ouvrent devant le regard ébloui.

152 Mais l’ascension n’est pas sans risques : il y a des passages difficiles et des prises traîtresses il y a le risque d’être surpris par le brouillard d’être trompé par des perspectives illusoires et de se trouver devant des obstacles imprévus. La métaphore est transparente : la conquête de la vérité est une entreprise ardue qui ne manque ni d’inconnues ni de risques. La personne responsable qui s’y aventure ne peut pas ne pas éprouver le besoin d’invoquer sur son travail la bienveillance de Dieu, le secours de sa lumière, la présence fortifiante de sa grâce.

Ce qui est vrai pour toute forme de recherche scientifique l’est, à plus forte raison, pour la recherche théologique dont l’objet est le mystère infini de Dieu, qui nous est communiqué personnellement par la parole et l’oeuvre de la rédemption. Cela est vrai également pour les autres branches des études ecclésiastiques qui, si elles s’orientent vers les différents domaines de la recherche biblique, de la philosophie, de l’histoire, etc. se ramènent à ce facteur qui les unit tous et fait de vous « les spécialistes » de Dieu et de son mystère de salut, manifesté à l’homme. C’est pourquoi l’étudiant des facultés ecclésiastiques se trouve affronté non pas à une vérité impersonnelle et froide, mais au « Je » même de Dieu qui, dans la Révélation, s’est fait « Tu » pour l’homme et a commencé avec lui un dialogue où il lui manifeste un aspect de l’insondable richesse de son être.

2. Quelle sera donc la juste attitude de l’homme appelé par l’amour prévenant de Dieu à une familiarité inimaginable ? Il n’est pas difficile de répondre. Ce ne pourra être qu’une attitude de profonde gratitude et, en même temps, de sincère humilité. Notre intelligence est si faible, notre expérience si limitée, la vie si brève que tout ce que l’on parvient à dire de Dieu ressemble plus à un balbutiement infantile qu’à un discours exhaustif et définitif.

On sait en quels termes saint Augustin avouait sa crainte lorsqu’il lui fallait parler des mystères divins : « Suscepi enim tractanda divina homo, spiritalia carnalis, aeterna mortalis. Je me propose de traiter des choses de Dieu moi qui ne suis qu’un homme, de choses spirituelles moi qui suis un être de chair, de choses éternelles moi qui suis mortel. » (In Io. Ev., Tr. 18, n. 1.)

Telle est la conviction fondamentale avec laquelle le théologien doit aborder son travail : il doit toujours se rappeler que tout ce qu’il pourra dire sur Dieu ne sera jamais que paroles humaines, paroles d’un petit être fini qui s’est aventuré dans l’exploration du mystère insondable du Dieu infini.

Rien d’étonnant donc si les résultats, auxquels sont parvenus les plus grands génies du christianisme, leur soient apparus comme tout à fait inadéquats au terme transcendant de leurs recherches. Saint Augustin le confessait : « Dieu est ineffable ; nous disons plus facilement ce qu’il n’est pas que ce qu’il est. » (Enarr. In
Ps 85,12) Et il poursuivait : « Lorsque, à partir de ces abîmes, nous parvenons à respirer à de telles altitudes, ce n’est pas peu que de savoir ce que Dieu n’est pas avant de savoir ce qu’il est. » (De trin. 8, 2, 3.) Et comment ne pas rappeler, à ce propos, la réponse de saint Thomas à son fidèle secrétaire, Fra Reginaldo da Piperno, qui l’exhortait à poursuivre la composition de la Somme, interrompue après une expérience mystique particulièrement bouleversante. Les biographes rapportent qu’à l’insistance de son ami, il opposa seulement cette réponse laconique : « Frère, je ne peux plus ; tout ce que j’ai écrit me semble de la paille. » Et la Somme resta inachevée.

Et l’humilité dont les plus grands maîtres de la théologie nous ont donné un exemple si merveilleux va de pair avec une profonde gratitude. Comment ne pas être reconnaissants au Dieu infini qui s’est abaissé pour parler à l’homme dans sa langue humaine ? En effet, « après avoir, à bien des reprises et de bien des manières, parlé autrefois aux pères dans les prophètes, Dieu en la période finale où nous sommes, nous a parlé à nous en un Fils » (He 1,1-2). Comment ne pas être reconnaissants de ce que la langue et la pensée de l’homme aient ainsi été visitées par la parole et la vérité de Dieu et aient été appelées à participer à cette vérité, à en témoigner, à l’annoncer et, aussi, à l’expliquer, à l’approfondir selon les possibilités et les exigences de la connaissance humaine ? La théologie, c’est précisément cela ; la vocation du théologien, c’est précisément cela. Nous sommes réunis aujourd’hui au nom de cette vocation pour inaugurer la nouvelle année académique qui se déroulera dans tous ces chantiers de travail scientifique et didactique que sont les athénées de Rome.

3. L’humilité est la caractéristique de tout savant qui a une relation honnête avec la vérité cognitive. C’est elle avant tout qui l’introduira à cette disposition fondamentale qui est nécessaire pour toute recherche théologique digne de ce nom : la foi.

Réfléchissons : la Révélation consiste dans l’initiative de Dieu qui a voulu rencontrer personnellement l’homme pour ouvrir avec lui un dialogue de salut. C’est Dieu qui a l’initiative du discours, c’est Dieu qui le fait progresser. L’homme écoute et répond. Mais la réponse que Dieu attend de l’homme ne se réduit pas à une froide évaluation intellectuelle d’idées abstraites. Dieu rencontre l’homme et il lui parle parce qu’il l’aime et qu’il veut le sauver. La réponse de l’homme doit donc être avant tout acceptation reconnaissante de l’initiative divine et abandon confiant à la force prévenante de son amour.

Entrer en dialogue avec Dieu signifie se laisser séduire et conquérir par la figure lumineuse (doxa)du Jésus de la Révélation et par l’amour (agapè) de Celui qui l’a envoyé. C’est précisément en cela que consiste la foi. En elle, l’homme, intérieurement éclairé et attiré par Dieu, dépasse les limites de la connaissance purement naturelle et fait une expérience de lui qui lui serait autrement impossible. Jésus a dit : « Personne ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire. » (Jn 6,44) « Personne », pas même le théologien.

Saint Thomas fait remarquer que l’homme peut, ici-bas, parvenir à une certaine intelligence des mystères surnaturels, grâce à sa raison, mais seulement dans la mesure où celle-ci s’appuie sur le fondement inébranlable de la foi qui est participation à la connaissance même de Dieu et des choses éternelles : « La foi est en nous afin que nous parvenions à comprendre ce que nous croyons. » (In Boeth de Trin, q. 2, a. 2 ad 7.) C’est la pensée de toute la tradition théologique, et c’est en particulier la pensée du grand saint Augustin : « En croyant, je deviens capable de comprendre ; si je ne croyais pas, je ne réussirais jamais à comprendre… La foi te purifie donc afin qu’il te soit donné de parvenir à la pleine intelligence. » (In Io Evan. Tr. 36, n° 7.) Il remarque ailleurs à ce même sujet : « En effet, la foi a des yeux par lesquels, d’une certaine manière, elle voit comme vrai ce qu’elle ne voit pas encore » ( Consentium, n. 2, 9), et c’est pourquoi « la foi ouvre à la compréhension, tandis que l’infidélité la ferme » ( Volusianum, n. 4, 15).

153 La conclusion à laquelle arrive l’évêque d’Hippone deviendra classique : « L’intelligence est le fruit de la foi. Ne cherche donc pas à comprendre pour croire, mais crois pour comprendre. » (In Io Evan. Tr. 29, n. 6.) C’est un avertissement sur lequel doivent réfléchir tous ceux qui « font de la théologie » : le risque existe en effet aujourd’hui d’être de ces « raisonneurs bavards » (De Trin. 1, 2, 4) qu’Augustin invitait à « ne pas ériger leurs pensées charnelles en dogmes » ( Dardanum, n. 8 29). Seule « l’obéissance de la foi » (cf. Rm 16 Rm 26) par laquelle l’homme s’abandonne tout entier à Dieu en pleine liberté, peut introduire à la compréhension profonde et savoureuse des vérités divines.

4. Il y a un second avantage qui découle, pour le théologien, de l’humilité : elle constitue l’humus dans lequel s’enracinent et germent les fleurs de la prière. Comment en effet, un esprit orgueilleux pourrait-il prier avec des accents sincères ? Et la prière est indispensable pour grandir dans la foi. Le IIe Concile du Vatican l’a rappelé lorsque dans la Constitution Dei verbum, il a souligné que, pour donner l’assentiment de foi à la Révélation divine, « la grâce prévenante et aidante de Dieu est nécessaire », de même que l’aide de l’Esprit-Saint « qui touche le coeur et le tourne vers Dieu ouvre les yeux de l’esprit et donne à tous la douceur de consentir et de croire à la vérité » (n. 5).

Il faut donc reconnaître que l’assiduité à la prière est un élément essentiel du travail théologique : seule une prière humble et assidue peut obtenir les lumières intérieures qui guident vers la découverte de la vérité. « Dieu qui es toujours le même, fais que je me connaisse afin de te connaître », implorait Augustin dans les Soliloques (2, 1, 1). Et dans ses exposés catéchétiques, il ne se lassait pas d’inviter ses auditeurs à prier pour obtenir la lumière, et il demandait lui-même la lumière dans ses moments d’obscurité : « Dieu notre Père, toi qui nous exhortes à te prier et nous donnes ce pour quoi nous te prions […], exauce-moi qui frissonne dans ces ténèbres et tends-moi ta main. Fais-moi voir ta lumière, retire-moi des erreurs et fais que, sous ta conduite, je rentre en moi et en toi. Amen. » (Solil. 2, 6, 9 ; cf. 1, 1, 2-6.)

Et comment ne pas rappeler ici la célèbre prière que saint Anselme place au début duProslogion. C’est une prière si simple et si belle qu’elle peut constituer un modèle pour tous ceux qui s’apprêtent à « étudier Dieu » : « Dieu, enseigne- moi à te chercher et montre-toi à moi qui te cherche puisque je ne peux ni te chercher ni te trouver si tu ne te montres pas toi-même. » (Proslog., 1.)

Un authentique travail théologique — disons-le avec franchise — ne peut se commencer ni se terminer qu’à genoux, du moins dans le secret de sa cellule intérieure, où il est possible « d’adorer le Père en esprit et en vérité » (cf. Jn 4,23).

5. Enfin, l’humilité suggère au théologien la juste attitude devant l’Église. Il sait que c’est à elle qu’a été confiée la « parole » pour qu’elle l’annonce au monde, en l’appliquant à chaque époque et en la rendant ainsi vraiment actuelle. Il le sait et il s’en réjouit.

Aussi n’hésite-t-il pas à redire avec Origène : « Pour moi, mon aspiration c’est d’être vraiment d’Église » (In Lucam, hom. 16), d’être en pleine communion de pensée, de sentiment, de vie avec l’Église dans laquelle le Christ se rend contemporain de chaque génération humaine. Parce qu’il est vraiment un homme d’Église, il aime le passé de l’Église il en médite l’histoire, il en vénère et il en explore la Tradition. Mais il ne se laisse pas enfermer dans un culte nostalgique de ses expressions historiques particulières et contingentes, sachant bien que l’Église est un mystère vivant qui chemine sous la direction du Saint-Esprit. De même, il refuse les propositions de ruptures radicales avec le passé, cédant au mythe fascinant d’un nouveau commencement : il croit que le Christ est toujours présent dans son Église, aujourd’hui comme hier, pour continuer sa vie et non pour la recommencer.

En outre, le Sensus Ecclesiae qui est rendu vivant et vigilant en lui par l’humilité, le maintient dans une attitude constante d’écoute devant la voix du magistère qu’il accepte de bon gré comme garant, par la volonté du Christ, de la vérité du salut. Il est également à l’écoute des voix qui lui parviennent du Peuple de Dieu tout entier, toujours prêt à recueillir dans la parole savante du théologien, tout comme dans la parole simple, mais peut-être non moins profonde, du commun des fidèles, un écho éclairant du Verbe éternel qui « s’est fait chair et qui est venu habiter parmi nous » (Jn 1,14).

6. Voilà, frères et fils très chers, quelques points de réflexion pour ce début d’année scolaire et académique. Je vous vois ici réunis autour des reliques de saint Pierre à qui le Christ a dit : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église. » (Mt 16,18) Évêque de Rome et Successeur de Pierre, je désire vous adresser à tous un appel ardent pour que vous participiez à la construction de l’Église qui prend son origine dans le Christ lui-même. Cet appel, je l’adresse aussi bien aux professeurs et aux enseignants qu’à tous les étudiants de chacun des athénées romains. Le travail que vous entreprendrez ensemble est comme un grand laboratoire de la mission de l’Église à notre époque. Il doit porter des fruits non seulement aujourd’hui, mais aussi dans l’avenir. Cela dépend beaucoup des résultats que vous obtiendrez ici. Ceux-ci doivent devenir le levain de la foi et de la vie chrétienne de tant d’hommes dans divers pays du monde. Vous êtes, en effet, venus ici, auprès de cette chaire, en sachant bien que c’est son devoir particulier d’unir sur la terre les fils de Dieu des divers lieux, nations, pays et continents, dans la vérité et dans l’amour.

Je recommande votre rencontre avec la vérité et l’amour divin à la sainte d’aujourd’hui, à cette « grande » Thérèse de Jésus qui fut la première femme à mériter le titre de docteur de l’Église. J’invoque surtout sur vous la protection continuelle de celle que l’Église salue comme Sedes Sapientiae. Que sa maternelle sollicitude accompagne vos pas, et qu’en vous guidant vers la découverte de nouveaux aspects du mystère passionnant du Christ elle vous aide à grandir dans l’amour pour lui. Si nous connaissons, aimons, parce que — nous ne devons pas l’oublier —cognitio sine caritate non salvos facit, « une connaissance sans amour ne nous sauve pas » (Augustin, In 1 Ep. Io. Tr. 2, n. 8).



20 octobre 1979, Journée missionnaire mondiale

20109

Le 20 octobre en la basilique vaticane, le Saint-Père a célébré, avec la communauté diocésaine de Rome une messe solennelle à l’occasion de la « Journée missionnaire mondiale ». Durant la liturgie de la Parole, le pape a prononcé l’homélie suivante :



Très chers frères et soeurs dans le Seigneur !

Très chers jeunes !



Avec une grande et profonde joie je préside à la liturgie eucharistique en cette veille de la Journée missionnaire mondiale. En me rencontrant ainsi avec vous, fidèles du diocèse de Rome, en une occasion si importante et significative, je me sens lié plus intimement non seulement à tous les diocèses du monde mais encore et surtout à tous les missionnaires, prêtres, religieux et religieuses — qui, répandus partout sur la terre annoncent aux hommes, avec grande fatigue, mais aussi avec joie, l’Évangile du salut.

Oui, très chers frères et soeurs, c’est une circonstance très importante pour votre vie spirituelle et pour le diocèse. Ici, au centre de la chrétienté, en cette basilique, nous entendons les échos de l’Église universelle, nous percevons les besoins de tous les peuples, nous prenons part au travail de ceux qui, avec une inlassable ardeur, se prodiguent au nom du Christ, témoignent, annoncent, convertissent, baptisent, fondent de nouvelles communautés chrétiennes.

Méditons brièvement et cherchons ensemble, suivant les Lectures de la Liturgie de ce jour la raison, la condition et la stratégie de l’activité missionnaire de l’Église.



1. Quelle est la raison primordiale et ultime de cette oeuvre ?

Voilà la première question. La réponse est simple et péremptoire : l’Église est missionnaire parce que telle est la volonté expresse de Dieu.

A de nombreuses reprises, Jésus parle aux Apôtres de leur tâche, de leur mission, de la raison de leur choix : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; mais c’est moi qui vous ai choisis et vous ai institués pour que vous alliez et que vous portiez du fruit, et un fruit qui demeure » (
Jn 15,16).

Avant de monter au ciel, Jésus donne, de manière officielle et déterminante, aux Apôtres — et par eux à toute l’Église — la mission d’évangéliser : « Allez par le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création » (Mc 16,15). Et l’Évangéliste ajoute : « Alors ils s’en allèrent prêcher en tout lieu » (Mc 16,20).

Depuis lors, les Apôtres et les disciples du Christ ont commencé à parcourir tous les chemins de la terre, à surmonter désagréments et fatigues, à rencontrer des gens et des tribus, des peuples et des nations, à souffrir et même à donner leur vie pour annoncer l’Évangile, parce que telle est la volonté de Dieu et qu’à l’égard de Dieu il n’y a d’autre décision que celle de l’obéissance et de l’amour.

Saint Paul écrivait à son disciple Timothée : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1Tm 2,4).

Et la vérité qui sauve, c’est uniquement Jésus-Christ, le Rédempteur, le Médiateur entre Dieu et les hommes, le Révélateur unique et définitif du destin surnaturel de l’homme. Jésus a donné à l’Église la mission d’annoncer l’Évangile ; une mission à laquelle participe chaque chrétien. En raison même de sa nature, tout chrétien est missionnaire. Dans son Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi, Paul VI de vénérée mémoire écrivait : « La présentation du message évangélique n’est pas pour l’Église une contribution facultative, c’est le devoir qui lui incombe par volonté du Seigneur Jésus afin que tous les hommes puissent croire et être sauvés. Oui, ce message est nécessaire. Il est unique. Il ne saurait être remplacé. Il ne souffre ni indifférence ni syncrétisme, ni accommodation. C’est le salut des hommes qui est en cause. C’est la beauté de la Révélation qu’il représente. Il comporte une sagesse qui n’est pas de ce monde. Il est capable de susciter, par lui-même, la foi, une foi qui repose sur la puissance de Dieu. Il est la vérité. Il mérite que l’apôtre y consacre tout, son temps, toutes ses énergies, y sacrifie au besoin sa propre vie (n. 5). « Évangéliser est, en effet, la grâce et la vocation propre de l’Église, son identité la plus profonde. Elle existe pour évangéliser... » (ibid., n. 14).

Certains affirment parfois que l’on ne peut imposer l’Évangile, qu’on ne peut forcer la liberté religieuse, qu’il est même inutile et illusoire d’annoncer l’Évangile à ceux qui, par la droiture de leur coeur, appartiennent déjà au Christ. Paul VI y a déjà clairement répondu : « Ce serait certes une erreur d’imposer quoi que ce soit à la conscience de nos frères. Mais c’est tout autre chose de proposer à cette conscience la vérité évangélique et le salut en Jésus-Christ en pleine clarté et dans le respect absolu des options libres qu’elle fera : loin d’être un attentat à la liberté religieuse, c’est un hommage à cette liberté à laquelle est offert le choix d’une voie que même les non-croyants estiment noble et exaltante... Cette façon respectueuse de, proposer le Christ et son Royaume, plus qu’un droit, est un devoir de l’évangélisation. Et c’est aussi un droit des hommes ses frères de recevoir de lui l’annonce de la Bonne nouvelle du salut » (Evangelii Nuntiandi, EN 80).

Ce sont, des paroles très sérieuses, qui éclairent, encouragent et précisent encore une fois ce que sont la volonté positive de Dieu et notre responsabilité de chrétiens.



2. Mais posons-nous une deuxième question : quelle est la condition essentielle pour l’oeuvre missionnaire ? C’est l’unité dans la doctrine.

Avant de quitter le monde Jésus a prié ainsi : « Je ne prie pas pour eux seulement, mais pour ceux-là aussi qui, grâce à leur parole, croiront en moi. Que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17,20-21).

Et saint Paul écrivait anxieusement à son disciple Timothée : « Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est livré en rançon pour nous » (1Tm 2,5-6).

En effet, si l’unité dans la foi fait défaut, qui annonce et qu’annonce-t-on ? Comment pourrait-on être crédible, surtout quand la doctrine est si mystérieuse et la morale si exigeante ? Les différences et les contradictions doctrinales ne font que créer de la confusion et finalement la désillusion. Dans une matière si essentielle et délicate comme l’est le contenu de l’Évangile, on ne peut être effronté, superficiel ou « possibiliste », inventant des théories et exposant des hypothèses. L’évangélisation doit avoir comme caractéristique l’unité dans la foi et dans la discipline et, par conséquent, l’amour de la vérité.

Méditons les paroles équilibrées et profondes de Paul VI : « De tout évangélisateur on attend qu’il ait le culte de la vérité, d’autant plus que la vérité qu’il approfondit et communique n’est autre que la vérité révélée et donc, plus que tout autre, parcelle de la vérité première qu’est Dieu lui-même. Le prédicateur de l’Évangile sera donc quelqu’un qui, même au prix du renoncement personnel et de la souffrance, recherche toujours la vérité qu’il doit transmettre aux autres. Il ne trahit jamais ni ne dissimule la vérité par souci de plaire aux hommes, d’étonner ou de choquer, ni par originalité ou désir d’apparaître. Il ne refuse pas, la vérité. Il n’obscurcit pas la vérité révélée par paresse de la rechercher, par commodité, par peur. Il ne néglige pas de l’étudier. Il la sert généreusement sans l’asservir » (Evangelii Nuntiandi, EN 78).

Remercions Paul VI pour ces indications si claires et, en même temps prions intensément pour que tous étudient, connaissent, annoncent la vérité et rien que la vérité, dociles au Magistère authentique de l’Église parce que la certitude et la clarté sont les qualités indispensables de l’évangélisation.



3. Et enfin, voici la dernière interrogation : quelle est la stratégie de l’oeuvre missionnaire ?

La réponse à cette interrogation est également toute simple : l’amour.

L’unique et indispensable stratégie pour l’oeuvre missionnaire est seulement l’amour intime et personnel, convaincu, ardent à l’égard de Jésus !

Rappelons-nous l’exclamation joyeuse de sainte Thérèse de Lisieux : « Ma vocation est l’amour !... Dans le coeur de l’Église, ma Mère, je serai l’amour... et ce sera tout ! » (Man. B).

Il doit en être de même pour nous !

— L’amour est intrépide et courageux : pour les trois quarts de l’humanité Jésus est encore un inconnu ! C’est pourquoi l’Eglise a besoin de tant de volontaires missionnaires, hommes et femmes, pour annoncer l’Évangile ! Vous jeunes gens, jeunes filles : soyez attentifs à la voix de Dieu qui appelle !

Un merveilleux idéal de charité, de dévouement de générosité se présente à vous, vous invite ! La vie est grande et belle dans la mesure où on la donne ! Soyez intrépides ! La joie suprême se trouve dans l’amour sans prétentions, dans une pure donation de charité aux frères.

— L’amour est docile et a confiance dans l’action de la « grâce ». C’est le Saint-Esprit qui pénètre dans les âmes et transforme les peuples. Les difficultés sont immenses et, particulièrement aujourd’hui, les fidèles eux-mêmes, impliqués dans l’histoire actuelle, sont tentés par l’athéisme, par le sécularisme, par l’autonomie morale. Une confiance absolue en l’opération du Saint-Esprit (Evangelii Nuntiandi, EN 75) est donc nécessaire. Aussi dans son oeuvre missionnaire, l’amour est-il patient et joyeux, même s’il doit semer dans les larmes, en acceptant la croix et maintenant l’esprit des Béatitudes.

— Enfin, l’amour est ingénieux et constant, s’exerçant aux différents genres d’apostolat missionnaire : apostolat de l’exemple, de la prière, de la souffrance, de la charité, mettant en oeuvre toutes les initiatives et moyens proposés par les OEuvres Missionnaires Pontificales, si pleines de mérites et si actives à Rome et dans tout le diocèse.



4. Je ne saurais toutefois oublier quelques états de fait qui rendent aujourd’hui plus pressant le devoir missionnaire de toute l’Église et de nous tous qui la formons. Il existe différentes formes d’anti-évangélisation qui tentent de contrecarrer radicalement le message du Christ : l’élimination de toute transcendance et de toute responsabilité ultra-terrestre ; l’autonomie éthique détachée de toute loi morale naturelle et révélée ; l’hédonisme considéré tomme l’unique manière de vivre satisfaisante ; et chez tant de chrétiens, un relâchement de la ferveur spirituelle, un consentement à la mentalité mondaine, une adhésion progressive aux opinions erronées du laïcisme et de l’immanentisme social et politique.

Gardons toujours présent le cri de saint Paul : « Caritas Christi urget nos » (L’amour du Christ nous presse : 2Co 5,14).

L’ardente exclamation de l’Apôtre acquiert une particulière éloquence et détermine une particulière sollicitude de nos jours. C’est l’impératif missionnaire qui doit animer tous les chrétiens, les diocèses, les paroisses, les diverses communautés : l’amour du Christ nous pousse à témoigner, à annoncer, à proclamer la Bonne Nouvelle, à tous et malgré tout !

C’est vraiment en ce moment que vous devez être témoins et missionnaires de la vérité : ne craignez point ! L’amour du Christ doit vous inciter à être forts et décidés, car « si Dieu est avec nous, qui sera contre nous ? » (Rm 8,31). En effet nul ne peut nous séparer de l’amour du Christ (Rm 8,35).

Mais nous devons également porter notre attention sur ces territoires et ces nations du monde où, par malheur, l’Évangile ne peut être prêché, où l’activité de l’Église est prohibée. L’Église veut seulement annoncer la joie de la paternité divine, la consolation de la rédemption opérée par le Christ, la fraternité de tous les hommes ! Les missionnaires ne veulent qu’annoncer la paix vraie et juste, celle de l’amour du Christ et dans le Christ, notre frère et sauveur. Des peuples entiers attendent l’eau vive de la vérité et de la grâce et en sont assoiffés ! Prions pour que la Parole de Dieu puisse se répandre librement et rapidement (Ps 147,15) vers tous les peuples de la terre.



5. Pour cela, l’Église missionnaire a besoin avant tout d’âmes missionnaires par la prière : tenons-nous proches des évangélisateurs avec nos prières ! Pour les missions tout spécialement, nous devons prier sans jamais nous lasser. Prions tout d’abord par le moyen de la Sainte Messe en nous unissant au sacrifice du Christ pour le salut de tous les hommes : que l’Eucharistie maintienne ferme et fervente la foi des chrétiens !

Mais prions aussi avec constance et confiance la Très sainte Vierge Marie, Reine des Missions, pour qu’elle fasse éprouver aux fidèles un désir croissant d’évangélisation et un sens toujours plus profond de leur responsabilité dans l’annonce de l’Évangile. Prions-la, en particulier, en récitant le Rosaire pour rejoindre et aider ceux qui peinent au milieu de difficultés et d’épreuves afin de faire connaître et aimer

Marie qui était présente le jour de la Pentecôte, au début de la vie de l’Église, avec les Apôtres, les disciples et les femmes pieuses, reste toujours présente dans l’Église, Elle, la première missionnaire, Mère et soutien de tous ceux, qui annoncent l’Évangile !




Homélies St Jean-Paul II 151