Homélies St Jean-Paul II 88


VISITE AU CIMETIÈRE POLONAIS DU MONT CASSIN

18579 Mont Cassin (Frosinone)
Vendredi 18 mai 1979


1. « Venez, montons à la montagne du Seigneur… » (
Is 2,3 cf. Mi Mi 4,2 Mi ) Nous écoutons aujourd’hui cette invitation du Prophète et nous y voyons comme un impératif intérieur : l’impératif de la conscience et du coeur. Le 18 mai nous oblige moralement à venir sur ce mont à prier sur les tombes des soldats qui sont tombés ici ; à regarder les murs du monastère qui, il y a trente-cinq ans, fut réduit en cendres ; à chercher encore une fois à en tirer un enseignement pour l’avenir.

Nous sommes ici sur le sol d’une grande bataille, l’une de celles qui furent décisives lors de l’ultime guerre en Europe, la Deuxième Guerre mondiale. Cette guerre de 1939-1945 a impliqué presque tous les États et les nations de notre continent ; elle a entraîné dans son orbite également des puissances extra-européennes, elle a manifesté des sommets d’héroïsme chez les militaires, mais elle a dévoilé aussi le redoutable visage de la cruauté humaine, elle a laissé derrière elle les traces des camps d’extermination, elle a enlevé la vie à des millions d’êtres humains, elle a détruit les fruits du travail de nombreuses générations. Il est difficile d’énumérer toutes les calamités qui, avec elle, se sont abattues sur l’homme, en lui faisant découvrir aussi, à la fin, la possibilité dans l’avenir, avec des armements produits par la technique la plus moderne, d’un possible anéantissement de masse à côté duquel les destructions du passé ne sont rien.

2. Qui a mené cette guerre ? Qui a accompli ce travail de destruction ? Les hommes et les nations. C’était une guerre des nations européennes, pourtant unies les unes aux autres par les traditions d’une grande culture : la science et l’art sont profondément enracinés dans le passé de l’Europe chrétienne. Oui, les hommes et les nations, c’était leur guerre, comme ce fut aussi leur victoire et leur défaite : les effets de ce conflit leur appartiennent.

Pourquoi hommes et nations ont-ils combattu les uns contre les autres ? Ce ne sont certainement pas les vérités de l’Évangile et les traditions de la grande culture chrétienne qui les ont conduits à ce terrible massacre fratricide. Ils ont été entraînés dans la guerre par la force d’un système qui était l’antithèse de l’Évangile et des traditions chrétiennes, qui a été imposé à certains peuples avec une impitoyable violence programmée, contraignant en même temps les autres à s’y opposer par les armes. Après des luttes gigantesques, ce système connut la défaite définitive. Le 18 mai a été l’une des étapes décisives de cette défaite.

Nous trouvant au mont Cassin pour le 35e anniversaire de ce jour, nous voulons, à travers l’éloquente évocation de cette journée comprendre devant Dieu et l’histoire le sens de toute la terrible expérience de la Deuxième Guerre mondiale. Cela n’est pas facile. En un certain sens, il est même impossible d’exprimer brièvement ce qui a fait l’objet de tant de recherches, d’études, de monographies, et qui continuera à le faire pendant longtemps certainement. Toute notre génération est celle qui a survécu à cette guerre. Celle-ci a pesé sur sa maturation et son développement, mais elle continue encore à vivre dans l’orbite des conséquences de ce conflit. Il n’est donc pas facile de parler d’un problème qui occupe dans la vie de nous tous une dimension si profonde d’un problème encore vivant et lié dans un certain sens au sang et à la souffrance de tant de coeurs et de tant de nations.

3. Cependant, si nous nous efforçons de comprendre ce problème devant Dieu et devant l’histoire, alors ce qui compte, ce n’est pas tant de régler son compte au passé que d’écouter les leçons qui en résultent pour l’avenir. Celles-ci s’imposent avec une grande force si l’histoire n’est pas seulement le grand polygone des événements mais aussi et surtout le livre ouvert de ces enseignements. Elle est la source de la sagesse de la vie pour les hommes et pour les nations.

Tout ce que nous lisons dans ce livre, si douloureusement ouvert devant nous, nous conduit à une ardente prière et un cri fervent de réconciliation et de paix. Nous sommes venus ici surtout pour prier à cette intention, pour jeter notre cri à Dieu et aux hommes. Mais comme la paix sur la terre dépend de la bonne volonté des hommes, il est difficile de ne pas réfléchir, au moins brièvement, sur la direction vers laquelle doivent s’orienter tous les efforts des personnes de bonne volonté — et ce doit être tout le monde — si nous voulons assurer ce grand bien de la paix et de la réconciliation pour nous et pour les générations à venir.

L’Évangile d’aujourd’hui oppose deux programmes. L’un basé sur la haine, la violence et la lutte, l’autre sur la loi d’amour. Le Christ dit : « Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent. » (Mt 5,44) C’est une grande exigence. Ceux qui, comme nous, ont survécu à la guerre, qui ont connu l’occupation la cruauté, la violation la plus brutale de tous les droits de l’homme, savent combien cette exigence est grave et difficile. Et pourtant après des expériences aussi terribles que celles de la dernière guerre, ils n’en sont que plus conscients : on ne peut construire la paix et la réconciliation sur le principe qui dit : « OEil pour oeil, dent pour dent » (Mt 5 Mt 38), sur le principe de la haine, de la vengeance, de la lutte. Elles ne peuvent se construire que sur le principe de la justice et de l’amour réciproque. C’est la conclusion que l’Organisation des Nations Unies a tirée de l’expérience de la Deuxième Guerre mondiale lorsqu’elle a proclamé la « Charte des droits de l’homme ». C’est seulement sur la base du plein respect des droits des hommes et des droits des nations — du plein respect ! — que peuvent se construire à l’avenir la paix et la réconciliation de l’Europe et du monde.

4. Prions donc sur ce lieu où a été livrée une grande bataille pour la liberté et pour la justice, afin que les paroles de la liturgie d’aujourd’hui s’incarnent dans la vie.

Prions Dieu, qui est Père des hommes et des peuples, comme prie aujourd’hui le Prophète, pour « qu’il nous montre ses chemins et que nous marchions sur ses routes… Il sera juge entre les nations, l’arbitre de peuples nombreux. Martelant leurs épées, ils en feront des socs, de leurs lances ils feront des serpes. On ne brandira plus l’épée nation contre nation, on n’apprendra plus à se battre » (Is 2,34).

Prions ainsi en pensant qu’il ne s’agit plus d’épées ou de lances, mais des armes nucléaires, de moyens de destruction qui sont capables d’anéantir la terre habitée par les hommes.

— Rappelons-nous aussi qu’au mont Cassin, en 1964, pendant le IIe Concile du Vatican, le Pape Paul VI a proclamé saint Benoît patron de l’Europe en se référant aux millénaires traditions bénédictines de travail, de prière et de culture qui sont le fruit de la paix et de la réconciliation.

— Rappelons-nous enfin que le lieu sur lequel nous nous trouvons a été fécondé par le sang de tant de héros. Encore une fois, nous sommes venus nous incliner devant ceux qui sont morts pour la grande cause de la liberté et de la paix.

En polonais:

5.

6.

20 mai 1979, CONCÉLÉBRATION AVEC LES ÉVÊQUES POLONAIS EN L'HONNEUR DE SAINT STANISLAS

20579
Le 20 mai le Saint Père a présidé en la basilique Saint-Pierre une concélébration avec les évêques polonais présents à Rome. A la sainte messe ont participé quelque six mille pèlerins polonais.


1. La joie de la période pascale dicte à l'Eglise, dans la liturgie d'aujourd'hui, des paroles de vive gratitude : "...s'est manifesté l'amour de Dieu pour nous" (
1Jn 4,9) ; l'amour de Dieu s'est manifesté en ceci : "Il a envoyé son Fils unique dans le monde..." (1Jn 4,9) ; il l'a envoyé "pour que nous ayons la vie par lui" (1Jn 4,9). Il l'a envoyé en "victime de propitiation pour nos péchés" (1Jn 4,10).

Le sacrifice offert le Vendredi Saint sur le Calvaire a été agréé. Et voici que le jour de Pâques nous a apporté la certitude de la Vie. Celui qui a brisé le sceau du sépulcre, a manifesté la victoire sur la mort, et par là nous a révélé la Vie que nous avons "par lui" (1Jn 4,9).

Cette Vie, tous les hommes y sont appelés : "Dieu ne fait pas exception des personnes" (Ac 10,34 cf. Ga 2,6). Et, comme saint Pierre en témoigne dans la liturgie d'aujourd'hui, l'Esprit Saint "descendit sur tous ceux qui écoutaient la parole" (Ac 10,44).

L'oeuvre de rédemption accomplie par le Christ n'a aucune limite, ni dans l'espace, ni dans le temps. Elle embrasse tous et chacun. Sur la croix, le Christ est mort pour tous et pour tous, il a obtenu cette Vie divine dont la puissance s'est révélée dans la Résurrection.

A cette grande joie pascale universelle de l'Eglise je désire associer aujourd'hui, de manière particulière, la joie de mes compatriotes, la joie de l'Eglise de Pologne qu'exprime la présence de l'illustre et bien-aimé Primat de Pologne, le Cardinal Stefan Wyszynski avec les Archevêques et Métropolitains de Cracovie et de Wroclaw et de nombreux représentants de l'épiscopat polonais. En célébrant ce saint sacrifice, nous voulons exprimer à Dieu, qui est "Amour", notre reconnaissance pour le millénaire de la foi de la Pologne, et de son union constante avec l'Eglise du Christ ; pour le millénaire de la présence de la Pologne, toujours fidèle, près de ce centre spirituel de la catholicité et de l'universalité qu'est la tombe de saint Pierre à Rome, et de même, cette merveilleuse Basilique élevée sur elle.

91 2. Le motif de notre joie toute particulière cette année est le jubilé de saint Stanislas, Evêque de Cracovie et martyr. Voilà, 900 années se sont écoulées depuis que cet évêque a subi le martyre des propres mains du roi Boleslas. Il s'est exposé à la mort en rappelant le roi à ses devoirs, en lui demandant de changer d'attitude. Le glaive royal n'a pas épargné l'évêque ; il l'a frappé durant le saint sacrifice de la messe et du coup lui a enlevé la vie. Est restée comme témoin de ce moment, la très précieuse relique du crâne de l'Evêque sur lequel sont encore bien visibles les marques des coup mortels. Cette relique, gardée dans un précieux reliquaire, est depuis plusieurs siècles, portée chaque année de la cathédrale de Wawel à l'église St-Michel à Skalka, lorsque, au mois de mai, la Pologne célèbre la fête solennelle de saint Stanislas. Tout au long des siècles ont participé à cette procession les rois polonais, successeurs de ce Boleslas qui frappa l'Evêque à mort et qui, suivant la tradition, termina sa vie en pénitent converti.

L'hymne liturgique en l'honneur de saint Stanislas était chanté comme chant solennel de la nation qui a accueilli le martyr comme son Patron propre. Voici les premiers mots de cet hymne :

"Gaudete mater Polonia / Proie fecunda nobili / Summi Regis magnolia / Laude frequenta vigile".

3. Aujourd'hui, moi qui dans l'histoire de l'Eglise suis le premier Pape de la souche des Polonais et des peuples slaves, je célèbre avec gratitude la mémoire de saint Stanislas, car jusqu'il y a quelques mois, j'étais son successeur au siège épiscopal de Cracovie. Et avec mes compatriotes réunis ici j'exprime ma vive reconnaissance à tous ceux qui participent à cette concélébration solennelle. Dans deux semaines j'aurai le bonheur d'aller en Pologne en pèlerinage afin de remercier Dieu pour le millénaire de la foi et de l'Eglise fondée sur saint Stanislas comme pierre angulaire. Et même si cet événement est surtout un Jubilé de l'Eglise de Pologne, nous l'exprimons également à la dimension de l'Eglise universelle, parce que l'Eglise est une grande famille de peuples et de nations et qu'au moment voulu tous et toutes ont contribué a en faire une communauté, moyennant leur propre témoignage et leurs propres dons, mettant ainsi en relief leur participation à l'unité universelle. Ce don de la Pologne fut, il y a 900 ans, le sacrifice de saint Stanislas.

[Le Saint-Père poursuit son homélie en langue polonaise].

4. Chers compatriotes,

Après 900 ans, nous ne pouvons évoquer le grand mystère de saint Stanislas autrement, qu'en remontant au Mystère Pascal du Christ lui-même. C'est la démarche retenue par l'Episcopat de Pologne dans sa lettre pastorale qui prépare tous les Polonais à la fête de cette année.

Voici un passage de cette lettre :

"Considérant son martyre dans la prière, nous retrouvons les souvenirs de la Passion de Notre Seigneur Jésus Christ au cours du récent Carême. Il a appelé ses disciples à participer à cette Passion, 'celui qui veut devenir mon disciple doit prendre la Croix... et me suivre...'.

Si, partant de la mort et de la Résurrection, les disciples du Seigneur au cours des siècles donnent leur propre sang en témoignage de foi et d'amour, c'est toujours avec Lui et en Lui. Il les attire à son coeur transpercé, afin qu'ils soient unis à Lui. Tout martyre religieux ne prend son sens et sa valeur, ne devient pleinement compris et ne porte des fruits que dans la mort du Christ. La croix de la vie de saint Stanislas et son martyre étaient dans leur essence très proches de la Croix et de la mort du Christ sur le Calvaire. Ils avaient la même signification. Le Christ défendait la vérité de son Père, Dieu éternel ; il défendait la vérité de Lui même Fils de Dieu, il défendait aussi la vérité de l'homme, de sa vocation de sa destinée ; de sa dignité comme fils de Dieu. Il défendait l'homme, qui en vérité est soumis à des puissances terrestres, mais, d'une manière incomparable, vit sous la puissance divine. Que le fruit de ce saint Jubilé soit notre fidélité au Christ qui a versé son sang sur le Calvaire pour le salut de l'homme, pour le salut de chacun de nous, la fidélité à la Mère Douloureuse du Christ, fidélité au sacrifice jusqu'au martyre de St Stanislas".

C'est avec une grande joie que je lis ces paroles. Elles nous permettent de comprendre de la meilleure manière ce que proclame la liturgie de St Stanislas vivit Victor sub gladio! En effet, sur la tête de l'évêque de Cracovie Stanislas de Szczepanow est tombée en 1079 la lourde épée qui l'a privé de la vie. Et sous cette épée l'évêque a été vaincu. Boleslas a ôté de sa route, son adversaire. Le grand drame s'est clos dans les étroites frontières du temps. Toutefois bien que la force de l'épée ait obtenu sa fin au moment de son sacrifice, la force de l'Esprit, qui est la Vie et l'amour a commencé à se révéler et à croître en même temps. Celle-ci a rayonné des reliques de Stanislas, embrassant les peuples de la terre des Piast et les a unis. Seule la force spirituelle de l'amour peut unir d'une façon durable, tandis que la folie de l'épée et de la force ne peut que tuer et détruire. L'amour au contraire se révèle jusque dans la nuit "lorsque quelqu'un donne la vie pour ses amis" (
Jn 15,13).

92 Aujourd'hui dans cette Eucharistie nous nous réjouissons de pouvoir louer Dieu pour la révélation de son amour dans la mort de saint Stanislas serviteur du Peuple de Dieu au Siège de Cracovie.

5. L'Eglise de Pologne est reconnaissante au Siège de Pierre qui, en raison du baptême en 966 a accueilli la nation dans la grande communauté de la famille des peuples.

L'Eglise de Pologne est reconnaissante au Siège de saint Pierre parce que, l'évêque et martyr, saint Stanislas de Szczepanow a été élevé sur les autels et proclamé Patron des Polonais.

L'Eglise de Pologne confesse, par la commémoration de son Patron, la force de l'Esprit Saint, la force de l'Amour qui est plus fort que la mort.

Et elle désire, avec cette confession, servir les hommes de notre temps. Elle désire servir l'Eglise dans sa mission universelle dans le monde d'aujourd'hui. Elle désire contribuer au renforcement de la foi, de l'espérance et de la charité non seulement dans son peuple, mais aussi parmi les autres peuples et dans les autres pays d'Europe et du monde entier.

Réunis près de la tombe de saint Pierre, prions avec la plus profonde humilité pour que ce témoignage et cette disposition à servir soient agréés moyennant l'Eglise de Dieu "qui est partout sur la terre". Prions avec humilité, avec amour et la vénération la plus grande, pour que les agrée le Dieu Tout-Puissant, Scrutateur de nos coeurs et Père des siècles futurs.



VISITE À L'ÉGLISE SAINT-ANTOINE-DES-PORTUGAIS

22579 22 mai 1979



Monsieur le Cardinal Patriarche et vénérables Frères dans l'Episcopat,
Excellences,
Très aimés Fils et Filles du Portugal "très fidèle".

Que la grâce ou Seigneur Jésus soit avec vous tous !

Oui, nous vous saluons très cordialement, avec estime et gratitude dans la joie de cette rencontre. Et à travers vous, vous spécialement, chers frères évêques et vous messieurs les ambassadeurs, je salue le cher peuple portugais.

C'est l'amour du Christ qui nous a rassemblés ici pour louer et remercier Dieu. Et la raison en est un appel et une réponse que nous vivons depuis huit siècles Cet appel a été adressé au Portugal par mon prédécesseur Alexandre III, dans la Bulle Manifestis probatum, envoyée à votre premier roi Dom Alphonse Henriques. Il y est dit : "Soumis et dévoué à la Sainte Eglise romaine exerce-toi... à ne pas t'écarter des frontières de la foi chrétienne, reste lié au Siège apostolique en fils dévoué et fier et porte lui un amour fidèle" (1). Et la réponse a été donnée par le Portugal tout au long de son histoire.

En cette date significative, ici dans l'église de Saint-Antoine des Portugais, toute proche du tombeau de Saint-Pierre, parmi les motifs de joie commune — comme l'a souligné M. le Cardinal Patriarche — nous devons remercier Dieu surtout des relations qui ont existé entre le Portugal et le Siège apostolique, au cours de ces huit siècles d'histoire parcourus ensemble.

Ce qui caractérise ce cheminement commun peut sans doute se résumer ainsi: fidélité à l'Eglise, mère et maîtresse des peuples, de la part du Portugal, depuis que son premier roi, par la lettreClaves regni a fait hommage du Portugal (2) à l'Eglise romaine ; et bonne volonté de la part du Saint-Siège qui a accordé au Portugal le titre de "très fidèle", dans la personne de ses souverains (3).

Dans l'assemblée choisie, qui prie aujourd'hui avec le Pape, je vois l'héritage et l'identité du Portugal chrétien, avec ses fidélités anciennes et nouvelles, avec ses aspirations passées et présentes. En ce moment, il y a dans notre coeur, et elle est connue de Dieu, l'évocation respectueuse et la juste mention des personnes et des faits qui, dans votre patrie, ont marqué la vie de l'Eglise, une et unique, toujours et de toutes parts sollicitée par la vocation de l'homme dans le Christ (4).

Notre liturgie d'action de grâces au Seigneur cherchera à rappeler seulement trois coordonnées de la fidélité à Dieu et à l'Eglise dans la vie chrétienne et dans la piété du cher peuple portugais, ainsi que tant d'autres motifs de joie dans le Seigneur et de stimulation pour l'avenir. Et voici quelles sont ces coordonnées :

— le Christ, rédempteur et sauveur; ce n'est pas par hasard qu'il figure, symbole expressif, à l'angle du drapeau de votre patrie, et cette croix rappelait aux bateaux du XVIe siècle, lancés dans une glorieuse aventure, que c'était aussi pour un motif de "hardiesse chrétienne" (5).

— la Vierge très sainte, mère de Dieu et mère de l'Eglise, notre Dame, comme vous aimez l'appeler, celle qui dans la "Casa Lusitana" et la "Terre de Sainte Marie" est passée à un certain moment de l'appelation de "Dame" à celle de "Reine du Portugal (6) ;

— la vie d'une dimension essentielle à l'Eglise qui est celle d'être missionnaire par nature (7) : l'oeuvre d'évangélisation réalisée constitue une des plus pures gloires religieuses du Portugal (8).

A la lumière du passé, cette belle rencontre d'aujourd'hui — le Portugal du présent et le présent de l'Eglise dans votre patrie qui rencontrent le successeur de Saint Pierre — est une proposition de continuité dans la ligne de vos fidélités. Plaise à Dieu que tous les Portugais à la recherche du bien commun — selon Dieu comme loi suprême de toute la société — s'engagent à cultiver les valeurs spirituelles, dans un climat social de moralité, de justice de paix et d'amour fraternel.

Oui, chers Portugais : cultivez la dignité personnelle, conservez le bon esprit de famille et respectez la vie et le Seigneur de la vie et le Seigneur de l'histoire ; que dans la vie et letémoignage de votre option pour le Christ, vous continuiez à entendre votre chevaleresque "et généreux exploit de sainte chrétienté" (9).

94 En vous ici présents, je bénis votre terre et votre peuple — les personnes, les familles et les communautés, ainsi que ceux dont vous répondez sans oublier vos immigrants et avec une particulière affection, nos frères évêques. Le Pape vous aime tous et a confiance en vous !

Tournons notre esprit et notre coeur vers le Christ "duquel procèdent toutes choses et pour qui sont toutes choses" (
He 2,10). Dans cette Eucharistie, par la faveur de Notre-Dame et des saints de votre pays, nous continuons a louer, à remercier, et à prier Dieu le Père, pour le Portugal, en l'unité de l'Esprit Saint" Amen.

1) Alexandre III, Bulle Manifestis probatum, 23-5-1179 : Lisbonne, Torre do Tombo, Cx das Bulas, m. 16 doc. 20.

2) Cf. Dom Afonso Enriques, Lettre Claves Regni adressée au Pape Lucien II, 13-12-1143.

3) Cf. Benoît XIV, Bulle Charissime in Christo, adressée au roi du Portugal Don Jean V, 17-12-1748 : Bullarium Romanum, Venise 1778, t. III. p. 1.

4) Cf. Enc. Redemptor hominis, n. 18.

5) Camoes-Luis de, Lusiadas, Chant VII, 14.

6) Cf. Acte d'acclamation de Notre Dame de Conception comme patronne du Portugal par la cour de Lisbonne, relaté par Oliveira P. Miguel, Histoire ecclésiastique du Portugal, Lisbonne 1958, page 333 ss.

7) Cf. Concile Vatican II, Décret Ad Gentes, n. 1: AAS 58, 1966, p. 964.

8) Cf. Pie XII, Enc. Saeculo exeunte octavo adressée aux évéques portugais du 13-6-1940.

9) Camoes-Luis de, Lusiadas, Chant VII, 3.



24 mai 1979, SOLENNITÉ DE L'ASCENSION - AUX ÉTUDIANTS DES SÉMINAIRES ANGLAIS DE ROME

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Chers fils et frères et amis en Jésus-Christ,

A l'occasion de cette fête de l'Ascension le Pape est heureux d'offrir le saint Sacrifice Eucharistique avec vous et pour vous. Je suis heureux de me trouver avec les étudiants et le staffdu vénérable Collège Anglais l'année durant laquelle se célèbre son quatrième centenaire. Et je me sens aujourd'hui, de manière toute particulière, spirituellement proche de vous, de vos parents et familles et de tous les fidèles d'Angleterre et du Pays de Galles — de tous ceux qui sont unis dans la foi de Pierre et de Paul, dans la foi de Jésus-Christ. Les traditions de générosité et de fidélité dont la vie dans votre Collège a donné l'exemple pendant quatre cents ans sont présentes à mon coeur ce matin. Vous êtes venus offrir vos remerciements et vos prières à Dieu pour ce qu'il a, de sa grâce, accompli dans le passé et pour trouver la force d'aller de l'avant — sous la protection de la Vierge bénie — avec la ferveur de vos prédécesseurs dont un grand nombre ont donné leur vie pour la foi catholique.

J'adresse aussi cordialement un salut de bienvenue aux nouveaux prêtres du Collège Pontifical Beda. Pour vous également ceci est un moment particulier pour vous engager à poursuivre les idéaux de votre Patron, saint Bède le Vénérable que vous commémorerez demain. Je salue avec la même cordialité vos supérieurs et vos compagnons d'étude.

Avec joie et animés de nouvelles résolutions pour l'avenir, réfléchissons un moment sur le grand mystère que célèbre la liturgie d'aujourd'hui. Toute la pleine signification de 1' Ascension du Christ est exprimée dans les lectures de la Sainte Ecriture. La richesse de ce mystère est contenue dans ces deux affirmations : "Jésus donna ses instructions..." puis "Jésus prit place...".

Selon la Divine Providence — dans l'éternel dessein du Père — l'heure était venue pour le Christ de quitter la terre. Il allait prendre congé de ses apôtres et, avec eux, de Marie sa Mère, mais non sans leur avoir d'abord donné ses instructions. Les apôtres avaient maintenant une mission à accomplir conformément aux instructions laissées par Jésus, et ces instructions étaient à leur tour l'expression fidèle de la volonté du Père.

Ces instructions indiquaient avant tout que les apôtres devaient attendre l'Esprit Saint qui était le don du Père. Il devait être absolument clair dès le début que la source de la force des apôtres était le Saint-Esprit. C'est l'Esprit qui guide l'Eglise sur les voies de la vérité, l'Evangile doit être propagé par la puissance de Dieu et non par la sagesse ou la puissance de l'homme.

En outre, selon ces instructions, les apôtres étaient chargés de proclamer la Bonne Nouvelle dans le monde entier. Et ils devaient baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Comme Jésus, ils devaient parler clairement du Royaume de Dieu et du salut. Les apôtres devaient rendre témoignage du Christ "jusqu'aux confins de la terre". L' Eglise primitive comprit parfaitement ces instructions et c'est ainsi qu'elle inaugura l'ère missionnaire. Et chaque communauté savait que cette ère ne prendrait fin que le jour où le même Jésus qui était monté au ciel, serait revenu.

Les paroles de Jésus constituèrent pour l'Eglise un trésor qu'il fallait garder en dépôt et proclamer, méditer et vivre. Et, en même temps, l'Esprit Saint enracina dans l'Eglise un charisme apostolique qui avait pour objet de garder intacte cette révélation. Par ces paroles Jésus allait vivre toujours dans son Eglise : "Je suis avec vous pour toujours". Et la communauté ecclésiale tout entière prit ainsi conscience de la nécessité de la fidélité aux instructions de Jésus, au dépôt de la foi. Cette sollicitude devait se transmettre de générations en générations — jusqu'à nos propres jours. C'est à cause de ce principe que j'ai dit récemment à vos propres Recteurs que "la première priorité pour les séminaires aujourd'hui est l'enseignement de la Parole de Dieu dans toute sa pureté et toute son intégrité. La parole de Dieu — et seulement la parole de Dieu — est à la base de tout ministère, de toute activité pastorale de toute action sacerdotale. L'autorité de la parole de Dieu a constitué la base dynamique du Concile Vatican II et Jean XXIII l'a mis en évidence dans son discours d'ouverture : 'Le souci principal du Concile oecuménique — a-t-il dit — sera celui-ci — que le dépôt sacré de la doctrine chrétienne soit toujours plus effectivement gardé et enseigné' (Discours du 11 octobre 1962). Et si les séminaristes de cette génération doivent être préparés de manière adéquate à prendre en charge l'héritage et le défi de ce Concile, il faut avant tout les former à la Parole de Dieu, au 'dépôt sacré de la doctrine chrétienne' " (Discours du 3 mars 1979). Oui, chers fils, notre plus grand défi est d'être fidèles aux instructions du Seigneur Jésus.

Et la seconde réflexion sur la signification de l'Ascension est basée sur cette phrase : "Jésus prit sa place...". Après avoir subi l'humiliation de sa passion, Jésus prit sa place à la droite de Dieu. Il prit sa place avec le Père éternel. Mais ainsi il pénétra dans les cieux comme notre Tête". Et là-haut, selon l'expression de Léon le Gand "la gloire de la Tête" devint "l'espoir du corps" (cf.Sermos de Ascensione Domini). Jésus a pris pour toute l'éternité sa place comme "le premier-né parmi de nombreux frères" (
Rm 8,29). En raison de notre nature nous sommes près de Dieu dans le Christ. Et, comme homme, le Seigneur Jésus est vivant pour toute l'éternité pour intercéder près de son Père en notre faveur (cf. He He 7,25). Et en même temps, du haut de son trône de gloire, Jésus envoie à toute son Eglise un message d'espérance et une invitation à la sainteté.

Par les mérites de Jésus et grâce à son intercession près de son Père, nous sommes capables d'obtenir en lui la justice et la sainteté de vie. L'Eglise peut rencontrer des difficultés, l'Évangile peut subir des échecs, mais comme Jésus est assis à la droite du Père, l'Eglise ne sera jamais vaincue. La puissance du Christ glorifié, du Fils bien-aimé du Père éternel n'a pas de limites et surabonde pour défendre chacun de nous et nous tous dans la fidélité de notre dévouement au Royaume de Dieu et dans la générosité de notre célibat. L'efficacité de l'Ascension du Christ touche chacun de nous dans les réalités concrètes de nos vies quotidiennes. A cause de ce mystère, l'Eglise tout entière a pour vocation d'attendre "dans une joyeuse espérance la venue de notre Sauveur, Jésus-Christ".

Chers Fils, soyez imprégnés de l'espérance qui est si fortement une part du mystère de l'Ascension de Jésus. Soyez profondément convaincus de la victoire et du triomphe du Christ sur le péché et la mort. Ayez conscience que la puissance du Christ est plus grande que notre faiblesse, plus grande que la faiblesse du monde entier. Tâchez de comprendre et de partager la joie que Marie a éprouvée en sachant que son Fils avait pris sa place près de son Père qu'il aimait infiniment. Et aujourd'hui renouvelez votre foi dans la promesse de Notre Seigneur Jésus-Christ qui est parti pour nous préparer une place, de sorte qu'il pourra revenir et nous prendre avec lui.

Voilà le mystère de l'Ascension de notre Chef. Rappelons-nous toujours : "Jésus a donné ses instructions" et ensuite "Jésus a pris sa place".

Amen.

26 mai 1979, VISITE À L'ÉGLISE ROMAINE CHIESA NUOVA DÉDIÉE À SAINTE-MARIE IN VALLICELLA

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Très chers frères et soeurs,

Je ne pouvais manquer de visiter ce saint lieu cher aux Romains, pour y vénérer celui que l'on appela "l'Apôtre de l'Urbs", saint Philippe de Neri, Co-Patron de cette ville bénie.

Ma venue était un devoir, elle était un besoin de l'âme et elle était aussi une attente frémissante !

Et ensuite, je vous salue avec un amour tout particulier, fidèles, vous en qui je veux atteindre tous les fidèles de Rome, la ville de saint Philippe Neri, la ville qu'il a tant aimée et favorisée et où son souvenir, vif et sanctifiant, est toujours présent.

Vous savez que durant son séjour à Rome de 1534 — quand il y arriva, pauvre pèlerin inconnu — à 1595, l'année de sa mort bienheureuse, St Philippe Neri témoigna d'un très vif amour pour Rome ! Pour Rome il vécut travailla, étudia, souffrit, pria, aima, mourut ! Il avait Rome dans l'esprit, dans le coeur, dans ses préoccupations, dans ses projets, dans ses réalisations, dans ses joies et, également, dans ses douleurs ! Pour Rome, saint Philippe fut homme de culture et de charité, d'étude et d'organisation, d'enseignement et de prière ; pour Rome il fut un saint prêtre, un infatigable confesseur, un éducateur ingénieux et un ami pour tous ; il fut aussi, de manière toute particulière un expert conseiller et un délicat directeur de conscience. Recouraient à lui des Papes et des Cardinaux, des évêques et des prêtres, des princes et des politiciens, des religieux et des artistes. D'illustres personnages se confièrent à son coeur de père et d'ami, tels que l'historien Cesare Baronio et le célèbre compositeur Palestrina, saint Charles Borromée et saint Ignace de Loyola, et le Cardinal Frédéric Borromée.

Mais la pauvre petite chambre de son appartement fut surtout un centre d'accueil pour une immense multitude d'humbles personnes du peuple, de souffrants, de déshérités, de marginaux, de jeunes, d'enfants qui accouraient chez lui pour avoir un conseil, le pardon, la paix, des encouragements, une aide matérielle et spirituelle. L'activité bénéfique de saint Philippe fut telle, fut si nombreuse que l'Autorité romaine décréta que chaque année, le jour anniversaire de sa mort, un calice serait offert à son église en témoignage de vénération et de reconnaissance.

Vivant dans un siècle dramatique, ivre des découvertes du génie humain et de l'art classique et païen, mais radicalement en crise à cause de la transformation des mentalités, Saint Philippe, homme de vive foi et prêtre fervent, génial et clairvoyant, également doué de charismes spéciaux, sut maintenir indemne le dépôt de la vérité reçu et il le transmit, intègre et pur, le vivant entièrement et l'annonçant sans compromis.

C'est pour ce motif que son message est toujours actuel, et que nous devons l'écouter et suivre son exemple.

97 Dans la mine précieuse de ses enseignements et de la chronique de sa vie, toujours si intéressante et attirante, il existe des perspectives qu'on peut qualifier de particulièrement actuelles dans le monde d'aujourd'hui.

1. La modestie de l'intelligence.

C'est la première leçon de saint Philippe.

L'orgueil de l'intelligence constitue en effet un danger fondamental. En ce siècle autarchique et rebelle, saint Philippe voyait avec épouvante son effervescence et c'est pourquoi il insistait particulièrement sur la modestie de la raison et sur la pénitence intérieure. L'intelligence est un don de Dieu qui rend l'homme semblable à Lui; mais l'intelligence doit accepter ses limites.

L'intelligence doit atteindre le Principe nécessaire et absolu qui gouverne l'univers ; reconnaître les preuves historiques qui démontrent la divinité de Jésus-Christ et la mission divine de l'Eglise ; puis s'arrêter devant le mystère de Dieu qui, étant infini, ne dévoile jamais ni sa nature ni ses opérations ; l'intelligence doit accepter sa loi, qui est une loi d' amour et de salut et s'abandonner en toute confiance à son projet qui, étant éternel, dépasse ontologique-ment toute perspective humaine.

Saint Philippe insistait sur ce sentiment de modestie en face de Dieu. Il avait l'habitude de se poser la main sur le front en disant : "La sainteté se trouve dans trois doigts d'espace", voulant indiquer par là qu'elle dépend essentiellement de la modestie de l'intelligence.

2. Cohérence chrétienne.

C'est le deuxième enseignement de saint Philippe : il est toujours valide et toujours actuel.

Il sut, avec grande sagesse chrétienne, tirer des principes de la foi, les raisons profondes de son activité et de son existence tout entière. La logique de sa foi créa spontanément un style de vie empreint de joie, de confiance, de sérénité, d'optimisme qui n'est nullement de l'insensibilité et banale légèreté : c'est une vision eschatologique de la réalité. C'est de cette joie intime que jaillit la force extraordinaire de son apostolat, la finesse de son humour proverbial qui lui fit mériter le titre de "Saint de la joie" tandis que son habitation était connue comme "la casa dell' allegria", "la maison de la bonne humeur".

Ce style de vie doux et austère, joyeux et laborieux est celui sur lequel il fonda l'Oratoire qui se diffusa dans le monde entier et eut, entre autres mérites celui de développer la musique et le chant sacré.

Saint Paul a écrit : "Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur, je vous le dis encore : réjouissez-vous ! Que votre bienveillance soit connue de tous les hommes !" (
Ph 4,4-5).

98 Ainsi était saint Philippe. Plaise au ciel que chacun de nous soit capable de jouir de cette joie qui naît d'une foi chrétienne convaincue et vécue.

3. La pédagogie de la "grâce".

C'est un troisième enseignement de notre saint, plus actuel et nécessaire que jamais.

Tout en respectant pleinement la personnalité individuelle, saint Philippe basa son "projet d'éducation" sur la réalité de la grâce et il le développa selon cinq directrices principales : la connaissance délicate de chaque enfant et jeune moyennant l'écoute patiente et affectueuse, — l'illumination de l'esprit par la lecture et la méditation — la dévotion eucharistique et mariale — la charité envers le prochain — le jeu dans ses manifestations les plus variées.

Aujourd'hui, le monde a un immense besoin d'éducateurs sensibles et bien préparés qui apprennent à vaincre la tristesse et le sentiment de solitude, d'incommunicabilité qui accablent tant de jeunes et même parfois les terrassent.

Et vous aussi, parents et éducateurs enseignez, comme saint Philippe "tout ce qu'il y a de vrai, de noble, de juste, de pur, d'aimable, d'honorable, tout ce qu'il peut y avoir de bon dans la vertu et mérite d'être loué" (
Ph 4,8).

Chers Fidèles de Rome !

Il y a tant de choses que nous pouvons et devons apprendre de notre grand saint ! "Cor ad Cor loquitur", comme le disait le Cardinal Newton, converti de l'anglicanisme. Celui-ci, après de longues et méticuleuses recherches historiques et de vives souffrances intimes se sentit contraint, devant l'évidence des preuves d'embrasser le catholicisme et d'entrer dans l'Eglise de Rome. Connaissant la vie et la spiritualité de saint Philippe et frappé par sa profondeur, son équilibre et sa discrétion, il fut à ce point conquis qu'il voulut se faire prêtre oratorien. Il fonda le premier Oratoire d'Angleterre et suivit toujours les exemples de saint Philippe comme l'attestent ses admirables discours et il l'appelait "mon Père et patron personnel" ; et c'est au nom de saint Philippe qu'il acheva son oeuvre la plus célèbre : "Apologia pro vita sua"

Pour nous aussi saint Philippe continue à être "Père". Invoquons-le ! Ecoutons-le ! Une de ses caractéristiques les plus aimables fut son tendre amour pour la Très Sainte Vierge Marie que fréquemment, et avec une totale et filiale confiance, il invoquait comme "Mater gratiae".

Empli de tendresse envers la Mère du Ciel, il affirmait : "Il devrait suffire de cette seule raison pour qu'un fidèle reste toujours joyeux : savoir qu'il a près de Dieu la Vierge Marie qui prie pour lui" (Vie de Saint Philippe Neri le Florentin, écrite par le Père Pietro Giacomo Bacci).

Ecoutons saint Philippe Neri, convaincus que celui qui a tant aimé Rome durant sa vie, continue à protéger et à aider ses fils.

99 Et maintenant, avant de commencer la liturgie du Sacrifice, pensons un moment à ce qui s'est passé il y a quelques jours dans notre chère ville de Rome : la mort atroce d'un jeune Somalien, un immigré, victime innocente d'un geste absurde a provoqué un mouvement d'indignation et de protestation dans le monde entier et a déchiré également mon coeur de Père. Et maintenant, élevons une prière pour le pauvre mort et pour toutes les victimes de la cruauté et de la violence humaines et surtout, promettons nous, chacun dans son milieu et ses responsabilités, de vivre l'Evangile avec une fidélité absolue, sur les pas de saint Philippe Neri.



Homélies St Jean-Paul II 88