Discours 1999 241


À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE DU NOUVEL AMBASSADEUR DU RWANDA PRÈS LE SAINT-SIÈGE

16 décembre 1999

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Monsieur l'Ambassadeur,

1. La présentation des Lettres qui accréditent Votre Excellence en qualité d'Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République Rwandaise près le Saint-Siège est pour moi l'occasion de L'accueillir au Vatican et de Lui souhaiter la bienvenue.

J'ai été sensible aux salutations que vous m'avez adressées au nom de Son Excellence Monsieur Pasteur Bizimungu, Président de la République. En retour, vous voudrez bien lui faire part de mes voeux déférents pour sa personne et pour l'accomplissement de sa haute charge au service de tous ses compatriotes. Je voudrais profiter aussi de cette circonstance pour saluer cordialement le peuple rwandais. Je souhaite qu'après les épreuves qu'il a connues, vienne pour chaque personne et pour chaque famille le temps de la réconciliation et d'un engagement renouvelé en faveur de l'édification d'une société prospère toujours plus digne de l'homme et de sa vocation spirituelle.



2. Vous m'avez fait part, dans votre allocution, Monsieur l'Ambassadeur, de la volonté des responsables de votre pays de tout mettre en oeuvre pour que les Rwandais puissent vivre ensemble, dans la paix, la justice et le respect des droits de l'homme. La recherche d'une coexistence toujours plus harmonieuse entre toutes les composantes de la nation doit être en effet une priorité après la tragédie qui a si profondément blessé le peuple rwandais. C'est pourquoi il est du devoir de chacun, et d'abord de ceux qui ont des responsabilités dans la vie de la nation, de créer dès maintenant les conditions qui rendront possible une véritable réconciliation.



3. La qualité des relations entre l'Eglise catholique et l'Etat rwandais est certainement l'un des éléments qui peuvent permettre à la société d'avancer sur les chemins d'une espérance nouvelle pour son avenir. Tout en respectant la mission spécifique de chacun, je souhaite que, dans un climat de sérénité et de vérité, une coopération confiante se développe entre la communauté catholique et les responsables du pays, pour contribuer à l'établissement d'une authentique convivialité et de relations sociales pacifiques entre tous les fils de la nation. Par contre, il faut se rappeler que "là où l'on sème le mensonge et la déloyauté fleurissent le soupçon et la division" (Message pour la journée mondiale de la paix 1997, n. 5).

Comme j'ai eu souvent l'occasion de le dire, la justice est un préalable indispensable du pardon et de la réconciliation. C'est un droit essentiel pour toute personne d'être respectée dans sa dignité et pour toute communauté d'être traitée de manière juste. Dans cette perspective, j'encourage vivement tous les efforts qui pourront être entrepris par votre pays pour assurer toujours plus à tous les prisonniers des conditions de vie décentes et la possibilité d'être jugés en toute équité selon les principes du droit, en conformité avec les règles morales fondamentales. Je souhaite aussi que la mesure et la qualité des peines infligées aux coupables soient attentivement évaluées et déterminées et qu'on ne soit pas conduit à la mesure extrême de la suppression des personnes.



4. Pour l'Eglise catholique, le grand Jubilé qu'elle s'apprête à célébrer est une "année de grâce", et tout particulièrement une année de réconciliation entre les adversaires. Aussi se sent-elle appelée à promouvoir avec vigueur tout ce qui peut contribuer à l'unité et à la fraternité entre les personnes et entre les communautés. Elle entend regarder vers l'avenir avec la force de l'espérance qui "lui donne de fermes et profondes raisons de s'engager quotidiennement dans la transformation de la réalité pour la rendre conforme au projet de Dieu" (Lettre apostolique Tertio millennio adveniente,
TMA 46). Avec tous les hommes de bonne volonté, elle souhaite contribuer à la création d'une nouvelle culture de solidarité et de coopération, afin que disparaissent toutes les formes de violence qui engendrent la domination des uns sur les autres.



5. Par votre intermédiaire, permettez-moi, Monsieur l'Ambassadeur, d'adresser aux Evêques et à l'ensemble de la communauté catholique du Rwanda mes souhaits les plus chaleureux. Dans la période délicate que traverse encore l'Eglise, j'encourage tous ses membres à demeurer fermes dans la foi, à mettre leur espérance dans le Christ, lui qui est "le Chemin, la Vérité et la Vie", en étant unis à leurs pasteurs, pour rendre un ardent témoignage de l'amour de Dieu au milieu de leurs frères et de leurs soeurs. Je les invite aussi, dans une collaboration sincère avec tous leurs compatriotes, à rechercher avec une ardeur renouvelée les chemins du pardon et de la fraternité.



6. Au moment où vous inaugurez votre mission auprès du Siège apostolique, je vous offre mes voeux les meilleurs pour son heureux accomplissement. Soyez assuré qu'auprès de mes collaborateurs vous trouverez toujours l'accueil attentif et compréhensif dont vous pourrez avoir besoin.

Sur votre Excellence, ainsi que sur tout le peuple rwandais et sur ses dirigeants, j'invoque de grand coeur l'abondance des Bénédictions divines.




À L'OCCASION DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE DU NOUVEL AMBASSADEUR DU BURUNDI PRÈS LE SAINT-SIÈGE

16 décembre 1999

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Monsieur l'Ambassadeur,




1. Il m'est agréable d'accueillir Votre Excellence à l'occasion de la présentation des Lettres qui L'accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Burundi auprès du Saint-Siège.

J'ai été sensible aux aimables paroles que vous m'avez adressées et je vous en remercie vivement. Je vous saurais gré de transmettre à Son Excellence Monsieur Pierre Buyoya, Président de la République du Burundi, ainsi qu'au peuple burundais, dont je connais les souffrances mais aussi le courage qu'il manifeste dans la détresse, les voeux fervents que je forme pour que le pays retrouve enfin la paix et que tous ses habitants puissent vivre dans la sécurité et dans la fraternité.



2. La paix est en effet une aspiration profonde du peuple burundais, comme aussi de tous les peuples de la région des grands Lacs, qui, depuis de nombreuses années, connaissent une situation de violence extrême et de fréquentes violations de leurs droits humains les plus fondamentaux. Une fois encore, je voudrais lancer un appel pressant à tous les responsables, afin que cesse toute forme de violence contre les populations. Je souhaite que, à la faveur de la nomination d'un nouveau Médiateur dans la crise que vit votre pays, les différentes parties en cause se retrouvent rapidement autour de la table des négociations avec le désir sincère de mettre fin aux hostilités et de parvenir à une solution définitive, qui, dans le droit et la justice, respecte la dignité des personnes et des peuples ainsi que l'amour qu'ils portent à leur terre.

Comme vous l'avez souligné dans votre allocution, pour que votre pays retrouve une véritable stabilité qui lui permette de s'engager résolument sur les voies du développement et de la prospérité, la solidarité internationale doit aussi se manifester généreusement à ses côtés. D'autre part, la conclusion d'un accord global sur les problèmes qui touchent la région des grands Lacs, respectant les droits légitimes de chaque nation, devrait aussi permettre de retrouver une paix durable et favoriser une coopération fructueuse entre tous les pays de cette partie du continent africain.



3. Sur le chemin difficile qui mène au retour de la paix au Burundi, les différentes communautés religieuses présentes dans le pays peuvent apporter une contribution importante; il faut donc souhaiter qu'il leur soit fait confiance et qu'elles aient la possibilité d'exprimer leur point de vue dans les discussions en cours, en vue de trouver une issue à la crise. Quant à l'Eglise catholique, dont vous avez relevé le rôle important au service de la personne humaine et de la société burundaise tout entière, elle est disposée à s'engager toujours plus activement dans la recherche de la concorde et d'une véritable réconciliation entre tous les fils du pays ainsi que dans la poursuite de son action sociale.



4. Dans la situation actuelle, où tant d'hommes, de femmes et d'enfants sont encore victimes de la violence aveugle, il est urgent que les droits de la personne et les conventions internationales soient respectées par tous les belligérants. Les exécutions sommaires et tous les actes de violence homicides sont des atteintes intolérables au respect dû à la vie qui défigurent l'homme et compromettent gravement l'avenir de la société. Il faut se rappeler, en effet, que "la vie humaine présente un caractère sacré et inviolable, dans lequel se reflète l'inviolabilité même du Créateur. C'est pourquoi, Dieu se fera le juge exigeant de toute violation du commandement "tu ne tueras pas", placé à la base de toute la convivialité de la société" (Encyclique Evangelium vitae
EV 53).

Par ailleurs, afin de créer un environnement favorable à un retour rapide des conditions de vie normales pour les familles, il est indispensable que les personnes qui ont été déplacées de leurs lieux de vie habituels puissent rejoindre librement leurs collines et leurs maisons en toute sécurité, et que les exilés reprennent le chemin de leur pays pour participer à l'édification d'une société pleinement réconciliée et solidaire.



5. Par votre intermédiaire, Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais saluer très chaleureusement la communauté catholique du Burundi. Dans le souvenir de la rencontre que j'ai eue récemment avec ses Evêques lors de leur visite ad limina, je l'encourage à nouveau dans sa fidélité au Christ et à l'Eglise. Je souhaite que la célébration du grand Jubilé qui va s'ouvrir dans quelques jours soit pour tous les fidèles l'occasion d'un renouveau spirituel vigoureux et que le Christ soit leur espérance inébranlable en ce temps d'épreuve que vit leur pays. Qu'avec tous leurs compatriotes, ils soient des artisans de paix audacieux et généreux!



6. Monsieur l'Ambassadeur, alors que commence officiellement votre mission auprès du Siège apostolique, je vous offre mes voeux cordiaux pour la noble tâche qui vous attend. Soyez assuré que vous trouverez ici, auprès de mes collaborateurs, l'accueil attentif et compréhensif dont vous pourrez avoir besoin.

Sur Votre Excellence, sur les responsables de la nation et sur le peuple burundais tout entier, j'invoque de grand coeur l'abondance des Bénédictions divines.




AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS INTERNATIONAL SUR JEAN HUS

Vendredi 17 décembre 1999

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Eminents représentants des Autorités du gouvernement,
Monsieur le Cardinal, Vénérés frères dans l'épiscopat,
Illustres experts,
Mesdames et Messieurs!

1. C'est pour moi une grande joie de vous adresser mon salut cordial à l'occasion de votre Symposium sur Jan Hus, qui constitue une étape ultérieure et importante vers une compréhension approfondie de la vie et de l'oeuvre du célèbre prédicateur bohême, l'un des plus connus parmi les très illustres maîtres issus de l'Université de Prague. Hus représente une figure mémorable pour de nombreuses raisons. Mais c'est avant tout son courage moral face à l'adversité et à la mort qui a fait de lui une figure d'une importance particulière pour le peuple tchèque, lui aussi durement éprouvé au cours des siècles. Je vous suis particulièrement reconnaissant à tous d'avoir apporté votre contribution au travail de la Commission oecuménique "Husovskà", constituée il y a quelques années par le Cardinal Miloslav Vlk, dans le but d'identifier de façon plus précise la place que Jan Hus occupe parmi ceux qui aspiraient à la réforme de l'Eglise.


2. Il est significatif que des experts provenant de la République tchèque, mais également des pays voisins, aient participé à ce Symposium. Il n'est pas moins révélateur que, en dépit des tensions qui ont pesé sur les relations entre les chrétiens tchèques dans le passé, des experts de différentes confessions se soient réunis pour partager leurs connaissances. Après avoir recueilli la réflexion académique la meilleure et la plus actuelle sur Jan Hus et sur les événements auxquels il fut lié, la prochaine étape consistera à publier les résultats du Symposium, afin que le plus grand nombre possible de personnes puissent mieux connaître non seulement l'extraordinaire figure de l'homme qu'il fut, mais également l'importante et complexe période de l'histoire chrétienne et européenne dans laquelle il vécut.

Aujourd'hui, à la veille du grand Jubilé, je ressens le devoir d'exprimer mon profond regret pour la mort cruelle infligée à Jan Hus et pour la blessure qui suivit, source de conflits et de divisions, qui s'ouvrit si profondément dans l'esprit et dans le coeur du peuple bohême. Déjà au cours de ma première visite à Prague, j'exprimai l'espérance que des pas décisifs puissent être accomplis sur le chemin de la réconciliation et de la véritable unité du Christ. Les blessures des siècles passés doivent être soignées à travers une nouvelle perspective et l'instauration de relations totalement renouvelées. Que notre Seigneur Jésus-Christ, qui est "notre paix", et qui a détruit "la barrière qui les séparait " (
Ep 2,14), guide le chemin de l'histoire de votre peuple vers l'unité retrouvée de tous les chrétiens, que nous souhaitons tous ardemment, pour le millénaire qui est à nos portes.


3. Dans cette perspective, l'effort que les experts peuvent développer en vue de parvenir à une compréhension plus profonde et plus complète de la vérité historique, est d'une importance cruciale. La foi n'a rien à craindre de l'engagement de la recherche historique, à partir du moment où la recherche est, en ultime analyse, orientée vers la vérité qui a sa source en Dieu. C'est pourquoi, je rends à présent grâce à notre Père céleste pour votre travail qui touche à son terme, de la même façon que je vous ai encouragés lorsque vous l'avez commencé.

L'écriture de l'histoire se heurte parfois à des pressions idéologiques, politiques ou économiques, qui ont pour conséquence que la vérité est voilée et l'histoire même finit par se retrouver prisonnière des puissants. L'étude véritablement scientifique est notre meilleure défense contre de telles pressions et contre les déformations qu'elles peuvent engendrer. Il est vrai qu'il est très difficile d'effectuer une analyse de l'histoire absolument objective, étant donné que les convictions, les valeurs, les expériences personnelles en influencent inévitablement l'étude et l'exposé. Toutefois, cela ne signifie pas que l'on ne puisse pas parvenir à une réévocation des événements historiques qui soit réellement impartiale, et, en tant que telle, vraie et libératrice. Votre travail même est la preuve que cela est possible.


4. La vérité peut se révéler également dérangeante lorsqu'elle nous demande d'abandonner nos préjugés et nos stéréotypes enracinés. Cela vaut pour les Eglises, les communautés ecclésiales et les religions, ainsi que pour les nations et les individus. Toutefois, la vérité qui nous libère de l'erreur est également la vérité qui nous rend libres d'aimer; et l'amour chrétien a été l'horizon de ce que votre Commission a tenté de réaliser. Votre travail veut faire comprendre qu'une figure comme celle de Jan Hus, qui a été un fort objet de contestation dans le passé, peut devenir à présent un sujet de dialogue, d'échange et d'approfondissement commun.

A l'heure où de nombreuses personnes s'engagent à créer un nouveau type d'unité en Europe, des recherches historiques comme la vôtre peuvent être d'une grande aide pour inspirer les personnes à dépasser les frontières ethniques et nationales trop étroites, pour aller vers de nouvelles formes d'ouverture véritable et de solidarité. Cela aidera certainement les Européens à comprendre que le Continent pourra avancer de façon certaine vers une unité stable et nouvelle, s'il sait mettre sur pied des façons nouvelles et créatives de retrouver ses racines chrétiennes communes et l'identité spécifique qui en est issue.


5. Il est donc clair que votre travail représente un service important non seulement pour la figure historique de Jan Hus, mais également, de façon plus générale, pour les chrétiens et pour la société européenne dans son ensemble. Cela parce que, en dernière analyse, il s'agit d'un service à la vérité sur l'homme, vérité que la famille humaine a besoin de récupérer, avant tout autre chose, à l'aube du troisième millénaire de l'ère chrétienne.

En contemplant la vérité sur l'homme, nous ne pouvons manquer de nous tourner vers la figure du Christ ressuscité. Lui seul incarne parfaitement la vérité de l'homme, créé à l'image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1,26). Je prie ardemment Celui qui "est le même hier, aujourd'hui et à jamais" (He 13,8), afin qu'il envoie sa lumière dans vos coeurs. En signe de grâce et de paix en Lui, j'invoque sur vous, sur les personnes qui vous sont chères et sur toute la nation tchèque d'abondantes Bénédictions du Très-Haut. A lui louange, gloire, sagesse et action de grâce pour les siècles des siècles. Amen! (cf. Ap Ap 7,12).






AUX CARDINAUX ET AUX MEMBRES DE LA CURIE ROMAINE POUR LES VOEUX DE NOËL

Mardi 21 décembre 1999

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Rorate coeli desuper, et nubes pluant iustum!
Aperiatur terra, et germinet Salvatorem! (
Is 45,8).

Une communauté très particulière unie par le "ministerium petrinum"

1. C'est avec un vif plaisir que je vous rencontre, très chers membres du Collège cardinalice et collaborateurs de la Curie romaine, pour ce rendez-vous traditionnel, qui aujourd'hui semble toutefois revêtir une atmosphère particulière: c'est le dernier du siècle et du millénaire. Cette circonstance particulière nous invite à orienter notre réflexion vers l'horizon du temps qui s'écoule, pour adorer les desseins de Dieu et renouveler notre foi dans le Christ, Seigneur de l'histoire.

Je vous remercie, Monsieur le Cardinal-Doyen, des expressions de dévotion que vous m'avez exprimées au nom du Collège cardinalice et des personnes présentes. Merci de vos voeux, que je forme en retour de tout coeur, pour vous, pour les Cardinaux et les membres de la Curie romaine.
Nous voulons vivre cette rencontre avec la conscience que nous constituons une communauté très particulière, la communauté des collaborateurs les plus proches de l'Evêque de Rome, Successeur de l'Apôtre Pierre. L'élément qui nous unit peut être résumé par l'expression ministerium petrinum.


La vocation du Successeur de Pierre est un service

2. Ministerium, c'est-à-dire service. Le Fils de Dieu, qui naît en tant qu'homme à Bethléem, dira de lui-même: "Le Fils de l'homme lui-même n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude" (Mc 10,45). Le Christ nous laisse ainsi le modèle, et même l'"aune" sur laquelle doit se mesurer la vocation de chacun de nous.

Si la vocation du Successeur de Pierre, assisté par ses collaborateurs, possède une signification particulière dans l'Eglise, c'est précisément parce qu'elle est un ministère, un service. Le Christ dit à Pierre: "Affermis tes frères" - confirma fratres tuos (Lc 22,32). Nous connaissons bien le contexte dramatique de cette parole du Maître divin: désormais proche de sa passion, à Pierre qui lui déclarait: "Seigneur, je suis prêt à aller avec toi et en prison et à la mort" (Lc 22,33), Il répliqua: "Je te le dis, Pierre, le coq ne chantera pas aujourd'hui que tu n'aies, par trois fois, nié me connaître" (Lc 22,34). C'est dans ce contexte que sont prononcées les paroles du Christ: "Mais moi j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères" (Lc 22,32).


Je désire embrasser en mémoire les Pontifes qui se sont succédé au cours de ce Millénaire

3. Il est nécessaire de s'arrêter sur le contexte d'ensemble, pour comprendre pleinement le sens de la vocation de Pierre dans l'Eglise. Dans le récit de l'Evangéliste, Pierre apparaît dans toute sa fragilité. Le fait d'"affermir" ne dérive donc pas de ses capacités: il vient de la puissance du Christ, qui prie pour lui. C'est en vertu de la puissance du Christ qu'il peut soutenir ses frères malgré sa faiblesse personnelle. Il est nécessaire de bien garder à l'esprit cette vérité sur le ministerium petrinum. Celui qui, en tant que Successeur de Pierre, exerce ce ministerium ne peut jamais l'oublier, et ceux qui y participent, à quelque titre que ce soit, ne doivent pas l'oublier.

A l'occasion de la rencontre d'aujourd'hui, je désire embrasser en mémoire les Souverains Pontifes qui se sont succédé au cours de ce millénaire et tous ceux qui, de façons les plus diverses, ont collaboré avec eux: "C'est bien, serviteur bon et fidèle, lui dit son maître..., en peu de choses tu as été fidèle, sur beaucoup je t'établirai; entre dans la joie de ton Seigneur" (Mt 25,23). Nous sommes certains que ceux qui ont participé au ministerium petrinum ont entendu ces paroles du Christ. Nous sommes certains que nous les écouterons nous aussi, lorsque nous serons appelés à nous présenter devant le tribunal suprême.

Que cette méditation d'aujourd'hui franchisse le seuil du troisième millénaire

Que cette méditation d'aujourd'hui franchisse le seuil du troisième millénaire et soit accueillie par ceux qui viendront après nous, qui assumeront après nous, comme Successeurs de Pierre et comme leurs collaborateurs, le ministerium petrinum, pour l'exercer selon la volonté du Christ. C'est le souhait que je forme pour tous mes bien-aimés frères et soeurs de la grande communauté que nous formons, en remerciant sans cesse tous et chacun, pour le soutien, l'aide et la collaboration généreuse qu'ils m'offrent.


247 Rendons grâce au Seigneur pour l'inspiration trinitaire qui a marqué le grand Jubilé

4. Confirma fratres tuos! Avec tout le Peuple de Dieu présent dans le monde, nous avons marché au cours de ces années vers le grand Jubilé. Effectuant à présent comme un bilan de l'itinéraire parcouru, je sens de mon devoir de remercier tout d'abord le Seigneur pour l'inspiration trinitaire qui l'a marqué. D'année en année, nous nous sommes arrêtés en contemplation devant la personne du Fils, de l'Esprit, du Père. Au cours de l'Année Sainte, nous chanterons la gloire commune des trois Personnes divines. Nous nous sentons ainsi plus que jamais un peuple rassemblé dans la Trinité, "de unitate Patris et Filii et Spiritus Sancti plebs adunata" (S. Cyprien, De orat. Dom. 23: PL 4, 536; cf. Lumen gentium
LG 4).

La préparation à l'Année Sainte dans les Eglises particulières et au niveau universel

Les initiatives lancées dans les Eglises particulières en préparation à l'Année jubilaire ont été innombrables. Au niveau universel, les Synodes continentaux, dont il est normal d'attendre des fruits abondants sur la base des orientations présentées dans les respectives Exhortations apostoliques post-synodales, ont en particulier été d'une grande importance. Au début de cette année, j'ai pu remettre l'Exhortation apostolique Ecclesia in America, dans la ville de Mexico, en souhaitant un élan renouvelé d'évangélisation de la nombreuse chrétienté américaine. Au mois de juin, j'ai visité ma patrie d'origine, me rendant dans divers diocèses de Pologne dans lesquels je n'avais pas encore été. Le mois dernier, j'ai apporté en Inde l'Exhortation Ecclesia in Asia, en encourageant la petite communauté catholique qui est en Asie à annoncer avec confiance, tout en dialoguant avec les anciennes religions de ce continent, le Christ Sauveur. En octobre, s'est ensuite tenue la deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe, au cours de laquelle a été affronté le défi complexe de l'évangélisation sur le continent européen. Un défi que nous avons confié à l'intercession des saints, en particulier des trois Patrons Benoît, Cyrille et Méthode, que j'ai voulu associer dans la dévotion du Peuple de Dieu avec les trois figures féminines de sainte Brigitte de Suède, sainte Catherine de Sienne et sainte Thérèse Bénédicte de la Croix - Edith Stein.


L'année qui vient de s'écouler à été importante du point de vue oecuménique

5. Confirma fratres tuos! L'année qui vient de s'écouler a été importante également du point de vue oecuménique. Dans Tertio millennio adveniente, j'avais souhaité que le grand Jubilé puisse voir les chrétiens "sinon totalement unis, du moins beaucoup plus près de surmonter les divisions du deuxième millénaire" (TMA 34). Malheureusement cet objectif demeure encore éloigné.

Comment oublier l'intense émotion de mes récents voyages en Roumanie et en Géorgie?
Mais comment oublier l'intense émotion de mes récents voyages en Roumanie et en Géorgie? Je m'y suis rendu en tant que frère parmi des frères, et dans l'accueil de ces anciennes communautés, j'ai pu goûter la joie qui a accompagné pendant des siècles les relations entre l'Orient et l'Occident. A l'époque, l'Eglise pouvait respirer pleinement avec les "deux poumons" des diverses traditions complémentaires, à travers lesquels s'exprime la richesse de l'unique mystère chrétien. Et que dire, ensuite, des progrès enregistrés dans les relations avec les frères de tradition luthérienne? Le document sur la justification, récemment signé à Augsbourg, constitue un grand pas en avant et un encouragement à poursuivre de façon décidée le dialogue, afin que se réalise l'invocation du Christ: "Père, [...] qu'ils soient un" (Jn 17,11 Jn 17,21). Le Congrès qui s'est tenu la semaine dernière sur Jan Hus précisément ici, au Vatican, avec une large participation d'éminents chercheurs de tous les horizons, a également constitué un pas significatif vers un éclaircissement des relations avec la tradition Hussite.


La foi dans le Christ "Chemin, Vérité et Vie" est la raison d'être et la force de l'Eglise

6. Rorate coeli desuper et nubes pluant iustum! Cette année aussi, le regard de l'Eglise n'a pas manqué de s'étendre au-delà de ses frontières visibles, pour reconnaître l'oeuvre mystérieuse que l'Esprit de Dieu accomplit parmi tous les hommes et, en particulier, parmi les croyants des autres religions. Sur l'initiative du Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux, dans le sillage de l'inoubliable rencontre d'Assise de 1986, nous nous sommes réunis au mois d'octobre dernier sur la place Saint-Pierre avec les représentants de diverses religions du monde. Nous avons organisé cette rencontre en pleine harmonie avec l'esprit du Concile, qui, dans la déclaration Nostra Aetate, a encouragé le dialogue avec les autres religions, en rappelant toutefois qu'il doit avoir lieu sans tomber dans l'indifférence ou dans la tentation du syncrétisme. La foi dans le Christ "Chemin, Vérité et Vie" (Jn 14,6 cf. Nostra Aetate NAE 2) est la raison d'être de l'Eglise et la force qui en soutient et en oriente l'action dans le monde. C'est sur cette base que la rencontre avec les croyants d'autres religions révèle toute sa fécondité. Elle est légitime et significative, car nombreux sont les domaines d'action sur lesquels nous pouvons nous trouver en accord pour servir Dieu et les hommes, et car le devoir de l'Eglise est de glorifier Dieu pour les rayons de vérité avec lesquels il atteint ses fils sur toutes les latitudes de la terre, en offrant de la façon que lui seul connaît, ce salut qui a son origine dans le mystère pascal du Christ (cf. Gaudium et spes GS 22).


La promotion d'une "culture de la charité"

248 7. L'annonce du salut ne peut que s'accompagner d'un témoignage actif de charité. Cette année également, face aux grands problèmes du monde, le Siège apostolique s'est prodigué afin que ne manque pas l'apport du levain évangélique. C'est ainsi qu'à été soutenu le chemin du Peuple de Dieu, qui dans ses réalités pastorales locales prend en charge de mille façons les exigences humaines et du service aux plus indigents. On a prêté attention à la promotion d'une "culture de la charité", en mesure de faire mûrir des relations solidaires entre les hommes, de faire tomber les préjugés, de disposer à l'humilité de la rencontre et du dialogue. C'est de cela en particulier que les dicastères de la Curie romaine continuent à être les artisans méritoires, en particulier ceux qui sont davantage engagés dans le domaine de la culture et des problématiques sociales. Dans le même sens, il y a quelques jours, j'ai offert quelques pistes de réflexion dans le Message annuel pour la Journée mondiale de la Paix. Que le Nouveau-né de Bethléem, Prince de la Paix, veuille bénir les efforts que tous les hommes de bonne volonté accomplissent dans ce sens.


Accélérons avec foi les pas vers le Jubilé, année de grâce extraordinaire

8. Venite et ascendamus ad montem Domini (
Is 2,3). Que ce Noël qui ouvre les célébrations de l'Année jubilaire, soit pour chacun de nous une ascen-sion sur la montagne du Seigneur, où sa gloire se révèle à ceux qui ont déposé le vieil homme (cf. Ep 4,22-24) et ont revêtu l'habit nuptial (cf. Mt 22,12), en s'ouvrant pleinement au Christ.

Ascendamus ad montem Domini! Oui, accélérons avec foi les pas vers le Jubilé, année de grâce extraordinaire, exprimée en particulier dans le don de l'indulgence. Celle-ci, loin d'être une "réduction" du changement de vie du chrétien, l'exige à un titre encore plus important. L'engagement spirituel jusqu'à présent exercé et que nous devons continuer à accomplir, également dans les milieux de compétence des divers dicastères et, en particulier, dans le cadre du Comité pour l'Année Sainte, entend aider tous les croyants à prendre conscience du véritable sens de l'événement jubilaire. "Repentez-vous et croyez à l'Evangile" (Mc 1,15). Tel est le message qui doit vibrer avec une intensité croissante au cours des mois prochains.

Que les moments jubilaires prévus de différentes façons et en divers lieux, et en particulier ceux qui seront célébrés ici à Rome, soient des expressions puissantes du chemin de conversion, qui concerne tout le Peuple de Dieu.


L'Enfant né à Bethléem est le Dieu-avec-nous qui guide l'histoire

9. Ecce, virgo concipiet et pariet filium et vocabit nomen eius Emmanuel (Is 7,14).
Noël et l'Année jubilaire nous rappellent avec force cette certitude qui depuis deux mille ans soutient le chemin de l'Eglise, l'encourage au labeur de l'annonce, l'incite à une conversion constante. L'Enfant né à Bethléem est l'Emmanuel, le Dieu-avec-nous. Il est le Ressuscité qui guide l'histoire et qui viendra dans la gloire à la fin des temps.

Je souhaite de tout coeur à chacun de vous, et à vous tous, estimés collaborateurs de la Curie romaine, de pouvoir profondément ressentir les fruits de sa présence, dans la joie d'avoir été choisis pour travailler, en étroite collaboration avec le ministère du Successeur de Pierre, en tant que hérauts de son Royaume d'amour et de paix.

Je vous bénis tous avec affection. Joyeux Noël! Fructueuse Année Sainte!



AUX JEUNES DE L'ACTION CATHOLIQUE ITALIENNE

Mardi 21 décembre 1999

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Très chers jeunes garçons et jeunes filles de l'Action catholique italienne!

Je suis heureux de vous accueillir aujourd'hui, comme chaque année, pour cette rencontre qui nous offre l'occasion de nous échanger les voeux pour le Saint Noël et pour le Nouvel An. Je salue chacun de vous, avec une grande affection, ainsi que le Président national de l'Action catholique et l'Assistant général. Je vous salue et vous embrasse tous avec une grande cordialité. Je vous remercie des paroles que vous m'avez adressées et des sentiments que vous avez voulu me manifester. Ils me sont particulièrement agréables car ils sont accompagnés de votre souvenir dans la prière. Merci, chers jeunes pour tout cela.

Nous sommes désormais parvenus au Saint Noël, une fête particulièrement chère aux familles chrétiennes. Ma pensée s'adresse naturellement à vos familles et à toutes les familles du monde. En rentrant à la maison, apportez à vos proches le salut du Pape et ses voeux les plus fervents de sérénité et de paix. Pensez, dans le même temps, à ceux qui ne pourront pas passer ces jours de fête dans une joie sereine.

Noël est un jour particulier qui invite à la solidarité et à l'amour, qui invite à ouvrir son coeur aux frères, en particulier à ceux qui sont dans le besoin. L'Enfant Jésus, en naissant à Bethléem, a apporté au monde le don précieux de l'amour pour que, comme une lumière radieuse, il écarte du coeur de l'homme les ténèbres de l'égoïsme et de la tristesse et remplisse son âme de joie authentique. C'est ce que je souhaite à chacun de vous et aux divers groupes d'Action catholique que vous représentez: puissiez-vous redécouvrir l'amour divin, qui enveloppe et donne tout son sens à l'existence humaine.

Que la Madone, qui à Bethléem, a donné notre Rédempteur au monde, vous aide à l'accueillir dans votre âme.

Chers jeunes garçons et jeunes filles, cette année, à la joie de Noël, s'ajoute également celle pour l'Année jubilaire, qui commencera précisément la Nuit Sainte avec l'ouverture solennelle de la Porte Sainte dans la basilique vaticane. Préparez-vous à vivre intensément cet extraordinaire temps de grâce; soyez les apôtres des jeunes de votre âge, en les aidant à saisir l'esprit authentique de l'Année Sainte et à le vivre en profondeur.

Encore une fois, je vous remercie de cette visite appréciée et je vous bénis de tout coeur, ainsi que vos amis, vos familles et ceux qui vous accompagnent sur votre chemin de croissance humaine et spirituelle. Joyeux Noël!





Discours 1999 241