Homélies St Jean-Paul II 13282

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Le 13 février, le Pape a quitté Lagos pour se rendre à Onitsha où il a présidé, à 11 heures, sur une grande place située à la périphérie de la ville sa deuxième célébration eucharistique au Nigeria. Au cours de la cérémonie, il a conféré le baptême et la confirmation à trente et un catéchumènes provenant de différents diocèses du pays. Voici l'homélie qu'il a prononcée après la lecture de l'Évangile (1).

(1) Texte anglais dans l'Osservatore Romano du 14 février 1982. Traduction et sous-titre de la DC.

La famille et la promotion de la personne


Avec l'apôtre Paul, je vous dis : « Puisque vous êtes élus, sanctifiés, aimés par Dieu, revêtez donc des sentiments de compassion, de bienveillance, d'humilité, de douceur de patience. Supportez-vous les uns les autres, et si l'un a un grief contre l'autre, pardonnez-vous mutuellement. » (
Col 3,13)

C'est par ces paroles que je vous salue, maris et femmes, pères, mères et enfants. Je vous salue, familles du Nigeria, et en vous je salue le passé, le présent et l'avenir du peuple nigérian.

Le Pape vient aujourd'hui à vous au nom du Christ qui a prié pour Pierre afin que, une fois fortifié dans sa foi, il puisse confirmer ses frères. Je viens à vous au nom du Fils de Dieu qui s'est fait homme et a vécu parmi nous, au coeur d'une famille humaine. Jésus est proche des joies et des peines de la vie familiale. Il comprend les espoirs et les déceptions de la famille et il partage les événements qui forment l'histoire de chaque famille.

Dans cette célébration eucharistique, je voudrais rassembler, pour ainsi dire, l'amour, l'unité, la compassion, la bienveillance, les espoirs et les aspirations, le travail, les souffrances et les difficultés de toutes les familles du Nigeria, de manière à les offrir comme un sacrifice spirituel à notre Père du ciel, par son Fils Jésus-Christ, en union avec le sacrifice du Christ sur la Croix. Je voudrais prier avec vous et pour vous, afin de montrer à Jésus que nous croyons en la puissance de l'amour pour déraciner le mal et le bannir de nos coeurs. J'ai désiré venir au milieu de vous pour obéir à l'instruction que saint Paul a laissée de « revêtir l'amour », de façon que la paix du Christ règne en vos coeurs.

La liturgie de la Parole comprenait des lectures tirées de l'Ecclésiaste (3, 2-6 ; 12-14), de la Lettre de saint Paul aux Colossiens (3, 12-21) et de l'Évangile selon saint Luc (2, 41-52).

1. Frères et soeurs, vos familles sont dotées de tant de valeurs positives et précieuses, fondées sur vos traditions familiales! Les liens entre les membres de vos familles sont vigoureux. Les enfants sont regardés comme une bénédiction et sont désirés comme la couronne du mariage. Le système de la famille élargie fournit un cadre humain plein d'amour, où les orphelins, les personnes âgées et les pauvres sont entourés de soins.

Il existe cependant quelques ombres. Traditionnellement, votre culture n'excluait pas la polygamie, même si la plupart des mariages étaient et sont monogames. Il arrive que les femmes soient privées de certains de leurs droits. Et les ennemis modernes de la famille, l'inquiétante dégradation de certaines valeurs fondamentales — le divorce, la contraception et l'avortement — n'ont pas épargné votre pays.

L'appel et l'invitation que je vous lance, familles chrétiennes du Nigeria, c'est le même appel et la même invitation que j'ai adressés à toutes les familles chrétiennes du monde dans ma récente exhortation apostolique Familiaris consortio : « Famille, deviens ce que tu es. »

Le respect et la fidélité dans le mariage

2. La famille vient de Dieu. C'est Dieu qui a voulu l'alliance aimante d'un seul homme et d'une seule femme. Il a béni leur amour et en a fait la source d'une aide mutuelle. Il l'a rendu fécond et a établi sa permanence jusqu'à la mort. Dans le plan du Créateur, la famille est une communauté de personnes. Et c'est pourquoi la forme fondamentale de la vie et de l'amour dans la famille réside dans le respect de chaque personne, de chaque individu membre de la famille. Maris et femmes, regardez-vous et traitez-vous l'un l'autre avec le plus grand respect. Parents, respectez la personnalité unique de vos enfants. Enfants, témoignez à vos parents un respect plein d'obéissance. Tous les membres de la famille doivent se sentir acceptés et respectés, parce qu'ils doivent se sentir aimés. Et tout particulièrement les personnes âgées et les malades.

Le respect, dans son sens le plus profond, signifie fidélité. Le respect signifie acceptation mutuelle, confiance et attachement patience et pardon, quand cela est nécessaire, au-delà et en dépit des difficultés personnelles : celles-ci ne peuvent jamais justifier le manque d'amour. Maris et femmes, aimez- vous les uns les autres, sacrifiez-vous les uns pour les autres et pour vos enfants. Résistez à toutes les tentations de vous trahir les uns les autres.

3. Parce que l'amour du mari et de la femme est une participation unique à la vie de Dieu lui-même, il doit être authentiquement et généreusement ouvert à une nouvelle vie. Il doit être ouvert à tous ceux dont la vie est réduite ou menacée par les nécessités de tel ou tel ordre. Familles chrétiennes du Nigeria, que votre exemple brille devant la monde entier : prenez parti pour la vie. N'acceptez pas une mentalité hostile à la vie qui s'enracine dans « une corruption du concept et de l'expérience de la liberté, celle-ci étant comprise non comme la capacité de réaliser la vérité du projet de Dieu sur le mariage et la famille, mais comme une force autonome d'affirmation de soi, assez souvent contre les autres, pour son bien-être égoïste » (Familiaris consortio, FC 6).

Vous rendrez un grand service à l'Église et à l'humanité tout entière si vous vous efforcez de toutes les manières possibles de préserver l'amour de l'enfant qui fait partie de votre culture et de vos traditions familiales. Aimez vos enfants comme Marie et Joseph ont aimé, protégé et élevé Jésus.

Je sais que, dans votre pays, le couple sans enfant porte une lourde croix, une croix qui doit être portée avec courage tout au long de la vie. Aux couples qui ne peuvent avoir d'enfant, je dis : vous n'êtes pas moins aimés de Dieu ; votre amour mutuel est complet et fécond quand il est ouvert aux autres, aux besoins de l'apostolat, aux besoins du monde.

La contribution des familles du Nigeria

4. Et si nous demandions maintenant aux familles du Nigeria : quelle est votre contribution spécifique à votre pays? Eh bien, je le dis encore une fois : Devenez ce que vous êtes, « la cellule première et vitale de la société. C'est au sein de la famille que les citoyens viennent au monde, qu'ils font le premier apprentissage des vertus sociales qui sont pour la société l'âme de sa vie et de son développement » (Familiaris consortio, FC 42). C'est la famille qui tire chaque homme et chaque femme de l'anonymat et les rend conscients de leur dignité personnelle, les enrichissant de profondes expériences humaines et les plaçnt activement, avec leur caractère unique, dans le tissu de la société.

Frères et soeurs, si vous aimez votre pays, alors vous aimez votre vie familiale. Si vous désirez éviter d'avoir une société qui court le risque de devenir de plus en plus dépersonnalisée et standardisée, et donc inhumaine et déshumanisante, alors renforcez les structures de la vie familiale. Aimez vos familles. Respectez-les.

Et vous, jeunes gens, préparez-vous au mariage par la prière, la discipline personnelle, le respect mutuel et la chasteté. Car le plein et authentique don de soi ne peut avoir lieu que dans l'amour permanent du mariage.

5. Familles chrétiennes du Nigeria ! Votre dignité et votre responsabilité en tant que disciples de Jésus proviennent du fait que vous êtes appelés à être saints et à vous aider mutuellement, ainsi que la communauté ecclésiale et le monde, à devenir saints. Écoutons de nouveau les paroles de saint Paul tirées de la seconde lecture : « Que la parole du Christ habite parmi vous dans toute sa richesse. Instruisez-vous et avertissez-vous les uns les autres avec pleine sagesse. »

Devenez saints à travers les dons divins de la foi, de l'espérance et de la charité, à travers la prière personnelle et familiale, la confiance aimante en votre Père du ciel, le bon exemple, la vie de la grâce nourrie et soutenue dans les sacrements. Devenez saints en participant à la vie de l'Église dans vos communautés locales, dans vos paroisses, dans vos diocèses, en respectant et en aimant vos prêtres et vos évêques. Devenez saints dans le « service de l'amour » : l'amour de Dieu et de vos frères les hommes, en particulier de vos familles. Devenez saints et contribuez à rendre saintes la vie et les nombreuses activités de votre communauté sociale et nationale.

Je félicite et remercie tous ceux qui travaillent à promouvoir la famille, en particulier vos évêques et vos prêtres, qui célèbrent les saints mystères, instruisent, bénissent, conseillent, consolent et réconcilient. Je remercie les catéchistes et tous ceux qui oeuvrent dans l'apostolat des laïcs.

Je suis heureux d'apprendre l'excellent travail accompli par la « Pro-Life Association » du Nigeria (PLAN), en faveur d'une parenté responsable en accord avec les enseignements de l'Église. Je suis également heureux de connaître vos programmes pour l'enrichissement du mariage. Que Dieu bénisse vos initiatives

Je félicite toutes les familles qui prient ensemble. Familles chrétiennes du Nigeria, le Pape vous demande aujourd'hui instamment d'accroître la prière en famille, la prière quotidienne en famille : maris et femmes ensemble, parents avec leurs enfants. Ayez tout particulièrement la dévotion du Rosaire. Priez Marie, Mère du Christ et Mère de l'Église, la Mère des familles chrétiennes. Dieu ne manquera pas de bénir la famille qui prie ensemble, au nom de son Fils, Notre Seigneur Jésus-Christ.

Allez, faites des disciples de toutes les nations

6. Mes frères et soeurs, je suis convaincu que notre rencontre ici aujourd'hui sera marquée par une nouvelle effusion de l'Esprit de Dieu sur l'Église du Nigeria. Je suis ici parmi vous pour obéir au commandement de Jésus : « Allez, faites des disciples de toutes les nations, et baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » Dans quelques instants, je baptiserai et confirmerai un groupe de catéchumènes représentant les différents diocèses du Nigeria. La semence plantée dans cette terre par l'Église à la suite de la proclamation fidèle de la Bonne Nouvelle du salut a porté des fruits. Par Jésus-Christ, dont le sang nous acquiert la Rédemption, nous avons de nouveaux membres dans son Corps, l'Église.

Ces frères et soeurs vont être purifiés par l'eau, grâce à la puissance de la Parole vivante (cf. 5, 26), qui les rendra participants de la vie même de Dieu (2P 1,4) et ses enfants adoptifs (Rm 8,15 Ga 4,5).

Avec nous tous ensemble, ils professeront la foi de l'Église en la puissance de la Passion, de la mort et de la résurrection du Seigneur. Dans le baptême, nous ne sommes pas seulement ensevelis avec le Christ ; nous sommes aussi ressusci- tés à la vie avec lui, parce que nous croyons dans le pouvoir de Dieu qui l'a ressuscité d'entre les morts (cf. Col Col 2,12).

Dans la confirmation, nos frères et soeurs seront fortifiés pour devenir des membres actifs de l'Église et construire le Corps du Christ dans la foi et l'amour. Ils recevront le sceau des dons de l'Esprit-Saint, pour le service de Dieu dans l'amour.

Frères et soeurs, ces rites sacrés de l'initiation chrétienne — le baptême, la confirmation et le sacrifice eucharistique — nous rappellent que nous sommes tous les témoins du Christ. Puisse-t-il engager nos coeurs dans la voie d'un plus grand amour.

Je prie le Seigneur de la vie pour toutes les familles du Nigeria : pour ceux qui s'efforcent d'être des témoins vivants de la foi, pour les familles qui ne partagent pas notre foi, mais honorent les grands idéaux de la vie familiale, pour les familles qui sont divisées, pour celles qui connaissent des difficultés, pour les veuves et les orphelins.

Puisse la Sainte Famille de Nazareth, Jesus, Marie et Joseph, bénir toutes les familles du Nigeria. Amen.



14 février 1982, Ordinations Sacerdotales, Kaduna (Nigeria)

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Le 14 février, le Pape a quitté Lagos vers 7 h pour se rendre à Kaduna, capitale de l'un des États les plus peuplés du Nigeria : environ 7 millions d'habitants, en majeure partie musulmans. La communauté catholique comprend environ 450 000 membres. C'est dans cette ville que le Saint-Père a présidé une célébration eucharistique durant laquelle il a ordonné 92 diacres provenant de tous les diocèses du Nigeria. Voici l'homélie qu'il a prononcée après l'Évangile (1).

(1) Texte anglais dans l'Osservatore Romano du 15-16 février. Traduction, titre et sous-titres de la DC.

« Tu nous as choisis pour servir en ta présence


CHERS FRÈRES ET SOEURS DANS LE CHRIST,

Voici le jour que le Seigneur a fait, soyons joyeux et réjouissons-nous.

1. Assurément, c'est une joie que d'être à Kaduna aujourd'hui. Je rends grâce à Dieu de l'occasion qui m'est donnée de célébrer l'Eucharistie avec vous tous et d'ordonner au sacerdoce de Notre Seigneur Jésus-Christ ces nombreux diacres provenant des différents diocèses du Nigeria. La vie de ces futurs prêtres représente une grande promesse pour la croissance continuelle de l'Église sur cette terre bien- aimée, et imprime un nouvel élan à l'oeuvre vitale de l'évangélisation. Avec tous les fidèles du Nigeria, et avec l'Église dans le monde entier, je rends grâce au Seigneur de la mission qui envoie de nouveaux ouvriers dans son champ.

2. En ce jour de joie, permettez-moi de m'adresser tout particulièrement à ceux qui vont être ordonnés. Mes frères, chacun d'entre vous a reçu du Seigneur l'appel à devenir prêtre, et ainsi le privilège d'être appelé serviteur de Jésus- Christ. L'ordination confère l'autorité et le mandat de proclamer l'Évangile et de prêcher au nom de l'Église. En tant que prêtres, vous présiderez la célébration de l'Eucharistie, et au nom du Christ vous pardonnerez les péchés dans le sacrement de la pénitence. Dans ces activités, et dans bien d'autres encore, par lesquelles vous assurerez dans l'Église de Dieu le service du pasteur, cherchez toujours à être regardé comme celui qui sert. Que les paroles de la deuxième prière eucharistique soient l'expression de votre constante gratitude pour votre vocation : « Père, nous te rendons grâce car tu nous a choisis pour servir en ta présence. » Vous avez été appelés à imiter le Seigneur et Maître que vous aimez, à suivre l'exemple du Fils de l'homme qui « est venu pour servir et non pour être servi, et pour donner sa vie en rançon pour la multitude » (
Mt 20,28). Rappelez-vous aussi que Jésus fait bien comprendre à ses disciples qu'ils ne doivent jamais tenir les autres sous leur pouvoir ou essayer de leur faire sentir leur autorité. Comme saint Paul nous regardons comme un privilège d'être appelés serviteurs du Christ- Jésus (cf. Rm Rm 1,1).

Priorité à la prière

3. L'une des caractéristiques les plus frappantes de la vie terrestre de Jésus est la priorité qu'il donne à la prière. Saint Luc nous dit que « de grandes foules s'assemblaient pour l'entendre et se faire guérir de leurs maladies. Et lui se retirait dans les lieux déserts et il priait » (Lc 5,15-16). Certes, il montrait une grande compassion pour la foule et un zèle brûlant pour proclamer que le royaume de Dieu était proche, mais il recherchait aussi, de manière régulière et fréquente, un lieu tranquille pour être seul avec son Père du ciel. Parfois même il passait la nuit entière à prier.

 Les textes de la liturgie de la Parole étaient les suivants : Is 63, 1-3, 6, 8-9 ; He 5, 1-10 ; Mt 5, 13-20.

L'auteur de la lettre aux Hébreux nous livre toute l'intensité de la prière de Jésus : « Au cours de sa vie terrestre, il offrait prières et supplications avec grands cris et larmes. » (He 5,7) De tout son coeur et de toute son âme, Jésus implorait son Père en faveur des hommes et demandait la force de conformer ses actions humaines à la volonté du Père.

Mes frères, nous ne devons jamais oublier cette leçon que notre Seigneur nous a laissée par sa parole et par son exemple. La prière est un élément essentiel de la vie chrétienne, et c'est l'une des principales manières dont le prêtre sert ceux qui lui sont confiés. C'est par la prière aussi que nous préservons et approfondissons notre amour personnel pour le Christ et la volonté de Dieu sur nous. Le temps passé dans la prière n'est pas un temps que nous enlevons à notre peuple. C'est un temps passé pour lui avec le Seigneur, qui est la source de tout ce qui est bien. C'est pourquoi l'Église n'hésite pas à exiger de ses ministres ordonnés qu'ils récitent la liturgie des Heures. Soyez toujours fidèles à cet engagement car la liturgie des Heures nous unit à l'Église du monde entier dans la grande oeuvre de célébration et d'adoration du Dieu vivant.

4. La lettre aux Hébreux nous enseigne aussi que Notre Seigneur et Maître, au cours de sa vie terrestre « a appris par ses souffrances l'obéissance » (He 5,8). La souffrance est une partie inévitable du sort du disciple. C'est pourquoi Jésus a dit à ceux qui le suivaient : « Celui qui ne porte pas sa croix et ne marche pas à ma suite ne peut pas être mon disciple. » (Lc 14,27) Il ne s'agit pas ici d'oublier ou de négliger le fait que la foi au Christ est la source d'une profonde joie (cf. Jn 15,11), et que Jésus a promis à ses disciples une paix que le monde ne peut donner (cf. Jn Jn 14,27). Mais il n'en reste pas moins que la souffrance fera partie du service du Christ. Et la souffrance est intimement liée à l'obéissance, car lorsque nous acceptons la souffrance que permet la divine Providence, nous nous conformons plus étroitement à la volonté du Père céleste.

Aujourd'hui, vous promettez, non seulement à moi-même, mais à votre évêque, obéissance et respect. Par cette promesse, vous établissez un lien particulier de confiance avec votre évêque et ses successeurs. Vous avez déclaré que vous collaborerez avec lui et exécuterez ses directives et ses ordres pour le bien de l'Église locale, dans un esprit d'amour et de respect. En cela vous imitez le Christ, qui est venu non pour faire sa propre volonté, mais la volonté de celui qui l'a envoyé (cf. Jn Jn 6,38). Rappelez-vous que notre salut s'est accompli grâce à l'action salvifique du Fils de Dieu, qui s'est anéanti, a pris la forme de l'esclave et s'est fait obéissant jusqu'à la mort (cf. Ph Ph 2,7-9).

Le prêtre et la miséricorde de Dieu

5. La première lecture de la messe d'aujourd'hui contient une description du ministère que Jésus s'est appliquée à lui- même au début de sa vie publique (cf. Lc Lc 4,16 et s.), et que tout prêtre peut faire sienne, quel que soit le nombre d'années de son sacerdoce : « L'Esprit du Seigneur Dieu est sur moi : le Seigneur en effet, a fait de moi un Messie, il m'a envoyé porter un joyeux message aux humiliés, panser ceux qui ont le coeur brisé, proclamer aux captifs l'évasion, aux prisonniers l'éblouissement. » (Is 61,1)

Remarquez que les oints du Seigneur sont envoyés aux pauvres, aux prisonniers, à ceux dont le coeur est brisé. En d'autres termes, les oints du Seigneur sont envoyés à ceux qui ont un besoin particulier de la pitié de Dieu. C'est ce que j'ai écrit dans ma lettre encyclique Dives in misericordia : « L'Église doit rendre témoignage à la miséricorde de Dieu révélée dans le Christ en toute sa mission de Messie, en la professant tout d'abord comme vérité salvifique de foi nécessaire à une vie en harmonie avec la foi, puis en cherchant à l'introduire et à l'incarner dans la vie de ses fidèles, et autant que possible dans la vie de tous les hommes de bonne volonté. » (n. 12.)

En tant que prêtres, vous avez une occasion et une responsabilité uniques pour proclamer la miséricorde de Dieu. Par la douceur et la compassion pastorales, vous montrez aux hommes la tendresse du Christ ; par votre prédication et votre enseignement plein de zèle, vous proclamez la bonté de Dieu et sa puissance de salut. En tant que ministres des sacrements, et spécifiquement de l'Eucharistie et du sacrement de réconciliation, vous les mettez en contact avec Notre-Seigneur, qui est riche en miséricorde.

Appel en faveur des vocations

6. En ce jour de joie, je ne puis m'empêcher de dire un mot du grand besoin de vocations à la vie religieuse et au sacerdoce. Les paroles de Notre-Seigneur nous font réfléchir : « La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux, priez donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers dans sa moisson. » (Mt 9,37) Tandis que nous nous réjouissons aujourd'hui de l'ordination de ces nouveaux prêtres, nous voyons dans leur coeur, si impatient de servir, un grand espoir pour l'avenir de l'Église.

En même temps, je lance un appel au Peuple de Dieu pour qu'il soit attentif à la grande nécessité d'encourager les vocations au sacerdoce et à la vie religieuse. Notre-Seigneur Jésus-Christ ne manquera pas de pourvoir à la vie de son Église, mais il demande les prières et la collaboration de chacun. Les familles chrétiennes ont un rôle particulier à jouer dans la création d'une atmosphère de foi dans laquelle une vocation peut se développer. Et vous, les nouveaux prêtres d'aujourd'hui, rappelez-vous toujours l'importance de votre exemple et du témoignage joyeux de votre vie de célibat.

Je vous confie à Marie la Mère de Dieu. Qu'elle soit toujours proche de vous et vous conserve à jamais dans l'amour de son Fils, notre grand-prêtre Jésus-Christ.



15 février 1982, Ibadan, (Nigeria) messe pour les universitaires

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Le 15 février, le Pape s'est rendu à Ibadan qui se trouve à 120 kilomètres au nord-est de Lagos. L'université de cette ville, qui est la plus ancienne des cinq universités du Nigeria, a été fondée en 1948. Voici le texte de l'homélie prononcée par le Saint-Père au cours de la messe célébrée pour les universitaires (1).

Le service de l’homme à travers la science et la recherche

(1) Texte anglais dans l'Osservatore Romano des 15-16 février. Traduction, titre et sous-titres de la DC.

Les textes de la liturgie de la Parole étaient les suivants :
Sg 7,15-21 Mt 5,13-20.



CHERS FRÈRES ET SOEURS DANS NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST

C'est avec une grande joie que je vous salue tous, communautés universitaires du Nigeria, intellectuels hommes et femmes de la science, de la culture et des arts. Notre rencontre a lieu à Ibadan, berceau de la vie universitaire dans votre pays. Aujourd'hui, avec plus de vingt-cinq universités et instituts d'enseignement supérieur et de recherche au Nigeria, avec tant d'hommes et de femmes de science et de culture, si hautement spécialisés et renommés, il convient que le Pape vous rencontre pour vous exprimer sa profonde estime, pour mieux vous connaître et pour vous encourager.

Et surtout pour prier avec vous Dieu, le Père éternel. C'est lui qui — selon les paroles que nous venons d'entendre dans le livre de la Sagesse — nous donne la vraie connaissance ; il est le guide de la sagesse et dirige les sages.

Au service de l'homme

1. Mes chers amis, vous êtes engagés dans une entreprise humaine des plus importantes. Vous êtes au service de l'homme par le moyen de la connaissance et de la recherche. En tant qu'hommes et femmes de science et de recherche, vous apportez une contribution de tout premier plan au progrès et au développement du Nigeria et, en vérité, de l'Afrique tout entière. Vous prodiguez aux étudiants l'enseignement et la formation et les introduisez dans le monde de la connaissance aux multiples aspects. Vous préparez des professeurs pour vos nombreuses écoles secondaires et écoles normales. Vous vous efforcez de faire partager à la société en général votre si beau patrimoine intellectuel, scientifique, technologique et culturel. Vous répondez aux besoins de votre pays en rapide croissance par des recherches appropriées dans les domaines de la médecine, de la métallurgie, de la biologie, de la biochimie et de bien d'autres encore. Vous fournissez le fondement scientifique nécessaire à l'infrastructure dont a besoin l'économie de votre pays, non seulement pour assurer son décollage, mais aussi pour poursuivre son vol régulier.

Comme fruit de ces efforts, le Nigeria dispose d'un personnel qualifié. Vous êtes dotés d'enseignants, de professeurs, de médecins, de chirurgiens, d'architectes, d'urbanistes, d'ingénieurs, d'agronomes, d'administrateurs et de techniciens de haut niveau. Et vous n'avez pas négligé non plus les domaines des arts : musique, peinture, sculpture et tant d'autres aspects de la créativité humaine. Certains d'entre vous sont engagés dans les sciences humaines, d'autres dans les domaines exigeants de la réflexion philosophique et théologique.

Par tous ces moyens, vous contribuez à améliorer la condition de votre peuple. Vous aidez le Nigeria à prendre la place qui lui revient parmi les nations du monde. Dans toutes ces entreprises, vous êtes directement au service de l'homme à travers la connaissance et la recherche. Vous- mêmes et vos compagnons de travail vous êtes les créateurs et les promoteurs de l'atmosphère culturelle où les citoyens du Nigeria apprennent à vivre et à s'exprimer. C'est là votre grandeur, votre titre d'estime et de respect, mais c'est là aussi votre grave responsabilité.

Hommes et femmes de la science et des arts! La parole que voudrait vous adresser le Pape à l'occasion de cette agréable rencontre est une parole de respect et d'encouragement. Vous êtes les artisans et les auteurs de l'atmosphère culturelle de votre communauté. Votre dévouement inspiré et responsable pour la science, la recherche et la création artistique est d'une importance incomparable pour la croissance spirituelle et morale du peuple nigérian. Soyez la lumière qui brille devant les hommes, de manière que, voyant vos bonnes oeuvres, ils puissent rendre grâce au Père qui est dans les cieux.

La clé du progrès au Nigeria

2. L'environnement culturel que vous créez et promouvez avec tant de labeur — dans les salles de cours, les laboratoires, les studios, les médias — est la clé qui ouvre la porte au progrès et au dépassement des hommes et des femmes du Nigeria, en particulier des jeunes.

En tant que chrétiens, vous êtes convaincus que le progrès économique à lui seul ne suffit pas à libérer l'homme des multiples conditions et situations imparfaites qui assiègent sa personnalité et sa vie en société. Seule une éducation qui vise à embrasser et à éclairer toutes les dimensions de la vie et de la personnalité de l'homme peut permettre à chaque homme et à chaque femme de sortir de son ignorance ou d'échapper à la léthargie provoquée par la frustration personnelle ou l'absence d'opportunités et d'encouragements dans la vie sociale. Seule une atmosphère culturelle qui permet à ses participants et à ses destinataires d'« être plus plutôt que d'avoir plus », est capable d'aider chaque homme, chaque femme et chaque enfant à trouver la place qui lui revient dans la société et, ainsi, d'exercer de manière effective sa dignité humaine, unique et inviolable.

3. Vous êtes les agents de cet environnement culturel, avec toute sa force libératrice, vous ne devez pas vous décourager en voyant qu'il y a encore tant à faire et tant de chemin à parcourir avant que tous les frères et soeurs du Nigeria, et en vérité tous les Africains, aient leur part des bienfaits de votre science et de votre esprit créateur.

Entre-temps, le sous-développement culturel de certains

— et cela s'applique au monde entier — ne doit pas être utilisé comme un instrument pour poursuivre des buts partisans, idéologiques, économiques ou sociaux. L'exploitation cynique de la misère et de l'ignorance humaines, pour des objectifs qui n'ont rien à voir avec la dignité humaine et l'amélioration de l'homme et de la société, est un grand crime contre l'oeuvre du Créateur. Vous serez à l'abri de ces tentations si votre science, votre recherche et votre art sont l'expression de votre amour sincère et personnel pour la dignité unique et inaliénable de chaque être humain.

Respecter la dignité de la personne

4. Éminents hommes et femmes de science et de culture ! Souvent, les méthodes de votre science et votre création artistique vous amènent à regarder le monde en fonction des principes généraux qui gouvernent la vie humaine dans ses multiples dimensions — que ce soit dans les domaines de la biologie et de la médecine, ou dans les secteurs des activités économiques, sociales, culturelles et artistiques, pour n'en mentionner que quelques-uns. N'oubliez pas que l'application de vos connaissances et de vos capacités techniques affecte les hommes et les femmes dans leur vie personnelle.

Je vous demande instamment, à vous-mêmes ainsi qu'à tous les hommes et à toutes les femmes de science, d'appliquer votre recherche de manière à respecter la dignité personnelle, la liberté légitime et les convictions morales et religieuses des hommes et des femmes dans le monde entier.

La responsabilité des chercheurs

5. Frères et soeurs du Nigeria, plus encore peut-être qu'en d'autres parties du monde contemporain, le « style » futur de votre société réside entre vos mains. Le progrès technique et le développement industriel n'ont pas encore dépassé des limites incontrôlables. L'euphorie et l'enthousiasme unilatéral pour le bien-être matériel à n'importe quel prix n'ont pas encore pris le dessus. C'est le moment pour vous de demander,

— comme je l'ai proposé dans l'encyclique Redemptor homi- nis — de vous poser, avec une honnêteté, une objectivité et une responsabilité morale absolues, les questions essentielles qui touchent à la situation de l'homme aujourd'hui et à l'avenir : « Est-ce que chez les hommes, « dans le monde de l'homme », qui est en soi un monde de bien et mal moral, le bien l'emporte sur le mal ? Est-ce que croissent vraiment dans les hommes et entre les hommes, I'amour social, le respect des droits d'autrui — pour tout homme, nation, peuple — ou est-ce que croissent au contraire les égoïsmes aux différents niveaux, les nationalismes exagérés au lieu de l'authentique amour de la patrie, et encore la tendance à dominer les autres au-delà de ses propres droits et mérites légitimes, ainsi que la tendance à exploiter l'ensemble du progrès matériel, technique et productif dans le seul but de dominer les autres ou en faveur de tel ou tel impérialisme ? » (n. 15.)

Hommes et femmes de la culture, le « style » futur de la vie civique de votre pays est en train de se préparer dans l'atmosphère culturelle que vous créez par vos activités. À votre intention donc, j'éprouve le besoin de repéter une déclaration du Concile Vatican II que j'ai déjà eu l'occasion de relever : « Plus que toute autre, notre époque a besoin de la sagesse pour humaniser ses propres découvertes, quelles qu'elles soient. L'avenir du monde serait en péril si elle ne savait pas se donner aux sages. » (Gaudium et spes, GS 15 Gaudium et spes, )

Hommes et femmes de la culture ! Puissiez-vous être remplis de sagesse! Votre pays, l'Afrique, le monde entier ont besoin qu'il en soit ainsi !

La primauté des valeurs spirituelles

6. Chers amis, je ne puis manquer de vous parler de la primauté des valeurs spirituelles dans tous les secteurs de l'environnement culturel où vous vivez et travaillez, et auquel vous apportez une contribution si importante. Sans les valeurs spirituelles, l'homme n'est plus vrai envers lui-même. Car, sans elles, il récuse ou néglige sa relation essentielle de dépendance avec la source même de son existence, avec son Créateur à l'image duquel il a été fait, et continue d'exister.

Comme vous, l'Église est elle aussi au service de l'homme par la proclamation de l'Évangile et ses influences de libération et de dépassement. La science et la religion sont l'une et l'autre des dons de Dieu, vérité éternelle. La vérité ne saurait se contredire. La science et la religion, non seulement ne sont pas opposées, mais se comprennent l'une l'autre : elles travaillent ensemble, et sont l'une et l'autre au service de l'homme et de la vérité.

Je suis heureux d'apprendre qu'un grand nombre de vos universités ont des départements d'études religieuses. Une université où différents courants se rencontrent et où chacun aspire au droit de se faire entendre, a besoin de la religion pour établir le dialogue, la compréhension mutuelle et la nécessaire prise en compte de la vérité fondamentale sur l'homme. L'éducation sans la religion est incomplète et risque de se déformer, de devenir un instrument nuisible à l'homme. Pour la même raison, je suis heureux de remarquer que presque toutes vos universités ont des chapelles et des aumôniers universitaires. Je salue et encourage tous ceux qui sont engagés dans cet apostolat.

En tant qu'universitaires et intellectuels, vous jouissez de la liberté académique. Cela vous permet de vous allier à l'Église pour rechercher la vérité, pour défendre et proclamer les droits fondamentaux de l'homme et pour dénoncer les situations indignes de l'homme, lorsque les circonstances l'exigent.

Universitaires, intellectuels, scientifiques, hommes et femmes de la culture ! Comme le dit l'Évangile que nous venons d'entendre, vous êtes le sel de la terre ; vous ne devez pas perdre votre saveur. Vous êtes des villes bâties sur la colline. Vous êtes des lumières placées sur le chandelier. Élevez les esprits. Éduquez. Éclairez. Encouragez. Animez. L'Église vous comprend et vous respecte. L'Église vous tend la main de l'amitié et de la collaboration.

Nous sommes maintenant rassemblés autour de l'autel du Maître, dont les paroles ont si souvent étonné ses auditeurs par leur sagesse. Prions-le de nous accorder le don de sagesse. Dans la célébration eucharistique, le Christ accueille et accepte votre service d'hommes à travers la culture ; il accepte les fruits de vos activités intellectuelles et artistiques ; il les offre au Père comme un agréable sacrifice.

Que Jésus-Christ, la Sagesse incarnée de Dieu, soit pour chacun d'entre vous la lumière de la vie. Que sa vérité brille dans vos esprits et s'exprime sur vos lèvres. Que sa vérité vous remplisse de joie et vous conduise à la vie éternelle. Amen.







Homélies St Jean-Paul II 13282