Homélies St Jean-Paul II 571


VOYAGE APOSTOLIQUE À PARIS, À L'OCCASION DE LA

XII JOURNÉE MONDIALE DE LA JEUNESSE

(21-24 AOÛT 1997)

BÉATIFICATION DE FRÉDÉRIC OZANAM


Notre-Dame de Paris
Vendredi 22 août 1997



1. «L'amour vient de Dieu» (1Jn 4,7). L'Évangile de ce jour nous présente la figure du bon Samaritain. Par cette parabole, le Christ veut montrer à ses auditeurs qui est le prochain cité dans le plus grand commandement de la Loi divine: «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même» (Lc 10,27). Un docteur de la Loi demandait que faire pour avoir part à la vie éternelle: il trouva dans ces paroles la réponse décisive. Il savait que l'amour de Dieu et du prochain est le premier et le plus grand des commandements. Malgré cela, il demande: «Et qui donc est mon prochain? » (Lc 10,29).

Le fait que Jésus propose un Samaritain en exemple pour répondre à cette question est significatif. En effet, les Samaritains n'étaient pas particulièrement estimés par les Juifs. De plus, le Christ compare la conduite de cet homme à celle d'un prêtre et d'un lévite qui virent l'homme blessé par les brigands gisant à demi mort sur la route, et qui passèrent leur chemin sans lui porter secours. Au contraire le Samaritain, qui vit l'homme souffrant, «fut saisi de pitié» (Lc 10,33); sa compassion l'entraîna à toute une série d'actions. D'abord il pansa les plaies, puis il porta le blessé dans une auberge pour le soigner; et, avant de partir, il donna à l'aubergiste l'argent nécessaire pour s'occuper de lui (cf. Lc 10,34-35). L'exemple est éloquent. Le docteur de la Loi reçoit une réponse claire à sa question: qui est mon prochain? Le prochain, c'est tout être humain, sans exception. Il est inutile de demander sa nationalité, son appartenance sociale ou religieuse. S'il est dans le besoin, il faut lui venir en aide. C'est ce que demande la première et la plus grande Loi divine, la loi de l'amour de Dieu et du prochain.

Fidèle à ce commandement du Seigneur, Frédéric Ozanam, a cru en l'amour, l'amour que Dieu a pour tout homme. Il s'est lui-même senti appelé à aimer, donnant l'exemple d'un grand amour de Dieu et des autres. Il allait vers tous ceux qui avaient davantage besoin d'être aimés que les autres, ceux auxquels Dieu Amour ne pouvait être effectivement révélé que par l'amour d'une autre personne. Ozanam a découvert là sa vocation, il y a vu la route sur laquelle le Christ l'appelait. Il a trouvé là son chemin vers la sainteté. Et il l'a parcouru avec détermination.

2. «L'amour vient de Dieu». L'amour de l'homme a sa source dans la Loi de Dieu; la première lecture de l'Ancien Testament le montre. Nous y trouvons une description détaillée des actes de l'amour du prochain. C'est comme une préparation biblique à la parabole du bon Samaritain.

La deuxième lecture, tirée de la première Lettre de saint Jean, développe ce que signifie la parole «l'amour vient de Dieu». L'Apôtre écrit à ses disciples: «Mes bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l'amour vient de Dieu. Tous ceux qui aiment sont enfants de Dieu et ils connaissent Dieu. Celui qui n'aime pas ne connaît pas Dieu, car Dieu est amour» (1Jn 4,7-8). Cette parole de l'Apôtre est vraiment le coeur de la Révélation, le sommet vers lequel nous conduit tout ce qui a été écrit dans les Évangiles et dans les Lettres apostoliques. Saint Jean poursuit: «Voici à quoi se reconnaît l'amour: ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, c'est lui qui nous a aimés, et il a envoyé son Fils qui est la victime offerte pour nos péchés» (ibid., 10). La rédemption des péchés manifeste l'amour que nous porte le Fils de Dieu fait homme. Alors, l'amour du prochain, l'amour de l'homme, ce n'est plus seulement un commandement. C'est une exigence qui découle de l'expérience vécue de l'amour de Dieu. Voilà pourquoi Jean peut écrire: «Puisque Dieu nous a tant aimés, nous devons aussi nous aimer les uns les autres» (1Jn 4,11).

L'enseignement de la Lettre de Jean se prolonge; l'Apôtre écrit: «Dieu, personne ne l'a jamais vu. Mais si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, et son amour atteint en nous sa perfection. Nous reconnaissons que nous demeurons en lui, et lui en nous, à ce qu'il nous donne part à son Esprit» (1Jn 4,12-13). L'amour est donc la source de la connaissance. Si, d'un côté, la connaissance est une condition de l'amour, d'un autre côté, l'amour fait grandir la connaissance. Si nous demeurons dans l'amour, nous avons la certitude de l'action de l'Esprit Saint qui nous fait participer à l'amour rédempteur du Fils que le Père a envoyé pour le salut du monde. En connaissant le Christ comme Fils de Dieu, nous demeurons en Lui et, par Lui, nous demeurons en Dieu. Par les mérites du Christ, nous avons cru en l'amour, nous connaissons l'amour que Dieu a pour nous, nous savons que Dieu est amour (cf. 1Jn 4,16). Cette connaissance par l'amour est en quelque sorte la clé de voûte de toute la vie spirituelle du chrétien. «Qui demeure dans l'amour demeure en Dieu, et Dieu en lui» (ibid.).

3. Dans le cadre de la Journée mondiale de la Jeunesse, qui a lieu à Paris cette année, je procède aujourd'hui à la béatification de Frédéric Ozanam. Je salue cordialement Monsieur le Cardinal Jean-Marie Lustiger, Archevêque de Paris, ville où se trouve le tombeau du nouveau bienheureux. Je me réjouis aussi de la présence à cet événement d'Évêques de nombreux pays. Je salue avec affection les membres de la Société de Saint-Vincent de Paul venus du monde entier pour la béatification de leur fondateur principal, ainsi que les représentants de la grande famille spirituelle héritière de l'esprit de Monsieur Vincent. Les liens entre vincentiens furent privilégiés dès les origines de la Société puisque c'est une Fille de la Charité, soeur Rosalie Rendu, qui a guidé le jeune Frédéric Ozanam et ses compagnons vers les pauvres du quartier Mouffetard, à Paris. Chers disciples de saint Vincent de Paul, je vous encourage à mettre en commun vos forces, pour que, comme le souhaitait celui qui vous inspire, les pauvres soient toujours mieux aimés et servis et que Jésus Christ soit honoré en leurs personnes !

572 4. Frédéric Ozanam aimait tous les démunis. Dès sa jeunesse, il a pris conscience qu'il ne suffisait pas de parler de la charité et de la mission de l'Église dans le monde: cela devait se traduire par un engagement effectif des chrétiens au service des pauvres. Il rejoignait ainsi l'intuition de Monsieur Vincent: «Aimons Dieu, mes frères, aimons Dieu, mais que ce soit aux dépens de nos bras, que ce soit à la sueur de nos visages» (Saint-Vincent de Paul, XI, 40). Pour le manifester concrètement, à l'âge de vingt ans, avec un groupe d'amis, il créa les Conférences de Saint-Vincent de Paul, dont le but était l'aide aux plus pauvres, dans un esprit de service et de partage. Très vite, ces Conférences se répandirent en dehors de France, dans tous les pays d'Europe et du monde. Moi-même, comme étudiant, avant la deuxième guerre mondiale, je faisais partie de l'une d'entre elles.

Désormais l'amour des plus misérables, de ceux dont personne ne s'occupe, est au coeur de la vie et des préoccupations de Frédéric Ozanam. Parlant de ces hommes et de ces femmes, il écrit : «Nous devrions tomber à leurs pieds et leur dire avec l'Apôtre : "Tu es Dominus meus". Vous êtes nos maîtres et nous serons vos serviteurs; vous êtes pour nous les images sacrées de ce Dieu que nous ne voyons pas et, ne sachant pas l'aimer autrement, nous l'aimons en vos personnes» (à Louis Janmot).

5. Il observe la situation réelle des pauvres et cherche un engagement de plus en plus efficace pour les aider à grandir en humanité. Il comprend que la charité doit conduire à travailler au redressement des injustices. Charité et justice vont de pair. Il a le courage lucide d'un engagement social et politique de premier plan à une époque agitée de la vie de son pays, car aucune société ne peut accepter la misère comme une fatalité sans que son honneur n'en soit atteint. C'est ainsi qu'on peut voir en lui un précurseur de la doctrine sociale de l'Église, que le Pape Léon XIII développera quelques années plus tard dans l'encyclique Rerum novarum.

Face aux pauvretés qui accablent tant d'hommes et de femmes, la charité est un signe prophétique de l'engagement du chrétien à la suite du Christ. J'invite donc les laïcs et particulièrement les jeunes à faire preuve de courage et d'imagination pour travailler à l'édification de sociétés plus fraternelles où les plus démunis seront reconnus dans leur dignité et trouveront les moyens d'une existence respectable. Avec l'humilité et la confiance sans limites dans la Providence, qui caractérisaient Fréderic Ozanam, ayez l'audace du partage des biens matériels et spirituels avec ceux qui sont dans la détresse !

6. Le bienheureux Frédéric Ozanam, apôtre de la charité, époux et père de famille exemplaire, grande figure du laïcat catholique du dix-neuvième siècle, a été un universitaire qui a pris une part importante au mouvement des idées de son temps. Étudiant, professeur éminent à Lyon puis à Paris, à la Sorbonne, il vise avant tout la recherche et la communication de la vérité, dans la sérénité et le respect des convictions de ceux qui ne partagent pas les siennes. «Apprenons à défendre nos convictions sans haïr nos adversaires, écrivait-il, à aimer ceux qui pensent autrement que nous, [...] plaignons-nous moins de notre temps et plus de nous-mêmes» (Lettres, 9 avril 1851). Avec le courage du croyant, dénonçant tous les égoïsmes, il participe activement au renouveau de la présence et de l'action de l'Église dans la société de son époque. On connaît aussi son rôle dans l'institution des Conférences de Carême en cette cathédrale Notre-Dame de Paris, dans le but de permettre aux jeunes de recevoir un enseignement religieux renouvelé face aux grandes questions qui interrogent leur foi. Homme de pensée et d'action, Frédéric Ozanam demeure pour les universitaires de notre temps, enseignants et étudiants, un modèle d'engagement courageux capable de faire entendre une parole libre et exigeante dans la recherche de la vérité et la défense de la dignité de toute personne humaine. Qu'il soit aussi pour eux un appel à la sainteté !

7. L'Église confirme aujourd'hui le choix de vie chrétienne fait par Ozanam ainsi que le chemin qu'il a emprunté. Elle lui dit: Frédéric, ta route a été vraiment la route de la sainteté. Plus de cent ans ont passé, et voici le moment opportun pour redécouvrir ce chemin. Il faut que tous ces jeunes, presque de ton âge, qui sont rassemblés si nombreux à Paris, venant de tous les pays d'Europe et du monde, reconnaissent que cette route est aussi la leur. Il faut qu'ils comprennent que, s'ils veulent être des chrétiens authentiques, ils doivent prendre ce même chemin. Qu'ils ouvrent mieux les yeux de leur âme aux besoins si nombreux des hommes d'aujourd'hui. Qu'ils comprennent ces besoins comme des défis. Que le Christ les appelle, chacun par son nom, afin que chacun puisse dire: voilà ma route! Dans les choix qu'ils feront, ta sainteté, Frédéric, sera particulièrement confirmée. Et ta joie sera grande. Toi qui vois déjà de tes yeux Celui qui est amour, sois aussi un guide sur tous les chemins que ces jeunes choisiront, en suivant aujourd'hui ton exemple!

MESSE AU FORUM INTERNATIONAL DES JEUNES


Saint-Étienne du Mont
Samedi 23 août 1997



1. «Que tous les peuples te connaissent, Seigneur!» Ces paroles de la liturgie d'aujourd'hui s'adressent d'abord à vous, représentants de toutes les nations qui participez à la Journée mondiale de la Jeunesse à Paris. Votre présence témoigne de l'accomplissement de la mission que les Apôtres ont reçue du Christ après sa résurrection : «Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit» (Mt 28,19). Vous êtes les représentants des peuples où l'Évangile a été annoncé et accueilli, des peuples dont les cultures en ont déjà été imprégnées et transfigurées.

Vous êtes ici, non seulement parce que vous avez reçu la foi et le baptême, mais aussi parce que vous désirez transmettre cette foi aux autres. Il y a tant de coeurs qui attendent l'Évangile ! Le cri de la liturgie de ce jour peut prendre tout son sens sur vos lèvres : « Que toutes les nations te connaissent, Seigneur ! »

2. La Journée internationale de la Jeunesse a clairement une dimension missionnaire. La liturgie le manifeste aujourd'hui. La première lecture du Livre d'Isaïe dit : « Comme il est beau de voir courir sur les montagnes le messager qui annonce la paix, le messager de la bonne nouvelle, qui annonce le salut, celui qui vient dire à la cité sainte : "Il est roi, ton Dieu!" » (52, 7) Le prophète pense certainement au Messie alors attendu. Ce sera le Christ, le Messie, qui annoncera d'abord la Bonne Nouvelle. Mais, cette Bonne Nouvelle, il la transmettra aux Apôtres. Par leur participation à sa mission prophétique, sacerdotale et royale, ceux-ci, et à leur suite tout le Peuple de Dieu de la Nouvelle Alliance, en deviendront les messagers dans le monde entier. Les paroles du prophète les concernent donc : « Comme il beau de voir courir sur les montagnes le messager qui annonce la Bonne Nouvelle... »

573 Ces paroles vous concernent, vous qui êtes réunis ici, vous qui participez à la Journée mondiale de la Jeunesse de toutes les nations sous le soleil. Votre rassemblement est comme une nouvelle Pentecôte. Et il faut qu'il en soit ainsi ! Il faut que, comme les Apôtres au Cénacle et au-delà de la perception de nos sens, nous entendions le bruit, l'irruption d'un vent violent, qu'apparaissent sur la tête de tous ceux qui sont ici les langues de feu de l'Esprit Saint, et que tous commencent à proclamer dans les différentes langues les merveilles de Dieu (cf. Ac Ac 2,1-4). Alors vous serez, pour le troisième millénaire, les témoins de la Bonne Nouvelle.

3. La lecture de l'Évangile de saint Matthieu nous remémore la parabole du semeur. Nous la connaissons, mais les paroles de l'Évangile, nous pouvons les relire sans cesse et y trouver toujours une nouvelle lumière. Voilà donc le semeur sorti pour semer. Tandis qu'il semait, des grains sont tombés sur le chemin, d'autres sur le sol pierreux, d'autres dans les ronces, d'autres enfin sur la bonne terre et ceux-là seulement ont donné du fruit (cf. Mt Mt 13,3-8).

Jésus ne s'est pas contenté de présenter la parabole, il l'a expliquée. Écoutons nous aussi l'explication de la parabole du semeur. Les grains tombés sur le chemin désignent ceux qui écoutent la parole sur le Royaume de Dieu, mais ne la comprennent pas; survient le Mauvais et il emporte ce qui a été semé dans leur coeur (cf. Mt Mt 13,19). Le Mauvais marche souvent sur cette route, et il s'emploie à empêcher que la semence germe dans le coeur des hommes. Telle est la première comparaison. La deuxième est celle du grain tombé sur le sol pierreux. Ce sol désigne les personnes qui écoutent la parole et l'accueillent aussitôt avec joie, mais qui n'ont pas de racines en elles et sont inconstantes. Quand vient la tribulation ou la persécution à cause de la Parole, elles tombent aussitôt (cf. Mt Mt 13,20-21). Quelle psychologie dans cette comparaison du Christ ! Nous connaissons bien, en nous et autour de nous, l'inconstance de personnes dépourvues des racines qui peuvent faire croître la parole ! Le troisième cas est celui du grain tombé dans les ronces. Le Christ explique qu'il pense aux personnes qui écoutent les paroles mais qui, à cause de leurs soucis dans ce monde et de leur attachement à leurs richesses, étouffent la parole qui ne donne pas de fruit (cf. Mt Mt 13,22).

Enfin, la semence tombée dans la terre fertile représente ceux qui écoutent la parole et la comprennent, et la parole porte du fruit en eux (cf. Mt Mt 13,23). Toute cette parabole magnifique nous parle aujourd'hui, comme elle parlait aux auditeurs de Jésus il y a deux mille ans. Pendant cette rencontre mondiale de la jeunesse, devenons une terre fertile qui reçoit la semence de l'Évangile et qui porte du fruit !

4. Conscients des timidités de l'âme humaine pour accueillir la Parole de Dieu, adressons à l'Esprit cette ardente prière liturgique :

Veni, Creator Spiritus
Mentes tuorum visita,
Imple superna gratia,
Quae tu creasti pectora.

Viens en nous, Esprit Créateur
Visite les âmes des tiens;
574 Remplis de la grâce d'en-haut
Les coeurs de tes créatures !

Par cette prière, nous ouvrons nos coeurs, en suppliant l'Esprit de les remplir de lumière et de vie.

Esprit de Dieu, rends-nous disponibles à ta visite, fais grandir en nous la foi en la Parole qui sauve. Sois la source vive de l'espérance qui germe en nos vies. Sois en nous le souffle d'amour qui nous transforme et le feu de charité qui nous pousse à nous donner nous-mêmes à travers le service de nos frères.

Toi que le Père nous a envoyé, enseigne-nous toute chose et fais-nous saisir la richesse de la parole du Christ. Affermis en nous l'homme intérieur, fais-nous passer de la crainte à la confiance, afin que jaillisse en nous la louange de ta gloire.

Sois la lumière qui vient remplir le coeur des hommes et leur donner le courage de te chercher sans relâche. Toi, l'Esprit de vérité, introduis-nous dans la Vérité tout entière pour que nous proclamions avec fermeté le mystère du Dieu vivant qui agit dans notre histoire. Éclaire-nous sur le sens ultime de cette histoire.

Éloigne de nous les infidélités qui nous séparent de toi, écarte de nous le ressentiment et la division, fais grandir en nous un esprit de fraternité et d'unité pour que nous sachions bâtir la cité des hommes dans la paix et la solidarité qui nous viennent de Dieu.

Fais-nous découvrir que l'amour est au plus intime de la vie divine et que nous sommes appelés à y participer. Apprends-nous à nous aimer les uns les autres comme le Père nous a aimés en nous donnant son Fils (cf.
Jn 3,16).

Que tous les peuples te connaissent, toi Dieu, le Père de tous les hommes que ton Fils Jésus est venu nous révéler, toi qui nous as envoyé ton Esprit pour nous communiquer les fruits de la Rédemption !

5. Je salue ici cordialement ce matin les responsables du Conseil pontifical pour les Laïcs, organisateurs du Forum international des Jeunes qui vous a réunis pour ce temps de réflexion et de prière. Je remercie tous ceux qui ont assuré le bon déroulement de cette rencontre, particulièrement les responsables de l'École polytechnique qui l'ont accueillie avec générosité et disponibilité.

Chers amis, hier, en la Cathédrale Notre-Dame de Paris, j'ai béatifié Frédéric Ozanam, un laïc, un jeune comme vous; je le rappelle volontiers en cette église Saint-Étienne du Mont, car c'est ici qu'il a mené ses premières activités avec d'autres jeunes auprès des pauvres du quartier. Illuminé de l'Esprit du Christ et fidèle à la méditation quotidienne de sa Parole, le bienheureux Frédéric vous propose un idéal de sainteté pour aujourd'hui, celui du don de soi pour le service des plus démunis de la société. Je souhaite que dans le souvenir de cette douzième Journée mondiale de la Jeunesse il demeure pour vous un ami et un modèle dans votre témoignage de jeunes chrétiens !

575 6. Au cours des journées si denses que vous venez de vivre, vous aussi vous êtes allés à la rencontre du Christ et vous avez laissé pénétrer en vous la Parole, pour qu'elle germe et porte du fruit. Faisant une expérience exceptionnelle de l'universalité de l'Église et du patrimoine commun à tous les disciples du Christ, vous avez rendu grâce pour les merveilles que Dieu réalise au coeur de l'humanité. Vous avez aussi partagé les souffrances, les angoisses, les espérances et les appels des hommes d'aujourd'hui.

Ce matin, l'Esprit Saint vous envoie, comme «une lettre du Christ», pour proclamer dans chacun de vos pays les oeuvres de Dieu et pour être des témoins ardents de l'Évangile du Christ parmi les hommes de bonne volonté, jusqu'aux limites de la terre. La mission qui vous est confiée exige que, tout au long de votre vie, vous preniez le temps nécessaire à votre formation spirituelle et doctrinale, afin d'approfondir votre foi et de devenir à votre tour des formateurs. Ainsi vous répondrez à l'appel «à grandir, à mûrir sans cesse, à porter toujours plus de fruit» (Christifideles laici
CL 57).

Que le temps de renouveau spirituel que vous venez de vivre ensemble vous engage à avancer avec tous vos frères chrétiens à la recherche de l'unité voulue par le Christ. Qu'il vous conduise, avec une charité fraternelle, à la rencontre des hommes et des femmes d'autres convictions religieuses ou intellectuelles pour la connaissance authentique et le respect mutuel qui font grandir en humanité. L'Esprit de Dieu vous envoie, pour que vous deveniez avec tous vos frères et toutes vos soeurs du monde, les bâtisseurs d'une civilisation réconciliée, fondée sur l'amour fraternel. À l'approche du troisième millénaire, je vous invite à être attentifs à la voix et aux signes de la présence et de l'action de l'Esprit-Saint dans l'Église et dans le monde. Contemplant et imitant la Vierge Marie, modèle de la foi vécue, vous serez alors les véritables disciples du Christ, son divin Fils, lui qui fonde l'espérance source de vie. Très chers jeunes, l'Église a besoin de vous, elle a besoin de votre engagement au service de l'Évangile. Le Pape, lui aussi, compte sur vous. Accueillez le feu de l'Esprit du Seigneur pour devenir d'ardents hérauts de la Bonne Nouvelle !

CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE POUR LA

XIIe JOURNÉE MONDIALE DE LA JEUNESSE



Hippodrome de Longchamp
Dimanche 24 août 1997



1. «Maître, où demeures-tu ?» (Jn 1,38) Cette question fut posée un jour à Jésus de Nazareth par deux jeunes hommes. Cela se passait au bord du Jourdain. Jésus était venu recevoir le baptême de Jean; mais le Baptiste, voyant Jésus venir à sa rencontre, dit : «Voici l'Agneau de Dieu» (Jn 1,36). Ces paroles prophétiques désignaient le Rédempteur, celui qui allait donner sa vie pour le salut du monde. Ainsi, dès le baptême au Jourdain, Jean désignait le Crucifié. Ce furent précisément deux disciples de Jean-Baptiste qui, entendant ces paroles, suivirent Jésus : cela n'est-il pas riche de sens ? Quand Jésus leur demanda : «Que cherchez-vous ?» (Jn 1,38), ils répondirent eux aussi par une question : «Rabbi (c'est-à-dire: Maître), où demeures-tu ?» (Ibid.)Jésus leur répondit : «"Venez, et vous verrez". Ils l'accompagnèrent, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là» (Jn 1,39). Ils devinrent les premiers disciples de Jésus. L'un d'eux était André, qui conduisit aussi à Jésus son frère Simon Pierre.

Chers amis, je suis heureux de pouvoir méditer cet Évangile avec vous, en commun avec les Cardinaux et les Évêques qui m'entourent. Je suis heureux de les saluer, en particulier le Cardinal Eduardo Pironio, qui a tant travaillé pour les Journées mondiales. Ma gratitude va au Cardinal Jean-Marie Lustiger pour son accueil, à Mgr Michel Dubost, aux Évêques de France et à ceux de nombreux pays du monde qui vous accompagnent et qui ont enrichi vos réflexions. Je salue aussi cordialement les prêtres concélébrants, les religieux, les religieuses, tous les responsables de vos mouvements et de vos groupes diocésains.

Je remercie de leur présence nos frères chrétiens d'autres communautés, ainsi que les personnalités civiles qui ont tenu à s'associer à cette célébration liturgique.

En vous saluant tous à nouveau, je tiens en particulier à dire mes encouragements affectueux à ceux parmi vous qui sont handicapés; nous leur sommes reconnaissants d'être venus avec nous et de nous apporter leur témoignage de foi et d'espérance. Je porte également dans la prière tous les malades, soignés à l'hôpital ou à la maison.

Au nom de vous tous, je voudrais aussi exprimer notre gratitude aux nombreux volontaires qui assurent avec dévouement et compétence l'organisation de votre rassemblement.

576 2. Le bref fragment de l'Évangile de Jean que nous avons entendu dit l'essentiel du programme de la Journée mondiale de la Jeunesse: un échange de questions, puis une réponse qui est un appel. En présentant cette rencontre avec Jésus, la liturgie veut montrer aujourd'hui ce qui compte le plus dans votre vie. Et moi, Successeur de Pierre, je suis venu vous demander de poser, vous aussi, cette question au Christ : «Où demeures-tu?» Si vous lui adressez sincèrement cette question, vous pourrez entendre sa réponse et recevoir de lui le courage et la force de le suivre.

La question est le fruit d'une recherche. L'homme cherche Dieu. L'homme jeune comprend au fond de lui-même que cette recherche est la loi intérieure de son existence. L'être humain cherche sa voie dans le monde visible; et, à travers le monde visible, il cherche l'invisible au long de son voyage spirituel. Chacun de nous peut redire les paroles du psalmiste : «C'est ta face, Seigneur, que je cherche : ne me cache pas ta face» (Ps 27/26, 8-9). Chacun de nous a son histoire personnelle et porte en lui-même le désir de voir Dieu, un désir que l'on éprouve en même temps que l'on découvre le monde créé. Ce monde est merveilleux et riche, il déploie devant l'humanité ses innombrables richesses, il séduit, il attire la raison autant que la volonté. Mais, en fin de compte, il ne comble pas l'esprit. L'homme se rend compte que ce monde, dans la diversité de ses richesses, est superficiel et précaire; en un sens, il est voué à la mort. Nous prenons davantage conscience aujourd'hui de la fragilité de notre terre, trop souvent dégradée par la main même de l'homme à qui le Créateur l'a confiée.

Quant à l'homme lui-même, il vient au monde, il naît du sein maternel, il grandit et mûrit; il découvre sa vocation et développe sa personnalité au cours de ses années d'activité; puis approche le moment où il doit quitter ce monde. Plus longue est sa vie, plus l'homme ressent sa propre précarité, plus il se pose la question de l'immortalité : qu'y a-t-il au-delà des frontières de la mort ? Alors, au fond de l'être, surgit la question posée à Celui qui a vaincu la mort : «Rabbi, où demeures-tu?» Maître, toi qui aimes et respectes la personne humaine, toi qui as partagé la souffrance des hommes, toi qui éclaires le mystère de l'existence humaine, fais-nous découvrir le vrai sens de notre vie et de notre vocation ! «C'est ta face, Seigneur, que je cherche : ne me cache pas ta face» (Ps 27/26,8-9).

3. Au bord du Jourdain, et bien plus tard encore, les disciples ne savaient pas qui était vraiment Jésus. Il leur faudra beaucoup de temps pour comprendre le mystère du Fils de Dieu. Nous aussi, nous portons en nous le désir de connaître celui qui révèle le visage de Dieu. Le Christ répond à la question des disciples par toute sa mission messianique. Il enseignait; pour confirmer la vérité de ce qu'il proclamait, il faisait de grands prodiges, il guérissait les malades, ressuscitait les morts, calmait les tempêtes de la mer. Mais tout ce cheminement hors du commun parvint à sa plénitude sur le Golgotha. C'est en le contemplant sur la Croix, dans le regard de la foi, que l'on peut "voir" qui est le Christ Sauveur, lui qui portait nos souffrances, le juste qui a fait de sa vie un sacrifice et qui justifiera les multitudes (cf. Is
Is 53,4 Is Is 53,10-11).

Saint Paul résume la sagesse suprême dans la deuxième lecture de ce jour, par des paroles très impressionnantes: «Le langage de la croix est folie pour ceux qui vont vers leur perte, mais pour ceux qui vont vers leur salut, pour nous, il est puissance de Dieu. L'Écriture dit en effet : "La sagesse des sages, je la mènerai à sa perte, et je rejetterai l'intelligence des intelligents". [...] Puisque le monde, avec toute sa sagesse, n'a pas su reconnaître Dieu à travers les oeuvres de la sagesse de Dieu, il a plu à Dieu de sauver les croyants par cette folie qu'est la proclamation de l'Évangile. [...] Nous proclamons un Messie crucifié» (1 Co 1, 18-23). L'Apôtre parlait aux gens de son temps, aux fils d'Israël qui avaient reçu la révélation de Dieu sur le mont Sinaï et aux Grecs qui élaboraient une haute sagesse humaine, une grande philosophie. Mais désormais, la fin et le sommet de la sagesse, c'est le Christ crucifié, non seulement à cause de sa parole, mais parce qu'il s'est donné lui-même pour le salut de l'humanité.

Avec son exceptionnelle ardeur, saint Paul répète : «Nous prêchons le Christ crucifié». Celui qui, aux yeux des hommes, semble n'être que faiblesse et folie, nous proclamons qu'il est Puissance et Sagesse, plénitude de la Vérité. Il est vrai qu'en nous la confiance connaît des hauts et des bas. Il est vrai que notre regard de foi est souvent obscurci par le doute et par notre propre faiblesse. Humbles et pauvres pécheurs, acceptons le message de la Croix. Pour répondre à notre question : «Rabbi, où demeures-tu?», le Christ nous adresse un appel: venez et vous verrez; dans la Croix vous verrez le signe lumineux de la rédemption du monde, la présence aimante du Dieu vivant. Parce qu'ils ont saisi que la Croix domine l'histoire, les chrétiens ont placé le crucifix dans les églises et au bord des chemins, ou ils le portent sur leur coeur. Car la Croix est un signe véritable de la présence du Fils de Dieu; par ce signe se révèle le Rédempteur du monde.

4. «Rabbi, où demeures-tu ?» L'Église nous répond chaque jour: le Christ est présent dans l'Eucharistie, le sacrement de sa mort et de sa résurrection. En elle et par elle, vous reconnaissez la demeure du Dieu vivant dans l'histoire de l'homme. Car l'Eucharistie est le sacrement de l'amour vainqueur de la mort; elle est le sacrement de l'Alliance, pur don d'amour pour la réconciliation des hommes; elle est le don de la présence réelle de Jésus, le Rédempteur, dans le pain qui est son Corps livré, dans le vin qui est son sang versé pour la multitude. Par l'Eucharistie, sans cesse renouvelée dans tous les peuples du monde, le Christ constitue son Église: il nous unit dans la louange et l'action de grâce pour le salut, dans la communion que seul l'amour infini peut sceller. Notre rassemblement mondial prend tout son sens à présent, par la célébration de la Messe. Jeunes, mes amis, que votre présence soit une réelle adhésion dans la foi! Car voici que le Christ répond à votre question et, en même temps, aux questions de tous les hommes qui cherchent le Dieu vivant. Il répond par son invitation: ceci est mon Corps, mangez-en tous. Il confie au Père son désir suprême de l'unité dans la même communion de tous ceux qu'il aime.

5. La réponse à la question «Rabbi, où demeures-tu?» comporte donc de nombreuses dimensions. Elle a une dimension historique, pascale et sacramentelle. La première lecture d'aujourd'hui nous suggère encore une autre dimension de la réponse à la question-thème de la Journée mondiale de la Jeunesse : le Christ habite dans son Peuple. C'est le peuple dont parle le Deutéronome, en rapport avec l'histoire d'Israël : «Par amour pour vous, le Seigneur vous a fait sortir par la force de sa main, et vous a délivrés de la maison d'esclavage. [...] Vous saurez donc que le Seigneur votre Dieu est le vrai Dieu, le Dieu fidèle qui garde son Alliance pour mille générations» (Dt 7,8-9). Israël est le peuple que Dieu s'est choisi, et avec lequel il a fait Alliance.

Dans la Nouvelle Alliance, l'élection de Dieu s'élargit à tous les peuples de la terre. En Jésus Christ, Dieu a choisi toute l'humanité. Il a révélé l'universalité de l'élection par la rédemption. Dans le Christ, il n'y a plus ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, tous ne font plus qu'un (cf. Ga 3,28). Tous ont été appelés à participer à la vie de Dieu, grâce à la mort et à la résurrection du Christ. Notre rencontre, en cette Journée internationale de la Jeunesse, n'illustre-t-elle pas cette vérité ? Vous tous, rassemblés ici, venus de tant de pays et de continents, vous êtes les témoins de la vocation universelle du Peuple de Dieu racheté par le Christ ! La dernière réponse à la question «Rabbi, où demeures-tu?» doit donc être entendue ainsi : je demeure dans tous les êtres humains sauvés. Oui, le Christ habite son Peuple, qui a plongé ses racines dans tous les peuples de la terre, le peuple qui Le suit, Lui, le Seigneur crucifié et ressuscité, le Rédempteur du monde, le Maître qui a les paroles de la vie éternelle, Lui «la Tête du peuple nouveau et universel des fils de Dieu» (Lumen gentium LG 13). Le Concile Vatican II l'a dit admirablement: c'est Lui qui «nous a donné d'avoir part à son Esprit, qui étant un et le même dans la Tête et dans les membres, vivifie le corps tout entier» (ibid., n.7). Grâce à l'Église qui nous fait participer à la vie même du Seigneur, nous pouvons tous maintenant reprendre la parole de Pierre à Jésus: À qui irons-nous ? À qui d'autre irons-nous ? (cf. Jn 6,68).

6. Chers jeunes, votre chemin ne s'arrête pas ici. Le temps ne s'arrête pas aujourd'hui. Partez sur les routes du monde, sur les routes de l'humanité, en demeurant unis dans l'Église du Christ!

Continuez de contempler la gloire de Dieu, l'amour de Dieu; et vous serez éclairés pour bâtir la civilisation de l'amour, pour aider l'homme à voir le monde transfiguré par la sagesse et l'amour éternels.

577 Pardonnés et réconcilés, soyez fidèles à votre baptême! Témoignez de l'Évangile! Membres de l'Église, actifs et responsables, soyez disciples et témoins du Christ qui révèle le Père, demeurez dans l'unité de l'Esprit qui donne la vie!






Homélies St Jean-Paul II 571