Homélies St Jean-Paul II 465

1990



VOYAGE APOSTOLIQUE

AU CAP VERT, GUINÉE BISSAU, MALI, BURKINA-FASO ET TCHAD

CÉLÉBRATION DE LA MESSE DANS LE STADE «OMNISPORT»

Bamako (Mali)
Dimanche 28 janvier 1990



466 1. «Vous êtes la lumière du monde... Vous êtes le sel de la terre» (Mt 5,14 Mt 5,13).

Cher Frères et Soeurs,

Ces paroles, le Seigneur Jésus les a adressées à ses disciples. Il continue à les adresser à ceux et à celles qui, partout dans le monde, sont aujourd’hui ses disciples.

En ce jour, le Seigneur Jésus met ces mêmes paroles sur les lèvres de l’Evêque de Rome. Elles s’adressent à vous d’une manière particulière, à vous chers Frères et Soeurs qui êtes les disciples du Christ dans ce pays africain du Mali, à vous qui êtes rassemblés pour célébrer la liturgie de l’Eucharistie en cette ville de Bamako, capitale du Mali, ou bien assister à cette liturgie chrétienne. Frères et Soeurs, je vous salue de grand coeur et je vous dis toute ma joie d’être avec vous dans votre propre pays comme messager de Dieu.

Je salue cordialement Monseigneur Luc Sangaré, Archevêque de Bamako, et je le remercie de son adresse de bienvenue au début de cette messe. Je salue également les évêques qui l’entourent, ainsi que les prêtres, les religieux et les religieuses.

Aux Autorités civiles venues à cette célébration liturgique, je présente mes salutations déférentes et je les remercie de leur présence.

Et, encore une fois, salut à vous, Frères et Soeurs Maliens, et à vous aussi, Frères et amis lointains qui êtes de coeur avec nous par la Radio-Télévision nationale.

2. Que veulent dire ces paroles du Christ sur la lumière et sur le sel? Elles ont un sens métaphorique: la lumière parce qu’elle éclaire; le sel parce qu’il donne de la saveur aux aliments.

Pour quelles raisons, nous qui sommes disciples du Christ, rassemblons-nous au sel et à la lumière? Avant tout, parce que nous vivons l’amour, cet amour dont l’Apôtre dit qu’il est « l’accomplissement parfait de la Loi » (Rm 13,10); l’amour de Dieu et celui du prochain.

Les commandements de la Loi, nous a rappelé saint Paul dans la première lecture de cette messe, « se résument dans cette parole: Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Rm 13-9).

C’est ce que l’Eglise au Mali a fait tout au long de son histoire centenaire. Elle s’est efforcée d’imiter le Christ qui est venu pour servir. Elle a répondu aux appels et aux attentes des peuples. Elle n’est pas restée indifférente aux angoisses et aux détresses de ceux que la dureté de la vie et l’égoïsme de leurs semblables ont meurtris dans leur chair ou dans leur coeur. Elle a multiplié et diversifié ses engagements: dans l’enseignement, la santé, la promotion des femmes et des paysans, la lutte contre la faim et l’analphabétisme, contre la sécheresse et la désertification. Bref, les disciples de Jésus ont eu à coeur de témoigner en actes de l’amour mutuel qui anime ceux et celles qui se mettent à l’école du Christ.

467 3. Le sel est nécessaire à la conservation des aliments. Il leur donne de la saveur. Et l’Eglise des disciples du Christ doit être, à sa manière, un « aliment sain » pour les hommes et pour la société. C’est ce qu’elle doit être ici, au Mali.

Les chrétiens qui, sur la parole du Christ, s’efforcent d’être « le sel de la terre » doivent être préparés à être plongés dans la marée humaine. Ils ne peuvent pas demeurer spectateurs de la réalité quotidienne, mais ils doivent y entrer pour donner un goût, un goût divin à cette réalité.

Il est bon qu’ils créent toutes sortes d’oeuvres et s’engagent dans toutes sortes d’organismes, mais il ne faut pas céder à la tentation de rester à l’écart. Leur souci sera toujours de donner du goût à la réalité humaine de tous les jours: à l’école, sur les lieux de travail, dans les institutions du pays.

Sachant que le sel est utile parce qu’il donne sa saveur, les chrétiens ont à coeur de ne pas s’affadir mais, au contraire, de se former continuellement, d’approfondir toujours davantage la foi de leur baptême, dans le prolongement de la grande expérience de renouvellement spirituel qu’a été au Mali l’Année du centenaire.

Etre « sel de la terre » ou, en d’autres termes, apôtre, missionnaire, évangélisateur, ce rôle revient à tous les chrétiens, parce que, à leur baptême, ils ont été marqués du sceau de l’Esprit qui en fait des témoins et des messagers de la Bonne Nouvelle.

Pour pouvoir rendre compte de l’espérance qui est en eux, (cf.
1P 3,15) hommes et femmes auront à coeur de poursuivre leur formation, comme l’a recommandé le dernier Synode des Evêques sur la mission des laïcs.

Ce sont les hommes et les femmes à la foi vigoureuse qui réagissent à la désespérance, au pessimisme ou à la passivité: autant de dangers qui menacent les habitants d’un pays comme le vôtre, en proie à tant de fléaux naturels et de difficultés d’ordre socio-économique.

4. Si les disciples du Christ sont vraiment « le sel de la terre », si l’Eglise se présente comme un « aliment sain » pour la société, alors elle est aussi la lumière dont parle l’Evangile d’aujourd’hui, la lumière qu’on « met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison » (Mt 5,15).

Au moment du baptême, chacun a reçu un cierge dont la flamme a été allumée au cierge pascal: c’est le symbole du don de la lumière, lumière qui vient du Christ, lumière qui est le Christ lui-même. A vous, fils et filles baptisés, de répandre cette lumière, comme on le fait durant la nuit pascale, afin d’annoncer au monde l’espoir et le salut que Dieu lui donne.

L’Eglise au Mali prend racine de plus en plus. La célébration du centenaire a permis à chacun d’en prendre davantage conscience et d’en rendre grâce à Dieu. Il s’agit maintenant de poursuivre la mission dans la sillage tracé. A vous d’explorer les chemins maliens pour vivre plus profondément encore la foi chrétienne et pour témoigner de Jésus-Christ autour de vous. Un immense chantier vous est offert: proclamer le Christ dans votre pays et sur tout le continent africain, et inviter ceux qui y vivent à marcher vers la lumière. L’an dernier, en la fête de l’Epiphanie du Seigneur, j’ai annoncé une Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode des Evêques. J’espère en effet, qu’à la veille du troisième millénaire, l’Eglise en Afrique propagera la Bonne Nouvelle du Christ avec un dynamisme renouvelé, dans une rencontre vivifiante de l’Evangile avec les valeurs africaines authentiques. Chers Frères et Soeurs, je vous invite à entrer dans cette mobilisation générale des forces spirituelles du catholicisme africain. Cette Assemblée spéciale vous concerne tous. Chacun et chacune d’entre vous s’y associera par la prière, par la réflexion, par les échanges et par la célébration communautaire afin que vos Pasteurs méditent dans cette Assemblée ce que l’Esprit donne à l’Eglise de vivre sur tout le continent.

5. Votre mission est donc de porter la lumière du Christ. Pour cela, il faut que la personne du Seigneur vous soit familière grâce à la prière personnelle et commune; il faut qu’elle vous soit bien connue grâce à l’approfondissement de la foi. Continuez aussi à développer les structures communautaires qui favorisent une vie fraternelle et chaleureuse.

468 Il faut encore affermir votre identité chrétienne et ne pas avoir peur de la manifester en paroles et en actes, en tant qu’individus et en tant qu’Eglise. Votre vocation chrétienne comprend la vocation à l’apostolat. L’ultime recommandation du Seigneur à ses Apôtres avant la Pentecôte a été celle-ci: « De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit; et apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés » (Mt 28,19-20). Comme pour fortifier le courage des disciples, le Christ a ajouté: « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20).

6. Poursuivre la mission aujourd’hui demande aussi que les fils et les filles de l’Eglise catholique au Mali entreprennent de dialoguer avec ceux dont la foi est différente de la leur.

La rencontre avec des croyants d’autres traditions invite à approfondir ses propres convictions pour bien reconnaître la vérité sur Dieu et sur l’homme. En toute clarté, on peut alors collaborer pour sauvegarder les grandes valeurs humaines et spirituelles: la paix, la justice, le respect mutuel, la dimension intérieure de l’homme, le destin ultime de l’humanité.

Le dialogue est un chemin nécessaire aujourd’hui. C’est même un aspect essentiel de la mission évangélisatrice de l’Eglise, qui ne peut pas « proclamer l’Evangile à toute création » (Mc 16,15) en dehors d’un dialogue de foi et d’amour avec ceux à qui la Bonne Nouvelle est annoncée. Le dialogue authentique devient alors un témoignage; le respect et l’écoute mutuels sont des attitudes vraiment évangéliques.

7. Lorsque nous méditons les paroles du Seigneur Jésus sur le sel et sur la lumière - c’est-à-dire sur la vocation chrétienne, nous pensons aux paroles du Livre de la Genèse que nous avons entendues: « Je suis le Dieu Tout-Puissant; marche en ma présence et sois parfait. J’établis mon alliance entre moi et toi... ton nom sera désormais Abraham, car je fais de toi le père d’un grand nombre de peuples » (Gn 17,5). L’alliance de Dieu avec Abraham continue « de génération en génération ». C’est une alliance éternelle.

Le dessein de Dieu, qui est un dessein de salut, concerne ceux qui reconnaissent le Créateur, et particulièrement nos frères musulmans qui professent la foi d’Abraham et qui adorent comme nous le Dieu unique et miséricordieux. De même qu’Abraham s’est soumis à Dieu, ils cherchent à se soumettre aux décrets de Dieu.

Je me réjouis qu’au Mali règne un climat d’entente entre les communautés musulmanes et catholiques, qui sont traditionnellement tolérantes. Le dialogue entre musulmans et chrétiens est aujourd’hui plus nécessaire que jamais. Dieu est source de toute joie. Aussi devons-nous témoigner de notre culte envers Lui, de notre adoration, de notre prière de louange et de notre supplication. Nous devons témoigner de notre recherche de sa volonté. C’est Dieu qui inspire notre engagement pour un monde plus juste et plus fraternel. C’est l’amour de Dieu qui nous pousse à nous préoccuper des conditions de vie de nos frères et de nos soeurs qui vivent dans le même pays.

Je souhaite que le dialogue entre musulmans et catholiques progresse encore davantage et favorise une coopération constructive. Les liens d’amitié qui existent entre les deux communautés sont une garantie de respect de la dignité de tout être humain et de la convivialité nécessaire pour que tous affrontent en commun les problèmes posés à l’ensemble de la nation.

8. L’alliance du Dieu Tout-Puissant avec Abraham a atteint sa plénitude en Jésus-Christ, Rédempteur du monde. « Par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. (Gaudium et spes GS 22)

Il a travaillé avec des mains d’homme, il a pensé avec une intelligence d’homme, il a agi avec une volonté d’homme, il a aimé avec un coeur d’homme ». A vous qui écoutez l’Evangile du Christ, à vous qui vous déclarez disciples du Christ dans votre pays, à vous en particulier qui participez à l’Eucharistie de ce grand jour, je souhaite que « votre lumière brille devant les hommes: alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux » (Mt 5,16).

Amen.

MESSE AU SANCTUAIRE MARIAL DE YAGMA

469 Yagma (Burkina-Faso)
Lundi 29 janvier 1990



M Saambiisi (Frères et Soeurs)

Mam puusda yamb faa, Burkina Ramba! (Je vous salue tous, peuple du Burkina!)

1. Je vous salue tous, membres du Peuple de Dieu au Burkina, qui que vous soyez, et où que vous habitiez sur cette terre d’hospitalité et de paix. Merci de votre accueil joyeux du Pape, le successeur de Pierre qui a reçu du Seigneur la mission de fortifier la foi de ses frères. C’est le but de mon nouveau pèlerinage parmi vous, dix ans après mon premier passage à Ouagadougou.

Je salue de tout coeur mon Frère le Cardinal Paul Zoungrana, et je le remercie pour ses paroles de bienvenue. Je lui offre mes meilleurs voeux pour ses vingt-cinq ans de cardinalat qu’il va célébrer le 22 février.

Mes salutations cordiales vont à tous vos évêques, aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, aux catéchistes, aux animateurs de mouvements. Merci à tous de votre ferveur et de votre joie! J’adresse aussi mon salut aux Autorités civiles et je les remercie d’avoir facilité notre rassemblement.

2. Nous voici réunis pour célébrer la sainte Eucharistie, pour y participer. Comme le disaient les anciens Pères de l’Eglise, nous dressons deux tables: sur l’une, il y a le pain de la Parole de Dieu, sur l’autre, nous déposons la nourriture eucharistique du Corps et du Sang du Seigneur.

Que nous dit aujourd’hui la Parole de Dieu? Elle nous dit que « lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils; il est son Fils; il est né d’une femme... pour faire de nous des fils » (
Ga 4,4-5).

Selon l’enseignement de saint Paul, qui a écrit ces paroles aux Galates, l’« accomplissement des temps » arrive avec la naissance terrestre du Fils de Dieu, Jésus, né de la Vierge Marie par l’action de l’Esprit Saint. En ce temps nouveau, les fils et les filles du genre humain sont adoptés, élevés à la dignité de fils de Dieu, frères du Fils éternel de Dieu.

Voilà l’essentiel du message de la Parole de Dieu aujourd’hui.

470 3. Cette vérité, saint Matthieu la confirme dans l’évangile que nous venons d’entendre. Il nous dit qu’un jour Jésus enseignait: il accomplissait sa mission de Messie. Quelqu’un lui dit que sa Mère et ses frères, c’est-à-dire des membres de sa famille, se trouvaient dans la foule et voulaient lui parler.

Jésus n’a pas interrompu son enseignement, mais il a profité de la présence de Marie, sa Mère, et de membres de sa famille pour montrer les vrais liens qui unissent les hommes en Dieu, des liens plus forts que ceux du sang!

«Qui est ma mère, et qui sont mes frères?» (
Mt 12,48), demande Jésus. Et, « tendant la main vers ses disciples il dit: " Voici ma mère et mes frères"» (Mt 12,49).

Oui, grâce au Fils de Dieu fait homme, de nouveaux liens spirituels sont établis. Ils viennent de « l’adoption filiale » que le Père éternel nous a accordée en envoyant dans le monde son Fils unique, né d’une femme.

4. Ces liens nouveaux entre l’homme et Dieu, et entre les hommes unis par « l’adoption filiale », ce sont les fruits de l’Esprit Saint qui agit dans nos âmes.

Et saint Paul dit aux Galates: « Voici la preuve que vous êtes des fils: envoyé de Dieu, l’Esprit de son Fils est dans nos coeurs, et il crie vers le Père en l’appelant " Abba " ». (Ga 4,6)

Le Fils dit au Père: « Abba Père ». Le Fils de Dieu nous a appris à dire à son Père qui est aux cieux: « Notre Père ». La prière que Jésus nous a enseignée, la Prière du Seigneur, est la prière des fils et des filles de l’adoption divine, de tous ceux qui ont reçu, dans le Christ, « l’adoption filiale ».

L’Apôtre ajoute qu’aucun d’eux n’est plus esclave, mais fils et héritier par la volonté de Dieu. (cf. Ga 4,7) Tous ont part à l’héritage du Fils unique. Tous, a tous les âges, grands ou petits, riches ou pauvres! Tous peuvent recevoir le don de la foi. Tous peuvent être baptisés dans le Christ.

5. Ici, au Burkina, la foi vous a été annoncée il y a maintenant quatre-vingt-dix ans, depuis que les Pères Blancs et les Soeurs Blanches sont venus porter la semence de la parole dans votre terre. Ils méritent votre gratitude. Je sais avec quel zèle ils ont formé parmi vous des chrétiens convaincus et fondé des communautés ferventes, et ils ont fait éclore dans les familles le fruit précieux des vocations au sacerdoce et à la vie religieuse. Maintenant, ils sont heureux de collaborer avec les évêques et les prêtres locaux.

Les missionnaires ont été épaulés dans l’immense travail de l’évangélisation par la vaillante armée des catéchistes qu’ils ont su préparer à leur rôle d’apôtres dévoués. Ces hommes de foi, parfois fondateurs de communautés, souvent seuls pour les animer, sont restés discrets. Dieu sait quelle a été leur peine et quel dénuement ils ont accepté. Ils ont droit à notre reconnaissance. Réjouissons-nous avec eux, car l’Eglise au Burkina est aussi leur couronne!

Oui, car la voici, cette Eglise, dans toute sa beauté! Prêtres, religieux et religieuses, catéchistes, laïcs, tous rassemblés dans cette Famille de Dieu qu’avec vos pasteurs, mes Frères dans l’épiscopat, vous voulez faire grandir! « Eglise-Famille de Dieu », c’est un but que vous avez choisi en célébrant les soixante-quinze ans de l’évangélisation, c’est une orientation qui répond à vos aspirations profondes; elle vous aidera à enraciner la foi dans votre terre africaine. Continuez à réfléchir aux valeurs de l’Eglise-Famille, et continuez à avancer dans sa construction!

471 6. Je voudrais saluer tous ceux qui forment cette Famille de Dieu, l’ensemble des laïcs qui prennent fidèlement leur part de la mission d’évangélisation, dans les paroisses, dans l’animation des petites communautés, dans la catéchèse. Je pense à ceux qui militent dans vos multiples mouvements, les groupes de prière, les services ecclésiaux. En particulier, je voudrais saluer les plus pauvres. Je sais avec quelle générosité ils savent aider qui est plus pauvre qu’eux, rebâtir la maison écroulée d’une famille démunie, comme on me l’a écrit de chez vous.

Même sans appartenir à un groupe, chacun reçoit une mission pour l’Eglise, c’est-à-dire pour servir Dieu, pour servir ses frères et la société. C’est pour vous que j’ai écrit l’exhortation « Christifideles laici» à la suite du Synode des évêques.

7. Dans la période de renouvellement que vit votre pays, l’Eglise, et les laïcs en particulier, sont appelés à travailler pour que ce renouvellement se fasse sur la base du respect de la personne humaine et de la famille. La vie humaine est inviolable. Le droit à la vie doit être défendu sans cesse « comme droit premier, origine et condition de tous les autres droits de la personne ». (Christifideles laici
CL 38)

C’est la famille qui constitue « le premier espace pour l’engagement social des fidèles laïcs ». Ils doivent se convaincre « de la valeur unique et irremplaçable de la famille pour le développement de la société et de l’Eglise elle-même. (n. 40) Et il est normal de respecter et de faire respecter la vie humaine « à tout moment de son développement, depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle » (n. 38). Il faut garantir la stabilité des foyers et permettre aux couples de vivre une paternité et une maternité responsables, en résistant à l’invasion des méthodes qui vont contre la dignité de la femme et, par là, n’honorent pas l’homme. J’appelle tous les laïcs à lutter pour l’assainissement et la sanctification de la famille. J’en appelle en particulier aux femmes qui, dans votre pays, ont toujours su oeuvrer pour une société saine et vigoureuse.

8. Je voudrais aussi encourager votre jeunesse, si nombreuse et dynamique. Elle doit faire face aux fléaux modernes, aux séductions de la drogue ou d’une sexualité mal comprise, à la difficulté de bien se former et de gagner sa vie. Je dis aux jeunes mon estime et mon affection, et aussi ma confiance: je les crois capables de construire leur vie dans le sens de la vérité, de la liberté et du service.

Chers jeunes, soyez les dignes héritiers des richesses humaines de votre peuple. Gardez le courage dans le travail et la volonté de vaincre qui caractérisent les Burkinabè. Gardez ce sentiment de dignité qui fait votre fierté. Demeurez dans l’unité et la concorde, ce sont les fruits de la réconciliation entre les fils de ce pays!

9. Frères et Soeurs, venez tous à la table de la Parole de Dieu, vous y recevez la Parole de vie, la Bonne Nouvelle que Dieu est fidèle dans son amour qu’il guérit et pardonne, qu’il vous affermit dans l’espérance.

Venez à la table de la nourriture eucharistique où se rassemblent les jeunes et les anciens, tous les membres du Corps du Christ, unis par la communion à Jésus ressuscité, fortifiés dans la foi et encouragés à agir ensemble pour accomplir la volonté du Père.

Jésus vous dit: « Celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une soeur et une mère ». Par sa présence et par le don de son Esprit dans vos coeurs, il fait de ses frères les héritiers du Royaume du Père.

10. En ce haut lieu de prière qu’est Yagma, chers fils et filles du Burkina, nous nous tournons vers la Mère de Jésus. Notre-Dame de Yagma, comme vous aimez l’appeler. C’est par elle que le Fils de Dieu « est né d’une femme » (Ga 4,4), parce qu’elle a accepté de devenir sa Mère, dans la foi et l’obéissance à la Parole qui lui fut dite. Dans son corps virginal, Marie, que Dieu avait choisie, a mérité de concevoir ce Fils, gardant dans son coeur la Bonne Nouvelle que dit ce nom: Jésus, Dieu sauve. Heureuse Vierge qui écoute la parole de Dieu et qui la garde (cf. Lc 11,27)!

Je sais que vous venez souvent la prier ici, et je souhaite que vous pussiez édifier un sanctuaire digne de la Vierge Marie; cela sera le signe visible de votre confiance en elle. Priez fidèlement la Mère du Sauveur. L’un de vous m’a écrit que le chapelet est « comme la calebasse du mendiant ». Guidés par les paroles de l’Ange, vous pouvez toujours vous adresser à elle comme ses fils.

472 Avec vous, je lui demande de veiller, dans sa tendresse, sur l’Eglise-Famille au Burkina-Faso.

M Saambiisi, (Frères et Soeurs),

Wend na song yamb faa! (Que Dieu vous aide tous!)

Wend na ning yamb faa barka! (Que Dieu vous bénisse tous!)

La wend na ree-ed kosgo! (et qu’Il exauce notre prière!).

CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE SUR LA «PLACE DE LA GARE»

Bobo Dioulasso (Burkina-Faso)
Mardi 30 janvier 1990



«Le Royaume des cieux est comparable à une graine de moutarde». (Mt 13,31)

1. Chers Frères et Soeurs, avec vous je voudrais méditer le mystère du Royaume de Dieu, dont le Seigneur nous parle « en paraboles » dans l’évangile d’aujourd’hui.

Je suis heureux de le faire en célébrant le Sacrifice du Christ, pour vous et avec vous, en cette belle fête du diocèse de Bobo Dioulasso. Je remercie votre Pasteur, Monseigneur Anselme Sanon, de ses paroles de bienvenue, et je vous remercie tous de votre accueil. Je salue les Autorités civiles, en leur disant ma gratitude pour leur participation à notre rassemblement.

J’adresse aussi un salut cordial à nos amis, fidèles de la religion traditionnelle, et à nos amis musulmans qui ont tenu à s’associer à la joie de leurs frères.

473 Frères et Soeurs de l’Eglise plantée sur le sol bobolais, et vous tous venus en ce carrefour de peuples, le successeur de Pierre vous salue avec joie et avec affection!

2. Parce que j’ai reçu la mission d’affermir mes frères dans la foi, comme le Seigneur l’a demandé à Pierre, je voudrais que nous tournions notre regard d’abord vers le Christ qui nous a donné les paroles de l’Evangile et qui nous montre les chemins du Royaume des cieux.

Le prophète Isaïe, dans la première lecture, nous annonce déjà qui est en vérité Jésus de Nazareth: Il est « consacré par l’onction », par « l’Esprit du Seigneur » (Es 61, 1). Il est le Messie. Il est envoyé par Dieu lui-même, par le Père, avec la puissance de l’Esprit divin. Il est le Fils, de même nature que le Père, celui que le Père a envoyé au monde parce qu’il a aimé le monde de toute éternité. Dieu aime le monde, le Créateur aime sa créature.

L’amour du Créateur qui est Père se révèle dans le Fils, dans la mission du Fils. Et voici ce que le Christ dit de lui-même en se reconnaissant dans la prophétie d’Isaïe: « Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, guérir ceux qui ont le coeur brisé, annoncer aux prisonniers la délivrance et aux captifs la liberté ». (Es 61, 1)

3. Jésus de Nazareth accomplissait cela et le proclamait pendant les années de sa mission messianique. La Bonne Nouvelle, c’est-à-dire « l’Evangile », il la proclamait par sa parole et par ses gestes. Les plaies « des coeurs brisés », il les pansait, comme nous le lisons souvent dans la Sainte Ecriture. « Délivrance » et « liberté », il les donnait: il libérait les hommes du mal dans ses multiples formes, surtout le mal du péché. Il libérait les consciences humaines des poids les plus lourds que pesaient sur elles.

Aujourd’hui, le Christ - crucifié et ressuscité - ne continue-t-il pas à faire tout cela par son Eglise qui, en son nom, est au service des hommes?

4. Par sa parole et par son action, Jésus révélait le Royaume des cieux. Le Royaume « des cieux », c’est dans l’éternité qu’il sera pleinement réalisé. Mais il commence déjà. Il commence ici, et il grandit. Il est présent dans la personne même du Christ, Sauveur du monde: il l’a reçu du Père et le transmet aux hommes. Il le sème dans leurs coeurs pour qu’il grandisse en tout homme, pour qu’il unisse les hommes, les sociétés humaines, les peuples et les nations de cette terre.

Oui, pour qu’il grandisse...

Voilà pourquoi le Seigneur Jésus compare ce Royaume à une graine de moutarde. « C’est la plus petite de toutes les semences, mais, quand elle a poussé, elle... devient un arbre, si bien que les oiseaux du ciel font leurs nids dans ses branches » (
Mt 13,32).

Jésus compare aussi le Royaume au levain, enfoui « dans trois grandes mesures de farine, jusqu’à ce que toute la pâte ait levé » (Mt 13,33).

5. Il y a soixante ans, la semence a commencé à germer sur votre terre; le levain a commencé à soulever la pâte. Le Royaume de Dieu a commencé à grandir dans vos coeurs, dans vos familles, dans vos communautés.

474 La plante est devenue l’arbre d’un grand diocèse. Les branches des communautés, les rameaux des familles se sont mis à porter les fruits de l’Evangile. Sur les antiques et fortes racines de vos peuples, une greffe vigoureuse a permis à l’arbre de grandir.

Les missionnaires ont planté - avec quelle foi et quelle patience! - et maintenant les prêtres, les religieux, les religieuses les catéchistes burkinabè font mûrir les fruits.

Le baptême a plongé des fils et des filles de cette terre dans la lumière du Christ. Ils forment des communautés chaleureuses, généreuses. Qu’elles soient toujours plus des images du Corps du Christ, unies dans son amour! Qu’elles soient toujours mieux le levain dans la pâte, soulevées et unies par la foi partagée et par la prière commune, animées par l’amour fraternel qui ne laisse pas le pauvre au bord du chemin! Qu’elles portent plus loin la lumière de l’Evangile!

6. La croissance du Royaume passe par la force de vie qui anime les familles. L’homme et la femme donnent ensemble, par la beauté de leur amour, une image précieuse de l’amour qui vient de Dieu. A leur tour, ils donnent la vie. Dans le respect des dons de Dieu qui leur a permis d’être père et mère, ils demeurent unis à jamais et font fructifier la grâce du sacrement de mariage: ils se respectent l’un l’autre et mettent en commun leurs qualités. Ils ouvrent les voies de l’espérance pour les enfants qui grandissent dans la joie d’être aimés. Ils font de leur foyer un signe visible du bonheur d’être chrétiens, et c’est par la famille d’abord que progresse l’évangélisation.

Je sais que tous ne connaissent pas le même bonheur et ne peuvent vivre la même fidélité. Mais chacun peut compter sur l’amour fidèle de Dieu, qui pardonne, qui « guérit ceux qui ont le coeur brisé» (Es 61, 1).

Et vous, les jeunes de ce peuple, faites grandir dans vos coeurs les dons que vous avez reçus. Vous trouvez souvent le chemin difficile, mais si vous restez amis de Dieu et véritables frères et soeurs, alors vous serez sur les voies du bonheur, celui des disciples du Christ qui pensent à servir les autres et à bien faire le travail dont la société a besoin. Des élèves d’un de vos collèges m’ont écrit ces mots: « Nous voudrions que, par notre travail de cultivateurs, la terre que Dieu nous a donnée nourrisse tous les hommes et qu’il n’y ait plus d’enfants qui meurent de faim autour de nous et partout dans le monde ». Je crois qu’ils prennent un bon chemin et je les remercie d’en témoigner.

Aux familles, aux jeunes, à tous, je voudrais dire:
Aa bèè ka kè kogo, yeelen ani kogo-nan ye! (Vous tous, soyez sel, lumière et levain!).

7. En venant au milieu de vous c’est à chaque paroisse, à chaque mouvement que j'aimerais dire: le Pape vous fait confiance pour que vous fassiez pousser les branches de l’arbre planté par le Seigneur. Que chaque laïcs prenne sa part de responsabilité pour le service de tous, dans l’Eglise et pour la société tout entière! Je sais que vous faites beaucoup d’efforts pour l’éducation des jeunes et la formation des adultes. Continuez inlassablement!

L’Evangile respecte l’homme, et il l’appelle à aller toujours plus loin dans l’amour du prochain. Cela doit inspirer vos rencontres et votre collaboration avec vos compatriotes protestants, avec ceux qui son fidèles à la religion traditionnelle et avec les musulmans. Je vous encourage à poursuivre en toute clarté et en toute amitié le dialogue interreligieux.

Vous travaillez pour le développement de votre pays. Je demande avec passion au monde d’être solidaire avec vous qui savez le poids de la pauvreté. Je vous demande aussi à vous de ne pas vous décourager.

475 C’est votre dignité d’être les premiers artisans de votre développement, dans la concorde et la paix. Vous êtes souvent pauvres de biens matériels, mais riches de générosité, de vie intérieure, de capacité d’accueil. Le Seigneur vous a donné des qualités que beaucoup d’autres hommes ont perdues. Sachez les conserver, pour que le développement de votre pays se fasse dans le respect de chacun.

8. Pour que le Royaume grandisse au milieu de vous, pour que les dons de Dieu soient rendus accessibles à tous, pour que la Parole puisse être entendue, pour que le Peuple de Dieu soit rassemblé, il faut que des disciples du Christ deviennent les intendants auxquels il confie le ministère sacerdotal ou les témoins consacrés à Dieu et à la mission. Je salue de tout coeur les prêtres, les religieux et les religieuses qui ont déjà avancé sur ces voies.

Je vois ici les séminaristes de Ko-umi, venus de toute la région. Le successeur de Pierre leur dit son amitié et les encourage: jeunes frères qui avancez vers le sacerdoce, donnez-vous tout entiers pour le service du Seigneur et des hommes, préparez-vous avec toute votre générosité, vous connaîtrez une vrai joie!

Je vois ici les jeunes Soeurs de l’Annonciation et d’autres religieuses. A vous aussi, le Pape dit combien votre réponse à l’appel du Seigneur est précieuse. Le don de vous-mêmes, la contemplation, l’apostolat et la charité que vous vivrez sont des grâces heureuses pour vous et un témoignage indispensable pour l’Eglise enracinée dans votre peuple.

Que d’autres vous rejoignent!
A ka wuki ka tagama, kibaro diman togo la! (Debout, pour la marche au nom de la Bonne Nouvelle!).

9. Ecoutons encore le prophète: « De même que la terre fait éclore ses germes et qu’un jardin fait germer ses semences, ainsi le Seigneur fera germer la justice et la louange devant toutes les nations» (Es 61, 11).

A Bobo Dioulasso aujourd’hui, Isaïe nous appelle à l’action de grâce et à la joie en Dieu.

«Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. Car il m’a enveloppé du manteau de l’innocence, il m’a fait revêtir les vêtements du salut, comme un jeune époux se pare du diadème».

Ces vêtements du salut, le prophète les compare à la parure de l’époux et de l’épouse pour les noces.

Oui, l’Eglise est l’épouse du Christ son Rédempteur. Chacun de nous porte le vêtement dont il nous a recouverts à notre baptême pour le porter toute notre vie jusqu’au dernier jour, vêtement blanchi dans le Sang de l’Epoux crucifié et vêtement de lumière du Ressuscité. Pour porter en nous le levain de la vie éternelle, la semence de la sainteté qui, dans l’Eglise, doit grandir à la gloire du Dieu vivant.

476 Ala ka aa to krista ka kanuya la! (Que Dieu vous garde dans l’amour du Christ!)
Papa bè duda kè aa yé! (Le Pape vous bénit!).








Homélies St Jean-Paul II 465