Homélies St Jean-Paul II 12682


VOYAGE APOSTOLIQUE À GENÈVE (15 juin 1982)

15 juin 1982, Messe au Palais des Expositions

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Mardi, 15 juin 1982
Le Pape a quitté le CERN vers 18 h 15 pour se rendre au Palais des Expositions où l'attendaient plus de 25 000 personnes pour la célébration de la messe au cours de laquelle il a prononcé l'homélie ci-après. Après la célébration qui s'est terminée vers 2I heures, le Pape a rejoint l'aéroport pour rentrer à Rome où il est arrivé vers 23 heures (1) :

(1) Texte distribué par la Salle de presse. Titre et sous-titres de la DC. Les textes de la célébration de la parole étaient les suivants :
Is 58,1-10 Mt 25,31-46.



Chers Frères et Soeurs,

1. Après les multiples rencontres significatives que cette trop brève journée à Genève m’a permis d’avoir, auprès les discours variés que nous avons échangés, après les voeux de toutes sorte que nous avons formulés selon la finalité des instances visitées, il était bon, alors que la paix du soir envahit cette cité, de nous recueillir dans cette rencontre autour du Christ, entre croyants; d’écouter des paroles prononcées au nom de Dieu par le prophète Isaïe et par le Fils de Dieu; d’entrer nous-mêmes dans l’Alliance qui nous engage plus que tous les voeux, en partageant le Corps et le Sang du Seigneur offerts pour le renouveau du monde entier.

Comme toute célébration eucharistique, celle que j’ai le bonheur et la grâce de présider au milieu de vous est en effet l’actualisation du sacrifice unique du Seigneur Jésus à travers le temps et l’espace: célébration accomplie sur un point du globe mais toujours répétée au bénéfice de l’humanité entière. Chrétiens, venus surtout de Genève mais également d’autres régions de la Suisse et même de pays voisins, prenons ensemble conscience des répercussions étonnantes et mystérieuses de cette Eucharistie. D’ailleurs le fait de célébrer en ce lieu du monde peut nous aider à comprendre quelque chose du rayonnement invisible du Seigneur. Genève, à la fois riche d’une très longue histoire et limitée à ce point géographique, a une certaine vocation universelle, du fait notamment des organisations internationales qui y siègent en permanence en vue d’aider à la solution des grands problèmes où se débat notre époque. Aujourd’hui, le Seigneur est - comme hier, comme toujours - vie et lumière pour les croyants.

2. La première lumière qui jaillit de cette liturgie de la parole, c’est qu’il n’y a pas de religion authentique sans recherche de justice entre les hommes. Isaïe appelle ses compatriotes à la conversion, à la reprise sérieuse des accords constitutifs de l’Alliance entre Dieu et son peuple. La pénitence et le jeûne expriment, bien sûr, cette conversion, mais pour être vrais, pour “justifier” l’homme, pour atteindre Dieu qu’on ne voit pas, encore faut-il qu’ils intègrent un engagement pour la justice envers le prochain que l’on voit: “faire tomber les chaînes injustes”, “bannir les gestes de menace”, “briser les jougs”, “libérer les opprimés”, faire place à celui qui manque de pain, de toit, de vêtement. Alors, pour toi qui cherches une aube d’espérance en ce monde difficile, “ta lumière jaillira comme l’aurore, tes forces reviendront rapidement, ta justice marchera devant toi”.

3. Isaïe, et plus encore Jésus, nous permettent d’ajouter: il n’y a pas de justice sans amour, sans charité.Bien souvent, nous n’avons pas conscience d’avoir nous-mêmes chargé le prochain des chaînes injustes, de jougs pesants, de choses oppressives, de paroles malfaisantes, sinon en participant peut-être à une situation collective injuste. Mais ce qui nous est toujours demandé c’est: t’es-tu dérobé à ton semblable? As-tu considéré comme des frères ceux qui, proches de ta maison ou au loin - car aujourd’hui les distances sont vite abolies -, faisaient partie des peuples affamés, étaient malades ou manquaient de soins et d’hygiène, étaient classés comme étrangers ou d’un bloc adverse, en prison ou parqués dans un camp? Cela suppose de voir dans l’autre, quelle que soit sa détresse, une personne dont la dignité humaine est semblable à la sienne propre, une dignité de fils de Dieu. Cela suppose qu’on se mette en quelque sorte à sa place pour désirer avec lui un geste de réconfort, de secours, de partage, de confiance. L’amour c’est cela: désirer pour l’autre ce que l’on voudrait pour soi-même (Cfr. Matth Mt 7,12).

La charité suppose évidemment la justice, mais on peut dire aussi qu’elle sauve la justice et lui permet d’atteindre sa plénitude. Et seul, dit Jésus, celui qui manifeste un tel amour est son disciple; il aime le Christ lui-même qui s’identifie en ce monde à l’homme en détresse, et il n’a rien à craindre de son jugement.

4. Précisons encore: la justice et la charité ne sont que du vent si elles n’envisagent pas des gestes concrets envers des hommes concrets. Sans doute, ni Isaïe ni Jésus n’ont fait une énumération exhaustive des injustices ou des détresses appelant l’amour. Celles-ci ont mille visages, et nos sociétés modernes en secrètent sans cesse de nouvelles; chez les chômeurs, les réfugiés, les torturés, les innocents séquestrés, chez ceux qui sont idéologiquement opprimés, etc. Mais il serait insuffisant de parler de problèmes; il faut en venir à des mesures précises, trouvant une application précise. Jésus parle de celui qui avait faim, de celui qui avait soif. Le prochain a un visage humain.

5. Enfin, cette eucharistie nous éclaire sur la source de l’amour et de la justice, pour nous les croyants. L’amour vient non seulement de l’exemple du Christ, mais de la charité - “agapê” - qui procède du Père, qui se manifeste dans le Fils et qui se répand par l’Esprit Saint. Dieu est Amour; telle est notre foi. Mais pour que les hommes aient accès à cette justice, c’est-à-dire à cette sainteté qui vient de Dieu, et à son amour, il a fallu que le péché, le mur d’orgueil, d’égoïsme et de haine, soit aboli par le Sacrifice du Juste, par l’amour du Fils. La messe nous fait participer, au plan sacramentel, à cette libération. Il faut nous tourner vers la Source. Il faut nous convertir. Il n’y a pas de religion chrétienne authentique, pas de justice ni de charité chrétiennes, sans cette conversion, qui est rupture avec le péché, adhésion à son sacrifice, et communion à son Corps livré, à son Sang versé.

C’est à ce prix que les chrétiens acquièrent le dynamisme de l’Évangile pour faire un monde nouveau, qu’ils deviennent progressivement comme des ostensoirs de Dieu, de son amour trinitaire, à travers les luttes non violentes pour le règne de la justice.

6. Mais, direz-vous, comment la spiritualité de cette homélie peut-elle rejoindre la problématique moderne, celle que nous rencontrons dans nos vies, dans notre travail, spécialement à Genève où tant d’Organisations internationales ont leur siège? Vous avez sans doute l’impression d’être immergés dans des problèmes si difficiles à résoudre! Ils sont si nombreux, au fur et à mesure que les moyens de communication et la solidarité accrue vous plongent en eux; ils sont si vastes, à l’échelle du monde; ils sont si complexes, si enchevêtrés, dépendant de tant de facteurs sur lesquels vous avez bien peu de prise, sans compter parfois la mauvaise volonté et le blocage de ceux qui ont d’autres intérets! Quelle lucidité, quelle patience, quelle espérance ne faut-il pas?

Ceux, par exemple, qui travaillent dans les Institutions internationales, qui préparent inlassablement des mesures juridiques, des conventions, des recommandations, des initiatives destinées à assainir le climat mondial, ont peut-être conscience que leur contribution personnelle à la justice et à la paix reste encore bien limitée bien fragile, indirecte et lointaine, sauf lorsqu’ils interviennent efficacement pour des individus et des groupes précis de réfugiés ou autres personnes en détresse. Je pense ici à tous ceux qui oeuvrent pour la paix, le désarmement ou les droits de l’homme à l’ONU, pour la justice sociale à l’OIT, pour la santé à l’OMS, pour les réfugiés au Haut-Commissariat, pour les victimes des guerres à la Croix-Rouge, etc. Les chrétiens y ont leur part, avec tous les autres hommes de bonne volonté, et je leur renouvelle mes encouragements, surtout à ceux que je n’ai pas pu visiter aujourd’hui. Qu’ils aient conscience de participer à l’oeuvre de justice et de charité demandée par le Christ en en préparant les voies au niveau mondial! Ils tissent, à travers bien des obstacles, la trame du monde nouveau que notre foi espère, et qui ébauche, ici-bas, le salut réalisé en plénitude dans l’au-delà.

244 Je n’oublie pas non plus toutes les autres personnes présentes à cette messe, de Genève, de Suisse ou d’ailleurs, qui travaillent dans le cadre de leur famille, de leur entreprise, de leur municipalité, de leur patrie, de leur communauté chrétienne. Beaucoup vivent sans doute dans des conditions qu’on peut dire confortables, que les circonstances et leur travail ont favorisées: avec leurs pasteurs, ils trouvent aisément l’occasion de réfléchir sur la façon adéquate de participer, chez eux et dans le monde, à l’avancée de la justice, au partage, à une entraide respectueuse de la dignité des autres, à l’hospitalité largement ouverte.

7. Comment situer alors l’intervention de l’Église et de son magistère dans ce contexte? Pas plus qu’Isaïe, pas plus que Jésus, elle n’a à vous tenir un discours proprement politique. Avec son autorité religieuse, héritée du Seigneur, elle n’a pas non plus compétence pour donner des solutions techniques à vos problèmes: elle en laisse le soin aux laïcs chrétiens et aux organisations chrétiennes de laïcs, capables d’inventer dans leur conscience chrétienne bien formée les décisions qui correspondent aux besoins concrets.

Mais Jésus, à la suite des prophètes, a apporté un message qui ne cesse d’interroger et de bouleverser les hommes et les femmes en face des inégalités, des pauvretés, des injustices, de toutes les conséquences du péché. Oui, ce message, qui transcende la politique et le social, tout en ayant sur eux un impact, contient une force d’interpellation dont le monde a bien besoin. Par lui, c’est Dieu qui appelle tous les êtres humains, croyants et hommes de bonne volonté, à recréer avec Lui une humanité à son image et ressemblance, une humanité fraternelle. Son message ne veut pas les décourager, mais bien les encourager et les soutenir dans leurs bons desseins; c’est en ce sens qu’il les invite aussi à relativiser en quelque sorte leurs projets provisoires et même les structures stables qu’ils ont sincèrement mises en place pour mieux résoudre leurs problèmes; c’est-à-dire à les réviser à l’aune de la justice et de l’amour, afin de dépasser les injustices et les égoïsmes sans cesse renaissants et mieux répondre aux besoins nouveaux.

8. Chers Frères et Soeurs, si l’Église, le Siège Apostolique, le Pape tiennent ce langage fort, ils désirent aussi qu’il soit reçu comme un langage humble. D’abord, ils ne veulent proposer d’autres lois, d’autres exigences morales que celles qui découlent de l’Évangile qu’ils ont eux-mêmes reçu, sans mérite de leur part. Puis, ce que l’Église apporte, c’est moins un jugement de condamnation, à la façon d’Isaïe, qu’un souffle nouveau, dans le sillage du Christ, un élan où l’Esprit Saint a sa part, une espérance, bref, une contribution positive. Et par ailleurs, elle sait bien qu’elle porte ce message dans un vase d’argile (Cfr.
2Co 4,7); ses membres, tous ses membres, y compris ceux de la hiérarchie, ont conscience de participer personnellement à la faiblesse, aux limites des hommes, toujours pécheurs et toujours sauvés; et ils cherchent à reprendre un chemin toujours meilleur, malgré les pesanteurs et les lâchetés que leur propre histoire peut comporter. Mais leur faiblesse personnelle ne doit pas ternir le message de justice et d’amour qui vient de Dieu.

Nous faisons nôtre l’attitude à la fois humble et forte de la Vierge Marie, manifestée le jour de sa Visitation dans son “Magnificat”. Comme je le rappelais devant les ouvriers à Saint-Denis, en France, les travailleurs - et je considère que tous ceux qui sont ici sont des travailleurs - «doivent être capables de lutter noblement pour toute forme de justice . . . La disponibilité à entreprendre une lutte aussi noble, une lutte pour le vrai bien de l’homme dans toutes ses dimensions, dérive des paroles que prononce Marie . . . au sujet du Dieu vivant: “il a déployé la force de son Bras, il a dispersé les hommes au coeur orgueilleux, il a renversé les puissants de leur trône, il a élevé les humbles”» (IOANNIS PAULI PP. II Homilia in Missa celebrata in urbe «Saint-Denis», die 31 maii 1980: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, III, 1 (1980) 1562 ss.).

Devant Marie, devant son Fils Jésus qui a proclamé cette béatitude, nous devons tous nous demander: “Avons-nous suffisamment faim et soif de la justice, de la justice de Dieu?”.



20 juin 1982, Canonisation du Bienheureux Crispin de Viterbe

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Le 20 juin, le Saint-Père a présidé la célébration au cours de laquelle a été canonisé le bienheureux Crispin de Viterbe. Depuis son élection au pontificat suprême, c'est la première fois que le Pape présidait une telle cérémonie. Voici l'homélie qu'il a prononcée après la liturgie de la parole (1) :

(1) Texte italien dans l'Osservatore Rornano des 21-22 juin. Traduction, titre et sous-titres de la DC.


TRÈS CHERS FRÈRES ET SOEURS,

1. Ce jour est un jour solennel pour nous qui sommes invités à contempler la gloire céleste et la joie indéfectible de Crispin de Viterbe, compté par l'Église parmi le nombre des saints, parmi ceux qui ont atteint, après leur pèlerinage terrestre, la vision béatifique du Dieu vivant, Père, Fils et Esprit en nous offrant une confirmation encourageante de l'affirmation de saint Paul : « Les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous. » (
Rm 8,18)

Jour de joie surtout pour les religieux de l'ordre franciscain des Frères mineurs capucins qui, tandis qu'ils se réjouissent de l'honneur rendu à leur confrère qui a eu faim et soif de la justice et qui en a été rassasié (cf. Mt 5,6), élèvent leurs remerciements vers le Tout-Puissant pour la miseri- cordieuse bonté par laquelle il a voulu leur donner un nouveau confesseur de la foi qui, en cette année où l'on célèbre le huitième centenaire de la naissance de saint François, s'ajoute aux autres saints de la grande famille des Capucins.

En déclarant Crispin de Viterbe saint, en décrétant qu'il soit vénéré comme tel avec dévotion, pour l'honneur de la Très Sainte Trinité et pour l'accroissement de la vie chrétienne (cf. formule de canonisation), l'Église nous assure que l'humble religieux a combattu le bon combat, qu'il a conservé la foi, persévéré dans la charité, obtenant la couronne de justice qui lui a été préparée par le Seigneur (cf. 2Tm 4,7-8). Durant toute sa vie terrestre, F. Crispin est resté devant le Seigneur, à son service, et le Seigneur est maintenant pour toujours son heureux héritage (cf. Tt 10,8-9).

Pour suivre le Christ Jésus, il a renoncé à lui-même c'est- à-dire aux idéaux purement humains, il a pris la croix, sa tribulation quotidienne, ses limites personnelles et celles d'autrui, seulement préoccupé d'imiter le Maître divin, en sauvant ainsi, dans un sens parfait et définitif, sa propre vie (cf. Mt 16,23-25). « Quel avantage l'homme aurait-il à gagner le monde entier s'il vient à perdre son âme? » (Ibid, Mt 16,26.) L'interrogation évangélique qui vient d'être lue nous interpelle et nous invite à fixer le regard sur ce but heureux qui est déjà en possession de notre saint et qui nous est également réservé avec une certitude absolue, dans la mesure où nous saurons renoncer à nous-mêmes et suivre le Seigneur, en portant le poids de notre journée de travail laborieux.

Que monte en ce moment notre gratitude émue vers Dieu, auteur de la grâce, qui a conduit son serviteur fidèle, Crispin, vers la plus haute perfection évangélique, en implorant en même temps, par son intercession, de « pratiquer incessamment la vraie vertu à laquelle est promise la paix bienheureuse du ciel » (oraison du jour).



Le message de saint Crispin

2. Nous voulons maintenant réfléchir de maniere particulière sur le message de sainteté de Frère Crispin de Viterbe.

C'était la période de l'absolutisme de l'État, des luttes politiques, des nouvelles idéologies philosophiques, des inquiétudes religieuses (que l'on pense au jansénisme), de l'éloignement progressif des contenus essentiels du christianisme. Dans son douloureux tourment historique, continuellement à la recherche de buts plus élevés de progrès et de bien-être, l'humanité est périodiquement tentée par une fausse autonomie, par le refus des catégories évangéliques pour lesquelles elle a un besoin impératif de saints, c'est-à-dire de modèles qui expriment concrètement, par leur vie, la réalité de la transcendance, la valeur de la révélation et de la rédemption accomplie par le Christ.

Au siècle des lumières qui se suffisait à lui-même et où il a vécu, telle fut précisément la mission de saint Crispin de Viterbe, humble frère capucin, cuisinier, infirmier, jardinier et ensuite, pendant presque quarante ans, frère quêteur à Orvieto, au service de son couvent. Encore une fois, par la miséricorde divine, les paroles prophétiques de Jésus ont trouvé, dans ce saint humble, une réalisation éloquente : « Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, c'est ainsi que tu en as disposé dans ta bienveillance. » (Mt 11,25-26) Dieu accomplit des merveilles par l'action des humbles, de ceux qui ne sont pas cultivés et des pauvres, pour que l'on reconnaisse que tout accroissement salvifique, même terrestre, correspond à un dessein de son amour.

La joie

3. Le premier aspect de sainteté que je désire souligner chez saint Crispin, c'est celui de la joie. Son affabilité était connue de tous les habitants d'Orvieto et de tous ceux qui l'approchaient, et la paix de Dieu qui surpasse toute intelligence, gardait son coeur et ses pensées (cf. Ph Ph 4,5-7). Joie franciscaine que la sienne, soutenue par un caractère très communicatif et ouvert à la poésie mais découlant surtout d'un grand amour pour le Seigneur et d'une confiance invincible dans sa providence. « Celui qui aime Dieu avec une pureté de coeur — avait- il coutume de dire — vit heureux et, ensuite, meurt content. »

La disponibilité

4. Une seconde attitude exemplaire, c'est certainement son héroïque disponibilité envers ses confrères et envers les pauvres et les nécessiteux de toute catégorie. À ce sujet, en effet, on doit dire que l'engagement principal de Frère Crispin, alors qu'il quêtait les moyens de subsistance pour sa famille conventuelle, fut celui de donner à tous une aide spirituelle et matérielle, devenant une expression vivante de charité. L'action qu'il a accomplie sur le plan religieux et dans le domaine de l'assistance, pour la paix, la justice et la vraie prospérité, tient vraiment de l'incroyable. Personne n'échappe à son attention, à ses égards, à son bon coeur, et il va à la rencontre de tous, en recourant aux moyens les plus perspicaces et également à des interventions qui se présentent à la limite de l'extraordinaire.

Une catéchèse itinérante

5. Une autre caractéristique de sa sainte vie a été de développer une catéchèse itinérante. Il était un « laïc érudit » qui cultivait, avec les moyens à sa disposition, la connaissance de la doctrine chrétienne en n'omettant pas en même temps, d'instruire les autres dans la même vérité. Le temps de la quête était le temps de l'évangélisation.

Il poussait à la foi et à la pratique religieuse avec un langage simple, populairement savoureux, fait de maximes et d'aphorismes. Sa sage catéchèse est bien vite connue et elle attire des personnages du milieu ecclésiastique et civil, désireux d'utiliser ses conseils. Voici, par exemple, sa synthèse éclairante et profonde de la vie chrétienne : « La puissance de Dieu nous crée, sa sagesse nous gouverne, sa miséricorde nous sauve. » Les maximes débordaient de son coeur, prompt à offrir, avec le pain qui nourrit le corps, la nourriture qui ne périt pas : la lumière de la foi, le courage de l'espérance, le feu de l'amour.

Sa dévotion à la Vierge

6. Je désire enfin souligner sa tendre et, en même temps, sa vigoureuse dévotion envers la Très Sainte Vierge qu'il appelait « ma Mère » et sous la protection de laquelle il a conduit sa vie de chrétien et de religieux. À l'intercession de la Mère de Dieu, Frère Crispin confie les supplications et les angoisses rencontrées tout au long de sa route lorsqu'il quêtait et, lorsqu'il se trouvait sollicité pour des cas et des situations graves, il avait l'habitude de dire : Laisse-moi parler un peu avec ma Mère et retourne ensuite. » Réponse simple mais totalement imprégnée de sagesse chrétienne qui démontrait une totale confiance dans la sollicitude maternelle de Marie.

7. La vie cachée, humble et obéissante de saint Crispin, riche en oeuvres de charité et de sagesse inspiratrice, constitue un message pour l'humanité d'aujourd'hui, qui comme celle de la première moitié du XVIIIe siècle attend le passage réconfortant des saints. Lui, authentique fils de saint François d'Assise, offre à notre génération, souvent grisée par ses succès, une leçon d'humble et confiante adhésion à Dieu et à ses desseins de salut, d'amour pour la pauvreté et pour les pauvres, d'obéissance à l'Église, de confiance en Marie, signe grandiose de la miséricorde divine, même dans le ciel obscur de notre temps, selon le message encourageant jailli de son Coeur Immaculé pour la génération présente.

Élevons notre prière à notre saint qui est parvenu à la joie définitive du ciel où il n'existe « ni mort, ni deuil, ni cri, ni souffrance car le monde ancien a disparu » (Ap 21,4).

Ô saint Crispin, éloigne de nous les tentations des choses caduques et insuffisantes ; enseigne-nous à comprendre la vraie valeur de notre pèlerinage sur terre ; imprime en nous le courage nécessaire pour accomplir toujours, dans les joies et les souffrances, les fatigues et les espoirs, la volonté du Très-Haut.

Intercède pour l'Église et pour l'humanité tout entière qui a besoin d'amour, de justice et de paix. Amen ! Alléluia.



3 octobre 1982, Proclamation de neuf nouveaux Bienheureux: Jeanne Jugan, P. Salvatore Lilli et ses compagnons arméniens

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Le Pape Jean-Paul II a procédé le dimanche 3 octobre, dans la basilique Saint-Pierre, à la béatification de Jeanne Jugan (1792-1879) qui fonda en 1839 I'oeuvre des Petites Soeurs des Pauvres, et du P. Salvatore Lilli (18531895), franciscain de la Custodie de Terre sainte, curé d'une paroisse arménienne en Turquie, martyrisé avec sept de ses paroissiens. Les demandes rituelles ont été adressées au Pape par le cardinal Gouyon, archevêque de Rennes, et par Mgr Layek, archevêque arménien catholique d'Alep. Le lendemain 4 octobre, Jean-Paul II a reçu dans la grande salle des audiences les 5 000 pèlerins venus de France et du monde entier avec les Petites Soeurs des Pauvres. Avant cette audience, il avait reçu dans la basilique Saint-Pierre 10 000 pèlerins du mouvement « la Vie montante », dont le séjour à Rome coïncidait avec la béatification de Jeanne Jugan. Au cours de la messe de béatification, le Pape a prononcé l'homélie suivante (1) :

(1) Texte italien et français dans l'Osservatore Romano des 4-5 octobre. Traduction, titres, sous-titres et notes de la DC.

(En italien.)

CHERS FRÈRES ET SOEURS,

1. Grande est la joie de l'Église de voir élevés aux honneurs des autels quelques-uns de ses fils aux figures lumineuses : le bienheureux Salvatore Lilli, des Frères Mineurs, et la bienheureuse Jeanne Jugan fondatrice des Petites Soeurs des Pauvres : un Italien et une Française, le premier étant associé à sept chrétiens de la Turquie orientale, martyrs de la foi.

Il est significatif que la béatification du P. Salvatore Lilli, missionnaire franciscain de la Custodie de Terre sainte et curé de Moujouk-Deresi, advienne précisément aujourd'hui, vigile de la fête de saint François d'Assise.

Lors du 7e centenaire de la mort du saint d'Assise en 1926, mon prédécesseur Pie XI voulut souligner le lien unissant le séraphique saint François à la terre de Jésus, en béatifiant huit Franciscains de la Custodie, tués à Damas en 1860. Aujourd'hui, année du 8e centenaire de la naissance de saint François, un autre de ses fils, lui aussi pastoralement engagé sur la terre d'Orient, est élevé aux honneurs des autels en même temps que sept de ses paroissiens martyrs.

2. La biographie du bienheureux Salvatore est simple, mais riche de faits qui attestent son grand amour pour Dieu et pour ses frères ; celui-ci culmine dans le martyre, qui vient couronner une vie de fidélité à la vocation franciscaine et missionnaire. De ses sept compagnons dans le martyre nous connaissons les noms, les familles, et le milieu de vie : c'étaient d'humbles paysans et de fervents chrétiens, issus d'un peuple qui avait conservé intacte à travers les siècles sa fidélité à Dieu et à l'Église, malgré des périodes difficiles, et parfois dramatiques.


L'élan d'un missionnaire

Le jeune missionnaire se plongea avec un dévouement total au milieu de ces humbles gens, réalisant en peu de temps ce qui pouvait sembler impensable aux autres. Il fonda trois nouveaux villages pour réunir les familles dispersées, pour mieux les protéger et les instruire ; il réalisa l'achat d'un vaste terrain pour donner du travail et du pain à ceux qui en étaient dépourvus et développa avec ténacité l'instruction des jeunes. Surtout, il imprima un rythme plus intense à la vie religieuse de ses paroissiens, qui se sentaient entraînés par son exemple, par sa piété et sa générosité ; ses préférés étaient les malades, les pauvres, les enfants.

Sage conseiller et promoteur d'oeuvres sociales, il était ouvert à tous : catholiques, orthodoxes, musulmans, et à tous il savait offrir son service avec le sourire ; à cause de cela, il était particulièrement aimé par ses fidèles, estimé et respecté par les autres.

Pendant une épidémie de choléra, son apostolat s'éclaira de charité héroïque : il fut en même temps médecin et prêtre. Sans avoir cure du risque de contagion, il allait de maison en maison, assistant moralement et matériellement les malades. Dans ces circonstances, il écrivait à sa soeur, religieuse trinitaire : « Je me sentais un tel courage qu'aller auprès des cholériques, leur administrer des remèdes, etc., me semblait une chose banale. » Et il en indiquait la claire motivation : le prêtre rempli par la foi en Dieu ne craint pas le danger « et court soulager le pauvre frère qui, si souvent, se trouve abandonné par ceux qu'il aime le plus » (lettre à sa soeur Maria Pia, religieuse trinitaire, 4 décembre 1890).


La force des martyrs

Quand surgirent avec violence les symptômes annonciateurs de la tempête qui s'approchait, menaçante, ses confrères exhortèrent le P. Salvatore à se réfugier dans des lieux plus sûrs. Les habitants de la région eux-mêmes, craignant pour la vie de leur Père, insistèrent pour qu'il se mette à l'abri. La réponse du P. Lilli fut calme et décidée : « Je ne peux abandonner mes ouailles ; je préfère mourir avec eux s'il le faut. » Et il resta dans son poste de mission.

Le 19 novembre 1895, les militaires entrèrent dans le presbytère et le commandant posa tout de suite l'alternative : ou renier le Christ, ou mourir. Claire et ferme fut la réponse du prêtre qui pour cela dut subir une première explosion de violence : quelques coups de baïonnette qui firent couler son sang.

Trois jours plus tard, le religieux et sept de ses paroissiens furent emmenés par la troupe. Ils marchèrent pendant deux heures. Près d'un torrent, on les fit arrêter et le colonel leur proposa pour la dernière fois de choisir entre l'abjuration et la mort. « En dehors du Christ, je ne reconnais personne », répondit le Père. La réponse des autres martyrs ne fut pas moins noble : « Tuez-nous, mais nous ne renierons pas notre religion. »

Le bienheureux Salvatore, percé par les baïonnettes des soldats, mourut le premier ; immédiatement après, les sept autres subirent le même sort.

3. Ce missionnaire franciscain et ses sept fidèles parlent avec une éloquence incisive au monde d'aujourd'hui : ils sont pour nous tous un salutaire rappel à la substance du christianisme. Lorsque les circonstances de la vie nous mettent en face des choix fondamentaux entre les valeurs terrestres et les valeurs éternelles, les huit bienheureux martyrs nous enseignent comment on vit l'Évangile, jusque dans les circonstances les plus difficiles.

Reconnaître Jésus-Christ comme maître et rédempteur implique la pleine acceptation de toutes les conséquences qui, dans la vie, découlent d'un tel acte de foi. Les martyrs élevés aujourd'hui aux honneurs des autels doivent être honorés en imitant leur exemple de force et d'amour pour le Christ. Leur témoignage et la grâce qui les a aidés sont pour nous source de courage et d'espérance : ils nous assurent qu'il est possible, face aux pires difficultés, de suivre la loi de Dieu et de surmonter les obstacles qui s'élèvent lorsqu'on veut la vivre et la mettre en pratique.

Nos bienheureux martyrs ont vécu vraiment les paroles adressées par Jésus à ses disciples : « Quiconque me rendra témoignage devant les hommes, je lui rendrai témoignage devant mon Père qui est dans les cieux. » (
Mt 10,32) Le bienheureux Salvatore et ses compagnons ont subi la mort pour rendre leur témoignage héroïque au Christ à la face du monde : le Seigneur leur a rendu son témoignage devant le Père, pour la vie éternelle.

Que cette leçon, en même temps que celle de la charité héroïque de la bienheureuse Jeanne Jugan, stimule tous les baptisés pour une vie chrétienne toujours plus cohérente et toujours plus généreuse au service du Seigneur, de l'Église et de l'homme.


(En français.)

L'humble servante des pauvres

4. Et exaltavit humiles ! Ces paroles bien connues du Magnificat remplissent mon esprit et mon coeur de joie et d'émotion, alors que je viens de proclamer bienheureuse la très humble fondatrice des Petites Soeurs des Pauvres. Je rends grâce au Seigneur d'avoir réalisé ce que le Pape Jean XXIII avait légitimement espéré et ce que Paul VI avait si ardemment désiré. Certes, on pourrait appliquer le texte cité tout à l'heure aux innombrables disciples du Christ béatifiés ou canonisés par l'autorité suprême de l'Église. Cependant, la lecture attentive de la position sur les vertus de Jeanne Jugan, comme les récentes biographies consacrées à sa personne et à son épopée de charité évangélique, m'inclinent à dire que Dieu ne pouvait glorifier plus humble servante. Je ne crains pas, chers pèlerins, de vous encourager à lire ou à relire les ouvrages qui parlent si bien de l'héroïque humilité de la bienheureuse Jeanne, comme de l'admirable sagesse divine, qui dispose avec patience et discrétion les événements destinés à favoriser la germination d'une vocation exceptionnelle et l'éclosion d'une oeuvre nouvelle, à la fois ecclésiale et sociale.

5. Cela dit, je voudrais méditer avec vous et pour vous sur l'actualité du message spirituel de la nouvelle bienheureuse. Jeanne nous invite tous — et je cite les termes de la règle des Petites Soeurs — « à communier à la béatitude de la pauvreté spirituelle, acheminant vers le dépouillement total qui livre une âme à Dieu ». Elle nous y invite beaucoup plus par sa vie que par les quelques paroles conservées d'elle et marquées du sceau de l'Esprit Saint, telles que celles-ci : « C'est si beau d'être pauvre, de ne rien avoir, de tout attendre du bon Dieu. » Consciente et joyeuse de sa pauvreté elle compte totalement sur la divine Providence, qu'elle reconnaît à l'oeuvre dans sa propre vie et dans celle des autres. Cette confiance absolue n'est pas pour autant inactive. Avec le courage et la foi qui caractérisent les femmes de son terroir natal, elle n'hésite pas à « mendier à la place des pauvres qu'elle accueille ». Elle se veut leur soeur, leur « Petite Soeur ». Elle veut s'identifier à tout ce monde des anciens souvent mal portants, parfois bien délaissés. N'est-ce pas l'Évangile à l'état pur (cf. Mt 25,34-41)? N'est-ce pas la voie que le tiers-ordre de saint Jean Eudes lui avait enseignée : « ... N'avoir qu'une vie, qu'un coeur, qu'une âme, qu'une volonté avec Jésus » pour rejoindre ceux que Jésus a toujours préférés : les petits et les pauvres ?


Un long chemin de croix

Grâce à ses exercices quotidiens de piété — longue oraison silencieuse, participation au sacrifice eucharistique et communion au Corps du Christ plus fréquente que de coutume en cette époque, récitation méditée du rosaire qui ne la quittait pas, et cet agenouillement fervent devant les stations du chemin de la croix — l'âme de Jeanne était véritablement plongée dans le mystère du Christ rédempteur, spécialement dans sa passion et sa croix. Son nom de religion — Soeur Marie de la Croix — en est le symbole réel et émouvant. Depuis le hameau natal des Petites-Croix (coïncidence ou présage ?) jusqu'à son départ de ce monde, le 29 août 1879, la vie de cette fondatrice est comparable à un long et très fécond chemin de croix vécu dans la sérénité et la joie selon l'Évangile.

Comment ne pas souligner ici que, quatre ans après la naissance de l'oeuvre, Jeanne fut victime d'immixtions abusives et extérieures au groupe de ses premières compagnes ? Elle se laissa dépouiller de sa charge de supérieure, et un peu plus tard elle accepta de rentrer à la maison mère pour une retraite qui durera vingt-sept années, sans la moindre protestation. En mesurant pareils événements, le mot d'héroïsme vient de lui-même à l'esprit. Saint Jean Eudes, son maître spirituel, disait : « La vraie mesure de la sainteté, c'est l'humilité. » En recommandant souvent aux Petites Soeurs : « Soyez petites, bien petites ! Gardez l'esprit d'humilité, de simplicité ! Si nous venions à nous croire quelque chose, la Congrégation ne ferait plus bénir le bon Dieu, nous tomberions », Jeanne livrait en vérité sa propre expérience spirituelle. Et dans sa longue retraite à la Tour Saint-Joseph, elle exerça certainement sur de nombreuses générations de novices et de Petites Soeurs une influence décisive, imprimant son esprit à la Congrégation par le rayonnement silencieux et éloquent de sa vie. À notre époque, l'orgueil, la recherche de l'efficacité, la tentation des moyens puissants ont facilement cours dans le monde et parfois, hélas ! dans l'Église. Ils font obstacle à l'avènement du royaume de Dieu. C'est pourquoi la physionomie spirituelle de Jeanne Jugan est capable d'attirer les disciples du Christ et de remplir leurs coeurs de simplicité et d'humilité, d'espérance et de joie évangélique, puisées en Dieu et dans l'oubli de soi. Son message spirituel peut entraîner les baptisés et les confirmés à une redécouverte et à une pratique du réalisme de la charité qui est étonnamment efficace dans une vie de Petite Soeur ou de laïc chrétien lorsque le Dieu d'amour et de miséricorde y règne pleinement.


Un message pour notre temps

6. Jeanne Jugan nous a également laissé un message apostolique tout a fait d'actualité. On peut dire qu'elle avait reçu de l'Esprit comme une intuition prophétique des besoins et des aspirations profondes des personnes âgées : ce désir d'être respectées, estimées, aimées ; cette appréhension de la solitude en même temps que le souhait d'un espace de liberté et d'intimité ; cette nostalgie de se sentir encore utiles, et très souvent, une volonté d'approfondir les choses de la foi et d'en mieux vivre. J'ajouterais que, sans avoir lu et médité les beaux textes de Gaudium et spes, Jeanne était dejà en accord secret avec ce qu'ils disent de l'établissement d'une grande famille humaine où tous les hommes se traitent comme des frères (n. 24) et partagent les biens de la création selon la règle de la justice, inséparable de la charité (n. 69). Si les systèmes de sécurité sociale actuellement en vigueur ont supprimé les misères du temps de Jeanne Jugan, la détresse des personnes âgees se rencontre encore en maints pays où oeuvrent ses Filles. Et même dans les régions où ils existent, ces systèmes de prévoyance ne procurent pas toujours aux anciens ce type de maisons vraiment familiales qui correspondraient à leur attente, comme à leurs besoins corporels et spirituels. On le voit : dans un monde où le nombre des personnes âgées va croissant — le récent Congrès international de Vienne s'en est préoccupé (2) — l'actualité du message apostolique de Jeanne Jugan et de ses Filles est hors de doute.

Dès les premières années, la fondatrice a voulu que sa Congrégation, loin de se limiter à l'ouest de la France, devienne un véritable réseau de maisons familiales, où chaque personne soit accueillie, honorée et même — selon les possibilités individuelles — promue à un épanouissement de son existence. L'actualité de la mission inaugurée par la bienheureuse est si vraie que les demandes d'admission et fondation ne cessent d'affluer.

À sa mort, 2 400 Petites Soeurs étaient au service des personnes pauvres et âgées, en dix pays. Aujourd'hui, elles sont 4 400, réparties à travers trente nations et sur les cinq continents. L'Église tout entière et la société elle-même ne peuvent qu'admirer et applaudir la merveilleuse croissance de la toute petite semence évangélique jetée en terre bretonne, voici bientôt cent cinquante ans, par la très humble Cancalaise, si pauvre de biens mais si riche de foi !

7. Puisse la béatification de leur très chère fondatrice apporter aux Petites Soeurs des Pauvres un nouvel élan de fidélité au charisme spirituel et apostolique de leur Mère ! Puisse la répercussion de cet événément à travers toutes les fondations éclairer et décider de nombreuses jeunes filles à rejoindre les rangs des Petites Soeurs ! Puisse la glorification de leur compatriote être pour les paroissiens de Cancale et pour tous les diocésains de Rennes un appel vigoureux à la foi et à la charité évangéliques ! Puisse enfin cette béatitude devenir pour les personnes âgées du monde entier une source tonifiante de joie et d'espérance, grâce au témoignage solennellement reconnu de celle qui les a tant aimées au nom de Jésus-Christ et de son Église !

(2) DC, 1982, n° 1836, p. 801-804.



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