Homélies St Jean-Paul II 76


22 avril 1979, VISITE À LA PAROISSE ROMAINE SAINT-PANCRACE

22479 Dimanche 22 avril 1979

1. Nous nous trouvons aujourd'hui dans le sillage de la très antique tradition de l'Eglise, celle du deuxième dimanche de Pâques, appelé "in Albis", et qui est liée à la liturgie pascale et surtout à la liturgie de la Vigile de Pâques. Cette Vigile, comme en témoigne sa forme contemporaine, était jadis un grand jour pour les catéchumènes. Durant la nuit pascale, par le baptême, ils s'étaient ensevelis avec le Christ dans la mort afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, ils vivent eux aussi dans une vie nouvelle (cf.
Rm 6,4).

Saint Paul a présenté le mystère du baptême sous cette forme suggestive. Les catéchumènes recevaient le baptême précisément durant la vigile de Pâques, comme nous avons eu la joie de le voir également cette année quand j'ai conféré le baptême à des adolescents et à des adultes d'Europe, d'Asie et d'Afrique.

De cette manière, la nuit qui précède le dimanche de la Résurrection est devenue, véritablement pour eux la Pâque, c'est-à-dire le passage du péché, ou de la mort de l'esprit, à la grâce, c'est-à-dire à la vie dans l'Esprit Saint. C'était la nuit d'une authentique Résurrection dans l'Esprit. Comme signe de la grâce sanctifiante, les nouveaux baptisés recevaient durant le baptême vin vêtement blanc qui les distinguerait durant toute l'octave de Pâques. Et le deuxième dimanche après Pâques ils déposaient ce vêtement; d'où l'antique appellation de ce jour : Dimanche "in Albis depositis".

A Rome, cette tradition est liée à l'église Saint-Pancrace. Et c'est ici que se trouve aujourd'hui la station liturgique du dimanche "in Albis". Nous avons donc l'heureuse fortune d'unir la visite pastorale de la paroisse à la tradition romaine de la station du Dimanche "in Albis".

2. Nous désirons donc chanter ensemble, ici, aujourd'hui, la joie de la Résurrection du Seigneur comme l'annonce la liturgie de ce dimanche:

"Rendez grâce au Seigneur, car il est bon, car sa grâce dure à jamais.

77 Voici le jour que le Seigneur a fait exultons et réjouissons-nous en lui" (Ps 118-117 et 24).

Nous devons également être reconnaissants pour l'indicible don de la foi, qui a pénétre nos coeurs et qui se renforce sans cesse par le moyen de la résurrection du Seigneur. Avec des mots vibrants. Saint Jean nous parle aujourd'hui dans son Epitre, de la grandeur de ce don : "Tout ce qui est né de Dieu est vainqueur de ce monde. Et telle est la victoire qui a triomphé du monde : notre foi. Quel est le vainqueur du monde sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu" (1Jn 5,4-5).

Nous remercions donc, le coeur empli d'une grande joie le Christ Ressuscité car il nous fait prendre part à sa victoire. En même temps, nous le supplions humblement pour que nous ne cessions jamais de participer, par la foi, à cette victoire, particulièrement aux moments difficiles et critiques, dans les moments de désillusion et de souffrance, quand nous sommes exposés aux tentations et aux épreuves. Pourtant, nous n'ignorons pas ce qu'à écrit saint Paul : "Tous ceux qui veulent vivre pieusement dans le Christ Jésus seront persécutés" (2Tm 3,12). Voici également ce qu'a écrit saint Pierre : "Vous tressaillez de joie, bien qu'il vous faille encore quelque temps être affligés par diverses épreuves, afin que votre foi, plus précieuse que l'or périssable que l'on vérifie par le feu, devienne un sujet de louange, de gloire et d'honneur, lors de la Révélation de Jésus Christ" (1 Pier 1, 6-7).

3. Les chrétiens des premières générations de l'Eglise se préparaient longuement et profondément au baptême. C'était la période du catéchuménat dont l'Eglise reflète encore aujourd'hui les traditions dans la liturgie du Carême. Ces traditions étaient d'une vivante pratique à l'époque où c'étaient les adultes qui se préparaient au baptême. Au fur et à mesure que s'étendit la coutume d'administrer le baptême aux enfants, cette forme de catéchuménat tendit à disparaître. Les enfants reçurent le baptême dans la foi de l'Eglise. Toute la communauté chrétienne (qui, aujourd'hui, s'appelle paroisse) et, avant tout la propre famille de l'enfant baptisé, s'en portaient garantes. La liturgie renouvelée du baptême des enfants met encore mieux en relief cet aspect. Les parents, les parrains et les marraines confessent leur foi, font les promesses baptismales et se rendent responsables de l'éducation chrétienne de l'enfant.

De cette manière, le catéchuménat est en quelque sorte renvoyé à une période postérieure, à l'époque où la croissance progressive de l'enfant le conduit à l'âge scolaire ; c'est alors que le baptisé doit acquérir, par les soins de ses proches et de la communauté ecclésiale, une vive conscience de cette foi à laquelle la grâce du baptême lui a déjà permis de participer antérieurement. On ne saurait que difficilement appeler ce processus "catéchuménat" au sens propre et originel du terme. Il n'en est pas moins l'équivalent de l'authentique catéchuménat, et il doit se dérouler avec le sérieux et le zèle qui caractérisaient jadis la préparation au baptême. C'est vers là que convergent et là que s'unissent les devoirs de la famille chrétienne et de la paroisse. Il est nécessaire qu'en l'occasion présente, nous nous en rendions compte de la manière la plus forte et la plus claire.

4. En tant que communauté fondamentale du Peuple de Dieu et partie organique de l'Eglise, la Paroisse a, en un certain sens, son origine dans le sacrement du baptême. Elle est en effet une communauté de baptisés. Chaque baptême fait participer la paroisse, de manière particulière, au mystère de la mort et de la résurrection du Christ. Son effort pastoral et apostolique tend tout entier à ce que les paroissiens aient conscience du baptême afin qu'ils persévèrent dans la grâce, c'est-à-dire dans l'état de fils de Dieu, et jouissent des fruits du baptême tant dans leur vie personnelle que dans leur vie familiale et sociale. Il est donc particulièrement important qu'ils aient toujours une conscience renouvelée du baptême. Dans la vie de la paroisse, entreprendre ce catéchuménat, qui manque actuellement dans la préparation au baptême, et le réaliser dans les différentes étapes de la vie constitue une valeur fondamentale.

C'est précisément en cela que consiste la fonction de la catéchèse qui doit s'étendre, non seulement à la période d'école élémentaire, mais aussi à celle des études supérieures et à d'ultérieures époques de la vie.

La catéchèse sacramentelle est indispensable, notamment comme préparation à la Première Communion et à la Confirmation ; elle a une grande importance pour la préparation au sacrement du mariage.

En outre, s'il veut être chrétien "dans les oeuvres et dans la vérité, le baptisé doit rester continuellement fidèle dans son existence à la catéchèse reçue: celle-ci lui indique en effet comment il doit comprendre et réaliser son christianisme dans les différents moments et milieux de sa vie professionnelle, sociale et culturelle. Voilà l'immense tâche qui incombe à la catéchèse aux adultes.

Grâce à Dieu, cette activité se développe amplement dans la vie du diocèse de Rome et de votre paroisse.

5. Je suis au courant, en effet, des nombreuses initiatives en matière de catéchèse et d'association que les institutions paroissiales accomplissent avec l'aide de nombreuses Familles religieuses, masculines et féminines et de divers mouvements ecclésiaux. Il faut mentionner tout spécialement les dévoués Père Carmes Déchaussés qui se prodiguent en faveur du progrès spirituel de cette paroisse Saint-Pancrace. L'importance numérique de la population concentrée ici est un stimulant de plus pour un inlassable engagement apostolique. Aussi ma parole se fait-elle exhortation et encouragement: aux dirigeants paroissiaux afin qu'ils poursuivent joyeusement leur service au Corps du Christ ; à tous les membres de la communauté paroissiale afin que, toujours et consciencieusement, ils retrouvent en elle le meilleur lien pour leur croissance dans la foi, dans l'espérance et dans 1'amour à témoigner au monde.

6. Le dimanche "in Albis", la liturgie de l'Eglise nous rend témoins de la rencontre au Cénacle de Jérusalem entre Jésus Ressuscité et les Apôtres. La figure de l'Apôtre Thomas et son dialogue avec le Christ attirent toujours et de manière particulière notre attention. Le Maître Ressuscité lui offre un singulier moyen de reconnaître les marques de sa passion pour qu'il puisse ainsi se convaincre de la réalité de la résurrection. Alors, Saint Thomas, qui d'abord refusait de croire, exprima sa foi en ces termes : "Mon Seigneur et mon Dieu !" (Jn 20,28). Et Jésus lui répondit : "Parce que tu me vois, tu crois. Heureux ceux qui croiront sans avoir vu" (Jn 20,29).

Puisse l'expérience du Carême et, d'une certaine manière, le contact avec les marques de la passion, ainsi que la fête solennelle de la résurrection du Christ, revivifier et renforcer notre foi et, de même, la foi des méfiants, des tièdes, des indifférents, de ceux qui se sont éloignés.

Et que demeure avec nous tous la bénédiction que le Ressuscité a prononcée dans son dialogue avec Saint Thomas : "Heureux ceux qui ont cru !" Amen !





29 avril 1979, BÉATIFICATION DU P. JACQUES-DÉSIRÉ LAVAL, C.S.S. ET DU P. FRANCISCO COLL, O.P.

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IIIe dimanche de Pâques
Dimanche 29 avril 1979



Chers Frères et Soeurs,

1. Alleluia! Alleluia! En ce troisième dimanche de Pâques, notre joie pascale s’exprime en écho la joie débordante des Apôtres qui, dès le premier jour, ont reconnu le Christ ressuscité. Le soir de Pâques, « le Christ se tint au milieu d’eux ». « Il leur montra ses mains et ses pieds ». Il les invita à le toucher de leurs mains. Et il mangea sous leurs yeux. Saisis de stupeur et lents a croire, les Apôtres le reconnurent enfin: « Ils furent remplis de joie à la vue du Seigneur »; et désormais personne ne put leur ravir leur joie, ni faire taire leur témoignage. Quelques instante plus tôt, le coeur des disciples d’Emmaüs était aussi tout brûlant au-dedans d’eux pendant que Jésus leur parlait en chemin et leur expliquait les Ecritures; et ils l’avaient reconnu eux aussi à la fraction du pain.

L’allégresse de ces témoins, c’est la nôtre, chers Frères et Soeurs, nous qui partageons leur foi au Christ ressuscité. Glorifié auprès du Père, il ne cesse d’attirer les hommes à Lui, de leur communiquer sa vie, l’Esprit de sainteté, tout en leur préparant une place dans la maison du Père Précisément, ceste joie trouve aujourd’hui une éclatante confirmation, puisque nous célébrons deux admirables Serviteurs de Dieu qui, au siècle dernier, ont brillé sur notre terre de la sainteté du Christ et que l’Eglise est en mesure, désormais, de déclarer bienheureux, de les proposer au culte particulier et à l’imitation des fidèles: le Père Laval et le Père Coll, qu’il nous faut maintenant contempler.

2. Il est évidemment impossible de relever ici tous les faits saillants de la vie du Père Jacques-Désiré Laval, ni toutes les vertus chrétiennes qu’il a pratiquées à un degré héroïque. Retenons du moins ce qui caractérise ce missionnaire, au regard de la mission actuelle de l’Eglise.

C’est d’abord son souci d’évangéliser les pauvres, les plus pauvres, et, en l’occurrence, ses « chers Noirs » de l’Ile Maurice, comme il les appelait. Français, il avait commencé par exercer la médecine dans une petite cité de son diocèse natal d’Evreux, mais peu à peu, l’appel à un amour sans partage du Seigneur, qu’il avait un certain temps refoulé, lui fit abandonner son métier et la vie mondaine: « Devenu prêtre, je pourrai faire plus de bien », expliquait-il à son frère. Vocation tardive au Séminaire Saint-Sulpice de Paris, il y fut aussitôt préposé au service des pauvres; puis, comme curé de la petite paroisse normande de Pinterville, il partageait tout son avoir avec les indigente. Mais en apprenant la misère des Noirs d’Afrique et l’urgence de les amener au Christ, il obtint de partir à l’Ile Maurice, avec le Vicaire Apostolique, Mgr Collier. Durant vingt-trois ans, jusqu’à sa morte, il consacra tout son temps, usa toutes ses forces, donna tout son coeur à l’évangélisation des autochtones: sans jamais se lasser il sut les écouter, les catéchiser, leur faire découvrir leur vocation chrétienne. Souvent aussi il intervint pour améliorer leur condition sanitaire et sociale.

L’acharnement qu’il y mit ne cesse de nous étonner, surtout dans les conditions décourageantes de sa mission Mais, dans son apostolat, il alla toujours à l’essentiel.

79 Le fait est que notre missionnaire a laissé derrière lui d’innombrables convertis, à la foi et à la piété solides. Il n’était point porté vers les cérémonies tapageuses, séduisantes pour ces âmes simples mais sans lendemain, ni vers les envolées oratoires. Son souci éducatif était très inséré dans la vie, il ne craignait pas de revenir sans cesse sur les points essentiels de la doctrine et de la pratique chrétiennes, et il n’admettait au baptême ou à la première communion que des gens préparés par petits groupes et éprouvés. Il prit grand soin de mettre à la disposition des fidèles des petites chapelles disséminées dans l’île. Une autre initiative remarquable qui rejoint le souci de nombreux pasteurs aujourd’hui: il s’adjoignit des collaborateurs, hommes et femmes, comme chefs de prière, catéchistes, visiteuses et conseillères des malades, responsables de petites communautés chrétiennes, autrement dit des pauvres, évangélisateurs de pauvres.

Quel est donc le secret de son zèle missionnaire? Nous le trouvons dans sa sainteté: dans le don de toute sa personne à Jésus-Christ, inséparable de sa tendresse pour les hommes, surtout pour les plus humbles, qu’il veut faire accéder au salut du Christ. Tout le temps qu’il ne consacrait pas à l’apostolat direct, il le passait à prier, surtout devant le Saint-Sacrement, et il joignait continuellement à sa prière mortifications et pénitences qui ont très vivement frappé ses confrères, malgré sa discrétion et son humilité. Lui-même confie souvent le regret de sa tiédeur spirituelle – disons plutôt le sentiment de sa sécheresse: n’est-ce pas précisément qu’il accorde le plus grand prix au fervent amour de Dieu et de Marie, auquel il veut initier ses fidèles? C’est là aussi le secret de sa patience apostolique: « C’est sur le bon Dieu tout seul et sur la protection de la Sainte Vierge que nous nous appuyons ». Quelle magnifique confession! Sa spiritualité missionnaire s’était d’ailleurs inscrite, dès le début, dans le cadre d’un jeune Institut religieux et marial, et il eut toujours à coeur d’en suivre les exigences spirituelles, malgré sa solitude et son éloignement géographique: la Société du Saint-Coeur de Marie, dont il fut l’un des tout premiers membres aux côtés du célèbre Père Libermann, et qui sera bientôt fondue avec la Congrégation du Saint-Esprit. L’Apôtre, aujourd’hui comme hier, doit d’abord entretenir en lui la vigueur spirituelle: il témoigne de ce qu’il puise continuellement à la Source.

Voilà un modèle pour les évangélisateurs d’aujourd’hui. Qu’il inspire les missionnaires, et, j’ose dire, tous les prêtres, qui ont d’abord la sublime mission d’annoncer Jésus-Christ et de former à la vie chrétienne!

Qu’il soit, à un litre particulier, la joie et le stimulant de tous les religieux spiritains, qui n’ont cessé d’implanter l’Eglise, notamment en terre africaine, et y oeuvrent avec tant de générosité!

Que l’exemple de Père Laval encourage tous ceux qui, sur le continent africain et ailleurs, s’efforcent de bâtir un monde fraternel, exempt de préjugés raciaux! Que le Bienheureux Laval soit aussi la fierté, l’idéal et le protecteur de la communauté chrétienne de l’Ile Maurice, si dynamique aujourd’hui, et de tous les Mauriciens!

A ces souhaits, je suis heureux d’ajouter un salut très cordial à la Délégation du Gouvernement de l’Ile Maurice, comme aussi à celle du Gouvernement français qui sont venues participer à ceste cérémonie.

En espagnol :

3. Un second motif de joie pour l’Église est la béatification d’une autre figure que l’Église veut aujourd’hui exalter et proposer à l’imitation du Peuple de Dieu : le P. Francisco Coll. C’est une nouvelle gloire de la famille dominicaine et, non moins, du diocèse de Vich. Il fut un religieux et, en même temps, un apôtre modèle — pendant la plus grande partie de sa vie — dans le clergé de Vich.

C’est une de ces personnalités qui, dans la seconde moitié du XIXe siècle, ont enrichi l’Église de nouvelles fondations religieuses. C’est un fils de la terre espagnole, de Catalogne, d’où sont sorties tant d’âmes généreuses qui ont laissé à l’Église un héritage fécond.

Dans notre cas, cet héritage se concrétise en un travail magnifique et inlassable de prédication de l’Évangile dont le point culminant est la fondation de l’Institut aujourd’hui appelé des « Religieuses dominicaines de l’Anunciata », présentes ici en grand nombre pour célébrer leur Père fondateur, avec tant de membres des diverses oeuvres auxquelles cette congrégation a donné vie.

Nous ne pouvons pas présenter ici un portrait complet du nouveau Bienheureux, admirable reflet — comme vous avez pu l’observer par la lecture de sa biographie — des héroïques vertus humaines, chrétiennes, religieuses, qui le rendent digne d’être loué et imité dans notre pèlerinage terrestre. Limitons-nous brièvement à un aspect particulièrement saillant de cette figure ecclésiale.

80 Ce qui impressionne le plus dans la vie du nouveau Bienheureux, c’est sa soif d’évangélisation. En un moment historique très difficile, où les convulsions sociales et les lois persécutant l’Église le firent abandonner son couvent et vivre en permanence au dehors, le P. Coll, en se mettant au-dessus des considérations humaines, sociologiques ou politiques, se consacre entièrement à une surprenante tâche de prédication. Aussi bien dans son ministère paroissial, spécialement à Artes et à Moya, que par la suite dans sa tâche de missionnaire apostolique, le P. Coll apparaît comme un vrai catéchiste, un évangélisateur, dans la meilleure tradition dominicaine.

Dans ses innombrables courses apostoliques à travers toute la Catalogne, dans ses mémorables missions populaires et autres formes de prédication, le P. Coll — beaucoup l’appelaient « Mosen Coll » — transmet la foi, sème l’espérance, prêche l’amour, la paix, la réconciliation entre ceux que divisent les passions, la guerre, la haine. Véritable homme de Dieu, il vit en plénitude son identité sacerdotale et religieuse, devenue source d’inspiration dans tout son travail. À ceux qui ne comprennent pas toujours les motifs de certaines de ses attitudes, il répond avec conviction : « Parce que je suis religieux. » C’est cette profonde conscience de lui-même qui oriente son travail incessant.

Son travail est absorbant, mais il a une base solide : la prière fréquente, qui est le moteur de son activité apostolique. Sur ce point, le nouveau Bienheureux parle avec éloquence : il est lui-même un homme de prière, il veut conduire les fidèles vers cette voie (il suffit de voir ce qu’il dit dans ses deux publications : la Hermosa rosa et la Escala del cielo) ; c’est le chemin que, dans la règle, il indique à ses filles en termes vibrants et que je fais également miens tant ils sont actuels : « La vie des Soeurs doit être une vie de prière… C’est pourquoi, chères Soeurs, je vous le demande encore et toujours : ne cessez pas de prier. »

Le nouveau Bienheureux recommande diverses formes de prière pour soutenir l’activité apostolique. Mais il en est une qu’il préfère et qu’il m’est spécialement agréable de rappeler et de souligner : la prière où l’on contemple les mystères du Rosaire, cette « échelle pour monter au ciel », prière mentale et prière vocale, qui « sont les deux ailes que le Rosaire de Marie offre aux âmes chrétiennes ». Cette forme de prière, le Pape la pratique lui aussi assidûment et il vous invite à vous y unir tous, surtout dans le prochain mois de mai, consacré à la Vierge.

Je termine ces réflexions en espagnol en saluant les autorités qui sont venues pour ces célébrations en l’honneur du P. Coll ; en invitant tout le monde à imiter ses exemples de vie, mais spécialement les fils de saint Dominique, le clergé, et particulièrement vous les Soeurs dominicaines de l’Anunciata qui êtes venues d’Espagne, d’Europe, d’Amérique et d’Afrique où s’exerce généreusement votre activité religieuse.

En italien :

4. Le souhait que je formule ce matin est que la double béatification d’aujourd’hui affermisse et promeuve l’activité catéchétique de toute l’Église. On sait que la catéchèse était précisément le thème de la IVe Assemblée générale du Synode des évêques qui s’est tenue à Rome à l’automne 1977. Les Pères du Synode, dont je faisais aussi partie, ont affronté et étudié ce thème d’une importance primordiale pour la vie et l’activité de l’Église de tous les temps. Ils ont signalé l’urgence de donner résolument la priorité à la catéchèse sur les autres initiatives, moins essentielles même si elles sont plus apparentes, parce qu’en elle se réalise l’aspect absolument original de la mission de l’Église. Une mission, ont-ils rappelé, qui concerne tous les membres du Peuple de Dieu, dans leurs différentes fonctions, et les appelle à rechercher continuellement les méthodes et les moyens voulus pour transmettre plus efficacement le message.

Les Pères du Synode pensaient surtout aux jeunes, étant bien conscients de leur importance croissante dans le monde d’aujourd’hui. Malgré leurs incertitudes, leurs relâchements, leurs excès et leurs frustrations, les jeunes représentent la grande force dont dépend le sort de l’humanité future. La question qui assaillait les Pères du Synode était précisément celle-ci : comment amener cette multitude de jeunes à faire une expérience vivante de Jésus-Christ, et cela non seulement le temps d’un éblouissement fugitif, mais par une connaissance chaque jours plus complète et plus lumineuse de sa personne et de son message ? Comment faire naître en eux la passion du Royaume qu’il est venu inaugurer et dans lequel seulement l’être humain peut se réaliser lui-même d’une façon pleinement satisfaisante ?

La réponse à cette question est la tâche la plus pressante de l’Église d’aujourd’hui. Il dépendra de la volonté et de la générosité de tous qu’aux nouvelles générations puisse être offert un témoignage de la « parole de salut » (
Ac 13,26) capable de conquérir les intelligences et les coeurs des jeunes et de mobiliser leurs volontés vers les choix concrets souvent difficiles, que requiert la logique de l amour de Dieu et du prochain. Il dépendra surtout de la sincérité et de l’intensité avec lesquelles les familles et les communautés sauront vivre leur adhésion au Christ que les jeunes soient effectivement atteints par les enseignements qu’ils reçoivent chez eux, à l’école ou à l’église.

Prions donc les nouveaux bienheureux pour qu’ils soient proches de nous par leur intercession, pour qu’ils nous guident vers une expérience personnelle et profonde du Christ ressuscité, de telle sorte que nos coeurs « brûlent en nous », comme ceux des deux disciples sur le chemin d’Emmaüs, « tandis que le Seigneur leur parlait en chemin et leur ouvrait les Écritures » (cf. Lc 24,32). Seul en effet celui qui peut dire : « Je le connais ! — et saint Jean nous en avertit : celui qui ne vit pas selon les commandements du Christ ne peut pas dire cela (cf. deuxième lecture) —, seul celui qui est arrivé à avoir une connaissance « existentielle » de lui et de son Évangile peut offrir aux autres une catéchèse crédible, incisive, entraînante.

La vie des nouveaux Bienheureux en est une preuve éloquente. Que leur exemple ne nous soit pas proposé en vain !



30 avril 1979, RENCONTRE AVEC LES FIDÈLES DU PÈLERINAGE NATIONAL CROATE

30479 30 avril 1979


Chers Frères dans l'épiscopat, chers prêtres, religieux et religieuses, chers fils et filles de la Croatie "toujours fidèle" !

"La grâce et la paix de Dieu le Père et du Seigneur Jésus Christ soient avec vous" (cf.
Ga 1,3). "Les bras ouverts, je vous presse contre moi et je vous accueille avec un amour paternel" (Lettre du Pape Jean VIII au peuple et au clergé croate : Mansi, Sacrorum Concilioru collectio, XVII, 126) ici, sur la tombe de saint Pierre, à l'occasion de l'anniversaire significatif de la profession de fidélité des Croates à l'égard du Saint-Siège et qui est en même temps le souvenir de la bienveillance paternelle des successeurs de saint Pierre à votre égard.

Nombreux sont les motifs qui justifient notre joie commune, comme l'a bien dit dans son discours mon frère dans l'épiscopat, l'archevêque Franjo Kuharic.

Vraiment, dans cette rencontre sur la tombe de saint Pierre il semble que toute votre histoire de treize siècles soit concentrée, et d'une façon spéciale les grands événements de la vie de votre Eglise, depuis le temps du baptême de votre peuple, quand elle est entrée dans le sein de l'Eglise romaine qui est "chef et maîtresse de toutes les Eglises" (Lettre du Pape Jean VIII à l'évêque de Nin, Théodose : Mansi, op. cit. XVII, 124). Vous souvenez-vous de la "Croatie blanche", votre terre d'origine qui se trouve précisément là où se trouve ma patrie ? Je ressens la présence de votre belle et chère nation, de tout votre peuple, dans et hors des frontières de votre patrie, de vos fidélités anciennes et nouvelles, de vos soucis. Ici est présent le souvenir de vos ancêtres, de vos princes et de vos rois chrétiens, de vos évêques et de vos prêtres, de votre langue liturgique paléo-croate, de vos merveilleuses églises, et d'une façon particulière de vos sanctuaires mariaux.

Aujourd'hui, donc, nous rappelons spécialement les relations de la Croatie avec le Saint-Siège, si clairement exprimées dans les lettres du Pape Jean VIII au prince Branimiro, au clergé et au peuple croate ainsi qu'à l'évêque Théodose. Ceci se passait il y a exactement onze siècles. Ces événements réjouissaient alors le coeur du successeur de saint Pierre, et ils étaient décisifs pour l'histoire future du peuple croate et de l'Eglise, grâce à votre foi, à votre culture et à votre indépendance politique.

Ayant sous les yeux ce riche et pluriséculaire passé de votre peuple, il me semble pouvoir souligner ces trois moments extraordinaires:

— premièrement : la fidélité à Jésus Christ et à l'Evangile, fidélité que vos ancêtres ont su témoigner avec la ferveur et l'esprit des martyrs dans leur lutte séculaire "pour la noble croix et la liberté d'or" ;

— deuxièmement : l'amour et 1'adhésion des Croates à l'Eglise romaine et à la chaire de saint Pierre. Cette Eglise a vraiment été votre mère. "Vos ancêtres se sont désaltérés à sa doctrine sainte comme à une source très limpide" (Lettre du Pape Jean VIII au prince croate Branimiro :Mansi, op. cit., XVII, 125);

— troisièmement : l'amour, la fidélité et la dévotion des Croates envers Marie, mère de Dieu et mère de l'Eglise que vous invoquez de tout coeur "Reine des Croates" et que vous honorez filialement dans vos sanctuaires.

Vous confirmez encore aujourd'hui cette triple fidélité sous la forme d'un "grand voeu" de fidélité à Jésus, à l'Eglise et à la mère de Dieu, tout particulièrement après le solennel jubilé de Marie Bistrica, à Solin et à Biskupija. Soyez fidèles, soyez constants, soyez fiers de votre nom de chrétiens.



1er mai 1979, VISITE AU SANCTUAIRE MARIAL ITALIEN DU DIVIN AMOUR

10579 1er mai 1979



Je suis heureux de me trouver parmi vous, chers Frères et Soeurs, dans une union de foi et de prière sous le regard de la Très Sainte Vierge du Divin Amour qui, de ce sanctuaire suggestif, coeur de la dévotion mariale du diocèse de Rome et des environs, veille fidèlement sur tous les fidèles qui, durant leur pèlerinage ici-bas, se confient à sa protection et à sa garde.

1. En ce premier jour du mois de mai j'ai voulu, moi aussi, venir avec vous tous en pèlerinage en ce lieu béni pour m'agenouiller aux pieds de l'image miraculeuse qui, depuis des siècles, ne cesse de dispenser grâces et réconfort spirituel ; j'ai voulu venir également pour inaugurer solennellement le mois de Marie qui trouve, dans la piété populaire, des expressions on ne peut plus délicates de vénération et d'affection envers notre très douce Mère. La tradition chrétienne qui nous fait offrir des fleurs, des "fioretti" et de pieux propos à la Toute-Belle à la Toute-Sainte,trouve dans ce sanctuaire qui s'élève au beau milieu de la campagne romaine, riche de lumière et de verdure, le point de référence idéal en ce mois qui lui est consacré. D'autant plus que l'image qui la représente assise sur un trône, l'Enfant Jésus entre les bras, avec la colombe qui descend sur elle pour symboliser 1'Esprit Saint, c'est-à-dire précisément le Divin Amour, nous remet en mémoire les liens doux et purs qui unissent la Vierge Marie à l'Esprit Saint et au Seigneur Jésus, Fleur jaillie de son sein, dans l'oeuvre de notre rédemption : admirable tableau autrefois contemplé par le plus grand poète italien qui a fait dire à saint Bernard : "Dans ton sein s'est rallumé l'amour dont la chaleur dans l'éternelle paix a fait germer cette Fleur" (Dante, le Paradis, XXXIII, 7-9).

2. Dans ce climat spirituel de piété mariale se célébrera dimanche prochain la journée de prière pour les vocations ecclésiastiques, tant sacerdotales que simplement religieuses : une journée à laquelle l'Eglise attache grande importance à un moment où le problème des vocations se trouve au centre des plus vives préoccupations et sollicitudes de la pastorale ecclésiale. Qu'il vous plaise de mettre cette intention dans vos prières, durant tout le mois de mai. Aujourd'hui plus que jamais le monde a besoin de prêtres et de religieux, de soeurs, d'âmes consacrées qui viennent à la rencontre des nécessités des hommes : il y a des enfants et des adolescents qui attendent qu'on leur enseigne le chemin du salut ; il y a des hommes et des femmes auxquels le dur labeur quotidien fait éprouver plus vivement le besoin de Dieu ; il y a les vieillards, les malades, ceux qui souffrent, tous ceux qui attendent qu'on se penche sur leurs misères et qu'on leur ouvre l'espérance du ciel. Le peuple chrétien a pour devoir de demander à Dieu, par l'intermédiaire de la Vierge, qu'il envoie de la main-d'oeuvre à sa moisson (cf. Mt
Mt 9,38), en faisant entendre à de nombreux jeunes une voix qui stimule leur conscience et les attire vers les valeurs spirituelles, qui leur fasse comprendre et apprécier, dans toute sa beauté, le don d'un appel semblable.

3. Mais je suis venu non seulement pour inaugurer ici le mois de mai, mais aussi, comme Evêque de Rome, pour visiter le centre paroissial qui, à l'ombre de ce sanctuaire, exerce son activité pastorale parmi les populations environnantes, selon les directives du Cardinal Poletti, mon Vicaire général, et de l'Evêque auxiliaire Mgr Riva, et à laquelle se dévouent Monsieur le Curé Silla, les vicaires et les Filles de Notre-Dame du Divin Amour.

Chers Prêtres, je connais votre zèle et les difficultés que vous rencontrez dans votre travail apostolique à cause de la distance et de l'isolement des bourgades et des fermes confiées a vos soins pastoraux. Mais soyez intrépides dans la foi et dans la fidélité à votre ministère pour développer toujours plus parmi les âmes le sens de la paroisse comme communauté de vrais croyants ; pour accroître la pastorale familiale et faire ainsi de chaque maison ou groupe de maisons un lieu d'évangélisation, de catéchèse et de promotion humaine ; et pour réserver l'attention voulue aux enfants et aux jeunes qui représentent l'avenir de l'Eglise. Je vous exprime tous mes encouragements pour cet effort et je vous exhorte "au milieu du Peuple de Dieu qui regarde Marie avec tant d'amour et d'espoir", de recourir à elle dans vos difficultés "avec une espérance et un amour exceptionnels. En effet, vous devez annoncer le Christ qui est son Fils.

Et qui mieux que sa Mère vous transmettra la vérité sur lui ? Vous devez nourrir du Christ le coeur des hommes. Et qui pourra vous rendre plus conscients de ce que vous faites, sinon celle qui l'a nourri ?" (cf. Lettre aux prêtres pour le Jeudi Saint, n. 11).

4. J'ai déjà parlé de l'attention que cette paroisse réserve aux jeunes : eh bien, c'est précisément aux jeunes qui sous peu recevront le sacrement de la Confirmation que je désire adresser quelques mots de sincère affection et de satisfaction pour la préparation qu'ils ont faite afin de recevoir dignement le don de l'Esprit Saint, qui, le jour de la Pentecôte descendit sur les apôtres pour qu'ils soient parmi les hommes d'intrépides témoins du Christ et de valeureux messagers de la Bonne Nouvelle. Chers enfants, par le sacrement de la Confirmation vous recevrez la vertu de la force et saurez ne pas reculer devant les obstacles qui se dresseront sur le chemin de votre vie chrétienne.

Rappelez-vous que l'imposition des mains et le signe de la croix avec le saint-chrême vous font ressembler plus parfaitement au Christ et qu'ils vous donneront la grâce et le mandat de répandre "sa bonne odeur" parmi les hommes (cf. 2Co 2,15).

5. Et maintenant que nous nous apprêtons à célébrer le sacrifice eucharistique dans lequel nous saluons sur l'autel "le vrai corps né de la Vierge Marie" nous ne pouvons manquer d'écouter résonner dans nos âmes les douces expressions de la liturgie de la Parole qui ont exalté Marie comme l'épouse parée pour son époux" (cf. Ac Ac 21,1-5), la "Femme de qui est né le Fils de Dieu" (Ga 4,4-7) et enfin "la Mère du Fils du Très-Haut" (Lc 1,26-38).

Vous le savez, la Vierge Marie est liée à Jésus ; elle est pour Jésus ; elle est la Mère de Jésus ; elle introduit Jésus dans le monde ; elle est donc au sommet des destins de l'humanité. C'est elle qui, par la grâce de l'Esprit Saint, c'est-à-dire du Divin Amour, fait de Jésus notre frère en raison de sa maternité divine et, de même qu'elle est la mère du Christ par la chair, elle l'est ainsi, par solidarité spirituelle, du Corps mystique du Christ, c'est-à-dire de nous tous qui sommes ce Corps. C'est pourquoi, tandis que monte vers le Père Céleste, le sacrifice de louanges, nous élevons vers notre très douce Mère, devant son sanctuaire, une prière qui jaillit de notre coeur de fidèles dévôts : Je te salue, ô Mère, Reine du monde. Tu es la Mère du Bel Amour. Tu es la Mère de Jésus, source de toutes grâces, le parfum de toute vertu, le miroir de toute pureté. Tu es notre joie au milieu des larmes, notre victoire dans la bataille, notre espérance dans la mort. Quelle douce saveur ton nom sur nos lèvres, quelle suave harmonie dans nos oreilles, quelle ivresse dans nos coeurs! Tu es le bonheur de ceux qui souffrent, la couronne des martyrs, la beauté des vierges. Nous t'en supplions, guide-nous après cet exil vers la possession de ton Fils Jésus.



Homélies St Jean-Paul II 76