Homélies St Jean-Paul II 661

HOMÉLIE DU PAPE JEAN PAUL II


Dimanche 16 mai 1999,

662 Journée de la Charité


1. «Je verrai la bonté du Seigneur sur la terre des vivants» (Psaume responsorial).

Ces paroles du Psaume responsorial font écho aux témoignages touchants qui ont précédé la célébration eucharistique, illustrant avec la force de l'expérience vécue le thème qui guide cette rencontre mondiale: «Réconciliation dans la charité». Dans chaque situation, même la plus dramatique, le chrétien fait siennes les invocations du Psalmiste: «Yahvé est ma lumière et mon salut, de qui aurais-je crainte? [...] De toi mon coeur a dit: "Cherche sa face". C'est ta face, Yahvé, que je cherche, ne me cache point ta face» (
Ps 26,1 Ps 26,8-9). Elles insufflent du courage, elles alimentent l'espérance et incitent à dépenser toutes les énergies pour faire en sorte que le visage du Seigneur brille comme une lumière dans notre existence. Chercher le visage de Dieu, c'est donc aspirer à la pleine communion avec Lui; c'est l'aimer au dessus de tout et de toutes ses forces. C'est pourquoi la route la plus concrète pour le rencontrer est aimer l'homme, dans le visage duquel brille celui du Créateur.

Il y a peu, sur cette place, plusieurs témoignages ont été rendus, dans lesquels sont apparus les prodiges que Dieu accomplit à travers le généreux service de tant d'hommes et de femmes, qui font de leur existence un don d'amour aux autres, un don qui ne s'arrête pas même face à celui qui ne l'accueille pas. Ces frères et soeurs, ainsi que de nombreux autres volontaires en chaque lieu de la terre, témoignent par leur exemple qu'aimer le prochain est la voie pour atteindre Dieu et faire que sa présence soit reconnue, même dans notre monde, si distrait et indifférent.

2. «Je verrai la bonté du Seigneur sur la terre des vivants».

Soutenue par la Parole de Dieu, l'Eglise ne cesse de proclamer la bonté du Seigneur. Là où se trouve la haine, elle annonce l'amour et le pardon; là où il y a la guerre, la réconciliation et la paix; là où il y a la solitude, l'accueil et la solidarité. Elle prolonge dans chaque lieu de la terre la prière du Christ, qui retentit dans l'Evangile d'aujourd'hui: «Qu'ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ» (Jn 17,3). Aujourd'hui plus que jamais, l'homme a besoin de connaître Dieu pour Lui confier, dans une attitude d'abandon confiant, la faiblesse de sa nature blessée. Il ressent, parfois même inconsciemment, la nécessité de faire l'expérience de l'amour divin qui fait renaître à la vie nouvelle.

Chaque communauté ecclésiale, à travers diverses formes d'apostolat qui la mettent en contact avec d'anciennes et nouvelles pauvretés, tant spirituelles que matérielles, est appelée à encourager cette rencontre avec «l'unique vrai Dieu» et avec Celui qu'il a envoyé, Jésus-Christ. Elle est poussée et soutenue par la conscience qu'aider les autres ne signifie pas simplement offrir un soutien et un secours matériel, mais que c'est surtout les conduire, à travers le témoignage de sa propre disponibilité, à vivre l'expérience de la bonté divine, qui se révèle avec une force particulière dans la médiation humaine de la charité fraternelle.

3. Très chers frères et soeurs, je suis très heureux de vous accueillir aujourd'hui en grand nombre à l'occasion de la Journée de la Charité, organisée par le Conseil pontifical Cor Unum. Je célèbre très volontiers l'Eucharistie avec vous et pour vous, en rappelant tous les «témoins de la charité», qui en chaque partie du monde s'engagent à vaincre l'injustice et la misère, malheureusement encore présentes sous tant de formes apparentes et cachées. Je pense ici aux innombrables visages du volontariat, dont l'action est inspirée par l'Evangile: Instituts religieux et Associations de charité chrétienne, organisations de promotion humaine et de service missionnaire, groupes d'engagement civil et organisations d'action sociale, éducative et culturelle. Vos activités touchent chaque domaine de l'existence humaine et vos interventions concernent d'innombrables personnes en difficulté. J'exprime à chacun de vous mon estime et mon encouragement.

Je remercie Mgr Paul Josef Cordes et les collaborateurs du Conseil pontifical Cor Unum, qui se sont faits les promoteurs de cette rencontre. Elle se situe dans le contexte de l'année de préparation immédiate au grand Jubilé de l'An 2000, année consacrée au Père céleste, riche de bonté et de miséricorde. Je remercie ceux qui ont présenté leur témoignage et tous ceux qui ont voulu prendre part à cette assemblée si significative.

En outre, je désire encourager chacun de vous à poursuivre cette noble mission qui vous voit engagés en tant que fils de l'Eglise, là où l'homme souffre et vit dans des conditions difficiles. Vous apportez à ceux que vous rencontrez le réconfort de la solidarité chrétienne; vous proclamez avec vigueur le Christ, Rédempteur de l'homme et en témoignez. Il est l'espérance qui illumine le chemin de l'humanité. Que le témoignage des saints vous encourage et vous soutienne, en particulier celui de saint Vincent de Paul, patron de toutes les associations caritatives.

4. Il est réconfortant de constater combien se multiplient, à notre époque, les interventions du volontariat, qui rassemblent dans des actions humanitaires des personnes d'origines diverses, de cultures et de religions différentes. Le désir de rendre grâce au Seigneur s'élève spontanément du coeur pour ce mouvement croissant d'attention portée à l'homme, de philanthropie généreuse et de solidarité partagée. Le chrétien est appelé à offrir sa contribution spécifique à cette vaste action humanitaire. Il sait que dans l'Ecriture Sainte, l'appel à l'amour pour le prochain est lié au commandement d'aimer Dieu de tout son coeur, de toute son âme et de toutes ses forces (cf. Mc Mc 12,29-31).

663 Comment ne pas souligner cette source divine du service aux frères? Oui, l'amour pour le prochain correspond au mandat et à l'exemple du Christ seulement s'il est relié à l'amour envers Dieu. Jésus qui donne la vie pour les pécheurs est le signe vivant de la bonté de Dieu; de même, le chrétien, à travers son généreux dévouement, fait ressentir aux frères avec lesquels il entre en contact, l'amour miséricordieux et providentiel du Père céleste.

La manifestation suprême de la charité divine est certainement le pardon, qui naît de l'amour envers son ennemi. Jésus dit à ce propos qu'il n'est pas particulièrement méritoire d'aimer celui qui est notre ami et qui nous fait du bien (cf. Mt
Mt 5,46-47). Celui qui aime son ennemi a vraiment du mérite. Mais qui aurait la force de parvenir à ce sommet aussi sublime, s'il n'était pas soutenu par l'amour de Dieu? Devant nos yeux apparaissent en ce moment les nobles figures de serviteurs héroïques de l'amour, qui, au cours de notre siècle, ont offert leur vie à leurs frères en mourant pour réaliser le plus grand commandement du Christ. Alors que nous accueillons leur enseignement, nous sommes invités à en suivre les traces, conscients que le chrétien exprime son amour envers Jésus dans le don de soi à l'autre, car ce qu'il fait au plus petit de ses frères, il le fait à son Seigneur lui-même (cf. Mt Mt 25,31-46).

5. «Tous d'un même coeur étaient assidus à la prière avec quelques femmes, dont Marie, mère de Jésus...» (Ac 1,14).

L'icône du volontariat est certainement celle du Bon Samaritain, qui se penche avec promptitude sur les plaies du voyageur inconnu, que les bandits avaient attaqué alors qu'il allait de Jérusalem à Jéricho (cf. Lc 10,30-37). A côté de cette image, que nous devons toujours contempler, la Liturgie nous en offre aujourd'hui une autre: au Cénacle, les Apôtres et Marie s'arrêtent ensemble en prière dans l'attente de recevoir l'Esprit Saint.

L'action présuppose la contemplation: elle naît de celle-ci et s'en nourrit. On ne peut pas donner d'amour à ses frères si on ne puise pas auparavant à la source authentique de la charité divine, et cela n'a lieu qu'à l'occasion d'un arrêt prolongé de prière, d'écoute de la Parole de Dieu, d'adoration de l'Eucharistie, source et sommet de la vie chrétienne. Prière et engagement actif constituent un binôme vital, inséparable et fécond.

Très chers frères et soeurs, puissent ces deux «icônes de l'amour» inspirer chacune de vos actions et toute votre vie. Que Marie, Vierge de l'écoute, obtienne pour chacun, de l'Esprit Saint, le don de la charité. Qu'Elle fasse de nous tous des artisans de la culture de la solidarité et des constructeurs de la civilisation de l'amour. Amen!

HOMÉLIE DU PAPE JEAN PAUL II


Samedi 22 mai 1999,
Veillée de Pentecôte



1. «Ouvre la porte au Christ ton Sauveur»: cette invitation, qui a retenti haut et fort au cours des trois années de préparation au grand Jubilé, a caractérisé notre Mission dans la ville.

Nous rendons grâce à Dieu pour cet événement extraordinaire, qui a été un acte d'amour pour la Ville et pour chacun de ses habitants. En effet, la Mission dans la Ville a organisé dans les communautés chrétiennes un itinéraire d'intense spiritualité, nourri par la prière et par l'écoute de la Parole de Dieu. En outre, elle a permis d'accroître cette communion ecclésiale, que le Synode romain avait indiquée comme condition indispensable à la nouvelle évangélisation.

Toute la communauté diocésaine, dans ses divers ministères, vocations et charismes, a oeuvré à l'unisson pour offrir sa contribution de prière, d'annonce, de témoignage et de service. Nous avons fait ensemble l'expérience d'être «le Peuple de Dieu en mission».

664 Je sens de mon devoir de remercier ceux qui ont pris part, de diverses façons, à cette importante initiative pastorale. Tout d'abord vous, Monsieur le Cardinal-Vicaire, qui avez guidé avec zèle la mission, en étroite collaboration avec les Evêques auxiliaires, que je salue cordialement. Je voudrais ici rappeler les autres prélats qui ont offert une coopération appréciée et, parmi eux, le regretté Mgr Clemente Riva.

Je pense à vous avec gratitude, chers missionnaires, prêtres, religieux, religieuses et surtout laïcs, qui avez bénéficié les premiers de la grâce de la Mission. Le généreux engagement avec lequel vous vous êtes préparés et avez apporté l'Evangile dans les maisons et dans les divers milieux de la Ville, a ouvert de nouvelles voies d'évangélisation et de présence chrétienne dans le tissu quotidien de la vie de notre peuple. L'Esprit Saint vous a guidés pas à pas, il vous a inspiré les paroles justes pour annoncer le Christ et vous a soutenus lors des inévitables moments de difficulté.

Nous rendons grâce au Seigneur pour ce qu'Il a accompli, en montrant en toute circonstance les signes de sa miséricorde et de son amour. Le grand Jubilé, désormais proche, nous invite à poursuivre cet effort missionnaire avec le même élan, pour consolider et multiplier les résulats obtenus par la Mission. Nous pourrons de cette façon montrer aux nombreux pèlerins qui viendront à Rome l'année prochaine, le visage de notre Eglise accueillante et ouverte, renouvelée dans la foi et riche d'oeuvres de charité.

2. Pour que cela soit possible, il est nécessaire que l'oeuvre missionnaire, si bien commencée, soit consolidée et développée. Il faut continuer à soutenir les personnes et les familles qui ont déjà été contactées chez elles et sur leur lieu de travail, ainsi que rejoindre ceux qui, pour divers motifs, n'ont pas été contactés au cours de ces années.

La visite annuelle aux familles et les centres d'écoute de l'Evangile, qui doivent être étendus de façon ramifiée, doivent donc être l'âme de la pastorale des paroisses, grâce à la collaboration des associations ecclésiales, des mouvements et des groupes. Que la célébration de la Parole de Dieu rythme le chemin de foi des communautés paroissiales, en particulier lors des temps forts de l'année liturgique. Que le signe de la charité envers les pauvres et les personnes qui souffrent accompagne l'annonce du Seigneur, en montrant sa présence vivante, à travers le témoignage quotidien de l'amour fraternel.

Il faut consolider la communion entre les chrétiens qui oeuvrent dans les milieux de travail et d'étude, dans les lieux de soins et de divertissements, où ont été mises en oeuvre des propositions concrètes de l'Evangile. Le germe de la nouveauté évangélique, semé par la Mission, doit croître et fructifier partout, même là où il n'a pas encore été possible de promouvoir des initiatives missionnaires appropriées. Dans ce but, notre témoignage devient plus urgent. En effet, aucune réalité n'est impénétrable à l'Evangile; au contraire, le Christ ressuscité y est déjà mystérieusement présent, à travers son Esprit Saint.

3. Une entreprise apostolique aussi vaste requiert une oeuvre de formation et de catéchèse adressée à tout le Peuple de Dieu, afin qu'il prenne une plus vive conscience de sa vocation missionnaire et soit préparé à rendre raison de sa foi dans le Christ, toujours et partout.

C'est la tâche des paroisses, des communautés religieuses, des associations, des mouvements et des groupes d'avoir soin de cette formation, en prédisposant des itinéraires de foi, de prière et d'expérience chrétienne riches de contenu théologique, spirituel et culturel.

Chers prêtres, c'est à vous les premiers qu'est confiée cette tâche: soyez des guides sages et des maîtres de la foi attentifs dans vos communautés.

Chers religieux et religieuses, vous qui avez tant contribué à la Mission, devez continuer à la soutenir par votre prière, par la sainteté de vie et par les charismes qui vous sont propres, dans les multiples domaines apostoliques dans lesquels vous êtes engagés.

Chers laïcs, vous êtes appelés à donner vie à un grand mouvement missionnaire permanent dans la Ville et dans chacun de ses milieux. Au sein des familles, ainsi que dans le monde du travail et de la culture vaste et complexe, à l'école et à l'université, dans les institutions de santé, dans les mass- media et dans les loisirs faites en sorte que votre contribution ne manque jamais, afin que l'annonce de l'Evangile puisse influencer toute la société.

665 Et comment oublier la contribution à la Mission dans la Ville que les malades ont offerte et sont appelés à renouveler par l'offrande de leur propre souffrance, et les religieuses de clôture par leur prière constante? J'adresse à tous et à chacun ma reconnaissance pour cette aide spirituelle très importante.

4. En considérant ces trois années de la Mission dans la Ville, on se rend facilement compte que la Parole de Dieu a largement été semée. Pour que cette semence divine ne soit pas perdue, mais s'enracine solidement et por- te des fruits dans la vie et dans la pastorale quotidienne, il faudra favoriser une réflexion spécifique qui, en interpellant toutes les composantes ecclésiales, débouche sur un Congrès spécial. Je pense à une grande rencontre, qui servira à tracer, sur les bases de l'expérience de la Mission dans la Ville, les lignes directrices d'un engagement permanent d'évangélisation et de mission.

Etre une Eglise en mission: tel est le grand défi des années à venir pour Rome et pour le monde entier. Je vous remets cette consigne, chers prêtres, religieux, religieuses, laïcs et, de façon particulière, à vous mouvements et communautés nouvelles, en rappelant la rencontre d'il y a un an, la veille de la Pentecôte, sur cette même place. Il est nécessaire de s'ouvrir avec docilité à l'action de l'Esprit, en accueillant avec gratitude et obéissance les dons qu'Il ne cesse d'élargir au bénéfice de toute l'Eglise. Ce soir le Christ répète à chacun de vous: «Allez dans le monde entier, proclamez l'Evangile à toute la création» (
Mc 16,15).

Très chers amis, l'Evangile que le Christ nous a confié est l'Evangile de la paix! Comment le garder uniquement pour nous, surtout en ce moment où les abus de pouvoir et la guerre sèment la destruction et la mort dans la proche région des Balkans? L'Esprit nous pousse à être des hérauts et des artisans de paix dans la justice et dans la réconciliation. Dans cette perspective, je voudrais que, lors de la prochaine fête du Corpus Domini, s'élève de l'Eglise de Rome une invocation commune pour la paix. C'est pourquoi je vous invite tous - clergé, religieux et fidèles - à vous joindre à moi dans la soirée du 3 juin à Saint-Jean-de-Latran pour participer à la Messe et à la procession du Corpus Domini, où nous implorerons ensemble le don de la paix dans les Balkans. Que le jour du Très Saint Corps et Sang du Christ soit caractérisé cette année par une intense prière pour la paix.

5. Viens Esprit Saint, remplis le coeur de tes fidèles et allume en eux le feu de ton amour.

Viens Esprit Saint! L'invocation, qui retentit dans la liturgie de cette veillée de Pentecôte, nous remplit de joie et d'espérance.

Esprit Saint, artisan et âme de la Mission, suscite dans l'Eglise de Rome de nombreux missionnaires parmi les jeunes, les adultes et les familles et communique à chacun le feu inextinguible de ton amour.

Esprit, «lumière des coeurs», indique les voies nouvelles pour la Mission dans la Ville et la mission universelle au cours du troisième millénaire qui va commencer.

«Consolateur parfait», soutiens celui qui a perdu confiance, confirme l'enthousiasme de celui qui a éprouvé la joie de l'évangélisation, renforce en chaque fidèle le désir et le courage d'être chaque jour un missionnaire de l'Evangile dans son milieu de vie et de travail.

«Doux hôte de l'âme», ouvre le coeur de chaque personne, famille, communauté religieuse et paroissiale, afin que soient accueillis avec générosité les pèlerins pauvres, qui participeront aux événements du Jubilé. En effet, ce sera l'un des fruits les plus beaux et les plus féconds de la Mission dans la Ville: l'application concrète de cette charité romaine, fruit de la foi, qui a toujours accompagné la célébration des Années Saintes.

Très Sainte Vierge Marie, Toi qui depuis la Pentecôte veille avec l'Eglise en invoquant l'Esprit Saint, reste avec nous au centre de notre cénacle particulier. A Toi, que nous vénérons comme Madone du Divin Amour, nous confions les fruits de la Mission dans la Ville, afin que par ton intercession le diocèse de Rome apporte au monde un témoignage convaincu du Christ notre Sauveur.

VISITE PASTORALE À ANCÔNE (ITALIE)

HOMÉLIE DU PAPE JEAN PAUL II

666 Dimanche 30 mai 1999



1. «Gloire au Père, au Fils, à l'Esprit Saint: à Dieu qui est, qui était et qui vient» (Chant lors de la lecture de l'Evangile; cf.
Ap 1,8).

Nous rendons grâce à Dieu pour la coïncidence providentielle de deux fêtes, différentes dans leurs contenus mais convergentes dans leur signification, que nous sommes en train de vivre au cours de cette journée: la solennité de la Très Sainte Trinité et les célébrations du millénaire de votre église-cathédrale.

Le splendide édifice, qui domine la ville du haut de la colline, est en effet le symbole du Peuple de Dieu qui, sur cette terre d'Ancône, a été rassemblé selon une expression suggestive de Cyprien, «par l'unité du Père, du Fils et de l'Esprit Saint» (De Orat. Dom., 23: PL 4, 536). En célébrant les mille ans de la cathédrale, nous célébrons donc également les prodiges de grâce et d'amour que, au cours de dix siècles d'histoire, la Très Sainte Trinité a déversé sur les générations chrétiennes qui ont cru à l'Evangile sur ce territoire et se sont efforcées de le vivre.

Consciente de cela, notre assemblée liturgique, aujourd'hui rassemblée dans ce stade décoré pour la fête, s'exclame avec joie: «Béni soit Dieu le Père, et le Fils unique de Dieu et l'Esprit Saint: car son amour pour nous est grand».

2. L'amour de Dieu pour chacun de nous est véritablement grand! Très chers frères et soeurs d'Ancône, l'amour de Dieu pour chacun de vous est grand, et votre belle cathédrale en est le signe tangible.

Vue de l'extérieur, avec sa position qui domine la ville, elle symbolise bien la présence rassurante du Dieu Trinité, qui, d'en-haut, oriente et protège la vie des hommes. Dans le même temps, la cathédrale constitue un appel puissant à regarder vers le haut, à se dégager du quotidien et de tout ce qui alourdit la vie terrestre, pour fixer les yeux vers le ciel, dans une tension permanente vers les valeurs spirituelles. Elle est, pour ainsi dire, le point de rencontre entre deux mouvements: le mouvement descendant de l'amour de Dieu révélé à l'humanité et celui ascendant des aspirations de l'homme vers la communion avec Dieu, source de joie et de paix.

3. «Béni sois-tu dans le temple saint glorieux. A toi la louange et la gloire pour les siècles des siècles». Très chers frères et soeurs, je suis heureux de vous saluer tous avec cette invocation du Psaume responsorial, en rappelant avec une âme reconnaissante à la Divine Providence les mille ans de votre magnifique cathédrale. Nous commémorons un millénaire riche d'histoire, de traditions religieuses et culturelles, de vie chrétienne active, liée aux événements de la ville et de la région.

Je vous salue tous avec affection, vous qui êtes ici présents, à commencer par votre pasteur, le cher Monseigneur Franco Festorazzi, que je remercie pour les paroles cordiales qu'il m'a adressées en votre nom au début de la célébration. Je salue également les prélats des Marches, l'Archevêque de Zara et les autres évêques ici présents. J'adresse un salut respectueux au Vice-Président du Conseil des Ministres, venu ici pour représenter le gouvernement italien, le Maire d'Ancône, le Préfet, le Président de la Région et les Autorités civiles et militaires qui ont voulu honorer de leur présence cette célébration solennelle.

Mon salut affectueux s'adresse ensuite aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, ainsi qu'aux laïcs qui se consacrent activement à l'apostolat, en formant une pensée spéciale pour les pèlerins venus d'autres villes pour célébrer avec nous cet événement historique et, de façon particulière, le groupe de fidèles croates et bosniaques.

Très chers fidèles de l'archidiocèse d'Ancône-Osimo, je vous embrasse tous en esprit et je vous remercie pour l'accueil plein de délicatesse que vous m'avez réservé, à l'enseigne de la sensibilité et de la chaleur typiques de la tradition des Marches.

667 4. Nous venons d'écouter les paroles de l'Apôtre Paul: «Au demeurant, frères, soyez joyeux; affermissez-vous; exhortez-vous. Ayez même sentiment; vivez en paix, et le Dieu de la charité et de la paix sera avec vous» (2Co 13,11).

Très chers frères et soeurs, je vous adresse ces mêmes paroles avec affection et une vive cordialité.

Tout d'abord à vous les jeunes! Avec saint Paul, je vous dis: Affermissez-vous»! Une invitation aussi exigeante suppose l'enthousiasme de ses destinataires. N'est-ce pas là une caractéristique typique des jeunes de votre âge? A vous donc je dis: sachez voir grand! Ayez le courage d'oser! Avec l'aide de Dieu «affermissez-vous!» Dieu a un projet de sainteté pour chacun de vous.

Aujourd'hui, se trouve avec vous la «Croix des jeunes» qui, à partir de l'Année sainte 1984, a accompagné les rendez-vous ecclésiaux les plus importants de la jeunesse. La Croix vous invite à témoigner avec courage de la foi que vous avez hérité d'Etienne, de Cyriaque et de Leopardo, Patrons de vos communautés. Soyez prêts à poursuivre le chemin de la nouvelle évangélisation, en entrant avec la Croix victorieuse du Christ dans le troisième millénaire.

5. «Ayez même sentiment». Chères familles, et en particulier vous, chers jeunes époux, accueillez cette invitation à l'unité des coeurs et à la pleine communion en Dieu. La vocation que vous avez reçue de Lui est grande! Il vous appelle à être des familles ouvertes à la vie et à l'amour, capables de transmettre l'espérance et la confiance dans l'avenir, face à une société qui s'en montre parfois dépourvue.

«Soyez joyeux!», vous répète aujourd'hui l'Apôtre Paul. La raison profonde de la joie intérieure du chrétien se trouve dans la Parole de Dieu et dans son amour qui ne vient jamais à manquer. Forts de cette conscience, l'Eglise poursuit son pèlerinage et proclame à tous: «Le Dieu de l'amour et de la paix sera avec vous».

6. Mon regard s'étend à présent sur toute votre ville qui, située au bord de la mer Adriatique, constitue depuis toujours, pour ainsi dire, une «tête de pont» vers l'Orient. L'histoire d'Ancône est imprégnée d'ardeur apostolique et d'esprit missionnaire. Il suffit de penser à saint Etienne protomartyr, à qui fut consacrée la première cathédrale, et à Primiano, d'origine grecque, premier Evêque de la ville. Il y a également saint Cyriaque que nous rappelons de façon particulière au cours de ces célébrations du millénaire de la cathédrale qui lui est consacrée: il venait de Jérusalem. Liboire était arménien et les martyrs d'Osimo - Florent, Sisinio, Dioclétien - provenaient eux aussi d'Orient. L'horizon sur lequel s'ouvre votre ville est vraiment très vaste!

Lieu de passage pour les commerçants et les pèlerins, Ancône a connu pendant des siècles la coexistence sereine de communautés grecques et arméniennes, qui ont élevé ici leurs propres lieux de culte et ont tissé des relations de respect réciproque et de collaboration avec la communauté catholique. Nous rendons grâce à Dieu car l'Eglise d'Ancône a pris, au cours des siècles, un caractère cosmopolite et elle a mûri un élan missionnaire ardent, comme le témoigne de façon éloquente l'activité en Chine de l'Evêque Antonio Maria Sacconi et, au Moyen-Orient, de l'Evêque Giacomo Riccardini.

Cet héritage spirituel ne s'est pas interrompu et continue à porter ses fruits. La preuve en est, entre autres, la coopération missionnaire que le diocèse offre à la communauté ecclésiale d'Anatuja, en Argentine. Je suis certain que votre Eglise s'ouvrira à de nouvelles perspectives prometteuses, en imprimant à tout le peuple chrétien d'Ancône un élan apostolique renouvelé au service de l'Evangile. Cela constituera l'un des résultats les plus significatifs des célébrations jubilaires de votre cathédrale.

7. «Vivez en paix», recommande saint Paul. Très chers amis, la cathédrale est le symbole de l'unité de l'Eglise. Ici aussi, à Ancône, ainsi que dans la proche Osimo, elle a été le lieu de la louange rendue à Dieu par toute la ville, le siège de l'harmonie retrouvée entre les moments du culte et de la vie civique, le point de référence pour la pacification des âmes.

Inspirés par le souvenir, vous voulez vivre l'actualité de l'histoire. Et de même que vos pères surent construire ce splendide temple de pierre, afin qu'il devienne signe et appel à la communion de vie, c'est à vous qu'il revient de rendre visible et crédible la signification de cet édifice saint, en vivant en paix dans la communauté ecclésiale et civile.

668 Chrétiens du diocèse d'Ancône-Osimo, vous rappelant du passé et attentifs au présent, mais également projetés vers l'avenir, vous savez que le progrès spirituel de vos communautés ecclésiales et la promotion même du bien commun des communautés civiles requièrent un engagement difficile, une insertion de vos paroisses et associations toujours plus vivante sur le territoire. Que le chemin jusqu'à présent parcouru et la foi qui vous anime vous donnent le courage et l'élan pour continuer.

8. «La grâce du Seigneur Jésus-Christ, l'amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous!» (
2Co 13,11-13): tels sont le salut et les voeux que l'Apôtre Paul adressait aux chrétiens de Corinthe. Aujourd'hui, le Successeur de Pierre désire adresser ce même voeu, au souffle trinitaire, à votre communauté en fête pour le millénaire de la cathédrale.

Chrétiens d'Ancône, suivant l'exemple de vos ancêtres soyez une Eglise vivante au service de l'Evangile! Une Eglise hospitalière et généreuse, qui à travers son témoignage persévérant sache rendre présent l'amour de Dieu pour chaque être humain, en particulier pour les personnes qui souffrent et les indigents. Je sais que tel est votre engagement. C'est ce qu'atteste, entre autres, l'initiative que l'Eglise d'Ancône a voulu réaliser en souvenir des célébrations du millénaire: la restructuration du complexe de l'Annunziata, qui sera destiné aux services de solidarité et à la pastorale des jeunes. Le Pape vous en félicite et vous encourage.

Que Marie, que vous vénérez dans votre cathédrale sous le beau titre de «Reine de tous les saints», veille du haut de la colline sur chacun de vous et sur les gens de la mer.

Et toi, Reine des saints, Reine de la Paix, écoute notre prière: rends-nous des témoins crédibles de ton Fils Jésus et d'inlassables artisans de paix. Amen!

HOMÉLIE DU PAPE JEAN PAUL II


Jeudi 3 juin 1999, Solennité du Corpus Domini



1. Lauda Sion, Salvatorem! Loue, Sion, le Sauveur!

Loue ton Sauveur, communauté chrétienne de Rome, réunie devant cette basilique-cathédrale, consacrée au Christ Sauveur et à son précurseur, Jean-Baptiste! Loue-le, car «il assure ton sol dans la paix, de la graisse du froment te rassasie» (Psaume responsorial, 147, 14).

La solennité du Corpus Domini est une fête de louange et d'action de grâce. En elle, le peuple chrétien se réunit autour de l'autel pour contempler et adorer le Mystère eucharistique, mémorial du sacrifice du Christ, qui a donné à tous les hommes le salut et la paix. Cette année, notre célébration solennelle, et, dans peu de temps, la traditionnelle procession, qui nous conduira de cette place à Sainte-Marie-Majeure, ont une finalité particulière: elles veulent être une prière unanime et implorante pour la paix.

Tandis que nous adorons le Corps de Celui qui est notre Chef, comment ne pas devenir solidaires de ses membres qui souffrent à cause de la guerre? Oui, très chers frères et soeurs, romains et pèlerins, ce soir, nous voulons prier ensemble pour la paix; nous voulons prier, de façon particulière, pour la paix dans les Balkans. Que la Parole de Dieu, que nous venons d'écouter, nous illumine et nous guide.

2. Dans la première Lecture, le commandement du Seigneur a retenti: «Souviens-toi de tout le chemin que Yahvé ton Dieu t'a fait faire » (Dt 8,2). «Souviens-toi»! Telle est la première parole. Non pas une invitation, mais un commandement que le Seigneur adresse à son peuple, avant de l'introduire dans la terre promise. Il lui ordonne de ne pas oublier.

669 Pour avoir la paix, qui est la synthèse de tous les biens promis par Dieu, il faut avant tout ne pas oublier, mais préserver l'expérience passée. Même des erreurs, il est possible de tirer un enseignement utile pour mieux orienter son chemin.

En regardant ce siècle et le millénaire qui touche à sa fin, comment ne pas rappeler à la mémoire les terribles épreuves que l'humanité a dû supporter? Nous ne pouvons pas oublier: au contraire, nous devons nous souvenir. Aide-nous, Dieu, notre Père, à tirer les justes leçons des épisodes que nous avons vécus et de ceux qui nous ont précédés!

3. L'histoire parle de grandes aspirations à la paix, mais également des déceptions répétées que l'humanité a dû subir, entre larmes et sang. Précisément aujourd'hui, le 3 juin, il y a 36 ans, mourait Jean XXIII, le Pape de Pacem in terris. Quel choeur unanime de louanges accueillit ce document, dans lequel étaient tracées les grandes lignes de l'édification d'une paix véritable dans le monde! Mais combien de fois au cours de ces années a-t-on dû encore assister au déferlement de la violence de la guerre sur l'une ou l'autre partie de la planète?

Toutefois, le croyant ne se rend pas. Il sait qu'il peut toujours compter sur l'aide de Dieu. A cet égard, les paroles prononcées par Jésus lors de la dernière Cène sont éloquentes: «Je vous laisse la paix, c'est ma paix que je vous donne; je ne vous la donne pas comme le monde la donne» (
Jn 14,27). Aujourd'hui, nous voulons une fois de plus l'accueillir et la comprendre en profondeur. Nous entrons spirituellement dans le Cénacle pour contempler le Christ qui donne, sous les espèces du pain et du vin, son corps et son sang, anticipant dans le sacrement le Calvaire. C'est de cette façon qu'il nous donne la paix. Saint Paul commentera: «Car c'est lui qui est notre paix, lui qui des deux peuples n'en a fait qu'un, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine [...] par la croix» (Ep 2,14 Ep 2,16).

En se donnant, le Christ nous a donné la paix. Sa paix n'est pas la paix du monde, faite souvent de stratégies et de compromis, lorsqu'il ne s'agit pas d'abus et de violences. La paix du Christ est le fruit de sa Pâque: c'est-à-dire qu'elle est le fruit de son sacrifice qui extirpe la racine de la haine et de la violence et réconcilie les hommes avec Dieu et entre eux; c'est le trophée de sa victoire sur le péché et sur la mort, de sa guerre pacifique contre le mal dans le monde, combattue et remportée avec les armes de la vérité et de l'amour.

4. Ce n'est pas par hasard si c'est précisément ce salut qui fleurit sur les lèvres du Christ ressuscité. Apparaissant aux Apôtres, il leur montre d'abord sur ses mains et son côté les signes de la dure lutte soutenue, puis leur souhaite: «Paix à vous!» (Jn 20,19 Jn 20,21 Jn 20,26). Il communique sa paix aux disciples comme don très précieux, qu'il ne faut pas tenir jalousement caché, mais qu'il faut diffuser à travers le témoignage.

Très chers amis, ce soir, en portant en procession l'Eucharistie, sacrement du Christ, notre Pâques, nous porterons dans les rues de la Ville l'annonce de la paix qu'Il nous a laissée et que le monde ne peut donner. Nous marcherons en nous interrogeant sur notre témoignage personnel en faveur de la paix. En effet, il ne suffit pas de parler de paix, si l'on ne s'engage pas ensuite à cultiver dans notre coeur des sentiments de paix et à les manifester dans les rapports quotidiens avec ceux qui nous sont proches.

Nous porterons l'Eucharistie en procession et nous élèverons notre prière implorante au «Prince de la paix» pour la proche terre des Balkans, où trop de sang innocent a déjà été versé et trop d'offenses ont été perpétrées contre la dignité et les droits des hommes et des peuples.

Notre prière est réconfortée ce soir par les perspectives d'espérance, qui semblent finalement s'être ouvertes.

5. «Le pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde» (Jn 6,51). Dans le texte évangélique que nous venons d'écouter, ces paroles de Jésus nous ont fait comprendre quelle est la source de la paix véritable. Le Christ est notre paix, le «pain» offert pour la vie du monde. Il est le «pain» que Dieu le Père a préparé, afin que l'humanité ait la vie et l'ait en abondance (cf. Jn 10,10).

Dieu n'a pas épargné son Fils, mais l'a donné comme salut pour tous, com- me Pain dont se nourrir pour avoir la vie. Le langage du Christ est clair: pour avoir la vie, il ne suffit pas de croire en Dieu, il faut vivre en Lui (cf. Jc Jc 2,14). C'est pourquoi le Verbe s'est incarné, il est mort et ressuscité et nous a donné son Esprit; c'est pourquoi il nous a laissé l'Eucharistie, afin que l'on puisse vivre de Lui, comme lui vit du Père. L'Eucharistie est le sacrement du don que le Christ nous a fait de lui-même: c'est le Sacrement de l'amour et de la paix, qui est plénitude de vie.

670 6. «Pain vivant, qui donne la vie!».

Seigneur Jésus, face à Toi, notre Pâque et notre paix, nous nous enga- geons à nous opposer sans violence aux violences de l'homme sur l'homme.

Prostrés à tes pieds, ô Christ, nous voulons aujourd'hui partager le pain de l'espérance avec nos frères désespérés; le pain de la paix avec nos frères martyrisés par la purification ethnique et la guerre; le pain de la vie avec nos frères menacés chaque jour par les armes de destruction et de mort.

Avec les victimes innocentes et sans défense, ô Christ, nous voulons partager le pain vivant de ta paix. «Pour eux nous t'offrons et eux aussi t'offrent ce sacrifice de louange» (Canon romain), afin que Toi, ô Christ, né de la Vierge Marie, Reine de la paix, sois pour nous, avec le Père et l'Esprit- Saint, source de vie, d'amour et de paix. Amen!


Homélies St Jean-Paul II 661