Homélies St Jean-Paul II 486


VOYAGE APOSTOLIQUE EN TANZANIE, BURUNDI, RWANDA ET

YAMOUSSOUKRO

(1er- 10 septembre 1990)





MESSE POUR LES FIDÈLES DE L'ARCHIDIOCÈSE DE GITEGA

60990 Gitega (Burundi)
Jeudi, 6 septembre 1990
Familles du Burundi,

chers Frères et Soeurs,

En cette célébration solennelle, je vous invite à rencontrer la sainte Famille de Nazareth.

1. Familles qui composez le Peuple de Dieu au Burundi, je suis heureux de venir prier avec vous près de votre sanctuaire marial de Mugera, ce lieu où l’Eglise a été enracinée dans votre terre, ce lieu où les fils et les filles du Burundi viennent nombreux confier à la Mère du Christ leur fidélité à l’Evangile, leur joie de communier dans la foi, et aussi leurs soucis et leurs espérances.

Dans la Vierge de Nazareth, vous reconnaissez la Figure parfaite de l’Eglise, l’Immaculée qui nous précède dans le pèlerinage de la foi, la Mère secourable à qui Jésus a confié ses disciples au moment d’accomplir son Sacrifice rédempteur.

Familles du Burundi, c’est avec vous particulièrement que je viens en pèlerinage filial auprès de la Vierge de Nazareth, la Mère de Jésus.

Je vous remercie de vous être rassemblés ici avec moi dans la prière. Je remercie votre Pasteur, Monseigneur Joachim Ruhuna, des paroles d’accueil qu’il m’a adressées en votre nom. Je vous adresse le salut cordial de l’Evêque de Rome. A chacun je voudrais dire mon amitié, à vos dirigeants civils, au clergé, aux religieux et religieuses, aux catéchistes, à tous les baptisés, et aussi à nos frères et soeurs d’autres traditions spirituelles.

2. Oui, aujourd’hui, l’Eglise vous invite à rencontrer la Sainte Famille, par les paroles de la liturgie. Ce sont des paroles brèves, mais elles ont un contenu riche.

Quand Jésus fut retrouvé dans le Temple, à l’âge de douze ans, l’évangéliste Luc nous dit: «Il descendit avec eux - avec Marie et Joseph - pour rentrer à Nazareth, et il leur était soumis. Sa Mère gardait dans son coeur tous ces événements. Quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce sous le regard de Dieu et des hommes» (
Lc 2,51-52).

Il est difficile de dire plus en aussi peu de mots, car beaucoup de choses sont évoquées ici. Nous voyons Jésus, âgé de douze ans, provoquer l’étonnement des docteurs du Temple de Jérusalem par la pénétration de son intelligence, en posant des questions et en donnant de justes réponses. Sa Mère gardait tous ces événements dans son coeur. Et Joseph, le charpentier, initiait peu à peu Jésus au travail de la menuiserie, si bien que le Christ sera appelé «le fils du charpentier» (cf. Mt Mt 13,55 Mc 6,3).

3. Le psaume de la liturgie nous invite aussi à la rencontre de la Famille de Nazareth, en décrivant la vie familiale de l’Ancien Testament.

C’est une vie heureuse: dans la «maison», nous voyons l’homme satisfait de nourrir sa famille par le travail de ses mains, l’épouse généreuse, les enfants autour de la table qui ont la vigueur des plants d’olivier (cf. Ps Ps 128,1-3).

Et quand on écoute ce psaume, on comprend que la maison de la famille c’est en quelque sorte la maison du Seigneur: ceux qui l’habitent adorent le Dieu vivant, ils sont bénis par Lui. La famille vit dans la présence du Seigneur, c’est Lui, le Créateur, qui leur donne la vie, qui leur permet de donner la vie, de voir «les fils de leurs fils» (Ps 128,6).

Heureux qui marche sur la route du Seigneur! (Ps 128,1)

Heureuse la famille unie dans la foi et dans l’amour de Dieu, à l’image de la Famille de Nazareth!

4. Saint Paul nous invite aussi à rejoindre la Famille de Nazareth, par les paroles de la Lettre aux Colossiens: «Revêtez votre coeur de tendresse et de bonté, d’humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous mutuellement et pardonnez si vous avez des reproches à vous faire». Comme ces paroles sont actuelles! (Col 3,12-13)

Comme est grande la nécessité de toutes ces vertus dans la vie familiale, surtout celle qui consiste à être prêt à se supporter mutuellement et à se pardonner: «Le Seigneur vous a pardonné, faites de même». (Col 3,13)

Il est vrai qu’au Burundi, les familles ont trop souvent été déchirées par la souffrance: la dispersion, le départ, même la disparition de leurs membres. Mais n’est-ce pas au sein de la famille que l’on doit apprendre le pardon (Mt 6,12 cf. Lc 11,4)? Ne disons-nous pas dans la prière de chaque jour: «Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés»? N’est-ce pas dans la famille que les enfants apprennent à vivre l’unité et la solidarité fondées sur l’amour, sur l’estime et le respect mutuel?

Oui, c’est par ces vertus de la vie quotidienne, par la compréhension et par la disponibilité à se pardonner mutuellement qu’on édifie la charité.«L’amour, c’est lui qui fait l’unité dans la perfection» (Col 3,14).

L’amour apporte aussi la paix: la paix du Christ. L’amour apprend à être reconnaissant pour les dons reçus, ainsi qu’à donner aux autres en retour. A un tel amour sont appelés les époux et les épouses, les parents et les enfants. L’apôtre écrit: «Vous, les enfants, écoutez vos parents»; et il écrit aussi: «Vous, les parents, n’exaspérez pas vos enfants; vous risqueriez de les décourager» (Col 3,20-21).

489 5. Familles burundaises, vous accueillerez l’invitation de la liturgie à rencontrer la Famille de Nazareth par vos efforts pour mener une vie suivant ce modèle.

Les meilleures traditions de votre peuple vont aussi dans ce sens. Vos ancêtres vous ont légué leur respect du mariage, de la fidélité et de l’harmonie du couple: urugo rugira babiri, la maison est une affaire à deux. Les grandes qualités humaines d’entente et d’entraide s’accordent avec les valeurs évangéliques. Les exigences du mariage chrétien correspondent, en effet, à ce qu’il y a de meilleur dans l’homme, créé par Dieu pour l’unité du couple.

Mais il est vrai qu’à présent, des changements considérables apparaissent dans la manière de vivre, dans les relations des hommes et des femmes. Les chrétiens ne doivent pas se laisser entraîner; ils doivent réagir et porter un jugement moral éclairé. Car l’enjeu, c’est la dignité de la famille, le bonheur des époux, et celui de leurs enfants.

Restez fidèles aussi à votre tradition d’éducation des enfants, où s’équilibrent la présence et le rôle du père et de la mère. Vous avez coutume de le dire: umwana ni uwa babiri, l’enfant appartient au couple. En un temps où l’avenir n’est pas toujours facile pour les jeunes, il faut le soutien affectif et confiant des parents pour qu’ils grandissent sainement, pour qu’ils apprennent à devenir maîtres d’eux-mêmes et à faire face avec courage aux épreuves de la vie. Il est bon aussi que les parents et les enfants ne restent pas repliés sur eux-mêmes et qu’ils ne perdent pas leurs liens de solidarité traditionnelle avec leur parenté, avec ce qu’on appelle la famille élargie.

6. Dans votre pays, beaucoup sont préoccupés par ce qu’on appelle le problème démographique, l’augmentation assez rapide de la population. La responsabilité de chacun est ici engagée. Il s’agit d’abord de faire le maximum pour que la terre burundaise nourrisse ses enfants: l’agriculture, votre première ressource, doit se développer pour que les champs produisent plus et mieux sans épuiser le sol ni le dégrader. La terre est un don de Dieu; il revient à toute la nation d’offrir à ses enfants les «fruits de la terre et le travail des hommes», comme nous le disons en présentant le pain et le vin pour l’action de grâce de la Messe.

En ce qui concerne le problème démographique, la responsabilité première revient naturellement aux parents: Il leur appartient de vivre une paternité responsable et généreuse, d’accueillir les enfants qu’ils désirent et qu’ils pensent pouvoir élever. Cela suppose un grand respect des époux l’un envers l’autre, une maîtrise de leur vie intime, un amour qui garde une constante estime de la femme dans sa capacité d’être mère. C’est pourquoi la maîtrise de la fécondité doit rester profondément humaine, comme l’Eglise le demande, en exprimant les saines exigences de la morale. Les époux qui parviennent à la plénitude de la paternité responsable, nous le savons, en sont réellement heureux.

L’Action familiale, les mouvements de foyers, constituent une aide précieuse pour que vos familles sachent trouver leur équilibre et faire face à leurs responsabilités, non seulement dans le domaine de la paternité et de la maternité, mais aussi dans l’éducation, et finalement dans toutes leurs responsabilités au sein de la société. Car il est vrai qu’une vie familiale saine et clairement responsable favorise l’ouverture aux autres et la solidarité avec tous ces frères et soeurs en humanité.

7. Dans la Lettre aux Colossiens, nous avons encore entendu cette consigne: «Que la parole du Christ habite en vous dans toute sa richesse; instruisez-vous et reprenez-vous les uns les autres avec une vraie sagesse; par des psaumes, des hymnes et de libres louanges, chantez à Dieu, dans vos coeurs, votre reconnaissance!» (
Col 3,16).

L’amour de Dieu enrichit de sa présence la famille, grâce au sacrement du mariage. Ce don, accueillez-le, faites-le fructifier dans votre prière commune, dans votre réflexion, par l’éducation religieuse de vos enfants. La famille a le devoir fondamental d’éveiller ses enfants à la foi, de leur faire vivre une expérience chrétienne, de leur donner une culture chrétienne. Vous le dites dans votre langue: umawana ni umurina w’isangi musangiye ni Imana, l’enfant est un champ commun entre Dieu et les parents. Partagez avec vos enfants le don de la foi et de l’amour que vous avez reçu de Dieu.

Priez ensemble, formez ensemble l’«Eglise domestique», unité fondamentale dans le Peuple de Dieu. J’invite les pasteurs, les animateurs de la pastorale familiale à collaborer toujours mieux avec les familles, à apporter les conseils utiles, et aussi à écouter et accueillir les expériences, les désirs, les soucis des familles pour construire ensemble une Eglise vivante et féconde, en regardant la Famille de Jésus, Marie et Joseph à Nazareth.

8. Notre rencontre avec cette Famille de Nazareth est située à un moment particulier: Jésus a douze ans, il est au Temple de Jérusalem au cours de la fête de la Pâque, avec Marie et Joseph. Et voici qu’il semble s’éloigner de ses parents, quand il dit à sa Mère: «Ne le saviez-vous pas? C’est chez mon Père que je dois être» (Lc 2,49).

490 Etes-vous prêts à entendre un de vos enfants vous dire: je voudrais consacrer ma vie à Dieu dans l’Eglise du Christ, devenir prêtre, religieux ou religieuse? Et si tel est votre désir, savez-vous que la vocation sacerdotale ou religieuse a le plus souvent son origine dans la vie de foi, d’espérance et d’amour d’une Eglise domestique, c’est-à-dire de la famille, bien insérée dans la grande communauté de l’Eglise? Parents, pour que le Seigneur puisse appeler des jeunes à être totalement à son service et au service de ses frères, il faut que le terrain soit préparé par la famille elle-même.

9. Chers jeunes, j’aurais voulu m’adresser aussi à vous longuement. Mais je crois que, présents ici avec vos familles, vous avez compris que beaucoup de mes paroles vous concernent. Car, peu à peu, vous vous préparez vous-mêmes à réaliser votre vocation d’époux et de parents, ou aussi pour certains à répondre à l’appel du Seigneur à lui donner toute votre vie.

Je voudrais dire à chacun de vous mon affection et vous encourager. Vous êtes à une étape capitale de votre existence. C’est maintenant que vous formez votre conscience, que vous mûrissez une foi personnelle, que vous découvrez la beauté d’une solidarité active avec vos frères et la joie profonde de prendre ses responsabilités dans la société et dans l’Eglise. C’est maintenant que vous apprenez à être maîtres de vous-mêmes, à rester purs dans vos relations entre garçons et filles, à faire preuve de courage et de ténacité pour acquérir une compétence qui sera utile non seulement à vous-mêmes mais aussi à votre peuple.

Je vous invite, en particulier, à participer aux activités de vos mouvements chrétiens. Ils vous apportent beaucoup pour progresser ensemble dans la foi et les engagements que l’Eglise attend de vous.

10. Frères et Soeurs, la rencontre que nous vivons avec la Famille de Nazareth dans cette liturgie nous appelle à ouvrir notre coeur et à déposer sur l’autel toute la vie des familles du Burundi. Vos peines et vos espérances, vos deuils et vos joies, remettez-les à Jésus sur l’autel. Il les présentera à son Père, comme le don précieux de ses frères et soeurs qu’il aime et qu’il sauve: il en fait des membres de son Corps, il leur permet de devenir enfants de Dieu.

Chers amis! Epoux et épouses! Parents et enfants! Toutes les générations! Cette Eucharistie voudrait être la rencontre avec la Sainte Famille, dans l’action de grâce. Apportons les dons de nos coeurs pour recevoir le don incomparable du Pain de Vie!

L’Eucharistie, cela veut dire la reconnaissance. C’est pourquoi l’Apôtre nous dit: «Tout ce que vous dites, tout ce que vous faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus-Christ, en offrant par lui votre action de grâce à Dieu le Père» (
Col 3,17).

Familles burundaises, «que, dans vos coeurs, règne la paix du Christ... pour former en lui un seul Corps»! (Col 3,15) Renouvelez votre accueil de la grâce du sacrement de mariage, avancez sur les voies que nous montre la Famille de Nazareth, la Sainte Famille!

Tugire amahoro ya Kristu!
Tugire amahoro ya Kristu! (La paix du Christ soit toujours avec vous!).

MESSE POUR LES ORDINATIONS SACERDOTALES SUR L'ESPLANADE DE MUTANGA-NORD

7090 Bujumbura (Burundi)
Vendredi, 7 septembre 1990



«Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré» (
He 5,5 cf. Ps 2,7).

1. Ces paroles proviennent de l’Ancien Testament, mais elles portent en elles la vérité que la Nouvelle Alliance a mise en pleine lumière, la conception véritable de Dieu Trinité et de Dieu unique, du mystère insondable de la Vie qui ne se trouve qu’en Lui. Cette vie, c’est la plénitude de l’unité dans la Trinité des Personnes, du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Dieu, le Père éternel, se fait connaître dans ce Fils qu’il engendre dans l’éternité: «Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré». Cet «aujourd’hui» est en dehors du temps. Il est éternel, comme Dieu lui-même est éternel.

Au nom de ce mystère insondable, je vous salue, vous tous qui êtes ici rassemblés, vous à qui il a été donné de participer à la Vie divine par le baptême, «au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit» (Mt 28,19). Le successeur de Pierre rend grâce à Dieu pour ce peuple de baptisés qu’il lui est donné de rencontrer, pour les nouveaux prêtres qui seront ordonnés.

A tous, je dis ma joie d’être au milieu de vous, ma joie d’entendre votre Evêque, Monseigneur Simon Ntamwana, exprimer vos sentiments chaleureux. Aux pasteurs, aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, aux catéchistes et aux responsables laïcs, à chaque frère et à chaque soeur du Burundi, je dis le salut plein de gratitude de l’Evêque de Rome.

2. Nous sommes rassemblés par le Fils qui est «Dieu, né de Dieu, lumière, née de la lumière». Et nous entendons la parole qui lui est adressée par le Père éternel: «Tu es prêtre pour toujours selon le sacerdoce de Melkisédek» (He 5,6).

Devenant homme par l’Esprit Saint, né de la Vierge Marie, vrai homme, le Fils éternel entre dans le monde créé, il entre dans toute l’histoire de l’humanité comme «prêtre pour toujours», prêtre unique. Parce que Lui seul, étant le Fils de même nature que le Père et en même temps vrai homme, peut ramener à Dieu, en plénitude et sans réserve, la création tout entière.

Son sacerdoce, le Christ l’accomplit pleinement lorsqu’il s’offre Lui-même en sacrifice sur la Croix, en offrant toute sa vie. Et, en même temps, il nous a laissé ce sacrifice; il l’a confié à l’Eglise en instituant l’Eucharistie. Le sacrifice sanglant de la Croix demeure dans ce sacrement sous les espèces du pain et du vin «selon le sacerdoce de Melkisédek».

Au nom du Christ, qui est «prêtre pour toujours», prêtre unique, je salue l’Eglise au Burundi, en ce jour où vos fils reçoivent l’ordination sacerdotale pour devenir les serviteurs du sacrifice non sanglant, selon le sacerdoce de Melkisédek. Et, en célébrant l’Eucharistie, pour construire l’Eglise.

3. Par son sacrifice unique sur la Croix, le Christ, prêtre pour toujours, a reçu «tout pouvoir au ciel et sur la terre» (cf. Mt Mt 28,18). En vertu de ce pouvoir, il a envoyé les Apôtres dans le monde entier. En vertu de ce même pouvoir, il envoie toujours en mission leurs successeurs. Toute l’Eglise est envoyée par le Christ qui «est avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde» (cf. Mt Mt 28,20).

492 Sur cette terre, il y a bientôt cent ans, le Christ a envoyé des missionnaires et les premiers évêques venus fonder l’Eglise en apportant la Bonne Nouvelle du Salut et en dressant la table de l’unique sacrifice. Aujourd’hui, vos fils exercent la charge apostolique et pastorale, en union avec les missionnaires venus de loin. Ensemble, investis de l’unique sacerdoce du Christ, ils permettent à Dieu de rassembler et de faire grandir le peuple immense que je vois autour de cet autel. Comme les Apôtres, l’Eglise doit garder tous les commandements du Christ (cf. Mt Mt 28,20). Ici, au Burundi, comme dans le monde entier. Elle doit donc baptiser au nom de la Sainte Trinité, donner le baptême qui nous prépare à participer à l’Eucharistie.

4. Au cours de la dernière Cène, le Seigneur a dit aussi aux Apôtres: «Faites ceci en mémoire de moi» (Lc 22,19). Le ministère de ceux qui célèbrent l’Eucharistie est nécessaire pour que vive le peuple de Dieu dans la Nouvelle Alliance.

«Vous serez appelés "les prêtres du Seigneur", on vous nommera "les serviteurs de notre Dieu"» (Is 61,6). Ces paroles du prophète concernent les prêtres.

Oui, vous les prêtres de ce pays, les Barundi avec les missionnaires, vous êtes «les serviteurs de notre Dieu». Le peuple de Dieu vous considère comme ses pères et vous respecte comme «prêtres du Seigneur», car votre ministère lui permet d’être uni dans le Corps du Christ et de recevoir la grâce de ses dons sacramentels.

Votre tâche est belle, et elle est lourde. Votre personne y est totalement impliquée. Vous y avez engagé toute votre vie, avec les renoncements que comportent le célibat pour le Seigneur, l’acceptation de la pauvreté évangélique, la disponibilité à remplir les missions confiées par l’Evêque, l’appel pressant à vivre vous-mêmes ce que vous accomplissez et à vous conformer au sacrifice de la Croix, en alliant le service de l’autel et celui du peuple de Dieu (cfr. Rituel de l’Ordination).

Aujourd’hui, que cette ordination solennelle soit pour vous tous, les aînés dans le sacerdoce, un encouragement à garder confiance dans le Seigneur qui vous a appelés, une invitation à approfondir sans cesse votre vie de prière, comme vous l’avez fait dans les retraites où vous prépariez ces journées. En tout temps, laissez-vous pénétrer par la vivante Parole de Dieu et ne cessez pas de l’étudier. Soyez prêts à répondre aux questions de notre époque et à animer une évangélisation renouvelée.

Que ce rassemblement festif du peuple de Dieu autour de ses prêtres soit pour vous un appel à vous rendre entièrement disponibles à tous ceux qui attendent votre accueil et à développer votre collaboration confiante avec les laïcs! Soyez en toutes circonstances les apôtres de l’unité dans le Seigneur au nom duquel vous avez reçu l’ordination!

5. Frères et Soeurs, dans la vie de l’Eglise, l’ordination sacerdotale est un jour particulièrement important. C’est avec joie que je confère cette ordination aux fils de votre terre africaine, au groupe de nouveaux prêtres le plus nombreux depuis les origines de l’Eglise au Burundi. Pour vos diocèses et pour le diocèse zaïrois voisin d’Uvira, c’est un honneur et une joie, car le Seigneur appelle vos fils: «Il a fait pour nous des merveilles» (cf. Lc 1,49).

Peuple de Dieu de tout le Burundi, entends les paroles de l’Apôtre dans la liturgie de ce jour: «Le grand prêtre est toujours pris parmi les hommes, et chargé d’intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu» (He 5,1).

Voici ceux que l’imposition des mains de l’Evêque et l’onction consacrent, avec la puissance de l’Esprit Saint, pour qu’ils «interviennent en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu». Ils sont «pris parmi les hommes», pris parmi vous, du milieu de votre communauté humaine. Ils sont les fils de vos familles, des pères et des mères de cette terre. Ils sont vos frères.

Dans vos familles, ils ont entendu l’appel du Seigneur. Je rends grâce pour les parents qui ont été les témoins et même les porte-parole de cet appel. Je les remercie d’avoir accepté la vocation de leurs fils, d’avoir contribué à sa maturation. Soyez heureux de voir vos fils appelés par le Seigneur.

493 Umuvyeyi abonye umwana wiwe ashimwe ni Imana aba ashimwe na we.
(Les parents sont honorés quand le Seigneur appelle un de leurs enfants au sacerdoce).

Je voudrais remercier aussi les prêtres et les éducateurs des petits et grands séminaires d’avoir donné à ces jeunes la formation spirituelle et humaine dont ils avaient besoin et de les avoir accompagnés et soutenus jusqu’à l’engagement définitif qui est aujourd’hui consacré.

6. Ces diacres sont «pris parmi vous». Ils vont recevoir la charge d’offrir le sacrifice du Christ pour les péchés des hommes. Ils doivent aussi être capables - comme le Christ - d’éprouver une juste compassion pour leurs frères et soeurs.

Jeunes frères qui allez nous rejoindre dans le sacerdoce, vous êtes un don de Dieu à la communauté humaine pour la servir. Votre peuple attend de vous que vous soyez des témoins de l’amour sauveur, du pardon et de la réconciliation.

Umusaserdoti ni uwuhuza abantu bose akabuzuriza.
(Le prêtre est un autre Christ, il est rassembleur et réconciliateur).

Chaque prêtre doit devenir, à la ressemblance du Christ, «le bon pasteur» qui «connaít ses brebis et que ses brebis connaissent». (
Jn 10,14) Vous connaîtrez les personnes, leurs attentes, leurs joies, leurs bonheurs. Vous connaîtrez votre communauté, les talents des laïcs dans leur diversité, la valeur irremplaçable de chaque membre du Corps du Christ, du pauvre le plus humble à celui qui a reçu le plus de dons.

Engagés à la suite du Christ, vous aurez à vous conformer à Lui qui «a appris l’obéissance par les souffrances de sa passion» (He 5,8). Comme Lui, au jour le jour, vous «donnerez votre vie pour les brebis» qui sont dans la bergerie, et vous n’oublierez jamais qu’il y a encore «d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie» dont vous désirerez qu’elles «écoutent la voix» du Rédempteur (cf. Jn 10,15-16). C’est ainsi que vous serez unis à l’unique Prêtre, «devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel!» (He 5,9).

7. Frères et Soeurs, vos fils qui vont devenir prêtres de Jésus-Christ seront ainsi «une descendance bénie par le Seigneur» (Is 61,9).

Ils seront les collaborateurs de vos évêques qui les guideront dans leur ministère avec une affection paternelle. Ils seront dans chacune de vos communautés les dispensateurs des dons de Dieu.

494 Que la bénédiction de cette «descendance», offerte au Seigneur par vos familles, vienne sur toute l’Eglise sur tout le peuple de Dieu qui vit sur votre terre!

Tugire amahoro ya Kristu!
(La paix du Christ soit toujours avec vous!)

MESSE POUR LES ORDINATIONS SACERDOTALES SUR L'ESPLANADE DE MBARE

Kabgayi (Rwanda)
Samedi, 8 septembre 1990
Chers Frères et Soeurs,


1. «Le Règne de Dieu est tout proche de vous»[1]. Tel est le joyeux message que Jésus a confié à ses disciples, comme nous l’avons entendu dans l’Evangile qui vient d’être proclamé. Telle est la Bonne Nouvelle à répandre par toute la terre. Dans le sillage des Apôtres du Christ, je vous l’apporte à mon tour aujourd’hui, en pèlerin venant de Rome!

Dieu soit béni! Il est avec nous grâce à son Royaume qui vient! Béni soit-il pour sa présence aimante et vivifiante dans ce monde! Béni soit-il pour le rassemblement solennel de ce jour!

Au moment de prendre la parole avant le rite de l’ordination, je voudrais d’abord remercier Monseigneur Thaddée Nsengiyumva, Evêque de Kabgayi, pour les souhaits chaleureux de bienvenue qu’il m’a adressés au début de cette Messe.

A Monsieur le Président de la République et aux membres du Gouvernement, je présente mes salutations déférentes et je les remercie de prendre part à cette célébration liturgique.

Je salue tout particulièrement mes frères les évêques, ceux du Rwanda et ceux des pays voisins. Enfin, à chacun et à chacune d’entre vous, j’aimerais exprimer un salut très cordial: aux prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux séminaristes, aux novices et à tous les fidèles laïcs qui composent cette splendide assemblée.

Muraho neza!
495 (Bonjour beaucoup).

Imana ibalinde!
(Que Dieu vous garde!).

2. En ce jour béni de la Nativité de Notre-Dame, où nous célébrons l’aurore du salut, je rends grâce à Dieu pour le don de son Fils, né de la Vierge Marie. En même temps, je rends grâce pour le don du sacerdoce qui prolonge, en quelque sorte, le don du Fils.

Je remercie le Seigneur pour les nombreuses vocations rwandaises et, en particulier, pour les familles chrétiennes qui favorisent l’éclosion de ces vocations grâce à leur estime et à leur amour du prêtre et de la personne consacrée.

En cette heureuse circonstance, il me plait d’évoquer le labeur méritoire des premiers missionnaires: en particulier, les premiers évêques de Kabgayi, Monseigneur Hirth, Monseigneur Classe et Monseigneur Deprimoz, qui ont formé le clergé indigène et créé les congrégations locales: les bayozefiti, les Benebikira et les Bizeramariya.

Enfin, je loue le Seigneur pour la présence au Rwanda des communautés contemplatives qui témoignent de l’absolu de Dieu et qui entretiennent, dans le coeur des hommes et des femmes d’aujourd’hui, le sens de l’adoration, partagé par tant de croyants sur ce continent africain.

3. Le Règne de Dieu est tout proche, nous dit le Christ Jésus. En effet, par Lui et en Lui, le Règne de Dieu est proche de l’histoire humaine. Le Père lui a confié ce règne, et Lui, le Fils, en se faisant homme, il l’a confié d’abord aux Apôtres. Par l’intermédiaire des Apôtres, il a confié le règne de Dieu à l’Eglise tout au long des âges. Dans l’Eglise, il nous l’a confié: à tout homme, aux peuples et aux nations de la terre entière.

Nous portons en nous le Royaume de Dieu comme l’héritage du Christ et, en même temps, comme une tâche à accomplir et les prémices de l’accomplissement définitif. Le règne de Dieu est déjà au milieu de nous. Et en même temps, chaque jour nous prions pour qu’il vienne. Comme nous l’avons appris du Sauveur et selon son commandement, nous disons dans le «Notre Père»: «Que ton Règne vienne!».

Dans cette prière, l’Eglise sur la terre rwandaise s’unit à l’Eglise de toute la terre.

4. Puisque le Règne de Dieu se présente comme un devoir à accomplir, il faut que cette tâche soit prise en charge par des hommes. Le Royaume de Dieu est semblable à une moisson: celle-ci ne peut se faire sans le concours de moissonneurs.

496 Qui sont ces ouvriers appelés à travailler à la moisson? Les premiers, c’étaient les Apôtres du Christ. Mais déjà, en plus des Apôtres, le Seigneur avait envoyé d’autres missionnaires, comme nous le rappelle la lecture de l’Evangile de Luc entendue aujourd’hui: soixante-douze disciples, auxquels des instructions précises ont été confiées sur leur comportement pendant l’accomplissement de leur apostolat[2].

Qui sont aujourd’hui ces ouvriers du Règne de Dieu, appelés à travailler à la moisson? Ce sont tous les disciples du Christ, tous les baptisés, quel que soit leur état, quelle que soit leur profession.

Mais la grande moisson du Royaume de Dieu sur la terre demande des hommes qui aient reçu une vocation particulière, qui soient appelés à un service spécifique dans l’Eglise.

Aujourd’hui, j’ai la joie d’ordonner prêtres un groupe nombreux de fils de l’Eglise au Rwanda et au Zaïre. Les voici appelés à ce ministère essentiel à la vie du peuple de Dieu.

Homme du sacré, témoin de l’Invisible, porte-parole de Dieu révélé en Jésus-Christ, le prêtre doit être reconnu comme tel. Car il a une triple mission:

- il annonce la Bonne Nouvelle pour faire connaître Jésus-Christ et mettre les fidèles en relation vraie avec Lui grâce à une foi toujours en progrès et à des engagements apostoliques concrets;

- il est dispensateur des mystères de Dieu: notamment l’Eucharistie et la Réconciliation. Pour de tels ministères, les laïcs ne peuvent être délégués. Il faut l’ordination sacerdotale. C’est aux prêtres que revient exclusivement la célébration de l’Eucharistie: et nous savons tout ce que représente l’Eucharistie pour le peuple de Dieu!

- enfin, il édifie la communion ecclésiale: c’est le prêtre qui assure le rassemblement de la famille de Dieu. Son sacerdoce lui confère le pouvoir de conduire le peuple sacerdotale.

En union avec les évêques, les prêtres participent à l’unique sacerdoce du Christ et à l’unité du ministère dans son Eglise. Ils sont des auxiliaires et des conseillers indispensables des évêques, qui voient en eux des «frères et des amis»[3].

5. Que les candidats d’aujourd’hui à l’ordination sacerdotale méditent bien dans leur coeur les paroles de l’Apôtre Pierre aux «anciens»! Nous les avons entendues dans la deuxième lecture de cette Messe. Pierre donne le titre d’«anciens» aux pasteurs, non pas tant à cause de leur âge, mais en raison de la charge dont ils doivent s’acquitter.

Il s’agit de la charge pastorale. L’Apôtre leur explique clairement comment il faut remplir ce devoir. Il leur montre le sens de la fonction de pasteur dans l’Eglise. Il leur demande de la remplir avec dévouement. Il tourne leur regard vers le modèle le plus parfait du pasteur: Celui qui a donné sa vie pour ses brebis.

497 Le Christ, Pasteur éternel, jugera chacun de nous sur l’exercice du ministère pastoral. Devant Lui, nous aurons à rendre un compte définitif de ce service.L’Apôtre écrit cela parce qu’il est lui-même un ancien, parce qu’il est témoin des souffrances du Christ: «Je m’adresse à ceux qui exercent parmi vous la fonction d’Anciens, car moi aussi je fais partie des Anciens, je suis témoin de la passion du Christ»[4].

6. Quand on est sur le point de recevoir le sacrement de l’Ordre, on peut éprouver une certaine crainte en écoutant le programme donné par saint Pierre aux bergers du troupeau de Dieu. Nous comprenons les réactions du prophète Jérémie évoquées dans la première lecture. Appelé par Dieu, Jérémie fait d’abord obstacle à cet appel et il commence à chercher des excuses: «Oh! Seigneur mon Dieu! Vois donc: je ne sais pas parler, je ne suis qu’un enfant»[5].

Mais le Seigneur lui répond: «Ne crains pas, car je suis avec toi»[6].

Assurément, la vocation sacerdotale est un grand don de Dieu. Elle a sa source en Lui: «Avant même de te former dans le sein de ta mère... je t’ai consacré»[7]. C’est de Dieu que vient la vocation particulière à servir Dieu. Il appartient à l’homme d’apprécier le don de Dieu et de l’accueillir avec une grande confiance dans la grâce du Seigneur, conférée par le sacrement de l’Ordre. En chantant ensemble les litanies des saints, nous demanderons l’aide quotidienne de ceux et de celles qui ont travaillé avant nous pour la venue du Royaume. Quand nous imposerons les mains aux ordinands, avec les évêques et les prêtres, l’Esprit de sainteté leur sera donné, au plus profond d’eux-mêmes.

Lorsqu’on a décidé d’aller à la moisson, il est normal d’accepter la fatigue du métier de moissonneur, en même temps que l’appel, car le Seigneur a promis de récompenser ceux qui ont tout quitté pour Le suivre.

Les premiers missionnaires, dont je faisais mémoire au début de cette homélie, n’ont pas craint de faire les grands sacrifices qui leur étaient demandés au nom de l’Evangile. Dans des conditions difficiles, ils ont peiné pour faire connaître et faire aimer Jésus-Christ, renonçant à leur famille et à leur patrie qu’ils ne pouvaient plus revoir comme on peut le faire aujourd’hui.

A l’exemple de ces grands pionniers dans le labeur apostolique, que les prêtres d’aujourd’hui n’hésitent pas à prendre la croix que doivent prendre tous ceux qui suivent le Christ! Des sacrifices leur sont demandés: c’est, par exemple, le refus d’un certain bien-être matériel, la recherche d’un style de vie simple, la volonté d’être fidèle à la prière malgré la multiplicité des occupations de la journée; c’est surtout la volonté de combattre énergiquement toute ségrégation basée sur les groupes sociaux et d’être, coûte que coûte, des artisans de réconciliation et de paix.

Pour faire face aux exigences de la vie apostolique et pour persévérer dans le ministère sacerdotal, que les prêtres recherchent une certaine forme de vie communautaire; les meilleures traditions familiales africaines peuvent d’ailleurs l’inspirer.

7. En envoyant ses disciples annoncer le Règne de Dieu, le Christ, en Bon Pasteur, disait ceci: «La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson»[8].

Que notre rassemblement eucharistique aujourd’hui soit une grande prière pour les ouvriers de la moisson du Règne de Dieu! Non seulement ici, au Rwanda, non seulement au Zaïre et dans tout le continent africain, mais encore dans toutes les parties du monde! C’est là un des plus grands besoins de l’Eglise.

Il faut donc que le Christ touche les coeurs de beaucoup de jeunes et qu’il touche aussi beaucoup de bouches en y mettant ses paroles: «Je mets dans ta bouche mes paroles», disait le Seigneur au prophète Jérémie[9]. Il faut qu’il consacre beaucoup de mains comme celles de ces Rwandais et Zaïrois qui vont bientôt recevoir l’onction sainte.

498 Il faut donc que des coeurs de jeunes, des bouches de jeunes, des mains de jeunes, des vies de jeunes répondent «oui» au Christ, oui pour toute leur existence. «La moisson est abondante».

8. Notre-Dame de la Fidélité,
toi qui sans cesse «recherchais le visage du Seigneur»,
toi qui as accepté le mystère et qui l’as médité dans ton coeur,
toi qui as vécu en accord avec ta foi ardente,
nous te prions pour ceux sur qui nous allons imposer les mains,
aide-les à tenir leurs engagements, en bons et fidèles serviteurs, jusqu’à la fin de leur vie!

Nous te le demandons en ce jour où l’Eglise célèbre ta Nativité. Par toi, nous est venu le Soleil de Justice, le Christ notre Dieu. Amen!

[1] Luc. 10, 9.

[2] Cfr. ibid. 10, 1-9.

[3] Cfr. Presbyterorum Ordinis, 7.

499 [4] 1 Petr. 5, 1.

[5] Ier. 1, 6.

[6] Cfr. ibid. 1, 8.

[7] Ibid. 1, 5.

[8] Luc. 10, 2.

[9] Ier. 1, 9.



Homélies St Jean-Paul II 486