Homélies St Jean-Paul II 270

270 3. “De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde” (Jn 17,18). Voilà comment s’exprime le Christ Jésus devant son Père, au moment de quitter ce monde. Un Apôtre est un “envoyé”; tout disciple du Christ est appelé lui aussi à être son témoin actif, le témoin du Christ venu dans le monde “pour rendre témoignage à la vérité, pour sauver, non pour condamner, pour servir, non pour être servi” (Gaudium et Spes GS 3, par. 2). C’est comme si le Christ vous disait: “J’ai besoin de toi, de tes mains, de tes lèvres, de ton regard, de ton coeur, pour porter mon message jusqu’au bout du monde, et jusqu’aux profondeurs les plus secrètes des hommes. Les "talents" que tu as reçus, tu dois en faire profiter les autres”.

Le Coeur du Christ est ouvert à toutes les nations. De même le coeur de son disciple ne saurait limiter son horizon à celui de ses proches, de son village, de sa cité, de son milieu, de son pays, mais il doit chercher le salut et le progrès de tous les humains. Il doit avoir la passion du Règne de Dieu pour qu’il advienne par toute la terre; le monde sera ainsi “rempli de la connaissance du Seigneur, comme les eaux comblent la mer” (Is 11,9).

4. Or, la vie éternelle, c’est qu’ils le connaissent, lui, le seul véritable Dieu, et Jésus-Christ, son Envoyé (Jn 17,3). La mission comprend donc d’abord la proposition à toute créature de la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu - inséparable du témoignage vécu au service du Règne de Dieu. Ce Règne est lié à la foi , et à la prédication en vue d’éveiller la foi (Mc 1,15 Mc 16,15 Mc 16,20). Je sais que le Canton de Fribourg compte de nombreux missionnaires, prêtres, religieux, religieuses et laïcs, qui ont compris cet appel. Et ici même, à l’Université, ou à l’Ecole de la Foi, vous voulez former des hommes et des femmes aptes à s’ouvrir et à répondre eux-mêmes aux besoins religieux de tous leurs frères à travers le monde.

Le Règne de Dieu, c’est aussi le règne de la justice, de l’amour, de la paix, et la mission doit s’accompagner de l’instauration, dans le monde entier, spécialement dans les pays qui en sont démunis, des conditions permettant aux habitants de vivre dans la dignité et de se développer à tous points de vue. Comme vous l’ont dit vos Evêques à Fribourg (Orientations pastorales, febr. 1983, p. 5, 1. 3.): “Développez . . . le sens de la mission universelle de l’Eglise en promouvant sans doute l’entraide fraternelle et caritative, mais aussi en favorisant la prise de conscience des responsabilités de l’Occident face aux pays du tiers-monde, afin de combattre chez nous les injustices qui rendent ces pays toujours plus pauvres”.

5. L’universalité du monde, en effet, trouve ici même une certaine réalisation. Votre Evêque évoquait tout à l’heure plus de 60 nations représentées dans cette ville, avec un nombre d’étrangers au moins égal à celui des Suisses nés dans ce pays. Oui, Fribourg est une ville de rencontres, une ville internationale, un microcosme, et je souhaite avec vous qu’elle vive toujours davantage sa vocation universelle, son ouverture à tous ces frères et soeurs de l’univers qui sont ses hôtes. Ainsi, vous ne vous contenterez pas d’apporter un soutien matériel et spirituel à vos missionnaires partis au loin, ni même d’affecter généreusement une part de vos richesses matérielles et culturelles aux “pays de la faim”, mais vous réaliserez ici même un style de vie quotidienne et de relations où l’étranger se trouve en famille, intégré dans la construction du peuple de Dieu.

6. Mais quelle sera l’originalité de cette mission universelle, de ce témoignage? “Avec le Saint-Esprit, vous serez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre” (Ac 1,8). Ce que le Christ nous demande d’apporter aux autres, de témoigner, ce n’est pas d’abord une richesse extérieure à nous-mêmes; ce n’est pas le surplus d’une supériorité acquise par nous-mêmes ou avec un ensemble de chances historiques. C’est l’esprit que nous puisons dans le Coeur du Christ et qui, par grâce, est déjà à l’oeuvre dans notre propre vie. C’est dans ce sens-là que le Christ a prié pour ses Apôtres, au moment de son sacrifice, de son don suprême: “Père, garde mes disciples dans la fidélité à ton nom . . . pour qu’ils soient un comme nous-mêmes . . . Je ne demande pas que tu les retires du monde, mais que tu les gardes du Mauvais . . . Consacre-les dans la vérité . . . Et pour eux je me consacre moi-même, afin qu’ils soient eux aussi consacrés dans la vérité” (Jn 17,11 Jn 17,15 Jn 17,17 Jn 17,19).

Chers Frères et Soeurs, vous avez été sanctifiés, consacrés par le baptême. Vous êtes devenus membres du Christ; vous êtes, par Lui, avec Lui et en Lui, offerts à Dieu le Père, vous avez reçu l’Esprit Saint qui met en vous les sentiments du Fils unique et vous donne de l’annoncer au monde. Laïcs chrétiens, vivez de ce baptême. Laissez pénétrer en vous, jour après jour, cette sanctification, par l’Esprit du Christ, pour en témoigner de façon vraie. Fortifiez votre fidélité au Christ. Recherchez sa Vérité, non la vôtre.

Dieu vous a fait naître au milieu du monde. En ville ou à la campagne, étudiants ou apprentis, fiancés ou mariés, ouvriers, peut-être en chômage, employés, employeurs, au service de l’Etat ou de votre Armée, agriculteurs, commerçants, industriels: c’est là votre monde, où Dieu vous a mis et veut que vous restiez: Je “ne demande pas que tu les retires du monde”. Mais ne vous laissez pas séduire par les faux dieux de ce monde, par tous les “paradis artificiels”. Eliminez de votre propre vie ce qui vient du Mauvais, ce qui fait obstacle à la transparence évangélique. Alors vous pourrez servir les hommes comme témoins du Christ. Alors se réalisera ce que nous avons demandé au début de cette messe: “Que la puissance de l’Evangile travaille le monde à la manière d’un ferment” et que, cherchant toujours l’Esprit du Christ, vous travailliez à l’avènement de son Règne en accomplissant vos tâches d’hommes (Oratio missae).

7. Son règne est inséparable de l’esprit de service, de l’unité, de la recherche de la Vérité, tels que le Christ les entend.

Je l’exprimais dans l’encyclique “Redemptor Hominis”: “La participation à la mission royale du Christ (est) le fait de redécouvrir en soi et dans les autres la dignité particulière de notre vocation . . . Cette dignité s’exprime dans la disponibilité pour servir, à l’exemple du Christ, qui "n’est pas venu pour être servi, mais pour servir" . . . On ne peut vraiment "régner" qu’en "servant" . . . le "service" exige en même temps une maturité spirituelle . . .” (Ioannis Pauli PP., Redemptor Hominis, 21). Le mot “service” revient plus de cent fois dans les textes du Concile Vatican II à propos de la mission de l’Eglise et de ses membres. Mettez-vous au service les uns des autres. Servez vos proches. Servez les étrangers. Servez les plus pauvres. Vous savez bien, chers Frères et Soeurs de Suisse qui êtes réputés pour votre hospitalité, ce que comprend ce service: c’est à la fois accueillir l’autre comme un don de Dieu, comme un frère dans le Christ, avec sa soif de vie, d’amour, de dignité; c’est le respecter, chercher à le comprendre, estimer sa valeur et ses besoins, lui faire une place dans notre petit univers, lui procurer l’entraide nécessaire et accepter la sienne. Cela suppose l’humilité, comparable à celle des lacs de vos montagnes qui, comme l’ont dit vos poètes, “ont choisi le point le plus bas pour refléter le ciel”. Cela suppose la douceur, l’amour, la patience, le pardon. Chacun peut se demander avec saint Paul: “Est-ce que mes voisins sont pour moi des étrangers, des gens de passage que je salue à peine, ou sont-ils vraiment mes frères et soeurs, membres de la même famille de Dieu?”.

8. Cet esprit de service va de pair avec la recherche inlassable de l’unité entre vous, non pas de n’importe quelle unité, faite d’une juxtaposition paisible qui pourrait être respect dans l’indifférence, mais de cette unité profonde, mystérieuse entre baptisés, qui reflète ici-bas l’unité du Père et du Fils: “Qu’ils soient un comme nous-mêmes!”. Par le baptême, “vous n’êtes plus des étrangers . . . vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondation les Apôtres et les prophètes . . . vous êtes vous aussi les éléments de la construction pour devenir par l’Esprit Saint la demeure de Dieu” (Ep 2,19 Ep 2,20 Ep 2,22). C’est saint Paul qui vous le dit aujourd’hui.

271 Et moi je le répète à vous, catholiques - citoyens suisses et travailleurs ou réfugiés venus de l’étranger -, qui ressentez la diversité de vos générations, de vos milieux, de vos pays d’origine, de vos races.

Je vous le dis à vous tous, chrétiens qui portez, courageusement et douloureusement sans doute, le scandale de la division des disciples du Christ; il faut progresser pour que, reconnaissant en Jésus l’unique Seigneur et Sauveur, l’unique Fondateur de leur Eglise, les chrétiens parviennent à vivre dans une communion de foi et de charité plénière et visible, aspirant à partager le même Pain de vie. C’est un ordre du Christ, “afin que le monde croie”. “En lui sont abolies toutes les divisions” (Oratio Eucharistica pro reconciliatione).

Elargissant ma prière, je vous souhaite aussi à vous tous, hommes et femmes de ce pays, de construire la cité terrestre en solidarité entre vous et avec le reste du monde, dans une fraternité universelle où chacun a sa place. Puissiez-vous être éclairés et stimulés par l’exemple des croyants comme aux premiers siècles de l’Eglise: “Voyez comme ils s’aiment”! Oui, “l’union de la famille humaine trouve une grande vigueur et son achèvement dans l’unité de la famille des fils de Dieu, fondée dans le Christ” (Gaudium et Spes
GS 42, par. 1; etiam n. 3).

9. Frères et Soeurs, je vous ai dit ces choses afin que vous ayez en vous la joie du Christ et que vous en soyez comblés (Jn 17,13). Rejoignons l’ultime prière de Jésus à son Père: “Consacre-les dans la vérité, ta parole est vérité”. L’esprit de service et l’unité sont les signes que les hommes sont sanctifiés dans la vérité du Christ. C’est cette grâce de sanctification que Jésus nous a acquise par son offrande sur la croix et sa résurrection rendues présentes par cette Eucharistie: Je “me consacre moi-même pour qu’ils soient consacrés dans la vérité”. Avec lui, nous pourrons alors concourir à la sanctification de l’homme (Oratio super oblata).

Approchons-nous de Lui dans la vérité, dans l’amour, pour recevoir son Esprit de sainteté et d’unité, comme Marie et les Apôtres à la Pentecôte. A moi-même, qui ai reçu la charge de l’Apôtre Pierre pour vous affermir dans la foi et vous rassembler autour du Christ, la Pierre Angulaire (Ep 2,20 1P 2,4), et à chacun de vous, chers Frères dans l’épiscopat ou dans le sacerdoce, religieux, religieuses et laïcs baptisés et confirmés, le Christ nous demande: “Es-tu prêt à donner ta vie, à la "consacrer", pour le service de tous les hommes, pour que l’Evangile du salut parvienne à toutes les nations?”.

Amen.

Devo esprimere la nostra profonda gratitudine comune ai nostri fratelli e soprattutto al metropolita ortodosso e agli altri che hanno vissuto con noi la grandezza delle celebrazioni alle quali noi sempre leghiamo il desiderio, il nostro profondo desiderio, di poterci unire attorno alla mensa eucaristica.

La stessa gratitudine agli altri fratelli e sorelle delle comunità cristiane che hanno qui in Svizzera il loro centro. Ieri ho avuto il privilegio di visitare questo centro del Consiglio mondiale delle Chiese cristiane e anche il Centro ortodosso di Chambésy.

Fratelli miei e amici miei,

il fatto vero è che Giovanni Paolo II vi vuole bene e voi lo amate molto. Allora, grazie ancora una volta. La mia gratitudine profonda a nostro Signore che ci ha radunato. Egli ci riunisce sempre e dovunque. Ci fa sempre più quel popolo di Dio che noi siamo. È una grande fortuna essere in Svizzera, appartenere a questo popolo grandioso, ma voglio dire che è una fortuna ancora più grande appartenere al popolo di Dio.

VOYAGE APOSTOLIQUE EN SUISSE

(11-17 JUIN 1979)

LITURGIE DE LA PAROLE POUR LES JEUNES SUISSES


Stade de glace "La patinoire de St-Léonard" (Fribourg)
272 Mercredi, 13 juin 1984



Chers Jeunes,

merci de votre accueil, merci de votre présence. C’est une grande joie pour moi de partager avec vous cette soirée. Vous êtes porteurs de l’avenir de la société et de l’Eglise. Je souhaite que pour vous, pour moi et pour ceux qui nous suivent de loin, ces instants reçus ensemble dans la joie, l’écoute, la réflexion et la prière soient un grand signe d’espérance.

Par vous et avec vous l’Esprit du Christ veut vivifier son Eglise et construire un monde plus juste, plus solidaire, plus fraternel. Soyons ensemble, ce soir et demain, toujours plus ouverts à l’Esprit du Christ.

Chers Jeunes,

1. Vos témoignages et vos questions mériteraient une longue discussion. Tous les problèmes que vous avez évoqués sont sérieux et montrent vos préoccupations face au monde et à l’Eglise d’aujourd’hui et de demain. Je ne peux en quelques instants répondre à tout. Je souhaite que notre échange de ce soir soit prolongé avec vos responsables de mouvements, avec vos catéchistes, vos prêtres et vos évêques.

Pour ma part, je voudrais m’arrêter à l’un ou l’autre point qui me paraissent fondamentaux et rejoignent les questions que se pose la jeunesse du monde entier. J’ai abordé les mêmes problèmes avec les jeunes de nombreux pays, à Rome, à Paris, à Lourdes, à Vienne, à Varsovie, à Lisbonne, à Galway, à Cardiff, à Boston, à Mexico, à Belo Horizonte, à Séoul.

L’avenir du monde vous paraît plutôt sombre. Le chômage, la famine, la violence, les menaces que font peser sur l’humanité le stockage d’armes d’une capacité effroyable de destruction, les déséquilibres économiques entre le Nord et le Sud, la pauvreté spirituelle qui accompagne en de nombreux pays la société de consommation, sont autant de causes d’inquiétudes et d’angoisses.

A vous jeunes, je dis: Ne vous laissez pas abattre par le défaitisme et le découragement! Vous êtes le monde de demain. De vous d’abord dépend l’avenir. Vous recevez de nous, les aînés, un monde qui peut vous décevoir, mais il a ses richesses et ses misères, ses valeurs et ses contre-valeurs. Les progrès extraordinaires de la science et de la technique sont ambivalents. Ils peuvent servir au meilleur et au pire. Ils peuvent sauver les vies humaines ou les détruire. Ils peuvent permettre une répartition des biens dans le monde meilleur et plus juste, ou au contraire accroître leur accumulation dans les mains de petits groupes en augmentant la misère des masses. Ils peuvent favoriser la paix ou au contraire faire peser sur l’humanité la menace de destructions épouvantables.

2. Tout dépend de l’usage qui est fait des progrès de la science ou de la technologie. Tout dépend finalement du coeur des hommes. C’est le coeur des hommes qu’il faut changer. Il faut sans doute modifier certaines structures qui engendrent l’injustice et la misère, mais il faut en même temps transformer le coeur des hommes.

Voilà, chers jeunes, le grand chantier du monde dans lequel vous devez vous engager. Ensemble, travaillez avec vos mains, votre coeur, votre intelligence et votre foi à construire un monde nouveau où il soit vraiment possible pour tous de s’épanouir et de vivre dans une atmosphère de sécurité et de confiance réciproque.

273 On ne bâtit pas l’avenir de l’humanité dans la haine, la violence, l’oppression quelle qu’elle soit. On n’édifie pas l’avenir de l’humanité sur le triomphe des égoïsmes individuels et collectifs. On ne peut construire l’avenir de l’humanité sur une fausse conception de la liberté qui ne respecte pas la liberté des autres. La société de consommation dans laquelle nous vivons et la peur d’un avenir incertain poussent à chercher pour soi des satisfactions immédiates. On se replie sur soi, sur son petit bonheur personnel, ses émotions, dans un cercle où la sensibilité exacerbée est sans cesse à l’affût de nouvelles émotions vite dépassées, où l’on n’accepte pas d’autre référence que soi-même et ses plaisirs. On ne peut vivre ainsi. Ce n’est pas ce monde-là que vous voulez. Ce serait un monde désespérant qui vide la vie de l’homme de toute signification.

3. Vous avez prévu de lire tout à l’heure le récit évangélique de la multiplication des pains. Jésus a multiplié les pains pour qu’ils soient partagés entre tous les gens présents, et il demande aux disciples d’accomplir ce service.

Aujourd’hui, le Christ vous appelle tous à un engagement sérieux et persévérant pour un partage fraternel des biens matériels et spirituels qui sont immenses dans le monde. Et cela commence aujourd’hui, dans vos écoles, dans vos lieux d’apprentissage et de travail, dans vos quartiers, dans vos villages. Cela commence aujourd’hui par une attention véritable aux autres et à leurs besoins, par un esprit de service et d’entraide fraternelle, par le sens de la justice, par l’entraînement au don de soi. La transformation du monde, c’est aujourd’hui qu’elle commence en vous et autour de vous.

Mais pour réaliser cette tâche magnifique qui est votre responsabilité face à l’humanité future, il y a quelques conditions indispensables. Je voudrais vous en rappeler deux.

4. Pour accomplir cette mission qui est la vôtre, il ne faut pas vivre à la surface de vous-mêmes, mais en profondeur. Il faut découvrir la dimension profonde de la personne humaine: les ressources de votre coeur, la valeur des autres, le sens des événements. Une existence superficielle engendre une insatisfaction pénible. N’est-ce pas le malaise qu’éprouvent beaucoup de jeunes qui cherchent les chemins de l’authenticité? Or l’authenticité est dans la profondeur. Mais il est, hélas, des profondeurs factices que la drogue donne l’illusion d’atteindre. Il est une pseudo-science, une pseudo-liberté, une libéralisation naïve de la sexualité qui sont des drogues aussi dangereuses et mortelles que les hallucinogènes.

Prendre conscience de soi, être présent à soi-même, découvrir les aspirations véritables de la personne, connaître ses qualités et ses limites, les accepter, constituent autant de conditions d’une relation authentique aux autres. Découvrir enfin, en nous-mêmes et dans les autres, la Présence secrète du Dieu de qui nous tenons la vie, le mouvement et l’être (cf. Act
Ac 17,28), c’est découvrir la Source d’une vie nouvelle et d’un dynamisme nouveau pour transformer le monde. Sans moi, nous dit Jésus, vous ne pouvez rien faire (cf. Io Jn 15,5).

Si vous savez vous abstraire du bruit, apprendre le silence pour vous retrouver vous-mêmes et Dieu en vous, vous pourrez résister aux influences dissolvantes du monde extérieur et aux complicités intérieures sans cesse renaissantes de votre propre égoïsme. Comme je le disais il y a juste un an à mes jeunes compatriotes à Jasna Góra: “Je veille, veut dire que je m’efforce d’être un homme de conscience. Je n’étouffe pas cette conscience et je ne la déforme pas; j’appelle par leur nom le bien et le mal, sans les obscurcir; je construis le bien en moi, et j’essaie de me corriger du mal” (Ioannis Pauli PP. II, Allocutio ad iuvenes in «Jasna Góra» congregatos habita, 5, die 18 iun. 1983: Insegnamenti di Giovanni Paolo II, VI, 1 (1983) 1565).

Vous découvrirez le projet de Dieu sur chacun de vous, inscrit dans vos qualités et vos limites elles-mêmes, au prix d’une certaine discipline de réflexion et de silence.

Parler de conscience de soi, d’intériorité, de réflexion et de silence, n’est pas une invitation à fuir la réalité, mais au contraire à bien l’explorer jusqu’à y découvrir sa dimension spirituelle. Il ne s’agit donc pas d’être en marge de la vie, mais d’y entrer jusqu’à la rencontre, dans la foi, de l’Esprit qui agit en nos coeurs et dans le coeur des hommes.

Notre regard sur les personnes et les événements est trop souvent myope, alors que nous devrions approcher de toute personne humaine avec un infini respect et lire au coeur des événements les enjeux profonds, les valeurs exaltées ou bafouées, l’action de l’Esprit Saint accueillie ou contrariée par les hommes.

Baptisés et confirmés, l’Esprit Saint vous a été donné. Il vous guidera dans la recherche de l’intériorité personnelle et du sens caché des événements. Soyez ouverts à l’Esprit du Christ: il est l’Esprit de vérité, et c’est la vérité qui vous rendra libres.

274 Ce que je vous propose est grand. Cette conquête de votre intériorité est la clé d’une vie qui vaut la peine d’être vécue, parce qu’elle devient une extraordinaire découverte, jamais finie, de soi-même, des autres, du monde et de Dieu. C’est aussi le chemin d’une communion fraternelle entre tous les hommes fondée sur la communion avec Dieu dans le Christ et dans son Esprit.

5. Mais pour vivre cette véritable aventure spirituelle, il importe - et c’est ma seconde remarque - de vivre en équipe, en Eglise. L’Eglise n’est-elle pas justement la communauté de ceux qui croient en Jésus et qui veulent se laisser conduire par son Esprit dès maintenant sur les chemins du Royaume de Dieu? Si vous voulez bâtir un monde renouvelé, mettez-vous ensemble pour approfondir votre regard, pour conforter vos points de vue avec la Parole de Dieu, pour vous entraider dans vos engagements quotidiens, pour vous soutenir dans les jours de lassitude. L’Eglise devrait être - que dis-je - doit être cette communauté fraternelle où l’on peut refaire ses forces, partager ses joies et ses soucis, s’unir dans la foi et la prière, célébrer ensemble dans l’Eucharistie le sacrifice de la Croix et la Présence réelle et mystérieuse du Christ ressuscité, se nourrir de Lui et de son Esprit. Vous avez raison, il faut restaurer dans nos communautés, dans nos paroisses, des relations vraies. Il faut vivre plus joyeusement et plus intensément la messe dominicale. Prenez votre place dans vos communautés paroissiales, soyez présents pour donner à l’Eglise une nouvelle jeunesse, pour lui donner toujours davantage un visage “sans tache, ni ride”, comme la veut le Christ (
Ep 5,27). Mais permettez-moi aussi de vous dire: soyez patients! On ne change pas en un jour une communauté chrétienne faite de personnes d’âges et de mentalités très variés. Chacun a ses qualités mais aussi ses imperfections et ses limites. Ne vous faut-il pas d’abord reconnaître la valeur de ce qu’ont déjà bâti - et souvent dans la peine - ceux qui vous précèdent? Ainsi vous manifesterez votre maturité, et croyez bien que toute l’Eglise compte sur vous, elle a besoin de vous pour devenir de plus en plus ce qu’elle doit être: une grande famille vivante et fraternelle de croyants ouverts à l’Esprit du Christ, témoignant au coeur du monde du salut apporté par le Christ, et manifestant l’Amour insondable qui unit le Père, le Fils et le Saint Esprit.

Oui, chers jeunes, animés de l’Esprit du Christ, cherchez la profondeur dans un monde où tout vous appelle à vivre en consommateurs superficiels, mettez-vous ensemble, formez des cellules vivantes de l’Eglise du Christ. Vous deviendrez alors, comme le Christ, des êtres existant pour les autres. Vous construirez avec tous les jeunes du monde une nouvelle civilisation de la Justice et de l’Amour.

Einen sehr herzlichen Gruß in ihrer Muttersprache richte ich heute Abend auch hier schon an die deutschsprachigen Jugendlichen in der Schweiz. Übermorgen werde ich Gelegenheit zu einer gleichen brüderlichen Begegnung mit ihnen in Einsiedeln haben. Meine Worte an die Jugend hier in Freiburg und dann in Einsiedeln gelten unterschiedslos euch allen, die ihr euch in diesem Land zu Christus bekennt oder euch noch auf dem Weg zu ihm befindet. Christus führe euch alle seinen Weg zur Wahrheit und zum Leben!

CONCÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE AVEC ORDINATION SACERDOTALE

Aéroport de Sion Dimanche, 17 juin 1984

17684

Chers Frères et Soeurs,

1. “Sursum corda”: “Elevons notre coeur!”. Aujourd’hui le coeur de l’Eglise réagit avec une ferveur particulière à cette invitation qui introduit chaque prière eucharistique. Aujourd’hui nous répondons avec une intensité de foi toute spéciale: “Habemus ad Dominum”: “Nous le tournons vers le Seigneur!”.

Dans le cadre admirable de ces montagnes, mieux qu’ailleurs peut-être, élevons-nous comme Moïse vers le Dieu du ciel et de la terre. Contemplons dans la foi le Mystère de Dieu. C’est vers Lui-même que notre foi se tourne. Un mystère insondable. Dieu est Dieu, l’Etre au-delà de tout ce que nous pouvons concevoir, plus grand que ce qui monte au coeur de l’homme. La révélation chrétienne lève en partie le voile sur sa Vie intime, mais elle conduit notre foi au seuil d’un mystère plus profond encore: l’unité de la Trinité. Celui qui est le Dieu unique est en même temps Père, Fils et Saint-Esprit. Chacune des personnes divines est incréée, immense, éternelle, toute-puissante, Seigneur; et cependant il n’y a qu’un Dieu incréé, immense, tout-puissant, Seigneur. “Le Père n’a été fait par personne, il n’est ni créé, ni engendré; le Fils vient du Père seul, il n’est ni fait, ni créé, ni engendré; l’Esprit Saint vient du Père et du Fils, il n’est ni fait, ni créé, ni engendré, mais il procède d’eux”. Ainsi s’exprimait une très ancienne profession de foi (symbole dit de saint Athanase). Ce Dieu d’infinie Majesté qui se manifeste à Moïse et se tient dans la mystérieuse nuée, ce Dieu transcendant qui révèle son insondable vie, la tendresse de son infinité d’amour, il nous est permis de nous approcher de lui: nous l’adorons, prosternés devant lui. Le bonheur nous est donné, dans la foi, de contempler en lui la Trinité Sainte, avant la pleine vision de sa Gloire.

2. “Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ” (
Ep 1,3). “Il a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique” (Jn 3,16). Par son Fils, non seulement il a révélé son Nom, sa Gloire, comme en une Epiphanie de Dieu qui le manifeste de façon unique, mais il a montré envers nous sa tendresse, sa miséricorde, son amour, sa fidélité, bien au-delà de ce que Moïse pouvait entrevoir: “D’avance, il nous a destinés à devenir des fils par Jésus-Christ”, “à devenir son peuple” (Ep 1,5 Ep 1,11). Notre adoration, notre chant de louange est en même temps une action de grâce pour ce “don gratuit dont il nous a comblés en son Fils bien-aimé”. Car “le premier don fait aux croyants” est l’Esprit qui poursuit l’oeuvre du Fils et “achève toute sanctification” (Prex eucharistica, IV), l’Esprit qui donne à l’Eglise l’unité du Corps, l’appelle à manifester aux hommes le salut, car par lui la présence de Dieu l’habite.

3. “Tu feras de nous un peuple qui t’appartienne” (Ex 34,9). Toute l’Eglise est le peuple du Dieu vivant. Et dans son sein, notre assemblée liturgique a sa place. C’est ici l’Eglise qui est en Suisse, particulièrement l’Eglise qui est à Sion; elle se rassemble, héritière d’une longue histoire, depuis Saint Théodule. Patron du diocèse, au pied de cette colline de Valère dominée par l’antique cathédrale dédiée à Notre-Dame, au coeur de la vallée du Rhône. Au milieu de leur rude vie de montagnards, les Valaisans ont su garder vivante leur foi catholique et leurs traditions chrétiennes, en communion avec l’Evêque de Rome, Successeur de Pierre, qui est si heureux de visiter aujourd’hui la cathédrale actuelle, mais surtout cette maison spirituelle faite de pierres vivantes (1P 2,5) qu’est l’Eglise à Sion. Et je salue avec elle l’Eglise qui se réunit autour de l’Abbaye Saint-Maurice, dans cette même vallée du Rhône, et qui est héritière de la foi professée jusqu’au martyre par saint Maurice et ses soldats de la légion thébaine. Comme saint Paul, je viens “pour vous affermir ou plutôt pour nous réconforter mutuellement par la foi qui nous est commune, à vous et à moi” (Rm 1,11-12). Ce qui nous lie, en fait, est bien plus profond et plus mystérieux qu’un rapport organique ou même un attachement affectueux: “L’Eglise universelle apparaît comme un "peuple qui tire son unité de l’unité du Père et du Fils et du Saint-Esprit"” (S. Cypriani, De Oratione Dominica, 23: PL 4, 553).

275 4. Dans le cadre de la liturgie eucharistique d’aujourd’hui, des fils de votre Eglise - de Sion ou d’autres diocèses ou instituts suisses - vont devenir prêtres “selon l’ordre de Melchisédech” (Ps 109,4 He 5,6 He 7,17), en recevant le sacrement de l’Ordre.

Melchisédech offrit au Très-Haut le pain et le vin. Sous le signe du pain et du vin, c’est Jésus-Christ qui s’offre au Père dans son sacrifice unique et définitif, rendu actuel et présent par le ministère des prêtres. Par eux, Jésus accomplit ce qu’il a fait durant le dernier repas. En offrant le pain, il dit: “Ceci est mon corps, livré pour vous . . . prenez et mangez”. En offrant le vin, il dit: “Ceci est la coupe de mon sang, versé pour vous et pour la multitude . . . prenez et buvez” (Lc 22,19-20).

C’est ainsi que Jésus-Christ parla aux Apôtres qui prenaient avec lui le dernier repas. Et il ajouta: “Vous ferez cela en mémoire de moi” (Ibid.).

Qui est donc Jésus-Christ? C’est le Fils éternel dans lequel le Père a aimé le monde. Il l’a donné “pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas, mais qu’il obtienne la vie éternelle . . . pour que, par lui, le monde soit sauvé” (Jn 3,16 Jn 3,17). Oui, il est venu pour le salut du monde. Le sacrifice qu’offrit Jésus-Christ sur la Croix - le sacrifice qu’il institua durant le dernier repas - est pour le salut du monde. Dans ce sacrifice se manifeste l’amour du Père et l’amour du Fils. C’est la coupe de l’Alliance nouvelle et éternelle.

Ceux qui aujourd’hui reçoivent l’ordination sacerdotale deviennent les ministres du sacrifice accompli pour le salut du monde. Ils le rendent présent. Ils sont les ministres de l’Eucharistie: leur vie sacerdotale se développe à partir de ce centre. Tout le reste sera comme une préparation ou un écho de cet acte sacramentel. Jour après jour, présents à l’existence humaine, ils auront à introduire leurs frères dans la Rédemption accomplie par le Christ et célébrée dans l’Eucharistie.

5. Les prêtres sont en même temps les guides de leur prochain sur la voie du salut.

Ils se tiennent au milieu du peuple de Dieu et ils disent comme Moïse: “Seigneur, daigne marcher au milieu de nous” (Ex 34,9). De tout leur être sacerdotal, ils invoquent le Seigneur pour qu’il guide son troupeau comme un Pasteur. Ils sont eux-mêmes les serviteurs de Jésus-Christ, le Bon Pasteur.

Comme Moïse, ils gravissent la montagne pour recevoir de Dieu le témoignage de l’Alliance, et pour prendre dans leurs mains, en signe de cette Alliance, les tables des Commandements de Dieu. Selon ces commandements - selon toute la vérité de l’Evangile, la charte de la nouvelle Alliance -, ils éclairent les consciences et guident ceux parmi lesquels eux-mêmes ont été choisis (He 5,1).

Ils sont maîtres de Vérité, en annonçant l’Evangile, en suscitant et en fortifiant la foi, en indiquant le chemin à suivre pour demeurer sur la voie du salut. Ils sont les gardiens de la rectitude des consciences. Et ainsi ils sont les serviteurs de ce Dieu qui proclamait devant Moïse: “Yahvé, le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité” (Ex 34,7). Ils sont les serviteurs de Jésus-Christ par lequel Dieu pardonne nos fautes et nos péchés, et fait de nous un peuple qui lui appartienne (Ibid.34, 9).

Et par conséquent, ces prêtres de la nouvelle Alliance sont les ministres du sacrement de la Pénitence et de la Réconciliation avec Dieu. Avec l’Eucharistie, ce ministère occupera une place capitale dans leur vie.

6. Autour de ces fonctions centrales se développent les autres aspects de leur vie sacerdotale que je ne fais qu’évoquer. Le prêtre participe à la charge de l’unique Médiateur qu’est le Christ. Mais il connaît sa faiblesse. Il n’opère rien par lui-même: il est fort de la force de Dieu, cela par une disposition permanente qui consacre son être même. Mais il doit chercher à y correspondre. Il doit rechercher la sainteté qui convient au ministre du Christ, avec l’Esprit Saint qui lui a été donné par l’imposition des mains: s’offrir tout entier avec lui, “vivre ce qu’il accomplit” (Prex ordinationis), transmettre ce qu’il a contemplé. Il doit être un homme de prière, tantôt dans la solitude, comme Moïse sur la montagne, tantôt comme animateur ou président de la prière de ses frères. Dans la plaine, il doit vivre proche des hommes, simplement, pauvrement, à leur service, comme le Christ venu pour servir; il tient compte de leurs préoccupations et de leur langage pour annoncer l’Evangile de Jésus-Christ - tout l’Evangile - de façon à pouvoir être entendu. Mais il doit en même temps initier au Mystère. Par sa façon de vivre, il doit apparaître comme l’homme lié à Jésus-Christ; par le célibat notamment, il devient le “signe vivant du monde à venir, déjà présent par la foi et la charité” (Presbyterorum Ordinis PO 16). Il est “l’homme pour les autres”; il doit être témoin, prophète. Courageux, qu’il accepte d’être à son tour signe de contradiction, parfois le serviteur souffrant, mais toujours l’homme de la paix que le Christ est venu apporter sur terre.

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Homélies St Jean-Paul II 270