Homélies St Jean-Paul II 31129


                            HOMÉLIES DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II 1980





1er janvier 1980, Fête de la Maternité de Marie

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MESSE POUR LA XIIIe JOURNÉE DE LA PAIX

Basilique vaticane
Fête de la Maternité de Marie - Mardi 1er janvier 1980



1. Aujourd’hui, à l’horizon de l’histoire de l’humanité, est apparue une nouvelle date : 1980. Elle est apparue depuis quelques heures à peine et elle nous accompagnera tous les jours qui vont suivre durant cette année jusqu’au 31 décembre prochain. Nous saluons ce premier jour et l’année nouvelle tout entière dans tous les lieux de la terre. Nous le saluons ici dans la basilique de Saint-Pierre, au coeur de l’Église, avec toute la richesse du contenu liturgique, qui porte avec lui ce premier jour de l’année nouvelle.

Ce jour célèbre aussi le dernier jour de l’octave de Noël. La grande fête de l’Incarnation du Verbe éternel continue à être présent en lui et, dans un certain sens, il y résonne avec un dernier écho. La naissance de l’homme trouve toujours sa plus profonde résonance dans la mère et c’est pour cela que ce dernier jour de l’octave de Noël, qui est en même temps le premier de la nouvelle année, est consacré à la Mère du Fils de Dieu. En ce jour, nous vénérons sa divine maternité telle que la vénère toute l’Église en Orient et en Occident, en se réjouissant de la certitude d’une telle vérité, en particulier depuis les temps du Concile d’Éphèse, en l’an 431.

Nous voulons en outre consacrer ce premier jour du nouvel an, qui est une si grande fête pour l’Église, à la grande cause de la paix sur la terre. Nous restons ici fidèles à la vérité de la naissance de Dieu car c’est, en effet, à elle qu’appartient ce premier message de paix dans l’histoire de l’Église et il a été prononcé à Bethléem : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qui l’aime. » (
Lc 2,14) C’est dans le sillage de ce message que se place celui d’aujourd’hui pour la célébration de la Journée mondiale de la paix que l’Église adresse à tous les hommes de bonne volonté, pour montrer que la vérité est le fondement et la force de la paix dans le monde. Les voeux fervents que l’Église adresse à tout homme, à chacun, à tous sans exception, avec les paroles de la première lecture biblique d’aujourd’hui, vont en même temps que ce message de paix : «Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse rayonner sur toi son regard et t’accorde sa grâce ! Que le Seigneur porte sur toi son regard et te donne la paix ! » (Nb 6,24-26)

2. La vérité à laquelle nous nous référons dans le message de cette année pour le 1er janvier estd’abord et avant tout une vérité sur l’homme. L’homme vit toujours dans une communauté, il appartient même à différentes communautés et à différentes sociétés. Il est fils et fille de son pays, héritier de sa culture et représentant de ses aspirations. De différentes manières, il dépend de systèmes socio-économiques et politiques. Parfois, il nous paraît impliqué en eux si profondément qu’il semble presque impossible de le voir et d’arriver à lui en personne à cause des nombreux conditionnements et déterminismes de son existence terrestre.

Il faut cependant le faire, il faut le tenter de manière incessante. Il faut retourner constamment aux vérités fondamentales sur l’homme si nous voulons servir la grande cause de la paix sur la terre. La liturgie d’aujourd’hui fait justement allusion à cette vérité fondamentale sur l’homme, en particulier à travers de la lecture forte et concise de la lettre aux Galates. Tout homme naît d’une femme comme est né aussi de la Femme le Fils de Dieu, l’homme Jésus-Christ.

Et l’homme naît pour vivre !

La guerre a toujours été faite pour tuer. Elle est une destruction de vies conçues dans le sein des mères. La guerre est contre la vie et contre l’homme. Le premier jour de l’an qui, par son contenu liturgique, concentre notre attention sur la Maternité de Marie, est déjà par là même une annonce de paix. La maternité révèle, en effet, le désir et la présence de la vie. Elle manifeste la sainteté de la vie. La guerre, au contraire, signifie la destruction de la vie. La guerre dans l’avenir pourrait être une oeuvre de destruction absolument inimaginable de la vie humaine.

Le premier jour de l’an nous rappelle que l’homme naît à la vie dans la dignité qui lui est due. Et la première dignité est celle-là qui dérive de son humanité même. Sur cette base repose aussi cette dignité que le Fils de Marie a révélé et porté à l’homme : « … Quand est venu l’accomplissement du temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme et assujetti à la loi pour payer la libération de ceux qui sont assujettis à la loi, pour qu’il nous soit donné d’être des fils adoptifs. Fils, vous l’êtes bien : Dieu a envoyé dans nos coeurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba-Père ! Tu n’es donc plus esclave, mais fils ; et comme fils, tu es aussi héritier par la volonté de Dieu. » (Ga 4,47)

La grande cause de la paix dans le monde est tracée, dans ses fondements mêmes, à travers ces deux valeurs : celle de la vie et celle de la dignité de l’homme. Nous devons nous y référer sans cesse, en servant cette cause.

161 3. L’année 1980, qui commence aujourd’hui, nous rappellera la figure de saint Benoît, que Paul VI a proclamé patron de l’Europe. En cette année, on célèbre le 15e centenaire de sa naissance. Un simple souvenir serait-il suffisant comme lorsqu’on commémore les différents anniversaires, même importants ? Je pense que cela ne suffirait pas : cette date et cette figure ont une éloquence telle qu’une simple commémoration ne suffira pas, mais qu’il sera nécessaire de relire et d’interpréter à leur lumière le monde contemporain.

De quoi parle, en effet, saint Benoît de Nurcie ? Il parle du début de ce travail gigantesque à partir duquel est née l’Europe. Dans un certain sens elle est, en effet née après la période du grand empire romain. En naissant de ses structures culturelles grâce à l’esprit bénédictin, elle a tiré de ce patrimoine et elle a incarné dans l’héritage de la culture européenne et universelle tout ce qui aurait été perdu autrement. L’esprit bénédictin est aux antipodes de n’importe quel programme de destruction. C’est un esprit de sauvetage et de promotion, né de la conscience du plan divin de salut et éduqué dans l’union quotidienne de la prière et du travail.

De cette manière, saint Benoît, qui a vécu à la fin de l’antiquité, a sauvegardé cet héritage qu’il a transmis à l’homme européen et à l’humanité. En même temps, il se tient au seuil des temps modernes, à l’aube de cette Europe qui naissait alors du creuset des migrations des nouveaux peuples. Il embrasse aussi l’Europe du futur avec son esprit. Ce n’est pas seulement dans le silence des bibliothèques bénédictines et dans les « scriptoria » que naissent et se conservent les oeuvres de la culture spirituelle ; c’est aussi autour des abbayes que se forment les centres actifs de travail, en particulier le travail des champs, et c’est ainsi que se développent l’esprit et la capacité humaine qui constituent le levain du grand processus de la civilisation.

4. En rappelant tout cela dès aujourd’hui, le premier jour du jubilé de saint Benoît, nous devons adresser un message ardent à tous les hommes et à toutes nations, surtout à ceux qui habitent sur notre continent. Les thèmes qui ont secoué l’opinion publique au cours des dernières semaines de l’année qui vient de se terminer demandent que nous pensions avec sollicitude à l’avenir. Les nouvelles sur tant de moyens de destruction dont pourraient être victimes les fruits de cette riche civilisation, élaborés par le travail de tant de générations, à commencer par celle de saint Benoît, nous obligent à une telle sollicitude. Nous pensons aux villes et aux villages — en Occident et en Orient — qui pourraient, avec les moyens de destruction actuellement connus, être complètement réduits à des tas de ruines. Dans ce cas, qui pourrait jamais protéger ces merveilleux nids de l’Histoire et ces merveilleux centres de la vie et de la culture de chaque pays, qui constituent la source et le soutien pour des populations entières dans leur chemin quelquefois difficile vers l’avenir ?

J’ai reçu récemment de quelques scientifiques une synthèse prévisionnelle des conséquences immédiates et terribles d’une guerre nucléaire. Voici les principales:

— La mort, par l’action directe ou retardée des explosions d’une population qui pourrait aller de 50 millions à 200 millions de personnes;

— Une réduction draconienne des ressources alimentaires causée par la radio-activité, qui resterait sur une grande partie des terres utilisables par l’agriculture;

— Des mutations génétiques dangereuses, survenant chez les êtres humains, dans la faune et dans la flore;

— Des altérations considérables dans la couche d’ozone de l’atmosphère, qui exposeraient l’homme à des inconnues majeures, préjudiciables à sa vie;

— Dans une ville frappée par une explosion nucléaire, la destruction de tous les services urbains et la terreur provoquée par le désastre empêcheraient d’offrir le moindre secours aux habitants, créant un cauchemar d’apocalypse.

Il suffirait seulement de 200 des 50 000 bombes nucléaires que l’on estime déjà exister pour détruire la majeure partie des plus grandes villes du monde. Il est urgent, disent ces scientifiques, que les peuples ne se ferment plus les yeux sur ce qu’une guerre atomique peut représenter pour l’humanité.

162 5. Ces quelques réflexions suffisent pour poser une question : pouvons-nous continuer sur cette route ? La réponse est claire.

Le Pape discute du thème du danger de la guerre et de la nécessité de sauver la paix avec beaucoup d’hommes et en diverses occasions. La route pour protéger la paix passe à travers des entretiens et des négociations bilatérales ou multilatérales. Cependant, à leur base, nous devons retrouver et reconstruire un coefficient essentiel, sans lequel, par eux-mêmes, ils ne donneront pas de résultats et ils n’assureront pas la paix. Il faut retrouver et reconstruire la confiance réciproque ! Et c’est là un problème difficile. La confiance ne s’acquiert pas par le moyen de la force. Elle ne s’obtient pas non plus par des déclarations seulement. La confiance, il faut la mériter avec des gestes et des faits concrets.

« Paix aux hommes de bonne volonté. » Ces paroles prononcées une fois, au moment de la naissance du Christ, ne cessent d’être la clé de la grande cause de la paix dans le monde. Il faut que nous le rappelions surtout à ceux dont dépend la paix.

6. C’est aujourd’hui le jour de la grande prière universelle pour la paix dans le monde. Nous joignons cette prière au mystère de la Maternité de la Mère de Dieu et la maternité est un message incessant en faveur de la vie humaine parce qu’elle se prononce, même sans paroles, contre tout ce qui la détruit et la menace. On ne peut rien trouver qui soit en plus grande opposition à la guerre et à l’homicide sinon, précisément, la maternité.

Ainsi donc, élevons notre grande prière universelle pour la paix sur la terre en nous inspirant dumystère de la maternité de Celle qui a donné la vie humaine au Fils de Dieu.

Enfin, exprimons cette prière en nous servant des paroles de la liturgie, qui contiennent un souhait de vérité, de bien et de paix pour tous les peuples de la terre:

« Que Dieu nous prenne en pitié et qu’il nous bénisse.
Qu’il fasse briller sa face parmi nous, pour que, sur la terre, on connaisse ton chemin, et parmi tous les païens, ton salut.
Que les peuples te rendent grâce, Dieu !
Que les peuples te rendent grâce, tous ensemble ! Que les nations chantent leurs joies,
car tu gouvernes les peuples avec droiture, et sur terre tu conduis les nations.
163 Que les peuples te rendent grâce, Dieu !
Que les peuples te rendent grâce, tous ensemble !
La terre a donné sa récolte :
Dieu, notre Dieu, nous bénit.
Que Dieu nous bénisse
et que la terre tout entière le craigne ! » (
Ps 67)



14 janvier 1980, Messe de ouverture de l'Assemblée Synodale Néerlandaise

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Lundi 14 janvier 1980
Vénérables et chers Frères,


1. Non pensées et nos coeurs se tournent aujourd’hui vers le Seigneur, qui est le Pasteur de son bercail, le Pasteur de son peuple, le Pasteur de l’Eglise.

C’est lui qui est annoncé dans le psaume de la liturgie de ce jour par des paroles qui font naître dans nos âmes l’espérance, la paix et la joie.

« Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien; / sur des prés d’herbe fraîche il me fait reposer; / vers les eaux tranquilles il me mène, il y refait mon âme; / il me guide sur le chemin de justice / pour l’amour de son nom » [1].

164 C’est donc vers lui, vers Jésus-Christ, que se tournent nos pensées et nos coeurs parce qu’il est avant tout notre Pasteur.

Il est le Pasteur de l’Eglise entière et de toutes les Eglises. Il est le Pasteur des pasteurs. Le Pasteur de ceux auxquels il confie la sollicitude pastorale pour ce qui concerne l’Eglise. Il leur confie..., il nous confie ce ministère pastoral qui n’est rien d’autre que le service.

Cette conscience du ministère pastoral, nous l’avons héritée des Apôtres. C’est par elle que nous cherchons à orienter notre comportement par rapport à Dieu et par rapport aux hommes, en fixant nos yeux sur le Christ.

Existe-t-il quelque chose de plus merveilleux que cette image du Pasteur, du Bon Pasteur qu’il nous a montré lui-même comme le modèle à imiter? Cette image émerge déjà chez le prophète Isaïe lorsqu’il parle du Serviteur du Seigneur sur lequel Dieu a fait reposer son Esprit [2].

« Il ne criera pas, il n’élèvera pas le ton, / il ne fera pas entendre sa parole sur la place, / il ne brisera pas le roseau froissé, / il n’éteindra pas la mèche qui faiblit ». Et il ajoute: « Il proclamera le droit avec fidélité » [3].

2. Cependant, au terme de toutes les images connues par la Sainte Ecriture, se trouve cette réalité qu’est le Christ lui-même. Il l’a exprimée dans la parabole du Bon Pasteur et il l’a réalisée en même temps par toutes ses oeuvres. Il l’a accomplie surtout dans son oeuvre dernière, par laquelle il a offert sa vie pour ses brebis [4].

Pour préparer ses Apôtres à cette OEuvre qui est le sommet pascal de sa mission, il s’est longuement entretenu avec eux, et l’évangéliste saint Jean nous a rapporté, en particulier, son dernier discours. Les paroles que nous avons relues aujourd’hui dans l’Evangile en font partie.

« Si quelqu’un m’aime, il observera ma parole, et mont Père l’aimera, et nous viendrons à lui et nous ferons en lui notre demeure. Celui qui ne m’aime pas n’observe pas mes paroles; la parole que vous écoutez n’est pas la mienne, mais celle du Père qui m’a envoyé » [5].

Le Christ pouvait-il nous faire une obligation plus forte, en tant que pasteurs et maîtres de l’Eglise, que celle contenue dans ces paroles?

Etre pasteur et évêque des âmes, cela signifie garder la parole. Garder la vérité. En elle, ce sont le Père et Lui qui viennent continuellement à nous: Lui qui est le Verbe incarné; Lui qui est le Christ Rédempteur; Lui qui est le Pasteur éternel des âmes.

Et il est par-dessus tout le Pasteur des pasteurs.

165 3. Dans le même discours d’adieu dont nous venons de relire aujourd’hui un bref passage, le Christ promet aux Apôtres l’Esprit Saint, qui est l’Esprit d’amour et de vérité;

« Mais le Consolateur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui vous enseignera toute chose et vous rappellera tout ce que je vous ai dit » [6].

Et voici que l’Eglise vit du Saint-Esprit. Le porte-parole de cette certitude est Paul de Tarse dans sa lettre aux Corinthiens où il montre comment, par la force de cet Esprit, se construit cette communauté qui, dans le Christ, réunit comme dans un seul corps mystique tous ceux qui ont été « abreuvés d’un seul Esprit » [7].

A notre époque difficile, en notre vingtième siècle, ceste Eglise a donné, dans l’enseignement du Concile Vatican II, une expression particulièrement pleine de la vérité sur elle-même.

Cet enseignement doit être la mesure de la pensée et de l’action pour tous ceux qui constituent l’Eglise du Christ.

Il doit être en particulier la mesure de notre propre pensée et de notre propre action à nous qui sommes les maîtres et les pasteurs de l’Eglise.

Il doit être la mesure de notre pensée et de notre action à nous, qui sommes réunis pour ce synode particulier. La raison de ce synode n’est rien d’autre qu’une incarnation authentique et entière, dans la vie, de cette vérité apostolique sur l’Eglise, qui a été manifestée dans l’enseignement du Concile Vatican II. De son début à sa fin, elle doit demeurer son contenu, son inspiration et son but.

4. L’assemblée synodale au cours de laquelle les Evêques de la Province ecclésiastique néerlandaise se rencontrent avec l’Evêque de Rome est un événement sans précédent. Tous, nous nous en rendons compte. Les synodes des Evêques ont déjà leur rythme pluri-annuel; au contraire, un synode de ce genre, un synode particulier, se déroule pour la première fois.

Le principe de la pénétration réciproque de l’Eglise universelle et de l’Eglise locale s’exprime de manière spéciale dans ce synode. L’Eglise de Jésus-Christ, grâce à l’Esprit qui est l’âme de tout le corps et de tous les membres, se réalise dans ces deux dimensions. Elle est universelle et en même temps composée de parties diverses. Elle est universelle et locale. Le but de notre réunion est de manifester la cohérence de ces deux dimensions tout entières et de les consolider.

C’est pourquoi nos pensées et nos coeurs se tournent d’une manière particulière vers le Christ: « De même, en effet, que le corps est un tout en ayant plusieurs membres, et que tous les membres, en dépit de leur nombre, ne forment qu’un seul corps, ainsi en est-il du Christ... » [8]. Nos pensées et nos coeurs se tournent donc vers le Christ. Vers le Pasteur et l’Evêque de nos âmes. Vers le Pasteur des pasteurs. Conscients de la vérité que nous devons servir, conscients de la responsabilité que nous devons assumer, nous nous trouvons ensemble auprès de cet autel pour célébrer l’Eucharistie, le sacrement de la mort et de la résurrection, par lequel le Christ nous donne continuellement son Esprit, l’Esprit de vérité et d’amour.

5. Dans cet Esprit, allons donc vers ce peuple, vers cette communauté, que constituent toutes les Eglises qui sont sur la terre des Pays-Bas.

166 Allons avec un grand amour.

L’amour est conscient des difficultés. Mais par-dessus tout, il est conscient du bien; il est conscient des dons: des dons de la nature et des dons de la grâce, que le Bon Pasteur a répandus dans cette communauté. Qu’il a déposés dans le coeur de tout homme racheté, en lui donnant la liberté des fils de Dieu.

Les dons qu’il attend.

Et voilà pourquoi nous désirons surtout, dans ce signe du pain et du vin, accepter le don spirituel de votre peuple, le don spirituel de cette terre dont vous êtes à la fois les fils et les pasteurs.

Prions le Christ afin qu’il accepte ce don.

Prions afin qu’il le pénètre de la lumière et de la grâce de son Esprit, de cet Esprit qui opère lui-même tout bien, en donnant « à chacun comme il veut » [9].

Cet Esprit qui édifie l’Eglise et en fait « un seul corps » [10].

[1] Ps. 22 (23), 1-3.

[2] Cfr. Is. 42, 1.

[3] Ibid. 42, 2-3.

[4] Cfr. Io. 10, 11.

167 [5] Io. 14, 23-24.

[6] Ibid. 14, 26.

[7] 1 Cor. 12, 13.

[8] 1 Cor. 12, 12.

[9] 1 Cor. 12, 11.

[10] Ibid. 12, 12.



25 janvier 1980, MESSE CONCÉLÉBRÉE AVEC LES PÈRES SYNODALES NÉERLANDAIS POUR L'UNITÉ DES CHRÉTIENS

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Chapelle Pauline
Vendredi 25 janvier 1980



Chers Frères,

Nous arrivons aujourd’hui au terme de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Le thème choisi pour ceste année était « Adveniat regnum tuum » « Que ton règne vienne »: prière répétée bien souvent, mais qui doit être toujours nouvelle, si nous prenons conscience de sa signification. Elle implique en effet, de manière particulière pour chaque chrétien, pour chacun d’entre nous, une transformation intérieure, la transformation du coeur grâce à laquelle le règne de Dieu s’étend dans le monde en se réalisant vraiment en nous.

1. Les Pays-Bas font partie de ces régions où le problème de l’oecuménisme a une grande importance historique et contemporaine Depuis des siècles, la situation religieuse de votre pays a été marqué par la rupture de l’unité, et cela n’a pas été sans souffrances et sans tensions Aujourd’hui il est significatif que le cardinal Johannes Willebrands réunisse en sa personne les charges d’Archevêque d’Utrecht et de Président du Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens, et nous savons tous ici les mérites qu’il s’est acquis en consacrant toutes ses forces à ces deux fonctions ecclésiales si importantes et si délicates.

168 D’une manière plus immédiate, le synode particulier qui nous donne l’occasion d’être réunis autour de cet autel traite aussi le thème de l’oecuménisme et il se déroule lui-même dans un climat oecuménique car, si la préoccupation de l’unité est constamment présente à tous ses membres, cette assemblée se sait aussi soutenue, non seulement par la prière des catholiques, mais aussi par celle des autres chrétiens, comme les pasteurs protestante des Pays-Bas en ont donnée l’assurance.

2. La semaine de prière pour l’unité trouve son achèvement et son sommet le vingt-cinq janvier, le jour où l’Eglise commémore, dans sa liturgie, la conversion de Saint Paul.

Ce fait possède une éloquence spéciale. Tout d’abord, il nous fait prendre conscience d’une exigence: l’unité ne peut être le fruit d’une conversion au Christ, lequel est la tête du Corps qui est l’Eglise. Une selle conversion doit être profonde et atteindre l’ensemble des membres dans les multiples aspects de leur vie, pour que l’unité se réalise vraiment Saint Paul a rencontré le Seigneur: il s’est donné à lui totalement. Ce fait explique la place formidable que l’Apôtre tient dans l’Eglise. A notre tour, nous devons tous progresser dans l’unité qui dépend en définitive du Christ, et donc de notre adhésion à lui, puisque c’est en lui que nous constituons l’Eglise. Dans cet esprit, il nous faut sans cesse nous demander comment les expressions humaines et les diverses dimensions de nos efforts de vie chrétienne et de nos démarches oecuméniques manifestent la recherche de l’unité en tant que conversion au Christ.

L’unité dans le Christ correspond au dessein éternel du Père, à la révélation du mystère du salut tel qu’il a été annoncé par l’Apôtre des nations: « Ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ » [1]; oui, devant le Père, c’est dans le Christ que toute la famille humaine, rachetée par lui, trouve son unité. Nous ne pouvons la chercher ailleurs.

3. Un second point requiert aussi notre attention et notre méditation: cette célébration du vingt-cinq janvier nous fait prendre conscience d’une manière toute particulière que la conversion, et donc l’unité, est possible « à Dieu », même si elle peut sembler impossible « aux hommes ».

Pour nous éclairer sur ce sujet, nous avons l’exemple de Saul de Tarse, devenu Saint Paul. Ennemi mortel du Christ et des chrétiens, lui qui, comme il le dit lui-même, avait « estimé devoir employer tous les moyens pour combattre le nom de Jésus de Nazareth » [2], il a rencontré le Seigneur, il est devenu « Apôtre des nations », l’amour du Christ est devenu toute sa vie [3].

4. Une transformation aussi profonde, aussi radicale, est donc possible par la grâce du Seigneur. Pour y parvenir, une prière instante, incessante est nécessaire. Il y faut à la fois la prière personnelle de chacun, comme celle que nous avons tous faite durant ceste semaine; il y faut aussi la prière en commun, car, lorsque nous prions ainsi les uns avec les autres, nous avons déjà une certaine unité. Et nous savons aussi que, dans la prière, nous permettons à l’Esprit Saint de prier lui-même en nous et pour nous, même lorsque, selon la parole de Saint Paul, nous ne savons pas ce qu’il convient de demander [4].

Dans cette communauté synodale que nous formons, il est bon que nous puissions prier pour l’unité. C’est une grâce que ce moment coïncide avec la semaine de prière pour l’unité. Et cette prière est d’abord ouverture à l’Esprit Saint: nous le prions d’élargir les désirs de notre coeur et de nous combler au-delà de ce que nos coeurs désirent, au-delà des demandes qui peuvent jaillir de nos lèvres, même si peut-être nous ne trouvons pas les paroles qui seraient adéquates.

Oui, prions pour être toujours davantage les instruments de la volonté salvifique de Dieu, de son dessein d’unité, de son règne: Que ton règne vienne!

[1] Eph. 1, 10.

[2] Act. 26, 9.

[3] Cfr. Phil. 1, 21.

[4] Cfr. Rom. 8, 26.

31 janvier 1980, Messe de clôture de l'Assemblée Synodale Néerlandaise

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Jeudi 31 janvier 1980



Vénérables et chers Frères,

1. En cet instant, nous nourrissons tous un même désir. Nous désirons remercier Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, pour ce ministère auquel nous avons participé au cours de plus de deux semaines. Ces journées, en effet, pendant lesquelles nous avons travaillé en commun dans le cadre du synode particulier des évêques des Pays-Bas, nous ne pouvons pas les regarder autrement qu’en nous laissant guider par la vérité de ces paroles du Concile Vatican II dans le premier chapitre de la constitution Lumen Gentium: « L’Eglise universelle se présente ainsi comme "un peuple rassemblé par l’unité du Père, du Fils et du Saint-Esprit" » [1].

A partir de là notre gratitude s’adresse à cette Unité en trois Personnes dans laquelle l’unité de l’Eglise, du peuple de Dieu, trouve son origine. Nous désirons rendre grâce parce que nous avons pu confesser cette Unité, et en même temps la servir à chaque jour et à chaque heure de notre travail commun. Nous rendons grâce en même temps parce que, en recherchant notre unité réciproque, nous avons pu servir l’unité de l’Eglise ? du peuple de Dieu ? au plan de la province qui constitue l’Eglise dans votre patrie, et à un plan beaucoup plus large. Oui, vénérables et chers Frères, je suis profondément convaincu que notre travail a servi aussi à l’Eglise du Christ dans toute son universalité.

Pour ce travail que nous avons fait ensemble avec ténacité, je désire remercier très cordialement tous et chacun d’entre vous. En premier lieu, je veux dire aux deux Présidents délégués, Son Eminence le Cardinal Johannes Willebrands et Son Excellence Monseigneur Godfried Danneels, combien j’ai apprécié à sa juste valeur la façon dont ils ont conduit les travaux de cette Assemblée. Aux Evêques des Pays-Bas, l’exprime ma profonde gratitude pour leur disponibilité généreuse et leur amour profond envers leurs fidèles et envers l’Eglise universelle, et aux deux Supérieurs religieux je veux dire combien je leur suis reconnaissant pour la contribution originale qu’ils ont apportée au Synode. Je remercie de tout coeur les Eminentissimes Cardinaux Préfets des Congrégations, mes proches collaborateurs, pour leur contribution à ces travaux, auxquels ils ont apporté l’expérience acquise dans leur charge. Au Secrétaire général, Son Excellence Monseigneur Jozef Tomko, à son Assistant, Son Excellence Monseigneur Albert Descamps, au Secrétaire spécial, le Révérend Père Joseph Lescrauwaet, je dis ma profonde gratitude pour les services compétents qu’ils ont apportés les uns et les autres. Je ne veux pas passer sous silence le dévouement du personnel du secrétariat du Synode, du service de presse, ainsi que de tout le personnel adjoint. Qu’il me soit permis aussi d’adresser une parole de remerciement à tous les représentants des moyens de communication sociale qui, tout en respectant la réserve qui a nécessairement dû entourer les délibérations, se sont dévoués pour maintenir le contact avec l’ensemble de l’Eglise.

Pendant toutes ces journées, j’ai pu être avec vous et participer à la plupart des assemblées du matin et du soir. J’ai pu être le témoin de la probité, de l’attention et de l’objectivité avec lesquelles vous avez traité chaque problème. Une telle attention et un tel soin n’on fait que manifester combien vous avez à coeur les problèmes que nous avons abordés ensemble et combien vous désirez consacrer à leur solution toutes vos forces. J’en remercie le Christ, et vous aussi vénérables et chers Frères. Cette ambiance, tranquille, concrète et sincère, d’échange d’idées sur chacun des thèmes étudiés, a montré que l’Esprit de notre Seigneur et Maître était avec nous, et que nous avons reçu aussi l’aide de sa Sainte Mère, à laquelle nous adressions chaque jour notre prière, particulièrement dans la récitation de l’Angélus.

2. Le problème étudié par le synode et qui a occupé complètement les semaines de ces discussions à Rome, est exprimé dans le titre de son ordre du jour: « L’exercice du travail pastoral de l’Eglise aux Pays-Bas dans les circonstances actuelles, afin que l’Eglise se manifeste toujours davantage comme communion ».

Pour affronter ce thème important, nous avons dû ramener sans cesse les multiples expériences faites par l’Eglise qui est aux Pays-Bas sur le terrain de la réponse donnée il y a quelques années par l’épiscopat du monde entier, réuni pendant quatre ans au Concile Vatican II, à la question qu’il se posait à lui-même: « Ecclesia, quid dicis de teipsa? ». Cette réponse, exprimée d’une manière élaborée par le Magistère conciliaire, est devenue actuellement pour vous, vénérables et chers Frères, le point de référence systématique, et en même temps le fondement permettant de résoudre chacun des problèmes qui se posent chaque jour à votre expérience de pasteurs et à votre conscience d’évêques.

Au cours de nos discussions et de nos réflexions, une chose a toujours été claire: nous ne pouvons désirer - et nous ne désirons en réalité de tout notre coeur - qu’une Eglise qui corresponde totalement aux intentions du Christ Seigneur, telles qu’elles ont été exprimées et confirmées par le Concile. Nous croyons en effet que le Concile Vatican II est devenu pour notre époque le thème et le lieu privilégiés grâce auxquels l’Esprit Saint, l’Esprit de Jésus-Christ, « a parlé » à toute l’Eglise [2] et l’a guidée vers la vérité tout entière [3], et donc aussi vers cette vérité de l’existence « dans le monde contemporain », de l’existence selle qu’elle nous apparaît à travers les « signes des temps ». En parlant à l’Eglise tout entière, l’Esprit de notre Seigneur et Rédempteur « a parlé » en même temps à chacune des Eglises qui demeurent dans la communion de cette Eglise une et universelle. C’est pourquoi, la préoccupation fondamentale de nous tous qui étions réunis en ce synode fut aussi le souci de faire que l’existence de l’Eglise aux Pays-Bas, son existence concrète, dans tous les secteurs de sa vie, puisse posséder et manifester pleinement les marques de cette identité que le Concile Vatican II a de nouveau exprimée, en accord avec toute la Tradition.

170 3. C’est pourquoi aussi cet effort quotidien du synode, à travers l’analyse des différents secteurs de la vie de l’Eglise dans votre patrie, a cherché d’abord à atteindre une conscience plus claire de tout ce qui constitue pour ainsi dire la vie quotidienne de l’Eglise dans ses différents aspects. Il a cherché ensuite à établir les orientations à suivre à l’avenir. En effet, l’identité de l’Eglise se manifeste précisément à travers cette forme concrète de son existence; elle se manifeste à travers sa manière de vivre chaque jour, et à travers la manière dont elle réalise son oeuvre dans les différents secteurs de vie et d’activité.

Dans notre analyse conduite selon ces prémisses, nous avons abordé, vénérables et chers Frères, tous les aspects essentiels, importants du point de vue de l’identité de l’Eglise aux Pays-Bas pour le moment présent et pour l’avenir. Il est en effet hors de doute que, dans les activités actuelles de l’Eglise, s’élabore en même temps la forme future de sa vie et de son apostolat.

C’est ainsi que nous avons pris comme point de départ de nos délibérations la réalité et les exigences fondamentales de la communion de l’Eglise, communion en même temps locale et universelle, se référant au spirituel comme à l’institutionnel, conscients que la communauté de foi, d’espérance et de charité unit tous les croyants avec le Christ et son Père, et les unit les uns aux autres. Dans le désir et la volonté unanimes de manifester cette communion, nous avons réaffirmé notre accord sur le contenu de la foi catholique selon l’enseignement du Magistère de l’Eglise, et nous en avons tiré les conclusions qui s’imposent quant à la fonction de l’Evêque comme docteur de la foi et comme pasteur, de chaque évêque dans son diocèse et de tous les évêques ensemble au sein de la Conférence épiscopale.

Le synode a ainsi adopté des résolutions se référant au sacerdoce ministériel, à la vie des religieux et des religieuses, et à la participation des laïcs à la mission évangélisatrice de l’Eglise. Il a examiné comment promouvoir la vie sacramentelle, et surtout la célébration et la vénération de l’Eucharistie, source de vie et de croissance, et le sacrement de la réconciliation. Le synode a enfin insisté sur la valeur de la liturgie célébrée selon les règles de l’Eglise, sur l’importance du contenu doctrinal et des méthodes pastorales dans la catéchèse, et enfin sur la promotion d’un oecuménisme fidèle aux orientations du Concile.

4. Cette référence trop brève à la matière et aux conclusions du synode suffit pour relever la richesse de ses débats et l’ampleur de l’examen consacré au travail pastoral de l’Eglise aux Pays-Bas. A personne n’a échappé l’importance de tous les sujets abordés pour le développement futur des efforts pastoraux de tout le peuple de Dieu. Qu’il me soit permis toutefois de souligner ici un point particulier qui s’est révélé être au centre de toutes les autres questions soulevées et qui sera d’un impact très grand sur l’avenir de l’Eglise. Je me réfère ici au sacerdoce ministériel authentique des prêtres, aussi bien dans sa nature que dans ses relations avec l’évêque et dans son rapport à l’engagement des laïcs dans la mission de l’Eglise.

L’édification de la communauté ecclésiale et l’exécution de sa mission sont confiées à toute la communauté, mais, comme le dit la constitution dogmatique Lumen Gentium [4], cette responsabilité s’exerce en accord avec le charisme et la place de chacun dans le Corps du Christ. Toutes les vocations, tous les services, tous les charismes sont ordonnés à manifester dans leur variété la richesse de l’Eglise et à servir son unité. L’Eglise doit pouvoir exprimer la plénitude de sa vie par la richesse des vocations et des charismes, aussi bien dans la consécration ministériel que dans l’apostolat des laïcs, et aussi dans la consécration religieuse selon l’esprit et le but spécifique de chaque Institut.

Mais chacun de ces ministères et de ces services possède une spécificité propre, et tous se complètent mutuellement sans se confondre.

A juste titre, chers Frères, vous avez insisté sur l’importance et la nécessité de la participation des laïcs dans la tâche pastorale de l’Eglise; vous avez loué aussi la collaboration active que vous prêtent les laïcs dans tous les diocèses néerlandais et qu’ils sont appelés à intensifier davantage encore. Car, sans le travail des laïcs, l’Eglise ne pourrait que difficilement être présente et agir dans le monde d’aujourd’hui [5]. Mais il importe, comme vous l’avez souligné, de sauvegarder, dans l’attribution des tâches et dans la délimitation des responsabilités, la distinction entre la contribution des laïcs et les tâches confiées aux prêtres et aux diacres. C’est dire toute l’importance des conclusions auxquelles est arrivé ce synode dans le domaine de la collaboration des laïcs aux tâches pastorales comme aussi dans celui de la formation des future prêtres.

Unanimes à professer la distinction essentielle entre le sacerdoce sacramentel et le sacerdoce commun des fidèles ainsi que le caractère permanent du sacerdoce sacramentel, les évêques des Pays-Bas ont aussi exprimé leur souci et leur volonté d’être secondés par un clergé célibataire et de faire tout leur possible pour promouvoir les vocations au sacerdoce. Ils éprouvent le même souci en ce qui concerne la vocation religieuse, par laquelle des hommes et des femmes répondent à l’appel de Dieu dans la vie consacrée. Vous avez envisagé d’assurer la formation des candidats au sacerdoce dans de vrais séminaires, soit dans des séminaires assurant intégralement la formation, soit dans d’autres institutions possédant toutes les caractéristiques d’un séminaire bien qu’une partie de l’enseignement soit donnée par des Ecoles supérieures de théologie reconnues par le Saint-Siège.

De la même façon, vous êtes décidés à souligner l’opportunité d’un engagement dans la voie du diaconat, vu la tâche spécifique et l’importance de ce ministère permanent tel qu’il a été restauré par le Concile Vatican II. Vous avez ensuite réaffirmé l’importance de la contribution propre du laïcat dans l’Eglise et vous êtes résolus à faire appel à la collaboration des laïcs dans les tâches pastorales qui peuvent leur être confiées selon les indications du Saint-Siège.

Voilà des résolutions qui augurent particulièrement bien de l’avenir pour l’Eglise aux Pays-Bas. Le Pape est convaincu que tous répondront à cet appel, donnant ainsi à cette Eglise sa pleine dimension de communauté chrétienne, qui est manifestée également par son oeuvre missionnaire, tellement liée à toute sa tradition.

171 5. Dans tout le travail que nous avons fait au synode ? et dans celui qui vous attend après la conclusion du synode ? ce qui était, ce qui est et ce qui demeurera notre rempart et notre force, c’est la référence constante de notre foi, de notre espérance et de notre amour au Christ, notre Maître et Seigneur, au Christ Rédempteur de l’homme, au Christ qui est devenu dans son mystère pascal l’époux de son Eglise.

C’est envers lui que nous avons cherché à maintenir notre fidélité au cours de nos réunions à Rome, dans notre réflexion quotidienne et dans nos échanges d’idées. Sa vérité et son amour étaient la source de la lumière pour nos considérations, nos résolutions et nos décisions. Et en faisant tout cela, nous avions toujours plus clairement conscience d’avoir besoin, pour notre service de l’Eglise, d’un grand courage et en même temps d’une grande prudence. Ce courage et cette prudence doivent dériver de notre confiance absolue dans cet amour qu’il donne en tout lieu à son Eglise, dans cette fidélité qu’il donne en retour à tous ceux qui cherchent à lui garder constamment leur fidélité. Cette conviction nous fait un devoir de regarder vers l’avenir avec l’espérance évangélique: « Ayez confiance, j’ai vaincu le monde » [6]. Ainsi, nous serons capables de remplir notre mission d’évêques et de pasteurs à l’égard de l’Eglise sur la terre néerlandaise, et en même temps à l’égard de l’Eglise universelle; nous serons capables de servir le peuple de Dieu de la manière qu’exige de nous l’Esprit de Jésus-Christ.

C’est sur lui aussi que nous bâtissons notre volonté et en même temps notre espoir de l’unité réciproque, de la « communio » entre vous-mêmes, évêques et pasteurs de l’Eglise aux Pays-Bas, qui est indispensable pour accomplir ce ministère pastoral. Le Synode a été pour vous, chers Frères, un temps d’heureuse union et d’échanges profonds de vos pensées; il a été un temps de véritable dialogue du salut. Ce dialogue, comme l’a enseigné Paul VI, est et doit demeurer un échange de pensées dans lequel se manifestent le respect et l’amour, et qui soit en même temps ordonné à la vérité, au bien de l’Evangile et à l’unité de l’Eglise. Au moment où ce temps heureux touche à sa fin, il ne nous reste rien d’autre à faire que de demander à l’Esprit de vérité et au Maître de la moisson que le même style de dialogue et le même climat salutaire d’union continuent toujours à exister entre vous pour le bien de toute l’Eglise, et en particulier pour celui des diocèses dont l’Esprit Saint vous a établis évêques.

6. Maintenant que les évêques néerlandais s’apprêtent à rejoindre leurs diocèses respectifs, je tourne ma pensée et mon affection vers toute l’Eglise qui est aux Pays-Bas et vers tous et chacun de ceux qui la constituent. Sachez, chers frères et soeurs, que le Synode vous est reconnaissant de tout ce que vous avez entrepris pour contribuer au succès de ses délibérations. Au nom du synode, je vous remercie tout particulièrement de vos prières qui nous ont accompagnés durant cette période de grâce.

J’ai reçu de multiplex échos d’initiatives qui témoignent de votre réponse fervente à l’appel que je vous avais adressé à la veille du synode: c’était un vrai réconfort et une inspiration pour ses participants de savoir que l’Eglise aux Pays-Bas était unie à eux par la prière dans les paroisses et les écoles, dans les maisons religieuses, dans les groupes de jeunes et les maisons de retraite. Je remercie spécialement aussi les frères et soeurs des Eglises et Communautés chrétiennes qui se sont joints aux catholiques pour implorer la lumière de l’Esprit sur nos travaux. C’est avec émotion et reconnaissance que je veux rappeler ici qu’un groupe de pasteurs protestants a envoyé un télégramme au début du synode pour nous assurer de leurs prières. L’union spirituelle ainsi manifestée est gage de la bénédiction de Dieu pour une union croissante entre tous ceux qui professent la même foi et la même espérance en Jésus-Christ. Que notre attente, notre désir et notre engagement correspondent à la volonté du Seigneur! Ainsi, nous pourrons promouvoir un oecuménisme sans timidité parce que authentique, un oecuménisme dynamique qui soit une croissance dans la foi, un oecuménisme, pour tout dire, qui soit pleinement fidèle à l’Esprit Saint.

Maintenant que commence la mise en oeuvre des décisions de ce synode, je confie de nouveau à vos prières, chers frères et soeurs des Pays-Bas, le chemin qui doit être parcouru. Car c’est de la prière, plus que des délibérations et des consultations, que dépendront à l’avenir la vie et la pastorale de l’Eglise aux Pays-Bas. Rassemblez-vous autour de vos évêques dans la prière comme dans l’action. Plus que jamais ils comptent sur vous. L’union dans la prière, la conscience que « tout don parfait vient d’en haut et descend du Père des lumières » [7] vous aideront à opérer ce renouveau et cette conversion que chacun de nous doit pratiquer continuellement. La prière aide à croire, à espérer et à aimer, même si la faiblesse humaine nous place dans des situations de tension ou entraîne des défaillances. La prière fervente de toute la communauté chrétienne, aux Pays-Bas comme aussi ailleurs, fait espérer que tous, prêtres et laïcs, religieux et religieuses, accepteront, en esprit de foi et avec une conviction sincère, les conclusions du synode. Voici qu’approche le temps du Carême qui nous prépare à la célébration de la Résurrection du Seigneur Jésus: nous n’hésitons pas à solliciter votre prière et vos sacrifices afin que la semence du synode tombe dans une terre favorable et porte du fruit en abondance [8].

Avec une confiance toute spéciale, je veux m’adresser à la jeunesse de l’Eglise aux Pays-Bas. En préparation du synode, un groupe de jeunes de votre capitale s’est réuni pour prier autour d’un cierge, symbole de la lumière qu’est le Christ, et il m’a fait parvenir ensuite ce cierge en signe de son engagement et de son union avec le synode. Chers jeunes, puisse la lumière du Christ illuminer votre chemin de chrétiens et vos aspirations qui trouvent certainement leur place dans l’Eglise!

Soyez convaincus que votre générosité et votre sens de l’authenticité aideront toute la communauté à faire les choix qui s’imposent et à assumer les conséquences que comportent la foi en Jésus-Christ et l’appartenance à l’Eglise.

Vénérables et chers Frères, au moment de nous quitter, je vous invite à placer les fruits de ce synode et l’avenir de l’Eglise aux Pays-Bas entre les mains de Marie, Mère du Seigneur et Mère de l’Eglise. Le dernier chapitre de la constitution dogmatique Lumen Gentium a mis en lumière les conséquences spirituelles qui découlent, pour l’Eglise et pour chaque chrétien, de notre situation par rapport au Fils de Dieu incarné et par rapport à sa Mère toute sainte. C’est parce qu’il est « né d’une femme » [9] que Notre Seigneur Jésus-Christ fait de nous de véritables « fils adoptifs » [10]. C’est parce qu’elle a accueilli le Verbe de Dieu à la fois dans son coeur et dans son corps que la bienheureuse Vierge a un rôle unique dans le mystère du Verbe incarné et dans celui du Corps mystique. Elle se trouve intimement unie avec l’Eglise, dont elle est le modèle dans l’ordre de la foi, de la charité et de la parfaite union au Christ. Par là, en réponse à notre dévotion et notre prière, Marie, qui rassemble et reflète d’une certaine façon en elle-même les plus hautes aspirations de la foi, appelle les fidèles à son Fils et à son sacrifice, ainsi qu’à l’amour du Père. « C’est pourquoi, enseigne le Concile, dans l’exercice de son apostolat, l’Eglise regarde à juste titre vers celle qui engendra le Christ, conçu du Saint-Esprit et né de la Vierge précisément afin de naître et de grandir aussi par l’Eglise dans le coeur des fidèles » [11]. Avec la Vierge, l’Eglise a entamé son chemin à travers l’histoire de ce monde il y a deux mille ans, dans le Cénacle de la Pentecôte. Depuis, l’Eglise a parcouru chaque étape de ce chemin avec Elle, qui est le signe lumineux de l’espérance et de la consolation du peuple de Dieu [12]. L’étape que nous commençons aujourd'hui à partir de ce synode, c’est avec Elle aussi que nous devons la parcourir. Dans la terre néerlandaise, il y a tant de lieux où la Mère de Dieu est vénérée avec une ferveur particulière par les fidèles. Qu’il suffise d’évoquer, parmi tant de sanctuaires qui témoignent de sa piété mariale, le nom du sanctuaire « Ster der Zee », à Maastricht, celui de la « Zoete Lieve Vrouw den Bosch » et celui de « Onze Lieve Vrouw ter Nood » à Heiloo, si chers à vos coeurs et au mien. Puissent ces lieux devenir toujours davantage les lieux de rencontre d’où Marie guidera le peuple de Dieu vers une foi et une espérance renouvelées dans la communion de l’amour!

Aan de ganse Kerk in Nederland zend ik, samen met alle leden van de Bijzondere Synode, mijn wensen en mijn zegen.

Moge de Heer in u allen voltooien wat hij hier tijdens de voorbije dagen van gebed en overleg is begonnen.

Moge de eenheid in geloof en liefde het kenmerk zijn van het Godsvolk in Nederland.

Geloofd zij Jezus Christus. Amen.


Homélies St Jean-Paul II 31129