Homélies St Jean-Paul II 13984

CONCÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE À MONCTON Front Mountain Road (Moncton) Jeudi, 13 septembre 1984

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1. “S’il est vrai que, dans le Christ, on se réconforte les uns les autres, si l’on s’encourage dans l’amour si l’on est en communion dans l’Esprit, si l’on a de la tendresse et de la pitié, alors, mettez le comble à ma joie en restant bien unis, ayez le même amour . . . ne recherchez pas chacun votre propre intérêt, pensez aussi à celui des autres. Ayez entre vous les sentiments qui furent ceux du Christ Jésus” (
Ph 2,1-5).

Ces mots de saint Paul aux chrétiens de Philippes, ils sont aussi pour vous, chers Frères et Soeurs de Moncton, de l’Acadie et de toute la province du Nouveau-Brunswick. Je vous encourage à former des communautés humaines exemplaires par leur pratique de la solidarité; je vous exhorte à garder à vos communautés ecclésiales la dignité que leur donne le Christ: conformez-vous à l’inspiration de l’Evangile, recherchez ce qui est juste aux yeux de Dieu. Ayez le courage de la foi, le dynamisme de la charité et la force de l’espérance chrétienne, quelles que soient les épreuves. Oui, ouvrez vos communautés à l’Esprit du Christ.

Pour approfondir cet appel, je vous propose l’exemple et les paroles du saint évêque que l’on fête aujourd’hui, l’un des plus célèbres des premiers siècles de l’Orient chrétien: saint Jean Chrysostome. Le psaume exprimait admirablement son âme: “Faire ta volonté, mon Dieu, voilà ce que j’aime . . . j’ai annoncé ta justice dans la grande assemblée; vois, je ne retiens pas mes lèvres, toi tu le sais” (Ps 40,9-10). Ce pasteur hors pair n’a cessé en effet d’ouvrir la bouche pour éclairer son peuple, pour le former, pour l’entraîner dans sa vocation chrétienne; on l’a appelé Chrysostome, c’est-à-dire “bouche d’or”. Et son enseignement, tout imprégné de la Parole de Dieu et de la contemplation du mystère du Christ, a su trouver une expression claire, persuasive, concrète, qui provoque les chrétiens de tous les temps aux choix essentiels à leur salut, à la réalisation de la “justice”.

2. A la fin du quatrième siècle, dans une Eglise en pleine croissance Jean vivait à Antioche de Syrie. Il aurait pu réussir dans le monde des tribunaux, du théâtre et des lettres, mais il préféra, après son baptême vers l’âge de vingt ans, s’initier à l’étude des livres saints et se consacrer au service de l’Eglise. Il essaya de vivre la contemplation et l’ascèse dans les solitudes montagneuses. Puis, durant onze ans, comme diacre et prêtre, il prêcha inlassablement l’Evangile aux foules d’Antioche. Il fut appelé en 397 à devenir Patriarche de Constantinople, où il ne put exercer librement son épiscopat que durant six ans. Devant ce milieu croyant et sensible à la piété, mais enclin aux passions, aux intrigues de cour, aux manifestations mondaines, au luxe des riches, au laisser-aller des moines et des clercs, il ne voulut en rien atténuer la vigueur et la clarté de l’Evangile, les exigences du baptême chrétien et de l’eucharistie, du sacerdoce, de la charité, de la dignité du pauvre. Vraiment, “il n’a pas retenu ses lèvres pour annoncer la justice”. Et pas davantage durant les deux exils que lui imposa l’impératrice Eudoxie après l’avoir fait déposer, aggravant encore sa deuxième déportation sur le chemin du Caucase, où il mourut le 14 septembre 407. On peut bien le considérer comme un martyr du courage pastoral. Mais ce que nous retiendrons surtout, c’est qu’il a su former un peuple chrétien, des communautés chrétiennes dignes de ce nom.

3. L’éloquence de sa “bouche d’or” venait de la puissance de sa foi. Avec saint Paul, il pouvait dire: “J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé” (2Co 4,13). Et cette foi imprégnée d’amour entraînait son zèle apostolique. “Tout ce que nous vivons, c’est pour vous, afin que la grâce soit plus abondante; en vous rendant plus nombreux, elle fera monter une immense action de grâce pour la gloire de Dieu” (Ibid. 2Co 4,15).

En fait, ce zèle du pasteur avait sa source dans l’union au Christ. Cette union était particulièrement vive lorsque le grand évêque de Constantinople devait connaître la souffrance et la persécution. Il pouvait dire lui aussi à la suite de saint Paul: “Nous portons sans cesse dans notre corps l’agonie de Jésus, afin que la vie de Jésus, elle aussi, soit manifestée dans notre corps” (Ibid. 2Co 4,10). L’union avec le Christ souffrant et agonisant a donné son efficacité à son service apostolique et en a fait une source de vie surnaturelle pour les autres: “La mort fait son oeuvre en nous, et la vie en vous” (Ibid. 2Co 4,12).

4. Des jugements iniques, des vexations, des diffamations et des persécutions, Jean Chrysostome n’avait pas peur. Il n’en annonçait que plus fermement les exigences de l’Evangile, par fidélité au Christ et par charité pour ceux dont il voulait la conversion. Mais cette force inébranlable ne contredisait jamais la charité. Il a vraiment vécu les paroles de Jésus rapportées dans l’Evangile de Luc que nous venons d’entendre: “Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient” (Lc 6,27-28). Son éloquence lui attirait le succès auprès des foules - à Antioche, à Constantinople, même dans son exil en Asie Mineure -, mais sa franchise lui attirait aussi la haine d’un certain nombre. Il l’avait mise uniquement au service de la vérité et de la justice; il l’a payé très cher, souffrant profondément dans son coeur et dans son corps. Cela ne l’a pas détourné d’aimer et de chercher le bien des autres, car il donnait sans chercher à recevoir: “Faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour . . . Donnez, et l’on vous donnera” (Lc 6,35 Lc 6,38). Plutôt que de voir ses partisans verser le sang de ses compatriotes, c’est lui qui se livra aux soldats.

Voilà le pasteur, chers Frères et Soeurs, qui a formé une génération de chrétiens dans une grande partie de l’Orient, par sa parole et par l’exemple de sa vie. Voilà le témoin qui vous est présenté aujourd’hui, à vous qui cherchez à fortifier vos communautés ecclésiales.

5. Le Concile Vatican II a parlé de la “communauté chrétienne”, signe de la présence de Dieu dans le monde: “Par le sacrifice eucharistique, elle passe au Père avec le Christ; nourrie avec soin de la Parole de Dieu, elle présente le témoignage du Christ; elle marche enfin dans la charité et est enflammée d’esprit apostolique” (Ad Gentes AGD 15). Puissent vos paroisses et vos diverses communautés réaliser ce programme! Mais pour le réaliser selon l’Evangile, il nous est bon d’écouter encore Jean Chrysostome exprimer sa foi: “Est-ce à ma propre force que je fais confiance? Je possède sa parole: voilà mon appui, voilà ma sécurité, voilà mon havre de paix” (S. Jean Chrysostome, Hom. avant le départ en exil, 1-3: PG 52,427-430). Pénétrez-vous de cette parole, disait-il encore, “vous avez un besoin continuel de trouver votre force dans l’Ecriture”. Il demande aussi que l’on prie sans cesse, partout, dans le temple de Dieu qu’est le coeur humain.

Jean Chrysostome prend soin de préparer les candidats au baptême, et surtout d’aider les baptisés à comprendre la grandeur du don que Dieu leur a fait dans ce sacrement. Il parle avec enthousiasme de l’eucharistie qui nous fait participer à la victoire de Pâques. Mais il n’oublie pas que le “premier chemin de la conversion, c’est la condamnation de nos fautes. Commence toi-même par dire tes fautes pour être justifié” (PG 49,263-264).

6. Cette insistance de Jean Chrysostome sur le don de la grâce, sur la foi, la prière, les sacrements, débouche toujours sur les exigences de comportement chrétien qui s’en suivent nécessairement sous peine d’illogisme ou d’hypocrisie. Et c’est là qu’il parle avec une vigueur étonnante de la charité, de l’amour du prochain.

Cet amour est réconciliation: “Qu’aucun de ceux qui ont un ennemi n’approche de la Table sainte . . . va d’abord te réconcilier, puis reçois le sacrement” (S. Jean Chrysostome, Hom. au peuple d'Antioche).

Cet amour est volonté d’unité et de fraternit: “L’Eglise n’existe pas pour que nous restions divisés en y venant, mais bien pour que nos divisions y soient éteintes: c’est le sens de l’assemblée. Si c’est pour l’eucharistie que nous venons, ne posons aucun acte qui contredise l’eucharistie” (Eiusdem, Hom. sur 2CO 24,2 2CO 27,3-5).

Cet amour est respect et accueil du pauvre: “Tu veux honorer le Corps du Christ. Ne le méprise pas lorsqu’il est nu. Ne l’honore pas ici, dans l’église, par des tissus de soie, tandis que tu le laisses dehors souffrir du froid et du manque de vêtements . . . Dieu n’a pas besoin de calices d’or, mais d’âmes qui soient en or . . . Commence par rassasier l’affamé, et avec ce qui te restera, tu orneras l’autel” (PG 619-622).

L’amour est recherche de ce qui est utile au prochain: “Rien n’est plus froid qu’un chrétien indifférent au salut d’autrui” (Ibid. 60, 162-164). “Nous négligeons le salut de nos enfants. Nous recherchons seulement le profit. Nous nous occupons davantage des ânes et des chevaux que de nos fils . . . Qu’y a-t-il de comparable à l’art de former une âme?” (Ibid. 580-584).

L’amour est apostolat, il est zèle missionnaire jusqu’au bout du monde. “Dieu ne nous demande pas de réussir mais de travailler . . . Si le Christ, modèle des pasteurs, a travaillé jusqu’à la fin à la conversion d’un homme désespéré (Judas), que ne devons-nous pas faire pour ceux à l’égard desquels il nous a été ordonné d’espérer?” (S. Jean Chrysostome, Hom. sur la Cananéenne, 10-11). “Le levain, tout en disparaissant dans la masse, n’y perd pas sa force; au contraire, il la communique peu à peu . . . C’est le Christ seul qui donne au levain sa puissance . . . et quand la masse a fermenté, elle devient du levain à son tour, pour tout le reste” (S. Jean Chrysostome, XLVI hom. sur MT 2-3).

Ces quelques paroles fortes de saint Jean Chrysostome vous disent la foi, la charité, le courage apostolique et l’espérance qu’il a voulu partager avec ses frères.

7. Dear brothers and sisters of New Brunswick: is it still necessary for the progress of your communities for these exhortations to be articulated in terms of challenges adapted to our times?

I know that your community spirit already allowed you to overcome many early difficulties in Acadia; still today you are known for your sense of fraternity, cordial hospitality and sharing. But your region, like many others, is undergoing a profound transformation which is a new test. Urban life is developing, an economic crisis affects the local communities, and likewise a spiritual crisis, a crisis of values. Meanwhile, you can look to the future with serenity if you stand firm in the faith of the Risen Christ, if you allow his Spirit to form within you the responses to the new challenges, if you show solidarity with one another, if you accept being a leaven in the Church and in society.

And your Christian communities will immediately take up the challenge if they are able to form and deepen the faith of their members through the catechesis of youth and of students, through the continuing formation of adults, through courses or retreats. It is a question of a faith that is a personal attachment to the living God and takes account of the whole creed. Do not allow religious ignorance to stand side by side with the prestige of secular knowledge! Your communities will progress and be renewed if you accord greater place to meditation on the Gospel, to prayer, to the Sacraments of the Eucharist and of Penance.

Efforts in sharing, justice and charity - which one can call "social love" - run the risk of becoming simple philanthropy, if they are not rooted in the spiritual energy to which I have made reference in the writings of Saint John Chrysostom. And yet, he was speaking to a group of believers who had forgotten the ethical consequences of the faith. Today it is necessary in the first place to revive the faith which, for a certain number, has been shaken and questioned.

8. But it is evident that a well-understood faith involves all the commitments of charity of which the Pastor of Constantinople spoke and which today might be called:

- respect for persons, of their freedom, of their dignity, so that they may not be crushed by the new social constraints;

- respect for human rights, according to the charters already well known, and including the right to life from the moment of conception, the right to one’s reputation, the right to freedom of conscience;

- the refusal of violence and torture;

- concern for the less fortunate categories, for women, for labourers, for the unemployed, for immigrants;

- establishment of social measures for greater equality and justice, for all men and women, regardless of individual interests or privileges;

- the will to live a simple life and to share, in contrast with the present race for profit, consumption and artificial gratification, in such a way as not to be deprived of what is essential for oneself, while also permitting the poor, whoever they may be, to lead a dignified life;

- a more universal openness towards the basic needs of the less fortunate countries, in particular those that are referred to as the "South", the regions where each day thousands of human beings die because of the lack of peace or elementary care given to them; and hence concern to inaugurate, at the international level effective solutions for a more equitable distribution of goods and opportunities on the earth;

- missionary zeal for help among the Churches.

Thus your communities will be able to provide a generous sharing that begins in the immediate neighbourhood and that then opens up, without boundaries, to the world. You will not wait to settle your own social problems - that are certainly most real, and I am thinking in particular of unemployment - before living that fullness of charity described by Saint John Chrysostom.

All this activity of solidarity you will accomplish individually, or by your Christian associations, and also taking part in the initiative of the institutions of civil society (Gaudium et Spes GS 42-43). And with the Christian motivation which sees in the other person a brother or sister in God and a member of Christ, you will be the leaven that raises the dough to a level of greater justice, fraternal solidarity and social love.

9. Your ecclesial communities will be so much more stable and dynamic if everyone plays his or her own role, according to his or her vocation and charisms, as I said this morning in the Cathedral: Bishops, priests, religious, laity.

It is necessary without doubt that there be formed what you call the groupes-relais in order to manifest better the vitality of the Church in allowing specialized activities and truly human action. But all must be vigilant for unity within the common mission of evangelization, and here the parish plays a unique role. For all groups the parish’s vocation "is to be a fraternal and welcoming family home, where those who have been baptized and confirmed become aware of forming the People of God... From that home they are sent out day by day to their apostolic mission in all the centres of activity of the life of the world" (Ioannis Pauli PP. II, Catechesi Tradendae CTR 67).

10. Dear brothers and sisters: we are a people on a journey. We toil here below with courage and strong love to construct a new world more open to God and more fraternal, one that offers some sketch of the world to come (Gaudium et Spes GS 39). Let us take care not to forget the fullness to which God calls us!

Saint John Chrysostom, a disciple of the Lord, a successor of the Apostles, was strengthened during the whole course of his toilsome and difficult life by an eschatological hope - the hope of what lies beyond, of the new life promised by God - which Saint Paul announced in his Letter to the Corinthians: "Yes, the troubles which are soon over, though they weight little, train us for the carrying of a weight of eternal glory which is out of all proportion to them. And so we have no eyes for things that are visible, but only for things that are invisible; for visible things last only for a time, and the invisible things are eternal".

Let the voice of Saint Paul, let the voice of the great Saint of Constantinople continue to echo in your hearts, together with the voice of your own Pastors united with the Successor of Peter!

Que l’intercession de Notre-Dame de l’Assomption, Notre-Dame de l’Acadie, permette à l’Eglise de Moncton et des autres diocèses de croître, de se fortifier, de rayonner, en cohérence avec son destin éternel: “Notre regard s’attache à ce qui ne se voit pas, à ce qui est éternel!”.

Amen!

CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE Monastère des Servantes de Jésus-Marie (Hull) Mercredi, 19 septembre 1984

19984

Mes chères Soeurs,

1. “L’Esprit et l’Epouse disent "Viens" . . . Viens, Seigneur Jésus” (
Ap 22,27 Ap 22,20).

L’Eglise, inspirée par l’Esprit present en elle, ne cesse d’adresser cet appel au Seigneur Jésus. Elle est tendue vers son retour. Elle l’attend, comme une Epouse soupire après son Epoux bien-aimé, élevé à la droite du Père. Elle a déjà “lavé sa robe” dans son Sang qui l’a rachetée. Elle espère “disposer de l’arbre de vie”. Elle sait qu’elle participe déjà à sa Vie, d’une façon mystérieuse et partielle, dans la foi, les sacrements, la prière, la charité C’est avec Lui qu’elle travaille à renouveler ce monde selon son Esprit. Mais elle est impatiente d’un renouveau en plénitude, de la pleine vision de son Epoux. Pour l’instant sa vie est comme cachée en Dieu. L’Eglise tout entière doit vivre de cette attente et en témoigner. Mais les âmes consacrées ont fait “un choix charismatique du Christ comme Epoux exclusif. Un tel choix permet déjà par lui-même de "se soucier des affaires du Seigneur" mais de plus - lorsqu’il est fait "à cause du Royaume des cieux" - il rend ce Règne eschatologique de Dieu plus proche de la vie de tous les hommes . . . Les personnes consacrées portent au milieu du monde qui passe l’annonce de la résurrection à venir et de la vie éternelle” (Ioannis Pauli PP. II, Redemptionis Donum, 11).

2. Tous les religieux et religieuses ont ce charisme au coeur de l’Eglise. Mais c’est encore plus évident pour les Soeurs cloîtrées qui renoncent à toute activité au milieu du monde afin d’être présentes au seul Seigneur. Et, en ce lieu, c’est d’abord à vous que je m’adresse, chères Soeurs contemplatives. L’Eglise considère votre place dans l’ensemble du Corps mystique du Christ comme esentielle à la vie de l’Eglise, à son développement complet, même dans les jeunes Eglises accaparées par les tâches d’évangélisation (Perfectae Caritatis, PC 47, et Ad Gentes AGD 40). De fait, la prière des contemplatifs a joué un rôle considérable dans l’approfondissement de la foi au Canada. Telle fut bien l’intuition de l’Abbé Mangin et de Soeur Marie-Zita de Jésus qui ont fondé ici, voilà presque cent ans, les Servantes de Jésus-Marie. Ces religieuses honorent spécialement le Sacré Coeur de Jésus, dans l’eucharistie qui est le don suprême de son amour et où elles l’adorent de façon permanente. Votre apostolat spirituel, mes Soeurs, n’est-il pas de soutenir le ministère des prêtres et de collaborer à l’éternel dessein de l’alliance pour tous les croyants: “Qu’ils soient un!”? Te pense aussi à tous ceux et celles qui ont instauré la vie contemplative au Canada, selon des spiritualités complémentaires. Au-delà de toutes les religieuses ici présentes, je salue avec affection et j’encourage toutes les moniales et tous les moines de ce pays!

3. “Il en sera du Royaume des cieux comme de dix jeunes filles qui prirent leur lampe et s’en allèrent à la rencontre de l’Epoux. Or cinq d’entre elles étaient insensées et cinq étaient sages”. Mes Soeurs, attendez l’Epoux comme ces vierges sages. Soyez toujours prêtes. Soyez disponibles. Dans l’attente du Seigneur, veillez.

Le cadre de votre vie conventuelle est organisé pour favoriser l’expérience de Dieu; votre retrait du monde, avec sa solitude; votre silence, qui est un silence d’écoute, un silence d’amour; l’ascèse, la pénitence, le travail qui vous font participer à l’oeuvre rédemptrice; la communion fraternelle, sans cesse renouvelée; la célébration eucharistique quotidienne qui unit votre offrande à celle du Christ.

Que la lassitude, la routine, la monotonie de votre vie conventuelle ne vous endorment pas, que les impressions éventuelles d’absence de Dieu, les tentations ou simplement les épreuves normales du progrès dans l’union mystique au Christ ne vous découragent pas! Que la lampe de votre prière, de votre amour, ne faiblisse pas! Faites provision de l’huile qui l’alimentera jour et nuit.

4. Car, même au sein d’une communauté, le chemin demeure personnel. Pas plus que les vierges sages ne pouvaient réparer l’insouciance des vierges insensées, aucune autre ne peut se substituer à vous pour accueillir la communion trinitaire au plus intime de votre personne, là où l’Amour reçu répond à l’Amour dans l’adoration, la louange et la gratuité. Alors vous faites vôtre la prière du psalmiste que nous lisions à l’instant: “Dieu, c’est toi mon Dieu, je te cherche dès l’aurore. Mon âme a soif de toi, après toi languit ma chair, terre sèche, altérée, sans eau. Oui au sanctuaire je t’ai contemplé, voyant ta puissance et ta gloire. Meilleur que la vie, ton amour, ou je veux te bénir toute ma vie . . . au long des veilles, je médite sur toi . . . je jubile à l’ombre de tes ailes. Mon âme se presse contre toi, ta main droite me sert de soutien” (Ps 63,2-5 Ps 63,7-9).

Cette rencontre ineffable du Dieu vivant et personnel ne peut se vivre que dans l’obscurité de la foi. L’Epoux se tient derrière la porte alors que vous êtes encore dans la nuit. C’est toujours dans la lumière de la foi que Dieu se donne. Mais les signes de Dieu sont si discrets dans le quotidien sans relief de vos journées qu’il vous faut être vigilantes pour persévérer et grandir dans la foi, à l’école de Marie. Le “trésor” qui vous attend dans les cieux ne sera que l’accomplissement eschatologique de ce qui se cachait . . . dans le trésor intérieur du coeur (Ioannis Pauli PP. II, Redemptionis Donum, 5)

5. Vos vies ont une fécondité secrète mais certaine. “Celui qui demeure en moi porte beaucoup de fruits” (Jn 15,5). Dans cette solidarité qui unit tous les membres du Christ, vous êtes, selon le mot de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, comme le coeur. Sans votre amour, la charité se refroidirait. Dans l’Eglise qui prie, souffre et évangélise, votre part est la relation à Dieu. Votre offrande vous conforme au Christ afin qu’il utilise tout votre être et le consume pour l’oeuvre rédemptrice, selon le bon plaisir de son amour. Et Dieu écoute la prière de louange et d’intercession qui monte de vos coeurs pour dispenser sa grâce, sans laquelle il n’y aurait dans l’Eglise ni conversion à l’évangile, ni progrès dans la foi, ni vocations d’ouvriers apostoliques (Ad Gentes AGD 40).

6. La communauté chrétienne de Hull semble avoir bien saisi votre vocation, et de même la population voisine de la grande cité d’Ottawa. Les gens sont attachés à votre monastère, ils le soutiennent. Ils n’hésitent pas à vous confier leurs peines et leurs joies, leurs projets et leurs demandes de prière.

Il y a de plus en plus de gens - et parmi eux beaucoup de jeunes - qui cherchent des zones de gratuité, de prière, de contemplation, des gens assoiffés d’absolu. Certains s’arrêtent dans vos monastères, en quête de valeurs spirituelles. Pour tous ces chercheurs de Dieu, témoignez, par la vérité et la transparence de vos personnes, que l’appartenance au Christ vous rend libres et que l’expérience de Dieu vous comble. Sans vous soustraire aux exigences de la vie contemplative, trouvez les gestes susceptibles d’exprimer pour la culture de notre temps votre option radicale pour Dieu. A ceux qui disent: “Nous ne savons pas prier”, redites, par votre existence, que le dialogue avec Dieu est possible car “l’Esprit vient au secours de notre faiblesse” (Rm 8,26). A ceux qui veulent faire de leur vie quelque chose de grand, témoignez que la marche vers la sainteté est la plus belle des aventures, non pas l’oeuvre de nos seuls efforts, mais l’oeuvre de l’infinie tendresse de Dieu dans l’immense misère humaine. Que vos monastères permettent aux passants de s’approcher des sources d’eau vive: “Que l’homme assoiffé s’approche, que l’homme de désir reçoive l’eau de la vie, gratuitement” (Ap 22,17).

7. Ma méditation semblait réservée aux Soeurs cloîtrées. En réalité j’ai eu constamment à la pensée toutes les femmes qui se consacrent à Dieu dans la vie religieuse au Canada. Elles sont près de quarante mille! Ce que j’ai dit de l’esprit de la vie consacrée vaut également pour toutes les religieuses de vie active ou apostolique. Les circonstances ont fait que je n’ai pas pu avoir avec l’ensemble de celles-ci une rencontre spéciale, et je l’ai regretté. J’en ai vu beaucoup à toutes les étapes, avec le peuple de Dieu. Mais j’attendais cette occasion, et ce soir je suis heureux de les saluer toutes, de ce lieu de contemplation, et de leur adresser ce message.

Chères Soeurs, vous accomplissez dans l’Eglise des services que les communautés chrétiennes et le monde apprécient vivement: vous prenez part, entre autres, à la catéchèse, à l’éducation, aux soins hospitaliers, au soutien des vieillards, aux activités paroissiales . . . Heureux les villages, les cités qui sont encore assurés de la présence de telles Soeurs! Vous avez en somme une certaine activité professionnelle, de préférence celle qui vous permet d’exprimer la charité et le témoignage de la foi, et cela de façon communautaire.

300 8. Mais ce n’est pas cela le mystère original de votre vie. Vous vous êtes librement consacrées au Seigneur qui, le premier, a posé sur vous un regard de prédilection. Vos voeux religieux s’enracinent intimement dans la consécration du baptême, mais l’expriment avec plus de plénitude (Perfectae Caritatis PC 5). Vous participez de façon spéciale et permanente à la mort en croix du Rédempteur et à sa résurrection. Le caractère pascal de votre vie se reconnaît dans chacun des “conseils évangéliques” que vous vous engagez à pratiquer de façon radicale. En même temps, vous devenez vraiment libres, pour mieux servir. Vous misez, non sur “l’avoir”, mais sur la qualité de l’être, de la personne rénovée en Jésus-Christ.

Notre monde a plus que jamais besoin de découvrir, dans vos communautés et votre style de vie, la valeur d’une vie simple et pauvre au service des pauvres, la valeur d’une vie librement engagée dans le célibat pour se consacrer au Christ et, avec lui, aimer tout spécialement les mal-aimés, la valeur d’une vie où l’obéissance et la communauté fraternelle contestent silencieusement les excès d’une indépendance parfois capricieuse et stérile.

Surtout, le monde a besoin de témoins de la gratuité de l’amour de Dieu. Auprès de ceux qui doutent de Dieu ou qui ont l’impression de son absence, vous manifestez que le Seigneur mérite d’être recherché et aimé pour lui-même, que le Royaume de Dieu, avec son apparente folie, mérite qu’on y consacre sa vie. Ainsi, vos vies deviennent un signe de la foi indestructible de l’Eglise. Le don gratuit de votre vie au Christ et aux autres est peut-être la contestation la plus urgente à opposer à une société où l’efficacité rentable est devenue un idole. Votre choix étonne, interroge, séduit ou irrite ce monde, mais ne le laisse jamais indifférent. De toute façon, l’Evangile est toujours le signe de contradiction. Vous ne serez pas comprises de tous. Mais ne craignez jamais de manifester votre consécration au Seigneur. C’est votre honneur! C’est l’honneur de l’Eglise! Vous avez une place spécifique dans le Corps du Christ, où chacun doit assurer son rôle, son propre charisme.

Si vous recherchez, avec l’Esprit Saint, la sainteté correspondant à votre état de vie, n’ayez pas peur. Il ne vous abandonnera pas. Des vocations viendront vous rejoindre. Et vous-mêmes, vous garderez votre jeunesse d’âme, qui n’a rien à voir avec l’âge. Oui, très chères Soeurs, vivez dans l’espérance. Gardez les yeux fixés sur le Christ et marchez d’un pas ferme sur ses traces, dans la joie et dans la paix.

9. Je ne peux développer davantage ce message à toutes les religieuses canadiennes. J’ai écrit le 25 mars dernier une lettre pour vous ainsi que pour tous les religieux, “Redemptionis Donum”.

This evening, at the end of my long apostolic journey across Canada, I am very happy to be, together with Bishop Adolphe Proulx of this diocese, the guest of the sisters. As Jesus loved to withdraw to Bethany to the home of Mary and Martha - the one more contemplative, the other more active - I have come to your home in order to pray with you. As Peter and the other Apostles withdrew to the Cenacle, together with Mary the Mother of Jesus, I come to invoke the Holy Spirit. May he pour out his light and his power upon all the inhabitants of this dear country, so that the Church here might grow in holiness! Pray with me for all religious, for all those who are consecrated, for the men and women who are members of Secular Institutes. Let us pray for the priests, who are the ministers of the Eucharist and the guides of consciences. Let us pray for those who educate people in the faith. Let us pray for those who undergo persecution for their faith.

Et, auprès d’Ottawa où je rencontrerai ce soir des responsables de la vie politique, où demain je célébrerai la messe pour la paix, prions pour tous ceux qui doivent contribuer à établir plus de justice, de paix et de fraternité, au Canada et dans les pays moins favorisés.

Seigneur Jésus, que ton règne vienne! Amen.

MESSE POUR LA JUSTICE ET LA PAIX

Ottawa
Jeudi , 20 septembre 1984



1.Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice . . .” (Mt 5,6).
301 “Heureux les artisans de paix” (Ibid. 5, 9).

À la fin de mon pèlerinage en terre canadienne, dans votre capitale d’Ottawa, en cette messe, nous prions pour la justice et la paix.

Nous prions pour la justice et la paix dans le monde contemporain, en nous référant aux béatitudes prononcées par le Christ, selon l’Evangile de saint Matthieu. Nous prions pour la paix, et le chemin de la paix passe par la justice. C’est pourquoi ceux qui ont sincèrement faim et soif de la justice sont en même temps des artisans de paix.

Je voudrais que ce thème qui oriente notre prière d’aujourd’hui au cours du Sacrifice eucharistique unisse ceux qui y participent, assemblés ce soir par milliers au pied des splendides Monts Gatineau, au bord de la rivière d’Ottawa, autour de Monseigneur Joseph Aurèle Plourde, Archevêque de votre ville, que je salue fraternellement; avec Mme le Gouverneur Général, et les autres autorités civiles, avec les habitants de la Région de la Capitale, tous les Canadiens, et tous ceux qui, au loin, se joignent à nous. Cette rivière a été autrefois la voie d’accès au coeur de votre continent, lorsque se rencontraient les cultures européennes avec les cultures des premiers habitants. Aujourd’hui, je suis au milieu de vous un pèlerin de paix, et je désire, en cette dernière homélie, prolonger tout ce que j’ai dit dans le cadre de ma mission pastorale en terre canadienne. Et c’est une synthèse finale que je voudrais faire en m’appuyant sur les huit béatitudes du Christ.

2. Dans les huit béatitudes se présente à nous, avant tout, une personne: la Personne du divin Maître. C’est de Lui que parle le prophète Isaïe quand il annonce qu’une grande lumière a resplendi sur ceux qui habitent le pays de l’ombre (
Is 9,1).

Les mêmes paroles retentissent dans la nuit de Noël: “Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné; l’insigne du pouvoir est sur son épaule” (Ibid. 9, 5).

Le pouvoir dont sont chargées les épaules de l’Enfant né dans la nuit de Bethléem, la majesté de la Croix le confirme. Le Crucifié porte vraiment en lui toute la puissance de la Rédemption du monde.

Et c’est Lui, le Crucifié, qui a été désigné par les noms qu’annonçait Isaïe: “Merveilleux-Conseiller, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix”.

Dieu a confirmé à jamais la puissance de la Rédemption que possédait le Christ crucifié, quand il l’a ressuscité. Le Rédempteur, relevé d’entre les morts, dit aux Apôtres en se séparant d’eux: “Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc! De toutes les nations faites des disciples . . .” (Mt 28,18-19).

Ainsi le Christ se tient à jamais au milieu de l’humanité comme cette “grande lumière” d’Isaïe, qui resplendit “sur ceux qui habitent le pays de l’ombre”.

Il ne cesse d’être le “Prince-de-la-Paix” et en même temps “Merveilleux-Conseiller”. Le point de départ des voies qui conduisent à la justice et à la paix se trouve dans la Rédemption du monde que le Christ a accomplie par la puissance de sa Croix et de la Résurrection.

302 3. Ce fait est de première importance en notre époque où l’homme, les nations et toute l’humanité cherchent désespérément les voies de la paix. “Genus humanum arte et ratione vivit”: l’homme vit de sagesse, de culture, de moralité. La violence contredit complètement une telle vie. La violence fait naître aussi la juste nécessité de la défense. Et au même moment, la violence menace de destruction ce dont vit l’humanité. Elle menace de mort non seulement des hommes, des millions d’hommes, mais elle menace de mort tout ce qui est humain.

Au milieu de la famille humaine menacée, le Christ se tient sans cesse comme Prince-de-la-Paix, comme Défenseur de ce qui est humain.

L’Evangile des huit béatitudes n’est pas autre chose qu’une défense de ce qui est le plus profondément humain, le plus beau dans l’homme, ce qui est saint en l’homme:

“Heureux les pauvres de coeur . . .

Heureux les doux . . .

Heureux ceux qui pleurent . . .

Heureux les miséricordieux . . .

Heureux les coeurs purs . . .

Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice . . .

Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi. C’est ainsi en effet qu’on a persécuté les prophètes” (
Mt 5,3-5 Mt 5,7-8 Mt 5,10-12).

4. L’Evangile des huit béatitudes est une constante affirmation de ce qui est le plus profondément humain, de ce qui est héroïque en l’homme. L’Evangile des huit béatitudes est lié fermement à la Croix et à la Résurrection du Christ. Et c’est seulement à la lumière de la Croix et de la Résurrection que ce qui est humain, que ce qui est héroïque en l’homme retrouve sa force et sa puissance. Aucune forme du matérialisme historique ne lui donne ni fondement ni garantie. Le matérialisme ne peut que mettre en doute, amoindrir, piétiner, détruire, briser ce qui est le plus profondément humain.

303 L’Evangile des huit béatitudes est, à sa racine même, lié au Mystère: à la réalité de la Rédemption du monde.

Oui, seule la réalité de la Résurrection du monde constitue le fondement des béatitudes, et de ces deux béatitudes réellement importantes en ce temps de menaces:

“Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice . . .”.

“Heureux les artisans de paix . . .”.

La conscience de la Rédemption pénètre jusqu’au fond le coeur des hommes tourmentés par les menaces qui pèsent aujourd’hui sur le monde.

Si nous savons accueillir l’Evangile des béatitudes du Christ, nous n’avons pas peur de faire face à ces menaces.

5. La conscience morale de l’humanité découvre, par des voies diverses, le lien qui existe entre la justice et la paix. Il faut accomplir tous les efforts nécessaires pour que cette conscience retrouvée au prix d’énormes sacrifices depuis la dernière guerre mondiale, ne se trouve pas submergée à nouveau par le déploiement de la violence.

L’homme contemporain, les nations, l’humanité, cherchent inlassablement les chemins qui mènent à la justice et à la paix. Sans relâche, l’Eglise participe à cette grande tâche. Les Eglises particulières, les épiscopats y participent. Le Siège apostolique y participe. C’est là un devoir humain, chrétien, apostolique.

6. Pope John XXIII addressed a remarkable appeal to the world in his Encyclical "Pacem in Terris". There he analysed at length the conditions for peace, and he invited us to become artisans of peace and justice in all the spheres in which the human community acts.

In its turn, the Second Vatican Council, when it considers the place of the Church in the context of the modern world, again takes up this reflection; it asks us to safeguard peace and to build up the community of nations (Gaudium et Spes, II. V).

Pope Paul VI did not cease to act in that sense. To the General Assembly of the United Nations he issued this prophetic cry: "War never again!". He emphasized the links between peace and the development of peoples, of which I have spoken a few days ago in Edmonton. Paul VI also instituted the World Day of Peace on January 1. From that time on, at the beginning of each year, all are called to prayer and action for peace; it is the occasion for the Pope to renew his appeals to all people, so that they may opt for peace and take the necessary steps to overcome tensions and to dispel growing dangers.

304 Shortly after my election, I was able to answer the invitation of the United Nations and to assure the international community not only that the Apostolic See supports their efforts but that "the Catholic Church in every place on earth proclaims a message of peace, prays for peace, educates for peace" (Ioannis Pauli PP. II, Allocutio ad Nationum Unitarum Legatos habita, 10, die 2 oct. 1979: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, II, 2 (1979) 528).

Today, I renew my appeal. For we know that, after the world war, tensions and confrontations have not ceased, that they provoke wars which, while localized, are no less murderous. And we know that the sources of the conflicts are found wherever injustice kills, or wherever the dignity of people is scoffed at. To build peace we must establish justice.

What moral conscience could resign itself, without reacting, when there exist "frightful disparities between excessively rich individuals and groups on the one hand, and on the other hand the majority made up of the poor or indeed of the destitute . . ."? (Ibid., n.19: l.c., p. 536).

What moral conscience could resign itself to superficial arrangements which cover over injustice, as long as somewhere on the planet man is wounded "in his most personal belief, in his view of the world, in his religious faith, and in the sphere of what are known as civil liberties"? ((Ibid.)

Will we be peacemakers hungering for justice if we consent without reacting to "the breathtaking spiral of armaments . . ." presented as being "at the service of world peace" (Ibid., n. 22: l.c., p. 539), while the arms race is a real threat of death and while its economic cost deprives so many countries of the effective means for their development?

Our duty remains urgent at this time. We shall be peacemakers if our conscience makes us aware of the dangers, energetic to winning acceptance for dialogue and sharing, attentive to respecting the point of view of others at the same moment that we defend our own rights, faithful to love for humanity, and receptive to the gift of God!

We shall be disciples of Christ and true brothers and sisters among ourselves if together we take our part in the thrust of civilization which for centuries has been in one direction: that of guaranteeing "the objective rights of the spirit, of human conscience and of human creativity, including man’s relationship with God" (Ibid., n.19; l.c., p.537). We shall be peacemakers if all our action is based on respect for the One who calls us to live according to the law of his Kingdom, and from whom all power comes (
Jn 19,11).

7. In this way, therefore, one cannot permit the moral conscience of humanity to give in to violence. It is necessary to maintain that close link which unites peace and justice, peace and the defence of the inviolable rights of individuals and of nations!

It is necessary to protect people from death - millions of people - from nuclear death and death from starvation. It is necessary to protect from death all that is human!

With this intention, today our prayer for justice and peace rests upon the Gospel of the Eight Beatitudes.

In a word what does this Gospel proclaim? Let us read it one more time:

305 "How happy are the poor in spirit: theirs is the kingdom of heaven.

Happy the gentle: they shall have the earth for their heritage.

Happy those who mourn: they shall be comforted.

Happy those who hunger and thirst for what is right: they shall be satisfied.

Happy the merciful: they shall have mercy shown them.

Happy the pure in heart: they shall see God.

Happy the peacemakers: they shall be called children of God.

Happy those who are persecuted in the cause of right: theirs is the kingdom of heaven.

Happy are you when people abuse you and persecute you and speak all kinds of calumny against you on my account. Rejoice and be glad for your reward will be great in heaven" (
Mt 5,1-12).

Let us allow ourselves to be seized by the Spirit of Christ. May he fill us with the truth of these words, with the power of the love that inspires them! May our prayer enable us not only to seek peace, but to bring our will into harmony with the will of God as it is revealed to us by Christ. For peace among people will always be precarious if we are not at peace with God, if we do not conform ourselves in our most inner being to the plan of God for the history of the world. May our justice be the reflection of his justice! Recognizing our sinfulness, let us allow God to reconcile us with himself, the author of life, and, at the same time, with our brothers and sisters. This reconciliation, which we cannot fully realize by ourselves, we shall attain by grace if we faithfully unite ourselves to the immense supplication of those who pray.

8. In a word, then, what does the Gospel of the Eight Beatitudes proclaim?

306 It says that the poor in spirit, the gentle, the merciful, those who hunger and thirst for justice, the peacemakers - all these are invincible! It says that the final victory belongs to them! To them belongs the Kingdom of Truth, of Justice, of Love and of Peace! May their weakness, their difficulty in surmounting what divides and opposes, not deject them. Human forces are not enough to apply the Gospel, but the strength of Christ permits the purification and the conversion of hearts, for he gave himself so that humanity might possess his peace!

And it is this perspective which Christ by this Gospel and Redemption has truly opened up to those who practise his Beatitudes.

Ecoutez-moi, vous qui, en diverses parties du monde, souffrez la persécution pour le Christ!

Vous les pauvres sur qui pèse l’oppression et l’injustice comme si vous étiez quotidiennement laminés par les systèmes qui écrasent l’humanité!

Vous tous qui êtes vraiment des hommes de bonne volonté!

Nous disons que le Christ est Merveilleux-Conseiller.

Nous disons que le Christ est Prince-de-la-Paix.

Nous disons que le Christ est le Crucifié et le Ressuscité.

“L’insigne du pouvoir est sur son épaule”.

“Son pouvoir s’étendra . . . pour son Royaume. Il sera solidement établi sur le droit et la justice” (
Is 9,6).

“Que ton Règne vienne”!



Homélies St Jean-Paul II 13984