Homélies St Jean-Paul II 171


£[1] N. 4.

[2] Cf. Ap 2, 7.

[3] Cf. Jn 16, 13.

[4] Cf. nn 30-38.

[5] Cf. Apostolicam Actuositatem, n. 1.

[6] Jn 16, 33.

[7] Jc 1, 47.

[8] Cf. Mc 4, 8.

[9] Ga 4, 4.

[10] Cf. Lumen Gentium, n. 52.

[11] Ibid., n. 65.

[12] Ibid., n.68.



11 février 1980, Messe avec les malades pour la fête des Apparitions de la Vierge à Lourdes

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Lundi 11 février 1980



Vénérés frères et fils très chers,

1. C’est avec une vive émotion et avec une joie profonde que j’adresse, ce soir, ma cordiale salutation avant tout à Monsieur le Cardinal vicaire et aux autres cardinaux présents, aux vénérables frères dans l’Épiscopat, aux prêtres du clergé séculier et régulier et, en particulier à ceux qui concélèbrent avec moi cette Eucharistie qui nous voit rassemblés autour de l’autel du Christ pour faire mémoire des merveilles de grâce opérées en celle que nous invoquons avec confiance comme avocate puissante et mère très douce.

Ma salutation s’adresse ensuite aux religieuses présentes aussi en cette circonstance en nombre considérable. Il s’adresse encore aux personnes qui font partie, à des titres divers, des différentes associations mariales comme aussi à ceux qui ont été attirés à cette célébration par la dévotion qu’ils nourrissent pour la Vierge très Sainte.

Je désire réserver une parole particulière de salutation aux malades qui sont les hôtes d’honneur de cette rencontre. Au prix de lourds sacrifices, ils ont voulu être présents ce soir pour témoigner en personne de l’amour qui les lie à la Mère céleste et beaucoup d’entre eux se sont rendus certainement en pèlerinage, à son sanctuaire, à Lourdes : qu’ils soient les bienvenus parmi nous en même temps que tous ceux qui se dépensent pour leur prêter assistance.

Ma salutation s’étend donc à tous ceux qui sont réunis dans cette basilique patriarcale Saint-Pierre qui reçoit aujourd’hui une visite si exceptionnelle. Je désire exprimer à tous ma reconnaissance. Fils très chers, je me sens débiteur envers vous tous. En effet, c’est grâce à vous que se trouve transférée, aujourd’hui, dans cette basilique cette réalité particulière qui porte le nom de Lourdes. Réalité de la foi, de l’espérance et de la charité. Réalité de la souffrance sanctifiée et sanctifiante. Réalité de la présence de la Mère de Dieu dans le mystère du Christ et de son Église sur la terre : une présence particulièrement vive dans cette partie choisie de l’Église qui est constituée par les malades et par les souffrants.

2. Pourquoi est-ce précisément les malades qui font le pèlerinage de Lourdes ? Pourquoi — nous demandons-nous — ce lieu est-il devenu pour eux presque un « Cana de Galilée » où ils se sentent appelés de manière particulière ? Qu’est-ce qui les attire à Lourdes avec tant de force.

Il faut chercher la réponse dans la parole de Dieu que nous offre la liturgie dans la sainte messe que nous sommes en train de célébrer. À Cana, il y avait une fête nuptiale, fête de la joie parce que fête de l’amour. Nous pouvons imaginer facilement le « climat » qui régnait dans la salle du banquet. Cependant cette joie était, comme toute autre réalité humaine, une joie menacée. Les époux l’ignoraient mais leur fête risquait de se transformer en un petit drame parce que le vin commençait à manquer. Et si l’on y réfléchit, ce n’était autre que le signe de tous les autres risques auxquels serait exposé par la suite leur amour commençant.

Par bonheur pour eux « la Mère de Jésus y était » et par conséquent « Jésus lui aussi était invité aux noces » (cf
Jn 2,1-2) ; et, sur l’invitation de sa Mère, Jésus changea miraculeusement l’eau en vin : le banquet put se poursuivre dans l’allégresse, et l’époux fut complimenté par le maître du repas (cf v. 9-10), émerveillé par la qualité du dernier vin servi.

174 Voici, chers frères et soeurs, que le banquet de Cana nous parle d’un autre banquet : celui de la vie et nous désirons tous nous asseoir à sa table pour goûter un peu de joie. Le coeur humain est fait pour la joie et il n’y a nullement à s’étonner si chacun tend vers ce but. Malheureusement la réalité soumet parfois tant de personnes à l’épreuve, souvent martyrisante, de la douleur : maladies, deuils, malheurs, tares héréditaires, solitude, tortures physiques, angoisses morales, un éventail de « cas humains » concrets dont chacun a un nom, un visage, une histoire.

Ces personnes, si elles sont animées par la foi, se rendent à Lourdes. Pourquoi ? Parce qu’ellessavent que là, comme à Cana « il y a la Mère de Jésus ». Et là où elle se trouve, il y a aussi Jésus qui ne saurait manquer. C’est cette certitude-là qui anime les foules qui, chaque année envahissent Lourdes à la recherche d’un soulagement, d’un réconfort, d’une espérance. Des malades de tout genre vont en pèlerinage à Lourdes soutenus par l’espérance que, par Marie, se manifestera en eux la puissance salvifique du Christ. Et, de fait, cette puissance se révèle toujours par le don d’une sérénité et d’une résignation immenses et parfois par une amélioration des conditions générales de la santé ou même par la grâce de la guérison complète comme l’attestent les nombreux « cas » qui ont été constatés durant plus d’un siècle.

3. Toutefois, la guérison miraculeuse reste malgré tout un événement exceptionnel. La puissance salvifique du Christ invoquée par la propitiation de sa Mère se révèle à Lourdes principalement sur le plan spirituel. C’est au coeur des malades que Marie fait entendre la voix miraculeuse de son Fils : voix qui détend prodigieusement les endurcissements de l’aigreur et de la révolte, et rend à l’âme des yeux pour voir sous une lumière nouvelle le monde, les autres et son propre destin.

À Lourdes, les malades découvrent la valeur inestimable de leur propre souffrance. Ils parviennent sous l’éclairage de la foi, à saisir la signification fondamentale que la douleur peut avoir non seulement dans leur vie, intérieurement renouvelée par cette flamme qui consume et transforme, mais aussi dans la vie de l’Église, Corps mystique du Christ. La Très Sainte Vierge, qui est restée courageusement debout sur le Calvaire, à côté de la croix de son Fils (cf. Jn
Jn 19,25), participant personnellement à sa Passion, sait toujours convaincre de nouvelles âmes à unir leurs propres souffrances au sacrifice du Christ en un « offertoire » choral qui franchissant le temps et l’espace, embrasse l’humanité tout entière et la sauve.

Conscients de ceci, nous voulons, en ce jour où la liturgie commémore les apparitions de Lourdes, remercier toutes les âmes pleines de bonne volonté qui, en souffrant et priant, collaborent de manière si efficace au salut du monde.

Que la Vierge se tienne à leurs côtés comme elle le fut près des jeunes mariés de Cana et qu’elle veille à ce que ne vienne jamais à manquer dans leur coeur le vin généreux de l’amour. L’amour, en effet, peut accomplir le prodige de faire fleurir sur le tronc plein d’épines de la souffrance la rose éclatante de la joie…

4. Mais je ne veux pas oublier les serviteurs de Cana qui prirent une si grande part à l’accomplissement du miracle de Jésus en exécutant docilement ses ordres. En effet, Lourdes est également un prodige de générosité, d’altruisme, de service : à commencer par Bernadette qui fut l’instrument choisi pour transmettre au monde le message évangélique de la Vierge, pour découvrir la source d’eau miraculeuse, pour demander la construction de la « chapelle », et, par-dessus tout, elle sut prier et s’immoler, se retirant dans le silence d’une vie totalement consacrée à Dieu. Et alors, comment pourrait-on oublier la foule immense des personnes qui, inspirées par l’humble bergère, se sont dévouées et se dévouent toujours avec un amour extraordinaire au service du sanctuaire, au fonctionnement des services, et spécialement à l’assistance des malades ? Aussi, pensons-nous tous, vous et moi, avec estime et reconnaissance à tous ceux qui se prodiguent à vos côtés, très chers malades, et vous entourent de leurs soins attentifs : les médecins, le personnel paramédical, tous ceux qui collaborent aux services nécessaires tant durant les pèlerinages que dans les lieux habituels où se trouvent les malades, puis, et surtout, à qui incombe principalement la mission de vous assister.

Comme les serviteurs de Cana qui — contrairement au maître de la table — « étaient au courant » du prodige accompli par Jésus (cf. Jn 2,9), puissent ceux qui vous assistent être toujours conscients du prodige de grâce qui s’accomplit dans votre vie et vous aider à être à la hauteur de la tâche que Dieu vous a confiée.

5. Très chers frères et soeurs, nous continuons maintenant, recueillis autour de l’autel, la célébration de l’Eucharistie. Le Christ est avec nous : que cette certitude inonde nos coeurs d’une paix immense et d’une joie profonde. Nous savons que nous pouvons compter sur lui qui est partout, maintenant et toujours. Il est l’ami qui nous comprend et nous soutient dans les moments d’obscurité, car il est « l’homme des douleurs, familier de la maladie » (cf. Is Is 53,3). Il est le compagnon de route qui rend la chaleur à notre coeur, l’éclairant sur les trésors de sagesse que contiennent les Écritures (cf. Lc Lc 24 Lc 32). Il est le pain vivant descendu du ciel qui peut allumer dans votre chair mortelle l’étincelle de la vie qui ne meurt pas (cf. Jn Jn 6,51).

Reprenons donc la route avec un nouveau souffle. La Sainte Vierge nous montre le chemin. Comme une étoile lumineuse du matin, elle brille aux yeux de notre foi « comme un signe d’espérance et de consolation jusqu’à ce que vienne le jour du Seigneur » (Lumen gentium LG 69). Pèlerins dans cette « vallée de larmes » nous soupirons vers elle : « Après cet exil, montre-nous Jésus, le fruit béni de ton sein, ô clémente, ô pieuse, ô douce Vierge Marie ! »



Visite Pastorale à Cascia et à Nursie (Italie) (23 mars 1980)

23 mars 1980, Messe à l'occasion du XVe centenaire de la naissance de saint Benoît

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Nursie (Italie)
Dimanche 23 mars 1980



1. Gloire à toi, Christ, Verbe de Dieu.

Gloire à toi chaque jour dans cette période bienheureuse qu’est le Carême. Gloire à toi, aujourd’hui, jour du Seigneur et cinquième dimanche après le Carême.

Gloire à toi, Verbe de Dieu, qui t’es fait chair, qui t’es manifesté par ta vie et qui as accompli ta mission sur terre par ta mort et ta résurrection.

Gloire à toi, Verbe de Dieu, qui pénètres au plus intime des coeurs humains et qui leur montres la route du salut.

Gloire à toi dans chaque lieu de la terre.

Gloire à toi dans cette péninsule comprise entre les sommets des Alpes et la Méditerranée. Gloire à toi dans tous les lieux de cette région bienheureuse ; gloire à toi dans chaque ville et dans chaque village où déjà, depuis presque deux mille ans, les habitants t’écoutent et cheminent dans ta lumière.

Gloire à toi, Verbe de Dieu, Verbe du Carême qui est le temps de notre salut, de la miséricorde et de la pénitence.

Gloire à toi pour un fils illustre de cette terre.

Gloire à toi, Verbe de Dieu, qu’ici, dans cette localité appelée Nursie, un fils de cette terre — connu de toute l’Église et du monde entier sous le nom de Benoît — a écouté pour la première fois et accueilli comme lumière de sa vie et également de celle de ses frères et soeurs.

Verbe de Dieu qui ne passera jamais, voici que sont maintenant passés mille cinq cents ans depuis la naissance de Benoît, ton confesseur et moine, fondateur d’ordre, patriarche de l’Occident, patron de l’Europe.

176 Gloire à toi, Verbe de Dieu.

2. Vous me permettrez, chers frères et soeurs d’insérer ces expressions de vénération et d’action de grâces dans les paroles de la liturgie d’aujourd’hui, liturgie du Carême. La vénération etl‘action de grâces sont la raison de notre présence ici aujourd’hui, celle de mon pèlerinage avec vous, dans ce lieu de la naissance de saint Benoît, pour la célébration du mille cinq centième anniversaire de sa naissance.

Nous savons que l’homme vient au monde grâce à ses parents. Nous confessons que venu dans le monde par l’intermédiaire de parents terrestres qui sont le père et la mère il renaît à la grâce du baptême en s’immergeant dans l’amour du Christ crucifié, pour recevoir la participation à cette vie que le Christ lui-même a révélée par sa résurrection. Par la grâce reçue dans le baptême, l’homme participe à la naissance éternelle du fils par le père puisqu’il devient fils adoptif de Dieu : fils dans le Fils.

On ne peut pas ne pas rappeler cette vérité humaine et chrétienne au sujet de la naissance de l’homme aujourd’hui, à Nursie, sur le lieu de la naissance de saint Benoît. En même temps on peut et on doit dire qu’avec lui, naissait, dans un certain sens, une nouvelle époque, une nouvelle Italie, une nouvelle Europe. L’homme vient toujours au monde dans des conditions historiques déterminées ; le Fils de Dieu aussi est devenu fils de l’homme à une certaine période du temps et c’est grâce à elle qu’il a donné naissance aux temps nouveaux qui sont venus après lui. De la même manière Benoît est né à une certaine époque historique à Nursie et c’est grâce à la foi dans le Christ qu’il a obtenu « la justice qui vient de Dieu » (
Ph 3,9), et qu’il a su inoculer cette justice dans les âmes de ses contemporains et de ses descendants.

3. L’année où, selon la tradition, Benoît vint au monde l’année 480, suit de très près une date fatidique ou plutôt fatale pour Rome : je fais allusion à l’année 476 où, avec l’envoi à Constantinople des insignes impériaux, l’empire romain d’Occident, après une longue période de décadence, connaît sa fin officielle. En cette année s’écroulait une certaine structure politique, c’est-à-dire un système qui avait fini par conditionner, durant près d’un millénaire, le cheminement et le développement de la civilisation humaine dans l’espace du bassin méditerranéen tout entier.

Le Christ lui-même est venu dans le monde selon les coordonnées — temps, lieu, milieu, conditions politiques, etc. — créées par ce même système. La chrétienté aussi, dans l’histoire glorieuse et douloureuse de « la première Église », que ce soit à l’époque des persécutions ou à celle de liberté qui a suivi, s’est développée dans le cadre de l’ « ordo romanus », même si elle s’est développée dans un certain sens « malgré » cet « ordo », en ce qu’elle avait sa propre dynamique qui la rendait indépendante de cet ordre et qui permettait de vivre une vie « parallèle » à son développement historique.

Même le soi-disant édit de Constantin en 313 n’a pas fait dépendre l’Église de l’Empire : s’il lui a reconnu la juste liberté « ad extra » après les sanglantes répressions de l’âge antérieur, il ne lui a pas donné cette liberté « ad intra » qui lui était aussi nécessaire et, qui, en conformité avec la volonté de son fondateur, découle de manière indéfectible de l’impulsion de vie qui lui a été communiquée par l’Esprit. Même après cet événement important, qui marque la paix religieuse, l’empire romain a continué à se désagréger : pendant que le système impérial, en Orient, pouvait se renforcer, même par des transformations considérables, en Occident, il s’est affaibli progressivement pour différentes raisons internes et externes dont le choc des migrations des peuples et, dans une certaine mesure, il n’a plus eu la force de survivre.

4. C’est un fait que lorsque saint Benoît est venu au monde, ici à Nursie non seulement « le monde antique s’en allait vers sa fin » (Krasinki, Irydion), mais en réalité ce monde avait déjà été transformé : les « tempora christiana » avaient pris sa place. Rome qui, pendant un temps, avait été le témoin principal de sa puissance et la ville de sa plus grande splendeur était devenue la « Rome chrétienne ». Dans un certain sens, elle avait été vraiment la ville où s’était identifié l’Empire. La Rome des Césars était désormais dépassée. Elle était demeurée la Rome des apôtres. La Rome de Pierre et de Paul, la Rome des martyrs dont la mémoire était encore relativement fraîche et vive. Et à travers cette mémoire, la conscience de l’Église et le sens de la présence du Christ auquel tant d’hommes et de femmes n’avaient pas hésité à rendre leur témoignage par le sacrifice de leur vie, étaient vifs.

Voici donc que Benoît naît à Nursie et grandit dans ce climat particulier où la fin de la puissance terrestre parle à l’âme le langage des réalités ultimes, pendant qu’en même temps le Christ et l’Évangile parlent d’une autre aspiration, d’une autre dimension de la vie, d’une autre justice,d’un autre royaume.

Benoît de Nursie grandit dans ce climat. Il sait que la pleine vérité sur la signification de la vie humaine, saint Paul l’a exprimée quand il a écrit dans la lettre aux Philippiens : « Oubliant le chemin parcouru, je vais droit de l’avant, tendu de tout mon être, et je cours vers le but, en vue du prix que Dieu nous appelle à recevoir là-haut, dans le Christ Jésus. » (Ph 3,13-14)

Ces paroles ont été écrites par l’apôtre des nations, le pharisien converti, qui avait donné de cette manière le témoignage de sa conversion et de sa foi. Ces paroles révélées contiennent aussi la vérité qui retourne à l’Église et à ’humanité au cours de différentes étapes de l’histoire. Dans cette étape où le Christ a appelé Benoît de Nursie, ces paroles préfiguraient l’annonce d’une époque qui a été précisément l’époque de la grande aspiration « vers le haut » derrière le Christ crucifié et ressuscité, précisément comme l’écrit saint Paul : « Le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans l’amour, afin de parvenir si possible à ressusciter d’entre les morts. » (Ph 3,10-11)

177 Ainsi donc, au-delà de l’horizon de la mort qu’a subi tout le monde construit sur la puissance temporelle de Rome et de l’Empire, émerge cette nouvelle aspiration : l’aspiration « vers le haut », suscitée par le défi de la vie nouvelle, le défi porté à l’homme par le Christ en même temps que l’espérance de la résurrection future. Le monde terrestre — le monde des puissants et des défaites de l’homme — est devenu le monde visité par le Christ de Dieu, le monde soutenu par la croix dans la perspective du futur définitif de l’homme qui est l’éternité : le règne de Dieu.

5.b> Benoît a été pour sa génération, et encore davantage pour les générations qui ont suivi, l’apôtre de ce règne et de cette aspiration. Cependant, le message qu’il a proclamé par toute sa règle de vie semblait — et semble encore aujourd’hui — quotidien, commun et presque moins « héroïque » que celui que les apôtres et les martyrs ont laissé sur les ruines de la Rome antique.

En réalité, c’est le même message de vie éternelle, révélé à l’homme dans le Christ Jésus, même s’il est prononcé dans le langage des temps désormais différents. L’Église relit toujours le même Évangile — Verbe de Dieu qui ne passe pas — dans le contexte de la réalité humaine qui change. Benoît a su interpréter avec perspicacité et de manière certaine les signes des temps de l’époque, quand il a écrit sa règle dans laquelle l’union de la prière et du travail devenait pour ceux qui l’auraient acceptée le principe de l’aspiration à l’éternité.

« Ora et labora » était pour le grand fondateur du monachisme occidental la même vérité que celle que l’apôtre proclame dans la lecture d’aujourd’hui lorsqu’il affirme avoir accepté de tout perdre pour le Christ : « Je tiens tout désormais pour désavantageux au prix du gain suréminent qu’est la connaissance du Christ Jésus mon Seigneur. Pour lui, j’ai accepté de tout perdre, je regarde tout comme déchet, afin de gagner le Christ et d’être trouvé en lui. » (
Ph 3,8-9)

En lisant les signes des temps Benoît a vu qu’il était nécessaire de réaliser le programme radicalde la sainteté évangélique, exprimée par les paroles de saint Paul, dans une forme ordinaire, dans les dimensions de la vie quotidienne de tous les hommes. Il était nécessaire que l’héroïque devint normal, quotidien, et que le normal et le quotidien deviennent héroïques. De cette manière, père des moines, législateur de la vie monastique en Occident, il est devenu également indirectement le pionnier d’une nouvelle civilisation. Partout où le travail humain conditionnait le développement de la culture, de l’économie, de la vie sociale, il lui ajoutait le programme bénédictin de l’évangélisation qui unissait le travail à la prière et la prière au travail.

Il faut admirer la simplicité de ce programme et, en même temps, son universalité. On peut dire que ce programme a contribué à la christianisation des nouveaux peuples du continent européen et, en même temps, il s’est trouvé également à la base de leur histoire nationale, d’une histoire qui compte plus d’un millénaire.

De cette manière, saint Benoît est devenu le patron de l’Europe au cours des siècles : bien avant qu’il le soit proclamé par le Pape Paul VI.

6. Il est le patron de l’Europe en notre époque. Il l’est non seulement en considération de ses mérites particuliers envers ce continent, envers son histoire et sa civilisation. Il l’est aussi en considération de la nouvelle actualité de sa figure à l’égard de l’Europe contemporaine.

On peut détacher le travail de la prière et en faire l’unique dimension de l’existence humaine. L’époque d’aujourd’hui porte en elle cette tendance. Elle se différencie de celle de Benoît de Nursie parce qu’alors l’Occident regardait derrière lui en s’inspirant de la grande tradition de Rome et du monde antique. Aujourd’hui, l’Europe a derrière elle la terrible Seconde Guerre mondiale et les changements importants qui ont suivi sur la carte du globe et qui ont limité la domination de l’Occident sur d’autres continents. L’Europe, dans un certain sens, est retournée à l’intérieur de ses frontières.

Cependant, ce qui est derrière nous ne constitue pas l’objet principal de l’attention et de l’inquiétude des hommes et des peuples. Cet objet ne cesse d’être ce qui est devant nous.

Vers quoi chemine l’humanité entière liée par les multiples liens des problèmes et des dépendances réciproques qui s’étendent à tous les peuples et à tous les continents ?

178 Vers quoi chemine notre continent et en lui tous ses peuples et ses traditions qui décident de la vie et de l’histoire de tant de pays et de nations ?

Vers quoi chemine l’homme ?

La société et les hommes au cours de ces quinze siècles qui nous séparent de la naissance de saint Benoît de Nursie sont devenus les héritiers d’une grande civilisation, les héritiers de ses victoires mais aussi de ses défaites, de ses lumières mais aussi de ses obscurités.

On a l’impression d’une priorité de l’économie sur la morale, d’une priorité du temporel sur le spirituel.

D’une part, l’orientation presque exclusive vers la consommation des biens matériels enlève à la vie humaine son sens le plus profond. D’autre part, le travail est devenu, dans de nombreux cas, une contrainte aliénante pour l’homme, soumis aux collectifs, et il se détache, presque malgré lui, de la prière, enlevant à la vie humaine sa dimension transcendante.

Parmi les conséquences négatives d’un semblable barrage aux valeurs transcendantes, il y en a une qui est aujourd’hui préoccupante d’une manière particulière : elle consiste dans le climat toujours plus diffus des tensions sociales qui, si fréquemment, dégénèrent en épisodes absurdes de violence terroriste et atroce. L’opinion publique en est profondément secouée et troublée. Seul le recouvrement de la conscience de la dimension transcendante du destin humain peut concilier l’engagement pour la justice et le respect pour le caractère sacré de chaque vie humaine innocente. C’est pour cela que l’Église italienne se recueille aujourd’hui dans une prière particulière et pleine de tristesse.

On ne peut pas vivre pour l’avenir sans comprendre que le sens de la vie est plus grand que celui du temporel, que ce sens est au-dessus de ce temporel. Si la société et les hommes de notre continent ont perdu l’intérêt pour ce sens, ils doivent le retrouver. Peuvent-ils, dans ce but, revenir quinze siècles en arrière ? Au temps où naquit saint Benoît de Nursie ?

Non, ils ne le peuvent pas. Le sens de la vie, ils doivent le retrouver dans le contexte de notre temps Ce n’est pas possible autrement. Ils ne doivent pas et ils ne peuvent pas retourner au temps de Benoit, mais ils doivent retrouver le sens de l’existence humaine tel qu’il était vécu par Benoît. C’est seulement alors qu’ils vivront pour l’avenir. Ils travailleront pour l’avenir. Ils mourront dans la perspective de l’éternité.

Si mon prédécesseur Paul VI a appelé saint Benoît de Nursie le patron de l’Europe, c’est parce qu’il pouvait aider à ce sujet l’Église et les nations d’Europe. Je souhaite de tout coeur que ce pèlerinage d’aujourd’hui sur les lieux de sa naissance puisse servir à cette cause.


24 mars 1980, Messe d'ouverture du Synode des évêques ukrainiens

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Chapelle Sixtine
Lundi 24 mars 1980


C’est avec une grande joie que, dans l’acte suprême de la communion au Christ qui dans l’Eucharistie, fait l’unité dans la charité et dans le sacrement « exprime et réalise l’unité de l’Église » (Décret U.R., 2), j’adresse mon salut le plus affectueux à vous tous qui, avec mon vénéré frère le cardinal Josyf Slipyj archevêque majeur de Lvov, êtes venus de différentes parties du monde où se trouvent dispersés vos fidèles, pour la célébration de ce Synode.

Votre provenance d’origine ne peut pas ne pas rappeler à mon esprit le voisinage particulier de votre peuple glorieux avec mon peuple d’origine. Comment pourrais-je ne pas me féliciter avec vous du fait que, avec vos fidèles, vous avez été trouvés dignes « de souffrir des outrages pour le nom de Jésus » (cf. Ac
Ac 5,41), précisément pour votre fidélité à Jésus-Christ, à l’Église, à ce siège de Pierre.

1. C’est précisément vers ce siège de Pierre que vous vous êtes tournés, l’esprit et le coeur pleins de confiance, quand vous avez été convoqués pour votre Synode que j’ai voulu célébrer avec vous. Vous pouvez être sûrs que l’humble Successeur de Pierre, à chaque occasion comme dans cette rencontre fraternelle de joie, n’a qu’un unique désir : celui d’être, comme l’a dit le Concile Vatican II, « le principe perpétuel et visible et le fondement de l’unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles » (LG 23). Ma tâche la plus sacrée correspond à ce que Lumen gentium affirme au sujet de la fonction de la chaire de Pierre : « Elle préside au rassemblement universel de la charité, garantit les légitimes diversités, et veille en même temps à ce que, loin de porter préjudice à l’unité, les particularités, au contraire, lui soient profitables. » (N° 13.) « Que tous soient un »

Cette unité, testament d’amour et voeu suprême du Christ dans sa grande prière sacerdotale (cf. Jn 17, 11, 21, 23), constitue certainement la préoccupation la plus profonde de nos esprits quand nous nous arrêtons pour considérer le mystère de l’Église dans le monde. Il s’agit d’une préoccupation qui, malgré la souffrance profonde lorsque nous contemplons la division du vêtement sans couture du corps du Christ, se fait en même temps prière incessante qui nous unit à l’invocation du Christ pour l’unité, qui se transforme également en action sage et courageuse pour que, dans le plein respect de l’option libre de chacun, on puisse recomposer dans l’Église « l’esprit d’unité dans le lien de la paix » comme il convient à ceux qui sont appelés à la grande et unique espérance qu’est Jésus-Christ.

C’est l’unité que reflète le mystère de cette vie pour laquelle, dans le Christ, nous tous nous sommes « un seul corps et un seul esprit » dans la réalité d’ « un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous qui règne sur tous, agit par tous et demeure en tous » (cf. Ep 4,3-6). La diversité multiple des ministères, exprimée également par la pluralité des dons, est orientée « vers l’édification du corps du Christ, jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité de la foi » (ibid., 13).

Ce « parvenir » fait partie de notre humble service. Comme pasteur du Peuple de Dieu nous sommes tous engagés pour faire tout ce qui dépend de nous afin que la charité réalise dans le Christ l’unité de son Église. C’est le grand idéal qui doit nous rendre éveillés, attentifs, actifs et courageux pour que s’accomplisse ce que Jésus, Pasteur suprême, a invoqué : « Que tous soient un. » Notre Synode, fondamentalement, à quoi vise-t-il si ce n’est à cela ?

2. Le « mysterium fidei » que nous célébrons autour de l’autel, manifeste et réalise d’une manière tout à fait spéciale cette unité que nous invoquons avec le Christ et pour laquelle nous travaillons.

De manière certaine, « par le sacrement du pain eucharistique, est représentée et réalisée l’unité des fidèles qui dans le Christ forme un seul corps » (LG 3 cf LG 11). Cette admirable unité n’est pas vue simplement dans le lien matériel qui lie les fidèles à la table unique mais dans la communion profonde avec le Christ « notre pâque » (1Co 5,7). Jésus-Christ, rédempteur de l’homme est le principe de la nouvelle unité de tous lés hommes. « En Jésus-Christ vous qui jadis étiez loin, nous avez été rendus proches par le sang du Christ. » (cf. Ep 2,13 ) C’est précisément le « mémorial » du Seigneur par excellence l’Eucharistie, qui actualise le mystère de grâce scellé fondamentalement lorsque le Christ a offert sur la croix la réconciliation déjà signée dans la dernière Cène.

Celui qui est « notre paix », lorsque « son corps a été livré » à la mort et offert à ses disciples lors de la dernière Cène, sanctionnait l’unité que tous les hommes sont appelés à avoir en lui. C’est alors que tombe le mur des divisions créé par le péché, que disparaît l’inimitié, que se trouvent établies la paix et la réconciliation et que se trouve constitué « l’homme nouveau » (cf. Ep 2,14-16). Le mystère du corps immolé et du sang versé pour la construction de l’unité vit ici dans l’Eucharistie. Ici se consume la « Nouvelle et Éternelle Alliance » qui renouvelle et raffermit notre union avec lui. Ici cette union devient éternelle « transfusion » de vie qui réalise le plus grand idéal chrétien, celui de vivre pour Dieu : « Celui qui me mange vivra par moi. » (Jn 6,58)

Vivre par le Christ, c’est vivre par Dieu ; c’est tendre à la gloire du Père, c’est réaliser la communion de prière éternelle avec le Père qui favorise l’action intime de l’Esprit qui élève vers lui (cf. Rm 8, 15, Ga 4,6), c’est considérer la volonté du Père comme notre nourriture dans l’accomplissement fidèle des oeuvres qu’il nous a confiées (cf. Jn 4,34) ; c’est être parfait comme le Père est parfait dans le don de l’amour miséricordieux à tous les frères (cf. Mt Mt 5,252). Ainsi à travers l’Eucharistie et par le moyen de l’Eucharistie, « source et sommet de toute la vie chrétienne » (LG 11), la vie divine atteint sa plénitude dans l’homme. Elle atteint la plénitude de la communion avec le Père dans l’Esprit par le moyen du Christ prêtre et victime pain de vie, plénitude qui se répand en don de charité, communion de grâce, réalité de « communication » entre les frères.

La véritable et profonde unité entre les hommes naît d’une manière privilégiée dans l’Eucharistie. En elle notre Sauveur offre à l’Église, son épouse, le mémorial de sa mort et de sa résurrection comme sacrement de piété, signe d’unité, lien de la charité, selon les paroles connues de saint Augustin, que le Saint Concile a prises à son compte (n° 47). Dans l’Eucharistie, dans l’expérience la plus vive du Christ qui « nous a aimés et qui s’est livré lui-même pour nous en offrande et victime » (Ep 5,2), nous apprenons à « marcher dans l’amour » (ibid.) ou mieux, nous sommes rendus profondément aptes pour la vie du Christ qui devient notre vie, nous sommes rendus capables d’imiter Dieu comme « des fils très chers » (ibid. 1). Dans la participation à l’Eucharistie, « en mangeant le pain unique et en buvant au calice unique » (cf. 1Co 1Co 10,17), nous réalisons, dans le Christ, la communion qui nous permet d’être « un seul coeur et une seule âme » (cf. Ac Ac 4,32) et d’être disponibles pour aimer comme a aimé le Christ (cf. Jn13, 34), jusqu’à être prêts à souffrir et à donner notre vie pour nos frères (cf. Jn 15,13).

180 Si nous regardons l’histoire de notre Église histoire qui a été réellement vécue par quelques-uns d’entre vous, on peut dire avec assurance que la force de la foi, qui devient amour et don pour ses frères jusqu’au martyre, est une expérience qui naît de l’Eucharistie. En elle, votre Église a trouvé la source de l’héroïsme ; pour elle, votre amour s’est exprimé dans la « confession » qui a raffermi l’unité des pasteurs et des fidèles.

3. « Puisqu’il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps, car tous nous participons à cet unique pain. » (
1Co 10,17) Cette superbe unité se trouve réalisée de manière tout à fait remarquable dans cette célébration qui inaugure les assises de grâce et d’amour qu’est le Synode de votre Église.

Vous êtes ici unis à Pierre « par la communion de la charité fraternelle et le souci de la mission universelle confiée aux apôtres » (Christus Dominus CD 36). C’est dans cette Eucharistie que nous sommes en train de célébrer, que nous puisons l’esprit nécessaire qui, pendant qu’elle nous lie par le Christ à Dieu dans l’unique amour de l’Esprit-Saint, nous dilate en même temps le coeur à la sensibilité profonde et authentique de l’intérêt, de la sollicitude et du don de la charité apostolique.

Le désir profond que le Synode se célèbre auprès de la Chaire de Pierre n’a pas d’autre but que de mettre en lumière « l’unité que nous avons reçue des apôtres : l’unité collégiale » Or, comme je l’ai souligné dans la lettre que j’ai adressée à tous les évêques le premier dimanche de Carême de cette année sur le mystère et sur le culte de l’Eucharistie, « cette unité est née, dans un certain sens, à la table du Seigneur, le Jeudi saint » (p. III). En effet c’est au Cénacle, à la table du Seigneur, que les apôtres ont reçu le pouvoir qui assure, par la célébration de l’Eucharistie, la « consommation » de la vie et la communion avec Dieu et avec nos frères, en établissant l’unité dont l’Église vit et dont elle doit être le signe et le sacrement dans le monde. C’est également au Cénacle, au banquet de la Cène eucharistique que Jésus a prié pour l’unité des « siens », de ses apôtres dont nous portons, pour le salut du monde entier, le poids et l’honneur de la grâce et du pouvoir.

Ces journées de grâce, qui commencent par la célébration commune de l’Eucharistie, doivent pour cela se transformer en une expérience particulière d’unité, de concorde et de collaboration. Grâce à l’Eucharistie, « nous sommes tous un seul corps » comme je le disais, il y a quelques instants avec les paroles de saint Paul. Nous sommes le corps du Christ ! Unis à toute l’Église du Seigneur Jésus, avec le regard tourné vers lui notre chef, notre maître et notre rédempteur, et, en même temps, avec le coeur qui palpite avec tous nos frères, spécialement avec les fidèles de votre Église, nous devons donner, par notre union profonde, le témoignage qui pousse le monde à croire (cf. Jn 17,21) Mais que croire ? Croire que nous avons foi au Christ, croire que nous sommes dominés par son amour, croire que notre adhésion à l’Évangile est inébranlable croire qu’au-dessus de chaque réalité humaine, nous sommes convaincus de la primauté de Dieu et de son action, croire que nous aimons vraiment Dieu et que, par cet amour, nous aimons le monde et tous les hommes pour qui nous sommes disposés à offrir avec joie notre ministère empressé, diligent, quotidien et total, jusqu’à la mort et la mort sur la croix, s’il le faut.

C’est ce qui naît dans notre esprit au contact du mystère eucharistique et nous en expérimentons la grâce au début de notre Synode. Réunis au Cénacle, nous ne nous sentons pas isolés des frères pour lesquels nous sommes réunis. Ils sont avec nous, spécialement dans cette célébration eucharistique. Ils prient avec nous et pour nous. Avec nous et pour nous, ils invoquent la plénitude de l’Esprit-Saint. Avec nous et pour nous, ils implorent cette unité de l’esprit par le lien de la paix qui nous aide à voir les besoins de leur Église, les urgences les plus vives et qui, en même temps, nous donne la force et le courage pour leur porter l’aide qu’il leur faut. C’est seulement ainsi que ce Synode, expression typique de l’unité de l’Église, sera un printemps de l’Esprit-Saint pour nous et pour la chère Église ukrainienne qui, par nous, est ici présente. Des siècles d’histoire, de lutte et de martyrs, manifestations de foi et d’ardeur évangélique, zèle pour l’annonce de l’Évangile en communion avec l’Église universelle et avec Pierre, sont présents ici en ce moment de manière extraordinaire. Que cette présence spirituelle, mais vraie, profonde et vive, soutienne notre travail, en nous renouvelant tous dans l’esprit des apôtres pour le bien de nos frères.

L’expérience du Cénacle ne refléterait pas le moment de grâce de l’effusion de l’Esprit si elle n’avait pas la grâce et la joie de la présence de Marie. « Avec Marie, mère de Jésus » (Ac 1,14) lit-on à propos du grand moment de la Pentecôte. C’est ce moment que nous voulons expérimenter et renouveler. Pour cela, avec la très riche tradition mariale de votre Église, nous nous unissons à la Vierge bénie. Mère de l’amour et de l’unité, qu’elle nous lie profondément car comme la première communauté qui est née au Cénacle, nous sommes « un seul coeur et une seule âme ». « Mère de l’unité » dans le sein de laquelle le Fils de Dieu s’est uni à l’humanité, en inaugurant mystiquement l’union conjugale du Seigneur avec tous les hommes, qu’elle nous aide à être « un » et à devenir des instruments d’unité parmi nos fidèles et parmi tous les hommes.

C’est la grâce que je confie comme voeu du plus profond de mon coeur à la Vierge de l’Incarnation. Que l’humble servante du Seigneur « intercède près de son Fils jusqu’à ce que toutes les familles des peuples… soient enfin heureusement rassemblées dans la paix et dans la concorde en un seul Peuple de Dieu à la gloire de la Très Sainte Trinité » (LG 69). C’est à elle « modèle de cet amour maternel dont doivent être animés tous ceux qui travaillent à la régénération des hommes » (LG 65) que je vous confie tous, un par un, avec vos Églises et vos fidèles car par sa contemplation et avec son aide, grâce aussi à ce Synode, nous sommes vraiment les apôtres des temps nouveaux.



Homélies St Jean-Paul II 171