Homélies St Jean-Paul II 22582


23 mai 1982, Proclamation de cinq nouveaux Bienheureux

23582 Les bienheureux, signe de la présence de Dieu parmi les hommes


Le 23 mai, le Pape a présidé une concélébration eucharistique au cours de laquelle ont été proclamés cinq nouveaux bienheureux. Voici l'homélie prononcée par le Saint-Père après la liturtie de la Parole (1):

(l) Textes en différentes langues dans l'Osservatore Romano des 24-25 mai. Traduction, titre et sous-titres de la DC.


1. « Et nous, nous connaissons, pour y avoir cru, l'amour que Dieu manifeste au milieu de nous. Dieu est amour : qui demeure dans l'amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui. » (
1Jn 4,16)

Ces paroles de l'apôtre Jean, chers frères et soeurs trouvent aujourd'hui une nouvelle et lumineuse confirmation dans la figure des nouveaux bienheureux que nous contemplons dans la gloire de Dieu et qui sont une authentique démonstration de l'amour même de Dieu pour nous. Il s'agit de trois femmes et de deux hommes. L'une a vécu au XIVe siècle dans un couvent d'Espagne : Maria Angela Astorch ; les autres ont vécu principalement au siècle dernier : Marie- Anne Rivier, Petrus Donders, Marie-Rose Durocher ; enfin, l'un est presque notre contemporain : André Bessette. En eux, comme l'écrit encore l'apôtre Jean, l'amour de Dieu a atteint sa perfection (cf. ibid. 1Jn 4,12) et, au ciel, ils connaissent cette « perfection de la joie » promise par le Christ dans sa prière sacerdotale (cf. Jn 17,13).

Dans ces hommes et dans ces femmes, dont leurs contemporains avaient déjà été frappés par le témoignage évangélique, nous avons vu un véritable reflet de l'amour que constitue la richesse incomparable de Dieu à l'intérieur de la vie trinitaire qui s'est manifestée dans le don du Fils unique pour le salut du monde en particulier dans son sacrifice rédempteur (cf. Jn 3,16).

Cet amour se trouve multiplié, et presque allumé comme un feu, par l'Esprit-Saint dans le coeur d'hommes et de femmes comme nous, humbles et pauvres mais pleinement « fidèles à son nom ». L'Esprit les rend confiants en Dieu, mais aussi véritablement courageux pour aller, avec une constante cohérence, à la rencontre des pauvres, des malades, des jeunes en quête d'éducation, des âmes abandonnées. Il est vrai que « personne n'a jamais vu Dieu » (1Jn 4,12). Mais le signe le plus efficace et le plus révélateur de sa présence parmi les hommes, c'est précisément l'amour tel qu'il se trouve pratiqué sans réserves par les meilleurs de ses fidèles (Cf Ibid 1Jn 4,20). Les contemporains des nouveaux bienheureux ont été frappés par leurs fruits de sainteté. Aujourd'hui, l'Église reconnaît solennellement que ces bienheureux « demeurent en Dieu » et elle les propose comme exemples à la méditation et à la vie concrète de tous les baptisés qui trouvent en eux un nouveau point de référence pour leur propre témoignage chrétien.



Petrus Donders

2. Petrus Donders, qui est né au début du siècle dernier aux Pays-Bas, a passé la plus grande partie de sa vie au Surinam. Il a proclamé l'Évangile aux esclaves, aux Noirs et aux Indiens, et est surtout connu par le souci spirituel et corporel des lépreux, de telle manière qu'il a été appelé à juste titre l'apôtre des lépreux.

On peut dire qu'il a été l'apôtre des pauvres. Il est né dans une famille pauvre, et a dû mener la vie d'un travailleur avant de pouvoir suivre sa vocation sacerdotale. Il a consacré toute sa vie de prêtre aux pauvres. Il est une invitation et un encouragement à renouveler et à faire fleurir l'élan missionnaire qui, à partir des Pays-Bas, au siècle dernier et dans ce siècle, a apporté une contribution si exceptionnelle à la réalisation de la mission de l'Église.

En tant que membre de la Congrégation des Rédemptoris- tes, à laquelle il adhéra à la fin de sa vie, il a mis en pratique de manière exceptionnelle ce que saint Alphonse a proposé comme idéal à ses religieux : dans la prédication de la parole de Dieu aux pauvres, imiter l'exemple et les vertus du Rédempteur.

Par sa vie il a montré à quel point la proclamation de la Bonne Nouvelle de la rédemption et de la libération du péché doit trouver un soutien et une confirmation dans une vie authentiquement évangélique, une vie d'amour effectif pour le prochain, avant tout pour les plus défavorisés des frères du Christ.

(En espagnol)

Maria Angela Astorch

3. La seconde figure que l'Église désire élever aujourd'hui à la gloire des autels et proposer à l'imitation du peuple fidèle, c'est celle de Maria Angela Astorch, un nouvel exemple de sainteté qui a mûri en Espagne.

Elle appartient à la famille des religieuses clarisses capucines.

Au cours des différentes étapes de sa vie, comme simple religieuse, jeune maîtresse des novices, responsable de la formation des professes et comme abbesse elle a laissé autour d'elle, à Barcelone, à Saragosse, Séville et Murcie, une trace admirable de fidélité à sa consécration et d'amour pour l'Église.

Avec une intelligence hors du commun, elle a su s'appuyer sur la solidité de la parole révélée et des auteurs ecclésiastiques qu'elle étudie et connaît en profondeur. Cela la conduit à une solide connaissance théorique et pratique des chemins de la spiritualité et elle vit en intime union avec l'Église, surtout à travers la liturgie, les textes sacrés et l'office divin à tel point qu'on a pu la montrer comme une mystique du bréviaire.

Dans ses tâches de formatrice, elle emploie « la manière noble » que Dieu utilise avec elle-même. Elle sait pour cela respecter l'individualité de chaque personne, en l'aidant en même temps à « cheminer au pas de Dieu », qui est distinct pour chacun. Ainsi, la profonde compréhension ne se fait pas tolérance inerte.

Maria Angela Astorch est donc une figure digne d'être aujourd'hui admirée attentivement. Car elle nous enseigne à respecter les chemins de l'homme en les ouvrant aux chemins de Dieu.

(En français.)

Marie Rivier

4. Regardons maintenant la bienheureuse Marie Rivier, que Pie IX appelait déjà la « femme-apôtre ». C'est, en effet, l'ardeur de son apostolat qui frappe tous ses contemporains, pendant et après la Révolution française. Passionnée dès l'enfance à l'idée d'instruire des petites, de leur apprendre, comme une « petite mère », à aimer Dieu, elle fonde bien plus tard les Soeurs de la Présentation, spécialement pour éduquer la jeunesse à vivre dans la foi, en privilégiant les pauvres, les orphelines, celles qui sont abandonnées ou ignorent Dieu. Non seulement elle réunit les jeunes filles, mais elle veut « former de bonnes mères de famille », convaincue du rôle évangélisateur des familles et de l'importance de l'initiation religieuse dès la petite enfance : « La vie est tout entière dans les premières impressions ! » disait-elle. On a pu la considérer comme une « moissonneuse d'âmes innombrables ». Et, pour cela, elle n'épargnait aucun moyen : nombreuses écoles de village, missions, retraites qu'elle prêchait elle-même, assemblées du dimanche.

Quel était donc le secret de Marie Rivier ? On reste frappé par son audace, sa ténacité, sa joie expansive, son courage « prêt à remplir mille vies ». Bien des difficultés auraient pourtant été de nature à la décourager : l'infirmité de son enfance jusqu'à sa guérison un jour de fête de la Vierge, un manque de croissance physique, une santé toujours déficiente durant les soixante-dix années de sa vie, la misère de l'ignorance religieuse qui l'entourait. Mais sa vie montre bien la puissance de la foi de son âme simple et droite, qui se livre entièrement à la grâce de son baptême. Elle compte à fond sur Dieu, qui la purifie par la croix. Elle prie intensément Marie et, avec elle, elle se présente devant Dieu en état d'adoration et d'offrande. Sa spiritualité est solidement théologale et nettement apostolique : « Notre vocation, c'est Jésus-Christ » ; il faut se remplir de son esprit, pour faire advenir son règne, spécialement dans l'âme des jeunes.

Marie-Rose Durocher

5. Outre-Atlantique, au Canada, nous retrouvons une autre figure très apostolique dans la bienheureuse Marie- Rose Durocher. Elle était née dans une famille nombreuse et fertile en âmes consacrées. À la recherche de sa propre vocation dans l'Église et ne pouvant entrer, avec sa pauvre santé, dans les deux seules congrégations féminines qui existaient alors au Québec, elle sert durant treize ans au presbytère de son frère, — on dirait aujourd'hui comme « aide au prêtre » —, préoccupée non seulement de bien tenir la maison, mais d'accueillir les prêtres et séminaristes malades, de diriger les oeuvres charitables de la paroisse et de stimuler la piété mariale des jeunes filles. C'est alors, à la demande de l'évêque de Montréal, avec l'encouragement des Pères oblats de Marie Immaculée et selon l'exemple des Frères des Écoles chrétiennes, qu'elle fonde une nouvelle congrégation pour répondre aux besoins de l'instruction et de l'éducation religieuse desjeunes filles, notamment dans les milieux pauvres des campagnes auprès de Montréal : les Soeurs des Saints-Noms de Jésus et de Marie. Durant les six dernières années de sa brève existence, elle a suffisamment lancé son oeuvre qui fleurit aujourd'hui en six pays.

Quel esprit a donc présidé à un tel apostolat, si bien conjugué avec les besoins de l'Église au moment de la « renaissance catholique » au Canada, au début du siècle dernier ? Surtout la disponibilité totale à suivre les engagements que lui demandaient sa foi en Jésus, son amour de l'Église, le souci des plus délaissés. Ce sont d'ailleurs les responsables de l'Église qui ont discerné ses capacités et lui ont confié sa mission : l'apostolat authentique, aujourd'hui comme hier, n'est pas seulement affaire de charisme personnel, mais d'appel de l'Église et d'insertion dans sa pastorale. Marie- Rose Durocher a agi avec simplicité, avec prudence, avec humilité, avec sérénité. Elle ne s'est pas laissé arrêter à ses problèmes personnels de santé ni aux premières difficultés de l'oeuvre naissante. Son secret résidait dans la prière et l'oubli de soi-même qui atteignait, selon l'estimation de son évêque, une véritable sainteté.

Frère André Bessette

6. Enfin, sans quitter le Canada, nous vénérons aussi dans le bienheureux Frère André Bessette un homme de prière et un ami des pauvres ; mais d'un tout autre style, à vrai dire étonnant.

L'oeuvre de toute sa vie — sa longue vie de quatre-vingt-onze ans — est celle d'un serviteur pauvre et humble : « Pauper, servus et humilis », comme on a écrit sur sa tombe. Travailleur manuel jusqu'à 25 ans, en ferme, à l'atelier, à l'usine, il entre ensuite chez les Frères de Sainte-Croix, qui lui confient durant presque quarante ans le service de portier dans leur collège de Montréal ; et, enfin, pendant presque trente autres années, il reste gardien de l'oratoire Saint-Joseph, à proximité du collège.

D'où lui vient alors son rayonnement inouï, sa renommée auprès de millions de personnes ? Une foule quotidienne de malades, d'affligés, de pauvres de toutes sortes, de ceux qui sont handicapés ou blessés par la vie trouvaient auprès de lui, au parloir du collège, à l'oratoire, accueil, écoute, réconfort et foi en Dieu, confiance dans l'intercession de saint Joseph ; bref, le chemin de la prière et des sacrements et, avec cela, l'espérance et bien souvent le soulagement manifeste du corps et de l'âme. Les « pauvres » d'aujourd'hui n'auraient- ils pas tout autant besoin d'un tel amour, d'une telle espérance, d'une telle éducation à la prière?

Mais qu'est-ce qui en donnait la capacité au Frère André ? Dieu s'est plu à doter d'un attrait et d'un « pouvoir » merveilleux cet homme simple, qui, lui-même, avait connu la misère d'être orphelin au milieu de douze frères et soeurs, était resté sans argent, sans instruction, avec une santé médiocre, bref, démuni de tout, sauf d'une grande confiance en Dieu. Il n'est pas étonnant qu'il se soit senti tout proche de la vie de saint Joseph, le travailleur pauvre et exilé, si familier du Sauveur, que le Canada et spécialement la Congrégation de Sainte-Croix ont toujours beaucoup honoré. Le Frère André a dû supporter l'incompréhension et la moquerie à cause du succès de son apostolat. Mais il restait simple et jovial. En recourant à saint Joseph et devant le Saint- Sacrement, il pratiquait lui-même, longuement et avec ferveur, au nom des malades, la prière qu'il leur enseignait. Sa confiance dans la vertu de la prière n'est-elle pas une des indications les plus précieuses pour les hommes et les femmes de notre temps, tentés de résoudre leurs problèmes en se passant de Dieu ?

7. Pendant que nous recueillons ainsi le message de chacun de ces bienheureux, quels sont les sentiments qui animent notre prière ?

D'abord une profonde action de grâce envers le Seigneur, comme nous chantions dans le psaume : « Bénis le Seigneur, ô mon âme. Autant les cieux dominent la terre, autant est fort son amour pour ceux qui l'adorent » (Ps 102,2 Ps 102,11). C'est lui, la source de cet amour fort qu'il nous donne de contempler chez nos aînés. Nous bénéficions de leurs oeuvres qui ont laisse un sillage jusqu'à nous. Nous bénéficions de leur exemple, que l'Église propose aujourd'hui officiellement. Nous bénéficions de leur intercession : en les béatifiant, l'Église nous dit qu'ils peuvent être invoqués et priés dans les Églises particulières, car elle est sûre qu'ils participent déjà à l'éternelle félicité, auprès du Christ élevé à la droite du Père.

Ce jour d'action de grâces, de joie et de fierté pour l'Église, l'est particulièrement pour les quatre pays dont la foi généreuse a pu préparer des chrétiens, des prêtres, des missionnaires, des religieux et des religieuses de cette trempe : les Pays-Bas, l'Espagne, la France, le Canada, dont je suis heureux de saluer les délégations officielles et diocésaines. Jour de fête aussi pour les cinq familles religieuses, très honorées par ces bienheureux qui en ont été les membres ou qui les ont fondées.

Puissions-nous tous éprouver en même temps une grande espérance ! De même qu'à l'origine les apôtres ont su trouver en Matthias un témoin de la Résurrection, ainsi, à chaque époque, l'Esprit Saint suscite, même — et peut-être surtout — parmi ceux qui sont considérés comme faibles, petits, pauvres, parfois handicapés et malades, humbles en tout cas, des témoins bouleversants de l'Évangile, qui répondent aux besoins spirituels de leur temps, avec une intuition sûre, une simplicité désarmante, une audace à toute épreuve, et une profonde adhésion à l'Église qui a reconnu l'authenticité de leur charisme et de leur mission.

Que ces bienheureux intercèdent pour nous ! Qu'ils éclairent notre chemin ! Qu'ils nous obtiennent l'espérance et l'audace des témoins de l'amour de Dieu ! Afin que le monde reconnaisse cet amour parmi nous et aspire à sa plénitude ! Amen ! Alleluia ! »


Voyage Apostolique en Grande-Bretagne (28 mai - 2 juin 1982)


28 mai 1982, Messe dans la Cathédrale de Westminster, London

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Le service de l’unité dans la charité


Le 28 mai, le Pape a commencé son voyage en Grande-Bretagne. Parti de Rome à 6 h 48, il est arrivé à 8 h à l'aéroport londonien de Gatwick où il a été salué par de nombreuses personnalités civiles et religieuses. En réponse au discours de bienvenue du cardinal Basil Hume, président de la conférence épiscopale d'Angleterre et du pays de Galles, il a rappelé le sens pastoral de son voyage et lancé un premier appel à la paix aux îles Malouines (1), puis il s'est rendu à la cathédrale de Westminster où, après l'homélie ci-après, il a administré le baptême et la confirmation à quatre adultes (2) :

(1) « [...] Vous savez que je suis venu, dans ce pèlerinage de foi, pour faire une visite pastorale à l’Église catholique de ce pays. Les préparatifs du voyage ont commencé il y a longtemps, et c’est avec une joyeuse impatience que j'ai attendu l'occasion de célébrer l'Eucharistie et les autres sacrements avec les fidèles catholiques des Églises locales. Je suis également reconnaissant pour les rencontres oecuméniques qui auront lieu pendant ce voyage de la foi. La promotion de l’unité chrétienne est d’une grande importance, car elle correspond à la volonté de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. Le signe d’unité entre les chrétiens est aussi le moyen et l’instrument pour une évangélisation efficace. Et c’est pourquoi je prie ardemment le Seigneur de bénir nos efforts pour accomplir sa volonté : « Ut omnes unum sint », afin que tous soient un. » (
Jn 17,21)

Ma visite se déroule à un moment de tension et d’angoisse, à un moment où l’attention du monde est tournée vers la délicate situation engendrée par le conflit de l’Atlantique Sud. Ces dernières semaines, on a assisté à des tentatives pour régler le différend par des négociations pacifiques, mais en dépit d’efforts sincères, la situation s’est transformée en confrontation armée. Elle a exigé de nombreuses vies et a même menacé de prendre des proportions encore plus dangereuses. Cette tragique situation a été pour moi une grave préoccupation et j’ai demandé à plusieurs reprises aux catholiques du monde entier, ainsi qu’à tous les hommes de bonne volonté, de se joindre à moi dans la prière, pour que l’on aboutisse à un règlement juste et pacifique. J’ai également lancé un appel au Secrétaire général des Nations Unies, de même qu’à d’autres hommes d’État influents. Chaque fois, je me suis efforcé d’encourager une solution qui éviterait la violence et l’effusion du sang. Tandis que je me trouve ici aujourd’hui, je renouvelle mon sincère appel et prie pour que l’on aboutisse à un tel règlement du différend. [...] »

(2) Texte anglais dans l'Osservatore Romano du 29 mai. Traduction, titre, sous-titres et notes de la DC.


Seigneur, tu sais tout : tu sais bien que je t'aime. »

FRÈRES ET SOEURS,

1. C'est avec une reconnaissance et un amour sincères que je remercie notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ de m’avoir donné la grâce d’être présent parmi vous aujourd’hui. Aujourd'hui en effet, pour la première fois dans 'Histoire, un évêque de Rome met le pied sur le sol anglais. Je suis profondément ému à cette pensée. Ce beau pays, autrefois lointain avant-poste du monde païen, est devenu, par la prédication de l’Évangile, une part aimée et féconde de la vigne du Christ.

Vous avez derrière vous une tradition enracinée dans l’histoire de la civilisation chrétienne. La liste de vos saints et de vos grands hommes, les trésors de votre littérature et de votre musique, vos cathédrales et vos universités, votre riche héritage de vie paroissiale parlent d’une tradition de foi. Et c’est à la foi de vos pères — une foi qui reste vivante — que je désire rendre hommage par ma visite.

Je suis heureux de pouvoir concélébrer cette Eucharistie avec mes frères évêques qui, avec moi, sont les successeurs des apôtres, et dont la tâche consiste à sanctifier et à gouverner la part de l’Église qui est confiée à leur souci pastoral (cf. Lumen gentium, LG 19).


Le but du voyage

2. Réfléchissons à l’importance spirituelle de cet instant.

Le Christ, le « Pasteur suprême » (1P 5,4), a confié à Pierre — comme nous venons de l’entendre proclamer dans le passage de l’Évangile de saint Jean —, la tâche de confirmer ses frères dans leur foi et dans leur charge pastorale : « Pais mes agneaux. Veille sur mes brebis. » (Jn 21,15-16)

Je viens parmi vous pour répondre à ce commandement du Seigneur. Je viens pour confirmer la foi de mes frères évêques. Je viens pour rappeler à tous les croyants, héritiers aujourd’hui de la foi de leurs pères, que, dans chaque diocèse, l’évêque est le signe et la source visibles de l’unité de l’Église. Je viens au service de l'unité dans l'amour : dans l’amour humble et réaliste du pécheur repentant : « Seigneur, tu sais tout ; tu sais que je t’aime. »

Au cours des siècles, les chrétiens se sont souvent rendus à la ville où les apôtres Pierre et Paul sont morts en témoignant de leur foi, et où ils sont ensevelis. Mais, pendant quatre siècles, le flot continu des pèlerins anglais vers les tombeaux des apôtres s’est réduit à un mince filet. Rome et votre pays étaient devenus étrangers l’un à l’autre. Et aujourd’hui l’évê- que de Rome vient vers nous. Je viens vraiment au service de l’unité dans l’amour, mais je viens comme un ami aussi, un ami profondément reconnaissant de votre accueil.

J’ai toujours admiré votre amour de la liberté, votre généreuse hospitalité à l’égard d’autres peuples dans l’adversité, en tant que fils de la Pologne, j’ai les raisons les plus fortes et les plus personnelles pour admirer un tel amour et pour vous en remercier.

La signification du baptême

3. Dans ces sentiments, je suis particulièrement heureux de faire ce que Pierre a fait à l’origine de l’Église. J’administrerai le baptême ici ce matin, et méditerai avec vous sur sa signification.

D’une manière mystérieuse mais réelle est répété et représenté dans ce saint lieu le moment de la vie de l’Église à ses débuts où, ainsi que nous l'avons lu dans les Actes des Apôtres, s'éleva la voix de Pierre qui était là avec les Onze (Ac 2,14), pour parler de la nécessité d'être baptisé et de recevoir le don de l'Esprit Saint. À la suite de ce discours, beaucoup « accueillirent sa parole » et furent baptisés, venant grossir les rangs de la famille du Dieu vivant.

4. Par le baptême, nous sommes incorporés au Christ. Nous acceptons sa promesse et ses commandements.

Le sens du baptême se reflète dans le symbolisme du rite sacramentel. L'eau versée sur nous parle du pouvoir rédempteur des souffrances, de la mort et de la résurrection du Christ, nous purifiant de l'héritage du péché, nous faisant passer d'un royaume de ténèbres à un royaume de lumière et d'amour. Par le baptême, nous sommes réellement plongés dans la mort du Christ — nous sommes baptisés, comme le dit saint Paul, dans sa mort — de manière à ressusciter avec lui dans sa Résurrection (cf. Rm 6,3 Rm 6,5). L'onction de l'huile sur nos têtes signifie la manière dont nous sommes fortifiés dans le pouvoir du Christ et devenons des temples vivants de l'Esprit-Saint.

Nous sommes à la veille de la Pentecôte, la fête de l'Esprit-Saint qui descend sur nous au baptême. L'un des plus beaux passages de la liturgie de la Pentecôte a été écrit par un Anglais, Stephen Langton, archevêque de Cantorbéry. En six lignes, brèves et saisissantes, il demande à l'Esprit-Saint d'agir en nous :

« Lave ce qui est souillé,
Baigne ce qui est aride,
Guéris ce qui est blessé,
Assouplis ce qui est raide,
Réchauffe ce qui est froid,
Rends droit ce qui est faussé. »

La plupart des maux de notre époque, ou de n'importe quelle époque, peuvent être référés à cette prière. Elle reflète une confiance illimitée dans le pouvoir de l'Esprit qu'elle invoque.

5. Par le baptême nous sommes incorporés à l'Église. Le ministre, nos parents et nos parrains nous marquent du signe de la croix, le glorieux étendard du Christ. Cela montre que c'est l'assemblée des fidèles, la communauté du Christ tout entière, qui nous apporte son soutien dans la vie nouvelle de foi et d'obéissance découlant de notre baptême, notre nouvelle naissance dans le Christ.

Dans le baptême, nous sommes introduits dans la communauté de foi. Nous devenons une partie du peuple pèlerin de Dieu qui, en tout temps et en tout lieu, s'avance plein d'espérance vers la réalisation de la « promesse ». C'est notre devoir de prendre place, dans un esprit de responsabilité et d'amour, aux côtés de ceux qui, dès le début, « sont restés assidus à l'enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (Ac 2,42).

Sacrement d'unité

6. Le baptême crée un lien sacramentel d'unité qui unit tous ceux qui sont « re-nés » grâce à lui. Mais le baptême, de lui-même, n'est qu'un commencement, un point de départ, car il est totalement orienté vers la plénitude de vie dans le Christ (cf. Unitatis redintegratio UR 22). Le baptême est le fondement de l'unité que tous les chrétiens possèdent dans le Christ : une unité que nous devons nous efforcer de parfaire. Lorsque nous prenons clairement conscience du privilège et du devoir du chrétien, la honte nous prend d'avoir été totalement incapables de préserver la pleine unité de foi et de charité que le Christ a voulue pour son Église.

Nous, les baptisés, avons un travail à faire ensemble en tant que frères et soeurs dans le Christ. Le monde a besoin de Jésus-Christ et de son Évangile — la Bonne Nouvelle que Dieu nous aime, que Dieu le Fils est né, a été crucifié et est mort pour nous sauver, qu'il est ressuscité et que nous sommes ressuscités avec lui, et que, dans le baptême il a apposé sur nous le sceau de l'Esprit pour la première fois, nous a rassemblés dans une communauté d'amour et de témoignage pour sa vérité.

Telles sont mes pensées, au moment où nous nous apprêtons à célébrer le sacrement du baptême dans ce lieu historique. Cette belle église où nous sommes réunis est le symbole de la foi et de l'énergie de la communauté catholique anglaise à l'époque moderne. Son architecture est inhabituelle dans ce pays : elle évoque des souvenirs d'autres parties du monde chrétien et nous rappelle notre universalité. Demain, je serai accueilli dans la bien plus ancienne église de Cantorbéry, où saint Augustin, envoyé par mon prédécesseur saint Grégoire, construisit d'abord une petite église dont les fondations subsistent encore. À cet endroit, véritablement, tout parle des anciennes traditions communes que, à l'époque où nous vivons, nous sommes prêts à souligner ensemble. Moi aussi, je veux parler de cette manière : déplorer la longue séparation entre les chrétiens, entendre avec joie la prière et le commandement de Notre Seigneur pour que nous soyons totalement un, le remercier pour cette inspiration de l'Esprit-Saint qui nous a remplis du vif désir de laisser derrière nous nos divisions et pour l'aspiration à rendre un commun témoignage à Notre Seigneur et Sauveur. Mon profond désir, mon ardent espoir et mon ardente prière sont que ma visite serve la cause de l'unité chrétienne

Le nom de baptême

7. J'aimerais rappeler un autre aspect du baptême, peut- être le plus universellement familier. Au baptême nous est donné un nom, notre nom de chrétien. Dans la tradition de l'Église, c'est le nom d'un saint, le nom d'un des héros des disciples du Christ — un apôtre, un martyr, un fondateur religieux, comme saint Benoît, dont les moines ont fondé l'abbaye de Westminster tout près d'ici, là où vos souverains sont couronnés. Prendre de tels noms, cela nous rappelle de nouveau que nous sommes introduits dans la communion des saints et, en même temps, que les grands modèles de vie chrétienne sont placés devant nos yeux. Londres est particulièrement fière de deux saints remarquables qui furent aussi de grands hommes suivant les critères du monde et ont contribué à votre héritage national : John Fisher et Thomas More.

John Fisher, qui a été à Cambridge un savant de l'époque de la Renaissance, est devenu évêque de Rochester. Il est, pour tous les évêques, un exemple par sa fidélité à la foi et par son attention dévouée aux fidèles de son diocèse, en particulier les pauvres et les malades. Thomas More a été un laïc modèle, qui a vécu à plein l'Évangile. Il fut un grand homme de science, l'honneur de sa profession, un mari et un père aimant, humble dans la prospérité, courageux dans l'adversité, plein d'humour et de piété. Ensemble ils ont servi Dieu et leur pays, comme évêque et laïc. Ensemble ils sont morts, victimes de cette époque infortunée. Aujourd'hui, nous tous, nous avons la grâce de proclamer leur grandeur et de remercier Dieu d'avoir donné de tels hommes à l'Angleterre.

Dans cette Angleterre aux esprits loyaux et généreux, nul ne voudra reprocher à la communauté catholique d'être fière de sa propre histoire. C'est pourquoi je voudrais mentionner aussi un autre nom chrétien, moins célèbre mais qui ne mérite pas moins d'être honoré. L'évêque Richard Challoner a guidé les catholiques de cette région de Londres au XVIIIe siècle, à une époque où leur destin semblait être au plus bas. Ils étaient peu nombreux. Pourtant, l'évêque Challoner a élevé la voix pour prophétiser un avenir meilleur pour son peuple. Et aujourd'hui, deux siècles plus tard, j'ai le privilège de me trouver ici et de vous parler, non pas dans un esprit triomphal, mais comme un ami, reconnaissant de votre aimable accueil, et plein d'amour pour chacun d'entre vous.

Le courage de l'évêque Challoner peut nous rappeler à tous où se trouvent les semences du courage, et d'où provient la confiance du renouveau. C'est par l'eau et l'Esprit-Saint qu'un peuple nouveau est né, malgré les ténèbres du temps.

8. Comme nous le rappelle la lecture du prophète Ezéchiel, c 'est le Seigneur lui-même qui est le vrai pasteur de ce peuple nouveau. C'est lui-même qui fait paître ses brebis. C'est lui qui leur montre le lieu du repos : « Je viens chercher moi-même mon troupeau pour en prendre soin. Je l'arracherai de tous les endroits où il a été dispersé un jour de brouillard et d'obscurité. La bête perdue, je la chercherai, celle qui se sera écartée, je la ferai revenir, celle qui aura une patte cassée, je lui ferai un bandage ; la malade, je la fortifierai. » (Ez 34,12 Ez 34,16.)

Puissent tous ceux d'entre nous qui renouvellent aujourd'hui leurs promesses baptismales, de même que ceux qui vont maintenant recevoir le baptême, faire monter leur imploration vers notre Père du ciel, par Jésus-Christ son Fils, Notre-Seigneur :

« Berger d'Israël, écoute. Viens pour nous sauver. Dieu, le Tout-Puissant, fais-nous revenir ; que ton visage s'éclaire et nous serons sauvés. Interviens pour cette vigne, pour la souche plantée par ta droite. Alors, nous ne te quitterons pas : tu nous feras vivre et nous invoquerons ton nom. » (Ps 80,1-2 Ps 80,14-15 Ps 80,18.)

La guerre des Malouines

CHERS FRÈRES ET SOEURS,

Au moment où nous allons célébrer le mystère de notre foi, nous ne pouvons oublier qu'un conflit armé a lieu actuellement. Des frères dans le Christ combattent dans une guerre qui met en péril la paix dans le monde. Dans nos prières, permettez-moi de faire mémoire des victimes des deux côtés ; nous prions pour les morts, afin qu'ils reposent dans le Christ, pour les blessés, et pour toutes les familles affligées.

Je vous demande de vous joindre à moi à chaque étape de ma visite pastorale, en priant pour qu'une solution pacifique soit trouvée au conflit, en priant pour que le Dieu de la paix pousse les coeurs des hommes à déposer les armes de mort, et à suivre le sentier du dialogue fraternel. De tout notre coeur, nous nous tournons vers Jésus-Christ, le prince de la paix.


30 mai 1982, Solennité de Pentecôte, Coventry

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Le sacrement de confirmation


Le matin du 30 mai, le Pape a d'abord rencontré la communauté polonaise au stade londonien Crystal Palace, puis il s'est rendu dans les Midlands, à Coventry, ville qui a été à moitié détruite par les bombardements au cours de la dernière guerre. Il y a célébré une messe au cours de laquelle il a prononcé l'homélie ci-après et administré la confirmation à 26 personnes de différents âges (1) :

(1) Texte anglais dans l'Osservatore Romano des 31 mai-1er juin. Traduction, titre et sous-titres de la DC.


MES CHERS FRÈRES ET SOEURS EN JÉSUS-CHRIST

1. Que la paix soit avec vous. En ce grand jour de Pentecôte, je vous salue tous, vous qui êtes venus de tant de paroisses de la province de Birmingham et d’au-delà. Je salue aussi nos bien-aimés frères et soeurs des autres Églises et communautes ecclésiales chrétiennes, dont la présence témoigne de notre unique baptême en Jésus-Christ et de notre ouverture à l’unique Esprit-Saint. Et c’est pourquoi mes premières paroles pour vous sont : « Que la paix soit avec vous ! »

Nous sommes tout près de cette cité de Coventry, dévastée par la guerre mais rebâtie dans l’amour. Les ruines de l’ancienne cathédrale et la construction de la nouvelle sont reconnues à travers le monde comme un symbole de réconciliation et de paix chrétiennes Nous disons cette prière à la messe : « Envoie ton Esprit Seigneur, et renouvelle la face de la terre. » Dans cette prière, nous demandons à Dieu de nous rendre capables d’instaurer cette réconciliation et cette paix, non pas simplement dans le symbole, mais aussi dans la réalité.

Un monde défiguré par la guerre

2. Notre monde est défiguré par la guerre et la violence. Les ruines de la vieille cathédrale rappellent sans cesse à notre société qu’elle est capable de détruire. Et, aujourd’hui, cette capacité est plus grande que jamais. Les hommes devront vivre à l’ombre d’un cauchemar nucléaire. Pourtant, partout, on aspire à la paix. Des hommes et des femmes de bonne volonté désirent faire cause commune dans leur recherche d’une communauté mondiale, fondée sur la fraternité et la compréhension. Ils aspirent à la justice, oui, mais à une justice empreinte de miséricorde. Puisque nous sommes tout près du lieu de la naissance de Shakespeare, nous ferions bien de méditer ces lignes : « Nul d’entre nous ne peut trouver le salut dans la justice humaine. Nous prions pour la miséricorde, et cette prière même nous enseigne à tous d’accomplir les oeuvres de miséricorde. »

Quelle est cette paix à laquelle nous aspirons ? Quelle est cette paix que symbolise la nouvelle cathédrale de Coventry ? La paix n’est pas simplement l’absence de guerre. Elle exige le respect et la confiance entre peuples et nations. Elle exige la collaboration et des accords qui obligent. Comme une cathédrale, la paix doit être construite, patiemment, et avec une foi inébranlable.

Chaque fois que le fort exploite le faible ; chaque fois que le riche prend avantage sur le pauvre ; chaque fois que de grandes puissances cherchent à dominer et à imposer des idéologies, le travail de construction de la paix se défait ; et la cathédrale de paix est à nouveau détruite. Aujourd’hui, l’ampleur et l’horreur de la guerre moderne — nucléaire ou non — la rendent totalement inacceptable comme moyen de régler les différends entre nations. La guerre devrait appartenir au passé tragique, à l’histoire ; elle ne devrait pas trouver place dans les projets futurs de l’humanité.

Et c’est pourquoi, ce matin, je vous invite à prier avec moi pour la cause de la paix. Prions avec ferveur pour la Session spéciale des Nations Unies sur le désarmement qui va bientôt commencer. Les voix des chrétiens se joignent aux autres pour inviter les dirigeants du monde à abandonner l’affrontement et à tourner le dos à une politique qui oblige les nations à dépenser d’énormes sommes d’argent pour des armes de destruction massive. Nous prions en cette Pentecôte pour que l’Esprit-Saint pousse les dirigeants du monde à s’engager dans un dialogue fructueux. Que l'Esprit-Saint les amène à adopter des voies pacifiques pour garantir une liberté qui n'entraîne pas la menace d'un désastre nucléaire.

Mais la cathédrale de paix est construite de multiples petites pierres. Chaque personne doit devenir une pierre dans ce bel édifice. Tous les hommes doivent, délibérément et résolument, s'engager dans la recherche de la paix. La méfiance et la division entre les nations commencent dans le coeur de l'individu. Le travail pour la paix commence dès que nous écoutons l'appel urgent du Christ : « Convertissez- vous et croyez à la Bonne Nouvelle. » (
Mc 1,15) Il nous faut abandonner la domination pour le service ; il nous faut abandonner la violence pour la paix ; il nous faut nous quitter nous-mêmes pour aller vers le Christ, qui seul peut nous donner un coeur nouveau, une nouvelle intelligence. Chaque individu, à n'importe quel moment de sa vie, est destiné à écouter cet appel du Christ. La réponse de chaque personne conduit à la mort ou à la vie. La foi au Christ, parole incarnée de Dieu, nous introduira dans la voie de la paix.

Le sacrement de confirmation

3. J'aimerais maintenant m'adresser particulièrement aux jeunes qui vont recevoir le sacrement de la confirmation. L'Évangile d'aujourd'hui a une signification spéciale pour vous, car il dit que « Jésus vint et se tint au milieu d'eux. Il leur dit : La paix soit avec vous », et leur montra ses mains et ses pieds. Les disciples furent remplis de joie quand ils virent le Seigneur, et il leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous. Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie. » Après avoir dit ces paroles, il souffla sur eux et dit : « Recevez l'Esprit-Saint » (Jn 20,20-22).

L'Esprit-Saint donné par le Christ va être répandu sur vous de manière particulière. Vous entendrez l'Église prononcer sur vous des paroles qui demandent à l'Esprit-Saint de confirmer votre foi, de vous sceller dans son amour, de vous fortifier à son service. Vous prendrez alors place parmi vos frères chrétiens du monde entier, désormais citoyens à part entière du Peuple de Dieu. Vous porterez témoignage à la vérité de l'Évangile au nom de Jésus-Christ. Vous vivrez de manière à sanctifier toute vie humaine. Avec tous les confirmés, vous deviendrez des pierres vivantes dans la cathédrale de la paix. Oui, vous êtes appelés par Dieu à être des instruments de sa paix.

L'exemple de saint Boniface et du cardinal Newman

4. Aujourd'hui, vous devez comprendre que vous n'êtes pas seuls. Nous sommes un seul corps ? un seul peuple, une seule Église du Christ. Le parrain qui se tient à vos côtés représente pour vous la communauté tout entière. Ensemble, au milieu d'une grande foule de témoins venus de tous les peuples et tous les siècles, vous représentez le Christ. Vous êtes des jeunes qui avez reçu une mission du Christ, car il vous dit aujourd'hui : « Comme mon Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie. »

Permettez-moi de rappeler le souvenir de deux grands

Anglais qui peuvent vous inspirer aujourd'hui. Étudiez l'exemple de saint Boniface, né à Crediton dans le Devon, l'un de vos plus grands compatriotes, et aussi l'un des plus grands missionnaires de l'Église. L'Esprit-Saint, donné à Boniface dans les sacrements du baptême et de la confirmation, a fortifié son amour personnel pour le Christ et l'a conduit à la maturité de la foi. Cette foi a rayonné dans toute sa vie. Il a ardemment désiré la partager avec d'autres, dans d'autres pays.

Et c'est ainsi que, dans une entière confiance en Dieu, plein de courage et de persévérance, il a contribué à établir l'Église sur le continent de l'Europe. Vous aussi, vous devez faire preuve de courage et de persévérance en vivant selon les normes de l'Évangile dans toutes les circonstances de votre vie.

Je ne puis venir aux Midlands sans rappeler ce grand homme de Dieu, ce pèlerin de la vérité, le cardinal John Newman. Sa quête de Dieu et de la plénitude de la vérité — signe que l'Esprit -aint était à l'oeuvre en lui — l'a conduit à un amour de la prière et à une sagesse qui continuent de nous inspirer aujourd'hui encore. Oui, les longues années où le cardinal Newman a cherché à pleinement comprendre la foi reflètent sa constante confiance dans les paroles du Christ : « Je prierai le Père et il vous donnera un autre défenseur pour qu'il soit avec vous à jamais, cet Esprit de vérité que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit ni ne le connaît. » (Jn 14,1-17) Et c'est pourquoi je vous recommande son exemple de foi persévérante et d'ardent désir de la vérité. Il peut vous aider à vous rapprocher de Dieu, en la présence duquel il vivait, au service duquel il s'est donné tout entier. Sa doctrine a une grande importance aujourd'hui encore pour notre recherche de l'unité chrétienne, non seulement dans son pays, mais dans le monde entier. Imitez son humilité et son obéissance à Dieu : priez pour obtenir, comme lui, une sagesse que seul Dieu peut donner.

Le monde a besoin de vous

5. « Jésus souffla sur eux et dit : « Recevez l'Esprit-Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, il leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leurs seront retenus. »

En cette première Pentecôte, notre Sauveur a donné aux apôtres le pouvoir de pardonner les péchés quand il a répandu en leurs coeurs le don de l'Esprit-Saint. Le même Esprit-Saint vient à vous aujourd'hui dans le sacrement de confirmation, pour vous engager plus complètement dans le combat de l'Église contre le péché et dans sa mission pour promouvoir la sainteté. Il vient habiter plus pleinement dans vos coeurs et vous fortifier dans la lutte contre le mal. Mes chers jeunes gens, le monde d'aujourd'hui a besoin de vous, car il a besoin d'hommes et de femmes remplis de d'Esprit- Saint. Il a besoin de votre courage et de votre confiance en l'avenir, de votre foi et de votre persévérance. Le monde de demain sera construit par vous. Aujourd'hui vous recevez de don de l'Esprit-Saint de manière que vous puissiez travailler avec une foi profonde et une charité continuelle, de manière que vous puissiez apporter au monde les fruits de la réconciliation et de la paix. Fortifiés par l'Esprit-Saint et ses multiples dons, engagez-vous de tout coeur dans la lutte de l'Église contre le péché. Efforcez-vous d'être désintéressés ; efforcez-vous de ne pas être obsédés par les biens matériels. Soyez des membres actifs du Peuple de Dieu ; réconciliez-vous les uns avec les autres et consacrez-vous au travail de la justice, qui apportera la paix sur la terre.

6. « Comme vos oeuvres sont innombrables, Seigneur ! » (Ps 104,24) Ces paroles du graduel font monter la gratitude en nos coeurs et un hymne de louange sur nos lèvres. Oui, comme elles sont innombrables les oeuvres du Seigneur, comme ils sont grands les effets de l'action de l'Esprit-Saint dans la confirmation ! Quand ce sacrement est conféré, les paroles du psaume se réalisent parmi nous : « Tu envoie ton Esprit, et ils sont créés ; tu renouvelles la face de la terre. » (v. Ps 104,30.)

Le premier jour de la Pentecôte, l'Esprit-Saint est descendu sur les apôtres et sur Marie et les a remplis de sa force. Aujourd'hui, nous nous souvenons de ce moment, et nous nous ouvrons encore au don de ce même Esprit-Saint. C'est dans cet Esprit que nous sommes baptisés. C'est dans cet Esprit que nous sommes confirmés. C'est dans cet Esprit que nous sommes appelés à partager la mission du Christ. C'est dans cet Esprit que nous devenons vraiment le peuple de la Pentecôte, les apôtres de notre temps. « Viens Esprit-Saint, remplis les coeurs de tes fidèles et allume en eux le feu de ton amour. » Amen.



Homélies St Jean-Paul II 22582