Discours 1999 215


AUX PÉLERINS RÉUNIS POUR LA CÉRÉMONIE DE CANONISATION DE CIRILO BERTRÁN ET HUIT COMPAGNONS, INOCENCIO DE LA INMACULADA, BENITO MENNI, TOMMASO DA CORI

Lundi 22 novembre 1999

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  Vénérés frères dans l'épiscopat et le sacerdoce,

Très chers religieux et religieuses,
Frères et soeurs!

1. Nous nous retrouvons aujourd'hui pour renouveler notre hymne de louange et d'action de grâce à Dieu, au lendemain de la liturgie solennelle au cours de laquelle, hier, dans la basilique Saint-Pierre, j'ai eu la joie de proclamer douze nouveaux saints, témoins invaincus du Christ, Roi de l'Univers. Dans le même temps, nous voulons nous arrêter une fois de plus ensemble sur leur exemple lumineux d'amour inconditionnel envers Dieu et de dévouement généreux pour le bien spirituel et matériel de leurs frères.


2. Je salue avec une grande affection les pèlerins de langue espagnole venus à Rome. En cette occasion, je salue les Frères des Ecoles chrétiennes, accompagnés de leurs élèves et anciens élèves, les Pères Passionnistes ainsi que les membres de la grande Famille Hospitalière. Ces saints, fils préférés de l'Eglise et témoins fidèles du Seigneur Ressuscité, nous offrent un témoignage d'une riche spiritualité, forgée dans la fidélité quotidienne et dans le don de soi inconditionnel à leur vocation et au service du prochain.


3. Les Frères martyrs des Ecoles chrétiennes canonisés hier, fidèles au charisme de saint Jean-Baptiste de La Salle, se consacrèrent pleinement à l'éducation intégrale des enfants et des jeunes. Ils appartiennent à la longue série d'éducateurs chrétiens qui ont consacré leur vie et leurs énergies à l'enseignement dans l'école catholique, engagés dans ce service incontournable que l'Eglise rend à la société. Cette dernière, de nos jours, se présente parfois comme individualiste et tentée par le sécularisme. Face à cela, les saints martyrs de Turón, provenant de divers points de la géographie espagnole, et l'un d'entre eux d'Argentine, sont la preuve éloquente du fait que la fidélité au Christ vaut plus que la vie elle-même.

Que leur exemple, avec celui du Père Inocencio de la Inmaculada, incite les jeunes à adopter le style de vie que nous propose l'Evangile, vécu avec courage et enthousiasme. Que l'oeuvre éducative de ces saints martyrs soit également un modèle pour les éducateurs chrétiens au seuil du nouveau millénaire, désormais tout proche.

En ce qui concerne la formation des jeunes générations, je désire rappeler le devoir primordial des parents en tant que premiers et principaux responsables de l'éducation de leurs enfants, ce qui suppose qu'ils disposent de la pleine liberté de choisir le lieu d'éducation de leurs enfants. Les autorités publiques, pour leur part, doivent faire en sorte que, dans le respect du pluralisme et de la liberté religieuse soient offertes aux familles les conditions nécessaires pour que, dans toutes les écoles, privées et publiques, soit dispensée une éducation conforme à leurs propres principes moraux et religieux. Cela est encore plus nécessaire dans un pays comme l'Espagne, où la majorité des parents désire une éducation religieuse pour leur enfants.


217 4. Saint Benito Menni, membre illustre de l'Ordre Hospitalier de Saint-Jean de Dieu et Fondateur des Religieuses Hospitalières du Sacré-Coeur de Jésus, vécut sa vocation d'apôtre dans le domaine de la santé sans épargner les efforts et les souffrances, avec audace et un dévouement sans limite dans le soin des malades, en particulier des enfants, et des malades mentaux.
Le travail que réalisent ses confrères et les religieuses de l'Institut qu'il fonda revêt une pleine actualité dans le monde d'aujourd'hui, où l'on exclut facilement les faibles et les personnes qui souffrent. Que la grande Famille Hospitalière, par fidélité au charisme du nouveau saint, imite l'immense amour que celui-ci éprouvait à l'égard des personnes les plus défavorisées, consacrant entièrement sa vie à leur service.

Saint Benito Menni découvrit sa vocation précisément en accomplissant des activités de volontariat à Milan. Un grand nombre des pèlerins venus ici pour sa canonisation sont des volontaires dans divers centres hospitaliers et dans d'autres centres d'assistance. Ce service enrichit votre vie et fait croître la capacité de don et d'accueil solidaire du prochain, en particulier de ceux qui souffrent. Je vous encourage à poursuivre cette tâche, illuminés par les exemples du Père Menni, l'imitant et le suivant sur le chemin de miséricorde qu'il parcourut.


5. Je m'adresse à vous, chers religieux de l'Ordre franciscain des Frères mineurs, et à ceux qui, avec vous, se réjouissent de la canonisation de saint Tommaso da Cori. "Je viens au Couvent pour devenir saint". C'est avec ces paroles que le nouveau saint se présenta sur le lieu solitaire de Bellegra, où pendant de longues années, il réalisa progressivement ce programme difficile de vie évangélique.

Il avait bien compris que chaque véritable réforme commence par soi-même, et c'est précisément pour cela que son humble personne compte parmi les grands réformateurs de l'Ordre des Frères Mineurs.

De l'intensité de sa relation avec Dieu, en particulier de la profonde dévotion à l'Eucharistie, jaillissait la fécondité de son action pastorale, si incisive qu'elle lui mérita la définition d'"apôtre de Subiaco". Véritable fils du "Poverello d'Assise", on pourrait également affirmer de lui ce que l'on disait de saint François, c'est-à-dire qu'il "n'était pas tant un homme qui prie que lui-même tout entier transformé en prière vivante" (Tommasa da Celano, Vita Seconda, 95: Sources franciscaines, 682).


6. Très chers frères et soeurs! Avec toute l'Eglise, nous louons le Seigneur pour les grandes oeuvres qu'il a réalisées à travers ces nouveaux saints.

En rentrant dans vos maisons et en retournant à vos occupations quotidiennes, emportez avec vous le joyeux souvenir de ce pèlerinage à Rome, et continuez avec courage dans votre engagement de témoignage chrétien, afin de pouvoir vous préparer à vivre avec intensité et ferveur l'Année sainte, désormais proche.

Avec ces souhaits, je vous confie tous à la protection céleste de la Madone et des nouveaux saints, et je vous bénis de tout coeur, ainsi que vos familles et vos communautés.



MESSAGE DU SAINT PÈRE JEAN-PAUL II À S.S. BARTHOLOMAIOS Ier, PATRIARCHE OECUMÉNIQUE, POUR LA FÊTE DE SAINT ANDRÉ

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A Sa Sainteté Bartholomaios Ier
Archevêque de Constantinople
Patriarche oecuménique

A vous grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ”(
Ep 1,1)



La fête de saint André, célébrée par le Patriarcat oecuménique, et celle des saints Pierre et Paul à Rome, nous unissent dans une rencontre fraternelle de dialogue et de prière. La charité réciproque, les échanges réguliers, la louange élevée ensemble au Seigneur, sont autant de moyens qui contribuent à la pleine unité entre nos Eglises et qui nous permettent de témoigner de la communion dans l’unique Seigneur, le Christ.

Notre participation réciproque aux célébrations des saints Apôtres, patrons de nos Eglises, est également une source de joie, joie que nous éprouvons lorsque nous nous attachons à faire la volonté du Seigneur.

La délégation que j’envoie cette année auprès de Votre Sainteté et de l’Eglise soeur de Constantinople est encore une fois guidée par Monsieur le Cardinal Edward Idris Cassidy, Président du Conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens. Il est accompagné cette année par Monseigneur Walter Kasper, Evêque émérite de Rottenburg-Stuttgart et nouveau Secrétaire du Conseil. Je leur ai confié le soin de vous transmettre les voeux chaleureux que je forme pour vous, Frère vénéré, pour le Saint-Synode qui vous entoure, pour le clergé et pour les fidèles du Patriarcat oecuménique. Que la paix du Seigneur soit avec vous tous!

Notre volonté de progresser sur le chemin du dialogue et des relations fraternelles pour parvenir à la pleine communion devient, en cette fin de siècle et alors que le nouveau millénaire chrétien s’esquisse à l’horizon, une exigence plus urgente, un désir plus ardent de guérir “nos douloureux déchirements qui s’opposent ouvertement à la volonté du Christ et sont pour le monde un objet de scandale” (Lettre apostolique Tertio millennio adveniente TMA 34). Ce désir est toutefois voilé de tristesse à la pensée de ce que nous aurions dû faire pour que resplendisse davantage le vrai visage du Christ et pour que brille d’une lumière encore plus belle aux yeux du monde le visage de son Eglise qui, par le don de l’Esprit, recevra la grâce de la pleine unité entre nous.

Dans ma conviction que, “parmi les péchés qui requièrent un plus grand effort de pénitence et de conversion, il faut compter ceux qui ont porté atteinte à l’unité voulue par Dieu pour son peuple” (ibid. TMA TMA 34), j’ai rappelé, dans ma Lettre, les nombreuses initiatives oecuméniques prises avec générosité et détermination et j’ai souligné l’énorme effort encore nécessaire pour la poursuite du dialogue doctrinal et pour un engagement plus généreux dans la prière oecuménique (cf. ibid. TMA TMA 34). Tout en confiant aux saints Apôtres André, Pierre et Paul ces intentions, qui demeurent l’un des buts jubilaires décisifs pour l’avenir de l’Eglise, je voudrais encore une fois donner l’assurance que l’Eglise catholique est disposée à faire tout son possible afin d’aplanir les obstacles, d’appuyer le dialogue et de collaborer à toute initiative visant à nous faire progresser vers la pleine communion dans la foi et dans le témoignage.

Animé par ces sentiments et ayant en vue l’importance des échanges directs et de la participation de nos Eglises aux événements importants de leur vie, je remercie Votre Sainteté pour l’envoi de ses délégués fraternels à la récente Assemblée spéciale pour l’Europe du Synode des Evêques, en la personne du Métropolite de France, notre vénéré Frère Jérémias, ainsi qu’à l’Assemblée interreligieuse, en la personne du Métropolite de Suisse, notre vénéré Frère Damaskinos. Leur présence nous a donné beaucoup de joie et a été un exemple du partage auquel tendent les disciples du Christ. Cette même joie, je l’éprouve à la perspective d’avoir à mes côtés les représentants de Votre Sainteté le 18 janvier prochain, lors de l’ouverture de la Porte sainte en la Basilique Saint-Paul Hors-les-Murs, pour le début solennel des célébrations qui exalteront Celui qui est “la lumière véritable qui éclaire tout homme” (Jn 1,9). A travers votre représentant dans la commission oecuménique du Jubilé de l’An 2000, vous avez voulu, Sainteté, manifester votre soutien et souligner ainsi votre communion d’intention pour ces célébrations jubilaires. Je tiens à vous remercier aussi de cette présence et de cette collaboration.

En me réjouissant de tout coeur de ce qu’au seuil du nouveau millénaire il nous soit donné d’annoncer d’une certaine manière ensemble aux nouvelles générations que Jésus Christ est le Sauveur du monde, j’échange avec Votre Sainteté le baiser de paix, et je L’assure de mon affection fraternelle.

Au Vatican, le 24 novembre 1999.

Décembre 1999

À L'AMBASSADEUR DE CUBA PRÈS LE SAINT SIÈGE À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Jeudi 2 décembre 1999

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Monsieur l'Ambassadeur,

1. Je suis très heureux de vous souhaiter la bienvenue et de recevoir au cours de cette rencontre solennelle les Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République de Cuba près le Saint-Siège. Je vous remercie des paroles aimables que vous m'avez adressées, ainsi que du cordial salut que vous m'avez transmis de la part de M. Fidel Castro, Président du Conseil d'Etat et du gouvernement de la République de Cuba, à qui je vous prie de transmettre mes meilleurs voeux de paix et de bien-être, ainsi que mes voeux pour le progrès matériel et spirituel de la chère nation cubaine.


2. Dans vos paroles, vous avez fait référence à l'attention que, de manière systématique, votre gouvernement porte au domaine de la santé et de l'éducation, obtenant des résultats dignes d'éloges. Vous soulignez également l'esprit hospitalier du peuple cubain et son aspiration constante à la liberté; ce sont des aspects qui constituent l'identité d'une nation et qu'il est nécessaire de promouvoir avec décision. A ce propos, une tâche incontournable est de diffuser ces valeurs et de préserver également les citoyens de toute forme de corruption et de diverses plaies sociales, qui touchent en particulier les jeunes, car tout cela met en danger la paix sociale et sa stabilité.

Dans une société comme la société cubaine, qui se distingue pour avoir élevé considérablement le niveau de l'instruction, il est important que règne un climat de détente et de confiance, dans lequel soient sauvegardés les droits fondamentaux de la personne humaine, croyante ou non, et que soient créées les conditions dans lesquelles l'homme peut agir "en vertu de ses propres options et en toute libre responsabilité; non pas sous la pression d'une contrainte, mais guidé par la conscience de son devoir" (Dignitatis humanae
DH 1). Ce climat est également fondamental pour pouvoir acquérir une crédibilité au niveau international.


3. De plus, la pauvreté matérielle et morale peut avoir comme causes, entre autres, les inégalités injustes, la restriction des libertés fondamentales, la dépersonnalisation et le découragement des individus (cf. Discours lors de la cérémonie de départ, Aéroport de La Havane, n. 4, ORLF du 10.02.98 n. 6). Pour pouvoir marcher ensemble, dans un climat de solidarité juste et respectueuse, il est nécessaire d'ouvrir de façon effective et généreuse le monde à Cuba et Cuba au monde, car ce pays est appelé à jouer un rôle important sur le chemin vers un monde plus humain, plus solidaire et respectueux de la dignité de la personne humaine. C'est pourquoi je désire de tout coeur que votre cher pays puisse poursuivre la recherche et la construction de la justice et de la paix, dans le cadre d'un dialogue permanent et respectueux.

D'autre part, nous sommes conscients de vivre à une époque d'échanges mondiaux constants, dans laquelle aucune nation ne peut vivre seule. Et Cuba ne doit pas se voir privée de relations avec d'autres peuples, car celles-ci sont indispensables à un sain développement économique, social et culturel. C'est pourquoi, il faut espérer que Cuba trouve dans la Communauté internationale le soutien financier pour affronter de façon adéquate les nécessités de l'heure présente. Ce chemin sera plus facile si, pour sa part, Cuba promeut de nouveaux espaces de liberté et de participation pour ses habitants, tous appelés à collaborer à l'édification de la société.


4. Monsieur l'Ambassadeur, au cours de ma visite pastorale effectuée au début de l'année 1998 dans votre pays, cette belle île connue comme "La perle des Caraïbes" et la "Porte du Golfe", j'ai pu constater l'esprit de travail et d'initiative qui distingue le peuple cubain. L'Eglise qui est à Cuba, même si elle est pauvre en moyens et manque de personnel, vit également ce même esprit et désire offrir sa collaboration spécifique en vue d'un renforcement moral et social toujours plus profond. Elle désire être avant tout une messagère d'amour, de justice, de réconciliation et de paix, en offrant à tous le message de Jésus, la Bonne Nouvelle, dans un milieu d'authentique liberté religieuse (cf. Dignitatis humanae DH 13). Pour que cela se réalise, il faut favoriser toujours davantage un dialogue constructif et permanent, dont Votre Excellence possède une profonde expérience en raison des fonctions que vous avez exercées au cours de ces dernières années, ce qui permettra à l'Eglise de jouer pleinement le rôle qui lui revient, sans privilège ni favoritisme, mais en disposant des moyens indispensables pour son travail quotidien, de façon à ce que les chrétiens puissent jouir, comme les autres citoyens, "du droit civil qui fait qu'on ne les empêche pas de vivre selon leur conscience" (ibid. DH DH 13).

Je sais également que vous affrontez avec courage la situation économique que traverse votre pays. En diverses occasions, j'ai fait référence à des situations semblables qui, à l'échelle mondiale, soulèvent de nombreuses questions et empêchent tant de pays de parvenir à un niveau de bien-être souhaitable. A ce propos, je désire réaffirmer ce que j'ai dit dans la Lettre apostolique Tertio millennio adveniente, avec l'espoir que l'on soutienne un développement approprié pour tous (cf. Tma TMA 51).


5. L'Eglise qui est à Cuba attend aussi une ouverture toujours plus généreuse à la solidarité manifestée par l'Eglise universelle - à travers un échange enrichissant de personnel et de moyens -, avec un véritable sentiment de collaboration et dans le respect de ce qui est propre à la culture cubaine, au sein de la culture latino-américaine, avec son âme chrétienne qui la pousse à une vocation universelle (cf. Homélie sur la Place de Révolution, n. 7, ORLF du 03.02.98 n. 5; Ecclesia in America, n. 14).

Dans vos paroles, vous avez également fait référence aux relations Eglise-Etat à Cuba, qui doivent se poursuivre dans le respect mutuel et la cordialité. Un respect nécessaire pour ne pas interférer dans ce qui est propre à chaque institution, mais, de la part de l'Eglise, orienté vers une collaboration pour parvenir à un plus grand bien-être de la communauté nationale. C'est pourquoi, à travers le dialogue constructif, il est possible de promouvoir des valeurs fondamentales pour l'organisation et le développement de la société. A ce propos, même si la mission de l'Eglise est d'ordre spirituel et non politique, instaurer des relations plus souples entre l'Eglise et l'Etat contribuera certainement à l'harmonie, au progrès et au bien de tous, sans aucune distinction.
C'est pourquoi, il est fondamental d'avoir un concept adéquat des relations entre la communauté politique et l'Eglise, et de distinguer clairement les actions que les fidèles, seuls ou en association, conduisent à titre personnel en tant que citoyens en accord avec leur conscience chrétienne, et les actions qu'ils réalisent au nom de l'Eglise en communion avec leurs pasteurs. "L'Eglise qui, en raison de sa charge et de sa compétence, ne se confond en aucune manière avec la communauté politique et n'est liée à aucun système politique, est en même temps le signe et la garantie du caractère transcendant de la personne humaine" (Ecclesia in America, ).

Pour sa part, le Siège apostolique ne cessera pas d'élever sa voix en défense de l'équité et de la coexistence pacifique entre les nations et les peuples, en sauvegardant son autonomie, pour que le peuple cubain, comme chaque peuple ou nation qui recherche la vérité, qui travaille pour s'élever, qui aspire à la concorde et à la paix, puisse considérer l'avenir avec espoir (cf. Discours d'arrivée à Cuba, Aéroport de La Havane, n. 5, ORLF du 27.01.98 n. 4).


6. Cette rencontre d'aujourd'hui, qui se déroule quelques jours avant l'ouverture du Jubilé au cours duquel nous célébrerons les 2000 ans de la naissance de Jésus à Bethléem, m'invite à rappeler les paroles que, de toutes mes forces, j'ai proclamées au début de mon pontificat: "N'ayez pas peur!", "Ouvrez en grand les portes au Christ!" Ouvrez à sa puissance salvatrice les frontières des Etats, les systèmes économiques et politiques, les vastes domaines de la culture, de la civilisation et du développement. "N'ayez pas peur!" Le Christ connaît ce qu'il y a dans l'homme. "Lui seul le connaît!" (22.10.78). Et aujourd'hui, presque à la fin de ce siècle et du millénaire, je sens que je dois ajouter: "Que jamais aucune institution, aucune idéologie, ne fasse obstacle pour que tout homme puisse s'ouvrir au Christ!" Tel est mon plus grand désir pour tous les citoyens du cher pays de Cuba. J'y retourne en esprit, en me rappelant des journées inoubliables de ma visite pastorale, au cours desquelles j'ai eu l'occasion de ressentir la chaleur humaine de l'admirable peuple cubain.


7. Au moment où vous assumez les hautes fonctions pour lesquelles vous avez été désigné, je désire former des voeux pour un déroulement heureux et fructueux de votre mission auprès du Siège apostolique. En vous demandant de bien vouloir transmettre ces sentiments au Président du Conseil d'Etat et du gouvernement de cette République, aux autres Autorités et au noble peuple cubain, je vous assure de ma prière au Tout-Puissant pour qu'il vous assiste toujours de ses dons, ainsi que votre famille, vos éminents collaborateurs et toute la Nation, dont je me souviens toujours avec une affection particulière.

 

À L'AMBASSADEUR DE PANAMA PRÈS LE SAINT SIÈGE À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE

Samedi 4 décembre 1999

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Madame l'Ambassadeur,

1. Je reçois avec joie les Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République du Panama près le Saint-Siège, et je vous remercie sincèrement des paroles courtoises que vous avez bien voulu m'adresser au cours de cet acte solennel, qui m'offre également l'heureuse opportunité de vous saluer et de vous souhaiter une cordiale bienvenue.

Je désire également manifester ma satisfaction particulière pour les sentiments de sollicitude et d'adhésion du Président de la République, Mme Mireya Moscoso, et du gouvernement de votre pays, dont vous vous êtes fait l'interprète, et je vous prie de transmettre, à votre tour, mon salut respectueux et reconnaissant, ainsi que mes meilleurs voeux de paix et de bien-être pour tout le cher peuple du Panama.


2. Le climat cordial qui règne au cours de cette rencontre est, en réalité, le reflet des bonnes relations qui existent entre le Panama et le Saint-Siège, ainsi que de la bonne entente et de l'étroite collaboration entre les autorités publiques et l'Eglise qui est au Panama. Je me réjouis de constater que le nouveau gouvernement de la République a manifesté son intention de poursuivre et de développer ces relations car, bien qu'étant autonomes et ayant des objectifs différents, et chacun respectant rigoureusement ses compétences, les pouvoirs publics et l'Eglise possèdent une finalité dernière qui converge dans le bien des personnes concrètes et le bien commun de la société.

En effet, le progrès authentique des peuples se construit non seulement à travers des dispositions techniques, si celles-ci sont opportunes et nécessaires, mais en même temps en communiquant une âme qui donne un sens à la vie et sa réalité à la coexistence, à travers une participation civique responsable et un profond sentiment de solidarité. C'est à cela que l'Eglise contribue depuis longtemps, en particulier au Panama où fut créé le premier diocèse érigé sur la terre du continent américain, portant le nom de "Santa María de la Antigua del Darién", et où elle prêcha à son peuple l'Evangile du Christ, l'accompagnant dans un processus d'éducation intégrale, en promouvant les valeurs les plus élevées, en défendant la dignité de la personne et en manifestant sa sollicitude particulière à l'égard des difficultés des personnes les plus pauvres de la société. Agissant en fidélité à sa mission reçue du Christ, elle continue et elle continuera à être disponible pour aider les Panaméens à affronter les défis qui les attendent au cours du prochain millénaire et pour les encourager à oeuvrer ensemble pour un avenir meilleur pour tous.


3. Cet avenir commence par un événement de grande importance pour le Panama; c'est-à-dire le recouvrement, les jours prochains, de la souveraineté sur le canal qui porte son nom et sur les terres avoisinantes. Il s'agit d'un fait qui comporte d'importantes conséquences juridiques et pratiques, économiques et politiques, mais qui revêt également, comme vous l'avez souligné, un caractère emblématique, car il réaffirme l'identité historique et géographique de votre pays, appelé à jouer un rôle important de communication et de liaison entre les peuples du monde.

Tout cela apparaît comme une invitation à ce que le Panama se distingue précisément en démontrant qu'il est un peuple accueillant, ouvert au dialogue et possédant de profondes racines chrétiennes. C'est pourquoi, après le recouvrement de la souveraineté sur le territoire, une attention particulière devra être manifestée afin d'éviter que les intérêts ou des pressions étrangères finissent par anéantir les bénéfices que cette magnifique opportunité historique peut apporter à tous les citoyens, en favorisant le développement de projets destinés à éradiquer la pauvreté qui touche une grande partie de la population, à respecter toujours plus la dignité des divers groupes ethniques, à améliorer l'éducation, à faciliter le travail de la justice et à rendre plus humaine et juste la situation des prisonniers, afin de faciliter leur réinsertion dans la société et, pour finir, à fournir les moyens nécessaires pour un développement intégral du Panaméen.


4. C'est à vous que revient, Madame l'Ambassadeur, l'honneur de commencer votre mission diplomatique à Rome à l'approche de l'ouverture du grand Jubilé de l'An 2000, qui représente un événement de grande importance pour les chrétiens du monde entier et dans lequel l'Eglise place de grandes espérances de renouveau et de réconciliation. Je désire de tout coeur que cela constitue également pour le Panama, une occasion propice pour donner une impulsion à son avenir spirituel et, comme je l'ai dit dans ma Lettre apostolique Tertio millennio adveniente, "pour méditer sur d'autres défis de l'époque comme, par exemple, les difficultés du dialogue entre cultures différentes et les problèmes liés au respect des droits de la femme et à la promotion de la famille et du  mariage" (
TMA 51).


5. Avec ces espoirs, je vous souhaite à nouveau une cordiale bienvenue, ainsi qu'à votre famille. Je forme les meilleurs voeux pour la bonne issue de la mission que vous commencez à présent en tant que représentante de votre pays et qui, nous l'espérons, portera des fruits abondants pour le bien spirituel et matériel du peuple panaméen. Je pense en particulier aux femmes et aux hommes qui vivent chaque jour avec dignité et orgueil le fait de pouvoir contribuer à la construction d'un avenir meilleur pour votre pays. Je demande à notre Mère du Ciel qu'elle protège ses enfants du Panama et leur donne le courage nécessaire pour progresser sur le chemin de la solidarité et de la paix.

Je vous prie, Madame l'Ambassadeur, de vous faire l'interprète de mes meilleurs sentiments et de ma sollicitude auprès des autorités et du peuple panaméen, que je bénis de tout coeur.






AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS PROMU PAR LE CONSEIL PONTIFICAL POUR LA FAMILLE

Samedi 4 décembre 1999

221

Monsieur le Cardinal,
Vénérés frères dans l'épiscopat et le sacerdoce,
Très chers frères et soeurs!

1. Je suis heureux de vous recevoir, vous tous qui participez au Congrès sur "La famille et l'intégration de la personne handicapée dans l'enfance et l'adolescence", organisé par le Conseil pontifical pour la Famille en collaboration avec le "Centro Educación Familiar Especial" (CEFAES) de Madrid et le "Programme Leopold" du Venezuela. Je salue le Cardinal Alfonso López Trujillo, Président du Conseil pontifical pour la Famille, et je le remercie pour les expressions cordiales qu'il a bien voulu m'adresser, se faisant l'interprète des sentiments des personnes présentes. Je salue et je remercie chacun de vous de votre présence et de l'engagement avec lequel vous affrontez un thème aussi important, qui touche tant de familles. Je souhaite que les résultats de cette rencontre aident à améliorer la situation de tant d'enfants et d'adolescents en difficulté.

Dans le contexte de l'Avent, qui nous prépare à célébrer la naissance du Seigneur, votre Symposium acquiert une importance particulière. En effet, à la lumière de l'Enfant Jésus, la réflexion sur la condition des enfants devient plus facile. Lorsque des difficultés, des problèmes ou des maladies touchent les enfants, c'est alors que les valeurs de la foi peuvent venir au secours des valeurs humaines, pour faire en sorte que soit également reconnue et respectée la dignité personnelle originelle des handicapés. C'est pourquoi votre Congrès, qui porte son attention sur les familles, est plus que jamais opportun, afin de les aider à découvrir, également chez les enfants porteurs de handicap, un signe d'amour de Dieu.


2. L'arrivée d'un enfant malade représente sans aucun doute un événement déconcertant pour la famille qui en ressort profondément bouleversée. De ce point de vue également, il apparaît important d'encourager les parents à réserver "une attention très spéciale à l'enfant, de façon à développer une profonde estime pour sa dignité personnelle comme aussi un grand respect pour ses droits que l'on doit servir généreusement. Cela vaut pour tous les enfants, mais c'est d'autant plus important que l'enfant est plus jeune, ayant besoin de tout, ou qu'il est malade, souffrant ou handicapé" (Familiaris consortio
FC 26).

222 La famille est par excellence le lieu, où le don de la vie est reçu en tant que tel, et la dignité de l'enfant est reconnue à travers des expressions de soin et de tendresse particulière. C'est surtout lorsque les enfants en ont le plus besoin et sont exposés au risque d'être rejetés par les autres, que la famille peut protéger de façon la plus efficace leur dignité égale à celle des enfants sains. Il est clair que dans de telles situations, les noyaux familiaux, placés face à des problèmes complexes, ont le droit d'être soutenus. De là l'importance de personnes qui sachent leur être proches, qu'il s'agisse d'amis, de médecins ou d'assistantes sociales. Les parents doivent être encouragés à affronter cette situation, certes difficile, sans se renfermer sur eux-mêmes. Il est important que le problème soit partagé, outre par les parents les plus proches, également par des personnes compétentes et amies.
Ce sont eux les "bons samaritains" de notre temps qui, à travers leur présence généreuse et amicale, répètent le geste du Christ, qui manifesta toujours sa présence réconfortante aux malades et aux personnes en difficulté. L'Eglise est reconnaissante à ces personnes qui chaque jour et en chaque lieu, s'efforcent de soulager les souffrances à travers des "gestes quotidiens d'accueil, de sacrifice, de soins désintéressés" (Evangelium vitae
EV 27).


3. Si l'enfant en difficulté se trouve au sein d'un foyer accueillant et ouvert, il ne se sent pas seul, mais au coeur de la communauté, et peut apprendre ainsi que la vie est toujours digne d'être vécue. Les parents, pour leur part, font l'expérience de la valeur humaine et chrétienne de la solidarité. J'ai eu l'occasion de rappeler en d'autres moments qu'il faut démontrer à travers les faits que la maladie ne crée pas de fossés infranchissables, ni n'empêche des rapports d'authentique charité chrétienne avec ceux qui en sont victimes. Au contraire, la maladie devrait susciter une attitude d'attention particulière envers ces personnes, qui appartiennent de plein droit à la catégorie des pauvres auxquels revient le Royaume des cieux.

Je pense en ce moment à des exemples de dévouement extraordinaire de la part d'innombrables parents à l'égard de leurs enfants; je pense aux multiples initiatives de familles prêtes à accueillir avec un élan généreux des enfants handicapés en adoption. Lorsque les familles sont nourries abondamment de la Parole de Dieu, des miracles d'authentique solidarité chrétienne ont lieu en leur sein. Telle est la réponse la plus convaincante à tous ceux qui considèrent les enfants handicapés comme un poids ou même indignes de vivre pleinement le don de l'existence. Accueillir les plus faibles, les aidant sur leur chemin, est un signe de civilisation.


4. Le devoir des pasteurs et des prêtres est de soutenir les parents, afin qu'ils comprennent et qu'ils acceptent que la vie est toujours un don de Dieu, même lorsqu'elle est marquée par la souffrance et par l'infirmité. Chaque personne fait l'objet de droits fondamentaux inaliénables, inviolables et indivisibles. Chaque personne, et donc également la personne handicapée, qui précisément à cause de son handicap, peut rencontrer de plus grandes difficultés dans l'exercice concret de ces droits, ne doit pas être laissée seule, mais doit être accueillie par la société et y être insérée, selon les possibilités, comme membre de plein droit.

Face à chaque être humain, toujours digne du plus grand respect, en vertu de sa dignité de personne, la société civile et l'Eglise ont des rôles spécifiques à accomplir, contribuant à développer dans la communauté la culture de la solidarité. Le porteur de handicap, comme tout autre sujet faible, doit être encouragé à devenir protagoniste de son existence. Il revient avant tout à la famille, une fois les premiers moments surmontés, de comprendre que la valeur de l'existence transcende celle de l'efficacité. Si tel n'est pas le cas, celle-ci risque d'être déçue et de manquer de confiance lorsque, en dépit de toute tentative, les résultats espérés de guérison ou d'amélioration ne sont pas obtenus.


5. Evidemment, la famille a besoin d'un soutien adéquat de la part de la communauté. Des systèmes de soins d'urgence sont parfois nécessaires pour les moments critiques et des structures résidentielles, sur le modèle de petites communautés correctement équipées, sont parfois indispensables lorsque la vie au sein de la famille n'est plus possible.

Dans tous les cas, il est important de maintenir la communication familiale à un niveau constamment élevé, car il est reconnu que parler, écouter et dialoguer sont des facteurs essentiels pour régler et harmoniser le comportement. Il est nécessaire, en outre, que l'enfant en difficulté soit en mesure de recevoir des moments d'attention et d'amour. Dans cette fonction, la famille est indispensable; mais il lui sera difficile d'obtenir par ses seules forces des résultats appréciables. C'est ici qu'entre en jeu l'intervention d'associations spécialisées et d'autres formes d'aides extra-familiales, qui assurent la présence de personnes avec lesquelles l'enfant perturbé puisse dialoguer et instaurer des rapports éducatifs et amicaux.

La vie de groupe et l'amitié constituent en outre une condition optimale pour favoriser le déconditionnement et une meilleure adaptation personnelle et sociale, grâce à l'établissement de rapports ouverts et gratifiants.


6. Très chers frères et soeurs, je me suis arrêté pour réfléchir avec vous sur certains aspects pratiques de grande importance, en ce qui concerne l'intégration des enfants porteurs de handicaps dans la famille et dans la société. Beaucoup a été écrit sur ce thème et l'attention pastorale doit réserver une grande attention à ces problèmes. Les enfants méritent tous les soins possibles et cela vaut en particulier lorsqu'ils se trouvent dans des conditions difficiles.

Toutefois, au-delà de toute recherche scientifique utile et de toute initiative sociale et pédagogique, ce qui est important pour le croyant est de se reposer de façon humble et confiante en Dieu. C'est surtout dans la prière que la famille trouvera l'énergie de faire face aux difficultés. Dans le recours constant au Seigneur, la famille apprendra à accueillir, à aimer et à valoriser le petit garçon ou la petite fille marqués par la souffrance.

Que Marie, Mère de l'espérance, aide et soutienne tous ceux qui se trouvent dans ces situations difficiles. Je Lui confie votre engagement louable, tandis que je vous donne volontiers, ainsi qu'à tous sont qui vous sont chers, une Bénédiction apostolique particulière.





Discours 1999 215