Homélies St Jean-Paul II 670

Voyage apostolique en Pologne


(5-17 juin 1999)



HOMÉLIE DU PAPE JEAN PAUL II


POUR LA CONCLUSION DES CÉLÉBRATIONS


DU MILLÉNAIRE DE SAINT ADALBERT


Samedi 5 juin 1999, Gdansk



1. «Au fait, ceci me persuade; je sais que je vais rester et demeurer près de vous tous pour votre avancement et la joie de votre foi, afin que mon retour et ma présence parmi vous soient pour vous un nouveau sujet de fierté dans le Christ Jésus» (Ph 1,25-26), nous dit l'Apôtre Paul dans la liturgie d'aujourd'hui. Il s'agit de la Lettre aux Philippiens, mais ces paroles retentissent ici d'une façon admirable, sur les traces de saint Adalbert. Comme si ce n'était pas Paul qui parlait aux Philippiens, mais Adalbert qui nous parlait, à nous, Polonais.

L'écho de cette voix retentit sans cesse sur cette terre où le Patron de l'Eglise de Gdansk subit le martyre et mourut. «Le Christ représentait tout pour lui et la mort - un gain» (cf. Ph Ph 1,21). Il parvint en 997 à Gdansk, où il annonça l'Evangile et administra le saint baptême. Le Christ a été glorifié par saint Adalbert à travers sa vie fervente et une mort héroïque. Au cours de mon précédent pèlerinage à Gniezno, auprès de la tombe de saint Adalbert, j'ai dit qu'il suivit le Christ «comme un serviteur fidèle et généreux, en lui rendant témoignage au prix de sa propre vie. Voilà pourquoi le Père lui a rendu honneur. Le Peuple de Dieu l'entoure sur terre de la vénération que l'on réserve à un saint, dans la conviction qu'au ciel, un martyr est enveloppé de gloire par le Père [...] Sa mort par le martyre [...] se trouve à la base de l'Eglise polonaise et, d'une certaine façon, également de l'établissement de l'Etat polonais» (cf. Homélie du 3 juin 1997, cf. ORLF n. 24, du 17 juin 1997). Deux ans après sa mort, l'Eglise le proclama saint et, aujourd'hui, alors que je célèbre ce Très Saint Sacrifice, je commémore le millénaire de sa canonisation.

2. Je rends grâce à Dieu pour être à nouveau venu chez vous et pour la célébration commune de ce jubilé. Le jour que le Seigneur nous a donné, dans sa bonté, est grand. Je me réjouis, car l'occasion m'est donnée de visiter à nouveau la belle ville historique de Gdansk. Je salue ses habitants et tout l'archidiocèse, ainsi que les habitants de Sopot, de Gdynia et d'autres villes et villages. Je salue Mgr Tadeusz, pasteur de cette Eglise, l'Evêque auxiliaire, les prêtres, les personnes consacrées et tous les participants à cette Très sainte Eucharistie. Je rappelle avec vénération les défunts évêques, Mgr Edmund Nowicki et Mgr Lech Kaczmarek, qui exercèrent leur ministère de pasteur dans cette Eglise de Gdansk à une époque difficile. J'ai toujours à l'esprit ma rencontre d'il y a douze ans avec cette ville et ses habitants, en particulier avec les malades dans la basilique mariale, avec le monde du travail à Zaspa de Gdansk, et également avec les jeunes à Westerplatte, où encore avec les gens de la mer à Gdynia. Je conserve tout cela au plus profond de mon coeur et dans ma mémoire. Si on la replace dans une perspective historique, on comprend combien cette époque était différente! Les nations devaient alors faire face à d'autres expériences et d'autres défis. Je me suis alors adressé à vous, mais d'une certaine façon je parlais également en votre nom. Le monde d'aujourd'hui est différent, et nous rendons grâce à Dieu pour cela. Je rappelle ces moments avec émotion, conscient des grandes choses qui ont été accomplies à cette époque dans notre patrie. «La nouveauté est venue», elle est venue sur cette terre et Adalbert y eut une part essentielle.

Le sang qu'il a versé produit toujours de nouveaux fruits spirituels. Il est cette semence évangélique qui est tombée en terre et qui est morte, et il a produit une récolte multiple dans tous les pays auxquels sa mission fut liée. Ce fut le cas de la Bohême, de la Hongrie, de la Pologne des Piast et également de la Poméranie, de Gdansk, des peuples qui habitaient cette terre. Après les mille ans qui nous séparent de sa mort sur la Baltique, nous nous rendons encore plus pleinement compte que précisément le sang de ce martyr, versé sur ces terres il y a dix siècles, contribua de façon essentielle à l'évangélisation, à la foi, à une vie nouvelle. Combien est grand aujourd'hui notre besoin de suivre l'exemple de sa vie entièrement donnée à Dieu et à la diffusion de l'Evangile! Son témoignage de service et de ferveur apostolique est profondément enraciné dans la foi et dans l'amour pour le Christ. De saint Adalbert, nous pouvons dire avec le Psalmiste: «Son âme a soif de toi [Dieu], après toi languit sa chair, terre sèche, altérée, sans eau» (cf. Ps Ps 62 [63], 2).

Merci, saint Adalbert, pour ton exemple de sainteté, car, à travers ta vie, tu nous as enseigné la signification des paroles «pour moi, la Vie c'est le Christ et mourir représente un gain» (cf. Ph Ph 1,21). Nous te remercions pour le millénaire de foi et de vie chrétienne en Pologne, et également dans toute l'Europe centrale.

3. «Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait» (Mt 5,48) - dit le Christ dans l'Evangile d'aujourd'hui. A la veille du troisième millénaire, ces paroles écrites par saint Matthieu retentissent avec une force nouvelle. Elles résument l'enseignement des huit béatitudes, exprimant dans le même temps toute la plénitude de la vocation de l'homme. Etre parfait à la mesure de Dieu! Etre, comme Dieu, grand dans l'amour car il est amour et c'est lui qui «fait lever son soleil sur les mauvais et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes» (Mt 5,45).

671 Nous touchons ici le mystère de l'homme créé à la ressemblance de Dieu, et donc capable d'aimer et de recevoir le don de l'amour. Cette vocation originelle de l'homme a été inscrite par le Créateur dans la nature humaine et c'est celle-ci qui fait que chaque homme recherche l'amour, même s'il le fait parfois en choisissant le mal du péché, qui se présente sous les apparences du bien. Il recherche l'amour car, au plus profond de son cur, il sait que seul l'amour peut le rendre heureux. Toutefois, l'homme cherche souvent ce bonheur à tâtons. Il le cherche dans les plaisirs, dans les biens matériels et dans ce qui est terrestre et passager. «Vos yeux s'ouvriront et vous deviendrez comme Dieu, connaissant le bien et le mal» (cf. Gn Gn 3,5), entendit Adam au paradis. C'est ce que lui dit l'ennemi de Dieu - satan, auquel il se fia. Pourtant, à quel point cette voie de la recherche du bonheur sans Dieu s'est révélée douloureuse pour l'homme! Il fit immédiatement l'expérience des ténèbres du péché et du drame de la mort. En effet, lorsque l'homme s'éloigne de Dieu il ressent toujours comme conséquence une profonde déception, accompagnée par la peur. Il en est ainsi, car son éloignement de Dieu a pour effet que l'homme reste seul et commence à ressentir une solitude douloureuse, il se sent perdu. De cette peur naît toutefois la recherche du Créateur, car rien ne peut satisfaire la faim de Dieu, enracinée dans l'homme.

Chers frères et soeurs, ne soyez «nullement effrayés par vos adversaires» - nous rappelle saint Paul dans la première lecture. Ne vous laissez pas intimider par ceux qui indiquent dans le péché la voie qui conduit au bonheur. Vous «menez le même combat que vous m'avez vu soutenir» (Ph 1,30) - ajoute l'Apôtre des Nations. Il s'agit de la lutte contre nos péchés personnels, et en particulier les péchés contre l'amour: ils peuvent prendre des proportions inquiétantes dans la vie sociale. L'homme ne sera jamais heureux au détriment d'un autre homme, en détruisant la liberté des autres, en bafouant la dignité des personnes humaines et en cultivant l'égoïsme. Notre bonheur se trouve dans le frère qui nous est donné et qui nous est confié par Dieu et, à travers lui, ce bonheur est Dieu lui-même. En effet, «quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu [...] parce que Dieu est Amour» (1Jn 4,7-8).

Je prononce ces paroles sur la terre de Gdansk qui fut témoin de combats dramatiques pour la liberté et pour l'identité chrétienne des Polonais. Nous nous rappelons du mois de septembre 1939: la défense héroïque de Westerplatte et de la Poste polonaise à Gdansk. Nous nous rappelons des prêtres martyrisés dans le camp de concentration de la proche ville de Stutthof, que l'Eglise élèvera à la gloire des autels au cours de ce pèlerinage, ou encore les bois de Piasnika, près de Wejherowo, où des milliers de personnes furent fusillées. Tout cela appartient à l'histoire du peuple de cette terre et s'inscrit dans l'ensemble des événements tragiques des temps de guerre. «Des milliers de personnes devinrent les victimes des prisons, de tortures et d'exécutions capitales. Cet élan inégalé de toute la société, et en particulier de la jeune génération des Polonais, en défense de la patrie et de ses valeurs essentielles a été digne d'admiration et d'un souvenir éternel» - ai-je écrit dans le Message à la Conférence épiscopale polonaise à l'occasion du 50 anniversaire de la Deuxième Guerre mondiale (n. 2). Nous embrassons ces personnes avec notre prière, en rappelant leurs souffrances, leurs sacrifices et, en particulier, leur mort. Nous n'avons pas non plus le droit d'oublier l'histoire plus récente, à laquelle appartiennent, pour commencer, le tragique mois de décembre 1970, lorsque les ouvriers descendirent dans les rues de Gdansk et de Gdynia, puis, le mois d'août 1980, rempli d'espérance, et, pour finir, la période dramatique de l'état de guerre.

Existe-t-il un lieu plus adapté que Gdansk, pour parler de tout cela? En effet, dans cette ville, naquit il y a dix-neuf ans «Solidarnosk». Ce fut un événement qui marqua une étape de l'histoire de notre pays, mais également de l'histoire de l'Europe. «Solidarnosk» a ouvert les portes de la liberté dans les pays réduits en esclavage par le système totalitaire, il a abattu le mur de Berlin et a contribué à l'unité de l'Europe divisée en deux blocs depuis l'époque de la seconde Guerre mondiale. Nous ne devons jamais l'effacer de notre mémoire. Cet événement fait partie de notre patrimoine national. Je vous ai entendu dire, à l'époque, à Gdansk: «Il n'y a pas de liberté sans solidarité».Aujourd'hui, il y a lieu de dire: «Il n'y a pas de solidarité sans amour».Et même, il n'y a pas de bonheur, il n'y a pas d'avenir pour l'homme et la nation sans amour, sans cet amour qui pardonne, mais qui n'oublie pas, qui est sensible aux malheurs des autres, qui ne cherche pas son propre avantage, mais désire le bien des autres. Un amour qui se met au service des autres, qui oublie son individualisme et qui est disposé à donner avec générosité. Nous sommes donc appelés a construire un avenir fondé sur l'amour pour Dieu et le prochain, afin d'édifier la «civilisation de l'amour». Aujourd'hui, le monde et la Pologne ont besoin d'hommes au cur grand, qui servent avec humilité et amour, qui bénissent et qui ne maudissent pas, qui conquièrent la terre par la bénédiction. Il n'est pas possible de construire l'avenir sans se référer à la source de l'amour qui est Dieu, lui qui «a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle» (Jn 3,16).

Jésus-Christ est celui qui révèle l'amour à l'homme, en lui indiquant dans le même temps sa vocation suprême. Dans l'Evangile d'aujourd'hui, il indique grâce aux paroles du discours sur la Montagne, la façon dont il faut accomplir cette vocation: «Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait».

4. Revenons aux paroles de la liturgie d'aujourd'hui. L'Apôtre Paul écrit: «Menez seulement une vie digne de l'Evangile du Christ, afin que je constate, si je viens chez vous, ou que j'entende dire, si je reste absent, que vous tenez ferme dans un même esprit, luttant de concert et d'un coeur unanime pour la foi de l'Evangile» (Ph 1,27).

C'est ainsi que l'Apôtre Paul s'adresse aux Philippiens et que nous parle Adalbert.

Après dix siècles, ces paroles semblent remplies d'une plus grande éloquence. Depuis ces temps éloignés, ce saint Evêque, l'apôtre de notre terre, vient nous trouver, pour examiner, vérifier en quelque sorte si nous persévérons dans la fidélité à l'Evangile. Notre présence liturgique sur son parcours doit constituer la réponse. Nous voulons l'assurer que, oui, nous persévérons et nous voulons continuer à le faire. Il prépara nos ancêtres à entrer dans le deuxième millénaire. Aujourd'hui, ici, en répondant à ces paroles, nous nous préparons tous ensemble à entrer dans le troisième millénaire. Nous voulons y entrer avec Dieu, comme un peuple qui a placé sa confiance dans l'amour et qui a aimé la vérité. Comme un peuple qui veut vivre en esprit de vérité, car seule la vérité peut nous rendre libres et heureux. Nous chantons le Te Deum, en glorifiant Dieu, le Père, le Fils et le Saint Esprit, Dieu Créateur et Rédempteur, pour ce qu'il a accompli sur cette terre à travers son serviteur, l'Evêque Adalbert. Et en demandant dans le même temps: Salvum fac populum tuum, Domine, et benedic haereditati tuae.

Beaucoup de choses ont changé et sont en train de changer en terre polonaise. Les siècles passent et la Pologne croît au milieu d'événements changeants, comme un grand chêne de l'histoire, aux racines saines. Nous rendons grâce à la Divine Providence, car elle a béni le processus millénaire de cette croissance par la présence de saint Adalbert et par sa mort comme martyr sur la Baltique. Il s'agit d'un grand héritage, avec lequel nous nous acheminons vers l'avenir. Grâce à l'oeuvre de saint Adalbert et de tous les patrons polonais réunis autour de la Mère de Dieu, que demeurent les fruits de la rédemption et qu'ils se consolident au cours des générations qui se succéderont. Que les hommes du troisième millénaire assument la mission autrefois transmise, il y a mille ans, par saint Adalbert et, à leur tour, qu'ils la transmettent aux nouvelles générations.

Le grain tombé en terre, sur cette terre, a porté du fruit au centuple.

Amen.

CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE SUR LA «BISKUPIA GÓRA»

À PELPLIN (POLOGNE)

HOMÉLIE DU PAPE JEAN PAUL II

672 Dimanche 6 juin 1999



1. «Heureux [...] ceux qui écoutent la Parole de Dieu et l'observent» (
Lc 11,28). Cette bénédiction du Christ accompagne aujourd'hui notre marche sur la terre polonaise. Je la prononce avec joie à Pelplin, en saluant tous les fidèles de cette Eglise, avec l'Evêque, Jan Bernard, que je remercie pour ses paroles de bienvenue. Je salue également l'Evêque auxiliaire Pierre, tous les Cardinaux, les Archevêques et les Evêques polonais ici réunis, avec à leur tête Monsieur le Cardinal-Primat, les prêtres, les religieux, les religieuses, ainsi que vous tous, bien-aimés frères et soeurs. «Heureux ceux qui écoutent la Parole de Dieu et l'observent». Que cette bénédiction soit avec vous!

2. Pendant plus de mille ans, de nombreux hommes qui écoutaient la Parole de Dieu traversèrent ces terres. Il l'accueillaient de la bouche de ceux qui l'annonçaient. Ils la reçurent tout d'abord de la bouche du grand missionnaire de ces terres, saint Adalbert. Ils furent les témoins de son martyre. Les générations successives se développèrent sur cette semence, grâce au ministère d'autres missionnaires - évêques, prêtres et religieux. Les files des apôtres de la Parole de Dieu. Les uns confirmèrent par leur mort le message de l'Evangile, les autres à travers le lent accomplissement de la mission apostolique selon l'esprit de l'ora et labora - prie et travaille - bénédictin. La parole annoncée revêtait une force particulière comme parole confirmée par le témoignage de la vie.

La tradition de l'écoute de la Parole de Dieu sur cette terre est ancienne, de même que la tradition du témoignage apporté au Verbe, qui s'est fait chair dans le Christ. Elle se poursuit au cours des siècles. Cette tradition s'inscrit également dans notre siècle. Un symbole éloquent et tragique de cette continuité fut ce que l'on appela l'«automne de Pelplin», dont c'est cette année le 60 anniversaire. Jadis, vingt-quatre courageux prêtres, professeurs au grand séminaire et employés de la Curie épiscopale témoignèrent de leur fidélité au service de l'Evangile à travers le sacrifice de la souffrance et de la mort. Au cours de la période de l'occupation, trois cent trois pasteurs furent arrachés à cette terre de Pelplin, qui, au prix de leur vie, apportèrent avec héroïsme le message de l'espérance au cours de la période dramatique de la guerre et de l'occupation. Si nous rappelons aujourd'hui ces prêtres martyrs, c'est parce que ce fut de leur bouche que notre génération écouta la Parole de Dieu et grâce à leur témoignage qu'elle en ressentit et en ressent la puissance.

Nous devons nous rappeler de cette semence historique de la parole et du témoignage, en particulier maintenant, alors que nous nous approchons du terme du second millénaire. Cette tradition pluriséculaire ne peut être interrompue lors du troisième millénaire. Oui, en considérant les nouveaux défis qui se présentent à l'homme d'aujourd'hui et à toutes les sociétés, nous devons continuellement renouveler en nous la conscience de ce qu'est la Parole de Dieu, de son importance pour la vie du chrétien, de l'Eglise et de toute l'humanité. C'est là que réside sa puissance.

3. Que dit le Christ, à ce propos, dans la page de l'Evangile d'aujourd'hui? En terminant le discours sur la montagne, il dit: «Ainsi, quiconque écoute ces paroles que je viens de dire et les met en pratique, peut se comparer à un homme avisé qui a bâti sa maison sur le roc. La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont déchaînés contre cette maison, et elle n'a pas croulé: c'est qu'elle avait été fondée sur le roc» (Mt 7,24-25). L'opposé de celui qui construisit sur le roc est l'homme qui construisit sur le sable. Sa construction se révéla peu résistante. Face aux épreuves et aux difficultés, elle s'écroula. C'est ce que nous enseigne le Christ.

Une maison construite sur le roc. L'édifice de la vie. Comment le construire afin qu'il ne s'écroule pas sous la pression des événements de ce monde? Comment construire cet édifice afin que d'«une maison terrestre», il devienne «un édifice qui est l'oeuvre de Dieu, une maison éternelle qui n'est pas faite de main d'homme, dans les cieux» (cf. 2Co 5,1)? Aujourd'hui, nous entendons la réponse à ces interrogations essentielles de la foi: à la base de la construction chrétienne, il y a l'écoute et l'accomplissement de la parole du Christ. Et en disant «la parole du Christ», nous avons à l'esprit non seulement son enseignement, les paraboles, les promesses, mais également ses uvres, ses signes, ses miracles. Et surtout sa mort, la résurrection et la descente de l'Esprit Saint. Plus encore, nous avons à l'esprit le Fils de Dieu lui-même, le Verbe éternel du Père, dans le mystère de l'incarnation. «Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité» (Jn 1,14).

C'est avec ce Verbe - le Christ vivant, ressuscité - que saint Adalbert vint en terre polonaise. Pendant des siècles, d'autres messagers vinrent également avec le Christ, et lui rendirent témoignage. C'est pour lui qu'ont donné leur vie les témoins de notre temps, membres du clergé et laïcs. Leur service et leur sacrifice sont devenus pour les générations successives le signe que rien ne peut faire s'écrouler une construction dont le fondement est le Christ. Ils ont marché à travers les siècles, répétant avec saint Paul: «Qui nous séparera de l'amour du Christ? La tribulation, l'angoisse, la persécution, la faim, la nudité, les périls, le glaive? [...] Mais en tout cela nous sommes les grands vainqueurs par celui qui nous a aimés» (Rm 8,35 Rm 8,37).

4. «Heureux ceux qui écoutent la Parole de Dieu et l'observent». Si au seuil du troisième millénaire, nous nous demandons comment seront les temps qui viendront, nous ne pouvons pas éviter de nous poser dans le même temps la question sur le fondement que nous plaçons sous cette construction, qui sera poursuivie par les générations à venir. Notre génération doit construire l'avenir avec prudence. Le constructeur prudent est celui qui écoute les paroles du Christ et les accomplit.

Depuis le jour de la Pentecôte, l'Eglise conserve ces paroles du Christ comme le trésor le plus précieux. Ecrites sur les pages de l'Evangile, elles ont subsisté jusqu'à nos jours. Aujourd'hui, la responsabilité de la transmettre aux générations futures non pas comme une lettre morte, mais comme une source vive de connaissance de la vérité sur Dieu et sur l'homme - source d'une sagesse authentique, repose sur nous. Dans ce cadre, acquiert une actualité particulière l'exhortation conciliaire, adressée à tous les fidèles, «à apprendre par la lecture fréquente des divines Ecritures la science éminente de Jésus-Christ» (Ph 3,18). «En effet, l'ignorance des Ecritures, c'est l'ignorance du Christ (Saint Jérôme)» (Dei verbum DV 25). C'est pourquoi, tandis qu'au cours de la liturgie, je prends le livre de l'Evangile, et, en signe de bénédiction, l'élève au-dessus de l'assemblée et sur toute l'Eglise, je le fais avec l'espérance que celui-ci continue d'être le Livre de la vie de chaque croyant, de chaque famille et de toute la société. Avec la même espérance, je vous prie aujourd'hui: entrez dans le nouveau Millénaire avec le Livre de l'Evangile! Qu'il soit présent dans chaque foyer polonais! Lisez-le et méditez-le! Laissez parler le Christ! «Aujourd'hui, si vous écoutiez sa voix! N'endurcissez pas vos coeurs...» (Ps 94 [95], 8).

5. Au cours de vingt siècles, l'Eglise s'est penchée sur les pages de l'Evangile, pour lire de la façon la plus précise possible ce que Dieu a voulu nous y révéler. Elle a recueilli les contenus les plus profonds des paroles et des événements, a formulé les vérités, les déclarant certaines et salvifiques. Les saints les ont mises en pratique et ont partagé leurs expériences de la rencontre avec la parole du Christ. De cette façon s'est développée la tradition de l'Eglise, fondée sur le témoignage même des Apôtres. Si nous interpellons aujourd'hui l'Evangile, nous ne pouvons pas le séparer de ce patrimoine des siècles, de cette Tradition.

673 Je parle de cela parce qu'il existe la tentation d'interpréter l'Ecriture Sainte séparément de la Tradition pluriséculaire de la foi de l'Eglise, en appliquant des clés d'interprétation propres à la littérature contemporaine ou à l'information. Cela engendre le danger de la simplification, de la falsification de la Vérité révélée, et même de l'adapter aux nécessités d'une philosophie individuelle de la vie ou de l'idéologie, acceptées à priori. Déjà, l'Apôtre saint Pierre s'opposait aux tentatives de ce genre, en écrivant: «Avant tout sachez-le: aucune prophétie d'écriture n'est objet d'explication personnelle» (2P 1,20). «La charge d'interpréter de façon authentique la Parole de Dieu [...] a été confiée au seul magistère vivant de l'Eglise dont l'autorité s'exerce au nom de Jésus-Christ» (Dei Verbum DV 10).

Je suis heureux que l'Eglise qui est en Pologne aide avec efficacité les fidèles dans la connaissance des contenus de la Révélation. Je connais l'importance que les pasteurs attribuent à la liturgie de la parole au cours de la Messe et lors de la catéchèse. Je rends grâce à Dieu, car au sein des paroisses et dans le cadre des communautés et des mouvements ecclésiaux, naissent continuellement et se développent des cercles bibliques et des groupes de discussion. Toutefois, il est nécessaire que ceux qui assument la responsabilité d'exposer avec autorité la Vérité révélée ne se basent pas sur leur intuition faillible, mais sur une science solide et une foi inébranlable.

Comment ne pas exprimer à cet égard la gratitude pour tous les pasteurs qui, avec dévotion et humilité, accomplissent le service de l'annonce de la Parole de Dieu? Comment ne pas mentionner les innombrables évêques, prêtres, diacres, personnes consacrées et catéchistes laïcs qui, avec ferveur, et souvent en dépit des difficultés, se con-sacrent à cette mission prophétique de l'Eglise? Comment ne pas remercier les exégètes et les théologiens qui, avec un intérêt digne d'admiration, scrutent les sources de la révélation, apportant une assistance compétente aux pasteurs? Bien-aimés frères et soeurs, que le bon Dieu récompense de sa bénédiction vos efforts apostoliques! «Qu'ils sont beaux, sur les montagnes, les pieds du messager qui annonce la paix, du messager de bonne nouvelle qui annonce le salut» (Is 52,7).

6. Bienheureux également tous ceux qui, le coeur ouvert, bénéficient de ce service. Ils sont véritablement «heureux, ceux qui écoutent la Parole de Dieu et l'observent». Ils font l'expérience, en effet, de cette grâce particulière, en vertu de laquelle la semence de la Parole de Dieu ne tombe pas dans les épines, mais dans une terre fertile, et apporte des fruits abondants. C'est précisément cette action de l'Esprit Saint, Consolateur, qui prévient et secourt, qui touche le coeur et le tourne vers Dieu, qui ouvre les yeux de l'esprit et accorde «à tous la douceur de consentir et de croire à la vérité» (cf. Dei verbum DV 5). Ils sont bienheureux, car en discernant et en accomplissant la volonté du Père, ils trouvent sans cesse le fondement solide pour la construction de leur vie.

A ceux qui doivent franchir le seuil du troisième millénaire, nous voulons dire: construisez la maison sur le roc! Construisez sur le roc la maison de votre vie personnelle et sociale! Et le roc, c'est le Christ - le Christ vivant dans son Eglise. Le Christ qui est présent depuis mille ans sur cette terre. Il vint parmi vous à travers le ministère de saint Adalbert. Il crût sur le fondement de sa mort par le martyre et continue d'exister. L'Eglise est le Christ vivant en nous tous. Le Christ est la vigne et nous sommes les sarments. Il est le fondement et nous sommes les pierres vivantes.

7. «Seigneur, reste avec nous» (cf. Lc 24,29), disaient les disciples qui rencontraient le Christ ressuscité en route pour Emmaüs et «leur coeur était tout brûlant en dedans d'eux quand il leur parlait et leur expliquait les Ecritures» (cf. Lc 25,32). Aujourd'hui, nous voulons leur répéter les paroles: «Reste avec nous, Seigneur!» Nous t'avons rencontré le long du chemin de notre histoire. Nos ancêtres te rencontrèrent de génération en génération. Tu les as confirmés par ta parole à travers la vie et le ministère de l'Eglise.

Seigneur, reste avec ceux qui viendront après nous! Nous voulons que tu sois avec eux, comme tu as été avec nous. Nous désirons cela et nous te demandons cela.

Reste avec nous, lorsque le soir tombe! Reste, tandis que le temps de notre histoire touche au terme du second millénaire.

Reste avec nous et aide-nous à marcher toujours le long du chemin qui conduit à la maison du Père.

Reste avec nous dans ta parole - dans la parole qui devient sacrement: l'Eucharistie de ta présence.

Nous voulons écouter ta parole et l'accomplir.

674 Nous voulons vivre dans la bénédiction.

Nous avons le désir d'être parmi les bienheureux, qui «écoutent la Parole de Dieu et l'observent».






ACTE DE DÉVOTION AU SACRÉ-COEUR DE JÉSUS

HOMÉLIE DU PAPE JEAN PAUL II

Dimanche 6 juin 1999, Elblag
1. «Nous rendons honneur à ton Coeur, ô notre Jésus, ô Jésus...».


Je rends grâce à la Divine Providence de pouvoir, avec vous qui êtes ici présents, rendre louange et gloire au Sacré-Coeur de Jésus, dans lequel s'est manifesté de la façon la plus complète l'amour paternel de Dieu. Je me réjouis, de ce que la pieuse pratique de réciter ou de chanter, chaque jour du mois de juin, les Litanies au Sacré-Coeur de Jésus est si vivante en Pologne et se poursuit toujours.

Je salue toute les personnes présentes aujourd'hui à cette Messe, qui se déroule un dimanche après-midi. Je salue de façon particulière Mgr Andrzej, pasteur de ce diocèse, l'Evêque auxiliaire et tout l'épiscopat polonais, ainsi que le Cardinal-Primat qui a célébré la Messe aujourd'hui; je salue également les prêtres, les personnes consacrées et tout le Peuple de Dieu du diocèse d'Elblag. J'adresse une cordiale bienvenue aux pèlerins de Russie, du district de Kaliningrad, venus ici avec leur Archevêque, Mgr Tadeusz. Je salue également les fidèles de l'Eglise grecque-catholique. Je salue toute la jeune Eglise d'Elblag, particulièrement unie à la figure de saint Adalbert. Non loin d'ici - selon la tradition - il donna sa vie pour le Christ, à Swiety Gai. Au cours de l'histoire, la mort de ce martyr a produit des fruits abondants de sainteté sur cette terre. En ce lieu, je voudrais rappeler la bienheureuse Dorota de Matowy, épouse et mère de neuf enfants, et également la servante de Dieu Regina Protmann, fondatrice de la Congrégation des Soeurs de Sainte-Catherine, que - si Dieu le veut - l'Eglise élèvera à la gloire des autels, au cours de ce pèlerinage, par l'intermédiaire de mon ministère à Varsovie. Un fils de cette terre sera également inscrit dans l'album des bienheureux, dom Wladyslaw Demski, qui donna sa vie dans le camp de concentration de Sachsenhausen, en défendant publiquement la croix outragée de façon sacrilège par ses bourreaux. Vous avez repris ce magnifique héritage spirituel et vous devez le protéger, le développer et construire l'avenir de cette terre et de l'Eglise d'Elblag, sur le fondement solide de la foi et de la vie religieuse.

2. «Coeur de Jésus, source de vie et de sainteté, aie pitié de nous».

Ainsi l'évoquons-nous dans les Litanies. Tout ce que Dieu voulait nous dire à propos de sa personne et de son amour, il l'a déposé dans le coeur de Jésus et, à travers ce coeur, il l'a exprimé. Nous nous trouvons face à un mystère insondable. A travers le Coeur de Jésus, nous lisons l'éternel dessein divin du salut du monde. Et il s'agit d'un projet d'amour. Les litanies que nous avons chantées de façon admirable contiennent toute cette vérité.

Nous sommes venus ici aujourd'hui, pour contempler l'amour du Seigneur Jésus, sa bonté qui embrasse chaque homme; pour contempler son Coeur ardent d'amour pour le Père, dans la plénitude de l'Esprit Saint. Le Christ qui nous aime, nous montre son Coeur comme source de vie et de sainteté, comme source de notre rédemption. Pour comprendre de façon plus approfondie cette invocation, il faut peut-être revenir à la rencontre de Jésus avec la Samaritaine, dans la petite ville de Sychar, près du puits, qui se trouvait là depuis l'époque du patriarche Jacob. Elle était venue puiser de l'eau. Alors Jésus lui dit: «Donne-moi à boire», et elle lui répondit: «Comment! toi qui es juif, tu me demandes à boire à moi qui suis une femme samaritaine?». L'évangéliste ajoute alors que les juifs ne s'entendaient pas avec les Samaritains. Elle reçut alors la réponse de Jésus: «Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit: Donne-moi à boire, c'est toi qui l'aurais prié et il t'aurait donné de l'eau vive [...] l'eau que je lui donnerai deviendra en lui source d'eau jaillissant en vie éternelle» (cf. Jn 4,1-14). Ce sont là des paroles mystérieuses.

Jésus est une source; c'est de lui que jaillit la vie divine de l'homme. Il suffit de s'approcher de lui, de demeurer en lui, pour obtenir cette vie. Et qu'est-ce que cette vie, sinon le début de la sainteté de l'homme? De la sainteté qui est en Dieu et que l'homme peut atteindre avec l'aide de la grâce? Nous désirons tous boire au coeur divin, qui est source de vie et de sainteté.

3. «Heureux qui observe le droit, qui pratique en tout temps la justice» (Ps 105 [106], 3).

675 Chers frères et soeurs, la méditation de l'amour de Dieu, qui s'est révélé dans le Coeur de son Fils, exige de l'homme une réponse cohérente. Nous n'avons pas seulement été appelés à contempler le mystère de l'amour du Christ, mais à y participer. Le Christ dit: «Si vous m'aimez, observez mes commandements» (Jn 14,15). De cette façon, il nous lance un appel puissant et, dans le même temps, il nous pose une con- dition: si tu veux m'aimer, observe mes commandements, observe la sainte loi de Dieu, pratique les sentiers que Dieu t'a indiqués et que je t'ai indiqués à travers l'exemple de ma vie.

La volonté de Dieu est que nous observions ses commandements, c'est-à-dire la loi de Dieu donnée sur le Mont Sinaï à Israël, à travers Moïse. La loi donnée à tous les hommes. Nous connaissons ces commandements. Beaucoup d'entre vous les répètent chaque jour dans la prière. Il s'agit d'une coutume très belle et pieuse. Répétons-les tels qu'ils sont écrits dans le Livre de l'Exode, pour confirmer et pour renouveler ce que nous nous rappelons.

«Je suis Yahvé, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Egypte, de la maison de servitude:
Tu n'auras pas d'autres dieux devant moi.
Tu ne prononceras pas le nom de Yahvé ton Dieu à faux,
tu te souviendras du jour du sabbat pour le sanctifier;
honore ton père et ta mère, afin que se prolongent tes jours sur la terre que te donne Yahvé ton Dieu.
Tu ne tueras pas.
Tu ne commettras pas d'adultère.
Tu ne voleras pas.
Tu ne porteras pas de témoignage mensonger contre ton prochain.
676 Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain.
Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain» (cf.
Ex 20,2-7).

Voilà le fondement de la morale donnée à l'homme par le Créateur: le Décalogue, les dix paroles de Dieu prononcées avec fermeté sur le Sinaï et confirmées par le Christ lors du discours sur la Montagne, dans le contexte des huit béatitudes. Le Créateur, qui est dans le même temps le législateur suprême, a inscrit dans le coeur de l'homme tout l'ordre de la vérité. Cet ordre conditionne le bien et l'ordre moral et il constitue la base de la dignité de l'homme créé à l'image de Dieu. Les commandements ont été donnés pour le bien de l'homme, pour son bien personnel, familial et social. Ils représentent véritablement la route à suivre pour l'homme. L'ordre matériel à lui seul ne suffit pas. Il doit être complété et enrichi par l'ordre surnaturel. Grâce à celui-ci, la vie acquiert un sens nouveau et l'homme devient meilleur. En effet, la vie a besoin de forces et de valeurs divines, surnaturelles, ce n'est qu'alors qu'elle acquiert sa pleine splendeur. Le Christ confirma cette loi de l'Ancienne Alliance. Dans le discours de la montagne, il parla avec clarté à ceux qui l'écoutaient: «N'allez pas croire que je suis venu abolir la Loi ou les Prophètes: je ne suis pas venu abolir mais accomplir» (Mt 5,17).

Le Christ est venu pour accomplir la loi, tout d'abord pour la compléter dans son contenu et sa signification, puis pour en révéler ainsi son sens complet et toute sa profondeur: la loi est parfaite lorsqu'elle est imprégnée de l'amour de Dieu et du prochain. L'amour est ce qui décide de la perfection morale de l'homme, de sa ressemblance avec Dieu. «Celui qui a mes commandements et les garde, - dit le Christ - c'est celui-là qui m'aime; or celui qui m'aime sera aimé de mon Père; et je l'aimerai et je me manifesterai à lui» (Jn 14,21). La fonction liturgique d'aujourd'hui, consacrée au Très Saint Coeur de Jésus, nous rappelle cet amour de Dieu, intensément désiré par l'homme, et elle indique qu'une réponse concrète à cet amour consiste à observer dans la vie quotidienne les commandements de Dieu. Dieu a voulu qu'ils ne s'effacent pas de la mémoire, mais qu'ils demeurent imprimés pour toujours dans les consciences des hommes, afin que l'homme, en connaissant et en observant les commandements, «ait la vie éternelle».

4. «Heureux qui observe le droit».

Le Psalmiste appelle ainsi celui qui marche sur la voie des commandements et les observe jusqu'à la fin (cf. Ps Ps 118 [119], 32-33). En effet, l'observance de la loi divine est le fondement pour obtenir le don de la vie éternelle, c'est-à-dire du bonheur qui ne connaît pas de fin. A la question du jeune homme riche: «Maître, que dois-je faire de bon pour obtenir la vie éternelle?» (Mt 19,16). Jésus répondit: «Su tu veux entrer dans la vie, observe les commandements» (Mt 19,17). Cet appel du Christ est particulièrement actuel dans la réalité d'aujourd'hui, dans laquelle de nombreuses personnes vivent comme si Dieu n'existait pas. La tentation d'organiser le monde et sa propre vie sans Dieu, voire même contre Dieu, sans ses commandements et sans l'Evangile, existe et nous menace également. Et la vie humaine et le monde construits sans Dieu, se retourneront à la fin contre l'homme. Nous en avons eu de nombreuses preuves en ce XXème siècle qui s'achève. Transgresser les commandements divins, abandonner le chemin tracé par Dieu, signifie tomber dans l'esclavage du péché, et «le salaire du péché est la mort» (Rm 6,23).

Nous nous trouvons face à la réalité du péché. Celui-ci constitue une offense à Dieu, il constitue une désobéissance à Dieu, à sa loi, à la norme morale, que Dieu donna à l'homme, en l'inscrivant dans le coeur humain, en la confirmant et la perfectionnant à travers la Révélation. Le péché s'oppose à l'amour de Dieu pour nous et détourne nos coeurs de Lui. Le péché est «l'amour de soi porté jusqu'au mépris de Dieu», comme le dit saint Augustin (De Civitate Dei, 14, 28). Le péché est un mal profond, dans toutes ses dimensions. A commencer par le péché originel, et en passant par tous les péchés personnels de chaque homme, par les péchés sociaux, les péchés qui pèsent sur toute l'histoire de l'humanité.

Nous devons constamment être conscients de ce grand mal, nous devons constamment acquérir une sensibilité subtile et une claire connaissance du germe de mort contenu dans le péché. Il s'agit ici de ce que l'on a l'habitude d'appeler le sens du péché. Il puise sa source à la conscience morale de l'homme, il est lié à la connaissance de Dieu, au sens de l'union avec le Créateur, Seigneur et Père. Plus cette conscience de l'union avec Dieu est profonde, renforcée par la vie sacramentelle de l'homme, et par la prière sincère, plus le sens du péché est clair. La réalité de Dieu révèle et illumine le mystère de l'homme. Faisons tous ce qui est en notre pouvoir pour rendre nos consciences sensibles et les sauvegarder de la déformation ou de l'insensibilité.

Voyons quelles sont les grandes tâches que Dieu nous assigne. Nous devons établir en nous un homme véritable, à l'image et à la ressemblance de Dieu. Un homme qui aime la loi de Dieu et qui veut vivre selon celle-ci. Le Psalmiste qui s'écrie: «Pitié pour moi, Dieu, en ta bonté, en ta grande tendresse efface mon péché, lave-moi tout entier de mon mal et de ma faute purifie-moi» (Ps 50 [51], 3-4), n'est-il pas pour nous un exemple touchant d'un homme qui se présente repenti devant Dieu? Il désire la metanoia de son propre coeur, pour devenir une créature nouvelle, différente, transformée par la puissance de Dieu.

Saint Adalbert se présente à nous. Nous ressentons sa présence ici, car c'est sur cette terre qu'il donna sa vie pour le Christ. Depuis mille ans, il nous dit, à travers le témoignage du martyre, que la sainteté s'obtient par le sacrifice, qu'il n'y a pas de place pour le compromis, qu'il faut être fidèle jusqu'au bout, qu'il faut avoir le courage de protéger l'image de Dieu dans son âme, jusqu'au sacrifice suprême. Sa mort comme martyr lance un appel aux hommes afin que, en mourant au mal et au péché, ils laissent naître en eux un homme nouveau, un homme de Dieu, qui observe les commandements du Seigneur.

5. Très chers frères et soeurs, nous contemplons le Sacré-Coeur de Jésus, qui est source de vie, car à travers lui s'est accomplie la victoire sur la mort. Il est également source de sainteté, car en lui est vaincu le péché, qui est l'ennemi de la sainteté, l'ennemi du développement spirituel de l'homme. Du Coeur du Seigneur Jésus, commence la sainteté de chacun de nous. Apprenons de ce Coeur l'amour pour Dieu et la compréhension du mystère du péché - mysterium iniquitatis.

677 Accomplissons des actes de réparation au Divin Coeur pour les péchés commis par nous et par nos proches. Réparons le refus de la bonté et de l'amour de Dieu.

Approchons-nous chaque jour de cette source d'où jaillissent les sources d'eau vive. Avec la Samaritaine, demandons: «Donne-nous cette eau», car elle donne la vie éternelle.

Coeur de Jésus, foyer ardent de charité,
Coeur de Jésus, source de vie et de sainteté,
Coeur de Jésus, propitiation pour nos péchés
- aie pitié de nous. Amen.



Homélies St Jean-Paul II 670