Homélies St Jean-Paul II 231


HOMÉLIES DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II 1981



11 janvier 1981, Séminaire Pontifical Français

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Dimanche 11 janvier 1981


Cette célébration du baptême du Seigneur Jésus nous introduit intimement dans le mystère de la personne et de la mission du Christ. Elle nous introduit par là-même dans une meilleure compréhension de notre être de chrétien, de baptisé, et plus encore de notre vocation de prêtre ou de futur prêtre.

1. Au terme de cette semaine de l’Epiphanie, c’est bien à la manifestation du Christ, à son « épiphanie », que nous assistons, lors de son baptême par Jean-Baptiste. Sur les bords du Jourdain, Jésus s’est mêlé aux pécheurs, à tous ceux qui attendaient la présence du Messie dans la pénitence.

Le Verbe fait chair, tout en étant de condition divine, ne s’est pas prévalu d’être l’égal de Dieu, mais il a pris la condition d’esclave, se faisant semblable aux hommes et se rendant obéissant [1], vivant dans la chair pour racheter ceux qui étaient sous l’emprise de la chair.

Et « les cieux s’ouvrent », dit mystérieusement saint Matthieu. Il est ainsi manifeste, pour tous ceux auxquels cet événement spirituel est alors révélé et pour ceux auxquels le récit évangélique est destiné, qu’il n’y a aucune barrière entre Dieu et Jésus, mais un contact immédiat, une union totale, un face à face, et nous croyons qu’il en est ainsi en vertu même de l’Incarnation, puisque c’est le Verbe de Dieu qui s’est fait chair.

232 Le prophète Isaïe avait soupiré après la venue de Dieu, après sa révélation plénière, en ces termes émouvants: « Ah! si tu déchirais les cieux et si tu descendais... pour faire connaître ton nom » [2]. Maintenant nous connaissons le véritable nom de Dieu, grâce au Fils. Le Père se révèle comme tel en désignant son « Fils bien aimé », en qui il a « mis tout son amour ». Il révèle le Fils. Il le présente désormais au monde, à commencer par ses disciples. « C’est le témoignage de Dieu, le témoignage que Dieu a rendu à son Fils », dira saint Jean [3]. Nous pénétrons avec Jésus dans le véritable mystère de Dieu, celui de la Trinité sainte.

Car l’Esprit Saint est manifesté lui aussi. Il repose sur Jésus, tel une colombe, cet oiseau familier, symbole de l’amour et de la paix, qui est ici l’image du Don parfait venant des profondeurs de Dieu. Il vient exprimer le lien ineffable qui unit Jésus à son Père, et signifier aussi que Jésus va inaugurer publiquement sa mission de salut au milieu des hommes avec la puissance d’en Haut. Nous sommes alors invités à appliquer à Jésus la prophétie d’Isaïe où Dieu dit: « Voici mon Serviteur que je soutiens, mon élu en qui j’ai mis toute ma joie. J’ai fait reposer sur lui mon Esprit..., je t’ai pris par la main, et t’ai mis à part, j’ai fait de toi mon alliance avec le peuple, et la lumière des nations » [4].

Oui, adorons le Fils bien aimé dans cette « épiphanie » que les Pères et surtout l’Orient célèbrent en même temps que la manifestation aux Mages à Bethléem: il nous est manifesté, avec le ciel ouvert, au sein de la Trinité; et il nous est manifesté comme investi de sa mission pour nous.

2. Le Fils unique de Dieu vient faire de nous des fils. Le mystère de son baptême nous introduit dans le mystère de notre baptême. « Tous, nous avons eu part à sa plénitude, nous avons reçu grâce sur grâce » [5]. Nous avons été baptisés, non seulement dans l’eau, pour répondre à un besoin de purification, mais dans l’Esprit qui vient d’en Haut et qui donne la vie de Dieu. Nous avons été baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, pour entrer en communion avec eux. Les cieux se sont ouverts, en quelque sorte, pour chacun d’entre nous, par le ministère de l’Eglise, pour que nous entrions « dans la maison de Dieu », pour que nous connaissions l’adoption divine. Nous en portons l’empreinte à jamais, malgré notre faiblesse et notre indignité. Rendons grâces aujourd’hui, pour ce don de notre baptême: en nous faisant participer à la vie de Dieu, il nous fait participer au culte spirituel du Christ, à sa mission prophétique, à son service royal, qui constituent le sacerdoce commun à tous les baptisés. « Reconnais, ô chrétien, ta dignité! ». Le premier juin dernier, j’interpellais ainsi tout le peuple de France: « France, fille aînée de l’Eglise, es-tu fìdèle aux promesses de ton baptême? ». Cette question, je la pose aujourd’hui à chacun d’entre vous qui appartenez au peuple de France, tout en séjournant actuellement dans le diocèse de Rome.

3. Et rendons grâces enfin pour cet appel du Christ à partager son sacerdoce ministériel, qui nous associe si étroitement à sa mission même de « Serviteur » inaugurée à son baptême.

J’ai la grande joie précisément, aujourd’hui, de célébrer l’eucharistie dans un séminaire, de m’adresser à des prêtres et surtout à ceux qui se préparent au sacerdoce, et à leurs amis de Rome. Je n’oublie pas que vous représentez une partie des séminaristes de France – pratiquement le dixième, m’a-t-on dit – en provenance d’un grand nombre de diocèses de France.

Chers amis, réalisez-vous bien la grâce que le Seigneur vous a déjà accordée? Il a fait retentir en vous son appel à tout quitter pour le suivre, en attendant de vous conférer, lors de l’imposition des mains, son Esprit qui fera de vous ses diacres et ses prêtres. Comment vous dire la grande espérance que l’Eglise met en vous, notamment pour l’avenir de l’Eglise en France? Le cher Cardinal Marty, heureusement présent parmi nous, pourrait en témoigner mieux que quiconque. Et le Pape partage cet espoir des Evêques de France, en vous exprimant avec eux sa confiance et son affection.

A vos compagnons du séminaire d’Issy-les-Moulineaux, j’ai déjà eu l’occasion de dire ma pensée, en juin dernier, cependant que j’avais confié aux prêtres, à Notre-Dame, les encouragements et les orientations que je leur destinais. Vous n’avez sûrement pas manqué de relire ces textes, et vos directeurs savent vous orienter vers l’essentiel. Je me contenterai donc de quelques points.

4. Vous faites ici l’apprentissage de serviteurs du Christ, qui nécessite une longue maturation spirituelle, intellectuelle et pastorale. C’est un peu l’expérience des Apôtres que le Seigneur s’est associés après son baptême.

Il vous faut d’abord entrer chaque jour davantage dans l’esprit du Christ, vous enraciner en lui. C’est dire à quel point vous devez vous familiariser avec sa Parole, avec l’Ecriture, la méditer; fréquenter le Seigneur dans l’intimité de la prière – rien ne remplacera l’oraison personnelle sans laquelle notre vie sacerdotale se dessécherait –; apprendre à prier ensemble et à avoir des échanges spirituels en toute simplicité; célébrer le Seigneur dans une liturgie digne et vivante, comme le permettent le Concile et la réforme bien comprise de Paul VI; vous associer au Sacrifice du Christ qui sera le sommet et le centre de votre vie sacerdotale quotidienne. Vous devez aussi profiter de l’expérience des auteurs spirituels, vous initier aux écoles de spiritualité, pour nourrir votre pensée chrétienne, orienter et fortifier votre agir chrétien, et pour acquérir l’art de guider vous-mêmes les âmes, comme je le rappelais dans ma lettre aux prêtres du Jeudi Saint 1979.

5. Vous êtes là aussi pour recevoir une solide formation doctrinale, dans les différentes branches du savoir théologique, biblique, canonique, philosophique. Je n’insiste pas, car je pense que vous en êtes bien convaincus et je crois savoir que vous y prenez bonne peine. Vous avez d’ailleurs la chance de disposer, dans cette ville de Rome, d’Universités et de Facultés remarquables, qui exigent un haut niveau d’études et de recherches: elles vous permettent de vous initier d’une façon équilibrée à toute la pensée du Magistère de l’Eglise, d’en découvrir le sens profond, de vous y attacher avec fidélité. Parfois vous ne voyez pas toujours le lien direct entre ces études et le ministère qui vous sera demandé, je pense par exemple aux bases de la philosophie qui a pourtant bien son importance. Mais soyez patients. Vous enrichissez votre réflexion d’éléments solides et de méthodes absolument indispensables pour vous éviter à vous-mêmes d’être emportés à tout vent de doctrine, pour être en mesure de prêcher, d’enseigner, de guider sûrement la réflexion des laïcs chrétiens dans le dédale des courants d’idées et des moeurs actuelles. Ces études romaines doivent aussi vous donner le goût et la possibilité de poursuivre votre travail intellectuel tout au long de votre vie. Vous serez certainement appelés à des ministères diversifiés, que vous ne pouvez pas prévoir et qu’il ne vous appartient pas de choisir, mais qui exigeront tous de vous une formation solide et qualifiée. Personnellement, comme archevêque de Cracovie et professeur à Lublin, j’ai toujours insisté sur ces études approfondies. Elles demandent certes quelques sacrifices. Mais elles préparent sûrement l’avenir. Le problème, c’est de veiller à unifier votre vie intellectuelle et votre vie spirituelle.

233 6. Enfin, tout ce que vous faites, c’est pour vous préparer à la vie apostolique des prêtres. C’est dire l’élan qui doit vous animer pour porter l’Evangile à vos contemporains, pour les aider à l’accueillir dans une adhésion de foi qui s’avère souvent difficile, pour les entraîner à la prière comme à la réception fructueuse des sacrements, pour les éduquer aux exigences concrètes de la foi dans leurs divers engagements. Ce souci d’évangélisation a été et demeure à l’honneur d’un grand nombre de prêtres français: j’espère que vous serez de ceux-là. Non pas pour faire votre oeuvre à vous. Mais pour conduire à Jésus-Christ. Et par les chemins que veut l’Eglise. Car être prêtre, ce sera, en participant au sacerdoce unique du Christ, participer au sacerdoce de votre Evêque, et sous sa responsabilité; ce sera vous intégrer dans le presbyterium de votre diocèse, avec ardeur, confiance et humilité, pour y exercer une part de ministère, celle qu’on vous confiera et pour laquelle vous devez être très disponibles; ce sera travailler solidairement avec vos confrères, sans abdiquer aucune des exigences de l’Eglise intégrées dans votre formation. Pour l’instant, l’engagement dans vos études et le fait de ne pas être encore prêtre ne vous permettent guère de prendre en charge un apostolat, encore qu’un certain nombre apportent déjà l’aide qui leur est possible au diocèse de Rome. Mais par-dessus tout vous devez être soucieux de liens véritables et confiants avec votre propre Evêque, demeurer très humblement ouverts aux besoins spirituels auxquels demain il vous faudra répondre, aux soucis apostoliques de vos confrères français, et surtout des Evêques qui ont la responsabilité de l’évangélisation. L’apprentissage d’une vie ecclésiale doit se faire encore grâce à la qualité de votre vie communautaire, dans ce séminaire de Santa Chiara, de votre vie fraternelle, de votre aptitude à vous accepter différents et à vivre en équipes, tournés vers le même objectif: la mission de l’Eglise.

Vous vous souvenez comment Isaïe traçait tout à l’heure la figure du Serviteur: « il ne criera pas... il n’écrasera pas le roseau froissé, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit, il fera paraître le jugement en toute fidélité. Il ne faiblira pas ».Puissiez-vous demain être ces pasteurs intrépides, à la fois fermes et miséricordieux. Et aussi susciter d’autres candidats au sacerdoce. Ah! chers jeunes, votre prière, votre exemple, votre dynamisme au service de l’Eglise, votre joie de servir le Christ peuvent tellement pour obtenir de Dieu les vocations dont l’Eglise en général, dont l’Eglise en France, a un besoin vital!

Enfin, est-il nécessaire d’ajouter qu’ici, à Rome, vous avez la chance de pouvoir joindre à ce sens pastoral, à l’amour de votre Eglise locale, l’ouverture à d’autres Eglises locales dont vous côtoyez ici les membres, et la préoccupation de leur nécessaire unité dans l’Eglise universelle, en communion avec le Pape? Je suis sûr que vous garderez très fort cet attachement à Rome, au Successeur de Pierre, et que vous aiderez toujours vos communautés chrétiennes à en vivre, afin que leur croissance s’opère dans la fidélité de la foi et dans l’harmonie de tout le Corps du Christ.

7. Chers amis, cette formation sera le fruit d’efforts persévérants que je tenais à encourager. Vous les accomplirez avec l’aide de vos directeurs et professeurs de cette maison, de vos conseillers spirituels. Je tiens à les remercier vivement de leur concours, et à rendre hommage à la Congrégation des Pères Spiritains pour l’animation de ce Séminaire pontifical depuis sa fondation.

Sur la voie du sacerdoce, l’âme de votre progrès sera finalement l’Esprit Saint, celui qui a reposé sur Jésus à son baptême et l’a entraîné dans sa mission. Nous allons prier cet Esprit Saint pour vous. Vous le ferez aussi pour moi. Et cela, toujours en union avec la Très Sainte Vierge, si disponible précisément à l’Esprit Saint, Marie Immaculée, à laquelle est consacrée votre maison, et que vous regardez à juste titre comme « Tutela domus ».Elle vous conduit sûrement à Jésus, au Sauveur, pour que vous deveniez, comme prêtres, les serviteurs de son amour. Amen.

[1] Cfr. Phil. 2, 4-8.

[2] Is. 63, 19?64, 1.

[3] 1 Io. 5, 9.

[4] Is. 42, 1-6.

[5] Io. 1, 16.



31 mars 1981, Messe pour les étudiantes de l'Institut technique Saint Vincent de Paoli

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Mardi, 31 mars 1981

Bien chères jeunes,

Cette semaine vécue à Rome est certainement la réalisation d’un rêve de votre coeur. Vous aviez hâte de mettre vos pas dans les pas des Apôtres Pierre et Paul, des premiers chrétiens, de tant de saints et saintes et de pèlerins venus, comme vous, aux sources de la Foi. Je vous félicite d’avoir non seulement rêvé mais parfaitement préparé ce pèlerinage qui marquera votre vie, et même d’avoir réussi à obtenir que le Pape préside cette eucharistie.

En ce quatrième mardi de Carême, la liturgie de la Parole a une tonalité tout à fait baptismale. La vision d’Ézéchiel comme le miracle de la piscine de Bézatha – si évocateurs pour les catéchumènes de l’Église antique – sont également capables de résonner très fort en chacune d’entre vous.

D’autant plus, que pendant des mois et en écho à l’interrogation que j’adressais l’an dernier aux catholiques de votre pays: “ France, Fille aînée de l’Église, es-tu fidèle à ton baptême? ”, vous avez approfondi le formidable mystère de votre naissance à la vie de Dieu au baptistère de votre paroisse.

Chères jeunes, aimez toujours les sources transparentes et tonifiantes! Celles des forêts et des montagnes, et plus encore celles de la grâce! En esprit et vérité, traversez souvent le fleuve d’eau dont parle Ézéchiel et plongez mystérieusement dans la piscine de votre baptême. Cette eau symbolise réellement et efficacement le Christ, Vie et Lumière des hommes. De tous les hommes – qui du fait de leurs limites et de leurs péchés – ont besoin du Christ pour résoudre leurs problèmes de claire vision de la vérité, de judicieuse orientation de leur vie, d’engagement au service de leurs frères en détresse morale ou matérielle. Tout à l’heure, vous allez renouveler les promesses de votre baptême. Geste combien signifiant et émouvant! Je prierai avec ferveur pour qu’il porte tous ses fruits en vous et autour de vous!






HOMÉLIES DU SAINT PERE JEAN-PAUL II 1982





25 janvier 1982, Homélie à la basilique de Saint-Paul-hors-les- Murs

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Prière et unité des chrétiens

Le 25 janvier le Pape a présidé une concélébration solennelle à la basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs pour la clôture de la Semaine de l'Unité. Voici l'homélie qu'il a prononcée (1) :



(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 27 janvier. Traduction, titre, sous-titres et notes de la DC.





« Je suis Jésus de Nazareth que tu persécutes. »

CHERS FRÈRES ET SOEURS !

1. En cette solennité de la « conversion de saint Paul » qui nous réunit aujourd'hui précisément dans la basilique qui a été construite pour rappeler le témoignage du sang donné par le grand apôtre au Christ Jésus par qui il avait été « conquis » (cf. Ph
Ph 3,12), je désire avant tout adresser mon affectueuse salutation à tous ceux qui sont présents : les représentants de la Curie romaine et du vicariat de Rome, les moines de l'abbaye de Saint-Paul, du collège international de Saint-Anselme et des autres communautés monastiques de Rome, les fidèles du nouveau territoire confie au soin pastoral de l'abbaye « nullius » de Saint-Paul et de la paroisse Saint-Paul, les groupes engagés dans l'oecuménisme et tous les fidèles de mon diocèse bien-aimé de Rome. Je salue avec une affection spéciale ceux qui représentent à Rome les Églises et les communautés non catholiques.

Nous célébrons aujourd'hui l'apparition de Jésus ressuscité à Saul de Tarse, apparition qui a été une révélation du mystère de l'Église, qui a amené Saul à la conversion et lui a conféré une mission d'une importance unique pour l'avenir de l'Église.

« Je suis Jésus de Nazareth que tu persécutes. » (Ac 22,8). Comme nous le savons, Saul allait à Damas, plein de zèle pour la loi de Dieu, avec la mission de persécuter ceux qui suivaient la voie de Jésus. Dans un moment de révélation aveuglante — la révélation a été littéralement aveuglante

— il a rencontré le Seigneur ressuscité et il a entendu sa voix : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu? » Avec humilité, il a demandé : « Qui es-tu, Seigneur? » (Ac 9,4 s.) et, dans la réponse du Seigneur, il a compris le mystère de la pleine unité du Christ et de ses membres : « Je suis Jésus que tu persécutes. » C'est là un enseignement que Paul aura ensuite donné chaque fois qu'il a proclamé l'Église comme corps du Christ et lorsqu'il disait aux chrétiens : « Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ car tous vous êtes un dans le Christ Jésus. » (Ga 3,26 s.)

Le persécuteur a répondu par la foi à cette révélation. À son arrivée à Damas, il a été reçu et baptisé par Ananie « et aussitôt il tomba de ses yeux comme des écailles » (Ac 9,18) et le fait de recouvrer la vue a été un symbole de la nouvelle vision spirituelle qu'il avait acquise. Le persécuteur est devenu un apôtre. Cette révélation a suffi pour convertir Paul au service persévérant de son Seigneur et à la proclamation fidèle que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu (cf. Ac

9, 20-22). Lorsque les premiers chrétiens ont entendu parler de la conversion de Saul, ils ont glorifié Dieu : « Celui qui nous persécutait naguère annonce maintenant la foi qu'il détruisait alors. » (Ga 1,23)

La vocation de Paul

2. Frères et soeurs, nous aussi qui sommes réunis ce soir dans cette basilique dédiée à l'Apôtre des Gentils nous devons glorifier Dieu dont la grâce a triomphé dans cet homme de manière incomparable, ce qui a été une bénédiction pour l'Église à travers les siècles.

« En tout dernier lieu, il m'est aussi apparu, à moi, l'avorton. Mais ce que je suis, je le dois à la grâce de Dieu et sa grâce à mon égard n'a pas été vaine. » (1Co 15,8-10)

Mais nous ne devons pas oublier tout ce que cela a coûté à Paul. Sa vocation n'a pas été une vocation facile. Tout d'abord, beaucoup de chrétiens ont eu peur de lui et ils ne croyaient qu'il fût un vrai disciple (cf. Ac Ac 9,26). Ensuite, il a dû s'enorgueillir des souffrances supportées et des faiblesses expérimentées car ce fut à travers elles que s'est manifestée la glorieuse puissance de Dieu (cf. 2Co 11,21 2Co 12,10). Sa conversion sur la route de Damas a été immédiate et radicale mais il a dû la vivre dans la foi et dans la persévérance durant les longues années de son apostolat. À partir de ce moment, sa vie a dû être une incessante conversion, un renouveau continuel. « L'homme intérieur se renouvelle de jour en jour. » (2Co 4,16) Cette conversion persévérante et continuelle a été l'effet de la grâce suprême et gratuite de Dieu qui s'est manifestée dans la puissance du Seigneur ressuscité. En contemplant ce miracle de la puissance du Seigneur ressuscité, notre première attitude doit donc être celle d'une humble adoration de Celui à qui a été donné tout pouvoir au ciel et sur terre (cf. Mt Mt 28,18).

La mission de Paul

3. Paul, cependant, n'a pas pu s'arrêter à la contemplation de la vision reçue. Le Seigneur lui a dit : « Courage, relève- toi et entre dans la ville et l'on te dira ce que tu dois faire » (Ac 9,6) ; tout comme il avait dit aux apôtres, avant l'Ascension : « Mais vous, restez à Jérusalem jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la puissance du Très-Haut. » (Lc 24,49) Quand Dieu appelle, quand Dieu convertit, il donne aussi une mission. La mission reçue par Paul a été celle d'être « témoin devant tous les hommes » des choses qu'il avait vues et entendues (cf. Ac Ac 22,15). Paul a ainsi reçu du Christ ressuscité le même commandement que tous les apôtres : « Allez dans le monde entier et prêchez l'Évangile à toute créature. » (Mc 16,15)

Mais dans cette mission spécifique de Paul, le Christ révélait et réalisait de manière particulière la mission de l'Église à l'égard de toutes les nations qui est d'être vraiment universelle, vraiment catholique, « témoin devant tous les hommes ». La mission de Paul a eu des effets incalculables pour tout le travail de l'évangélisation et pour l'universalité de l'Église. Le Pape Paul VI, en parlant dans cette basilique aux observateurs des autres Églises et communautés ecclésiales lors d'une rencontre de prière pour l'unité, vers la fin du Concile Vatican II, a pu dire qu'il voyait dans saint Paul « l'apôtre de l'oecuménicité » (alloc. du 4 décembre 1965 : Is 58, 1966, p. 63) (2).

Le mystère de la conversion et de la mission de ce grand apôtre contient des éléments sur lesquels nous pourrions méditer longuement. Mais il y en a un en particulier que je désire proposer à votre méditation ce soir, en cette célébration du sacrement de l'unité, pour clôturer cette semaine de prière, prière que nous avons élevée en union spirituelle avec les chrétiens de toutes les parties du monde.

La communion dont nous faisons déjà l'expérience et la pleine communion pour laquelle nous prions, sont des signes de la puissance du Seigneur ressuscité et des miracles que sa grâce peut encore opérer. Dans cette puissance du Seigneur ressuscité se trouve la source de notre incroyable espérance. Et c'est surtout avec une note d'espérance que je veux clôturer cette semaine de prière.

L'espérance de l'unité

4. Cette espérance doit s'exprimer avec une certaine audace, spécialement dans la prière de l'Église de Rome et de son Évêque, comme de tous ceux qui sont chargés de m'aider dans mon ministère pour l'Église universelle et son unité. Cette Église qui a été « fondée et établie par deux apôtres très glorieux, Pierre et Paul (S. Irénée, Adversus haereses, III, 3, 2 : ), doit garantir que la fidélité de son service pour l'unité va de pair avec l'intensité et la confiance de sa prière pour l'unité. Elle doit être l'écho humble et sincère de la prière de son Seigneur « pour que tous soient un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'ils soient un eux aussi en nous. » (Jn 17,21).

En nous associant ainsi à cette prière du Christ nous nous associons aussi à tant de chrétiens qui, dans le monde entier, malgré les divisions, s'unissent au Christ pour demander la grande grâce de cette unité qu'il désire si ardemment et que sa puissance seule peut réaliser.

Cette Semaine de prière, grâce à Dieu, est devenue pour beaucoup de chrétiens une réalité acquise, une occasion où, bien que divisés, ils s'agenouillent ensemble devant le Père commun pour demander le don de l'unité par l'intermédiaire de l'unique Christ et de l'unique Esprit. Le fait que les chrétiens prient ensemble de cette manière est déjà en soi une grâce et une garantie des grâces futures et le signe d'une espérance certaine.

Il y a déjà soixante-quinze ans que cette pratique a été introduite par le fondateur des Fransciscains de « l'Atonement » (3), avec l'encouragement du Pape.

Ensuite, sous l'influence d'hommes qui se sont consacrés à la cause de l'oecuménisme, comme l'abbé Couturier, la Semaine de prière a eu un grand développement et, plus récemment, par la collaboration entre le Secrétariat pour l'Unité des chrétiens et le Conseil oecuménique des Églises, elle a pris la forme universelle actuelle. Par lui-même, ce développement est un indice de l'essor général de la recherche commune de l'unité qui doit être toujours accompagnée de la prière et soutenue par elle.



(2) DC, 1965, n° 1461, col. 2162.





Quelques événements oecuméniques

5. Il est certainement significatif que l'Évêque de Rome clôture cette Semaine de prière dans cette basilique qui, avec le monastère adjacent, est un centre de prière intense qui a vu différentes initiatives de caractère oecuménique. C'est précisément ici, il y a vingt-trois ans, que le Pape Jean XXIII a annoncé aux cardinaux son projet de convoquer un Concile oecuménique, Concile qui voulait être une « invitation renouvelée aux fidèles des communautés séparées à nous suivre, elles aussi, aimablement, dans cette recherche d'unité et de grâce à laquelle tant d'âmes aspirent de tous les points de la terre » (AAS 51, 1959, p. 69) (4). C'est précisément ici, presque sept ans après que le Pape Paul VI, les Pères conciliaires et les observateurs se sont réunis pour prier pour l'unité quelques jours avant la clôture du même Concile Vatican II. En s'adressant aux observateurs, le Pape a dit : « Nous avons de nouveau commencé à nous aimer. » (Alloc. du 4 décembre 1965 : AAS 58, 1966.) (5) C'est précisément ici, quelques mois plus tard, que le même grand Pontife a embrassé l'archevêque Ramsey de Canterbury et qu'il a prié avec lui, lors de cet événement historique de la première rencontre officielle entre l'Évêque de Rome et le président de la Communion anglicane (6). Le souvenir de cet événement est pour moi particulièrement émouvant tandis que je suis en train de préparer ma prochaine visite en Grande-Bretagne pour confirmer mes frères dans l'épisco- pat et les fils et les filles des diocèses de cette terre. Une visite qui aura aussi des conséquences oecuméniques à travers la rencontre prévue avec l'archevêque de Canterbury, le Dr Runcie. Pour cela je demande la bénédiction de Dieu de manière spéciale en ce moment ou, après onze ans de travail, la Commission mixte internationale de dialogue entre l'Église catholique et la Communion anglicane a soumis un rapport important aux autorités respectives.

(3) « Les Franciscains de l'Union ou Friars of the Atonement est une congrégation qui doit son origine à un clergyman épiscopalien, Lewis Thomas Wattson, qui voulut fonder dans la Communion anglicane un ordre religieux analogue à celui des Paulistes américains et basé sur la spiritualité franciscaine, destiné à prier et à travailler par la parole et par la plume à la réunion des chrétiens. Dès 1893, Wattson avait trouvé en lisant saint Paul le nom de sa future congrégation, Atonement (qui évoque à la fois l'expiation et, par un certain jeu de mots, l'effort vers l'unité : at-onement). Pie X approuva dès 1909 l'octave de prière pour l'unité des chrétiens que le fondateur de la congrégation, qui avait pris le nom de P. Paul, avait instituée en 1908 et à la propagation de laquelle ses religieux se sont particulièrement appliqués. » (R. Aubert, Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastiques, tome XVIII, Col 652-653).

Si nous voulons avoir une part prééminente dans la prière pour l'unité, nous devons être disposés à assumer aussi une part prééminente dans le travail. Comme pour saint Paul et avec la même espérance qu'il avait dans la puissance de Dieu, la conversion doit être également persévérante en nous. À travers notre conversion et notre renouveau, individuels et collectifs, nous servons déjà l'oecuménisme (cf. Unitatis redintegratio, UR 6-7). Mais je voudrais ajouter qu'à son tour, notre travail pour l'unité favorise ce renouveau. En effet, quand nous nous engageons dans un vrai dialogue avec nos frères dans une commune fidélité à l'Évangile, les uns et les autres, nous nous regardons en lui en nous encourageant mutuellement à une plus grande fidélité. Que tous puissent mettre en pratique les paroles de saint Paul : « Réconfortez-vous mutuellement et édifiez-vous l'un l'autre. » (1Tm 5,11)

(4) DC, 1959, n° 1300, col. 388.
(5) DC, 1965, n° 1461, col. 2162.
(6) DC, 1966, n° 1469, col. 680-684.



Les exigences du baptême

6. À l'exemple de saint Paul, nous devons, en outre, nous aussi, nous consacrer à la mission de l'Église qui est d'annoncer l'Évangile à toutes les créatures, chacun selon sa propre vocation.

Annoncer l'Évangile est une obligation qui découle déjà de la réalité du baptême. Le baptême unique oblige donc tous les chrétiens à collaborer, autant qu'il est possible, à l'accomplissement de ce devoir et, en particulier, à témoigner ensemble que Jésus est le Fils de Dieu (cf. Ac Ac 9,20). Dieu, auteur de la vérité, voudra certainement prendre en considération ces efforts et, comme notre engagement à donner ce témoignage est un stimulant pour l'oecuménisme, ainsi l'oecuménisme, à son tour, rendra plus efficace ce témoignage pour que le monde croie que Jésus de Nazareth est l'Envoyé du Père (cf. Jn Jn 17,21).

Chers frères et soeurs dans le Christ, ce sont là des enseignements qui proviennent de la solennité que nous célébrons aujourd'hui dans cette basilique et de la prière universelle de cette Semaine qui a eu pour thème l'invocation : « Que tous trouvent leur demeure en toi, Seigneur. » Par l'intercession puissante du grand apôtre Paul, miracle de la grâce du Seigneur ressuscité sur la faiblesse humaine, nous avons une espérance et même une certitude : Dieu nous accordera d'être fidèles à notre service de l'Église universelle et de son unité et il voudra bénir et porter à son achèvement le travail qu'il a lui-même commencé en nous. « Celui qui a commencé en vous une oeuvre excellente en poursuivra l'achèvement jusqu'au jour de Jésus-Christ » (Ph 1,6) par qui, dans l'unique Esprit arrive au Père toute gloire, maintenant et toujours. Amen.



PÈLERINAGE APOSTOLIQUE AU NIGERIA, AU BÉNIN, AU GABON ET EN GUINÉE ÉQUATORIALE (12-19 février 1982)




Le témoignage de l’Évangile à travers la justice et la paix

Homélie à Lagos 12 février 1982

Le 12 février, le Pape a entrepris un deuxième voyage pastoral en Afrique (1) au cours duquel il s'est rendu au Nigeria, au Bénin, au Gabon et en Guinée équatoriale. Parti à 10 h 20 de Rome, il est arrivé à l'aéroport de Lagos à 15 h 52. Après les cérémonies d'accueil par le président du Nigeria, le Pape s'est rendu au stade national pour célébrer une messe consacrée à la paix, à la justice et à l'unité. Voici l'homélie qu'il a prononcée au cours de cette célébration (2) :


(1) Au cours de son premier voyage qui a eu lieu du 2 au 12 mai 1980, le Pape s'était rendu au Zaïre, au Congo, au Kenya, au Ghana, en Haute-Volta et en Côte-d'lvoire (cf. DC, 1980, n° 1787, p. 501-549).
(2) Texte anglais dans l'Osservatore Romano du 14 février. Traduction, titre et sous-titres de la DC.




LOUÉ SOIT JÉSUS-CHRIST.

1. Ce m'est une grande joie d'être avec vous tous à Lagos. Je remercie Dieu pour ce jour et pour l'occasion qui m'est donnée de célébrer l'Eucharistie avec vous sur votre terre bien aimée. J'attendais cet instant avec une grande impatience et me faisais une joie de rencontrer les membres de l'Église du Nigeria. Et maintenant, je suis heureux que cette occasion me permette de mieux vous connaître, de vous parler, de vous confirmer dans la foi et de prier avec vous. Nous unissons nos voix dans l'action de grâces et la louange de la Très Sainte Trinité.

2. En ce tout début de mon pèlerinage pastoral dans votre pays, je pense d'abord au travail d'évangélisation qui a été accompli parmi vous et qui continue de se poursuivre avec fruit aujourd'hui. Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, qu'ils partagent ses dons d'unité et de justice, d'intégrité et de paix. L'origine et le fondement de l'évangélisation est l'action de salut de Dieu lui-même, l'amour salvifique du Père, du Fils et du Saint-Esprit répandu sur l'humanité tout entière. Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ a été envoyé par son Père. Le Christ à son tour a insufflé son Esprit aux apôtres et les a envoyés, ainsi que leurs successeurs, porter la Bonne Nouvelle du salut aux hommes de tout âge et de toute culture, de toute nation et de toute race. Et le rôle de l'Esprit Saint a été d'inspirer tous les efforts apostoliques et de les amener à leur achèvement. Dans l'Évangile d'aujourd'hui, Jésus en parle quand il dit : « Le Paraclet, I'Esprit-Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit. » (Jn 14,26)

3. Et c'est ainsi, au cours des siècles et conformément au profond mystère du plan de Dieu, que la Bonne Nouvelle du salut a fini par atteindre le Nigeria, parvenant d'abord au royaume du Bénin il y a près de cinq siècles. Cette prernière tentative d'évangelisation n'eut pas de suite. Il fallut attendre 1863 et l'arrivée à Lagos des missionnaires de la Société des Missions africaines pour que la propagation de la foi s'implantât durablement. Ensuite, en 1885, les Pères du Saint-Esprit atteignirent Onitsha et, un peu plus tard, la Société des Missions africaines arrivait à Lokoja et à Shendam.

Le courage et les efforts héroïques de ces premiers missionnaires vous sont bien connus. Certains d'entre eux moururent au cours des deux semaines qui suivirent leur arrivée. Les autres ont continué à prêcher le Christ avec une foi inébranlable, un amour et une détermination apostoliques à toute épreuve, car ils étaient sans cesse renouvelés et éclairés par l'Esprit Saint. Le résultat de leurs travaux est l'abondante moisson que nous voyons aujourd'hui. Ils ont semé dans les larmes et moissonné dans la joie (cf. Ps Ps 126,6). C'est grâce à leurs efforts devoués, allant de pair avec l'ouverture et la réponse génereuse de vos ancêtres, que nous sommes rassemblés ici aujourd'hui devant l'autel du Seigneur, professant notre unique foi en Dieu et rendant gloire à son saint nom.

L'acceptation de la foi chrétienne, ici au Nigeria, a vraiment été remarquable. C'est d'un coeur ardent que vous avez accueilli dans votre pays des générations de missionnaires zélés. Ils vous ont appris l'incomparable connaissance de ce Jésus, que vous avez reçu dans votre vie par la foi et le sacrement du baptême. Nourris de l'Eucharistie et de la parole de Dieu, vous avez commencé à vivre comme le Christ vous l'a enseigné. Vous avez mis votre foi en pratique dans votre vie privée et dans votre vie publique, dans vos familles et dans vos foyers, dans votre travail et dans vos loisirs. Vous avez également offert vos jeunes au Christ et à l'Église pour qu'ils deviennent prêtres, frères, religieuses et laïcs engagés. Vos catéchistes ont, avec un grand succès, animé les communautés catholiques locales, enseigné les prières, les hymnes et la doctrine aux jeunes et aux vieux et ils ont été les aides indispensables des prêtres. Les enseignants catholiques méritent une reconnaissance particulière. Dès le début ils ont fait de tels sacrifices et oeuvré avec un tel zèle, en restant toujours fidèles au Christ dans le service de l'Église ! Oui, cette nation doit beaucoup à ses fidèles enseignants. Puissent-ils ne jamais manquer dans votre pays. Leurs noms sont inscrits dans le livre de vie.

L'Église dans votre pays est maintenant largement dirigée par des évêques et des prêtres nigérians, bien que vous continuiez à réserver un accueil chaleureux à l'importante contnbution des missionnaires. Ma présence ici aujourd'hui est un hommage à vos missionnaires, ceux du passé comme ceux d'aujourd'hui, et à vous-mêmes qui avez accepté la foi et l'avez fait vôtre. Mais nous sommes surtout rassemblés ici pour célébrer le Saint-Esprit, source de vie et de vérité.

Le témoignage du chrétien

4. Le travail d'évangelisation recouvre bien des activités. Il comprend la prédication de l'Évangile, I'aide apportée aux hommes pour qu'ils croient que Jésus est le fils de Dieu, et l'administration du baptême et des autres sacrements. Un autre élément indispensable est de témoigner silencieusement du Christ dans les événements ordinaires de la vie et dans l'action menée pour la paix et la justice.

La proclamation silencieuse de l'Évangile par le témoignage chrétien dans la vie quotidienne est une manière efficace et puissante de proclamer le Christ. Saint Paul mettait l'accent sur ce point quand il exhortait les Colossiens : « Revêtez donc des sentiments de compassion, de bienveillance, d'humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous les uns les autres, et si l'un a un grief contre l'autre, pardonnez-vous mutuellement ; comme le Seigneur vous a pardonné, faites de même, vous aussi. Et par-dessus tout, revêtez l'amour : c'est le lien parfait. » (Co 3, 12-14.) Chacun peut contribuer à la mission de l'Église de cette manière. Car le témoignage exige simplement que nous vivions d'une manière authentique la foi que nous avons reçue. Cela veut dire que nous devons être attentifs aux paroles de Jésus : « Si quelqu'un m'aime, il observera ma parole. » (Jn 14,23)

Agir pour la paix et la justice représente en fait une partie importante du témoignage en faveur de l'évangile. En tant que disciples de Jésus, nous ne professons pas seulement notre foi par nos paroles, mais nous la proclamons aussi aux autres par la manière dont nous la mettons en pratique. Nous essayons, avec l'aide du Saint-Esprit, de promouvoir le royaume de Dieu et de construire une societe caractérisée par l'intégrité, l'unité, la justice et la paix. Ce pour quoi nous travaillons, ce à quoi nous aspirons est exprimé dans la prophétie d'Isaïe, que nous avons entendue dans notre première lecture : « Mon peuple s'établira dans un domaine paisible, dans des demeures sûres, tranquilles lieux de repos. » (Is 32,18)

L'action sociale et oecuménique

5. Je suis heureux de savoir qu'ici, au Nigeria, vous vous êtes efforcés de promouvoir l'évangile par un témoignage authentique et une action en faveur de la paix et de la justice. Vous, les catholiques nigérians, n'avez pas vécu coupés de la société. Vous êtes les membres à part entière de ce pays que vous aimez. Vous avez largement contribué à faire du Nigeria la grande nation qu'il est. C'est ainsi que l'Église a promu la scolarisation, et celle-ci, à son tour, a favorisé le développement global : social, culturel, politique et économique. Vous avez aussi aidé vos frères et vos soeurs en créant des programmes sanitaires, des cliniques mobiles dans les zones rurales, des maternités et des hôpitaux. Et vous n'avez pas oublié les services sociaux pour les orphelins, les vieillards, les handicapés et les pauvres. Sont également dignes d'une mention particulière les efforts que vous avez accomplis pour aider les enfants en fin de scolarité à apprendre des métiers aussi importants que la menuiserie, le tissage, le tricot, la mécanique automobile, la cordonnerie, le soin des enfants et l'entretien du ménage. Vous avez ainsi préparé de nombreux jeunes à affronter l'avenir avec des raisons d'espérer. Par ces nombreuses initiatives vous portez témoignage du Christ qui « est venu non pour être servi, mais pour servir » (Mt 20,28).

6. Vos efforts en ce qui concerne l'oecuménisme méritent aussi une mention particulière. Chaque fois que vous engagez un dialogue avec d'autres chrétiens vous travaillez à remplir le désir de Vatican II en vue de la restauration de l'unité parmi tous les chrétiens. Ce désir du Concile est une expression du désir ardent du Christ lui-même : « Que tous soient un » (Jn 17,21). Mais la prière et la pénitence apportent une contribution encore plus grande à la cause de l'unité chrétienne. La conversion des coeurs est réellement un moyen surnaturel efficace. Le Concile a voulu que nous comprenions le pouvoir de « l'oecuménisme spirituel » et ses rapports avec le don divin de l'unité : « Que les fidèles se souviennent tous qu'ils favorisent l'union des chrétiens, bien plus, qu'ils la réaliseront dans la mesure où ils s'appliqueront à vivre plus purement selon l'Évangile. » (Unitatis redintegratio, UR 7) J'approuve également vos initiatives de travail commun avec les membres d'autres religions, particulièrement les musulmans, pour promouvoir la paix, l'unité et les droits de l'homme.

7. Je me réjouis profondément que vous ayez commencé à envoyer des missionnaires dans d'autres pays, avant même d'avoir suffisamment de vignerons pour travailler votre propre vigne. Je suis heureux de savoir que vous avez des prêtres nigérians en Sierra Leone, au Liberia, dans la République populaire du Congo, en Zambie et, plus loin encore, à Grenade. Il y a un frère nigérian au Kenya, et des religieuses au Ghana, en Sierra Leone, au Liberia, au Gabon, en Angola, au Kenya et en Zambie ; des religieuses servent aussi à Turin. Un autre signe visible de votre désir de transmettre la foi est la création en 1977 de votre séminaire missionnaire national. Que Dieu fasse prospérer tous ces efforts !

8. Mes frères et soeurs dans le Christ, notre foi est vraiment un trésor incomparable, c'est la perle de grand prix (cf. Mt Mt 13,44-46). C'est un don du Seigneur qui doit être communiqué à son tour aux autres : communiqué par un témoignage authentique à travers notre action pour la justice et la paix, communiqué par une proclamation explicite et par l'enseignement du catéchisme, des hymnes et des prières, communiqué par tous les membres de l'Église quand ils remplissent pleinement leur vocation personnelle avec un profond sentiment de joie. Avec un coeur reconnaissant pour ce don de notre foi, cherchons toujours à servir le Seigneur dans un esprit d'amour, de sainteté et de paix. Et par la fidélité de notre vie chrétienne proclamons que Jésus est Seigneur !




13 février 1982, Messe pour les familles, Onitscha (Nigeria)

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Homélies St Jean-Paul II 231