Homélies St Jean-Paul II 511


MESSE EN FACE DU SANCTUAIRE NOTRE-DAME DE LA DÉLIVRANDE

Poponguine (Sénégal)
Vendredi, 21 février 1992
«Faites tout ce qu’il vous dira[1]».


1. Les lectures liturgiques d’aujourd’hui nous conduisent à Cana de Galilée. Un mariage eut lieu dans cette ville et la Mère de Jésus y fut invitée avec son Fils et les premiers disciples. Ceci se passa au début de l’activité messianique de Jésus de Nazareth. Cana, comme Nazareth, se trouve en Galilée. C’est là que Jésus fit son premier miracle: «Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit»[2] et qui accompagnèrent toute son activité messianique en Israël.

La liturgie de ce jour nous fait revivre cet événement en Afrique, sur la terre du Sénégal, à Poponguine, là où se trouve votre sanctuaire marial. On pourrait dire que le Peuple de Dieu du Sénégal a invité ici d’une façon spéciale la Mère de Jésus et que Marie a accepté l’invitation. Elle est présente ici avec son Fils et avec les Apôtres, comme à Cana de Galilée. Comme autrefois à Cana, ici aussi les pèlerins lui font connaître leurs besoins multiples et elle les présente à son Fils. Et à tous elle répète constamment: «Faites tout ce que vous dira mon Fils».

512 2. Chers Frères et Soeurs, dans la joie d’être avec vous en ce sanctuaire de Notre-Dame de la Délivrande de Poponguine, je vous salue de tout coeur.

J’adresse mes salutations cordiales à Monsieur le Cardinal Hyacinthe Thiandoum, Archevêque de Dakar, à Monseigneur Théodore Adrien Sarr, Président de la Conférence épiscopale, aux Évêques présents et à tous les concélébrants.

À Monsieur le Président de la République à Madame Elisabeth Diouf, première dame de ce pays, et aux Autorités civiles venues à prendre part à cette célébration liturgique, je présente mes salutations déférentes.

Enfin, je salue les Chefs musulmans et je les remercie de ce geste courtois.

Lorsque je regarde autour de moi et que je contemple votre assemblée, je ne puis m’empêcher de redire, comme Monseigneur Picarda, fondateur de ce lieu de pèlerinage: «Quel magnifique site pour un sanctuaire à la Vierge!». Depuis le 22 mai 1888, date de l’inauguration du pèlerinage de Poponguine, plus de cent ans de piété mariale ont soudé les communautés catholiques sénégalaises dans la même profession de foi et la volonté d’enraciner l’Évangile dans le pays. Venu du diocèse de Bayeux, en Normandie, le culte de Notre-Dame de la Délivrande vous unit à vos frères et soeurs de France. Il vous unit aussi à vos frères et soeurs des Antilles, où il est toujours en honneur au sanctuaire martiniquais du Morne Rouge, que Monseigneur Picarda desservit pendant dix ans comme vicaire. En cette année 1992 où l’on célèbre la rencontre des peuples des deux côtés de l’Atlantique, veuille Notre-Dame de la Délivrande, honorée et priée sur les trois continents d’Europe, d’Afrique et d’Amérique, garder tous ses enfants dans l’amour et dans l’unité!

3. Aujourd’hui, la première lecture liturgique nous conduit aussi à Jérusalem, au Cénacle. Marie, la Mère de Jésus, s’y trouve avec les Apôtres. Mais Jésus lui-même n’y est plus. Toutes les personnes présentes, d’un même coeur, sont assidues à la prière[3], comme Jésus leur avait demandé avant de s’en aller vers le Père[4].

Entre l’événement de Cana en Galilée et celui du Cénacle à Jérusalem, un certain temps s’est écoulé. Jésus de Nazareth a accompli sa mission messianique sur terre et il l’a scellée du sacrifice de sa mort en croix pour les péchés du monde entier. Jérusalem a été témoin des événements bouleversants de Pâques, quand a été condamné à mort et crucifié Celui «qui a passé en faisant le bien et en guérissant...»[5]. De cette façon, il a rendu témoignage: il était parti du Père et, l’heure venue, il est retourné vers le Père[6], après avoir vaincu la mort. Par la Résurrection, le Père a exalté le Christ crucifié, et le Rédempteur ressuscité demeure dans la gloire du Père afin d’intercéder pour nous.

En quittant les siens qui étaient dans le monde, il leur demanda de témoigner de sa résurrection devant toutes les nations de la terre. Et pour qu’ils aient la force de rendre ce témoignage, il leur a envoyé l’Esprit Saint. Depuis le jour de la Pentecôte, le Saint-Esprit agit dans l’Église; il est avec les Apôtres; il est avec le peuple de Dieu tout entier de génération en génération.

4. Chers Frères et Soeurs, l’Esprit Saint est avec le peuple de Dieu sur tout le continent africain. Il est avec vous ici au Sénégal. L’étonnante histoire de l’arrivée de l’Évangile dans votre pays et la croissance de l’Église témoignent de sa présence active.

C’est au quinzième siècle que s’élevèrent les premières maisons de Dieu, lorsque les Portugais touchèrent les côtes sénégalaises. En 1763, l’église de Gorée avait son curé et Saint–Louis le sien en 1779. Mais le véritable fondateur de la chrétienté sénégalaise est Monseigneur Kobès, Spiritain, Vicaire apostolique de la Sénégambie. Premier pays d’Afrique à accueillir les Pères spiritains, le Sénégal doit beaucoup aux fils spirituels du père Libermann pour qui l’annonce de l’Évangile devait déboucher sur la création d’une Église qui ait son évêque, son clergé et son laïcat. Les Pères spiritains donnèrent à l’Église locale de solides assises.

Grâce à l’afflux des vocations en France, beaucoup de jeunes Spiritains partent au Sénégal. Le Bienheureux Daniel Brottier, futur directeur de l’oeuvre des Orphelins–Apprentis d’Auteuil, s’y dévoue intensément de 1906 à 1911. La Casamance, qui bénéficie d’un important effort d’évangélisation, fournira les premiers prêtres et évêques africains du Sénégal.

513 Depuis les lointaines années de Libermann avec ses premiers Spiritains, sont venus des Pères du Sacré–Coeur d’Issoudun, des Oblats de Marie Immaculée, des Dominicains – dont le Père Lebret qui a tant fait pour le développement du Sénégal – et bien d’autres. Nous rendons grâce à Dieu pour l’oeuvre accomplie par ces porteurs de la Bonne Nouvelle.

5. Les chrétiens du Sénégal sont conscients tout à la fois de leur petit nombre et de leur richesse. Fiers de leur foi, reconnus par la Constitution sénégalaise, riches de leurs liens familiaux, souvent avec des parents musulmans, ils sont appelés, plus que les autres Africains, au dialogue et à la compréhension.

Des vocations sacerdotales se confirment et préparent le clergé de demain. La vie religieuse se développe, imprégnant de foi les cultures pour que, de l’intérieur, celles-ci produisent des fruits de chrétienté. Sous sa forme monastique notamment, elle opère déjà une acculturation digne d’éloge. Les laïcs ont la possibilité d’approfondir leur foi au contact d’associations privées de fidèles où l’on cherche à unir liturgie, catéchèse et contemplation. Dans les diocèses, des directives pastorales, nées des aspirations des chrétiens et des réflexions de leurs pasteurs, servent à l’engagement quotidien des religieuses, des catéchistes et des personnes qui animent des communautés. À travers tout cela, en pays musulman, l’Église sénégalaise, accomplit sa mission propre avec conviction et avec modestie en même temps.

En ce sanctuaire de Notre–Dame de la Délivrande, je rends grâce à Dieu avec vous, chers Frères et Soeurs, pour l’annonce de l’Évangile et pour la croissance de l’Église dans le pays. Je confie à la Vierge Marie tous les ouvriers de l’évangélisation: avec vous, je la prie afin qu’elle continue à favoriser l’éclosion de généreuses vocations sacerdotales et religieuses dans tout le Sénégal, comme elle le fit pour le village de Poponguine qui a donné à l’Église en terre sénégalaise son premier prêtre en la personne du cher Cardinal Hyacinthe Thiandoum.

6. Cet Évangile que vous avez accueilli, il vous faut maintenant l’enraciner. Comme je le disais mercredi, dès mon arrivée, l’arbre ne s’élève qu’en enfonçant ses racines dans la terre nourricière. À vous de faire en sorte que la Bonne Nouvelle pénètre profondément dans les communautés, dans les familles et dans chaque personne: c’est la tâche exaltante qui vous attend. C’est aujourd’hui la tâche de toute l’Afrique engagée dans la préparation de l’Assemblée spéciale du Synode des Évêques. Par la réflexion et dans la prière de tous ses membres, l’Église sur ce continent cherche à approfondir le sens de sa «mission d’évangélisation dans la perspective de l’an 2000».

Je sais que vous vous êtes beaucoup intéressés à ce travail, qui vous a permis de vous insérer dans le grand mouvement ecclésial suscité à l’échelle africaine, et je vous en félicite. La tenue de ces grandes assises est un signe éloquent de la vitalité de l’Église, qui va franchir une étape décisive dans l’annonce de l’Évangile à la veille du troisième millénaire. Ainsi que le souligne «Redemptoris Missio»: «Il faut orienter l’attention missionnaire vers les aires géographiques et vers les milieux culturels qui sont restés à l’écart de l’influence de l’Évangile. Tous ceux qui croient au Christ doivent éprouver, comme partie intégrante de leur foi, le zèle apostolique de transmettre aux autres la joie et la lumière de la foi. Ce zèle doit devenir pour ainsi dire une faim et une soif de faire connaître le Seigneur, dès lors que le regard se porte sur les horizons immenses du monde non chrétien»[7].

7. Dans cette annonce, l’Église a la vive conscience qu’elle doit proclamer le dessein de Dieu sur le mariage et sur la famille. Le récit évangélique que nous avons écouté nous montre qu’un des premiers actes de Jésus au début de son ministère a été d’assister à des noces. Il y est allé avec sa Mère et ses disciples, afin de bien marquer par sa présence et celle de toute l’Église la haute estime qu’il a du mariage et de la famille, l’un des biens les plus précieux de l’humanité.

À votre tour, ayez de l’estime pour le mariage chrétien: il évangélise l’amour entre l’homme et la femme et le rend encore plus humain. La grâce du sacrement consacre l’engagement des époux et les aide à bâtir le foyer stable dont chaque partenaire a besoin pour s’épanouir. Il garantit aux enfants l’environnement d’amour solide auquel ils ont droit pour s’épanouir eux aussi et pour être en mesure d’affronter l’existence. Comme vos pasteurs vous l’ont souvent demandé, vivifiez votre famille en ouvrant vos coeurs d’époux et de parents à la présence de Dieu, source du véritable amour!

8. Le même récit des noces de Cana nous montre le rôle discret mais efficace de Marie, la nouvelle Ève, la Mère des vivants. Exerçant de façon exemplaire le service de l’intercession, elle vient en aide avec succès au jeune foyer qui l’avait invitée.

Jeunes filles sénégalaises, je vous exhorte à contempler Marie et à l’imiter. Comme elle, accueillez la Parole de Dieu et méditez-la dans votre coeur. Soyez responsables et généreuses pour réussir votre vie. Comme Marie, ayez le souci des autres.

Et vous, femmes sénégalaises, mères fières de vos enfants, inquiètes pour d’autres, écrasées de douleur pour certains, continuez à contempler Marie, dans les jours de gloire de son Fils Jésus et aussi dans les heures sombres de la passion, afin de rester debout. Maîtresses de maison, occupées aux tâches domestiques humbles mais indispensables, souvenez-vous de Marie à Nazareth. Femmes sénégalaises de plus en plus engagées dans la vie sociale, toujours porteuses des traditions et de la sagesse populaires, contemplez Marie, vous qui formez la sensibilité, l’intelligence et le coeur de vos enfants.

514 En ce sanctuaire marial cher aux populations sénégalaises, nous confions à Notre–Dame les activités exercées par tous dans le pays. Nous la prions à l’intention de ceux et celles qui travaillent pour le développement du pays dans les projets les plus divers concernant l’agriculture, l’élevage, l’artisanat, l’hydraulique villageoise, les retenues d’eau, les banques de céréales, l’industrie et aussi l’alphabétisation, la santé, l’hygiène. Que Notre–Dame de la Délivrande veille aux besoins matériels de tous, comme elle le fit à Cana! Qu’elle continue à être une Mère pour tous! Ce sera la prière que je ferai du fond du coeur en couronnant sa statue.

9. La liturgie de ce jour nous a conduits à Cana de Galilée. Nous nous sommes souvenus du premier miracle, du premier signe qu’y fit Jésus. Nous avons médité les paroles de sa Mère intercédant pour ceux qui étaient dans le besoin.

À la fin, l’évangéliste Jean écrit: à Cana de Galilée, «il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui»[8].

Que ce sanctuaire en terre sénégalaise qui nous rappelle Cana de Galilée soit au milieu de vous un lieu où Jésus-Christ manifeste sa gloire, un lieu où la foi des disciples réponde à cette manifestation du Christ sur toute la terre africaine!

«Faites tout ce qu’il vous dira»!

[1] Io. 2, 5.

[2] Ibid. 2, 11.

[3] Cfr. Act. 1, 14.

[4] Cfr. ibid. 1, 4.

[5] Cfr. ibid. 10, 38.

[6] Cfr. Io. 14, 28.

515 [7] Ioannis Pauli PP. II Redemptoris Missio, 40.

[8] Io. 2, 11.





CONCÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE POUR LES FIDÈLES DU DIOCÈSE DANS LE «STADE DE L’AMITIÉ»

Dakar (Sénégal)
Samedi, 22 février 1992
«Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux»[1].


1. Réunis ici au nom du Christ, dans la grande ville de Dakar, sur la côte de l’Atlantique, nous constituons l’Église. Dès l’époque des Apôtres, on a commencé à appeler «chrétiens» les disciples du Crucifié, du Ressuscité[2]. Et nous avons hérité de ce nom.

Nous constituons l’Église, non seulement parce que nous portons le nom du Christ, mais parce qu’Il est lui-même en nous et au milieu de nous. L’Église est plus qu’une assemblée d’hommes et de femmes qui se réclament du Nom du Christ: elle est avant tout une communauté humaine organiquement unie à Lui, unie à sa Personne vivante. Par Lui, avec Lui et en Lui, nous sommes l’Église.Pour dire la nature de cette communauté, saint Paul l’appellera le Corps du Christ.

Frères et Soeurs de Dakar et de tout le Sénégal, je suis heureux de vous saluer, membres du Corps du Christ, de l’Église qui vit et grandit sur cette terre.

Je remercie mon cher Frère, le Cardinal Hyacinthe Thiandoum, votre Archevêque, pour les paroles qu’il m’a adressées en votre nom. Je tiens à saluer amicalement les Évêques de Kaolack, de Saint-Louis, de Thiès, de Ziguinchor et de Tambacounda. Leur présence au long de ces journées avec de nombreux diocésains a donné aux diverses manifestations la dimension de la rencontre de l’Évêque de Rome avec l’Église au Sénégal tout entière. J’ai aussi le plaisir de saluer les Évêques, les Supérieurs religieux, ainsi que vos nombreux amis venus des pays voisins ou lointains pour manifester leur fidèle sympathie. En particulier, j’aimerais adresser un cordial encouragement à l’Évêque et aux catholiques venus de Mauritanie.

Je voudrais dire mes sentiments cordiaux et mes encouragements aux prêtres, aux religieux et aux religieuses, aux laïcs engagés et à tous les fidèles qui composent cette magnifique assemblée.

Je suis sensible à la présence des représentants des Autorités civiles de ce pays; je leur exprime ma gratitude pour leur présence auprès de la communauté catholique, en ce jour de fête.

516 Mon cordial salut s’adresse aussi à vos compatriotes appartenant à d’autres traditions religieuses qui partagent aujourd’hui votre joie de célébrer votre foi.

2. Nous avons entendu l’Apôtre Paul nous inviter à la «communion dans l’Esprit» pour que sa joie soit complète. Oui, l’Esprit de Dieu, le Saint-Esprit qui est Dieu même nous unit. Il est le don du Christ. Il est le Saint Consolateur, l’Esprit de Vérité, qui fait naître dans nos âmes la prière.La prière de toute personne, même faite dans la solitude, fait entrer l’être qui prie dans la communauté de l’Église en prière. Mais le Seigneur rappelle instamment le sens de la prière en communauté: «Si deux d’entre vous sur terre se mettent d’accord pour demander quelque chose, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux»[3].

La prière est le lien profond de notre unité.

Par la prière, par le lien de la prière, l’Église se présente comme «un peuple qui tire son unité de l’unité du Père et du Fils et de l’Esprit Saint». Ces paroles, le Concile Vatican II les a reprises d’un grand saint africain d’autrefois, saint Cyprien[4].

L’Esprit Saint rend vivante et vraie notre prière. Par Lui, qui habite en nos coeurs, chacun de nous fait monter vers Dieu ce qu’il demande et ce qu’il espère. Par l’Esprit Saint, notre prière nous conforme à la volonté de Dieu et à l’amour fidèle de Dieu. L’Esprit Saint de Jésus nous permet de découvrir le mystère d’unité et d’amour de la Sainte Trinité, pour que nous vivions dès maintenant le mystère d’unité de l’Église, unique Corps du Christ, dans la communion des saints.

Frères et Soeurs, il vous a été donné de porter le nom de chrétiens. C’est une responsabilité et un appel. Soyez fidèles! Soyez fidèles ensemble à l’Église qui vous a transmis le don de la foi. Vivez comme des membres de l’Église et faites vivre l’Église tous ensemble. Car vous en êtes tous responsables, chacun selon sa vocation. Continuez de bâtir une Église fraternelle, où les pasteurs et les fidèles, les hommes et les femmes, les anciens et les jeunes, chacun comme il est, apportent leur pierre à la construction, à la communion de tous dans l’amour qui vient de Dieu.

Pour que l’édifice soit solide, dans le même Esprit, restez unis par la même foi. Le message de l’Évangile nous est transmis, nous le recevons comme le plus beau des dons. Ne cessons jamais de le découvrir et de l’approfondir ensemble. L’Église a la mission de nous enseigner le contenu de la foi et les règles pour vivre notre vocation humaine dans toute sa dignité et toute son exigence. Gardez le coeur et l’esprit ouverts à cet enseignement: le Seigneur a promis à ses Apôtres l’Esprit de Vérité; vous pouvez donc faire confiance à la parole transmise par leurs successeurs.

Dans l’unité de la foi, que l’Église soit une vraie famille, la famille des disciples du Christ au Sénégal. Vous parlez diverses langues, mais vous dites la même foi. Sur votre terre, le Christ habite, par son Esprit, dans les fils et les filles du Sénégal qui accueillent sa présence, qui le prient, le chantent et le célèbrent avec leurs mots, avec leurs gestes, avec ce qu’ils ont de meilleur dans leur belle culture africaine.

Vous vous en souvenez: Pierre prenait sa barque de pêcheur sur le lac, et Jésus lui disait de jeter ses filets; ici, vous prenez vos pirogues, et c’est le même Jésus qui vous dit de jeter vos filets. Sur le rivage de Génésareth, Jésus a dit à Pierre qu’il serait pêcheur d’hommes; sur vos côtes sénégalaises, c’est le même Jésus qui appelle de nouveaux disciples à le suivre pour devenir pêcheurs d’hommes à leur tour. Et quand vient la tempête, c’est le même Jésus qui vous dit de ne pas avoir peur.

Aujourd’hui, c’est le successeur de Pierre qui vous dit: accueillez les dons de Dieu et soyez pêcheurs d’hommes, porteurs de la Bonne Nouvelle. L’Église que vous construisez au Sénégal est en communion avec l’Église dans toutes les parties du monde. Catholiques, vous êtes frères et soeurs de tous les catholiques du monde. Je vous le dis, parce que j’ai reçu du Christ la charge d’affermir mes frères dans la foi et de servir l’unité de l’Église universelle. Vous pouvez compter sur la solidarité fraternelle de tous les membres du Corps du Christ, et le Corps compte sur les membres irremplaçables que vous êtes, vous les fidèles du Sénégal.

3. L’unité spirituelle de l’Église, c’est l’unité d’êtres humains qui ont différentes aspirations, et aussi différentes faiblesses, les faiblesses du péché, telles que, entre autres, «l’esprit de rivalité» ou «la vaine gloire», comme nous le lisons dans le texte de saint Paul de la liturgie d’aujourd’hui[5].

517 L’Église sait bien qu’elle est une communauté dont les membres sont des pécheurs. Tous sont appelés à la sainteté, mais ils commettent des péchés. En péchant, ils se portent tort les uns aux autres et ils portent tort au Corps tout entier. C’est pourquoi il est important d’être capable de se corriger, par la correction mutuelle entre frères et par le recours au sacrement de pénitence. Quand des oppositions se durcissent, malgré les efforts fraternels, il revient à l’Église de porter un jugement en vue de maintenir l’unité. Et, si le Christ lui-même parle d’exclure quelqu’un de la communauté, c’est évidemment la toute dernière éventualité. Mais l’Église désire toujours la conversion des pécheurs pour former la communauté des hommes réconciliés avec Dieu et entre eux.

C’est pourquoi elle veille à l’unité dans la foi et la charité. Lorsque des désaccords apparaissent, elle appelle ses enfants au dialogue fraternel, en vérité. L’obéissance que demande l’Église – l’adhésion intelligente à son enseignement doctrinal comme son application dans la vie personnelle et commune – est un moyen nécessaire pour assurer l’unité du Corps du Christ fondée sur l’Évangile: c’est la voie vers la sainteté qu’il faut prendre ensemble d’un même coeur. Nous sommes vraiment réunis au nom du Christ lorsque nous sommes unis par le lien qui est le fruit de l’Esprit Saint. Le Christ ressuscité a donné l’Esprit Saint à son Église, l’Esprit de vérité, l’Esprit d’unité qui édifie l’Église, jusqu’à la fin du monde.

4. Dans la Lettre aux Philippiens que nous avons lue aujourd’hui, l’Apôtre Paul écrit au sujet de l’Église: «Pour que ma joie soit complète, ayez les mêmes dispositions d’esprit, le même amour, les mêmes sentiments... Ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de lui-même, mais aussi des autres»[6].

Frères et Soeurs, les dons qui nous sont faits, nous devons les faire fructifier. Cette présence du Christ dans l’Esprit Saint est la source de l’amour qui exprime l’union des esprits et des sentiments. Lorsque nous allons boire à cette source, nous ne le faisons pas «chacun préoccupé de lui-même, mais aussi des autres»[7]. La source nous est ouverte pour que nous répandions à notre tour sa fraîcheur bienfaisante autour de nous, dans la vie fraternelle. Saint Paul nous a transmis une règle simple et bien utile: «Ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes»[8].

Le monde fraternel auquel vous aspirez, commencez par l’instaurer dans vos familles. Chaque jour, l’amour des époux et l’amour des parents se traduisent concrètement quand on pense d’abord au bien de l’autre sans chercher à l’utiliser pour sa seule satisfaction. On comprend mieux ainsi les exigences de fidélité et de pureté, d’humble service de l’autre, qui découlent de l’Évangile. Laissez entrer dans vos foyers la lumière d’amour de l’Esprit de sainteté.

Parents, l’amour vous rend capables d’un patient dévouement et de réels sacrifices pour les enfants à qui vous avez donné la vie; au nom de cet amour, gardez-leur un foyer uni par votre fidélité mutuelle; montrez-leur le chemin de la foi et de la sainteté. Enfants et jeunes, soyez reconnaissants avec joie pour ce que vos parents vous transmettent. Préparez-vous à reprendre à votre compte la construction d’un monde solidaire, en développant vos talents avec persévérance. Découvrez, vous aussi, la joie de vous préoccuper plus des autres que de vous-mêmes.

Pour reprendre encore les paroles de saint Paul, je redis à toutes les générations de chrétiens du Sénégal: encouragez-vous dans l’amour, soyez en communion dans l’Esprit. Répondez aux appels que vous entendez au fond de votre coeur, et n’hésitez pas à vous donner tout entiers à votre famille. Jeunes, garçons et filles, si le Seigneur vous le demande, partez à sa suite pour donner votre vie à son service dans le sacerdoce ou la vie religieuse.

5. Frères et Soeurs, vous le savez, vous devez garder le même esprit généreux et désintéressé quand vous sortez du cercle de votre famille ou de votre paroisse. Dans la société de votre pays, dans votre activité professionnelle, travaillez volontiers pour le bien de tous, sans faire de différences.

Pour le bien-être et la dignité de tous vos compatriotes, vous collaborez chaque jour avec des croyants d’autres traditions. Cherchez à vous comprendre, à reconnaître vos qualités. Poursuivez le dialogue entre les adeptes des différentes religions. Votre pratique africaine de la palabre vous dispose aux échanges prolongés et sérieux pour parvenir à l’entente. Dans la clarté, sans rien négliger de ce que vous avez reçu dans l’Église, cherchez ensemble ce qui sera le plus juste et le plus utile pour le bien de l’homme, dans la paix sociale. Veillez ensemble sur votre terre pour qu’elle nourrisse ses habitants. Développez votre économie pour que le plus grand nombre bénéficie de sa prospérité. Faites les efforts nécessaires pour que les jeunes reçoivent une formation qui leur permette d’entrer dans la vie active. Participez au soutien des plus pauvres, au soin des malades, à l’accompagnement des personnes âgées. Il est naturel pour des chrétiens de faire preuve d’esprit de service et de s’engager sans compter pour tout leur peuple.

Loyaux à votre pays, contribuez toujours davantage à la vie de ses institutions publiques. Soyez les premiers à respecter tous les groupes et toutes les minorités, à reconnaître concrètement la liberté de conscience, de culte et de vie religieuse pour tous, en défendant la même liberté pour vous. Pour ce qui dépend de vous, dans les débats d’opinion, pensez toujours au bien commun. Ayez le souci de garder votre pays dans la paix intérieure et dans une solidarité constructive avec les nations.
D’un point de vue chrétien, vous ne pouvez oublier le regard de Dieu sur la vie des hommes et sur leur histoire. Ce regard de Dieu est à la fois bienveillant et exigeant. Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité[9]. Il nous demande de collaborer à son dessein; il nous éclaire par l’Esprit de vérité et nous fortifie par son amour.

518 6. Chers amis du Sénégal, arrivé presque au terme de ma visite pastorale parmi vous, je voudrais vous encourager avec toute la ferveur de l’espérance chrétienne à poursuivre votre route dans la joie et la confiance.

Sur cette route, vous aurez à coeur d’être animés d’un esprit missionnaire qui fera de vous les témoins du Christ dans le milieu où vous vivez. La mission vous fait annoncer que Dieu est Père et qu’il appelle chacun de ses enfants. Elle vous donne de «rendre compte de l’espérance qui est en vous»[10]. Elle vous pousse à rassembler tous vos frères au nom de Jésus, présent au milieu de vous[11].

Vous avez d’ailleurs préparé un grand événement pour la mission de l’Église en Afrique, l’Assemblée spéciale du Synode des Évêques. Je vous invite à continuer votre réflexion et à prier intensément, car ce sera une étape primordiale pour l’évangélisation de votre continent. Vos évêques exprimeront vos attentes; ils offriront au Christ vos qualités africaines de générosité et de solidarité, de profond sens spirituel. Ils présenteront à Dieu l’Église qui grandit en Afrique.
À Dakar, aujourd’hui, je rends grâce à Dieu, notre Père, pour les dons qu’il a répandus sur son peuple au Sénégal, pour la présence du Christ Sauveur dans vos communautés d’Église, comme dans toutes les communautés de l’Église universelle.

Nous gardons sa parole qui nous a été donnée: «Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux»[12].

[1] Matth. 18, 20.

[2] Cfr. Act. 11, 26.

[3] Matth. 18, 19.

[4] Cfr. Lumen Gentium, 4.

[5] Cfr. Phil. 2, 3.

[6] Phil. 2, 2-4.

519 [7] Ibid. 2, 3.

[8] Ibid. 2, 4.

[9] Cfr. 1 Tim. 2, 4.

[10] 1 Petr. 3, 15.

[11] Cfr. Matth. 18, 20.

[12] Ibid.




CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE POUR LES PRÊTRES, LES RELIGIEUX,

LES SÉMINARISTES ET LES REPRÉSENTANTS DU LAÏCAT

DANS LA CATHÉDRALE DE CONAKRY

Conakry (Guinée)
Lundi, 24 février 1992
«Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui–là donne beaucoup de fruit»[1]


Chers Frères et Soeurs, de grand coeur je vous salue.

1. Laissez-moi vous dire toute ma joie d’inaugurer mes rencontres pastorales avec vous à Conakry, capitale de votre pays et siège de l’archevêché. En effet, au cours de mes voyages, l’entretien avec les forces vives des diocèses constitue toujours pour moi un moment privilégié.

520 En cette cathédrale Sainte-Marie, où nous sommes réunis, ma pensée va d’abord vers celle que nous aimons proclamer bénie entre toutes les femmes à cause du fruit qu’elle a porté: «Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni»[2]. Que Notre-Dame de Guinée intercède auprès de son Fils pour que cette célébration eucharistique ravive notre foi et notre amour!

Je remercie sincèrement votre Archevêque, Monseigneur Robert Sarah, de son discours d’accueil et, en particulier, des sentiments qu’il a exprimés en votre nom à tous. Je voudrais saluer ici avec déférence Madame Henriette Conté, premier Dame du pays.

Mes salutations cordiales vont maintenant à mes frères dans le sacerdoce; aux religieux et aux religieuses engagés sur la voie des conseils évangéliques; aux vaillants catéchistes à qui l’Église de Guinée doit tant; aux séminaristes qui sont l’espoir de cette même Église; aux membres des Conseils paroissiaux et à tous les fidèles laïcs engagés dans le service de l’Évangile.

En vous saluant, le Pape tient à vous exprimer toute l’affection qu’il éprouve pour des frères et des soeurs qui ont souffert à cause du nom de Jésus et qui ont tenu bon. Dans ces sentiments, j’adresse un salut fraternel à Monseigneur Raymond-Marie Tchidimbo que je connais depuis l’époque du Concile Vatican II. Il a mené le «dur combat» dont nous a parlé l’Apôtre[3], il a souffert pour le Christ et l’Église; à ce titre, il a droit à une estime et à une affection particulières de la part des chrétiens.

2. L’Église nous parle aujourd’hui par la magnifique allégorie de la vigne et des sarments. Cette allégorie se trouve dans l’Évangile de saint Jean, dans le contexte des paroles d’adieu que le Christ adresse à ses Apôtres à la veille de sa passion et de sa mort en croix.

Accomplissant le service de la Parole de Dieu qui lui a été confié, l’Église annonce le mystère révélé contenu dans cette Parole. Le mystère est avant tout le Christ lui-même. Car il est la vraie vigne. Dans l’allégorie, c’est de lui-même qu’il parle: «Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron»[4]. Cette attention divine pour la vigne se manifeste par le soin avec lequel les sarments sont traités. Et nous tous, nous sommes les sarments, chacun et chacune d’entre nous. Tous, nous sommes appelés par le Père à porter du fruit en demeurant dans le Christ, de même que les sarments portent du fruit à condition de rester unis à la vigne. Le Maître déclare: «Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire»[5].

3. Vous tous ici réunis, vous désirez porter beaucoup de fruit pour l’Église qui a pris racine dans cette terre africaine. Depuis que l’Église proclame le Christ dans cette contrée, les ministres de la Parole de Dieu, les ministres de l’Évangile mettent tout en oeuvre «afin d’amener tout homme à sa perfection dans le Christ»[6]. Ils se dépensent sans compter, à l’exemple de l’Apôtre Paul qui s’est donné de la peine et a lutté avec toute la force du Christ dont la puissance agissait en lui[7]. Et le but de ce combat spirituel, c’était, et c’est toujours, que les coeurs des hommes «soient remplis de courage et qu’ils soient rassemblés dans l’amour, afin d’acquérir toute la richesse de l’intelligence parfaite, et la vraie connaissance du mystère de Dieu»[8]. À ces trésors de la sagesse et de la connaissance, qui sont cachés dans le Christ[9], chacun peut accéder selon le don qu’il a reçu, selon sa vocation dans le Christ et dans l’Église.

4. Chers frères prêtres, unis à votre Evêque, efforcez-vous de former un presbyterium fraternel; soyez fidèles à Jésus Christ et à votre sacerdoce; engagez-vous résolument dans l’annonce de la Bonne Nouvelle: vous avez reçu l’ordination sacerdotale pour cela. Faites connaître Jésus Christ, révélez «le mystère qui était caché depuis toujours à toutes les générations»[10] et dont la proclamation officielle dans votre pays a subi une longue éclipse. Mettez les fidèles en relation vraie avec le Christ.

En cette étape de votre histoire nationale, soyez plus que jamais des rassembleurs et des agents d’unité. Edifiez et maintenez la communion entre les chrétiens, dans la communauté qui vous est confiée et avec les autres communautés diocésaines. Le prêtre, en effet, est le ministre de la communion, celui qui assure le rassemblement de la famille de Dieu.

Ayez une parole d’espérance pour tous les fidèles, mais plus spécialement pour les jeunes, en butte aux difficultés de la vie à cause d’une ouverture soudaine au libéralisme, et durement frappés par le chômage. Apprenez-leur que le coeur de l’homme doit changer d’abord pour que changent les choses. Le coeur, en effet, rend le regard attentif et bienveillant, le coeur suggère le geste d’entraide concrète. C’est à partir d’une disposition intérieure à vouloir sincèrement le bien commun que se construit l’unité. Encouragez la jeunesse à entreprendre avec enthousiasme, dans l’amour et dans l’espérance, les tâches de ce monde qu’un chrétien ne saurait déserter.

Enfin, parmi les actes de votre ministère sacerdotal, il en est un de grande valeur et d’actualité après tant d’années de souffrances et de douloureux souvenirs accumulés, je veux parler du ministère de la réconciliation: soyez des artisans de paix et faites comprendre autour de vous que l’Église est composée de gens réconciliés, qui ont été lavés dans le sang du Christ et qui ont reçu l’Esprit Saint, Esprit de paix.

521 5. Chers Frères et Soeurs, membres des Instituts de vie consacrée, vous avez choisi la vie religieuse pour répondre à l’appel du Christ à être parfait comme le «Père céleste est parfait»[11], et vous avez pris, pour y parvenir, les voies évangéliques de la chasteté, de la pauvreté et de l’obéissance.

Sachez bien que vous avez un rôle irremplaçable dans la mission de l’Église. Par les renoncements qu’entraîne votre vocation, vous témoignez de la prééminence des valeurs spirituelles et vous êtes en quelque sorte, pour vos frères et soeurs, une invitation vivante à préserver ces mêmes valeurs, qu’ils seraient davantage tentés de négliger aujourd’hui. Par votre prière et votre vie d’union à Dieu, vous montrez la source de l’efficacité de tout labeur pour la venue du Règne: «Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez et vous l’obtiendrez»[12]. Souvenez-vous que c’est par la prière que l’Église de Guinée a tenu pendant la tourmente.

Continuez à rayonner la joie qui découle du choix d’une vie simple, dans la ligne des Béatitudes, et à donner l’exemple du travail, nécessaire à chacun pour gagner sa vie et source de fierté, car il associe l’homme à l’oeuvre divine de la création toujours en acte.

6. Quant à vous, chers catéchistes, vous avez bien pris votre place dans le Corps du Christ et vous y jouez votre rôle. Vous avez su combler le vide laissé par le départ des pasteurs pendant les années de persécution. C’est grâce à vous que les chrétiens de Guinée, isolés, privés de prêtres, empêchés de communiquer avec l’extérieur, ont tenu bon, car vous avez continué à les instruire, à leur faire lire la Bible et vous les avez aidés à prier.

Le Pape est heureux de rendre hommage à votre oeuvre apostolique et à votre remarquable fidélité. Soyez-en remerciés ainsi que les membres des conseils paroissiaux et tous les fidèles laïcs engagés. À une époque où, dans le monde entier, les chrétiens se renouvelaient au souffle du Concile, vous mettiez déjà en pratique, sans les connaître, ses orientations.

Aujourd’hui que l’Église en Guinée reprend vigueur, je vous encourage à poursuivre l’évangélisation aux côtés de vos pasteurs, qui apprécient votre collaboration. Je souhaite que vous puissiez vous renouveler dans tout ce qui est utile à votre ministère, que vous puissiez aussi nourrir et fortifier votre vie spirituelle afin d’accomplir au mieux votre mission.

7. Enfin, je me tourne vers vous, chers séminaristes qui allez façonner le visage de l’Église de l’an 2000 en Guinée. Cherchez à devenir les hommes de la foi, afin d’annoncer de manière convaincante la Parole de Dieu, de soutenir vos frères dans leurs convictions et de les réconforter dans leurs doutes.

Cherchez à devenir les hommes des mystères de Dieu, témoins de l’Invisible auprès de ceux qui vous entourent, chrétiens, musulmans ou adeptes des religions ancestrales.

Devenez les hommes de la communion, qui savent cimenter l’union entre les membres du Peuple de Dieu par l’Eucharistie.

Pour tendre à cet idéal, il faut que vous nourrissiez en vous une vie spirituelle exigeante, car l’impact de votre activité pastorale est conditionné par elle. Tel est le message contenu dans le passage d’Évangile que nous avons entendu, où Jésus subordonne notre efficacité à notre union avec Lui: «En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire»[13].

Le travail qui vous attend, vous ne l’aborderez pas en solitaires. Vous le ferez avec vos frères dans le sacerdoce, avec qui vous établirez des liens de profonde amitié spirituelle. Sur la base de ces liens et de ceux qui naîtront au contact des communautés paroissiales, votre célibat prendra un sens nouveau et vous conduira sur le chemin d’une authentique paternité spirituelle qui portera un fruit abondant.

522 8. Le Christ est au milieu de nous, Lui, l’espérance de la gloire[14].

Paul a reçu de Dieu la mission d’accomplir sa parole[15]; cette mission, nous la comprenons bien par l’allégorie sur la vraie vigne et sur les sarments.

Jésus dit: «Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous... Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous donniez beaucoup de fruit»[16]. Comme les Apôtres, nous sommes appelés nous aussi à participer à la gloire de Dieu même, par ce que nous devons faire en tant que disciples du Christ. Même si la voie sur laquelle nous le suivons comporte souvent la souffrance, elle constitue pour l’apôtre une source de joie: car, dans les souffrances, chacun de nous peut compléter dans sa propre chair «ce qu’il reste à souffrir des épreuves du Christ, pour son corps qui est l’Église»[17].

Qu’il est puissant l’apostolat de la souffrance, bien qu’humainement il soit difficile de s’en apercevoir quand on considère le dénuement de l’être humain! Mais le Christ n’a-t-il pas opéré la rédemption du monde en se dépouillant lui-même[18]?

Telle est la plénitude du Mystère qui est en Lui. Dans le sacrifice de la Croix, le Christ est pour tout homme «l’espérance de la gloire». «Ne fallait-il pas que le Messie souffrît tout cela pour entrer dans sa gloire?»[19].

Par la Croix et la Résurrection, Jésus Christ demeure en nous: il est la vraie vigne, et celui qui demeure en Lui donne beaucoup de fruit.

Que ce Mystère rayonne dans votre Église! Qu’il soit la source et la puissance qui vous permettent de porter du fruit dans l’Esprit Saint, pour la gloire de Dieu et pour le salut de vos âmes!

[1] Io. 15, 5.

[2] Luc. 1, 42.

[3] Cfr. Col. 2, 1.

[4] Io. 15, 5.

523 [5] Ibid. 15, 5.

[6] Col. 1, 28.

[7] Cfr. ibid. 1, 29.

[8] Ibid. 2, 2.

[9] Cfr. ibid. 2, 3.

[10] Ibid. 1, 26.

[11] Cfr. Matth. 5, 48.

[12] Io. 15, 8.

[13] Matth. 15, 5.

[14] Cfr. ibid. 1, 27.

[15] Cfr. ibid. 1, 25.

524 [16] Io. 15, 7-8.

[17] Cfr. Col. 1, 24.

[18] Cfr. Phil. 2, 7.

[19] Luc. 24, 25; Cfr. Phil.2, 7.




Homélies St Jean-Paul II 511