Homélies St Jean-Paul II 536


GÚSUNO SIARA!

(Remercions Dieu!)

SU MÁRI SIARA!

(Remercions Marie!)

[1] Io. 17, 23.

537 [2] Io. 11, 52.

[3] Ez 37, 19.

[4] 1 Cor. 1, 5.

[5] Io. 14, 6.

[6] Bidi 17, 3.

[7] Ibid. 17, 14.

[8] Ibid. 17, 13.

[9] 1 Io. 5, 5.

[10] Sacrosanctum Concilium, 47.

[11] 1 Cor. 10, 16-17.

[12] Io. 17, 21.

538 [13] Ibid. 17, 23.







1994

CÉLÉBRATION DE L'EUCHARISTIE À L'OCCASION DE L'INAUGURATION

DE LA RESTAURATION DES FRESQUES DE MICHEL-ANGE

DANS LA CHAPELLE SIXTINE

Dimanche 8 avril 1994


1. « Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de l'univers visible et invisible ».

Nous entrons aujourd'hui dans la Chapelle Sixtine pour admirer ses fresques merveilleusement restaurées. Il s'agit d'oeuvres des plus grands maîtres de la Renaissance: de Michel-Ange tout d'abord, mais aussi de Ghirlandaio, du Pinturicchio et d'autres. A l'issue de ces délicates interventions, je désire tous vous remercier, vous qui êtes ici présents, et particulièrement ceux qui, de diverses manières, ont apporté leur contribution à cette noble entreprise. Il s'agit d'un bien culturel d'une valeur inestimable, d'un bien qui possède un caractère universel. En témoignent les innombrables pèlerins qui, venus de toutes les nations du monde, visitent ce lieu pour admirer l'oeuvre des plus grands maîtres et reconnaître dans cette Chapelle une sorte de synthèse admirable de l'art pictural.

Des amateurs passionnés du beau ont ensuite fait la preuve de leur sensibilité par l'apport concret et important qu'ils ont offert pour restituer à la Chapelle sa fraîcheur de tons originelle. On a en outre pu compter sur l'aide d'experts particulièrement versés dans l'art de la restauration, qui ont exécuté leurs interventions à l'aide des techniques les plus avancées et les plus sûres. Le Saint-Siège exprime à tous ses remerciements cordiaux pour le splendide résultat obtenu.

2. Les fresques que nous contemplons ici nous introduisent dans le monde des contenus de la Révélation. Ici, les vérités de notre foi nous parlent de tous côtés. Le génie humain a tiré d'elles son inspiration, en s'engageant à les revêtir de formes d'une beauté inégalable. Voilà surtout pourquoi le Jugement Dernier suscite en nous le vif désir de professer notre foi en Dieu, Créateur de l'univers visible et invisible.

Et dans le même temps, il nous incite à renouveler notre adhésion au Christ ressuscité, qui viendra au dernier jour pour juger souverainement les vivants et les morts. Devant ce chef- d'oeuvre, nous confessons le Christ, Roi des siècles, dont le Règne n'aura pas de fin.

C'est précisément ce Fils éternel, auquel le Père a confié la cause de l'humaine Rédemption, qui nous parle dans cette dramatique scène du Jugement Dernier. Nous nous trouvons devant un Christ insolite. Il possède en soi une antique beauté, qui se détache en un certain sens des représentations picturales traditionnelles. Depuis la grande fresque, il nous révèle avant tout le mystère de sa gloire, lié à la résurrection. Le fait que nous soyons rassemblés ici, pendant l'Octave de Pâques, doit être vu comme une circonstance on ne peut plus propice. Nous nous trouvons tout d'abord face à la gloire de l'humanité du Christ. Il viendra en effet dans son humanité pour juger les vivants et les morts, pénétrant dans les profondeurs des consciences humaines et révélant la puissance de sa rédemption. C'est pourquoi, à côté de lui, nous trouvons la Mère, l'« Alma socia Redemptoris ». Le Christ, dans l'histoire de l'humanité, est la véritable pierre angulaire, celle dont le psalmiste dit. « La pierre rejetée des bâtisseurs est devenue la pierre de tête » (Ps 117/118, 22). Cette pierre ne peut donc pas être rejetée. Unique Médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ de la Chapelle Sixtine, exprime en soi le mystère tout entier de la visibilité de l'Invisible.

3. Ainsi, nous sommes au centre de la question théologique. L'Ancien Testament excluait toute image ou représentation de l'invisible Créateur. Tel était en effet le commandement que Moise avait reçu de Dieu sur le Mont Sinaï (cf. Ex 20,4), car le danger existait que le peuple, enclin à l'idolâtrie, s'arrêtât dans son culte à une image de Dieu qui est inimaginable, car au-delà de toute imagination et entendement de l'homme. L'Ancien Testament demeura fidèle à cette tradition, n'admettant aucune représentation du Dieu Vivant ni dans les maisons de prière ni dans le Temple de Jérusalem. Les membres de la religion musulmane s'en tiennent encore à une tradition semblable, eux qui croient en un Dieu invisible, tout-puissant et miséricordieux, Créateur et juge de toute créature.

Mais Dieu lui-même vint au-devant des exigences de l'homme, qui a dans son coeur l'ardent désir de pouvoir le voir. Abraham n'accueillit-il pas ce même Dieu invisible dans la visite admirable de trois mystérieux Personnages? « Tres vidit et Unum adoravit » (cf. Gn 18,1-14). Face à ces trois Personnes, Abraham, le père de notre foi, connut de manière profonde la présence du Seul et Unique. Cette rencontre constituera le thème de l'incomparable icône d'Andreï Roublev, sommet de la peinture russe. Roublev fut l'un des saints artistes dont la créativité était le fruit d'une profonde contemplation, de la prière et du jeûne. A travers leur oeuvre s'exprimait la gratitude de l'âme envers le Dieu invisible qui permet à l'homme de le représenter de manière visible.

539 4. Tout cela fut reçu par le deuxième Concile de Nicée, le dernier de l'Eglise indivise, qui rejeta de manière définitive la position des iconoclastes, et confirma la légitimité de l'habitude d'exprimer la foi au moyen de représentations artistiques. L'icône n'est alors pas simplement oeuvre d'art pictural. Elle est, en un certain sens, comme un sacrement de la vie chrétienne, puisqu'en elle est rendu présent le mystère de l'Incarnation. En elle se reflète, d'une manière toujours nouvelle, le Mystère du Verbe fait chair et l'homme - auteur et, dans le même temps, participant - se réjouit que l'Invisible se rende visible.

Est-ce que ce n'a pas été le Christ lui-même qui a établi les bases de cette joie spirituelle? « Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit » - demande Philippe au Cénacle à la veille de la Passion du Christ. Et jésus de répondre: « Voilà si longtemps que je suis avec vous... et tu ne me connais pas, Philippe? Qui m'a vu a vu le Père... Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi? » (
Jn 8,8-10). Le Christ, rend visible Dieu invisible. Par son intermédiaire, le Père pénètre la création tout entière et le Dieu invisible se rend présent parmi nous et communique avec nous, de la même manière que les trois Personnages dont parle la Bible, s'assirent à table et mangèrent avec Abraham.

5. Michel-Ange lui aussi n'a-t-il pas tiré des conclusions précises des paroles du Christ « Qui m'a vu a vu le Père »? Il a eu le courage d'admirer de ses propres yeux ce Père au moment où il prononce le « fiat » créateur et appelle à l'existence le premier homme. Adam a été créé à l'image et ressemblance de Dieu (cf. Gn 1,26). Alors que le Verbe éternel est l'icône invisible du Père, l'homme-Adam en est l'icône visible. Michel-Ange s'efforce par tous les moyens de rendre à cette visibilité d'Adam, à sa corporéité, les traits de l'antique beauté. Ou plutôt, avec une grande audace, il transfère cette beauté visible et corporelle dans le Créateur invisible lui-même. Nous nous trouvons probablement face à une hardiesse insolite dans l'art, puisqu'au Dieu invisible on ne peut imposer la visibilité qui est le propre de l'homme. Ne serait-ce pas un blasphème? Il est pourtant difficile de ne pas reconnaître dans le Créateur visible et humanisé, le Dieu revêtu d'infinie majesté. Et même, pour autant que le permette l'image avec ses limites intrinsèques, ici on a dit tout ce qu'il était possible de dire. La majesté du Créateur, comme celle du juge, parlent de la grandeur divine: parole émouvante et univoque, comme, d'une autre manière, la Pietà de la basilique vaticane est émouvante et univoque, comme le Moise de la basilique Saint-Pierre-aux-Liens l'est aussi.

6. Dans l'expression humaine des mystères divins, la « kenosis », comme achèvement de ce qui est visible et corporel, n'est-elle pas nécessaire? Un tel achèvement a fortement pénétré la tradition des icônes chrétiennes orientales. Le corps est certainement la « kénosis » de Dieu. Nous lisons en effet dans saint Paul que le Christ « s'anéantit lui-même, prenant condition d'esclave » (Ph 2,7). S'il est vrai que le corps représente la « kénosis » de Dieu et que dans la représentation artistique des mystères divins, la grande humilité du corps doit s'exprimer, afin que ce qui est divin puisse se manifester, il est aussi vrai que Dieu est la source de la beauté intégrale du corps.

Il semble que Michel-Ange, à sa manière, se soit laissé guider par les paroles suggestives du livre de la Genèse qui, en ce qui concerne la création de l'homme, homme et femme, relève: « Tous deux étaient nus [..], et ils n'avaient pas honte l'un devant l'autre » (Gn 2,25). La Chapelle Sixtine est précisément - pour ainsi dire - le sanctuaire de la théologie du corps humain. En témoignant de la beauté de l'homme créé par Dieu comme homme et femme, elle exprime aussi, d'un certaine manière, l'espérance d'un monde transfiguré, le monde inauguré par le Christ ressuscité, et avant même le Christ du Mont Thabor. Nous savons que la Transfiguration constitue l'une des principales sources de la dévotion orientale; elle est un livre éloquent pour les mystiques, de même que le Christ crucifié contemplé sur le mont de La Vema a été un livre ouvert pour saint François.

Si, devant le jugement Dernier, nous restons ébaubis par la splendeur et par la terreur, en admirant d'un côté les corps glorifiés et de l'autre ceux qui sont soumis à la condamnation éternelle, nous comprenons aussi que la vision tout entière est profondément parcourue par une unique lumière et une unique logique artistique: la lumière et la logique de la foi que proclame l'Eglise lorsqu'elle confesse: « Je crois en un seul Dieu... Créateur du ciel et de la terre, de l'univers visible et invisible ». Sur la base de cette logique, en ce qui concerne la lumière qui vient de Dieu, le corps humain conserve lui aussi sa splendeur et sa dignité. Si on le sépare de cette dimension, il devient d'une certaine manière un objet, facilement avili, puisque ce n'est qu'aux yeux de Dieu que le corps humain peut rester nu et découvert et conserver intactes sa splendeur et sa beauté.

7. La Chapelle Sixtine est le lieu qui, pour chaque Pape, conserve le souvenir d'un jour particulier de sa vie. Dans mon cas, il s'agit du 16 octobre 1978. C'est précisément ici que se rassemblent les cardinaux, dans l'attente de la manifestation de la volonté du Christ quant à la personne du Successeur de saint Pierre. C'est ici que j'ai entendu, de la bouche de celui qui un jour fut mon Recteur, le Cardinal Maximilien de Fürstenberg, les paroles significatives: « Magister adest et vocat te ». Dans ce lieu, le Cardinal-Primat de Pologne Stefan Wyszynski, m'a dit: « S'ils t'élisent, je te prie de ne pas refuser ». Et c'est ici, dans un esprit d'obéissance au Christ et en me confiant à sa Mère, que j'ai accepté l'élection issue du Conclave, en déclarant au Cardinal-Camerlingue Jean Villot, que j'étais disponible pour servir l'Eglise. Ainsi donc, la Chapelle Sixtine est une fois encore devenue, devant toute la communauté catholique, le lieu de l'action de l'Esprit Saint qui constitue dans l'Eglise les évêques, qui constitue en particulier celui qui doit être l'Evêque de Rome et le Successeur de Pierre.

Aujourd'hui, en célébrant le sacrifice de la sainte Messe dans la Chapelle elle-même, en la seizième année de mon service au Siège apostolique, je prie l'Esprit du Seigneur de ne pas cesser d'être présent et actif dans l'Eglise. Je le prie de la faire entrer heureusement dans le troisième millénaire.

J'invoque le Christ, Seigneur de l'histoire, afin qu'il soit avec nous tous jusqu'à la fin du monde, ainsi qu'il l'a lui-même promis: « Ego vobiscum sum omnibus diebus usque ad consummationem saeculi » Mt 28, 20).



CONCÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE

POUR L'OUVERTURE DE L'ASSEMBLÉE SPÉCIALE

POUR L'AFRIQUE DU SYNODE DES ÉVÊQUES

Saint-Pierre
Dimanche 10 avril 1994
1. italien

2.3. anglais

540 4. Mais si, d'un côté, nous constatons avec satisfaction que l'ouverture à la vie constitue une des caractéristiques les plus belles et les plus typiques du continent africain, d'un autre côté, nous voyons avec grande douleur et grande inquiétude que ce continent est déchiré par des tensions anciennes et par des luttes sanglantes. Nous ne pouvons qu'être profondément frappés et troublés par ce contraste dramatique entre l' amour et la haine, entre la joie de vivre et la terreur, entre la solidarité et le fratricide, entre la vie et la mort.

Dans ce contexte qui concerne malheureusement de nombreux pays, je tiens évoquer maintenant spécialement le peuple et l'Église du Rwanda, éprouvés en ces jours par une tragédie bouleversante, en liaison notamment avec l'assassinat dramatique des Présidents du Rwanda et du Burundi. Je partage votre souffrance avec vous, les Évêques, devant cette vague vague nouvelle, catastrophique, de violence et de mort qui, recouvrant ce pays bien-aimé, a fait couler, dans des proportions que l'on n'avait plus ce cornes depuis longtemps, le sang de prêtres, de religieuses et de catéchistes, victimes innocentes d'une haine absurde.

Avec vous, réunis en ce Synode africain, et en communion d'Esprit avec les Évêques du Rwanda qui n'ont pu être avec nous aujourd'hui, je ressens le devoir de lancer un appel afin que l'on arrête la main homicide des violents. Avec vous, j'élève la voix pour dire à tous: arrêtez ces violences! Arrêtez ces tragédies! Arrêtez ces massacres fratricides!

Au Rwanda et au Burundi, durement éprouvés ces derniers temps, de même que dans toute l'Afrique, l'Eglise doit apporter sa contribution précieuse et irremplaçable pour promouvoir une oeuvre urgente et radicale de réconciliation, afin de faire du Continent africain une terre où règnent la paix et l'amour pour la vie.

5. Le Concile Vatican II, qui est la principale source d'inspiration du Synode africain, a ouvert un dialogue fécond non seulement avec les chrétiens, mais avec les religions non chrétiennes. En Afrique, ce dialogue prend une grande ampleur. Cela concerne spécialement ceux qui se considèrent comme la descendance spirituelle d'Abraham, c'est-à-dire les musulmans. L'Église de Rome salue tous les disciples de l'Islam qui vivent dans le Continent africain, en particulier dans sa partie septentrionale. Elle leur souhaite de recevoir la bénédiction de Dieu tout-puissant et miséricordieux.

En même temps, notre Église, qui est répandue sur toute la terre et qui s'exprime aujourd'hui d'une manière particulière par la présence des Évêques africains, croit fermement que la toute-puissance et la miséricorde du Dieu unique se sont manifestées avant tout par l'Incarnation du Fils de Dieu, le Fils qui est consubstantiel au Père qui agit avec le Père dans l'Esprit Saint et qui, dans cette unité trinitaire, reçoit en plénitude gloire et honneur. L'homme et l'humanité entière sont appelés à honorer ce Dieu en Esprit et en vérité. Jésus-Christ est celui qui est venu comme le dit saint Jean, « par l'eau et par le sang: pas seulement l'eau, lais l'eau et le sang. Et celui qui rend témoignage, c'est l'Esprit, car l' Esprit est la vérité » (
1Jn 5,6). Telle est notre foi, telle est la foi de l'Église. telle es foi de toutes les Églises particulières qui avancent sur le Continent africain dans leur pèlerinage vers la maison du Père. Telle est la foi qui remporte la victoire sur le monde. Il est vainqueur du monde, celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu. Il est vainqueur du monde, celui qui est né de Dieu (Cfr. ibid.5, 4-5).

6. Devant vous, croyants qui professez un seul Dieu, nous rendons témoignage de ce mystère ineffable que Dieu a voulu révéler h l'homme en Jésus-Christ, en lui apportant la justification par fois et la rémission des péchés. Jésus est le Fils de Marie, la Vierge de Nazareth, comme vous le reconnaissez, vous aussi. Ce Jésus, Dieu-homme crucifié et ressuscité, est l'espérance de toute l'humanité. Il est aussi l'espérance de l'Afrique!

En ouvrant le Synode des Évêques pour l'Afrique, nous vous demandons de prier le Dieu unique, par Abraham, père de notre foi., afin que nous puissions répondre pleinement à la vocation que les peuples d'Afrique reçurent de Dieu il y a deux mille ans, par le Christ, dans sa sainte Église.

La liturgie de ce jour, deuxième Dimanche de Pâques, nous renvoie aux plus anciennes époques de l'Église, lorsque « la multitude de ceux qui avaient adhéré à la foi avait un seul coeur et une seule âme..., que les Apôtres portaient témoignage de la résurrection. du Seigneur Jésus et jouissaient tous d'une grande estime » (Ac 4, 32, 33). Nous demandons à l'Esprit Saint que cette «grande estime» anime notre assemblée synodale. Cette assemblée est le fruit d'un long travail.L'Église qui est dans toute l'Afrique a d'abord cherché une forme appropriée pour cette rencontre. Puis on s'est rendu compte que cette forme existait déjà depuis bien longtemps dans de nombreux Synodes africains. Aujourd'hui cette forme se réalise dans le Synode des Évêques de l'Église qui est dans le Continent africain, en communion avec l'Evêque de Rome. De cette manière, le présent Synode revêt un caractère totalement africain et, en même temps, il participe de la pleine universalité de l'Église, telle qu'elle se traduit par le ministère du Successeur de Pierre.

7. 8. Italien



CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE POUR CINQ NOUVEAUX

BIENHEUREUX EN LA SOLENNITÉ DU

CHRIST ROI DE L'UNIVERS


Dimanche 20 novembre 1994



1. 2. italien

541 3. Témoin de la vérité du Christ, le Père Hyacinthe-Marie Cormier l’a été à l’école de saint Dominique. Béni soit Dieu qui nous donne de réunir ce matin en une seule célébration des membres de trois branches de la grande famille dominicaine, si fortement attachée à la prédication de la Vérité! La vérité n’est pas une notion abstraite, c’est pour nous une Personne, la personne du Christ, Roi de l’univers. Dans sa vie, le Père Cormier n’a cessé de vivre de la vérité et il l’a transmise à tous ses frères dominicains avec humilité et persévérance. N’avait-il pas associé la vérité à la charité dans sa devise: « Caritas Veritatis »? Il disait en effet que donner la vérité est « la plus belle charité ».

Dans le Père Cormier, c’est le mouvement de l’intelligence humaine, éclairée par la foi, que l’Eglise veut reconnaître et honorer. En effet, le fondateur de l’Université de l’« Angelicum » nous rappelle que Dieu nous demande d’utiliser les facultés de notre esprit, reflet du sien, pour lui rendre gloire. Homme assoiffé de vérité, il sut également se donner à ses frères comme prieur, comme provincial et comme Maître général de l’Ordre dominicain, dans le respect de ses traditions séculaires. Il guida les fils de saint Dominique avec sagesse et compétence pour les mener vers Dieu, pour faire d’eux de vrais enfants et de vrais témoins du Royaume.

4. A l’oeuvre de l’intelligence croyante doit s’ajouter le témoignage de l’amour agissant, de la charité qui ne passera jamais et demeurera dans l’« empire éternel » annoncé par le prophète Daniel (
Da 7,14). De cette charité active, Marie Poussepin fut saisie dès son enfance et elle eut à coeur de se mettre au service des plus démunis, dans le Tiers-Ordre dominicain de Dourdan, sa ville natale. Elle savait, en effet, reconnaître la vive présence du Seigneur de l’univers dans la personne des plus petits. Servir les pauvres, c’est vivre déjà la béatitude du Royaume. Marie Poussepin voulut faire de sa vie tout entière une offrande d’amour, comme le montre le texte des Constitutions qu’elle donna aux Soeurs de charité dominicaines de la Présentation de la Vierge, fondées par elle à Sainville. Avec ses compagnes, religieuses apostoliques, elle décidait de travailler « pour l’utilité de la paroisse, pour instruire la jeunesse et servir les pauvres malades ».

Le feu de l’amour que le Christ est venu allumer sur la terre serait voué à s’éteindre si les familles n’avaient à coeur de l’entretenir. En cette année qui leur est particulièrement consacrée, Marie Poussepin livre un message de joie et d’espérance: née dans une famille qui l’a portée et qu’elle a soutenue, elle est désormais proposée à notre vénération comme une de nos soeurs en humanité, une fille de Dieu humble et généreuse, capable de comprendre les problèmes que rencontre une famille et de montrer également dans quelle direction il faut en chercher la solution: dans l’amour qui jaillit du Coeur du Christ, Roi de l’univers.

5. La fécondité de l’esprit de saint Dominique nous apparaît encore ce matin dans la figure d’une contemplative, Agnès de Jésus, à qui le Père Hyacinthe Cormier reconnaissait qu’il devait les débuts de sa vocation. Un même amour du Christ, une même volonté de hâter la venue de son Royaume les réunissait en effet. Mais ni le charisme de gouvernement et d’enseignement chez le Père Hyacinthe, ni le feu de l’amour divin chez Marie Poussepin n’auraient existé sans un profond esprit de contemplation et d’oblation tel que nous le voyons chez Mère Agnès, moniale de Langeac. Elle aussi - il me plaît de le souligner en cette Année de la Famille - a été très tôt éveillée à la soif de Dieu dans sa famille.

Le Christ qui nous aime, « qui nous a délivrés de nos péchés par son sang » (Ap 1,6), l’a conduite sur les chemins de la perfection en lui faisant sentir, dès son enfance, la puissance de son amour rédempteur, la force de son pardon et la lumière qu’il lui destinait. Bienheureuse en vérité, Agnès de Langeac qui a su entrer sans la moindre réticence dans le projet de Dieu sur elle, offrir son intelligence, sa volonté et sa liberté, au Fils de l’homme, pour qu’il les transforme et les accorde totalement aux siennes!

«Tout ce qu’il vous plaira!»: la devise de Mère Agnès montre bien sa disponibilité intérieure à l’égard de la volonté divine. Le Christ est véritablement devenu le Roi de son existence. «Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix», dit le Seigneur (Jn 18,37). Tel est bien le mouvement naturel de cette âme passionnée de Dieu, de cette religieuse qui, de son monastère, eut une influence déterminante sur l’action de Monsieur Olier en faveur des vocations sacerdotales.

6. Soeur Eugénie Joubert, religieuse de la Congrégation des Soeurs de la Sainte Famille du Sacré Coeur, nous est proposée en vivant exemple de l’action de Dieu dans un coeur humain. Chez elle aussi, l’éducation chrétienne fut décisive pour toute son action à venir. Deux ans avant sa mort, au terme d’une brève existence consacrée notamment à la catéchèse des tout-petits, elle laisse jaillir ce cri du coeur: « Je veux être comme le tout petit enfant, porté dans les bras de sa maman ».

Le Règne du Christ peut commencer dans le coeur d’un enfant. C’est ce qu’a compris Soeur Eugénie et c’est pourquoi elle mit tant de soin à préparer les plus jeunes à la première confession et à la première communion. Chacun, dès son plus jeune âge, est appelé à rendre témoignage à la vérité. Sans cesse, l’Eglise fera retentir les paroles du Seigneur: « Laissez venir à moi les petits enfants! » ( Mt Mt 19,14). Sans cesse elle le fera, car elle sait qu’aucun fils des hommes, aussi pauvre et aussi humble soit-il, n’est indifférent à Dieu. Dans le Royaume, chacun est appelé à entrer et les bienheureux, en nous y précédant, nous montrent le chemin.

7. 8. italien





1995

VOYAGE APOSTOLIQUE EN BELGIQUE

BÉATIFICATION DU SERVITEUR DE DIEU DAMIEN DE VEUSTER,

MISSIONNAIRE DE LA CONGRÉGATION DES SACRÉS-COEURS




542 Solennité de la Pentecôte, Bruxelles
Dimanche 4 juin 1995
1-4. Flamand


5. Anglais

6. Allemand

7. Mon coeur se tourne vers ceux qui sont aujourd’hui encore atteints de la lèpre. Avec Damien, ils ont désormais un intercesseur, car, avant d’être malade, il s’était déjà identifié à eux et disait souvent: «Nous autres, lépreux». En appuyant auprès de Paul VI la cause de béatification, Raoul Follereau avait eu l’intuition du rayonnement spirituel que Damien pouvait avoir après sa mort. Ma prière rejoint aussi tous ceux qui sont frappés par des maladies graves et incurables, ou qui sont à l’approche de la mort. Comme les évêques de votre pays l’ont rappelé, tous les hommes ont le droit d’avoir, de la part de leurs frères, une main tendue, une parole, un regard, une présence patiente et aimante, même s’il n’y a pas d’espoir de guérison. Frères et Soeurs malades, vous êtes aimés de Dieu et de l’Eglise! La souffrance est pour l’humanité un mystère inexplicable; si elle écrase l’homme laissé à ses propres forces, elle trouve un sens dans le mystère du Christ mort et ressuscité, qui demeure proche de tout être et qui lui murmure: «Courage, j’ai vaincu le monde» [7]. Je rends grâce au Seigneur pour les personnes qui accompagnent et entourent les malades, les petits, les êtres faibles et sans défense, les exclus: je pense spécialement aux professionnels de la santé, aux prêtres et aux laïcs des équipes d’aumônerie, aux visiteurs d’hôpitaux, et à ceux qui se dévouent pour la cause de la vie, pour la sauvegarde des enfants, et pour que chaque homme ait un toit et une place au sein de la société. Par leur action, ils rappellent l’incomparable dignité de nos frères qui souffrent, dans leur corps ou dans leur coeur; ils manifestent que toute vie, même la plus fragile et la plus souffrante, a du poids et du prix au regard de Dieu. Avec les yeux de la foi, au-delà des apparences, on peut voir que tout être est porteur du riche trésor de son humanité et de la présence de Dieu, qui l’a tissé dès l’origine [8].

8. Dans la Première Lettre aux Corinthiens, saint Paul écrit: «Personne n’est capable de dire "Jésus est le Seigneur" s’il n’est avec l’Esprit Saint» [9]. En effet, dire «Jésus est le Seigneur» signifie confesser sa divinité, comme l’avait confessée saint Pierre au nom des Apôtres à Césarée de Philippe. «Le Seigneur» – Kyrios en grec – est celui qui domine sur toute la création, celui auquel s’adresse le psaume que nous avons entendu: «Bénis le Seigneur, ô mon âme; Seigneur mon Dieu, tu es si grand! Quelle profusion dans tes oeuvres, Seigneur! La terre s’emplit de tes biens. Tu reprends leur souffle, ils expirent et retournent à leur poussière. Tu envoies ton souffle: ils sont créés; tu renouvelles la face de la terre» [10].

Ces versets de la liturgie parlent du pouvoir de Dieu sur toute la création. Elles concernent l’Esprit Saint, qui est Dieu, et qui donne la vie avec le Père et le Fils. Aussi, l’Eglise prie-t-elle aujourd’hui: «O Seigneur, envoie ton Esprit qui renouvelle la face de la terre»! L’Esprit Saint fait en sorte que l’homme parvienne à la connaissance du Christ et confesse sa divinité: «Jésus est Seigneur» – Kyrios!

Cette foi en la divinité du Christ, le Père Damien, d’une certaine manière, l’a sucée avec le lait maternel, dans sa famille en Flandres. Il a grandi avec elle et il la porta ensuite à ses frères et soeurs, dans les lointaines îles Molokaï. Pour confirmer jusqu’au bout la vérité de son témoignage, il a offert sa vie au milieu d’eux. Qu’aurait-il pu offrir d’autre aux lépreux, condamnés à une mort lente, sinon sa propre foi et cette vérité que le Christ est Seigneur et que Dieu est Amour? Il devint lépreux au milieu des lépreux, il devint lépreux pour les lépreux. Il a souffert et il est mort comme eux, croyant en la résurrection dans le Christ, car le Christ est Seigneur!

9. Saint Paul écrit encore: «Les dons de la grâce sont variés, mais c’est toujours le même Esprit. Les fonctions dans l’Eglise sont variées, mais c’est toujours le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est toujours le même Dieu qui agit en tous. Chacun reçoit le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous» [11]. Par ces paroles, l’Apôtre présente une vision dynamique de l’Eglise, dynamique et en même temps charismatique. Dans cette vision charismatique, se manifeste l’Esprit que le Père, au nom du Christ, envoie sur les Apôtres. Tout a sa source dans les divers dons de la grâce, qui rendent les croyants capables de réaliser les activités, les vocations et les ministères variés, dans l’Eglise et dans le monde.

Le regard de Paul est universel, et, dans ce regard universel, nous retrouvons certainement une partie de la vie de notre bienheureux: son charisme, sa vocation et son ministère. En tout ceci, l’Esprit Saint s’est manifesté, pour le bien de tous. La béatification du Père Damien sert au bien de toute l’Eglise. Elle revêt une importance particulière pour l’Eglise qui est en Belgique, ainsi que pour l’Eglise dans les îles de l’Océanie.

543 10. Il est providentiel que cette béatification se déroule au cours de la solennité de la Pentecôte. Dans la Lettre au Corinthiens, Paul continue ainsi: «Notre corps forme un tout, il a pourtant plusieurs membres; et tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps. Il en est ainsi pour le Christ. Tous, ...nous avons été baptisés dans l’unique Esprit pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par l’unique Esprit» [12]. Cet Esprit a soufflé dans les lointaines îles de l’Océanie, par le ministère du Père Damien; il trouve un écho dans vos familles, dans vos paroisses et dans les Congrégations missionnaires. Dans l’histoire de votre pays, se sont multipliées les oeuvres, pour le bien et la croissance de l’Eglise; il faut noter en particulier la naissance de nombreuses congrégations religieuses qui ont eu un rayonnement important, par leurs activités spirituelles, caritatives, intellectuelles et sociales. D’autre part, des personnes douées de profonds charismes ont commencé à réaliser de grandes oeuvres. Il suffit de mentionner des fondations comme les Universités catholiques de Louvain et de Louvain-la-Neuve, ainsi que la Jeunesse ouvrière catholique (JOC); il suffit de se rappeler des personnes comme le Cardinal Mercier, pionnier de l’oecuménisme, ou plus tard, le Cardinal Cardijn, fondateur de la JOC, et bien d’autres par qui l’Esprit agissait, pour le bien de toute l’Eglise, non seulement sur votre terre, mais encore dans le monde entier.

11. Bienheureux Damien, tu t’es laissé conduire par l’Esprit Saint, en fils obéissant à la volonté du Père. Par ta vie et par ton oeuvre missionnaire, tu manifestes la tendresse et la miséricorde du Christ pour tout homme, lui dévoilant la beauté de son être intérieur, qu’aucune maladie, qu’aucune difformité ni que nulle faiblesse ne peuvent totalement défigurer. Par ton action et par ta prédication, tu rappelles que Jésus a pris sur lui la pauvreté et la souffrance des hommes, et qu’il en a révélé la valeur mystérieuse. Intercède auprès du Christ, médecin des corps et des âmes, pour nos frères et soeurs malades, afin que, dans les angoisses et les douleurs, ils ne se sentent pas abandonnés, mais, unis au Seigneur ressuscité et à son Eglise, qu’ils découvrent que l’Esprit Saint vient les visiter, et qu’ils obtiennent ainsi la consolation promise aux affligés.

12. «Gloire au Seigneur à tout jamais! Que Dieu se réjouisse en ses oeuvres» [13]! C’est avec ces paroles du psalmiste que je veux conclure notre méditation, en ce jour solennel si attendu, au cours duquel le fruit mûr de la sainteté – le Père Damien de Veuster – reçoit la gloire des autels dans sa patrie. Frères et soeurs, soyez dociles à l’Esprit Saint, pour qu’à travers votre vie les hommes puissent découvrir le Dieu de qui vient tout don parfait!

[1] Io. 20, 21-22.

[2] Io. 20, 22-23.

[3] Act. 2, 5.

[4] Ibid. 2, 7-8.

[5] Origenis Homiliae in Samuelem, I, 11, 11.

[6] Ioannis Pauli PP. II Veritatis Splendor, 102.

[7] Io. 16, 33.

[8] Cfr. Ps. 139 (138).

544 [9] 1 Cor. 12, 3.

[10] Ps. 104 (103), 1. 24. 29-30.

[11] 1 Cor. 12, 4-7.

[12] 1 Cor. 12, 12-13.

[13] Ps. 104 (103), 31.



Homélies St Jean-Paul II 536