Homélies St Jean-Paul II 30583

30 mai 1982, Messe dans la Cathédrale de Liverpool

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Pénitence et réconciliation

Le 30 mai, le Pape a quitté Coventry à 15 h 20 pour se rendre à Liverpool où il a d'abord rencontré les représentants de la communauté anglicane. La journée s'est terminée par une messe à la cathédrale où il a prononcé l'homélie suivante (1) :

(1) Texte anglais dans l'Osservatore Romano des 31 mai-1er juin. Traduction, titre et sous-titres de la DC.


Loué soit Jésus-Christ.

1. Alors que le dimanche de Pentecôte touche à sa fin, nous sommes venus à cette église, la cathédrale du Christ- Roi, ici à Liverpool, pour célébrer la sainte Eucharistie, source de la vie chrétienne, sacrement de l'unité et de l'amour.

Au cours de mon pèlerinage apostolique en Grande- Bretagne j'ai eu la joie, non seulement de célébrer l'Eucharistie, mais aussi d'administrer les autres sacrements aux fidèles des Églises locales. J'ai déjà eu l'occasion de baptiser, de confirmer et d'administrer le sacrement des malades. Bien qu'il ne soit pas possible, ce soir, de célébrer le sacrement de pénitence, je voudrais pourtant souligner l'importance de la pénitence et de la réconciliation dans la vie de l'Église et dans la vie de chacun de ses membres.

Il y a deux ans, le Congrès pastoral national s'est réuni dans cette cathédrale pour commencer ses travaux par un acte de pénitence et de réconciliation. Ceux qui étaient présents ont prié pour la guérison et le pardon et pour obtenir la grâce d'être fidèles à la volonté de Dieu. Ils ont demandé la lumière et la sagesse pour diriger leurs délibérations et rendre plus profond leur amour de l'Église. Ce soir, nous nous rassemblons autour de ce même autel pour rendre honneur et gloire au Seigneur, pour louer notre Dieu, riche en miséricorde. Nous éprouvons le besoin de nous convertir et de nous réconcilier. Nous aussi, nous prions pour que règne la compréhension là où il y avait la discorde.

Nous cherchons l'unité auprès du même Esprit-Saint, qui accorde des dons variés aux fidèles et aux différents ministères de l'Église.

Le don du pardon

2. À la première Pentecôte, Jésus disait à ses disciples : « Recevez l'Esprit-Saint : ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » (
Jn 20,23)

Ces paroles de notre Sauveur nous rappellent le don fondamental de notre rédemption : le don du pardon de nos péchés et de la réconciliation avec Dieu.

La rémission de nos péchés est un don complètement libre et non mérité, une vie nouvelle que nous ne pourrions jamais acquérir. Dieu nous l'accorde dans sa miséricorde. Comme l'a écrit saint Paul : « Tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation. » (2Co 5,18)

Il n'est pas de péché qui ne puisse être pardonné si nous nous approchons du trône de la miséricorde avec des coeurs humbles et contrits. Il n'est pas de péché plus grand que la miséricorde infinie de Dieu. En devenant homme, Jésus est entré totalement dans notre expérience humaine, jusqu'à subir la conséquence la plus extrême et la plus cruelle de la puissance du péché — la mort sur une croix. Il est vraiment devenu en tout l'un de nous, sauf le péché. Mais le mal, avec toute sa puissance, ne l'a pas emporté. Par sa mort, le Christ a détruit notre mort ; par sa résurrection, il a renouvelé notre vie ; par ses plaies nous sommes guéris, et nos péchés sont pardonnés. Pour cette raison, quand Notre- Seigneur est apparu à ses disciples après la Résurrection, il leur a montré ses mains et son côté. ll voulait qu'ils comprennent que la victoire était remportée, qu'ils comprennent que lui, le Christ ressuscité, avait transformé les signes du péché et de la mort en symboles d'espérance et de vie.

L'Église, communauté des réconciliés

3. Par la victoire de sa croix, Jésus-Christ nous a acquis le pardon de nos péchés et la réconciliation avec Dieu. Et ce sont ces dons que le Christ nous a offerts quand il a envoyé le Saint-Esprit à l'Église. Il a dit en effet aux apôtres : « Recevez le Saint-Esprit. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. » (Jn 20,23) Par le pouvoir du Saint-Esprit, l'Église continue l'oeuvre du Christ qui consiste à réconcilier le monde avec lui-même. Au long des siècles, l'Église reste la communauté de ceux qui ont été réconciliés avec Dieu, la communauté de ceux qui ont reçu la réconciliation qui a été voulue par Dieu le Père, et accomplie par le sacrifice de son Fils bien-aimé.

L’Église aussi, de par sa nature, ne cesse de réconcilier et de transmettre aux autres le don qu’elle a elle-même reçu, le don d’avoir été pardonnée et réconciliée avec Dieu. Elle le fait de plusieurs manières, mais spécialement par les sacrements, et tout particulièrement par le sacrement de pénitence. Dans ce sacrement consolant, elle conduit chacun des fidèles individuellement au Christ et, par le ministère de l’Église, le Christ lui-même donne pardon, force et miséricorde. Par ce sacrement, tellement personnel, le Christ continue à rencontrer les hommes et les femmes de notre temps. Il rétablit l’unité là où il y avait la division, il donne la lumière là où régnaient les ténèbres, et il apporte une espérance et une joie que le monde ne pourrait jamais donner. Par ce sacrement, l’Église proclame au monde la richesse infinie de la miséricorde de Dieu, cette miséricorde qui a rompu les barrières qui nous séparaient de Dieu et les uns des autres.

En ce jour de la Pentecôte, au moment où l’Église proclame l’action réconciliatrice du Christ Jésus, et la puissance de son Saint-Esprit, je fais cette demande à tous les fidèles de Grande-Bretagne, et à tous les autres membres de l’Église qui entendent ma voix ou lisent mes paroles : Frères très aimés, donnons d'avantage d'importance au sacrement de pénitence dans nos vies. Essayons de sauvegarder ce que j’ai appelé dans ma première encyclique « le droit du Christ de rencontrer chacun de nous en ce moment capital de la vie de l’âme qu’est le moment de la conversion et du pardon ». (Redemptor Hominis, RH 20) Et je vous prie particulièrement, mes frères prêtres, de prendre conscience de l’intimité et de l’efficacité de votre collaboration avec le Sauveur dans l’oeuvre divine de la réconciliation. Par manque de temps il peut y avoir des activités qu’il faut abandonner ou différer, mais pas le confessionnal. Donnez toujours la priorité à votre rôle spécifique de prêtre, représentant le bon pasteur dans le sacrement de pénitence. Et quand vous aurez vu et célébré l’action merveilleuse du Saint-Esprit dans les coeurs humains, vous vous sentirez vous-même appelés à une conversion encore plus profonde et à un plus profond amour pour le Christ et son troupeau.

La désunion des chrétiens

4. Au moment où les chrétiens s’efforcent d’être des sources de réconciliation dans le monde, ils ressentent le besoin, peut-être plus vivement que jamais, d’être pleinement réconciliés entre eux. En effet, le péché de désunion entre les chrétiens, qui dure entre nous depuis des siècles, pèse lourdement sur l'Église. La gravité de ce péché a été clairement démontrée au second Concile du Vatican, qui a affirmé : « Il est certain qu’une telle division s’oppose ouvertement à la volonté du Christ. Elle est pour le monde un objet de scandale et elle fait obstacle à la plus sainte des causes : la prédication de l’Évangile à toutes les créatures. » (Unitatis redintegratio, UR 1)

Le rétablissement de l'unité entre les chrétiens est l'une des principales préoccupations de l'Église, en cette fin du XXe siècle. Et cette tâche nous concerne tous. Nul ne peut se croire dispensé de cette responsabilité. Au contraire, chacun peut apporter sa contribution, si modeste soit-elle, et tous sont appelés à cette conversion intérieure qui est la condition essentielle de l’oecuménisme. Comme nous l’a enseigné le Concile Vatican II : « Cette conversion du coeur et cette sainteté de vie, unies aux prières publiques et privées pour l’unité des chrétiens, doivent être regardées comme l’âme de tout l’oecuménisme et peuvent à bon droit être appelées oecuménisme spirituel. » (Ibid., UR 8.)

Le Saint-Esprit, qui est la source de toute unité, enrichit le Corps du Christ d’une diversité de dons (1Co 12,3), en vue de l’édifier et de le fortifier. Si le Saint-Esprit a donné aux apôtres le don des langues pour que tous ceux qui étaient assemblés à Jérusalem en cette première Pentecôte puissent entendre et comprendre l’Évangile unique du Christ, ne devrions-nous pas attendre que le même Saint-Esprit nous donne les dons dont nous avons besoin pour continuer l’oeuvre du salut, et être réunis en un seul corps dans le Christ ? Telle est notre assurance et telle est notre prière, confiants dans la puissance que l’Esprit donna à l’Église le jour de la Pentecôte.

5. « Envoie ton souffle et renouvelle la face de la terre. » (Ps 104,30) Ces mots du psalmiste sont notre prière ardente aujourd’hui, tandis que nous prions le Dieu tout-puissant de renouveler la face de la terre par le pouvoir régénérateur de l’Esprit. Envoie ton Esprit, ô Seigneur, renouvelle nos coeurs et nos esprits par les dons de lumière et de vérité. Renouvelle nos cités et nos pays dans la vraie justice et la paix qui demeure. Renouvelle ton Église sur la terre par les dons de pénitence et de réconciliation, par l’unité dans la foi et l’amour.

Envoie ton Esprit, ô Seigneur, et renouvelle la face de la terre !


31 mai 1982, Messe pour les familles, York

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Le 31 mai, le Pape s'est rendu à Manchester où il a d'abord rencontré la communauté juive avant de célébrer la messe au cours de laquelle il a ordonné prêtres douze diacres.

Au début de l'après-midi, il a célébré une deuxième messe pour les familles et voici le texte de l'homélie qu'il a prononcée après la liturgie de la parole (1) :

(1) Texte anglais dans l'Osservatore Romano du 2 juin. Traduction, titre et sous-titres de la DC.


MES FRÈRES ET SOEURS,

1. En cette fête de la Visitation de la Sainte Vierge, je vous salue au nom du Seigneur. Je suis heureux d’être avec vous dans cette cité historique de York. Nous sommes, pour ainsi dire, à l’ombre de la belle cathédrale, et unis en esprit à tant de saints et de saintes qui ont honoré ces provinces du Nord.

J’apprécie de tout mon coeur la présence en ce lieu de tant de frères en Jésus-Christ. Je me réjouis de nous savoir unis par le même baptême et à la recherche de l'unité chrétienne totale. Je salue tous les représentants municipaux de diverses cités et villes du nord de I'Angleterre. Je vous remercie tous de votre accueil.

Je suis au courant de l'histoire, surtout de l'histoire religieuse de cette région d'Angleterre. Je veux parler de Holy Island, où Aidan et Cuthbert apportèrent la foi catholique. Je me rappelle Bède, qui décrit avec tant d'amour la vie de l'Église en Angleterre, encore à ses débuts. Je me souviens que, mille ans plus tard, des hommes et des femmes firent le sacrifice de leur vie pour la foi que leur était si chère. Mary Ward a enseigné l'Évangile de Jésus-Christ aux exilés anglais ; Margaret Clitheroe a donné sa vie dans cette cité de York. Ces femmes saintes encouragent les femmes d'aujourd'hui à assumer le rôle qui leur revient dans la vie de l'Église, comme le veulent l'égalité de leurs droits et leur dignité particulière. À cette même époque, le prêtre Nicholas Postgate a proclamé l'Évangile en traversant les « landes » (moors) et sacrifia sa vie ici même dans ce lieu.

Ce matin, à Manchester, des jeunes gens ont été ordonnés au sacerdoce. Ils répondaient à l'appel de l'amour de Dieu. Pour beaucoup de gens, comme pour Margaret Clitheroe, cet appel de Dieu leur arrive par l'entremise du mariage et de la vie familiale. C'est de cela que nous voudrions vous entretenir. Dans le contexte de cette liturgie qui nous rappelle la suprématie de la grâce salvatrice de Dieu, on vous invitera, vous conjoints, à renouveler les promesses que vous avez faites pour la première fois lejour de votre mariage.

Le mariage, don total

2. Dans le mariage, un homme et une femme s'engagent dans une alliance inviolable où ils se donnent totalement l'un à l'autre. Une union d'amour total. Un amour qui n'est ni un sentiment passager ni une passion transitoire, mais la décision libre et responsable de s'engager totalement « dans le bonheur comme dans le malheur ». C'est le don de soi à l'autre. C'est un amour qui doit être proclamé devant le monde entier. Il est sans conditions.

Pour être capable d'aimer ainsi, cela exige qu'on se prépare depuis l'enfance jusqu'au jour du mariage. Cela nécessite l'appui soutenu de l'Église et de la société pendant tout le temps où se développe cet amour.

Dans les desseins de Dieu, l'amour des conjoints se dépasse et engendre une nouvelle vie. Une famille se crée. La famille est une communauté d'amour et de vie, un foyer où les enfants pourront parvenir à leur maturité.

Sacrement de salut

3. Le mariage est un sacrement. Ceux qui ont été baptisés au nom du Seigneur sont également mariés en son nom. Leur amour est une participation à l'amour de Dieu. C'est lui qui en est la source. Les mariages entre les couples chrétiens, aujourd'hui renouvelés et bénis, sont comme l'image sur terre de la merveille qu'est la vie de Dieu, vie qui est une communion aimante et féconde des trois personnes en un seul Dieu et de l'alliance de Dieu avec l'Église, dans le Christ.

Le mariage chrétien est un sacrement de salut. C'est pour chaque membre de la famille le chemin de la sainteté. De tout coeur, j'engage vos foyers à être des centres de prière, des foyers ou des familles se trouvent à l'aise dans la présence de Dieu ; des foyers auxquels d'autres sont invités à partager l'hospitalité, la prière et la louange de Dieu.

« Chantez à Dieu de tout votre coeur avec reconnaissance, par des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés. Et quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, rendant par lui grâces à Dieu le Père ! » (
Col 3,16-17)

Dans votre pays, beaucoup de mariages ont lieu entre catholiques et des baptisés d'autres confessions chrétiennes. Quelquefois de tels couples éprouvent des difficultés particulières. À ces familles je dis : « Dans le mariage, vous vivez les espoirs et les difficultés qui se trouvent sur le chemin de l'unité chrétienne.

En priant ensemble, dans l'unité de l'amour, exprimez cet espoir. Invoquez ensemble l'Esprit-Saint pour qu'il pénètre dans votre coeur et dans votre foyer. Il vous aidera à progresser dans la confiance et la compréhension mutuelles. »

La famille dans la société

4. Frères et soeurs : « Que la paix du Christ règne dans vos coeurs, tel est bien le terme. Que la parole du Christ réside chez vous en abondance. » (Col 3,15-16)

Dernièrement, j'ai adressé une Exhortation apostolique à l'Église catholique tout entière, sur le rôle de la famille chrétienne dans le monde d'aujourd'hui. Dans cette Exhortation, j'ai souligné les aspects positifs de la vie familiale aujourd'hui, à savoir une prise de conscience plus vive de la liberté personnelle, de la qualité des rapports entre les personnes dans le mariage, un plus grand égard pour la promotion de la femme, pour la procréation responsable et pour l'éducation des enfants. Mais, en même temps, je ne pouvais manquer d'attirer l'attention sur les aspects négatifs : corruption de la notion et de l'expérience de la liberté, avec pour conséquence l'égoïsme dans des rapports humains ; idées fausses en ce qui concerne les rapports entre parents et enfants, augmentation croissante du nombre de divorces dans le monde, fléau de l'avortement, la croissance d'une mentalité qui se déclare pour la contraception et contre la vie. En plus de ces forces destructrices, il y a des conditions sociales et économiques qui influent sur des millions d'êtres humains, et qui sapent la force et la stabilité du mariage et de la vie familiale. Il y a de plus l'assaut culturel contre la famille de la part de ceux qui attaquent la vie conjugale en la qualifiant de « sans importance » et « dépassée ». Tout cela constitue un défi important pour la société et pour l'Église. Comme je l'ai écrit dans l'Exhortation : « L'histoire n'est pas seulement un progrès nécessaire vers le mieux, mais un avènement de la liberté, et plus encore un combat entre libertés qui s'opposent. » (Familiaris consortio, FC 6)

Conjoints, je vous parle des espoirs et des idéaux qui soutiennent la vision chrétienne du mariage et du foyer. Vous trouverez dans votre amour de Dieu, dans votre amour mutuel et dans l'amour que vous portez à vos enfants la force nécessaire pour rester fidèles aux promesses de votre mariage. Que cet amour soit le rocher qui se tient ferme en face de toute tempête et de toute tentation. Le Pape pourrait-il vous proposer une meilleure bénédiction que celle que saint Paul souhaite aux Colossiens. « Revêtez-vous des sentiments de tendre compassion, de bienveillance, d'humilité, de douceur, de patience ; supportez-vous les uns les autres et pardonnez-vous mutuellement, si l'un a contre l'autre quelque sujet de plainte ; le Seigneur vous a pardonné, faites de même à votre tour. Et puis, par-dessus tout, revêtez- vous de l'amour. » (Col 3,12-14)

Des familles ouvertes

5. Être parent donne aujourd'hui des soucis et des difficultés, autant que des joies et des satisfactlons. Vos enfants sont votre trésor. Ils vous aiment beaucoup, même s'ils ont parfois du mal à exprimer cet amour. Ils cherchent l'indépendance et sont peu disposés à obéir. Quelquefois ils veulent rejeter les traditions du passé, et même rejeter leur foi.

Dans la famille, il s'agit de construire des ponts et non de briser ceux qui existent ; et de nouvelles expressions de sagesse et de vérité peuvent être formées par la rencontre de l'expérience et de la recherche. C'est un ministère réel dans l'Église que le vôtre. Ouvrez la porte de votre foyer et votre coeur à toutes les générations de votre famille.

L'indissolubilité du mariage

6. Nous ne pouvons nier le fait que certains mariages connaissent l'échec. Néanmoins il est de notre devoir de proclamer le vrai dessein de Dieu sur tout l'amour dans le mariage, et d'insister sur la fidélité à ce dessein, pendant que nous sommes en marche vers la plénitude de vie dans le Royaume du ciel. N'oublions pas que l'amour de Dieu pour son peuple, l'amour du Christ pour l'Église, est éternel et ne peut jamais être brisé. Et le lien entre un homme et une femme unis dans le mariage chrétien est aussi indissoluble et irrévocable que cet amour (cf AA5, 71 [1979] p. 1224). Cette vérité est une grande consolation pour le monde, et c'est parce que des mariages ne réussissent pas que l'Église et tous ses membres se doivent d'autant plus de la proclamer avec fidélité.

Le Christ lui-même, source vivante de grâce et de miséricorde, est proche de ceux dont le mariage a connu l'épreuve, la souffrance, l'angoisse. Au cours des siècles, d'innombrables époux ont tiré du mystère pascal de la Croix du Christ et de sa Résurrection la force de porter en chrétiens — quelquefois dans des moments très difficiles — le témoignage de l'indissolubilité du mariage chrétien. Et tous ces efforts du peuple chrétien pour témoigner fidèlement de la loi de Dieu n'ont pas été vains. Ces efforts sont la réponse humaine donnée avec l'aide de la grâce à un Dieu qui nous a aimés le premier et qui s'est donné pour nous.

Comme je l'ai expliqué dans mon Exhortation apostolique Familiaris consortio, l'Église se sent concernée de manière vitale par le souci pastoral de la famille dans les cas difficiles. Nous devons nous pencher avec amour — l'amour du Christ — sur ceux qui connaissent la souffrance de l'échec dans le mariage, sur ceux qui connaissent la solitude quand il faut élever seul une famille, sur ceux dont la vie familiale est dominée par la tragédie, ou par les maladies de l'esprit ou du corps. Je loue tous ceux qui aident les gens blessés par l'échec de leur mariage, en leur montrant la compassion du Christ, et en les conseillant selon sa vérité.

Aux autorités publiques et à tous les hommes de bonne volonté je dis : Regardez vos familles comme de vrais trésors. Protégez leurs droits, soutenez la famille par vos lois et par votre administration. Permettez à la voix de la famille de se faire entendre quand vous élaborez votre politique. L'avenir de votre société, l'avenir de l'humanité passent par la famille.

Mes frères et soeurs dans le Christ qui allez maintenant renouveler les promesses faites le jour de votre mariage, puissent les paroles que vous allez prononcer exprimer une fois de plus la vérité qui est dans votre coeur, et puissent-elles engendrer un amour fidèle dans vos foyers. Permettez à cet amour de s'ouvrir à d'autres personnes, au loin ou tout près de vous. Ouvrez-le surtout à ceux de votre voisinage qui souffrent de la solitude, à ceux qui ploient sous de lourds fardeaux, aux pauvres et à tous ceux qui sont en marge de la société.

Ainsi vous façonnerez une société de paix, car la paix exige la confiance, et la confiance est l'enfant de l'Amour, et l'amour naît au berceau de la famille.

Aujourd'hui et toujours, que Dieu vous bénisse tous et qu'il bénissse toutes les familles de Grande-Bretagne.




1er juin 1982, Messe au Bellahouston Park de Glasgow

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« Soyez fidèles à l’héritage de vos ancêtres »

Homélie à Bellahouston Park Après une rencontre avec les étudiants et les enseignants de Glasgow, au St Andrew's College de Bearsden, la seconde partie de la journée du 1er juin a été marquée par la messe célébrée à Bellahouston Park, à la périphérie de Glasgow, au cours de laquelle le Pape a prononcé l'homélie suivante (1) :

(1) Texte anglais dans l'Osservatore Romano du 3 juin. Traduction, titre et sous-titres de la DC.


CHERS FILS ET FILLES DE L'ÉGLISE CATHOLIQUE D'ÉCOSSE !

1. Les Saintes Écritures témoignent avec éloquence de la foi inébranlable que les générations successives ont mise en Dieu. Depuis l'époque d'Abraham et ensuite à travers les siècles, cette vérité est restée solidement fondée sur la promesse de Dieu d'envoyer un Sauveur qui délivrerait son peuple.

Parmi toutes les expressions de la foi, aucune n'a été plus spontanée que celle qui fut prononcée par André, le pêcheur de Galilée : « Nous avons trouvé le Messie ! » (
Jn 1,41) L'impression que Jésus a faite sur lui, lors de leur première rencontre, a été si profonde que le lendemain André alla « trouver, avant tout autre, son propre frère Simon et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie ! » — ce qui signifie le Christ — Il l'amena à Jésus. Fixant son regard sur lui, Jésus dit : « Tu es Simon, le fils de Jean ; tu seras appelé Céphas » — ce qui veut dire Pierre. » (Jn 1,41-42) C'est André, le céleste patron de votre Écosse bien-aimée, qui a présenté Pierre à Jésus !

2. Ce jour marque un autre moment important de l'histoire de notre salut : le successeur de Pierre vient rendre visite aux fils spirituels d'André ! Nous sommes liés les uns aux autres par une fraternité surnaturelle plus forte que celle du sang. Ici et maintenant nous témoignons que nous professons une foi identique en Jésus, et nous espérons fermement que, nous aussi nous pourrons mener d'autres hommes vers lui. Cette profession commune de foi est la raison profonde de la visite pastorale que je fais à votre patrie.

3. Chers frères et soeurs, réfléchissons pendant quelques instants sur les textes de l'Écriture Sainte qui ont été proclamés dans cette liturgie de la parole.

Nous sommes rassemblés ici, sur le versant de cette colline d'Écosse, pour célébrer la messe. Ne sommes-nous pas semblables à ces premiers disciples et compagnons qui se sont assis aux pieds de Jésus, sur le versant d'une colline proche de Capharnaüm ? Que leur a enseigné Jésus ? Et aujourd'hui, qu'est-ce que notre divin Maître veut nous enseigner, à chacun d'entre nous et à tous ? Avec des mots simples et clairs, Jésus a esquissé les conditions nécessaires pour entrer dans son Royaume des Cieux. Il a proposé des réflexions sur chaque aspect de la vie quotidienne. Jésus a proposé une nouvelle conception de la vie. Dans les courtes phrases qui introduisent son Discours sur la Montagne, il a fait résonner la note dominante de l'Ère nouvelle qu'il était venu proclamer.

Les textes de la liturgie de la parole étaient les suivants : Dt 30,15-20 Ep 1,7-2 Ep 1,16 Mt 5,1-10.



L'esprit nouveau, c'est être doux, généreux, simple et surtout sincère. C'est éviter d'être arrogant, sévère ou égoïste. Les disciples du nouveau Royaume doivent rechercher le bonheur, même dans la pauvreté, les privations, les larmes et l'oppression. Marcher vers le Royaume exige un changement radical dans les conceptions, les mentalités, les comportements, les relations avec les autres. De même que la Loi a été révélée à Moïse sur le mont Sinaï, de même dans le Sermon sur la Montagne, Jésus, le nouveau législateur propose à toute l'humanité un nouveau style de vie une charte de la vie chrétienne.

Comme ces premiers auditeurs ont dû être surpris en écoutant ces paroles saisissantes du Christ — particulièrement ceux qui étaient pauvres en esprit, doux ou affligés, humiliés et opprimés — en entendant proclamer qu'ils étaient les candidats à l'entrée dans le Royaume des Cieux.

4. C'est cette fraternité aimante de Dieu qui imprègne chaque parole de Jésus. Tout au long de ce discours, il demande à ses auditeurs de répondre au Père dans une réponse d'amour filial. Tous ceux qui seront animés de ce nouvel esprit seront des enfants de Dieu. Ce n'est pas l'esprit des esclaves apportant de nouveau la crainte dans nos vies ; c'est l'esprit des enfants qui nous fait nous écrier : « Abba, Père. » (Rm 8,14-15) L'amour peut demander davantage que la crainte ne peut exiger. L'amour sera le grand ressort de l'Ère nouvelle. Jésus l'a affirmé par la suite : « Si quelqu'un m'aime, il observera ma parole et mon Père l'aimera ; nous viendrons à lui et nous établirons chez lui notre demeure. » (Jn 14,23)

Prendre modèle sur le Christ

5. Parmi les qualités exigées des vrais disciples de Jésus, nous pouvons voir l'image de Jésus lui-même, ébauchée par les prophètes dans l'Ancien Testament, mais décrite de nouveau dans ces Béatitudes. L'intention de Jésus y était tout à fait claire : la vie de ses disciples devra prendre modèle sur sa propre vie. « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de coeur. » (Mt 11,28-29.) Et ailleurs il dit encore : « Personne ne va au Père si ce n'est par moi. » (Jn 14,6)

6. Il est essentiel pour nous de comprendre que Jésus réserve à chacun d'entre nous une tâche spécifique dans la vie. Chacun d'entre nous est pris par la main et appelé par son nom — par Jésus. Il n'est personne parmi nous qui n'ait pas une vocation divine !

C'est bien ce que saint Paul a écrit dans sa lettre aux Éphésiens, que nous venons de proclamer : « À chacun de nous cependant la grâce a été donnée selon la mesure du don du Christ. Et c'est lui qui a donné certains comme apôtres, d'autres comme prophètes, d'autres encore comme évangélistes, d'autres enfin comme pasteurs et chargés de l'enseignement, afin de mettre les saints en état d'accomplir le ministère. » (Ep 4,7 Ep 4,11-12.)

En tout premier lieu, Dieu nous a appelés à l'existence. Il nous a appelés à être ! Il nous a appelés, par son fils Jésus- Christ, à le connaître comme notre Père aimant. Il nous a appelés à être ses enfants ! Il nous a appelés à accomplir son dessein éternel dans chacune de nos vies en ayant Jésus pour guide. Il nous a appelés à être les cohéritiers avec Jésus de son royaume céleste ! Ce que Dieu notre Père nous offre par son Fils, c'est une nouvelle vie commune où nous sommes ses vrais enfants et où Jésus est notre frère ; un appel pressant à vivre, aimer et travailler pour la venue de son règne. Et, de peur que nous n'hésitions, effrayés par ce que nous devons faire, Jésus se propose d'être lui-même notre guide et dit : « Venez, suivez-moi. » (Lc 9,59)

L'histoire chrétienne de l'Écosse

7. Frères très chers dans le Christ ! Quelle réponse l'Écosse a-t-elle donnée dans le passé à l'invitation de Dieu ? L'histoire chrétienne raconte que très tôt, peut-être dès la seconde moitié du IVe siècle, l'Écosse a embrassé l'Évangile de Jésus-Christ. Pendant plus de 15 siècles, son saint Nom a été invoqué sur cette terre. Saint Ninian, saint Colomban et saint Kentigern ont été les premiers à évangéliser les païens et à fonder une Église chrétienne. Après les siècles obscurs pendant lesquels les invasions vikings n'ont pas réussi à éteindre la lumière de la foi, la venue de la reine Marguerite a inauguré un nouveau chapitre de l'histoire de l'Église en Écosse, qui a trouvé un surcroît de vigueur dans la réorganisation interne et dans des liens plus étroits avec l'Église universelle.

Bien que située géographiquement dans un coin reculé de l'Europe, l'Église d'Écosse est devenue particulièrement chère aux Papes, au centre et au coeur de la chrétienté, et ils lui ont conféré le titre exceptionnel de 5pecialis Filia Romanae Ecclesiae « Fille particulière de l'Église de Rome ! » Quelle magnifique désignation !

L'Église a été intimement engagée dans la lutte pour l'indépendance nationale, où les évêques — des hommes comme Robert Wishart de Glasgow — ont été au premier rang des patriotes. Et à la fin du Moyen Âge, notre sainte foi a continué de fleurir dans ces régions : de belles cathédrales et églises collégiales furent construites, de nombreux monastères furent fondés, sur toute la surface de cette terre. Les noms des évêques Wardlaw, Turnbull et Elphinstone restent inséparablement liés à la fondation de vos universités, dont cette petite nation a toujours été fière à juste titre, cependant que des érudits écossais tels que Duns Scott, Richard de Saint-Victor et John Major acquéraient une réputation internationale grâce à leur science et faisaient honneur à leur pays natal. Le seizième siècle trouva les hommes d'Église et les laïcs non préparés devant le bouleversement religieux de cette époque, qui balaya brutalement l'Église médiévale d'Écosse, en l'effaçant presque en entier mais non totalement. La hiérarchie disparut ; les quelques fidèles restant furent dispersés ; l'Écosse se trouva à l'écart des réformes décrétées par le Concile de Trente.

Mais même cela fait partie de la providence de Dieu : les siècles qui suivirent ont été le témoin d’une vaillante lutte pour la survie, contre la persécution et l’exil. Pour remédier à la rareté des prêtres, le Pape Clément VIII fonda à Rome un collège pour vos jeunes compatriotes et des séminaires du même genre furent ouverts dans d’autres lieux sûrs du continent pour envoyer des ouvriers à la « Mission écossaise ». Les ordres religieux ont également fourni des membres bien formés pour collaborer à cette tâche. Qui n’a entendu parler de saint John Ogilvie, le jésuite, qui — à quelques kilomètres seulement de l’endroit où je me trouve — a offert sa propre vie en témoignage à la foi du Christ !

Les vicaires apostoliques, à qui l’organisation de toute l’activité missionnaire était confiée, ont témoigné, dans leurs lettres envoyées à Rome, de l’attachement de cette poignée de catholiques écossais à la foi de leurs pères, au siège de Pierre et à la personne du Pape. Soigneusement conservés pendant tous ces siècles, ces documents sont aujourd’hui comme un miroir, où se reflète avec précision le noble visage de la communauté catholique écossaise, marqué à l’évidence des signes de la pauvreté et de la privation, mais rayonnant de l’espoir que, au moment choisi par Dieu, une aube nouvelle pointerait assurément pour l’Église d’Écosse.

Bien-aimés catholiques d’Écosse, les prières de vos ancêtres ne sont pas restées sans réponse ! Leur ferme espoir dans la Providence divine n 'a pas été déçu ! Il y a un siècle et demi, la vague de la répression a décru. La petite communauté catholique a peu à peu trouvé une nouvelle vitalité. L’arrivée de nombreux émigrants catholiques venus de l’Irlande voisine, accompagnés de prêtres irlandais zélés, l’a augmentée et enrichie spirituellement. C’est ce qui a conduit le Pape Léon XIII à rétablir la hiérarchie catholique en Écosse — le tout premier acte de son pontificat — et depuis ce moment-là, les progrès ont été rapides et constants.

8. C’est vous qui avez entre les mains l’héritage sacré. Vos ancêtres vous ont transmis le seul héritage auquel ils accordaient du prix, notre sainte foi catholique ! Du ciel, leur ardent appel serait sans aucun doute celui-ci : « Cherchez plutôt son Royaume. » (Lc 12,31) D’un coeur reconnaissant tournez-vous vers Dieu et remerciez-le d’avoir rendu des jours paisibles à la communauté catholique d’Écosse.

La responsabilité du chrétien d'aujourd'hui

9. Ce qui était un rêve, il y a un siècle, est devenu la réalité d’aujourd’hui. Une transformation complète de la vie catholique s’est produite en Écosse : les catholiques écossais remplissent leur rôle légitime dans chaque secteur de la vie publique et quelques-uns d’entre eux se sont vu confier les charges les plus importantes et les plus prestigieuses de ce pays. N’est-ce pas ce que saint Paul vient de nous dire dans la lecture d’aujourd’hui, tirée des Éphésiens : « Et c’est de lui que le corps tout entier réalise sa propre croissance pour se construire lui-même dans l’amour. » (Ep 4,16)

Vous plongez vos racines dans un glorieux passé, mais vous ne vivez pas dans le passé. Vous appartenez au présent, et votre génération ne doit pas simplement se contenter de se reposer sur les lauriers gagnés par vos grands-parents ou vos arrière-grands-parents. C’est vous qui devez apporter votre réponse à l'appel du Christ pour le suivre et entrer avec lui, en tant que cohéritiers, dans le royaume céleste du Père. Mais nous nous rendons compte qu’il est plus difficile de suivre le Christ aujourd’hui que cela ne semble avoir été le cas autrefois. Témoigner pour lui dans la vie moderne représente un combat quotidien qui ne se résout pas d’une manière aussi rapide et décisive que pour les martyrs du passé. En tant que croyants, nous sommes constamment exposés à subir les pressions de la société moderne, qui voudrait nous obliger à nous conformer aux modèles de cette époque séculière, à substituer de nouvelles priorités, à restreindre nos aspirations au risque de compromettre notre conscience chrétienne.

Les principes de la vie chrétienne

10. L’esprit de ce monde voudrait nous pousser à capituler devant les principes les plus fondamentaux de notre vie chrétienne. Aujourd’hui, plus que jamais, les principes fondamentaux de la foi sont remis en cause, et la valeur et la morale chrétienne mises au défi et ridiculisées. Les choses abhorrées il y a une génération sont maintenant inscrites dans les statuts de la société ! Ce sont là des questions de la plus haute gravité auxquelles on ne peut apporter une réponse simple ; pas plus qu’on ne peut y répondre en les ignorant. Des sujets d’une telle importance exigent la plus grande attention de notre conscience chrétienne.

11. Apporter des réponses à de telles questions est une tâche des plus ardues. Ce serait une entreprise impossible pour la majorité des fidèles de s’y attaquer sans aide. Mais vous n’êtes pas seuls. L'Esprit de Dieu est à l'oeuvre dans l'Église. Jamais plus que ces dernières années, l’enseignement de l’Église catholique n’a été reformulé avec autant d’ampleur, précisément sur les questions qui troublent la conscience moderne. Il suffit d’établir la liste des sujets touchant aussi bien la foi que la pratique catholiques, sur lesquels les Papes, le Concile oecuménique, le Synode des évêques et les diverses Conférences épiscopales nationales, y compris celle des évêques écossais, se sont prononcés de manière claire et autorisée pour guider les fidèles à notre époque si troublée. Au nom de tous les bergers du troupeau du Christ, à qui la charge de pasteurs et d’enseignants a été divinement confiée (Ep 4,11), je puis vous assurer que nous avons une conscience aiguë des problèmes que vous devez affronter dans la vie, et de l’anxiété qui emplit si souvent vos coeurs.

12. En remplissant cette lourde charge de conduire le troupeau à la vie éternelle, nous devons toujours avoir présentes à l’esprit les paroles de l’apôtre Paul à Timothée : « Proclame la Parole, insiste à temps et à contretemps, reprends, menace, exhorte, toujours avec patience et souci d’enseigner. Fais oeuvre d’évangéliste, remplis ton ministère. » (2Tm 4,2 2Tm 4,5.)

Chers frères et soeurs ! Prêcher la Bonne Nouvelle de Jésus, tel est le travail de ma vie. De plus, j’ai maintenant un autre ministère à remplir dans l’Église, en tant que successeur de Simon Pierre, à qui Jésus lui-même a dit : « Mais moi j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne disparaisse pas. Et toi, quand tu seras revenu, affermis tes frères ! » (Lc 22,32)

C'est pour cela que je suis venu de Rome en Écosse. Pour cela que j'ai joyeusement accepté l'invitation de vos évêques à venir vous confirmer dans notre foi catholique « qui nous vient des apôtres » (Canon romain).

13. Permettez-moi donc de faire mienne l'exhortation de saint Paul qui s'adresse à vous dans la liturgie d'aujourd'hui : « Je vous exhorte donc: accordez votre vie à l'appel que vous avez reçu. » (Ep 4,1). Et pour reprendre les propres paroles du Christ, « Vous êtes le sel de la terre. Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5,13-14), appelés par Dieu notre Père à être ses apôtres, ses prophètes, ses évangélistes, ses pasteurs et ses maîtres pour les hommes et les femmes de cette génération que vous devez conduire vers Jésus, comme André a conduit autrefois son frère Simon Pierre. Qu'ils soient attirés par l'exemple de votre vie quotidienne. Votre attachement aux voies sûres de la vie chrétienne pourrait être décisif pour apporter le salut à bien des hommes. Le monde sait encore reconnaître les valeurs authentiques !

Soyez fidèles à la mémoire de ces vaillants précurseurs dans la foi. Soyez diligents à transmettre intact l'héritage spirituel qui vous a été confié. Soyez fidèles à vos prières quotidiennes, à la Sainte Messe et au sacrement de pénitence, en rencontrant régulièrement Jésus comme un Sauveur plein d'amour et de miséricorde.

Défendez le caractère sacré de la vie et la sainteté du mariage. Comprenez votre sainte foi catholique et vivez selon ses enseignements. Affrontez les difficiles défis de la vie moderne avec une fermeté et une patience chrétiennes. Jésus n'a-t-il pas dit lui-même à ses disciples : « Si quelqu'un veut venir à ma suite qu'il renonce à lui-même et prenne sa croix, et qu'il me suive » (Mt 16,24 Mc 8,34) ?

14. Fils et filles bien-aimés ! J'ai été pleinement tenu au courant de la préparation si soignée, étalée sur de nombreux mois, qui a précédé ma visite pastorale en Écosse. J'ai suivi, avec admiration et satisfaction, l'intense programme proposé par les évêques pour un renouveau spirituel de la communauté catholique, de manière que les conséquences de ma visite produisent des fruits durables. Du plus profond de mon coeur, je remercie chacun d'entre vous pour les prières qui ont accompagné cette préparation, pour tous les efforts faits pour assurer son succès. « Voici le jour que le Seigneur a fait, qu'il soit notre bonheur et notre joie. » (Ps 118,24) Je vous confie tous, évêques, clergé religieux et laïcs à l'intercession maternelle de Marie, la Mère immaculée de Dieu et la Mère de l'Église.

La recherche de l'unité

15. Avant de conclure, je voudrais m'adresser pendant quelques instants à cette vaste communauté de croyants dans le Christ, qui partage avec les frères et soeurs catholiques le privilège d'être écossais, les fils et filles de cette ancienne nation. Je connais la vénération dont vous entourez les Saintes Écritures, les acceptant pour ce qu'elles sont, la parole de Dieu et non celle de l'homme. J'ai réservé jusqu'à ce moment la fin de ce passage de la lettre aux Éphésiens, et j'aimerais vous le dire : « Il y a un seul Corps et un seul Esprit, de même que votre vocation vous a appelés à une seule espérance ; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême ; un seul Dieu et Père de tous, qui règne sur tous, agit par tous et demeure en tous. » (Ep 4,4-6) Ce passage révèle clairement la volonté de Dieu sur l'humanité, un dessein auquel la volonté de l'homme peut s'opposer mais qu'elle ne peut contrecarrer. C'est le dessein de Dieu sur nous tous, « car nous n'avons pas ici-bas de cité permanente mais nous sommes à la recherche de la cité future » (He 13,14). Nous sommes seulement des pèlerins sur cette terre, cheminant vers le royaume des cieux qui nous a été promis en tant qu'enfants de Dieu. Frères bien-aimés dans le Christ, à l'avenir, ne pouvons-nous accomplir ce pèlerinage ensemble, la main dans la main, « en toute humilité et douceur, avec patience, en nous supportant les uns les autres dans l'amour », en faisant tout ce que nous pouvons pour « garder l'unité de l'esprit par le lien de la paix » (Ep 4,2-3) ? Cela ferait assurément descendre sur nous la bénédiction de Dieu notre Père alors que nous poursuivons notre pèlerinage.

Alors que nous nous apprêtons à célébrer le sacrifice eucharistique du Christ, rappelons-nous tous ceux qui, des deux côtés, sont touchés par le conflit de l'Atlantique Sud. Dans la joie de notre concélébration d'aujourd'hui, nous ne pouvons nous permettre d'oublier les victimes de la guerre, à la fois les morts et les blessés, de même que les coeurs brisés de tant de familles.

Supplions le Seigneur miséricordieux de nous donner la paix en ces jours, la paix du Christ notre Seigneur. Amen.

16. Peuple bien-aimé d'Écosse, pour terminer je vous souhaite, ainsi qu'à tous ceux qui vous sont chers, où qu'ils soient, l'abondance des bénédictions de Dieu, afin que vos familles soient prospères et que la paix et l'harmonie rè- gnent dans vos foyers. Que les prières des saints apôtres Pierre et André l'obtiennent pour vous.

Et pour votre très chère Écosse, je souhaite adapter et faire miennes les paroles qui sont familières à tant d'entre vous : « Seigneur, que l'Écosse fleurisse par la prédication de ta parole et la louange de ton nom ! » Amen.


Homélies St Jean-Paul II 30583