Homélies St Jean-Paul II 17282

17 février 1982, Messe à Cotonou (Bénin)

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Mercredi, 17 février 1982


Le 16 février, au cours de la dernière journée qu'il a passée au Nigeria, le Pape a successivement rencontré les ouvriers, le corps diplomatique, la communauté polonaise et les autorités religieuses chrétiennes. Il a quitté le Nigeria le lendemain matin pour se rendre au Bénin où il est arrivé à 9 h 40.

Après la cérémonie d'accueil par le président de la République et les autorités religieuses, le Pape s'est rendu au stade municipal pour célébrer l'Eucharistie. Voici l'homélie qu'il a prononcée au cours de cette célébration (1) :

(1) Texte français dans l'Osservatore Romano du 18 février.

Chers Frères et Soeurs,

1. Rendons grâce à Dieu!

Que cette bonne nouvelle de Jésus soit toujours votre joie! Que son Évangile pénètre toujours, de sa clarté et de sa force, le fond de vos coeurs, vos familles, vos coutumes, toutes les réalités de votre vie de Béninois! Qu’il soit votre salut! Et qu’il vous garde très unis!

Chers Béninois, voilà le message que nous allons méditer. Mais tout d’abord un mot de cordiale salutation. Vous êtes réputés pour votre exquise hospitalité. J’en bénéficie ce matin. Permettez-moi alors, à mon tour, de commencer par saluer les étrangers, qui sont vos hôtes, nos amis Togolais.

Chers Fils et Filles du Togo, vous êtes venus exprès, avec vos évêques, comme il y a deux ans à Accra, prier avec le Pape. Je lis dans votre regard un peu de peine: malheureusement, cette fois-ci encore, je ne pourrai pas me rendre chez vous. J’espère le faire plus tard, si Dieu le permet. Je sais que vous avez des communautés chrétiennes nombreuses et vivantes dans votre pays. Vous êtes déjà très présents à ma pensée et à mon coeur. Dites-le, au retour, à vos compatriotes. Et l’homélie que je vais adresser maintenant à vos voisins du Bénin s’appliquera aussi, en grande partie, à vous-mêmes.

2. “De toutes les nations, faites des disciples”.

Chers Fils et Filles du Bénin, la Bonne Nouvelle confiée par le Christ à ses Apôtres le jour de l’Ascension est venue jusqu’ici. Le Bénin, à son tour, après tant d’autres peuples, comme celui de Rome dont je suis l’évêque, comme celui de Pologne où j’ai mes racines, a accueilli les porteurs de la Bonne Nouvelle. “Comme il est beau, dit l’Écriture reprise par Saint Paul, de voir courir les messagers de la Bonne Nouvelle!”, C’était il y a cent vingt ans. Les missionnaires qui arrivaient chez vous ne venaient pas d’eux-mêmes: ils étaient envoyés (2). “Comment prêcher sans être d’abord envoyés?”. Ils étaient envoyés par l’Église, au nom du Christ qui avait dit: “Allez dans le monde entier”. Donnez gratuitement ce que vous avez vous-mêmes reçu gratuitement.

Votre pays avait vécu longtemps sans connaître l’Évangile. “Comment croire, sans d’abord entendre? Et comment entendre sans prédicateur?”. Et pourtant son long cheminement n’avait pas été sans valeurs humaines, sans valeurs religieuses. Une sagesse ancestrale présidait aux relations familiales, à la vie du village et de la cité. Un esprit profondément religieux caractérisait et marque toujours les habitants de ce pays. Dieu n’était pas loin de chacun d’eux, car ils étaient aussi de sa race, comme disait Saint Paul au sujet des Athéniens. Leur histoire millénaire, qui se perd dans la nuit des temps, leurs épreuves certaines, les avaient mûris et préparés. Mystère de la Providence, qui permit en tout cas que le vrai visage du Sauveur leur fût révélé, pour dissiper les ombres et les incertitudes, pour convertir ce qui, comme chez d’autres peuples adeptes d’une religion naturelle, devait être redressé, purifié, élevé, pour établir les coeurs dans l’amour de Dieu et dans l’amour des frères tel que Jésus l’avait enseigné. Une nouvelle étape commençait.



(2) Dans son allocution à l'aéroport de Cotonou, le Pape a fait allusion aux étapes de l'évangélisation du Bénin dans les termes suivants : «[...] Il y a cent vingt ans, le Bénin n'avait pas encore eu l'occasion de connaître cette foi. Mais le 18 avril 1861, deux missionnaires des Missions africaines de Lyon débarquèrent pour la première fois non loin d'ici à Ouidah. Ils ne venaient pas pour coloniser au nom de leur patrie ; d'ailleurs l'un était espagnol, l'autre italien, et un troisième, un Français, était mort avant d'arriver. Ils venaient au nom de Jésus- Christ, qui destine à chaque peuple sa lumière et son amour, et qui s'adjoint des frères dans toutes les races.

Le but de ces missionnaires était de susciter ici des fils et des filles de l'Église, à part entière, épanouissant leurs valeurs ancestrales compatibles avec l'Évangile, et destinés à être organisés en Église avec leurs prêtres, leurs religieuses, leurs évêques. Moins de cent ans après, c'était fait, avec la nomination épiscopale de Mgr Bernardin Gantin. Et même s'il y a encore un long travail d'évangélisation à réaliser, l'Église du Bénin est un arbre solidement implanté, un arbre du pays. [.] »


3. Aujourd’hui, avant toutes choses, nous rendons grâce à Dieu pour ces cent vingt ans d’évangélisation. Déjà mon prédécesseur Jean XXIII vous adressait, le 8 septembre mil neuf cent soixante et un, pour le centenaire, une belle lettre que vous portait le Cardinal Doyen du Sacré Collège. Je fais mien son message. Aujourd’hui, le Pape vient physiquement au milieu de vous, pour célébrer les merveilles de Dieu et affermir votre marche dans la foi. La Providence l’a permis en me sauvant de l’attentat du 13 mai dernier, et de cela aussi vous rendez grâce avec moi.

Qui dira jamais les efforts secrets, semés de joies et de sacrifices, des pionniers de l’Évangile et de leurs successeurs, au cours de cette période chrétienne? Il leur a fallu beaucoup de patience, beaucoup de foi, surtout beaucoup d’amour des Béninois, pour vouloir les faire accéder peu à peu à la plénitude de la vie chrétienne et des responsabilités dans l’Église. Leurs corps reposent dans la terre de ce pays. “Si le grain jeté en terre meurt, il donne beaucoup de fruits”. Aujourd’hui, l’Église, comme un arbre bien enraciné, a grandi, à partir des enfants de ce peuple. Elle a désormais ses prêtres et ses évêques, ses religieux, natifs du pays. Et même un membre du Sacré Collège des Cardinaux! Sans en refaire toute l’histoire, regardons plutôt l’Église au Bénin telle qu’elle se présente maintenant.

Ce n’est pas céder au triomphalisme que de relever les aspects positifs qui la caractérisent, grâce à Dieu, et qui sont des motifs d’espérance, sur lesquels il faut appuyer la progression. L’Église au Bénin a connu des lenteurs, des épreuves, des tentations, peut-être des abandons. Elle demeure lucidement consciente de ses faiblesses et de ses manques. Mais ne retrouve-t-elle pas une nouvelle vigueur, une nouvelle vitalité? Un mouvement de conversion continue à s’opérer parmi vous, chers Frères et Soeurs du Bénin. La foi s’affermit chez beaucoup d’entre vous, elle s’approfondit; vous en sentez davantage le besoin. Vous avez appris et vous apprendrez à mieux la connaître, à en rendre compte. Vous savez le prix et la nécessité vitale de la participation aux célébrations religieuses. On voit même se multiplier des groupes de prière, de jeunes et d’adultes.

Les vocations sacerdotales – voilà un bon signe – se lèvent plus nombreuses. Beaucoup de laïcs acceptent, à titre bénévole, d’être catéchistes de leurs frères. D’autres se préparent à un apostolat dirigé vers leur milieu étudiant, ouvrier ou agricole. Les moyens catéchétiques connaissent un renouveau en utilisant les voies adaptées à votre génie, comme le célèbre chant royal “hanyé”. De même, la liturgie est vivante, avec des rites expressifs, tout en demeurant très digne et priante. Le témoignage de charité continue à s’exercer dans certains domaines de la vie sociale, là où cela est possible, en particulier dans les oeuvres sanitaires, hôpitaux et dispensaires. Vous êtes, avec vos compatriotes, plus soucieux de promouvoir la justice, la paix et la prospérité de votre pays.

Faut-il dire qu’un nouveau printemps s’ouvre pour cette Église? Je le souhaite de tout coeur avec vous. Confions-le à la grâce de Dieu. Et c’est bien ce que je viens d’abord encourager, en vous invitant à le développer, à l’affermir.

4. Cependant, Frères et Soeurs du Bénin, soyez vigilants!

Une nouvelle étape s’ouvre devant vous. L’évangélisation doit se poursuivre, s’étendre à d’autres, et surtout atteindre plus profondément les réalités de votre propre vie.

236 N’avez-vous pas beaucoup de vos compatriotes qui ne connaissent pas encore vraiment l’Évangile, et qui ne peuvent donc pas y donner leur foi? Certes, l’obéissance de la foi doit toujours se faire dans le mystère de la conscience, exempte de toute contrainte extérieure. Mais précisément, comment adhérer librement à l’Église du Christ, si on n’a pas eu l’occasion d’entendre prêcher la foi, et surtout de la voir vécue par une communauté de voisins, d’amis? Je pense en particulier à certaines régions du Nord du pays, où la première évangélisation n’a pas encore été vraiment faite.

Même si, Dieu merci, des missionnaires étrangers vous apportent une aide précieuse, il revient de plus en plus aux Béninois, spécialement aux prêtres et aux religieuses, d’aller porter la Bonne Nouvelle à d’autres Béninois, de diocèse à diocèse, et même, pourquoi pas, au-delà de vos frontières, par exemple à d’autres Africains. Je vous invite à ce partage de la foi. Le fait que le Cardinal Gantin ait été appelé à Rome, d’abord au service de la Congrégation pour l’Évangélisation des Peuples, puis pour promouvoir la justice et la paix dans tous les pays, ne stimule-t-il pas votre Église à être de plus en plus missionnaire?

5. Mais je veux parler plus encore de la deuxième étape de l’évangélisation. Certes, Saint Paul va à l’essentiel lorsqu’il dit: “Si tu affirmes de ta bouche que Jésus est Seigneur, si tu crois dans ton coeur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé”. C’est dans cette foi que vous avez été baptisés. Mais le même apôtre visitait souvent les communautés qu’il avait fondées pour que le baptême, c’est-à-dire l’initiation du chrétien, ait un retentissement dans toute la vie, et il consacrait la seconde partie de chacune de ses lettres à décrire le progrès des moeurs chrétiennes. Jésus lui-même n’avait pas dit seulement: “Baptisez”, mais “apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés”.

Évangéliser veut dire alors imprégner de l’esprit des béatitudes – simplicité de vie, droiture, pureté, justice, paix, courage et pardessus tout amour – les relations quotidiennes des personnes entre elles et avec Dieu, des groupes entre eux, dans les familles et la société; et cela jusqu’à marquer profondément, du dedans, par la lumière et la force de l’Évangile, les réalités les plus intimes et les plus enracinées, les habitudes, les critères de jugement, les valeurs déterminantes, les points d’intérêt, les lignes de pensée, les sources inspiratrices et les modèles de vie, sans en excepter les institutions qui les influencent, en un mot les cultures. La greffe de l’Évangile fait porter de nouveaux fruits à l’arbre nourri de sève africaine. Alors les hommes et les femmes acquièrent leur authentique personnalité humaine et chrétienne, en cohérence avec eux-mêmes, c’est-à-dire ici avec leur âme africaine.

C’est ainsi, par exemple, qu’il faut étendre l’évangélisation des individus aux familles, ou plutôt à toute la vie familiale, afin que – greffés sur les autres vertus ancestrales comme la solidarité entre les familles et la joie de la fécondité – resplendissent toujours davantage l’amour personnel des époux, vécu dans le respect, l’unité et la fidélité indissoluble du couple, le souci de l’éducation, et tout ce qui découle de l’Évangile, comme je le rappelais, à la suite du Synode, dans ma dernière exhortation apostolique.

L’évangélisation doit de même éclairer, purifier et élever l’ensemble des coutumes et traditions qui imprègnent si fortement l’âme de vos compatriotes, afin d’en assumer tout ce qui peut concourir à une vie plus conforme à la foi chrétienne et, en définitive, plus profondément humaine. Les consciences doivent être aidées avec soin dans ce discernement: ainsi, affranchis de la peur, les fidèles pourront progresser dans la paix, en épanouissant le meilleur d’eux-mêmes, avec les richesses culturelles qu’ils peuvent et doivent garder, mais en acceptant les exigences et au besoin les ruptures qu’impose l’Évangile. Ainsi les chrétiens seront vraiment dignes du Christ, gardant la vigueur du sel ou du levain dans la pâte, et leur foi ne s’affadira pas dans l’ambiguïté d’un syncrétisme périlleux.

Il faut encore évangéliser les réalités du travail, de la vie sociale. Les chrétiens seront lucides sur le matérialisme et le souci immodéré de l’argent qui risquent non seulement de leur faire perdre leur âme, mais de détériorer les rapports sociaux, de favoriser le mensonge, de corrompre la conscience professionnelle, de faire négliger le sens du devoir – chacun se contentant de réclamer ses droits –, de faire perdre le sens du bien commun et celui de la gratuité dans les relations humaines si cher aux Béninois. Oui, les chrétiens, par motif de foi et par amour de leur patrie, doivent être au premier rang de ceux qui veulent coûte que coûte promouvoir ou rétablir ces valeurs, sans lesquelles la société se dégraderait. Qu’ils donnent aussi l’exemple d’une grande attention aux pauvres, en contribuant efficacement à ce que ceux-ci aient toujours de quoi manger, se vêtir, se soigner, s’instruire et vivre en fils de Dieu.

6. Si le temps m’en était donné, il m’aurait plu d’adresser des encouragements détaillés, en fonction de ces principes d’évangélisation, à toutes les catégories du peuple de Dieu. Mais vos évêques, qui ont toute ma confiance, auront soin de développer cet entretien, dans le même esprit. Je suis si heureux d’être entouré de Monseigneur Christophe Adimou, Archevêque de Cotonou, et de son coadjuteur, Monseigneur Isidore de Souza, de Monseigneur Lucien Agboka, Evêque d’Abomey, de Monseigneur Nestor Assogba, Évêque de Parakou, de Monseigneur Vincent Mensah, Évêque de Porto Novo, de Monseigneur Robert Sastre, Évêque de Lokossa et de Monseigneur Patient Redois, Évêque de Natitingou.

Je me contente donc de vous dire, avec eux:
Chers prêtres, renouvelez avec joie le don merveilleux de votre vie au Seigneur. Le peuple chrétien vous vénère, vous aime et compte sur vous. Avec le Seigneur, soyez donc les bons pasteurs, très disponibles et proches de votre peuple, des milieux humbles comme des milieux cultivés. Restez très à l’écoute des laïcs chrétiens, dont la confiance et la générosité seront un tremplin pour votre sacerdoce. Approfondissez aussi l’étude des réalités et des cultures que vous rencontrez, pour déterminer, avec vos évêques, une pastorale pertinente, et le dialogue qui convient avec tous ceux qui croient en Dieu.

Chers séminaristes, je me réjouis de voir s’accroître votre nombre, tant au grand séminaire de Ouidah que dans les petits séminaires d’Adjatokpa, de Djimé, de Parakou: c’est capital pour l’avenir de l’Église. Et quelle coïncidence providentielle: il y a exactement soixante-huit ans aujourd’hui que s’ouvrait le séminaire de Ouidah que j’aurais aimé visiter! Il a formé pratiquement tous vos aînés, tous les prêtres, sept évêques béninois – je dis sept car il faut compter aussi le Cardinal Gantin – et les évêques du Togo. On reconnaît l’arbre à ses fruits! Je fais aussi mémoire des admirables figures de prêtres qui ont rejoint la maison de Dieu: le Père Thomas Moulero, le Père Gabriel Kiti, le Père Dominique Adeyemi, le Père Lucien Hounongbé, et le vénéré Monseigneur Moïse Durand qui vient de nous quitter.

237 Estimez comme une grâce insigne le fait de servir le peuple de Dieu dans le sacerdoce, sans autre ambition que de vous consacrer entièrement à l’oeuvre urgente de l’évangélisation dont je vient de parler, et de donner à vos compatriotes la vie même de Dieu.

Que les diacres et les religieux frères sachent aussi poursuivre avec zèle leur ministère ou leur service qui a une place importante dans l’Église.

Et à vous, chères Soeurs, je dis un mot particulier: à la joie qui rayonne si spontanément dans le coeur et sur le visage des chrétiens béninois, vous ajoutez manifestement celle d’être libres pour aimer le Seigneur d’un coeur sans partage, pour mener une vie simple, évangélique, marquée par la confiance en Dieu, l’amour des pauvres, le service de l’Église, le sens missionnaire. Que votre témoignage brille toujours davantage!

Je n’oublie pas les religieux contemplatifs, Trappistes de Kokoubou et Bénédictins de Zagnanado, Trappistines de Parakou et Bénédictines de Toffo. Remercions ces hommes et ces femmes de prier jour et nuit pour le Bénin et pour toute l’Église, dans ces hauts lieux d’adoration et d’intercession qui manifestent la gratuité de l’amour de Dieu.

Chers laïcs chrétiens, pères et mères de familles, enfants et jeunes, catéchistes, animateurs de communautés, hommes et femmes qui exercez de multiples façons l’apostolat, l’Église compte beaucoup sur vous. Je vous encourage à parfaire la formation qui vous permet d’accomplir mieux encore votre service d’Église. Continuez à témoigner sans crainte de votre foi qui mérite le respect et l’estime de tous vos compatriotes. Prenez, en accord avec vos prêtres, les responsabilités qui sont nécessaires pour soutenir la foi, la prière et l’action chrétienne de vos frères et soeurs, pour évangéliser les réalités concrètes et quotidiennes qui sont votre lot. Je pense notamment au rôle magnifique que les femmes peuvent remplir dans leur foyer, dans leur paroisse, et auprès des autres femmes africaines.

Enfin, que tous ceux qui sont retenus par la maladie, la souffrance physique ou morale, les épreuves de toute sorte, la prison, se sentent proches du coeur du Pape, qui voudrait leur porter le réconfort que Jésus donnait de préférence aux affligés. Aucune de leurs peines n’est perdue dans la communion des saints!

7. Avant de terminer, je vous laisse une consigne, qui est l’ultime consigne de Jésus, et celle si souvent répétée par les Apôtres Pierre et Paul: Restez très unis entre vous. Là-dessus, soyez vigilants, au-dedans et au-dehors. Oh oui, qu’entre vous l’unité de foi et de charité l’emporte toujours sur la diversité des méthodes, sur les griefs qui peuvent surgir entre chrétiens, sur les jalousies, sur l’esprit de secte qui ruinerait l’Église! Et souvenez-vous que l’Église a connu, depuis le début de son histoire comme maintenant, des difficultés et des épreuves de tout genre, dont la division n’a pas été la moindre. Accepter de laisser glisser entre chrétiens des ferments de méfiance et d’opposition est toujours chose fatale aux communautés chrétiennes qui ne tardent pas à en être affaiblies et vulnérables. Témoignez plutôt, dans la paix et sans haine de personne, de votre solidarité fraternelle. Vous serez unis entre vous, unis autour de vos évêques, unis au successeur de Pierre, garant de la fidélité et de l’unité.

J’encourage enfin les catholiques à entretenir les bonnes relations qu’ils ont avec ceux qui partagent la foi au Christ.

8. Tout oe programme est-il trop ambitieux ou trop pesant? Pour nos forces humaines, il pourrait sembler que oui. Mais le Christ nous a dit dans l’Évangile d’aujourd’hui: “Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde”, Et la lettre de Saint Paul disait aussi: “Aucun de ceux qui croient en lui n’aura à le regretter”. Si vous êtes fidèles au Christ, il ne saurait vous abandonner. Il ne cessera de coopérer, mystérieusement, à toute votre oeuvre d’évangélisation. Ne craignez pas. Avec Lui, soyez dans l’espérance, dans la paix, j’ose dire, dans la joie, cette joie des chrétiens qui vous anime déjà manifestement.

Le Cardinal Gantin se souvient, avec beaucoup d’autres Béninois sans doute, de trois mots-clés qu’aimait répéter Monseigneur Parisot, son prédécesseur sur le siège de Cotonou. Ils ne prétendent certes pas synthétiser le mystère chrétien, mais ils sont significatifs d’une vie spirituelle profonde: “La Croix, l’Hostie, la Vierge”. La Croix, vous la porterez sûrement, vous la portez déjà, mais pas tout seuls: avec le Christ, avec tous vos frères de l’Église universelle dont certains connaissent bien l’épreuve, et elle devient alors source de vie. La Vierge, vous la priez, vous la prierez mieux encore: elle guide immanquablement ses enfants sur la voie de son Fils; elle leur obtient l’Esprit Saint; elle veillera sur vous comme elle veille sur mon pays. L’Hostie, n’est-elle pas le sommet de notre culte? C’est le Christ vivant qui maintenant nous rassemble, qui s’offre pour nous, qui nous transmet sa Vie.


E ni kpa Mawu Loué soit Dieu
E ni kpa Gesù Cristù Laiué soit JésusiOrist
E ni kpa Maria Louée sioit Marie

Amen!

( Traduction : Loué soit Dieu, Loué soit Jésus-Christ, Louée soit Marie.)

18 février 1982, Messe à Bata (Guinée Equatoriale)

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Le 18 février, le Pape a quitté Libreville pour se rendre en Guinée équatoriale qui compte 350 000 habitants, en majorité catholiques, et qui a eu à souffrir de la tyrannie du président Macias Nguema (1). Voici l'homélie qu'il a prononcée au cours de la messe célébrée à Bata (2) :

(1) Cf. DC, 1979, n° 1771, p. 844 ; n° 1776, p. 1075 ; 1980, n° 1777, p. 43.
(2) Texte espagnol dans l'Osservatore Romano du 19 février. Traduction, titre, sous-titres et notes de la DC.

FRÈRES ET SOEURS BIEN-AIMÉS,

1. Sur cette place de la Liberté, nous nous trouvons rassemblés au nom de Jésus, pour écouter sa parole, qui continue de nous apporter la Bonne Nouvelle du salut, pour confesser notre foi commune en lui et célébrer sa présence renouvelée dans l'Eucharistie, notre nourriture dans notre marche vers la patrie définitive.

Il est consolant de penser qu'ici, au milieu de nous, se trouve le Maître, le Christ : avec le Pape qui a la joie de venir à vous pour la première fois ; avec votre cher pasteur, Mgr Rafael Maria Nzé, qui a tant souffert pour l'Église, avec les prêtres, les religieux et les religieuses originaires de Guinée équatoriale ; avec les missionnaires qui sont venus nous aider fraternellement dans la cause de l'Évangile ; avec vous tous, frères et soeurs bien-aimés de la Guinée équatoriale, aussi bien du continent que des îles ; avec vous qui êtes ici présents et avec tous ceux qui s'unissent à nous à travers les moyens de communication sociale. Tous, je vous salue, avec l'apôtre Paul, en vous souhaitant « la grâce et la paix de la part de Dieu, notre Père, du Seigneur Jésus-Christ » (
1Co 1,3).

2. Oui, le Seigneur se trouve avec nous qui sommes unis dans l'amour du Père commun et mus par la grâce de son Esprit. C'est lui qui nous accompagne, nous les membres de l'Église universelle du Christ, puisque « l'unique Peuple de Dieu est présent à tous les peuples de la terre, empruntant à tous les peuples ses propres citoyens, citoyens d'un royaume dont le caractère n'est pas terrestre, mais céleste » (Lumen gentium, LG 13).

C'est là un premier sentiment qui nous réjouit tous profondément et nous donne une confiance nouvelle. En effet, cette communauté ecclésiale renferme une dimension de catholicité, qui lui est essentielle, qui ne peut jamais être oubliée, et qui transcende les frontières géographiques dans lesquelles elle se manifeste visiblement. Pour cette raison même, si vous vivez dans cette attitude ecclésiale, votre horizon spirituel ne pourra jamais se réduire à des frontières de groupe, de diocèse ou de territoire, mais devra s'ouvrir à cette immense fraternité dans le Christ, « lui qui a été donné, au sommet de tout, pour être à l'Église, qui est son corps, plénitude de celui qui remplit tout en tous » (Ep 1,22 et s.).

Promouvoir l'évangélisation

3. Le Pape a voulu venir à vous pour promouvoir la tâche d'évangélisation dans votre pays aussi. L'évangélisation, c'est-à-dire la croissance dans la foi, l'engagement généreux au service de la dignité de chaque homme et la fidélité au Christ et à son Église.

Je viens vous visiter en frère et en ami, comme représentant du Christ auquel vous croyez, comme héraut de son message de salut et semeur d'espoir pour votre communauté chrétienne.

Après la messe, le Pape s'est rendu à l'évêché. Peu après 14 heures, il a rencontré sur une place voisine un groupe de religieuses et le président de la République. À 16 heures, il a quitté l'aéroport pour revenir à Libreville.

Pressé par le devoir évangélique qui m'incombe à moi- même, j'arrive à cette Église, part de ce troupeau du Christ qui m'a été confié comme successeur de Pierre. Pour cette raison, je désire imiter l'apôtre Paul et partager la joie de votre persévérance dans l'Évangile « que vous avez reçu, dans lequel vous demeurez fermes, et par lequel vous êtes sauvés, si vous le gardez tel que je vous l'ai annoncé » (1Co 15,1 et s.).

4. Nous voulons aujourd'hui rendre grâce à Dieu de ce que la semence jetée en terre par les premiers missionnaires en 1645 et qui, bien plus tard seulement, a été répandue de manière plus continue et plus large, ait produit des fruits abondants. Ceux-ci se reflètent dans la composition majoritairement catholique des habitants des diocèses de Bata et de Malabo.

Notre esprit peut imaginer toutes les fatigues et les sacrifices qu'ont dû affronter les missionnaires successifs, capucins, prêtres diocésains, jésuites et surtout clarétins qui, fidèles au commandement du Maître d'enseigner toutes les nations (cf. Mt Mt 28,19), se sont efforcés de montrer aux frères le chemin du salut. Il est donc juste que nous rendions ici un tribut de gratitude et d'estime à ce long travail d'évangélisa- tion qui, peu à peu, a implanté l'Église parmi vous.

L'Église de la Guinée équatoriale

5. Mais, en ce moment, nous ne devons pas seulement rendre grâce au Seigneur de ce que le nombre de croyants en Jésus-Christ ait atteint le niveau actuel. Nous devons aussi le remercier parce que cette Église locale est dirigée par un pasteur originaire de votre pays, qui jouit de ma confiance et de mon affection, et parce que les diocèses de Malabo et de Bata comptent déjà quatorze prêtres et huit religieux de Guinée équatoriale, en plus de nombreuses religieuses.

Mais cela ne suffit pas à couvrir les besoins de la situation actuelle, et c'est la raison pour laquelle sont venus les seconder une vingtaine de missionnaires clarétins et plus d'une centaine de religieux et de religieuses envoyés par les Fédérations de religieux espagnols de l'enseignement et de la santé, qui apportent leur aide précieuse dans des services d'éducation et d'assistance.

Chers frères de Guinée équatoriale ou venus de l'étranger, je voudrais tous vous remercier profondément pour l'ardeur que vous mettez dans votre tâche évangélisatrice. Je demande avec ferveur au Seigneur d'éclairer votre coeur « pour que vous sachiez quelle espérance vous donne son appel, quelle est la richesse de sa gloire, de l'héritage qu'il vous fait partager avec les saints » (Ep 1,18).

6. Vous êtes engagés, Guinéens d'origine et d'adoption, dans une entreprise à laquelle Dieu vous appelle indistinctement. En effet, cette Église à laquelle vous consacrez généreusement votre vie est le bercail dont la porte est le Christ (cf. Jn Jn 10,1-10), elle est le champ de Dieu (cf. 1Co 3,9), elle est la construction de Dieu (cf. 1Co 3,9), elle est l'épouse du Christ (cf. Ep Ep 5,25 et s.), elle est son Corps mystique (cf. 2Co 5,17), elle est le Peuple de Dieu (cf. Lumen gentium, LG 9).

Cette considération doit susciter tout l'enthousiasme et toute l'ardeur dont vous êtes capables, assurés de servir Dieu et non les hommes. Unis dans la tâche qui est celle de tous et qui n'exclut personne, recherchez par-dessus tout le plus grand bien de l'Église et le meilleur service des autres. Je suis sûr pour ma part que, obéissant au « message que vous avez entendu depuis le commencement, celui de nous aimer les uns les autres » (comme nous le rappelle saint Jean dans la première lecture de cette messe), vous recevrez avec générosité les collaborateurs de la mission évangélisatrice qui vient du dehors et que ceux-ci offriront leur aide avec disponibilité, dans un esprit de service et de promotion des authentiques valeurs autochtones.

L'oeuvre d'évangélisation tend par elle-même à permettre à chaque Église de tabler sur ses propres forces. Non pas pour se refermer bientôt, mais pour pouvoir elle-même évangéliser d'autres Églises. Ainsi chacun montre sa pleine maturité dans la foi, en rendant ce qu'il a reçu au cours de la phase de sa croissance. Dieu veuille que ce jour arrive vite pour l'Église en Guinée équatoriale.

7. Mais, en attendant d'arriver à une plus grande consolidation dans les ouvriers de l'Évangile, votre Église a déjà donné des preuves consolantes de maturité et de fidélité au Seigneur. Nombreux sont vos frères qui ont su porter courageusement témoignage de la foi chrétienne, même au milieu de la persécution. Et s'il y a eu des cas de faiblesse, les exemples admirables d'attachement aux convictions religieuses les plus intimes l'ont emporté de beaucoup.

Ces exemples doivent vous servir d'encouragement et vous stimuler à suivre avec une vigueur renouvelée les enseignements du Christ : « Qui nous séparera de l'amour du Christ ? La détresse, l'angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le danger, le glaive ?... Mais, en tout cela, nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimés. » (Rm 8, 35, 37.)

Avec l'aide du Seigneur, en qui vous pouvez tout, donnez donc un nouvel élan à la vie chrétienne intégrale. Comme nous le rappelle saint Paul dans l'épître que nous venons de lire, ne vivez pas dans la fornication, le libertinage, l'idolâtrie, les rancoeurs ou les rivalités, les envies ou l'esprit de parti, mais allez de l'avant en produisant les fruits de l'Esprit, dans l'amour, la concorde, l'esprit de service.

Et puisque vous êtes chrétiens, soyez les premiers à vivre les Béatitudes en devenant dans votre vie des artisans décidés de la miséricorde, de la justice, de la moralité, du combat pour la paix.

Que personne ne puisse vous reprocher, dans votre conduite, le manque d'honnêteté, les abus commis contre autrui, la négligence dans les devoirs individuels, familiaux ou sociaux. Mais si l'on vous calomnie alors que vous faites le bien — tout en défendant vos droits légitimes par tous les moyens honnêtes —, soyez sûrs que votre récompense sera grande dans les cieux. C'est la parole du Christ que nous avons écoutée dans l'Évangile d'aujourd'hui qui nous en donne la certitude.

Les ouvriers de l'évangélisation

8. Je ne voudrais pas conclure cette homélie sans inviter chaque secteur de l'Église à une fidélité renouvelée dans l'élan de l'évangélisation.

Vous, prêtres et religieux, soyez toujours plus conscients de votre responsabilité et de votre haute mission dans l'Église, qui dépendent en grande partie de votre activité et de votre zèle. Dans ce but, ressuscitez chaque jour la grâce qui est en vous par l'imposition des mains et par le don généreux que vous avez fait de vous-mêmes à un idéal qu'il vaut la peine de continuer de vivre. Convaincus de votre identité et des motifs sur lesquels elle se fonde, n'hésitez donc pas à consacrer une part choisie de vos labeurs à favoriser, par tous les moyens, des vocations de séminaristes et d'âmes consacrées, qui puissent prendre votre relève dans l'oeuvre du salut.

Vous, religieux non prêtres, vous pouvez également apporter une aide précieuse à l'Église à travers de multiples insertions dans tant de champs d'apostolat et de témoignage.

Vous, religieuses, vous avez un vaste champ où déployer les meilleures énergies et capacités de votre condition féminine. De nombreuses réalisations peuvent dépendre de vous. Dans ce but, dans un amour toujours plus grand pour le Christ, renouvelez votre voeu de vous donner fidèlement à l'Église, à cette Église de votre pays. Obéissant toujours aux indications de votre pasteur, auquel j'ai demandé de suivre avec un intérêt particulier ce qui touche à votre vie et à votre insertion dans l'Église locale.

Vous tous, laïcs engagés dans les mouvements apostoliques, en particulier dans celui des « Cursillos de Cristianidad », offrez une contribution toujours plus décidée à la vie ecclésiale, sans vous laisser décourager par les difficultés qui se présentent sur votre chemin.

Vous, catéchistes et animateurs de communautés ou de secteurs ecclésiaux, continuez à collaborer au bien de l'Église, qui reçoit de tels bienfaits de votre responsabilité et de votre désir d'aider vos frères à accéder à la foi. La meilleure manière d'approfondir le sens de votre vocation chrétienne, c'est de vous engager à soutenir ou à nourrir la vie religieuse des autres.

Vous, pères et mères de famille, qui vivez avec joie la vocation de collaborateurs de Dieu dans la transmission de la vie, donnez à vos enfants et à la société le témoignage de votre estime pour les valeurs religieuses et humaines qui doivent se manifester avec un éclat particulier dans votre milieu. Cultivez une morale éprouvée, à l'intérieur et à l'extérieur du foyer, en gardant fidèlement l'unité permanente du mariage, telle que le Seigneur l'a proclamée. Que chacune de vos maisons soit une véritable Église domestique, où brillent les valeurs et les attitudes que j'ai indiquées dans l'Exhortation apostolique Familiaris consortio.

Chers frères et soeurs dans l'amour du Christ : chassant les craintes et les incertitudes, construisez toujours plus solidement, dans votre pays et dans vos coeurs, l'Église de la concorde, l'Église de l'espérance. Que la Très Sainte Vierge Marie, notre Mère, vous aide toujours dans cette tâche. Amen.





Homélies St Jean-Paul II 17282