Homélies St Jean-Paul II 342


MESSE AVEC ORDINATIONS SACERDOTALES

343 Yaoundé (Cameroun)
Dimanche, 11 août 1985



1. “Celui-ci est mon Fils bien-aimé; écoutez-le” (
Mc 9,7).

Ces paroles, les Apôtres Pierre, Jacques et Jean les entendirent, sur le mont Thabor, au moment de la Transfiguration du Seigneur.

En un sens, nous les entendons nous aussi, nous tous qui participons au sacrement de l’autel, lorsque le prêtre prononce sur le pain et le vin “ceci est mon Corps”, “ceci est mon Sang”, les paroles eucharistiques de la transfiguration.

Par la puissance de ces paroles, par la volonté du Christ, le pain devient le Corps, et le vin devient le Sang de notre Seigneur crucifié, ressuscité et glorifié.

Par la réalité du Saint Sacrement, le Christ se rend présent, lu1meme qui était présent sur le mont de la Transfiguration le jour ou les Apôtres entendirent la parole du Père: “Celui-ci est mon Fils bien-aimé; écoutez-le”.

2. C’est en effet du Christ que nous nous approchons, c’est lui que nous écoutons et que nous regardons avec admiration, que nous vénérons et que nous adorons, remplis de crainte religieuse, de respect et de joie. Il est comme le Fils d’homme entrevu par Daniel.Dans une vision prophétique, il lui apparaît dans la nuée qui évoque à la fois la gloire de Dieu et le mystère qui l’entoure. Lui seul a accès au Trône de Dieu; à Lui est donnée la royauté sur toutes les nations (Cfr. Dan Da 7,13-14). Pour Pierre et les autres Apartés qui l’ont contemplé de leurs yeux sur la montagne sainte de Galilée, Jésus lui-même, le Fils de Dieu fait homme, reçoit l’honneur etla gloire rayonnante de Dieu, le témoignage qu’il est le Fils bien-aimé, en qui le Père a mis tout son amour (Cfr. 2P 1,17). C’était vers Lui que convergeaient la mission de Moise, le Guide du peuple sauvé, et celle d’Elie, le prophète par excellence. Bien plus, il revêt désormais les traits attribués à Dieu lui-même par la vision de Daniel: tel un Vieillard, Dieu lui apparaissait au-dessus de toute créature, avec un visage et des vêtements d’une blancheur lumineuse qui surpasse en splendeur tout ce qu’on peut imaginer. Jésus a désormais cette splendeur pour l’éternité depuis que, ressuscité des morts, il siège à la droite du Père. Il lui a été donné d’ouvrir le livre scellé qui est dans la main de Dieu (Cfr. Apoc Ap 5,7). La Transfiguration annonçait sa Résurrection et son Ascension. Déjà, durant sa vie terrestre, même si cela était habituellement voilé, il était le Seigneur. Et le mystère de sa Personne, c’est que, depuis toujours, il est le Fils, le Verbe, totalement uni avec le Père (Cfr. Io Jn 1,18). Venu dans la chair, il a révélé le Père. Et les Apôtres ont vu sa gloire (Cfr. ibid. 1, 14).

C’est lui, notre Seigneur bien-aimé. Pour être notre Sauveur, il a habité parmi nous. Il s’est fait le Serviteur. Il a donné sa Vie. Il a donné, il nous donne son Corps et son Sang, pour qu’avec Lui nous devenions fils de Dieu.

Voilà, chers Frères et Soeurs, la grandeur du mystère que nous célébrons aujourd’hui. Venez, adorons le Sauveur! Approchons de lui en rendant grâce! Entrons avec lui dans la nuée, c’est-à-dire dans l’intimité de Dieu. Et, dès maintenant, vivons comme des fils de Dieu, comme des frères sur lesquels Dieu a fait briller la lumière de son Fils.

3. Ce mystère nous concerne tous.

344 Vous d’abord, chers amis diacres, qui allez recevoir, avec l’ordination sacerdotale, la puissance de l’Esprit Saint, pour partager d’une manière spéciale la vie intime du Christ et sa mission de Sauveur.

Et vous tous qui participez à cette liturgie comme Pasteurs ou membres du peuple de Dieu au Cameroun. Je salue spécialement l’Archevêque de Yaoundé, Monseigneur Jean Zoa, et tous les évêques de cette province ecclésiastique que je visite aujourd’hui en son siège métropolitain, les évêques et les diocésains de Bafia, de Bertoua, de Doumé-Abong-Mbang, de Mbalmayo, de Sangmélima. Je salue aussi les évêques et chrétiens venus d’autres provinces du Cameroun, particulièrement des diocèses des ordinands. Je remercie par ailleurs Son Excellence Monsieur le Président de la République et les Autorités civiles, et de même les Représentants des autres communautés religieuses qui ont tenu à s’associer, dans la capitale du Cameroun, à ce grand événement de la communauté catholique qui célèbre son Seigneur en communion avec le successeur de Pierre, au moment de l’ordination de nouveaux prêtres.

N’oublions pas non plus que nous prions en union avec nos frères et soeurs réunis à Nairobi. Car c’est aujourd’hui que commencent là-bas les célébrations du XLIIIème Congrès eucharistique international, qui est une des raisons d’accomplir maintenant mon troisième voyage pastoral en Afrique et qui en sera le sommet.

4. Le prêtre est appelé d’une façon particulière à être témoin du Seigneur qui est transfiguré, non seulement lors de la Transfiguration sur le mont Thabor, mais par celle qu’il nous a laissée pour toujours dans le mystère eucharistique. Et là, le prêtre ne se content pas d’en être le témoin, mais il est le ministre de la transubstantiation eucharistique, qui est comme une transfiguration, une manifestation, par laquelle le Christ est toujours et sans cesse à nouveau présent au milieu de nous de manière sacramentelle. Il se rend présent pour accomplir son sacrifice unique et sublime. Par le sacrement de l’ordination sacerdotale, le baptisé devient ministre de ce sacrifice: il agit par la puissance du Christ, au nom du Christ, in persona Christi.

5. Les Apôtres ont été rendus témoins de la Transfiguration, ils ont été les premiers à être faits ministres de l’Eucharistie. Ils étaient entrés dans l’intimité du mystère divin de Jésus sur la montagne, ils prirent part au repas de la Cène le Jeudi saint, puis ils furent témoins de la Passion et enfin de la Résurrection. Ils ont vu et entendu; ils ont reçu la mission: “Allez, enseignez”. “Vous ferez cela en mémoire de moi”.

Les évêques héritent pleinement de cette mission apostolique. Et ce matin, par le geste de l’imposition de nos mains, transmis depuis les Apôtres, et par la prière de l’Eglise, 6 fils de ce pays reçoivent le sacerdoce et deviennent de proches collaborateurs de leurs évêques. “Je ne vous appelle plus serviteurs, je vous appelle mes amis”, disait le Christ à ses Apôtres au moment où il leur révélait et transmettait ses mystères sacrés (Cfr. Io
Jn 15,15).

Chers amis, que je vais ordonner prêtres, vous recevez du Seigneur la mission de servir le peuple de Dieu, autour de vos évêques, avec le pouvoir qui appartient au seul Christ Prêtre, le pouvoir d’enseigner, de sanctifier, de guider comme un bon pasteur. Dans votre action sacerdotale, ayez toujours pour but de permettre que vos frères et soeurs deviennent des membres vivants du Corps du Christ, participants de sa Vie divine, inspirés par son amour du Père et des hommes, unis à son Sacrifice. L’Eucharistie sera toujours le sommet de ce ministère.

Mais il vous faudra d’abord former les fidèles dans la foi, qu’ils soient adultes, jeunes ou enfants; vous annoncerez avec fidélité et sans crainte la Parole de Dieu, le mystère du Christ, tout l’Evangile, qui est à la fois la Bonne Nouvelle de l’Amour de Dieu et l’appel à la conversion. Vous l’annoncerez à ceux qui ne sont pas encore initiés à la foi, dans un esprit missionnaire, et à ceux qui sont plus ou moins familiarisés avec elle pour qu’ils l’approfondissent. Vous le ferez selon l’enseignement de l’Eglise, à laquelle le Christ a confié son Message pour l’expliciter et l’approfondir avec l’Esprit Saint au cours des siècles. Vous-mêmes, vous ne cesserez de méditer la Parole de Dieu pour enseigner ce que vous croyez et vivre ce que vous enseignez. Vous êtes associés à la prédication de Jésus notre Maître.

Le Seigneur vous associe en même temps à toute son oeuvre de sanctification, par les sacrements qu’il a donnés à son Eglise. Vous êtes appelés à faire entrer les hommes dans le peuple de Dieu par le baptême, et, dans cette étape intense d’évangélisation au Cameroun, il y a beaucoup de catéchumènes. Le Seigneur vous confie également le soin de veiller à la réconciliation des pécheurs baptisés en les appelant à la conversion et en leur offrant le sacrement de pénitence; le soin de visiter et de fortifier les malades par le sacrement de l’huile sainte; de préparer et de bénir l’alliance sacramentelle des époux. Par-dessus tout, il vous est donné de renouveler la Cène du Seigneur pour offrir aux communiants le Pain de Vie.

Vous accomplirez, dans la communion obéissante à vos évêques, la tache de chefs et de pasteurs. Au peuple qui vous sera confié, vous indiquerez le chemin vers Dieu et les règles de vie permettant à chaque membre d’exercer toute la responsabilité qui lui revient, dans l’Eglise et dans la société. Vous veillerez à l’unité et à la charité entre tous vos chrétiens, pierre de touche des disciples du Christ.

6. Tout ce ministère, chers amis, vous l’accomplirez par la grâce du Christ, en toute humilité: “Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis . . . pour que vous portiez du fruit” (Cfr. Io Jn 15,16). Mais, pour que votre témoignage soit crédible, pour que la grâce que vous portez comme dans des vases d’argile (Cfr. 2Co 4,7) atteigne profondément les âmes, il est nécessaire que vous conformiez votre vie à ce que vous accomplissez. En célébrant le mystère de la mort et de la résurrection du Christ, prenez soin de faire mourir en vous tout penchant mauvais. Vous vous êtes préparés au sacerdoce par des études théologiques sérieuses; il vous faudra approfondir cette imprégnation évangélique par une formation doctrinale permanente. Vous serez des maîtres à prier: il vous faudra d’abord, comme les Apôtres sur la montagne, entretenir avec le Seigneur la prière d’intimité, qui vous permettra de vivre sous le regard du Christ tous les actes et toutes les rencontres de votre ministère. Bien plus, vous êtes chargés d’exprimer, au nom du peuple de Dieu et du monde, l’action de grâce et la supplication. Vous êtes au service des hommes dans leur relation avec Dieu: apprenez aux laïcs à gérer les affaires temporelles selon Dieu, mais vous, ne vous laissez pas accaparer par des activités profanes, quand il y a tant à faire pour le Royaume de Dieu auquel vous avez donné votre vie. Honorez l’appel du Christ! Puissent les fidèles comprendre, par le témoignage de votre vie, quevous lui consacrez non seulement votre temps, mais les puissances de l’amour qui sont en vous, pour le servir dans la chasteté, dans une vie pauvre et toute disponible à Dieu et aux autres!

345 Alors, les épreuves, les incompréhensions, voire les calomnies et les persécutions pourront venir, comme il est dit dans les Béatitudes, comme il est annoncé aux disciples du Christ crucifié; mais vous tiendrez bon. Le Christ vous soutiendra; vous connaîtrez la paix et la joiepromises à ses bons serviteurs. Votre coeur demeurera sur le Thabor.

7. Alors, chers amis, cette joie d’être associés au Christ Sauveur produira un autre effet: vous entraînerez non seulement vos fidèles dans la vie chrétienne, dans l’esprit missionnaire, mais vous entraînerez d’autres jeunes à tout quitter pour le Christ, vous susciterez d’autres vocations sacerdotales et religieuses. N’est-ce pas là le test de la qualité d’une vie de prêtre? Le Cameroun a connu un nombre remarquable de vocations. Dès le début, les missionnaires ont veillé à cette relève. Et cette année marque précisément le Lème anniversaire de l’ordination des 8 premiers prêtres Camerounais, dont l’un d’eux est encore parmi nous: l’Abbé Jean-Oscar Awué auquel je donne une particulière Bénédiction Apostolique. Mais la moisson est abondante. Prions le Seigneur de susciter pour sa moisson des ouvriers plus nombreux, avec les dons de persévérance, de solidité, de maturité, de sainteté. Non seulement pour entretenir et approfondir la vie chrétienne de ceux qui sont déjà évangélisés, mais pour annoncer l’Evangile à tous ceux qui n’ont pas encore la grâce de le connaître dans chacun des diocèses, et particulièrement dans le nord Cameroun où l’oeuvre missionnaire en est encore à ses débuts. Puis-je vous confier que les autres pays du continent africain attendent eux aussi des missionnaires africains?

8. Au delà des ordinands de ce jour, je m’adresse à leurs parents, à leurs amis, à leurséducateurs et professeurs, aux paroisses, aux séminaires qui ont permis à ces vocations d’éclore, de germer, de mûrir. Comme c’est beau de conduire et d’accompagner quelqu’un des vôtres jusqu’à la prêtrise! C’est Dieu qui donne sa grâce aux ordinands, mais il s’est servi de votre collaboration, de votre exemple, de votre disponibilité. Soyez félicités! Que le Seigneur vous bénisse! Continuez à nourrir de telles vocations! Et veillez aussi à soutenir de votre prière, de votre bienveillance, de votre coopération, les prêtres que Dieu vous a donnés. Accueillez-les toujours avec le respect et la confiance que méritent les envoyés du Seigneur.

9. Sur le mont Thabor, les Apôtres - Pierre, Jacques et Jean - ont vu Jésus “transfiguré”, annonçant la gloire où il demeurera après la résurrection. C’est ce qui faisait dire à leur Maître de “ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts” (
Mc 9,9). Ils ne comprenaient pas ce que signifiaient ces paroles, comme sans doute nous ne comprenons pas encore la profondeur du mystère de Jésus, même au jour de notre ordination. Il faut d’abord suivre le Christ dans une expérience spirituelle qui passe par la croix. Les Apôtres le comprirent seulement après la résurrection. Et ils sont devenus les témoins du Christ crucifié qui est ressuscité dans la gloire.

De lui, ils ont rendu témoignage jusqu’à la mort, jusqu’à l’effusion du sang. Ce témoignage se poursuit dans l’Eglise. Il passe de génération en génération. Il est arrivé jusqu’à votre pays, voilà bient6r cent ans, à Yaoundé, au Cameroun, comme dans toute l’Afrique. Et il doit être porté, par vous, jusqu’aux extrémités du monde, dans toutes les nations, les tribus et les familles de la terre. C’est la volonté du Seigneur. C’est lui qui nous envoie. Pour le salut du monde.

10. Les Apôtres entendirent aussi sur le mont Thabor une voix qui venait de la nuée: “Ecoutez-le” (Mc 9,7). Ainsi le Père céleste a donné son témoignage sur son Fils unique, le Christ:“Ecoutez-le”.

A Cana de Galilée, comme en écho à ces paroles du Père, la Mère du Christ, du Fils de l’homme, a dit aussi aux serviteurs des noces: “Faites tout ce qu’il vous dira” (Jn 2,5).

Oh, chers prêtres ordonnés aujourd’hui, vous devez accueillir ces paroles de tout votre coeur! Vous devez les transmettre aux autres, et, de cette façon, construire l’Eglise. L’Eglise du Dieu vivant est construite dans les coeurs humains par l’obéissance au Christ, à Celui qui s’est fait lui-même “obéissant jusqu’à la mort, à la mort de la croix” (Ph 2,8). Alors seulement l’Eglise - qui est le Corps du Christ - brille de la clarté qui l’enveloppait au Thabor (Cfr. «Praefatio» Missae). Oui, restez dans sa lumière. Ecoutez-le! Ecoutons-le!

MESSE AVEC L'ATTRIBUTION DES SACREMENTS


DE L'INITIATION CHRÉTIENNE



Garoua (Cameroun)
Dimanche, 11 août 1985



1. “De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit” (Mt 28,19).

346 Voilà les paroles que le Christ a adressées aux Apôtres, comme suprême consigne, au moment d’achever sa mission d’Envoyé de Dieu, de Fils de Dieu, auquel tout pouvoir a été donné au ciel et sur la terre (Cfr. ibid. 18, 18).

C’est avec la force de ce pouvoir que les Apôtres doivent porter son Evangile au monde. Ils ont la mission d’enseigner et de baptiser, d’apprendre aux hommes à observer tous les commandements que le Christ leur a donnés. Lui-même demeure avec eux jusqu’à la fin du monde. Et avec toute l’Eglise.

2. Aujourd’hui, l’Eglise au Cameroun, en présence du Successeur de l’Apôtre Pierre, désire rappeler et méditer comment s’est réalisée la consigne du Seigneur au milieu des fils et des filles de votre pays, et tout particulièrement dans votre province de Garoua.

Cet envoi en mission prend en effet un relief saisissant sur cette terre du Nord-Cameroun. Il y a 40 ans, l’Evangile était pratiquement ignoré dans toute cette région.

Les communautés catholiques des autres provinces connaissaient déjà un bel essor, depuis un demi-pièce. Des missionnaires protestants avaient précédé les catholiques pour apporter l’Evangile, dans le Sud-Cameroun, et aussi un peu dans le Nord. Mais le Saint-Siège, sensible aux besoins de l’évangélisation ici et dans la région voisine du Tchad, décida en 1946 d’en confier la responsabilité aux Missionnaires Oblats de Marie-Immaculée. Monseigneur Yves Plumey, que je salue ici avec vénération, était à la tête de ces valeureux pionniers. Dans ce vaste territoire aux ethnies nombreuses, dont chacune a ses propres traditions et sa langue, ils sont venus vivre dans les villes, dans les villages groupés, et aussi dans les savanes du Nord et dans les montagnes. Ils ont pu s’appuyer dès le début sur des amis et collaborateurs autochtones qui leur ont rendu ce pays familier. En quelques dizaines d’années, ils se sont donnés sans compter pour multiplier les postes de mission, les écoles, les dispensaires. Ils ont suscité de nombreux catéchistes. Ils ont enseigné et baptisé les populations qui les accueillaient avec joie et confiance, au milieu de bien des épreuves humaines. Il est juste de rendre maintenant hommage aux Pères et aux Frères Oblats - Français, Canadiens, Polonais -, aux prêtres “fidei donum”, aux Soeurs de la Sainte-Famille de Bordeaux, aux Filles de Jésus de Kermaria, aux Filles du Saint-Esprit, aux Soeurs du Sacré-Coeur de Saint-Jacut, et à bien d’autres religieux, religieuses et missionnaires laïcs qui sont venus par la suite collaborer avec eux.

Le Pape Pie XII, lorsqu’il avait fait le point sur le développement des missions avait déjà montré qu’elles sont une étape provisoire de l’histoire de l’Eglise; elles doivent un jour céder la place à une Eglise autochtone, pleinement constituée, avec son épiscopat, son clergé, son laïcat. La catholicité de l’Eglise ne sera pleinement réalisée que par l’établissement de l’Eglise au sein même des diverses nations du monde (Cfr. Pio XII Evangelii Praecones, die 2 iun. 1951).

Cet objectif est difficile à réaliser durant la première évangélisation. Et pourtant, déjà un certain nombre de fils et filles de ce pays sont devenus catéchistes, religieux, religieuses, diacres permanents, séminaristes, prêtres, avec en certains diocèses des évêques Camerounais. A coté des deux évêques missionnaires, Mgr Jacques de Bernon, évêque de Maroua-Mokolo, et Mgr Jean Pasquier, évêque de Ngaoundéré, je suis heureux de saluer Mgr Christian Wiyghan Tumi, archevêque de Garoua, que je remercie de son accueil chaleureux, et Mgr Antoine Ntalou, évêque de Yagoua. A partir de Garoua, érigé en Vicariat apostolique dès 1953 et en archidiocèse en 1982, les quatre diocèses assurent à la province une structure qui permet l’extension en profondeur de l’évangélisation. Oui, l’annonce de l’Evangile a porté ici des fruits précoces et très beaux, comme aux premiers temps apostoliques.

Aux cotés des communautés catholiques du Nord-Cameroun, je salue nos frères et soeurs dans la foi, venus des régions voisines du Tchad et du Nigeria. Nous sommes heureux de vous voir ici avec nous, car nous n’avons pas cessé de porter vos intentions dans la prière.

3. Nous avons souligné les mérites des pionniers, mais c’est à Dieu que nous rendons gloire: c’est Lui qui, au temps fixé, a tendu sa miséricorde jusqu’à votre pays, comme il la fait pour chacun de nos pays. C’est son Esprit Saint qui a suscité le zèle chez ses envoyés et la foi dans le coeur de ceux qui les accueillaient. Depuis toujours vous étiez dans la pensée de Dieu, et l’objet de son amour. Je dirais volontiers, avec saint Pierre qui baptisait le centurion Corneille: “Dieu ne fait pas acception des personnes; en toute nation celui qui le craint et pratique la justice lui est agréable” . C’est une grande grâce de le connaître selon la vérité qu’il a révélée par son Fils Jésus, d’être agrégé visiblement au peuple de Dieu “pour proclamer les louanges de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière” (
1P 2,9). La liturgie ne vient-elle pas de mettre sur nos lèvres le cantique d’action de grâce qui devrait être notre prière constante: “Chantez au Seigneur un chant nouveau, / chantez au Seigneur terre entière, / chantez au Seigneur et bénissez son nom” (Ps 96,1-2).

4. Aujourd’hui, sur le chemin de l’évangélisation qui a son origine dans l’envoi en mission au jour de l’Ascension et qui traverse l’histoire de cette terre africaine, moi le successeur de Pierre, et vos évêques en union avec moi, nous accomplissons un pas de plus. Un nouveau groupe de catéchumènes va recevoir les trois sacrements de l’initiation chrétienne: le baptême, la confirmation, l’eucharistie.

Chers amis, depuis longtemps vous vous préparez à cette grâce qui va marquer définitivement votre vie. En quelques mots simples, je veux m’adresser spécialement à vous, pour en raviver la conscience.

347 Ces sacrements consacrent en chacun d’entre vous un lien personnel, nouveau et définitif, avec Jésus-Christ. Vous êtes incorporés à la famille de ses disciples; vous devenez les membres de son Corps mystique.

Le baptême, tout d’abord, vous purifié et vous plonge dans la vie de Dieu. Le Christ vous unit à l’Evénement essentiel de sa vie, à sa Pâque, son passage de ce monde à son Père.

Il vous unit à sa mort - et vous savez qu’il est mort pour délivrer les hommes de leurs péchés - et il vous unit à sa Résurrection, qui l’a fait entrer dans une vie nouvelle, glorieuse, à la droite de son Père. Vous qui allez être baptisés, vous allez commencer par professer votre foi au Christ Sauveur, promettre de rejeter le péché, ce qui conduit au mal, et Satan, l’auteur du péché. Alors, par l’eau et l’Esprit Saint, Dieu vous purifiera de tout ce qui a été péché dans votre vie, et du péché originel qui, depuis Adam, fait obstacle à Dieu dans le coeur de l’homme. En vous pardonnant, Dieu vous libère de l’esclavage du mal, de la peur qui trop souvent marque vos vies, de la mort éternelle. Et surtout, grâce au Christ ressuscité, vous recevez en vous une vie nouvelle, la vie de Dieu, qui s’épanouira dans tout ce que vous ferez selon l’Evangile. Vous comprenez facilement que Dieu ait choisi l’eau pour signifier cette renaissance: ne connaissez-vous pas la puissance vitale de l’eau, quand les grandes pluies viennent faire renaître votre terre brûlée par le soleil? En vérité, vous revêtez le Christ, c’est ce que signifie le vêtement de fête que présentement vous portez. Vous serez consacrés au Christ par l’onction du saint chrême. Vous recevrez sa lumière.

Par le Christ, Dieu vous adopte comme son enfant. L’Esprit Saint est présent en vous. La Sainte Trinité habite en vous. Vous entrez dans la famille de Dieu. Et vous entrez dans la famille des membres du Christ, dans l’Eglise qui est son Corps. De cela, vous portez la marque pour toujours.

Désormais, l’Eglise continuera à vous transmettre les dons de Dieu à chaque étape de votre vie, par les différents sacrements. Et vous-mêmes, vous prenez votre place de membres actifs dans l’Eglise, avec les droits et les devoirs des chrétiens. Vous participez à la mission de l’Eglise; vous témoignez de votre foi par toute votre vie, en famille, dans votre village, dans votre quartier, dans votre milieu de travail ou dans votre école.

5. Je m’adresse aussi à vous en tant que confirmands. La confirmation complète le baptême. Elle parfait le chrétien. L’imposition des mains et l’onction du saint chrême - l’huile sainte du Christ - sont les signes efficaces du don de l’Esprit Saint.

Avant de marquer votre front du saint chrême, j’étendrai les mains sur tous les confirmands. C’est le geste qui nous vient de Jésus par les Apôtres. Pierre et Jean allaient imposer les mains aux premiers baptisés pour invoquer sur eux l’Esprit de sainteté avec tous ses dons (Cfr. Act
Ac 8,17). Par ce geste, chers amis confirmands, c’est le Seigneur qui prend possession de vous, qui vous protège de sa main; c’est lui qui vous guide et vous envoie en mission, comme s’il vous disait: “N’aie pas peur, je serai avec toi”.

Et pour chacun de vous je prononcerai les paroles: “Sois marqué de l’Esprit Saint, le don de Dieu”. Vous participez à la grâce de Jésus qui disait à Nazareth: “L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction” (Lc 4,18). L’Esprit Saint vous est donné pour que tout votre être chrétien soit éclairé et fortifié.

Oui, l’Esprit Saint complète votre ressemblance avec le Christ. Il vous marque profondément de son empreinte comme l’enfant porte la ressemblance de ses parents, et vous savez que la croix est le signe du Christ. Il devient votre Maître intérieur qui vous apporte constamment la lumièredu Christ, pour vous guider vers la vérité tout entière. C’est lui qui aide le chrétien à comprendre et à goûter la Parole de Dieu, à prier, à continuer de croire que Jésus est Sauveur, à espérer dans toutes les épreuves.

C’est lui qui répand l’amour dans vos coeurs, pour que vous aimiez à la façon du Christ et viviez en communion avec tous les membres de l’Eglise. L’Esprit Saint est l’âme de l’Eglise.

C’est lui qui vous donne en conséquence la force être témoins du Christ au milieu du monde. Jésus disait aux Apôtres: “Vous allez recevoir une force, celle de l’Esprit Saint, qui descendra sur vous. Vous serez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre” (Ac 1,8). Vous demanderez le courage de vous montrer chrétiens, de dire avec fierté que vous êtes disciples du Christ, de vivre selon la foi, la charité, la justice, la pureté du Christ, dans un monde qui ne partage pas toujours ces convictions. Vous recevrez la force des témoins, non pour vous imposer aux autres, mais comme des amis du Christ qui répandent en quelque sorte sa bonne odeur partout où ils vivent, comme le parfum contenu dans le saint chrême. Ce que vous devez rayonner, c’est la paix, la joie et l’amour du Christ.

348 La confirmation est le sacrement de la croissance, de l’état adulte du chrétien, et de sa pleine responsabilité dans l’Eglise.

6. Les baptisés et les confirmés adultes, avec des enfants de foyers chrétiens, vont aussi recevoir pour la première fois l’Eucharistie.

Chers communiants, là encore, c’est le lien avec le Christ qui s’approfondit. Il vous admet dans l’intimité de son Repas; il vous offre vraiment son Corps très saint et son Sang, sous le signe d’une nourriture. Il vous dit: “Voici mon Corps, livré pour vous”, offert en sacrifice pour vous. Il vous invite à vous offrir avec lui comme une hostie vivante. Il veut demeurer en vous pour que vous demeuriez en lui. Il veut que vous viviez de sa vie, comme la branche vit de la sève du cep de vigne, comme dans le corps la vie d’un membre dépend de la tête. Et cette vie s’achève dans la Vie éternelle. Il veut vous permettre de dire, avec saint Paul: “Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi” (
Ga 2,20). Et il resserre vos liens avec tous ceux qui participent au même Pain de Vie, pour former un seul Corps, “afin que tous soient un”. Oui, le sacrement de l’Eucharistie est le sacrement de l’amour, le signe de l’unité, le lien de la charité. Il est la source, le coeur et le sommet de la vie chrétienne, comme le manifeste le Congrès eucharistique international de Nairobi, inauguré aujourd’hui et auquel je vais participer.

Vous-mêmes, chers amis, approchez-vous souvent et dignement de l’Eucharistie, en particulier dans l’assemblée du dimanche. Avec le Christ présent en vous, vivez dans la sainteté, dans la joie, dans l’action de grâce!

7. Et nous, tout en accomplissant ce service sacramentel au nom du Christ ressuscité, nous élevons en même temps “des prières de demande, d’intercession et d’action de grâce pour tous les hommes”, comme saint Paul le demandait à Timothée, en particulier “pour les Chefs d’Etat et tous ceux qui ont des responsabilités, afin que nous puissions mener notre vie dans le calme et la sécurité, en hommes religieux et sérieux” (1Tm 2,1-2).

Oui, la charge du bien commun de tout le peuple camerounais est un service ardu et délicat, et il est normal que nous aidions de nos prières ceux qui l’assument aux divers échelons. Il s’agit de faire vivre dans la paix, l’harmonie, le respect mutuel, la fraternité, la coopération, les multiples ethnies qui composent la nation. Comme tant de pays dans le monde, et spécialement en Afrique, le Cameroun aspire à un développement plénier et profitable à tous, où la prospérité soit équitablement répartie, où la technique soit au service de l’humain, où les injustices soient sans cesse surmontées, où toute discrimination soit bannie, où chaque personne ait ses chances, où, en particulier, la dignité de la femme et de l’enfant soit respectée, où les jeunes, si nombreux, puissent trouver logement, emploi, responsabilités, où l’on s’unisse pour combattre ensemble les calamités naturelles de la sécheresse et des maladies, où les réfugiés et les migrants trouvent leur place. Oui, la tache est lourde, mais les Camerounais ont déjà cherché à y faire face en bien des domaines. Qu’ils ne se découragent pas! Nous prions Dieu d’inspirer sagesse et courage à tous les citoyens et responsables, afin que les problèmes soient résolus dans le respect des valeurs morales et spirituelles, et notamment de la liberté religieuse.

8. Dieu veut aussi “que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité”, dit encore saint Paul (1Tm 2,4). De la montagne de Galilée, c’est à toutes les nations que le Christ a envoyé ses Apôtres, pour qu’ils en fassent des disciples. Les chrétiens se sentent donc un devoir et un droit d’annoncer partout ce qu’ils ont reçu comme une Bonne Nouvelle, comme un Message de salut. C’est ce qui explique leur zèle en ce pays. C’est en réalité le bonheur et le bien de leurs frères qui leur tient à coeur. Le sacrement de confirmation nous rappelle cette mission de témoigner.

Mais le témoignage du chrétien n’a rien à voir avec ce qu’on appelle la propagande. Il veut s’appuyer loyalement sur la vérité reçue du Christ, par l’Eglise. Il propose le message comme un appel respectueux à la conscience des hommes qui ont tous le devoir de chercher la vérité, mais il tient à bannir toute contrainte extérieure, incompatible avec l’assentiment libre donné à Dieu dans la foi.

C’est ce que l’Eglise catholique appelle la liberté religieuse, qui est un droit humain fondamental, en même temps qu’une exigence de la religion elle-même. Elle rend hommage aux Gouvernements qui savent l’assurer pour tous. En affirmant sa conviction que le Christ est le seul Médiateur entre Dieu et les hommes, l’Eglise respecte ceux qui vont à Dieu par d’autres voies, selon leur conscience; elle estime leur sincérité, leur générosité, et elle aime coopérer avec eux pour le bien de tous.

C’est dans ce sens que je salue ici les fils de l’Islam, qui ont voulu s’associer à cette importante cérémonie d’initiation de leurs frères chrétiens. Chers amis, nous partageons avec vous la foi au Dieu unique, vivant, miséricordieux et tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre. Vous avez une vénération pour Jésus et vous honorez la Vierge Marie sa Mère. Nous pouvons progresser dans un dialogue sincère pour mieux comprendre notre mutuel patrimoine religieux, et vivre dans l’amitié dont Dieu nous indique le chemin.

J’exprime mon estime à tous les hommes et femmes de bonne volonté qui manifestent leurs sentiments religieux dans le cadre de religions traditionnelles reçues de leurs ancêtres. Je les remercie de leur bienveillance et je prie Dieu de combler les attentes de leur coeur.

349 Par-dessus tout, j’adresse un salut cordial particulier à nos amis protestants. Nous reconnaissons ensemble le Sauveur Jésus-Christ dont nous recevons les uns et les autres l’Evangile par la prédication, et la grâce par le baptême. Le patrimoine de notre foi comporte beaucoup d’éléments communs qu’il nous faut approfondir. Avec vous, chers frères et soeurs, nous cherchons à progresser, dans la vérité, vers la pleine communion.

9. Au terme de notre méditation, nos yeux restent fixés sur cette montagne d’où le Christ est monté vers son Père.Et nous gardons en mémoire sa dernière parole sur terre: “Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la lin du monde” (
Mt 28 Mt 20). Voilà ce qu’il a dit aux Apôtres. Voilà ce qu’il nous dit à nous tous.

Oui, élevé au-dessus de tout, auprès de Dieu, il demeure mystérieusement avec nous. Les sacrements en sont le gage. Il ne cesse d’attirer à lui ceux qui donnent leur foi. Il est devenu comme “la montagne du Temple du Seigneur” que le prophète Isaie voyait dans sa vision: “Toutes les nations afflueront vers elle . . . Venez, montons à la montagne du Seigneur, au Temple du Dieu de Jacob. Il nous enseignera ses chemins et nous suivrons ses sentiers” (Is 2,2-3).

Rendons grâce au Père, au Fils et au Saint-Esprit pour le peuple camerounais qui cherche les chemins conduisant à la montagne du Seigneur, à son Temple, et qui désire suivre ses sentiers!

Amen.



Homélies St Jean-Paul II 342