Homélies St Jean-Paul II 13583

Acte d’offrande et de consécration à la Vierge

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Voici l'acte d'offrande et de consécration que le Saint-Père a prononcé à la fin de la concélébration eucharistique (1) :



(l) Texte français distribué par la Salle de Presse du Saint-Siège. Titre de la DC.



1. « Sous l'abri de ta miséricorde, nous nous réfugions, Sainte Mère de Dieu ! » (« Sub tuum praesidium confugi- mus. Sancta Dei Genetrix. ») En prononçant les paroles de cette antienne avec laquelle l'Église du Christ prie depuis des siècles, je me trouve aujourd'hui en ce lieu choisi par toi, et par toi, ô Mère, particulièrement aimée.

Je suis ici, en union avec tous les pasteurs de l'Église par ce lien particulier qui fait que nous constituons un corps et un collège, de la même manière que, selon la volonté du Christ, les apôtres étaient unis à Pierre.

C'est dans le lien de cette unité que je prononce les paroles du présent acte, dans lequel je désire rassembler encore une fois les espoirs et les angoisses de l'Église dans le monde de ce temps.

Il y a quarante ans — puis à nouveau dix ans plus tard —, ton serviteur le Pape Pie XII, ayant devant les yeux les douloureuses expériences de la famille humaine, a confié et consacré à ton coeur immaculé le monde entier, et spécialement les peuples qui étaient, d'une manière particulière, l'objet de ton amour et de ta sollicitude.

Ce monde des hommes et des nations, je l'ai moi aussi devant les yeux aujourd'hui, au moment où je désire renouveler l'offrande et la consécration accomplies par mon prédécesseur sur le siège de Pierre : le monde du second millénaire qui va se terminer, le monde contemporain, notre monde actuel !

Se souvenant des paroles du Seigneur : « Allez de toutes les nations faites des disciples. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde. » (
Mt 28,19-20), l'Église a renouvelé, au Concile Vatican II, la conscience de sa mission en ce monde.

C'est pourquoi, ô Mère des hommes et des peuples, toi qui « connais toutes leurs souffrances et leurs espoirs », toi qui ressens d'une façon maternelle toutes les luttes entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres, qui secouent le monde contemporain, reçois l'appel que, comme mus par l'Esprit-Saint, nous adressons directement à ton coeur, et avec ton amour de Mère et de Servante, embrasse notre monde humain que nous t'offrons et te consacrons, pleins d'inquiétude pour le sort terrestre et éternel des hommes et des peuples.

Nous t'offrons et te consacrons d'une manière spéciale les hommes et les nations qui ont particulièrement besoin de cette offrande et de cette consécration.

« Sous l'abri de ta miséricorde, nous nous réfugions, Sainte Mère de Dieu ! » Ne rejette pas nos prières alors que nous sommes dans l'épreuve !

Ne les rejette pas !

Accepte notre humble confiance — et notre offrande !

2. « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle. » (Jn 3,16)

C'est précisément cet amour qui a fait que le Fils de Dieu s'est consacré lui-même pour tous les hommes : « Pour eux je me consacre moi-même, afin qu'ils soient, eux aussi, consacrés dans la vérité. » (Jn 17,19)

En vertu de cette consécration, les disciples de tous les temps sont appelés à se dépenser pour le salut du monde, à ajouter quelque chose aux souffrances du Christ en faveur de son Corps qui est l'Église (cf. 2Co 12,15 Col 1,24).

Devant toi, Mère du Christ, devant ton coeur immaculé, je veux aujourd'hui, avec toute l'Église, m'unir à notre Rédempteur en sa consécration pour le monde et pour les hommes, car c'est seulement dans son coeur divin qu'elle a le pouvoir d'obtenir le pardon et de procurer la réparation.

La puissance de cette consécration dure dans tous les temps, elle embrasse tous les hommes, peuples et nations, elle surpasse tout mal que l'esprit des ténèbres est capable de réveiller dans le coeur de l'homme et dans son histoire, et que, de fait, il a réveillé à notre époque.

À cette consécration de notre Rédempteur s'unit l'Église, Corps mystique du Christ, par le service du successeur de Pierre.

Combien profondément nous sentons le besoin de consécration pour l'humanité et pour le monde, pour notre monde contemporain, dans l'unité du Christ lui-même ! À l'oeuvre rédemptrice du Christ, en effet, doit participer le monde par l'intermédiaire de l'Église.

Alors, quel mal nous fait tout ce qui, dans l'Église et en chacun de nous, s'oppose à la sainteté et à la consécration ! Et quel mal suscite en nous le fait que l'invitation à la pénitence, à la conversion, à la prière, n'ait pas rencontré l'accueil qu'elle aurait dû !

Quel mal nous procure le fait que beaucoup participent si froidement à l'oeuvre de la Rédemption du Christ ! Et que d'une manière si insuffisante se complète en notre chair « ce qu'il reste à souffrir des épreuves du Christ » (Col 1,24) !

Bénies soient donc toutes les âmes qui obéissent à l'appel de l'amour éternel ! Bénis soient ceux qui, jour après jour, avec une inépuisable générosité, accueillent ton invitation, ô Mère, à faire ce que dit ton Jésus (cf. Jn 2,5), et donnent à l'Église et au monde un témoignage serein de vie inspirée par l'Évangile !

Bénie sois-tu par-dessus tout, toi, la servante du Seigneur qui obéis de la manière la plus pleine à ce divin appel !

Sois saluée, toi qui t'es entièrement unie à la consécration rédemptrice de ton Fils !

Mère de l'Église ! Enseigne au peuple de Dieu les chemins de la foi, de l'espérance, et de la charité ! Aide-nous à vivre avec toute la vérite de la consécration du Christ pour toute la famille humaine du monde contemporain !

3. En te confiant, ô Mère, le monde, tous les hommes et tous les peuples, nous te confions aussi la consécration même pour le monde et nous la mettons dans ton coeur maternel.

Ô Coeur immaculé ! Aide-nous à vaincre la menace du mal qui s'enracine si facilement dans le coeur des hommes d'aujourd'hui et qui, avec ses effets incommensurables, pèse sur notre époque et semble fermer les voies vers l'avenir !

De la faim et de la guerre, délivre-nous !

De la guerre nucléaire, d'une autodestruction incalculable, de toutes les sortes de guerre, délivre-nous !

Des péchés contre la vie de l'homme depuis ses premiers moments, délivre-nous !

De la haine et de la dégradation de la dignité des fils de Dieu, délivre-nous !

De tous les genres d'injustices dans la vie sociale, nationale et internationale, délivre-nous !

De la facilité avec laquelle on piétine les commandements de Dieu, délivre-nous !

De la tentative d'enterrer dans les coeurs humains la vérité même de Dieu, délivre-nous !

Des péchés contre l'Esprit-Saint, délivre-nous ! Délivre- nous !

Accueille, ô Mère du Christ, ce cri chargé de la souffrance de tous les hommes ! Chargé de la souffrance de sociétés entières !

Que se révèle encore une fois dans l'histoire du monde la puissance infinie de l'amour miséricordieux ! Qu'il arrête le mal ! Qu'il transforme les consciences ! Que dans ton coeur immaculé se manifeste pour tous la lumière de l'Espérance !

Je veux encore t'adresser une prière spéciale, ô Mère qui connais les angoisses et les préoccupations de tes fils.

D'une manière pressante, je te supplie d'intercéder pour la paix du monde, entre les peuples qui, en diverses régions du monde, sont en litige pour des intérêts nationaux ou qui s'opposent les uns aux autres dans des actes de violence injuste.

Je te supplie en particulier, pour que prennent fin les hostilités qui opposent, depuis trop de jours, deux grands pays dans les eaux de l'Atlantique Sud, occasionnant de douloureuses pertes en vies humaines. Fais que l'on trouve finalement une solution juste et honorable pour les deux parties, non seulement dans la controverse qui les divise et les menace avec des conséquences imprévisibles, mais aussi et surtout pour le rétablissement entre eux de la plus haute et profonde harmonie, celle qui convient à leur histoire, à leur civilisation, à leurs traditions chrétiennes.

Que la grave et préoccupante controverse soit vite dépassée et terminée : de sorte que, aussi, le voyage projeté en Grande-Bretagne puisse avoir lieu heureusement, en accomplissement non seulement de mon désir, mais aussi de celui de tous ceux qui attendent ardemment cette visite et l'ont préparée avec tant d'efforts et de tout coeur.



15 mai 1982, Messe pour la famille, Braga

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La famille, avenir de l’homme


À la suite du retard pris le matin en raison des conditions atmosphériques qui ont contraint le Pape d'effectuer les déplacements du 15 mai en train au lieu de l'hélicoptère, ce n'est qu'à 14 h 45 que le Pape est arrivé à Braga où il a célébré la messe pour les familles. Voici l'homélie qu'il a prononcée (1) :

(1) Texte portugais dans l'Osservatore Romano du 16 mai. Traduction, titres et sous-titres de la DC.

1. « Ne crains pas, Abraham ta descendance sera nombreuse ! » (
Gn 15,1-5).

La merveilleuse histoire d'Abraham, « Père de notre foi », évoquée par la lecture de la liturgie d'aujourd'hui met en relief deux vérités fondamentales. C'est sur ces vérités que se concentreront notre attention et notre prière durant notre eucharistie.

La première est que l'avenir de l'homme sur la terre est lié à la famille. La seconde, c'est que le plan divin du salut et l'histoire du salut passent à travers la famille.

C'est à une rencontre de famille des enfants de Dieu, réunis pour célébrer le sacrifice eucharistique —, que nous sommes en train d'approfondir ces vérités.

Avant tout, permettez que je salue la famille portugaise, ici représentée par un grand nombre de couples et de familles de la ville et de l'archidiocèse de Braga et de différentes régions du Portugal : je viens vous apporter une parole d'encouragement à cultiver les valeurs essentielles du mariage.

Une salutation également aux mouvements et aux organisations familiales, surtout de caractère ecclésial, dont certains sont engagés dans la préparation au mariage, d'autres dans la promotion de la spiritualité conjugale, d'autres dans l'attention aux problèmes qui surgissent au sein des familles. Je vous apporte un encouragement à poursuivre une pastorale familiale solide, vaste, bien articulée pour le bien de tant de foyers portugais. Que les familles de ce pays se consolident dans l'amour et dans l'unité comme l'image de l'amour du Christ pour son Église (cf. Ep 5,25) et qu'elles continuent ainsi à accomplir la mission que Dieu leur a confiée. C'est pour cela que nous prions au cours de cette eucharistie, persuadés que l'avenir du Portugal passe également par la famille (cf Exhortation apostolique Familiaris consortio, concl.).

La famille, avenir de l'homme

2. C est dans la famille que réside l'avenir de l'homme, et c'est d'elle que dépend cet avenir, plus que toute autre société, institution ou milieu. Cette vérité fondamentale résonnait dans l'entretien d'Abraham avec Dieu, que nous venons d'écouter dans la lecture de la page suggestive de la Genèse. « Ta récompense sera très grande », promettait le Seigneur à son ami. « Que me donneras-tu ? » interrogeait Abraham avec une pointe de scepticisme — « Je m'en vais sans enfants. » (Gn 15,2).

À Y abattement désolé d'Abraham succédera sa joie lorsque, « dans le temps fixé par Dieu » (Gn 21,2), Sarah lui donnera un fils.

L'avenir de l'avenir de l'être humain, c'est avant tout l'être humain lui-même. C'est l'être humain né de l'être humain : d'un père et d'une mère, d'un homme et d'une femme. C'est pourquoi l'avenir de l'homme se décide dans la famille.

Le mariage est le fondement de la famille, comme la famille est le sommet du mariage. Il est impossible de séparer l'un de l'autre. Il faut les considérer ensemble à la lumière de l'avenir de l'homme. C'est là une vérité évidente et, malgré cela, c'est aussi une vérité menacée. Pour beaucoup de raisons, l'humanité est portée à penser à sa propre existence présente et future selon les catégories de ce que l'homme produit — ou avec les catégories des moyens — plutôt que selon la dimension de la fin, propre à l'homme.

Différentes circonstances semblent expliquer et justifier cette manière de penser. On peut même dire que l'homme agit ainsi par « considération pour l'homme », dans le souci de lui assurer son existence sur terre. Sur ce point, les publications contemporaines dans le domaine de la démographie et de l'économie auraient beaucoup à dire.

Mais, en pensant à l'homme, à son avenir sur terre, avant tout selon ce qu'il produit et fait produire à la terre, nous commettons très facilement une erreur fondamentale : l'homme cesse d'être la valeur principale et essentielle : de fin, il devient moyen.

Ainsi, notre mode de pensée s'éloigne de la pensée du Créateur qui, entre toutes les créatures de la terre, n'a voulu l'homme que pour lui-même (cf. Constitution Gaudium et spes, GS 24).

À ce sujet précisément, la vocation de la famille est irremplaçable. La famille, par sa nature même, veut aussi « l'homme pour lui-même » ; elle se forme comme une communauté de personnes tournée vers l'homme comme tel : l'homme concret, toujours unique et singulier, mari, épouse, père, mère, fils et fille. C'est pourquoi, dans l'atmosphère actuelle du monde — spécialement du monde « riche », du monde de la « civilisation matérielle avancée » —, la famille est menacée. Elle demeure pourtant la source de l'espérance du monde. C'est en elle que, malgré tout, se décide l'avenir de l'homme et, s'il m'est permis d'être concret, de l'homme au Portugal engagé à consolider les bases sur lesquelles reposent le progrès équilibré, la concorde et la paix.

Famille et éducation

3. « Lève les yeux vers le ciel et compte les étoiles si tu en es capable. Ainsi, sera ta descendance ! » (Gn 15,5), dit le Seigneur à Abraham. Le fils qui va naître sera à l'origine de la famille et de la souche. Il sera le tronc ou le fondateur de la tribu et de la nation.

L'homme n'est pas destiné à demeurer seul. Il ne subsiste pas solitaire sur la terre. Il est appelé à vivre sa vie en communauté. C'est pour cela que naissent les communautés, dont la première et la plus fondamentale est précisément la famille. C'est par l'intermédiaire des communautés, la première d'entre elles étant la famille, que l'homme va se former et mûrir comme homme. Ainsi, né dans la communauté conjugale de l'homme et de la femme, l'homme doit son éducation à la famille. L'éducation, selon la signification particulière de ce mot, est destinée à « humaniser » l'homme. Depuis le premier instant de sa conception dans le sein maternel, l'homme apprend graduellement à être un homme. Cet apprentissage fondamental s'identifie exactement avec l'éducation. L'homme est l'avenir de la famille elle-même et de l'humanité tout entière, mais son avenir est inséparablement lié à l'éducation.

La famille a le droit premier et fondamental d'éduquer. Mais il lui incombe aussi le devoirpremier et fondamental de l'éducation. Dans l'accomplissement de ce devoir essentiel, qui appartient strictement à sa vocation, la famille va boire aux sources de ce grand trésor de l'humanité qu'est la culture ; et plus directement, la culture du milieu où elle est enracinée.

Dans cet ordre de faits, l'homme devient l'héritier d'un passé qui, en lui, va se transformer en avenir : non seulement en avenir de sa famille, mais aussi de la nation elle- même et de l'humanité tout entière.

L'affaire de tous

4. En même temps que se déroule ce cycle normal de la famille, de la naissance et de l'éducation de l'homme, à travers lui, passe organiquement le plan divin du salut qui est proposé à l'homme depuis l'origine, avec l'alliance matrimoniale, et qui a eté confirmé et renouvelé — après la chute dans le péché — en Jésus-Christ. C'est en Jésus-Christ que le plan divin du salut arrive à sa plénitude.

Frères et soeurs très chers, en énonçant cette doctrine de valeur universelle, je souhaiterais n'avoir qu'à remercier Dieu et me féliciter avec les familles portugaises parce que, ici, sont respectés et observés :

— Les principes du caractère central de l'être humain dans l'institution familiale,

— Les implications et les impératifs pratiques dans le rôle de la culture et la tâche de l'éducation.

Pourtant, étant donné la rapide généralisation des phénomènes sociaux, avec ses incidences sur la mentalité et le comportement des cellules de la société et des personnes, je ne puis manquer d'alerter ici toutes les consciences humaines et chrétiennes, car la grande cause de la famille intéresse tout le monde, je voudrais lancer un appel à l'engagement de ceux qui sont les plus directement responsables de la culture, surtout de ce qu'on appelle la culture de « masse », des responsables de l'éducation, des agents de la pastorale ; lancer un appel enfin à tous ceux qui peuvent contribuer à maintenir et préserver une situation favorable à la communauté conjugale et familiale dans laquelle, en plus de la transmission de la vie, existe la très grave obligation d'éduquer les enfants.

Et vous, chers pères et mères de famille, conscients que votre foyer est la première école de valorisation humaine des enfants que Dieu vous a donnés, vous serez certainement conscients également de cet autre devoir qui vous concerne : tout faire, en l'exigeant au besoin, pour que vos enfants puissent progresser de manière harmonieuse, au cours de leur vie, en s'appuyant sur une formation humaine et chrétienne convenable. L'Église se réjouit quand les pouvoirs constitués dans la société, tenant compte du pluralisme et d'une juste liberté religieuse, « aident les familles pour que l'éducation des enfants puisse être donnée dans toutes les écoles, selon les principes moraux et religieux des familles elles-mêmes » (Décret Gravissimum educationis, GE 7).

Le Christ et l'héritage spirituel d'Israël

5. La première vérité sur la famille, que j'ai présentée jusqu'à maintenant, prend tout son relief dans l'épisode de la présentation de Jésus au temple, épisode qui vient d'être rappelé dans la lecture du texte de saint Luc. Rappelons ce qui est arrivé : selon la prescription de la loi de l'Ancien Testament, un enfant est porté au temple quarante jours après sa naissance. Marie le porte pour se soumettre à la loi rituelle de la purification de la mère, après avoir conçu. Avec elle se trouve également Joseph pour offrir le sacrifice obligatoire en ces circonstances. Né dans la nuit de Bethléem, le fils de Marie entrait ainsi dans l'héritage spirituel d'Israël, sa nation. En même temps, l'enfant portait avec lui un autre héritage spirituel : l'héritage de l'amour spirituel du père, qui « a tant aimé le monde qu'il lui a donné son fils pour que personne ne périsse, mais que tous aient la vie éternelle » (Cf. Jn 3,16). Avec Jésus-Christ, l'héritage divin de la vie éternelle entre non seulement dans la vie d'Israël, mais dans celle de toute l'humanité. Ce sont les paroles prophétiques prononcées par Siméon, en voyant l'enfant qui l'expriment : « Maintenant, ô Maître, tu peux, selon ta parole, laisser ton serviteur s'en aller en paix. Car mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé à la face de tous les peuples, lumière pour éclairer les nations et gloire de ton peuple Israël » (Lc 29,32) Le même Siméon, dans ses paroles inspirées et prophétiques, fait comprendre en même temps qu'il s'agit d'un héritage difficile. Il dit à la mère du nouveau- né : « Vois !Cet enfant doit amener la chute et le relèvement d'un grand nombre en Israël ; il doit être ainsi en butte à la contradiction et toi-même un glaive te transpercera l'âme. » (Lc 2,34)

Mariage et incarnation

6. Les biens divins de l'Alliance et de la Grâce sont, depuis le début, unis à la famille. C'est pourquoi, dans un certain sens, même le mariage, depuis le début, est un sacrement, comme un symbole de la future incarnation du Verbe de Dieu. Sacrement que le Christ a confirmé et, en même temps, renouvelé par la parole de l'Évangile et par le mystère de sa rédemption.

Par la force de l'Esprit-Saint, l'homme et la femme scellent entre eux l'alliance conjugale qui, par institution divine, « depuis l'origine », est indissoluble. Enracinée dans la complémentarité naturelle qui existe entre l'homme et la femme, l'indissolubilité est sanctionnée par l'engagement réciproque total de dons personnels et est exigée par le bien des enfants. À la lumière de la foi, se manifeste sa vérité dernière qui est d'être proposée « comme fruit, signe et exigence de l'amour absolument fidèle que Dieu Père a pour l'homme et que le Seigneur Jésus vit avec l'Église ». C'est par ces paroles que j'ai exposé l'enseignement traditionnel de l'Église dans l'exhortation apostolique Familiaris consortio (Cf. n. FC 20), à la demande des évêques de toutes les parties du monde, réunis en synode à Rome, pour étudier les problèmes de la famille chrétienne dans le monde d'aujourd'hui. Certes, cette doctrine ne s'harmonise pas avec la mentalité de beaucoup de nos contemporains qui jugent impossible un engagement de fidélité pour toute la vie. Les Pères du synode, bien que conscients des courants idéologiques actuels contraires, ont déclaré que c'est la mission spécifique de l'Église « de prêcher l'heureuse annonce du caractère irrévocable de cet amour conjugal qui a en Jésus-Christ son fondement et sa vigueur » (Ibid. n. FC 20). Ils ont expliqué que cette mission ne s'impose pas seulement à la hiérarchie. Elle s'impose également à vous, à chacun des couples chrétiens, appelés à être dans le monde un « signe » toujours renouvelé « de la fidélité immuable par laquelle Dieu et Jésus- Christ aiment tous les hommes et chaque homme » (Ibid FC 20).

Les couples séparés ou divorcés

7. Chacun des hommes : même aussi celui et celle qui se trouvent dans un mariage raté. Dieu ne cesse d'aimer ceux qui se séparent et ceux qui ont commencé une nouvelle union irrégulière. Il continue à accompagner ces personnes de l'immuable fidélité de son amour, en attirant continuellement l'attention sur la sainteté de la norme violée, et, en même temps, en invitant à ne pas perdre espoir. En reflétant, de quelque manière, l'amour de Dieu, l'Église elle- même n'exclut pas de sa préoccupation pastorale les conjoints séparés et ceux qui se sont mariés de nouveau. Elle met même à leur disposition les moyens de salut. Bien qu'elle conserve la pratique, fondée sur la sainte Écriture, de ne pas admettre ces personnes à la communion eucharistique, étant donné que leurs conditions de vie s'oppose objectivement à ce que l'Eucharistie signifie et fait, l'Église les exhorte à écouter la parole de Dieu, à fréquenter le sacrifice de la messe, à persévérer dans la prière et dans les oeuvres de charité, à éduquer leurs enfants dans la foi chrétienne, à cultiver l'esprit et les oeuvres de pénitence, pour implorer de cette manière la grâce de Dieu et être disposés à la recevoir (cf. Familiaris consortio, FC 84).

Par cet enseignement, l'Église a conscience d'être dans le monde un « signe de contradiction ». Les paroles prophétiques que Siméon a prononcées sur l'enfant s'appliquent au Christ dans sa vie et aussi à l'Église dans son histoire. Plusieurs fois, le Christ, son Évangile et l'Église ont été un « signe de contradiction » devant ce qui, dans l'homme, n'est pas « de Dieu », mais du monde et même du « prince des ténèbres ». Même en appelant le mal par son nom et en s'opposant à lui de manière décidée, le Christ vient toujours à la rencontre de la faiblesse humaine. Il cherche la brebis égarée, il guérit les blessures des âmes. Il console l'homme par sa croix. Dans l'Évangile, il n'y a pas d'exigences que l'homme ne puisse satisfaire avec la grâce de Dieu et avec sa volonté. Au contraire, ces exigences ont comme finalité le bien de l'homme : sa vraie dignité.

Le droit de donner la vie

8. Il est nécessaire que la vision du mariage et de la famille par laquelle vous cherchez à vous guider, chers frères et soeurs, se forme à partir de la lumière apportée par le Christ : que cette perspective soit le fruit d'une foi vive. « Par la foi, répondant à l'appel, Abraham obéit et partit pour un pays qu'il devait recevoir en héritage, et il partit sans savoir où il allait. » (He 11,8) Cet appel divin adressé un jour à Abraham s'adresse également à chacun de nous, en premier lieu lors du baptême. Par le baptême nous sommes appelés à être « cohéritiers de la promesse divine » pour que nous considérions la vie comme « un pèlerinage vers la terre promise » c'est-à-dire vers la cité éternelle « dont l'architecte et le constructeur, c'est Dieu lui-même ».

Par cette conception de la vie, vous savez que la sollicitude de l'Église pour proclamer les droits de la personne humaine, subordonnés aux droits de Dieu, suprême Seigneur, reste constante. À l'intérieur de ces droits, le droit à la vie occupe toujours une place éminente. Dans le mariage, l'homme et la femme sont appelés à transmettre le trésor de la vie à d'autres créatures humaines, à travers une paternité et une maternité humainement responsables. En continuité avec les normes réaffirmées au Concile Vatican II et dans l'encyclique Humanae vitae et après avoir recueilli l'avis des Pères du dernier Synode des évêques, j'ai rappelé dans la récente exhortation apostolique Familiaris consortio que, parmi les droits prioritaires des parents, se trouvait celui d'avoir les enfants qu'ils désiraient, en recevant en même temps ce qui est nécessaire pour les élever et les éduquer dignement. C'est pourquoi l'Église condamne comme une offense grave à la dignité humaine et à la justice les manoeuvres pour conditionner de manière aveugle la liberté des conjoints pour ce qui est de la transmission de la vie et de l'éducation des enfants. J'ai senti que mon devoir était de dénoncer également une insidieuse « mentalité contre la vie » qui s'infiltre dans la pensée actuelle. Dieu dit à tout homme : « Accueille la vie conçue par ton oeuvre ! » Il le dit à travers ses commandements par la voix de l'Église. Il le dit directement par la voix de la conscience humaine. Voix puissante que l'on doit écouter malgré d'autres « voix » discordantes, malgré tous les efforts pour l'étouffer.

Le caractère à la fois corporel et spirituel de l'union conjugale, toujours éclairée par l'amour personnel, doit conduire à respecter la sexualité, sa dimension pleinement humaine et jamais à l'utiliser comme un « objet », pour ne pas dissoudre l'union personnelle de l'âme et du corps, en blessant la création de Dieu elle-même dans la relation la plus intime entre nature et personne (ibid. FC 32).

La responsabilité dans la procréation de la vie humaine — de la vie qui doit naître dans une famille — est grande devant Dieu.

La famille, berceau des vocations

9. En se servant de la collaboration créatrice des parents, Dieu le Père veut répéter encore une fois son appel pour une nouvelle descendance du genre humain. Il veut l'appeler également à devenir « cohéritière de la promesse de Dieu » et à partir vers la « terre » qui a été « promise » en Jésus- Christ à tous les hommes.

La famille est le lieu de la vocation divine de tous les hommes. Il est nécessaire que les couples chrétiens et les parents soient conscients de cette responsabilité et collaborent, avec la meilleure volonté, à cette vocation divine de l'homme nouveau, en développant l'oeuvre de l'éducation chrétienne, surtout par cette catéchèse qui naît de l'exemple de la vie.

Les vocations, particulièrement importantes pour la mission salvifique de l'Église, naissent aussi dans les familles chrétiennes, berceau des futurs prêtres, religieux, religieuses, missionnaires et apôtres ! Bien qu'il existe aujourd'hui des difficultés dans le travail de l'éducation, les parents chrétiens doivent, avec confiance et courage, former leurs enfants aux valeurs essentielles de la vie humaine sans jamais perdre de vue qu'étant responsables de l'Église domestique de leur foyer, ils sont appelés à édifier la grande Église dans leurs enfants (cf. Familiaris consortio, FC 38) et, qui sait, à l'édifier à travers leurs enfants « qui sont appelés par Dieu ». Et si Dieu, de fait, les appelait au service de son Royaume, soyez, chers parents, généreux avec lui, comme lui l'a été avec vous.

10. Je me réjouis de célébrer cette eucharistie et de méditer avec vous sur la famille dans le cadre de ce sanctuaire de Sameiro, monument de l'amour du peuple portugais envers la Sainte Vierge, vénérée ici et invoquée sous le titre d'Immaculée Conception. Les nombreux fiancés qui choisissent ce sanctuaire pour célébrer leur mariage le font certainement pour placer leurs foyers sous la protection spéciale de la Madone. Que ce geste de dévotion soit le gage de la solidité des familles chrétiennes de cette région, confirmant ce que disait Mgr l'archevêque : en cette région, généralement, les familles sont fondées sur des bases chrétiennes et, fréquemment, des vocations « sacerdotales, religieuses et missionnaires » y fleurissent. Je remercie Dieu pour cela. Je remercie également Dom Eurico Dias Nogueira pour les paroles chaleureuses et aimables qu'il a voulu m'adresser. Je salue également Mgr l'archevêque et les excellentissimes autorités et les habitants de Braga, ainsi que les habitants de cette belle région de Minho et de Tras- os-Montes (des diocèses de Viana do Castello, de Braga et Miranda et de Vila Real), tous, sans exception : évêques, prêtres, religieux et fidèles sans oublier les nombreux Espagnols venus avec leurs pasteurs des proches terres de Galice. D'ici, j'exprime mes sentiments cordiaux de sympathie et d'affection dans le Christ Seigneur à tous les émigrés de la famille portugaise.

Dans ces données historiques sur la ville et l'archidiocèse de Braga et de sa région, je souligne avec plaisir le pourcentage élevé de la pratique chrétienne parmi la population qui fréquente la messe dominicale et les autres sacrements. Que la fidélité à Dieu par la fidélité à son passé continue ainsi et s'intensifie constamment ici et dans tout le Portugal. En cela, la famille joue un rôle irremplaçable.

Frères et soeurs : il est grand le sacrement du mariage qui a donné l'origine à vos familles et qui continue à les vivifier ! Elle est grande la mission de vos familles :

— l'avenir de l'homme sur terre est lié à la famille ;

— le plan divin du salut et l'histoire du salut passent par la famille humaine !

Vierge immaculée, Notre-Dame de Sameiro, mère de « l'Enfant » apparue comme « signe de contradiction » : près de ton fils Jésus-Christ dont tu as conservé et médité les paroles dans ton coeur, donne à toutes les familles du Portugal la grâce de savoir entendre et conserver fidèlement la parole de Dieu.

Mère du Verbe divin, dans la famille sacrée de Nazareth, obtiens à ces familles l'harmonie, l'amour et la grâce ! Que « le Signe » n'y soit jamais une contradiction, que l'amour de Dieu miséricordieux manifesté en Jésus-Christ, ne soit jamais contredit ! Amen.



22 mai 1982, Messe concélébrée «pro pace et iustitia servanda»

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Les chrétiens et la paix

Le 22 mai le Saint-Père a concélébré une messe pour la paix avec les cardinaux Gordon Joseph Gray, archevêque de Saint Andrews et Edimbourg, Raul Francisco Primatesta, archevêque de Cordoba, Juan Carlos de Aramburu, archevêque de Buenos Aires, George Basil Hume, archevêque de Westminster, Eduardo Pironio, préfet de la S. Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers ; les archevêques Derek Worlock de Liverpool, Alfonso Lopez Trujillo, président du CELAM, et Thomas Winning, de Glasgow. Voici l'homélie qu'il a prononcée après la liturgie de la parole (1) :


(1) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 23 mai. Traduction, titre, sous-titres et note de la DC.


VÉNÉRABLES FRÈRES, CHERS FILS,

1. La concélébration eucharistique, qui nous voit aujourd'hui réunis autour de l'autel du Christ, a pour but principal d'invoquer la paix entre les deux pays que divise et oppose actuellement la controverse bien connue dans l'Atlantique Sud, avec de douloureuses conséquences dans le présent et des perspectives encore plus graves pour l'avenir si une solution pacifique n'était pas trouvée rapidement.

Instruits par la parole inspirée du psalmiste selon qui, « si le Seigneur ne bâtit la maison, c'est en vain que peinent les maçons » (
Ps 126,1) et tandis que nous souhaitons que soient renouvelés les efforts pour trouver un honorable règlement au différend par des négociations, nous nous recueillons en prières sous le regard de Dieu pour implorer le don du bien très précieux de la paix, condition irremplaçable de tout progrès humain authentique.



La paix est un devoir

2. Nous n'ignorons pas les obstacles qui, en ce moment, empèchent d'atteindre un objectif si essentiel pour le bien- être et les vrais intérêts des deux peuples, et nous réaffirmons notre conviction avec une ferme confiance : la paix est un devoir, la paix est possible.

La paix est un devoir, car tout habitant de la terre, quel que soit le pays qui lui a donné naissance ou la langue dans laquelle il a appris à exprimer ses pensées et ses sentiments, ou le « Credo » politique ou religieux qui inspire sa vie, appartient toujours à cette unique famille du « genre humain » que l'ancien sage païen considérait déjà comme une « société sans frontières conforme à sa propre nature » (cf. Cicéron, De amic., 5).

Comment le croyant pourrait-il ne pas en être convaincu, lui qui reconnaît dans chacun de ses semblables l'image de Celui « qui, à partir d'un seul homme, a créé tous les peuples pour habiter toute la surface de la terre » (Ac 17,26) ? Et si la révolte des origines a introduit parmi les hommes les pitoyables divisions et les luttes sanglantes dont est tissée l'histoire, le croyant sait encore que le Fils de Dieu lui-même a quitté les abîmes de son éternité pour « recomposer l'unité de la famille humaine désagrégée par le péché » et pour former un peuple nouveau « rassemblé dans le lien d'amour de la Trinité » (cf. Préface VIII des dimanches ordinaires).

C'est pourquoi, alors qu'il s'apprêtait à entrer dans sa Passion, le Seigneur Jésus a pu élever vers son Père cette émouvante prière : « Que tous soient un comme toi et moi nous sommes un » (cf. Jn 17,21), en suggérant de cette manière une certaine similitude entre l'union des personnes divines et l'union des êtres humains dans la vérité et dans la charité. « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je vous la donne non pas comme le monde vous la donne. » La paix est un don du Christ et, pour nous chrétiens, elle devient un devoir.


La paix est possible

3. La paix est donc un devoir et elle est également possible. Ce don particulier à l'homme par lequel il est mis au-dessus de toutes les créatures non raisonnables et qui lui vaut le titre de « roi de la création » ne conduit-il pas à la considérer comme telle ? Ce don est la raison, c'est-à-dire la capacité de discerner le bien du mal, de reconnaître ses droits propres mais, en même temps, également ceux des autres et donc ses devoirs à leur égard, d'orienter sa propre vie vers de justes objectifs, en corrigeant, le cas échéant, les erreurs dans lesquelles on aurait pu tomber.

Le recours à la raison fait de l'homme un être civilisé qui n'est pas réduit à pouvoir résoudre ses différends avec ses semblables seulement par l'usage de la force, mais qui est en mesure d'en rechercher et d'en trouver la solution par le dialogue, par la confrontation et la négociation.

C'est dans cette ligne de pensée que se plaçait le grand Augustin lorsque, écrivant à un magistrat romain, il observait que le plus haut titre de gloire était de « tuer la guerre par la parole des négociations plutôt que de tuer les hommes par l'épée » (EP 229, Ad Darium). Voilà l'engagement que l'homme doit prendre avec un indomptable courage, une espérance tenace et une généreuse volonté.

Il s'agit, certes, de possibilités qui ne sont pas toujours faciles. Dans beaucoup de cas même, comme dans le cas présent précisément, les difficultés peuvent être telles qu'elles peuvent apparaître pratiquement presque insurmontables. Mais elles ne sont jamais insurmontables si les parties savent donner, l'une et l'autre, la preuve d'une mutuelle compréhension de leurs propres droits et de ceux des autres ainsi que des intérêts vitaux, y compris l'honneur national légitimement compris, c'est-à-dire s'ils savent donner la preuve d'une vision plus vaste qui embrasse aussi le bien des autres peuples et de l'humanité, de clairvoyance dans l'évaluation des conséquences de leur action, de magnanime et bonne volonté qui n'enlève rien au sens des responsabilités à l'égard de son pays et de ses concitoyens. Impératifs exigeants mais nécessaires parce que vraiment « humains » et essentiels pour le bien de l'humanité.

Comment, en effet, ne pas reculer, terrifiés, face aux perspectives de destruction et de mort que réserve aujourd'hui toute guerre même si elle est faite avec ce que l'on appelle les armes conventionnelles auxquelles, cependant, la technologie moderne a conféré des possibilités meurtrières de dévastation et d'extermination ? Toute personne responsable doit réfléchir sérieusement sur ces perspectives face auxquelles déjà mon prédécesseur de vénérée mémoire, Pie XII, lançait l'avertissement éploré : « Avec la paix, rien n'est perdu ; tout peut l'être avec la guerre. »


Le témoignage des chrétiens

4. Le chrétien doit souvent revenir à ces pensées, lui qui a ouvert son coeur au message de Celui que le prophète Isaïe saluait comme le « prince de la paix » (9, 5). N'est-ce pas cela qu'attendait saint Paul de la communauté primitive ? Nous venons d'écouter l'exhortation qu'il adressait aux chrétiens de son temps et, par eux, à ceux de tous les temps : « Faites connaître vos demandes à Dieu par la prière et la supplication accompagnées d'action de grâces. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos coeurs et vos pensées en Jésus-Christ. » (Ph 4,6-7)

Nous avons, du reste, bien présentes à l'esprit les réflexions du même apôtre sur l'action pacificatrice du Christ qui vient dans le monde pour « faire l'unité de ce qui était divisé en détruisant le mur de séparation : la haine » et en devenant ainsi « notre paix » de telle sorte que désormais « par son intermédiaire, nous pouvons les uns et les autres nous présenter auprès du Père dans un seul Esprit » (cf. Ep 2,14-18).

Voilà, frères et fils très chers : nous n'expérimentons jamais autant que pendant la célébration de l'Eucharistie la vérité de ces paroles. Dans le mystère du Christ qui renouvelle pour nous sa Pâque de mort et de résurrection, nous « pouvons nous présenter les uns et les autres auprès du Père dans un seul Esprit ».

Nous avons des patries humaines différentes, des traditions culturelles différentes, des mentalités et des intérêts différents. Pourtant, nous nous sentons membres d'une unique famille surnaturelle, la famille des fils de Dieu, que le sang du Christ a rachetés et rendus frères. Nous sentons que nous pouvons vivre ensemble sereinement, sans pour autant renoncer aux particularités qui sont liées à notre histoire personnelle et nationale, mais en réussissant même à confronter ces particularités entre elles pour essayer de construire une synthèse supérieure qui signifie une plus grande richesse d'humanité pour tous.

De cette expérience typiquement chrétienne, je vous demande, vénérés frères et très chers fils, de vous en faire les témoins et les porte-parole. Proclamez devant tous par la parole et l'exemple qu'il est possible, même en respectant les justes exigences du patriotisme, de sauvegarder cette unité supérieure de pensées qui a ses racines dans la nature humaine commune et son couronnement dans la vocation à la même filiation divine.

Dieu veuille que ce message de sagesse humaine et chrétienne parvienne aux esprits et aux coeurs de tous, en Argentine et en Grande-Bretagne. Que la bonne volonté réciproque des responsables, tendue vers la recherche du vrai bien des deux peuples, puisse conduire au dépassement des tensions actuelles et que se vérifie le souhait inspiré du psalmiste : « La paix et la justice se sont embrassées. » (Ps 84,11) C'est pour cela que nous prions avec toute l'ardeur de notre âme, en confiant notre supplication à l'intercession de celle pour qui les hommes de toute race et de toute langue ont un seul nom : celui de Fils.

Reine de la paix, prie pour nous !




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