Homélies St Jean-Paul II 15885

BÉATIFICATION DE MARIE-CLÉMENTINE ANWARITE Solennité de l'Assomption de la Vierge Marie Kinshasa (Zaïre) - Jeudi, 15 août 1985

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1. Aujourd'hui, l’Eglise regarde les cieux ouverts: “Le Temple qui est dans le ciel s’ouvrit, et l’arche de l’Alliance du Seigneur apparut dans son Temple” (
Ap 11,19).

Nous célébrons l’Assomption de Marie, la Mère de Dieu, la Vierge, la Mère de notre Rédempteur.

Et c’est elle précisément que l’Eglise reconnaît dans le signe grandiose qui parait dans le ciel: “Une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles” (Ibid. 12, 1). Oui, Marie est signe du monde nouveau. Du monde rassemblé en Dieu, du monde transfiguré en Dieu. Transfiguré par le Christ.

En effet, comme “c’est en Adam que meurent tous les hommes; c’est dans le Christ que tous revivront” (1Co 15,22): tous auront la vie éternelle en Dieu même. La première qui entre dans cette vie en plénitude, c’est Marie.

2. Et c’est pourquoi aujourd’hui, jour de l’Assomption, l’Eglise fait mémoire du moment où Marie a chanté le “Magnificat”, sur le seuil de la maison de Zacharie.

“Mon âme exalte le Seigneur / mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur . . . / Le Puissant fait pour moi des merveilles; / Saint est son nom!” (Lc 1,46-47 Lc 1,49).

Ce jour-là, à l’occasion de sa visite à sa parente Elisabeth, Marie a manifesté par ces parolesl’allégresse de son âme devant le mystère de la Maternité divine qui était son destin par la grâce de la Très Sainte Trinité.

Aujourd’hui, par les mêmes paroles, elle exprime l’allégresse de son âme face au mystère de l’Assomption, fruit définitif de sa Maternité divine par la grâce de la Très Sainte Trinité.

Marie adore Dieu, Marie proclame les “merveilles” de Dieu que le Puissant a accomplies en elle et par elle.

359 3. Aujourd’hui, avec Marie montée aux cieux, l’Eglise adore Dieu, dans l’Eglise qui est en votre pays, au Zaïre. A Kinshasa, la capitale, et dans toutes les provinces, au Kasai, au Shaba, au Kivu, au Bas-Zaïre, en Haut-Zaïre, où vécut Anwarite.

Je suis heureux de prier avec vous tous, avec tous les chrétiens des diocèses du Zaïre, des paroisses, des monastères contemplatifs, des communautés religieuses. Et je suis particulièrement uni à l’Archevêque de Kinshasa, le Cardinal Malula et à tous mes frères dans l’épiscopat. Je les remercie aussi du zèle avec lequel ils ont préparé la béatification.

Voici que Dieu “s’est penché sur son humble servante” (Cfr. Luc
Lc 1,48) et sur l’amour sans partage d’une fille de cette terre. Et il lui permet aujourd’hui de participer à la gloire de la Mère de Dieu, à la gloire de tous les saints et de tous les bienheureux.

Un jour, Anwarite avait noté sur son carnet personnel ces mots: “Aimer le Seigneur, parce qu’il a fait pour moi de grandes choses, combien grande est sa bonté”. Elle exprimait là le sens de sa vie, en reprenant la prière même de Marie.

Il est heureux que ce soit ici, dans son pays, votre pays, et le jour où est célébrée la gloire de la Vierge Marie, que l’Eglise proclame bienheureuse sa fille Marie-Clémentine Anwarite. Nous pouvons l’admirer et la prendre pour modèle d’autant plus volontiers qu’elle est proche de nous dans le temps; elle est vraiment représentative de votre communauté chrétienne qu’elle illustre par ses mérites et sa sainte fidélité au Seigneur.

Anwarite a passé toute son existence dans le Haut-Zaïre, entre Wamba et Bafwabaka. Elle ne paraissait pas pourvue de dons sortant de l’ordinaire. Enfant modeste, acceptant ses limites, mais travaillant avec persévérance à les dépasser, elle avait un tempérament parfois vif, enjoué; et à d’autres moments elle connaissait l’inquiétude et la souffrance. Très spontanément, elle se montrait disponible aux autres, aimant tout simplement rendre service et accueillir avec délicatesse.

Enfant, elle avait reçu le baptême en même temps que sa mère. La foi grandit en elle et devint un motif puissant dans l’orientation de sa vie. Très jeune, elle voulut consacrer sa vie au Seigneurcomme religieuse: elle apporta dans la communauté de la Jamaa Takatifu, la Congrégation de la Sainte-Famille vouée particulièrement à des taches d’éducation, sa constance au travail, son sens du service, l’amour de ses jeunes élèves, son attention aux pauvres et aux malades, la joie qu’elle savait partager, son désir de progresser spirituellement. Aujourd’hui présents, les membres de sa famille et de sa congrégation sont heureux de pouvoir témoigner de ses qualités.

Sans réserve, Anwarite s’était engagée à suivre le Seigneur; elle lui avait donné sa fidélité et consacré sa virginité. Et, jour après jour, avec affection et profondeur, elle priait la Mère du Christ; on la voyait comme plongée dans la prière près de l’image de Notre-Dame, ou attentive à dire le chapelet avec ses soeurs ou avec les enfants dont elle s’occupait. Marie éclairait sa foi, la soutenait, l’entraînait. Anwarite, tout simplement, aimait la Mère du Seigneur. Un signe émouvant fut son attachement à la statuette qu’elle garda sur elle jusque dans la mort.

Quand arrive le temps de l’épreuve, cette jeune religieuse y fait face: la foi, le sens de l’engagement pris, la valeur primordiale qu’elle accorde à la virginité, une prière intense et le soutien de la communauté lui permettent de rester inébranlable. Dans la terrible anxiété de voir sa pureté atteinte, devant la menace pour sa vie même, Anwarite dit: “Mon âme est inquiète maintenant”. Parole qui rappelle celle de Jésus , et qui montre combien l’Evangile pénètre la vie de cette jeune fille consacrée. Elle surmonte l’ébranlement de l’angoisse; son courage est sans faiblesse, soutenu par la présence affectueuse de ses supérieures et de ses soeurs.

Anwarite a montré une audace digne des martyrs qui, depuis Etienne à Jérusalem, jalonnent l’histoire de l’Eglise par leur imitation héroïque du Christ. Elle ose dire, pour défendre sa supérieure menacée à cause de son propre refus: “Vous me tuerez moi seulement”. Quand les coups mortels l’atteignent, ses soeurs l’entendent clairement adresser ces mots à celui qui la frappe: “Je vous pardonne, car vous ne savez pas ce que vous faites”; et aussi: “C’est ainsi que je l’ai voulu”.De la manière la plus directe, Anwarite suit le Christ auquel elle s’est donnée: comme lui, elle pardonne, comme lui, elle accomplit son sacrifice; et moi-même au nom de toute l’Eglise, je pardonne de tout coeur.

4. Dans l’Evangile, quand Marie arriva au seuil de la maison de Zacharie, Elisabeth “s’écria d’une voix forte: . . . Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur” .

360 Elle aussi, la fille de votre terre, Anwarite Nengapeta, a cru à l’accomplissement de la promesse de Dieu à son égard: elle était une de celles qui ont choisi de ne pas se marier pour le Règne de Dieu. Elle avait médité l’exemple des vierges martyres anciennes, elle avait été impressionnée par le sacrifice de Maria Goretti et par celui des Martyrs d’Ouganda. Anwarite savait le prix que pouvait lui coûter sa fidélité Elle a entendu la parole du Christ “il n’y a pas d’amour plus grand que de donner sa vie” (Cfr. Io Jn 15,13).

A l’heure de la menace, elle n’hésite pas à mettre au-dessus de tout la valeur de sa consécration au Christ dans la chasteté parfaite. Au soir de sa mort, dans la maison bleue d’Isiro, elle avait dit: “J’ai renouvelé mes voeux, je suis prête à mourir”. Anwarite est un ferme témoin de la valeur irremplaçable d’un engagement pris envers Dieu et soutenu par sa grâce.

Bienheureuse celle qui, très près de nous, a montré la beauté du don total de soi pour le Royaume. La grandeur de la virginité, c’est l’offrande de toutes ses capacités d’aimer, afin que, libre de tout autre lien, tout l’être sache aimer le Seigneur comme un époux et ceux que le Seigneur aime. Il n’y a là aucun dédain de l’amour conjugal, nous savons qu’Anwarite se souciait d’aider les couples proches d’elle à garder la fidélité de leur propre engagement dont elle louait la beauté.

C’est la valeur primordiale de la fidélité qui l’a conduite au martyre. Le martyre, précisément, cela veut dire être témoin: Anwarite fait partie de ces témoins qui entraînent et soutiennent la foi et la générosité des frères et soeurs. Quand, dans la nuit du 30 novembre 1964, toutes les religieuses de la communauté sont menacées, battues et blessées, le sacrifice d’Anwarite, loin de les effrayer, les encourage dans leur fermeté et les aide à traverser l’épreuve dans la paix. C’est là un signe éloquent du témoignage d’espérance qu’a été la mort de l’une d’entre elles. Rappelons-nous la lecture de saint Paul: “Le Christ est ressuscité d’entre les morts pour être parmi les morts le premier ressuscité . . . C’est dans le Christ que tous revivront” (1Co 15,20-22).

5. C’est pourquoi, elle - cette fille de votre terre - peut chanter aujourd’hui avec Marie le “Magnificat”, comme ses soeurs l’ont chanté au moment où elle livrait sa vie au milieu d’elles.

Dans son sacrifice, la puissance de Dieu s’est manifestée, les “merveilles” de Dieu se sont renouvelées. A juste titre, elle peut chanter:

“Le Puissant fit pour moi des merveilles . . .

Déployant la force de son bras . . .

il élève les humbles . . .

Saint est son nom . . .

Désormais toutes les générations me diront bienheureuse” (Lc 1,49 Lc 1,51-52 Lc 1,49 Lc 1,48).

361 6. Ce cantique d’action de grâce et de louange, vous pouvez tous le chanter avec Anwarite, chers Frères et Soeurs: voici en effet, pour le centenaire du Baptême de votre patrie, que nous avons célébré ensemble il y a peu de temps, le premier fruit; le fruit parfait de la grâce du saint baptême, la première Zaïroise que l’Eglise proclame solennellement bienheureuse, martyre de la foi parmi vous!

C’est un grand événement dans l’histoire de l’Eglise en votre terre. Je me réjouis de pouvoir être présent parmi vous - comme successeur de Pierre - en ce jour marquant. Et de pouvoir chanter, avec vous et avec votre Bienheureuse, le Magnificat marial en la solennité de l’Assomption.

Oui, la puissance de Dieu se manifeste dans la “merveille” qu’est Marie, la Mère de Dieu, entrée dans la gloire du Royaume. Première parmi les saints, elle éclaire la route de tous les hommes et de toutes les femmes.

Anwarite avait répondu à la vocation de la virginité librement offerte. Et voici qu’elle se joint au long cortège de ces vierges qui, depuis l’époque romaine, au commencement du premier millénaire, avaient donné leur vie pour le Christ, Blandine, Agathe, Lucie, Agnès, Cécile, Pélagie, Solange . . . Avec les vierges martyres qui l’ont précédée, la bienheureuse Anwarite encourage ceux qui s’engagent à la chasteté en répondant à leur vocation religieuse.

7. Mais c’est en toute condition, en tout lieu, en tout temps, que le Seigneur appelle ceux pour lesquels il a donné son Fils à le suivre sur les voies de la sainteté. La vocation des épouxconsiste à vivre un amour exigeant et généreux dans leur union, car la voie de leur perfection passe par le don de toute leur personne à leur conjoint, par la transmission de la vie aux enfants et le dévouement que demande leur éducation. Vivant leur mariage comme une réponse active à l’amour du Seigneur, les époux se joignent à l’action de grâce: “Le Seigneur a fait pour moi des merveilles”.

Frères et Soeurs, reprenons ensemble cette prière, car il nous est donné à tous d’accueillir le Christ, “la vraie lumière qui éclaire tout homme”. “A tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu” (
Jn 1,9 Jn 1,12). “Si, par le baptême dans sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi” (Rm 6,4).

Jeunes ou vieux, connus ou inconnus, humbles ou puissants, à nous tous le Christ permet chaque jour de partager avec générosité les biens de la terre et de la vie, de dépasser nos faiblesses et nos divisions, d’avancer avec enthousiasme vers un monde renouvelé, car la force de l’amour brise les chaînes de l’égoïsme et de la haine. Jour après jour, dans la foi et l’amour que Dieu met en nos coeurs, nous pouvons entendre l’appel à suivre Jésus. Avec humilité et avec joie, chacun peut offrir les peines et les réussites des hommes, uni avec le Fils de Dieu qui livre son Corps et son Sang pour la multitude, en rémission des péchés. En cette Eucharistie, que l’Esprit du Seigneur nous rassemble en un seul Corps dans la sainteté du Christ! Qu’il nous entraîne dans son offrande! Qu’il nous rende fermes dans l’espérance et capables d’annoncer à nos frères la bonne nouvelle que le monde sauvé reçoit la sainteté de Dieu!

8. Ainsi donc l’Eglise voit aujourd’hui, sur la belle et riche terre du Zaïre, “le ciel ouvert”:

grâce à la solennité de l’Assomption de la Mère de Dieu,

en même temps grâce à cette première béatification d’une fille de votre terre,

grâce à l’engagement généreux de fils et de filles de ce peuple dans le service du Seigneur et l’amour de leurs frères.

362 Le peuple de toute votre terre se réjouit. L’Afrique noire se réjouit. Toute l’Eglise catholique se réjouit et rend grâce pour le témoignage de ses frères d’Afrique.

Que la joie de cette grande journée ouvre un chapitre nouveau dans l’histoire du peuple de Dieu sur cette terre sanctifiée et bienheureuse!

Amen.

RENCONTRE AVEC LA COMMUNAUTÉ DIOCÉSAINE DANS LA CATHÉDRALE



Solennité de l'Assomption de la Vierge Marie
Kinshasa (Zaïre) - Jeudi, 15 août 1985



Chers amis,

1. En cette Fête de l’Assomption, après la messe solennelle où, ce matin, j’ai eu la joie de prononcer la béatification de votre soeur Anwarite sur votre terre, je suis heureux de vous rencontrer dans cette cathédrale avec vos évêques.

Je vous salue cordialement, vous tous qui portez la charge d’animer l’évangélisation de ce grand pays, dans la diversité de vos situations et de vos fonctions. Je vous apporte les voeux et les encouragements du successeur de Pierre qui écrivait lui-même aux premiers chrétiens: “Serviteur et Apôtre de Jésus-Christ, je m’adresse à vous, que notre Dieu et Sauveur Jésus-Christ, dans sa justice, a gratifiés de la foi, précieuse pour vous comme pour nous. Que la grâce et la paix vous soient accordées en abondance par la véritable connaissance de Dieu” (2P 1,1-2).

J’apprécie votre désir de placer notre rencontre dans le cadre d’une liturgie de la Parole, culminant par la profession religieuse de plusieurs de vos frères et de vos soeurs. Quel magnifique prolongement de notre célébration de ce matin, sous le patronage de Notre-Dame du Zaïre et de la bienheureuse Anwarite!

2. Nous avons écouté l’Evangile. Je voudrais méditer l’enseignement de cette parabole de Jésus: il l’adresse à ses disciples, à vous-mêmes les agents de l’évangélisation du Zaïre.

Je vous propose de rendre grâce pour les talents qui vous sont confiés par le Seigneur. C’est d’abord votre beau pays où la terre est généreuse. C’est votre vie elle-même. Ce sont vos qualités d’esprit et de coeur. C’est la communauté humaine où vous êtes nés, qui vous a formés, qui vous transmet l’héritage de ses qualités ancestrales, de ses valeurs irremplaçables. C’est la nature de l’homme, c’est toute l’oeuvre du Créateur!

363 Les talents que vous avez reçus, c’est aussi l’inlassable fidélité de Dieu à sa créature, même quand elle se détourne de lui, quand elle dégrade son oeuvre, quand elle ne sait plus reconnaître le visage du Père de tout amour. Dieu nous a rejoints, multipliant les alliances avec nous. Au temps accompli, il nous a envoyé son propre Fils, qui a livré sa vie pour nous rassembler en son amour. Il nous a appelés à porter au monde sa parole d’espérance, à constituer son Eglise, son peuple.

Devant notre Créateur et notre Sauveur, qui nous confie tant de vraies richesses, nous sommes les serviteurs heureux de les faire fructifier.

3. Et c’est notre responsabilité, la parole dit aussi cela, de ne pas laisser les talents enfouis. C’est notre dignité que le Maître compte sur nous pour participer à son oeuvre créatrice et salvatrice. Certes, chacun d’entre nous n’est qu’un modeste bâtisseur qui peinerait en vain si le Seigneur ne donnait à l’édifice sa solidité et à la communauté sa vitalité (Cfr. Ps.
Ps 127,1). Mais il nous veut responsables au point que notre propre vie éternelle soit engagée par la réponse que nous donnons à sa confiance. La parabole des talents nous empêche d’oublier la gravité de nos refus.

Frères et Soeurs, je vous redis de la part du Seigneur: soyez des serviteurs bons et fidèles.Pour que le trésor fructifie, il vous est demandé d’employer vos capacités, chacun selon son rôle propre, à faire découvrir le plan de Dieu à vos frères. A temps et à contretemps, portez la parole de vérité et d’espérance. Allez dire à vos frères: “Nous avons trouvé le Messie!” (Jn 1,41). “De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit; et apprenez-leur à garder tous mes commandements”: vous pouvez accomplir la mission que donne le Ressuscité, car elle est sure sa promesse: “Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde” (Mt 28,19-20). Partagez l’amour dont vous êtes aimés! Edifiez le Temple spirituel (Cfr. 1P 2,5).

Je sais que vous pouvez être las, et tentés de prendre d’autres routes que la voie où le Seigneur vous a appelés. Je sais quelles contradictions vous rencontrez dans un monde indifférent et parfois hostile au message dont vous êtes les porteurs. Mais ne vous découragez pas. Ecoutez Jésus vous dire: “Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume” (Lc 12,32).

4. Il est heureux que soient réunis ici prêtres, religieux et laïcs, car c’est bien à la même tache que vous êtes occupés. La diversité de vos rôles contribue à une oeuvre unique, comme des membres différents forment un même corps. Pour que fructifie dans cette terre du Zaïre l’admirable talent que constitue la fondation de l’Eglise, tous unissent leurs efforts, qu’ils soient nés dans ce pays ou qu’ils soient venus d’ailleurs, qu’ils soient des ministres ordonnés, des hommes et des femmes consacrés ou des laïcs engagés.

Conduits par la parole de Dieu, assurés par la présence du Seigneur, vous permettez la féconde rencontre de l’homme africain avec l’Evangile. L’inculturation, si on l’entend bien, c’est la croissance de l’Eglise sur ce sol, c’est la forme concrète de l’Alliance entre Dieu et les hommes, en ce lieu et en ce temps. C’est l’accueil de la vérité universelle par une communauté humaine douée de sa sensibilité particulière, formée par sa longue recherche du sens de la vie. Ainsi grandit la plante, elle devient l’arbre “qui étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre” (Mc 5,32).

L’Alliance de Dieu avec les hommes, souvenons-nous toujours qu’elle résulte de l’initiative du Créateur et Sauveur. La fidélité du peuple à son Seigneur suppose une humble ouverture au message évangélique, qui ne lui appartient pas en propre, et l’observation de règles de vie essentielles. Mettre en oeuvre l’Alliance pour bâtir l’Eglise, cela exige de notre part l’adhésion aux valeurs qu’exprime l’Evangile et qui ont été vécues universellement par l’Eglise au cours des siècles. Vos tâches d’animation de la communauté, de formation, de prédication, de soutien, contribuent à éclairer vos frères et vos soeurs pour qu’ils conduisent leur vie dans l’esprit de la morale chrétienne.

5. Parmi les domaines nombreux où vous travaillez, je voudrais en évoquer quelques-uns seulement, en peu de mots, à cause de leur importance particulière pour que la dignité de la personne humaine soit respectée dans la vie sociale comme dans les décisions de chacun individuellement.

Je pense d’abord aux familles, à la sainteté du mariage. Aidez les jeunes à préparer lucidement leurs engagements, pour que la fidélité de leur amour reflète celle de Dieu même. Que les époux soient assez généreux pour que leur couple soit stable, heureux, constitue un milieu favorable à l’épanouissement de leurs enfants. Vous connaissez la doctrine de l’Eglise. Faites tout pour qu’elle soit comprise et suivie.

Beaucoup d’entre vous ont des responsabilités éducatives et je sais combien l’Eglise s’emploie à aider les jeunes pour qu’ils soient bien préparés à entrer dans la vie active et à faire face, avec maturité et avec le maximum de compétence, aux grandes difficultés qui les attendent inévitablement. Soutenez leur foi, aidez-le à trouver le sens de leur vie et à discerner leur vocation, sous la lumière de l’Evangile et dans l’esprit communautaire auquel la tradition africaine peut si bien les disposer.

364 D’autres assurent de nombreux services en faveur de la santé. Qu’ils soient encouragés par l’attention privilégiée que le Seigneur a toujours manifestée aux malades. Contribuer à initier le plus grand nombre de personnes aux soins de santé et accompagner ceux qui souffrent, c’est une oeuvre noble où l’Eglise a toujours reconnu l’exercice d’un authentique amour du prochain.

Dans la communauté nationale, tout ce qui relève du développement constitue aussi un devoir. En y prenant part, les chrétiens entrent dans le plan créateur, ils répondent à la parole du Seigneur qui confie la terre à l’homme, dès les origines, pour qu’il puisse en vivre (Cfr. Gen
Gn 1,26-29). La participation au développement est nécessaire; je sais que vous vous y dévouez avec le souci de la justice et de l’harmonie dans la société et, notamment, que vous soutenez les plus démunis et que vous vous préoccupez de l’emploi des jeunes.

6. Chers amis, qui assumez bien des responsabilités parmi les chrétiens du Zaïre, votre vocation vous a amenés à prendre en charge des “talents” confiés par le Seigneur. Prêtres, religieux et laïcs engagés, c’est une grâce de pouvoir répondre généreusement à cet appel. Pour que vous soyez, au long des années, les serviteurs bons et fidèles du Christ, je vous encourage vivement àunifier dans votre vie personnelle votre engagement actif et dévoué avec la vie de prière et avec la culture intellectuelle.

Suivant votre état de vie et la nature de votre tache, bien sur, le type de formation varie. Mais c’est à tous que j’adresse une pressante invitation. Vous atteindrez votre équilibre et vous serez heureux, si vous ne cessez d’approfondir votre vie spirituelle, d’étudier la parole de Dieu et la doctrine de l’Eglise, tout en progressant dans la maîtrise des techniques très diverses qui sont utiles à l’exercice de vos fonctions. Et cela, vous y parviendrez d’autant mieux que vous serez ouverts à l’échange fraternel en communauté et aux orientations de vos pasteurs et de vos supérieurs responsables.

En ce qui concerne le sens du message chrétien, il importe de l’envisager dans toute son ampleur, de rechercher une vision d’ensemble sans négliger certains aspects, plus difficiles apparemment, au profit d’autres où l’on retrouve plus spontanément ses propres centres d’intérêt. Le dynamisme généreux de l’évangélisation rejoint mieux son but par une bonne compréhension du contenu du message tout entier, et par la disponibilité spirituelle profonde du messager à la présence du Seigneur qui l’envoie vers ses frères.

Chers Frères et Soeurs, c’est à vous tous ensemble que je me suis adressé, car vous êtes les agents de la même évangélisation.

L’Eglise compte à un titre particulier sur le rôle propre des laïcs au coeur du monde, et sur ceux qui, à plein temps et à temps partiel, s’engagent dans des taches essentielles avec un immense dévouement, pour la catéchèse, la liturgie, l’animation de groupes de prière et d’autres mouvements, pour les services caritatifs.

7. A présent, je voudrais dire aux prêtres, qui participent au sacerdoce plénier de leur évêque, combien j’estime leur désintéressement personnel dans leur ministère. Les prêtres diocésains nés ici, les prêtres qui font partie des Instituts missionnaires internationaux et ceux qui sont venus au titre de “fidei donum” assurent ensemble un service primordial. Il leur est beaucoup demandé, car le talent qui leur est confié, c’est le sacerdoce institué par le Christ la veille de sa Passion. Par eux, le Seigneur rassemble les siens, car il les envoie pour être les pasteurs de son troupeau. Par eux, la grâce de la présence réelle du Sauveur est offerte à tous. Par leur sacerdoce, l’Eglise enracinée en tel lieu particulier est unie à celle du diocèse et à l’Eglise universelle qui est le grand Corps du Christ, unique dans le monde. Par leur participation au sacerdoce du Christ, ils manifestent que la communauté ne tire pas elle-même ce qui la fait vivre, mais qu’elle le reçoit comme un don.

Prêtres, mes frères, comme successeur de Pierre, je viens vous encourager. Vous avez une charge exigeante qui demande la disponibilité de toute votre vie, de tout votre coeur. Je prie pour que le Seigneur vous rende heureux dans ce ministère sacerdotal où vous êtes les serviteurs des serviteurs de Dieu, à la suite du Christ Jésus qui, en nous aimant jusqu’au bout, a pris au milieu de nous la place de celui qui sert .

8. Cette journée est particulièrement marquante pour vous, chers Frères et Soeurs engagés dans la vie religieuse. Ce matin, nous avons évoqué et célébré votre bienheureuse soeur Anwarite. Maintenant, au milieu de cette grande assemblée pastorale, un groupe de frères et de soeurs prend à son tour la route de l’engagement.

Anwarite a répondu totalement à sa vocation. Nous la voyons donner sa vie par fidélité au Seigneur à qui elle a offert sa chasteté, son obéissance et sa pauvreté. Elle resplendit comme un signe éclatant au coeur de vos communautés, au centre de l’Eglise au Zaïre. Votre vocation, c’est d’être, vous aussi, le signe que le service du Seigneur et de ses frères est une valeur fondamentale, à tel point que des hommes et des femmes y consacrent toute leur vie, toute leur énergie, tout leur amour. Quelques mois avant son martyre, un jour de récollection, Anwarite avait écrit l’essentiel dans son carnet personnel: “Notre vocation, c’est l’amour. Servir Dieu. Le Seigneur Jésus, quand il nous a appelées, nous demanda le sacrifice: le sacrifice des choses de ce monde, le sacrifice de l’amour humain, le sacrifice de notre personne elle-même”.

365 Eclairés par la fidélité d’Anwarite, tous les religieux et toutes les religieuses, toutes les personnes consacrées vivant dans ce pays renouvellent leur engagement sans réserve à la suite du Christ. Tous s’unissent dans la louange du Seigneur. Et je pense particulièrement aux monastères contemplatifs qui sont des témoins privilégiés de la vie offerte à Dieu dans l’Eglise.

Chers frères et chères soeurs qui allez prononcer aujourd’hui devant Dieu vos premiers voeux, chères Soeurs qui allez faire la profession de voeux perpétuels et qui serez consacrées au Seigneur, sachez qu’avec vos Supérieures, le pape, vos évêques et toute la communauté vous encouragent et vous disent leur reconnaissance pour votre disponibilité. Dans vos Instituts, vous engagez toute votre personne pour Dieu. Le peuple de Dieu tout entier compte sur votre fidélité, sur l’entraînement de votre exemple et sur votre prière. L’Eglise compte sur les services auxquels vous vous dévouez au long des années, notamment pour les plus pauvres, pour ceux qui attendent qu’on leur fasse entendre et comprendre la Parole de Dieu, pour les communautés qui ont besoin d’être animées et soutenues par les permanents que vous êtes.

Vous offrant à Dieu, vous promettez de vivre pauvres, chastes et obéissantes. Les renoncements nécessaires, qu’ils soient pour vous une joie, car ils sont des signes d’amour vrai. Pour le sacrifice que vous consentez, la force de l’Esprit Saint ne vous manquera pas: Il vous permettra de l’accomplir avec Jésus dans l’Alliance nouvelle et éternelle. Pour vous soeurs professes, vos supérieures vont vous remettre un anneau que je bénis, qu’il soit le signe de votre union, sans réserve, au Dieu fidèle, dans la communauté de vos soeurs. L’Eglise entière, avec les saints que nous allons invoquer, prie pour votre fidélité à vos engagements.

Prêtres, laïcs, religieux et religieuses, entourant ces nouveaux profès et ces nouvelles professes, rendons grâce au Seigneur!

Que Notre-Dame du Zaïre vous soutienne de sa maternelle intercession!

Et que le Dieu de l’espérance vous remplisse de toute joie et de toute paix dans la foi!

Que l’exemple d’Anwarite reste pour vous un signe indélébile.

Amen.

LITURGIE EUCHARISTIQUE POUR LA NOUVELLE BIENHEUREUSE


MARIE-CLÉMENTINE ANWARITE



Lubumbashi (Zaïre)
Vendredi, 16 août 1985



1. “Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ?” (Rm 8,35).

366 Cette question, saint Paul la pose aux destinataires de sa lettre, les chrétiens de la ville de Rome, à l’époque de Néron.

Et, développant ensuite les idées comprises dans cette question, il évoque tout ce qui menaçait, humainement parlant, ceux qui affirmaient leur foi au Christ dans le monde païen d’alors, hostile à l’Evangile: “La détresse? l’angoisse? la persécution? la faim? le dénuement? le danger? le supplice?”.

Même si tout cela nous menace, même si “à cause du Christ” on nous enlève la vie - saint Paul dit “c’est pour toi qu’on nous massacre sans arrêt” -, cependant “en tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés”!

Donc, “rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus Christ notre Seigneur” (
Rm 8,35-39).

2. Ces paroles ont été écrites à l’époque romaine, quand ceux qui se proclamaient les disciples du Christ se sont trouvés soumis à une grande épreuve de leur foi et de leur amour pour le Sauveur.

Quand nous relisons aujourd’hui les mêmes paroles à Lubumbashi, au lendemain de la béatification de la bienheureuse Anwarite, elles ont une autre portée qu’au temps de Néron, mais il y a des ressemblances.

Devant la menace de mort, Anwarite devait se poser la même question:

“Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ?”.

“La mort?”.

“Ni la mort ni la vie . . . ni aucune créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus Christ”.

Avec tant d’hommes et de femmes qui ont donné à l’Epoux divin le témoignage définitif, en tous les temps, sur tous les continents, Anwarite pouvait dire: “En tout ceci nous sommes les grands vainqueurs grâce à Celui qui nous a aimés”.

367 Aujourd’hui, c’est une jeune fille du Haut Zaïre qui témoigne de la foi en Jésus Christ. Elle a consacré sa vie à l’Epoux divin et elle a été fidèle jusqu’à la mort.

Son témoignage, porteur de fidélité jusqu’au martyr, avec la motivation purement, explicitement, religieuse, a fait que l’attention de l’Eglise et du peuple zaïrois, a été spécialement fixée sur l’examen de son cas, en vue de la béatification pour proposer son exemple aux fidèles.

On ne peut pas oublier beaucoup d’autres victimes de la violence injuste et de la guerre en ce pays même et ailleurs dont les mérites sont connus de Dieu. Je pense notamment aux prêtres, religieux, religieuses et laïques qui ont témoigné d’un grand courage dans le don d’eux-mêmes au service de leur prochain et dans l’attachement à leur foi ou aux exigences de leur vie chrétienne au risque de leur propre vie. La lumière qui émane de la Bienheureuse Anwarite rejaillit sur leur sacrifice. Nous les englobons dans notre souvenir reconnaissant et dans la prière que nous élevons aussi pour leurs amis et leur communauté.

Anwarite est proche de nous, car elle est née il y a 44 ans. Sa famille, ses soeurs vivent toujours dans ce pays. La foi de l’enfant, attirée tôt par la vie religieuse, n’avait cessé de s’approfondir, en même temps qu’elle découvrait les exigences des services apostoliques et celles de la vie religieuse. Nous l’admirons particulièrement car rien d’autre ne la distingue que sa fidélité simple, inspirée par la foi et l’amour du Christ, au don total d’elle-même. N’est-il pas émouvant que les derniers mots qu’elle ait notés sur son carnet, le jour du martyre, soient: “Notre témoignage de pureté de coeur?”.

3. Comme la propose la liturgie, avec Anwarite et pour elle, nous rendons grâce en reprenant la prière de Ben Sirac le Sage:

“Dieu mon Sauveur, je rends grâce à ton nom,
car tu as été pour moi un défenseur et un soutien . . .
Je me suis rappelé à ta miséricorde, Seigneur . . .
et je fis monter de la terre ma prière.
Tu m’as délivré du gouffre profond de la mort,
de la langue venimeuse, et de la parole mensongère.
368 C’est pourquoi je te rendrai grâce et je te louerai,
et je bénirai le nom du Seigneur” (Cfr. Sir. 51, 1-2. 8-9. 5. 12).

Oui, nous redisons cette prière confiante et nous rendons grâce, car la mort n’a pas eu le dernier mot. Anwarite, sans crainte de ceux qui tuent le corps, est accueillie par le Seigneur, qui lui dit: “Tu t’es prononcé pour moi devant les hommes, moi aussi je me prononcerai pour toi devant mon Père qui est aux cieux” (Cfr. Matth
Mt 28,32).

Nous reconnaissons en Anwarite un témoin d’une Eglise franchissant alors une grande étape de son histoire. C’était comme le point d’arrivée de la première évangélisation, quand une fille de cette terre la féconda de son sang virginal.

Et dans cet événement, maintenant qu’il est célébré par la béatification d’Anwarite, nous voyons un point de départ. L’Eglise au Zaïre, désormais dirigée par des évêques fils de son peuple, avance vers la maturité de l’évangélisation en profondeur. Les difficultés ne lui seront pas épargnées, la fidélité pourra coûter beaucoup de peines, mais nous demandons au Seigneur qu’il soit votre soutien par la grandeur de sa miséricorde et la gloire de son nom (Cfr. Sir. 51, 2-3), afin qu’ensemble vous puissiez dire vous aussi: “Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus Christ notre Seigneur” (Rm 8,39).

L’amour vrai qui vient de Dieu, l’amour qu’a vécu votre première Bienheureuse, est nécessaire en ce monde où bien des hommes et des femmes connaissent l’angoisse, le dénouement, la faim et, dans trop de régions du monde, la persécution ou le supplice. Ce monde change. En ce monde, le goût des biens matériels, l’égoïsme, le repli sur soi provoquent le mal de vivre. Qu’Anwarite vous aide, elle qui savait si bien rendre les autres heureux, à vous redonner les uns aux autres la joie de vivre!

4. Frères et Soeurs de Lubumbashi, du Shaba, de tout l’immense Zaïre, le successeur de Pierre désire affermir ses frères comme le Seigneur l’en a chargé, en rendant grâce avec vous pour les dons de Dieu, en priant pour que tous soient de plus en plus fidèles aux appels du Christ. Je suis heureux de célébrer l’Eucharistie avec vous qui accueillez chaleureusement l’Evêque de Rome. Et je salue parmi vous les évêques présents autour de l’Archevêque de Lubumbashi, Monseigneur Kabanga Songasonga, que je remercie des paroles qu’il m’a adressées. Vous constituez une Eglise nombreuse et dynamique. Sa véritable force et sa profonde cohésion viennent de “l’amour de Dieu répandu dans nos coeurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné” (Cfr. ibid. 5, 5). Ce don fondamental, sachez l’accueillir. Laissez-vous conduire par l’Esprit d’amour dans toutes les activités qui constituent la vie de l’Eglise et modèlent son visage!L’unité fraternelle est une base essentielle pour que la Bonne Nouvelle puisse être entendue. C’est la qualité de ce qui est vécu ensemble qui donne au témoignage sa crédibilité. Rappelez-vous toujours que Jésus a dit, la veille de sa mort: “Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres” (Jn 13,35). On reconnaît la communauté des disciples du Christ au soutien mutuel de ses membres, à leur bienveillance réciproque, à la générosité de leur entraide, à la bonne collaboration entre les laïcs, les religieux et les prêtres, à l’entente entre les générations et entre les personnes d’origines différentes. Pour ce que l’Esprit vous donne d’accomplir en ce sens, nous rendons grâce. Et nous prierons pour que cet amour fraternel dans toute la communauté inspire une action généreuse.

La maturité d’une Eglise unie se reconnaît aux fruits qu’elle porte. Apprécier complètement leur prix, cela relève du jugement de Dieu. Mais nous pouvons en reconnaître des signes. J’en évoque quelques-uns pour vous aider à faire le point.

Le plus visible de ces signes, ce sont les rassemblements d’une Eglise qui célèbre la liturgie. La participation de tous les membres du peuple de Dieu, l’écoute de la Parole de Dieu, l’union autour du célébrant qui préside la prière et offre le sacrifice du Seigneur, l’accueil du Corps du Christ, réellement présent, dans la joie de la communion, la claire solidarité avec toute l’Eglise dans le monde, tout cela exprime la vie intérieure d’une communauté unie. L’authenticité de la célébration est une condition pour que des frères plus nombreux rejoignent les disciples du Christ aujourd’hui. En ce moment le Congrès eucharistique international manifeste toute la portée de la présence et de l’action du Christ Sauveur dans son Eglise. D’ici quelques heures, je serai à Nairobi. Je vous invite à communier par la pensée avec tous ceux qui y sont rassemblés et avec toutes les familles de la terre.

On pourrait connaître la tentation de se replier sur la communauté. Mais, limitée à son propre groupe, elle perdrait évidemment sa raison d’être. Car un amour qui ne se partage pas demeure stérile. Le vigneron de l’Evangile taille les rameaux et, s’ils ne portent pas de fruits, il les coupe (Cfr. ibid. 15, 1-9). Il faut que tous s’interrogent solidairement sur la part de responsabilité qu’ils prennent dans le témoignage de l’Evangile au dehors, auprès de leurs frères qui ne la connaissent pas, ou qui s’en sont éloignés. Une Eglise vivante est missionnaire. Vous le savez, vous qui vous employez à accomplir dans votre société une évangélisation en profondeur.

Un autre signe de maturité encore est la relation vivante de l’Eglise locale avec les communautés des autres pays qui appartiennent au même Corps du Christ. Saint Paul parle des branches greffées sur l’olivier dont la racine est sainte (Cfr. Rom Rm 11,16-24). Chaque branche apporte à l’arbre ses propres qualités: celles que vous pouvez donner à l’Eglise universelle sont considérables. Mais la branche s’épanouit vraiment quand elle laisse monter en elle la sève qui vient du Seigneur et quand elle s’intègre à la plante unique. Frères et Soeurs du Zaïre, je sais la vigueur de votre branche; vous en faites bénéficier les Eglises soeurs en ce continent et bien au delà. Faites-le à partir de l’unique sève qui est celle de l’Evangile transmis par les Apôtres et leurs successeurs: ils ont reçu la charge de discerner à chaque époque ce qui l’exprime fidèlement. A l’évêque de Rome revient particulièrement le rôle d’assurer l’unité de toute l’Eglise, à la suite de Pierre.

369 5. Chers Frères et Soeurs, j’ai évoqué ces aspects de la communauté qui célèbre, qui assume la mission évangélique et qui demeure solidaire de toute l’Eglise. Je voudrais maintenant demander avec vous au Seigneur qu’il fortifie et éclaire toujours plus chacun d’entre vous personnellement dans les différentes actions de sa vie de chrétien.

L’Evangile nous dit que Jésus lui-même priait longuement à toutes les étapes de sa mission. Etes-vous fidèles et disponibles à la prière? Chacun a-t-il à coeur de prolonger la prière commune de la liturgie par une prière personnelle de chaque jour? Rappelez-vous que la bienheureuse Anwarite ne manquait pas d’achever sa journée en priant avec Marie et qu’elle aimait dire le chapelet.

Et dans quel esprit priez-vous? S’agit-il d’obtenir ce que l’on a soi-même décidé ou de se livrer à la volonté de Dieu? S’agit-il d’épancher ses propres sentiments, ou plutôt de se laisser saisir par la Présence et la Parole de Dieu? Est-on disposé aussi, tout simplement, à prendre le temps de partager son expérience spirituelle avec ses frères et, dans les divers groupes, à s’entraîner mutuellement sur les chemins de Dieu? Que l’Esprit de Dieu se joigne à votre esprit pour vous permettre d’approfondir l’expérience de la prière! (Cfr. Rom
Rm 8,26)

6. En achevant le discours sur la montagne, Jésus déclare: “Il ne suffit pas de me dire:«Seigneur, Seigneur!» pour entrer dans le Royaume des cieux; mais il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux” (Mt 7,21). C’est dans tous les domaines que l’action du chrétien doit consister à “faire la volonté de mon Père”. Certains trouvent cela impossible, décourageant . . . La loi peut paraître dure . . . Mais, lorsque l’on a découvert qu’on est aimé de Dieu, comment ne pas désirer ordonner sa conduite à la lumière de sa Parole, comment ne pas consentir aux exigences de la justice et de l’amour, à celles d’un vrai respect de l’homme qui a la dignité de fils de Dieu? Et si l’on est sincère et humble, comment ne pas admettre que l’Eglise a le devoir d’énoncer les règles morales conformes à l’Evangile? Si la faiblesse, les influences contraires rendent difficile l’observation d’une saine morale, il ne faut pas se décourager: la miséricorde et l’exigence s’accordent dans l’amour unique du Seigneur, le soutien de la grâce ne fait pas défaut à qui l’invoque. Et si quelqu’un tombe, en rupture avec la loi de vie, que ses frères lui tendent la main, et que, surtout, il sache que le Seigneur est prêt à pardonner ceux qui se tournent vers lui. Saint Paul exprime avec force cet aspect du ministère apostolique: “Tout vient de Dieu: il nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné pour ministère de travailler à cette réconciliation” (2Co 5,18). Sur la voie du bien, les exemples lumineux sont nombreux dans la communauté chrétienne. N’oublions pas la fidélité d’Anwarite! Que Dieu donne à ses soeurs et à ses frères le même courage pour le suivre sur les chemins, rudes mais nobles, qui conduisent à son Royaume!

7. Orienter sa vie selon la loi de Dieu, cela conduit à la générosité plutôt qu’à la recherche de son intérêt propre. C’est respecter la vie et la dignité de tout être humain, c’est rechercher en toute circonstance la justice, assurer les fonctions dont on est chargé avec une stricte intégrité, contribuer à la bonne entente et à la paix entre les groupes. C’est faire un usage avisé des ressources dont le Créateur nous permet de disposer, afin que chacun bénéficie de la juste part qui lui est nécessaire pour vivre convenablement, soigner son corps, développer son intelligence, mettre en oeuvre ses capacités personnelles, assumer ses responsabilités familiales.

Frères et Soeurs chrétiens, que la foi et l’amour, qui sont les bienfaits de Dieu, soient pour vous des raisons de travailler dans la société avec générosité: assumez pleinement votre rôle dans le développement du pays. Soyez porteurs d’espérance, soyez fidèles aux grandes valeurs humaines quand vous contribuez à l’éducation des jeunes, à la construction de la cité dans la paix. Soyez ouverts au dialogue avec ceux qui ne partagent pas votre foi, et avec les chrétiens qui ne se reconnaissent pas dans l’Eglise catholique.

“Vous êtes le sel de la terre” (Mt 5,13). Par cette parole, Jésus vous charge de faire découvrir à vos frères que lorsqu’on entre dans l’Alliance avec Dieu, l’existence humaine a plus de saveur, c’est-à-dire plus de grandeur et de beauté. L’Evangile que nous portons est comme le sel, ou encore le levain, dans la apte déjà pétrie par toutes les cultures, par toutes les générations. Libres fils de l’Afrique, rendez grâce pour la rencontre des riches héritages de vos peuples avec l’héritage du Fils de Dieu, Lui qui a livré sa vie pour que les hommes de tous les continents deviennent ensemble ses frères!

8. Tout le sens de la vie chrétienne, avec ses exigences et sa joie, nous le voyons accompli avec les saints. En eux, nous glorifions l’oeuvre la plus belle de la Création de Dieu, de la Rédemption, de la sainteté communiquée par le Père, le Fils et l’Esprit Saint.

Leur présence est pour nous un grand défi. C’est la vivante expression du défi du Règne de Dieu, adressé aux hommes qui vivent dans ce monde où n’est pas encore édifiée notre demeure définitive.

Voici votre compatriote Anwarite - votre compatriote et votre contemporaine -, elle se présente aujourd’hui devant tout le peuple de cette terre africaine et lui redit les paroles du Christ:

“Celui qui se prononce pour moi devant les hommes,

370 moi aussi je me prononcerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux” (Mt 10,32).

Avec la première fille du Zaïre élevée sur les autels, nous écoutons avec confiance les paroles exigeantes de notre Rédempteur, avec elle qui n’a pas renié le Seigneur, avec elle que sa fidélité a conduite au sacrifice de sa propre vie. Grâce au témoignage qui nous est donné, peut mûrir en vous la conviction que nous sommes sauvés par le Christ: rien “ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus”!

Bienheureuse Anwarite, notre soeur, obtiens pour nous du Seigneur la grâce d’être à jamais unis en Lui!

Amen.






Homélies St Jean-Paul II 15885