Homélies St Jean-Paul II 589

589 La foi et le comportement moral sont unis. En effet, le don reçu nous conduit à une conversion permanente pour imiter le Christ et recevoir les promesses divines. Les chrétiens, pour respecter les valeurs fondamentales qui caractérisent une vie pure, doivent parfois subir, même de façon héroïque, la marginalisation ou la persécution, car cette option morale est contraire aux comportements du monde. Ce témoignage de la Croix du Christ dans la vie quotidienne constitue également une semence sure et féconde de nouveaux chrétien. Une vie pleinement humaine et engagée aux côtés du Christ a ce prix de générosité et de don.

Chers jeunes, le témoignage chrétien, la «vie digne» aux yeux de Dieu a ce prix. Qui n'est pas prêt à le payer ressentira un vide existentiel et le manque d'un projet digne et assumé de façon responsable avec toutes les conséquences qu'il comporte. L'Eglise a le devoir d'apporter une formation morale, civile et religieuse qui aide les jeunes Cubains à croître dans les valeurs humaines et chrétiennes, sans peur et en persévérant dans une oeuvre d'éducation qui exige le temps, les moyens et les institutions qui sont propres à cette semence de vertu et de spiritualité pour le bien de l'Eglise et de la nation.

4. «Bon Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle?» (
Mc 10,17). Dans l'Evangile que nous venons d'écouter, un jeune homme demande à Jésus ce qu'il doit «faire», et le Maître, plein d'amour, lui répond en lui disant ce qu'il doit «être». Ce jeune prétend avoir respecté les normes et Jésus lui répond qu'il doit tout abandonné et le suivre. Cela radicalise et rend les valeurs authentiques et permet au jeune de se réaliser comme personne et comme chrétien. La clé de cette réalisation est la fidélité, présentée par saint Paul, dans la première lecture, comme une caractéristique de notre identité chrétienne.

Tel est le chemin de la fidélité tracé par saint Paul: «Celui qui préside, avec diligence [...] Que l'amour fraternel vous lie d'affection entre vous [...] avec la joie de l'espérance [...] avides de donner l'hospitalité [...] Bénissez [...] Pleins d'une égale complaisance pour tous, sans vous complaire dans l'orgueil, attirés plutôt par ce qui est humble, ne vous complaisez pas dans votre propre sagesse. Sans rendre à personne le mal pour le mal [...] ne te laisse pas vaincre par le mal, sois vainqueur du mal par le bien» (Rm 12,8-21). Chers jeunes, croyants ou non-croyants, accueillez l'appel à être vertueux. Cela veut dire que vous devez avoir une force intérieure, avoir une grandeur d'âme, être riches des sentiments les meilleurs, courageux dans la vérité, audacieux dans la liberté, invincibles dans l'espérance. Le bonheur s'obtient à partir du sacrifice. Ne cherchez pas au dehors ce que vous pouvez trouver en vous. N'attendez pas des autres ce dont vous êtes capables et que vous êtes appelés à être et à faire. Ne reportez pas à demain l'édification d'une société nouvelle, dans laquelle les signes les plus nobles ne soient pas frustrés et dans laquelle vous puissiez être les protagonistes de votre histoire.

Rappelez-vous que la personne humaine et le respect pour elle sont la voie vers un monde nouveau. Le monde et l'homme étouffent s'ils ne s'ouvrent pas à Jésus-Christ. Ouvrez-lui votre coeur et commencez ainsi une vie nouvelle qui soit conforme à Dieu et réponde à vos aspirations légitimes de vérité, de bonté et de beauté. Que Cuba éduque ses jeunes dans la vertu et dans la liberté, afin que le pays puisse connaître un avenir de véritable développement humain intégral dans un climat de paix durable!

Chers jeunes catholiques: tout ceci est un programme de vie personnelle et sociale fondé sur la charité, sur l'humilité et sur le sacrifice, qui a comme raison ultime de «servir le Seigneur»; je vous souhaite de connaître la joie de pouvoir le réaliser. Les efforts qui s'accomplissent déjà dans le secteur de la pastorale des jeunes doivent viser à réaliser ce programme de vie. Pour vous aider, je vous laisse également un Message écrit, dans l'espoir qu'il parvienne à tous les jeunes Cubains, qui représentent l'avenir de l'Eglise et de la patrie. Un avenir qui commence déjà dans le présent et qui sera heureux s'il est fondé sur le développement intégral de chacun, qui ne peut être atteint sans le Christ, en marge du Christ, ou pire encore, contre le Christ. C'est pourquoi, comme je l'ai dit au début de mon Pontificat et comme j'ai voulu le répéter à mon arrivée à Cuba: «N'ayez pas peur d'ouvrir votre coeur au Christ». Je vous laisse avec une grande affection cette formule et cette exhortation, en vous demandant de les transmettre, avec courage et ardeur apostolique, aux autres jeunes Cubains. Que Dieu tout-puissant et la Très Sainte «Virgen de la Caridad del Cobre» vous aide à répondre généreusement à cet appel!

Au terme de l'homélie, le Pape a ajouté les paroles suivantes:

Nous allons célébrer maintenant le sacrifice du Christ. Le Christ sera présent, le même Christ qui fixa un jour son regard sur un jeune homme et l'aima. C'est ce que chacun et chacune de vous doit vivre aujourd'hui; le Christ présent qui vous voit et vous aime. Le Christ voit, le Christ sait ce qu'il y a en chacun de nous. Il sait qu'il nous aime. Loué soit Jésus-Christ.

Avant de donner sa Bénédiction, le Pape s'est adressé aux fidèles présents:

Merci beaucoup pour avoir ouvert les portes de vos maisons. Je vous porte tous dans mon coeur et je prie chaque jour pour vous. Merci beaucoup pour être venus ici si nombreux, malgré le soleil brûlant. On le voit, on le sent, le soleil est là! C'est le soleil de la vie, et ainsi il nous rappelle Jésus-Christ, qui donne la véritable vie et qui la donne en abondance. La célébration d'aujourd'hui a été festive et joyeuse. Les jeunes ont apporté leur joie, leur dynamisme en s'approchant de l'autel du Seigneur, à Dieu qui réjouit la jeunesse. En quittant ce lieu pour rencontrer d'autres frères, reconnaissant pour l'invitation de rester à Camagüey, je désire vous répéter que le Christ voit chacun de vous, qu'il vous voit et qu'il vous aime. C'est pourquoi, n'ayez pas peur de lui ouvrir les portes de votre coeur. Que cela soit le programme de la jeunesse cubaine!

CONCÉLÉBRATION À SANTIAGO DE CUBA


Place « Antonio Maceo », Santiago de Cuba (Cuba)
590 Samedi 24 janvier 1998
1. «Heureux le peuple dont Yahvé est le Dieu» (
Ps 33 [32], 12). Avec le Psalmiste, nous avons chanté que la joie accompagne le peuple dont le Seigneur est Dieu. Il y a plus de cinq cents ans, lorsque la Croix du Christ arriva sur cette île, apportant avec elle le message salvifique, commença un processus qui, nourri par la foi chrétienne, a forgé les traits caractéristiques de cette nation. Parmi ses hommes illustres figurent le soldat qui fut le premier catéchiste et missionnaire de Macaca; le premier Maître cubain que fut le P. Miguel de Velázquez; le prêtre Esteban Salas, père de la musique cubaine; l'éminent habitant de Bayamo Carlos Manuel de Céspedes, Père de la Patrie, qui, prostré aux pieds de la «Virgen de la Caridad», commença sa lutte pour la liberté et l'indépendance de Cuba; Antonio de la Caridad Maceo y Grajales, dont la statue domine la place qui abrite aujourd'hui notre célébration, et dont sa mère lui demanda devant le crucifix de se consacrer jusqu'au bout à la liberté de Cuba. A côté d'eux, beaucoup d'autres hommes et femmes illustres, mus par leur foi inébranlable en Dieu, choisirent la voie de la liberté et de la justice comme fondement de la dignité de leur peuple.

2. Je suis heureux de me trouver aujourd'hui dans cet archidiocèse si éminent, qui a compté parmi ses pasteurs saint Antoine María Claret. J'adresse avant tout un salut cordial à Mgr Pedro Meurice Estíu, Archevêque de Santiago de Cuba et Primat de cette nation, ainsi qu'aux autres cardinaux, évêques, prêtres et diacres engagés dans la diffusion du Royaume de Dieu sur cette terre. Je salue en outre les personnes consacrées et tous les fidèles ici présents. Je désire adresser également un salut respectueux au Vice-président du Conseil d'Etat et au Ministre, M. Raúl Castro, ainsi qu'aux représentants des autres Autorités civiles qui ont voulu participer à cette Sainte Messe, et je les remercie pour la coopération qu'ils ont apportée à son organisation.

3. Au cours de cette célébration, nous couronnerons l'image de la «Virgen de la Caridad del Cobre». De son sanctuaire, non loin d'ici, la Reine et Mère de tous les Cubains — sans distinction de race, d'opinion politique ou d'idéologie — guide et soutient, comme par le passé, les pas de ses fils sur le chemin vers la Patrie céleste et les encourage à vivre de façon à ce que dans la société règnent toujours les valeurs morales authentiques, qui constituent le riche patrimoine spirituel hérité de leurs ancêtres. Comme le fit sa cousine Elisabeth, nous nous adressons à Elle pour lui dire: «Bienheureuse celle qui a cru en l'accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur» (Lc 1,45). Ces paroles renferment le secret du véritable bonheur des personnes et des peuples: croire et proclamer que le Seigneur a fait des merveilles pour nous et que sa miséricorde touche tous ceux qui lui sont fidèles, de génération en génération. Cette conviction est la force qui anime les hommes et les femmes qui, même au prix de sacrifices, se dévouent de façon désintéressée au service des autres.

L'exemple de la disponibilité de Marie nous indique la voie à parcourir. Avec elle, l'Eglise accomplit sa vocation et sa mission, annonçant Jésus-Christ, exhortant à faire ce qu'Il nous dit et construisant également la fraternité universelle dans laquelle chaque homme peut invoquer Dieu comme son Père.

4. Comme la Vierge Marie, l'Eglise est la Mère et la Maîtresse à la suite du Christ, lumière pour ses peuples et dispensatrice de la miséricorde divine. En tant que communauté de baptisés, elle est également un lieu de pardon, de paix et de réconciliation; elle ouvre ses bras à tous les hommes pour leur annoncer le véritable Dieu. En servant la foi des hommes et des femmes de ce pays bien-aimé, l'Eglise les aide à progresser sur le chemin du bien. Les oeuvres d'évangélisation qui ont lieu dans les divers milieux, comme par exemple les missions dans les quartiers et villages sans église, doivent être organisées et promues pour pouvoir se développer et servir non seulement les catholiques, mais tout le peuple cubain, afin qu'il connaisse Jésus et qu'il l'aime. L'histoire enseigne que sans foi, la vertu disparaît, les valeurs morales s'obscurcissent, la vérité ne resplendit pas, la vie perd sa signification transcendantale et même le service à la nation cesse d'être animé par les motivations les plus profondes. A ce propos, Antonio Maceo, le grand patriote de la région orientale, disait: «Celui qui n'aime pas Dieu n'aime pas sa patrie».

L'Eglise appelle chacun à incarner la foi dans sa vie, en tant que meilleur chemin pour le développement intégral de l'être humain, créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, et pour obtenir la véritable liberté, qui inclut la reconnaissance des droits humains et la justice sociale. A cet égard, les laïcs catholiques, en sauvegardant leur identité pour pouvoir être le «sel et le levain» dans la société dont ils font partie, ont le devoir et le droit de participer au débat public en ayant d'égales chances et dans une attitude de dialogue et de réconciliation. De même, le bien d'une nation doit être promu et recherché par les citoyens eux-mêmes, à travers des moyens pacifiques et progressifs. De cette façon, chaque personne, jouissant de la liberté d'expression, du pouvoir d'initiative et de proposition au sein de la société civile, et de la juste liberté d'association, pourra collaborer de façon efficace à la recherche du bien commun.

L'Eglise, plongée dans la société, ne recherche aucune forme de pouvoir politique pour accomplir sa mission, mais veut être un germe fécond de bien commun à travers sa présence dans les structures sociales. Elle vise en premier lieu à la personne humaine et à la communauté dans laquelle elle vit, sachant que sa première voie est l'homme concret avec ses besoins et ses aspirations. Tout ce que l'Eglise réclame pour elle, elle le met au service de l'homme et de la société. En effet, le Christ lui a confié le devoir d'apporter son message à tous les peuples, et pour accomplir sa mission, elle a besoin d'un espace de liberté et de moyens suffisants. En défendant sa liberté, l'Eglise défend celle de chaque personne, des familles, des diverses organisations sociales, réalités vivantes qui ont droit à un domaine propre d'autonomie et de souveraineté (cf. Centesimus annus, CA 45). Dans ce sens, «les chrétiens et les communautés chrétiennes sont profondément intégrés à la vie de leurs peuples, et ils sont des signes évangéliques par la fidélité à leur patrie, à leur peuple, à la culture nationale, tout en gardant la liberté que le Christ leur a acquise [...] L'Eglise est appelée à rendre son témoignage au Christ en prenant des positions courageuses et prophétiques face à la corruption du pouvoir politique ou économique; en ne recherchant ni la gloire ni les biens matériels; en utilisant ce qu'elle possède pour servir les plus pauvres, et en imitant la simplicité de la vie du Christ» (Redemptoris missio, RMi 43). Il s'agit d'un enseignement constant et permanent du Magistère social, de ce que l'on appelle la Doctrine sociale de l'Eglise.

5. En rappelant ces aspects de la mission de l'Eglise, nous rendons grâce à Dieu, qui nous a appelés à en faire partie. La Vierge Marie occupe une place particulière dans l'Eglise. Le couronnement de la vénérable image de la «Virgen de la Caridad del Cobre» en est l'expression. L'histoire cubaine est constellée de signes merveilleux d'amour envers sa Patronne, aux pieds de laquelle les figures des humbles natifs, deux indios et un mulâtre, symbolisent la riche pluralité de ce peuple. El Cobre, où se trouve son sanctuaire, fut le premier lieu de Cuba où les esclaves conquirent leur liberté.

Bien-aimés fidèles, n'oubliez jamais les grands événements liés à votre Reine et Mère. Avec le baldaquin de l'autel majeur, Céspedes confectionna le drapeau cubain et alla se prosterner aux pieds de la Vierge avant de commencer sa lutte pour la liberté. Les courageux soldats cubains, les mabises, portaient sur la poitrine la médaille et la «mesure» de son image bénie. Le premier acte de Cuba libre eut lieu en 1898 lorsque les troupes du général Calixto García se prosternèrent aux pieds de la «Virgen de la Caridad» lors d'une Messe solennelle pour la «Déclaration mambisa d'indépendance du peuple cubain». Les divers pèlerinages que l'image a accomplis dans les villages de l'île, témoin des aspirations et des espérances, des joies et des souffrances de tous ses fils, ont toujours été des manifestations de foi et d'amour.

De ce lieu, je désire envoyer mon salut également aux fils de Cuba dans le monde et qui vénèrent la «Virgen de la Caridad»; avec tous leurs frères qui vivent sur cette belle terre, je les place sous sa protection maternelle, en lui demandant, à Elle, Mère bienveillante de tous, de réunir ses fils au moyen de la réconciliation et de la fraternité.

591 6. Aujourd'hui, en poursuivant cette glorieuse tradition d'amour envers la Mère commune, avant de procéder à son couronnement, je désire m'adresser à Elle et l'invoquer avec vous tous:

Virgen de la Caridad del Cobre
Patronne de Cuba!
Que Dieu te garde, Marie, pleine de grâce!
Tu es la Fille bien-aimée du Père,
La Mère du Christ, notre Dieu,
le Temple vivant de l'Esprit Saint.
Tu portes dans ton nom, Virgen de la Caridad,
la mémoire du Dieu qui est Amour,
le souvenir du nouveau commandement de Jésus,
l'évocation de l'Esprit Saint:
592 amour versé dans nos coeurs,
feu de charité envoyé lors de la Pentecôte sur l'Eglise,
don de la pleine liberté des fils de Dieu.
Tu es bénie entre toutes les femmes
et Jésus, le fruit de tes entrailles, est béni!
Tu es venue visiter notre peuple
et tu as voulu rester parmi nous
comme Mère et Notre-Dame de Cuba,
au cours de son pèlerinage
le long des chemins de l'histoire.
Ton nom et ton image sont gravés
593 dans l'esprit et dans le coeur de tous les Cubains,
à l'intérieur et à l'extérieur de la patrie,
comme signe d'espérance et centre de communion fraternelle.
Sainte Marie, Mère de Dieu et notre Mère!
Prie pour nous auprès de ton fils Jésus-Christ,
intercède pour nous de ton coeur maternel,
inondé de la charité de l'Esprit.
Approfondis notre foi, ravive l'espérance,
augmente et renforce l'amour en nous.
Soutiens nos familles,
protège les jeunes et les enfants,
594 réconforte ceux qui souffrent.
Sois la Mère des fidèles et des Pasteurs de l'Eglise,
modèle et étoile de la nouvelle évangélisation.
Mère de la Réconciliation!
Réunis ton peuple dispersé dans le monde.
Fais de la nation cubaine une famille de frères et de soeurs
afin que ce peuple ouvre grand
son esprit, son coeur et sa vie au Christ,
unique Sauveur et Rédempteur
qui vit et règne avec le Père et l'Esprit Saint,
pour les siècles des siècles.
Amen.

595 Au terme de la Sainte Messe, le Saint-Père a annoncé l'érection du nouveau diocèse de Guantánamo-Baracoa:

J'ai eu la joie de célébrer avec vous tous la Sainte Messe sur cette Place dédiée à Antonio Maceo. A travers votre présence ici, vous avez également apporté un témoignage visible de la persévérance et de la croissance de l'Eglise sur cette belle terre, qui expriment sa riche vitalité. A ce propos, je suis heureux de vous communiquer que pour faciliter l'action de l'Eglise à Cuba, j'ai décidé d'ériger le diocèse de Guantánamo-Baracoa, en nommant comme premier Evêque Mgr Carlos Jesús Patricio Baladrón Valdés, jusqu'à présent Evêques auxiliaire de La Havane.

Je désire encourager les prêtres et les fidèles de la nouvelle circonscription ecclésiastique à s'engager à édifier, comme pierres vivantes autour de leur Pasteur, cette Eglise particulière qui naît aujourd'hui. Cher Monseigneur Baladrón, apprécie à sa juste valeur la grande importance de la mission qui t'est confiée aujourd'hui et annonce de toutes tes forces la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ à ses diocésains, les invitant à l'Eucharistie et aux autres Sacrements, pour croître ainsi dans la sainteté et dans la justice en présence du Seigneur.

Avant de donner sa Bénédiction apostolique, le Saint-Père a adressé les paroles suivantes aux fidèles présents:

Je désire rendre grâce pour cette chaleur, la chaleur du temps, mais également la chaleur humaine, la chaleur des coeurs. A ce peuple, à cette Eglise si chaleureuse, je désire offrir la Bénédiction finale de la Messe.

CONCÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE À LA HAVANE


Place « José Martí », La Havane (Cuba)
Dimanche 25 janvier 1998

1. «Ce jour est saint pour Yahvé votre Dieu! Ne soyez pas tristes, ne pleurez pas!» (Ne 8,9). C'est avec une grande joie que je préside la Sainte Messe sur cette Place «José Martí», en ce dimanche, jour du Seigneur, qui doit être consacré au repos, à la prière et à la vie en famille. La Parole de Dieu nous exhorte à croître dans la foi et à célébrer la présence du Ressuscité parmi nous, car «nous tous avons été baptisés en un seul corps [...] et tous nous avons été abreuvés d'un seul Esprit» (1Co 12,13), le corps mystique du Christ qu'est l'Eglise. Jésus-Christ unit tous les baptisés. C'est de Lui que naît l'amour fraternel entre les catholiques cubains, et entre ceux qui vivent dans tout autre lieu, car ils sont «le Corps du Christ et membres chacun pour sa part» (1Co 12,27). L'Eglise qui est à Cuba n'est donc pas seule, ni isolée, mais au contraire fait partie de l'Eglise universelle présente dans le monde entier.

2. Je salue avec affection le Cardinal Jaime Ortega, Pasteur de cet archidiocèse, et je le remercie pour les aimables paroles avec lesquelles il m'a présenté, au début de cette célébration, les réalités et les aspirations qui caractérisent la vie de cette communauté ecclésiale. Je salue également Messieurs les Cardinaux ici présents, provenant de divers lieux, ainsi que tous mes frères évêques de Cuba et d'autres pays qui ont voulu participer à cette célébration solennelle. Je salue cordialement les prêtres, les religieux et les religieuses, ainsi que les fidèles réunis en si grand nombre. J'assure chacun de vous de mon affection et de ma proximité dans le Seigneur. Je salue avec respect le Président, M. Fidel Castro Ruz, qui a voulu participer à cette Sainte Messe.

Je remercie également de leur présence les Autorités civiles qui ont voulu être ici aujourd'hui et je leur suis reconnaissant pour la collaboration qu'elles ont apportée.

3. «L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a consacré par l'onction, pour annoncer la bonne nouvelle » (Lc 4,18). Chaque ministre de Dieu doit faire siennes dans sa vie ces paroles prononcées par Jésus de Nazareth. C'est pourquoi, me trouvant ici parmi vous, je veux vous apporter la Bonne Nouvelle de l'espérance en Dieu. En tant que serviteur de l'Evangile, je vous apporte ce message d'amour et de solidarité que Jésus-Christ, à travers sa venue, offre aux hommes de tout temps. Il ne s'agit ni d'une idéologie, ni d'un système économique ou politique nouveau, mais d'un chemin de paix, de justice et de véritable liberté.

596 4. Les systèmes idéologiques et économiques qui se sont succédé au cours des derniers siècles ont souvent encouragé l'affrontement comme méthode, car leurs programmes contenaient les germes de l'opposition et de la désunion. Cela a profondément conditionné la conception de l'homme et les rapports avec les autres. Certains de ces systèmes ont prétendu également réduire la religion à la sphère purement individuelle, la dépouillant de toute influence ou caractère social. Dans ce sens, il est bon de rappeler qu'un Etat moderne ne peut faire de l'athéisme ou de la religion l'un de ses systèmes politiques. L'Etat, loin de tout fanatisme ou sécularisme extrême, doit promouvoir un climat social serein et une législation adaptée, qui permette à chaque personne et à chaque confession religieuse de vivre sa foi librement, de l'exprimer dans les domaines de la vie publique et de pouvoir compter sur les moyens et les espaces suffisants pour offrir à la vie de la nation ses richesses spirituelles, morales et civiles.

D'autre part, dans différents lieux se développe une forme de néolibéralisme capitaliste qui conditionne la personne humaine et soumet le développement des peuples aux forces aveugles du marché, dans laquelle les centres de pouvoir exercent un poids insupportable sur les peuples les plus défavorisés. C'est ainsi que souvent, des programmes économiques insoutenables sont imposés aux nations comme conditions pour recevoir de nouvelles aides. On assiste de cette façon, dans la communauté des nations, à l'enrichissement excessif d'un petit nombre au prix de l'appauvrissement croissant d'un grand nombre, de telle sorte que les plus riches deviennent toujours plus riches et que les plus pauvres deviennent toujours plus pauvres.

5. Très chers frères: l'Eglise est maîtresse en humanité. C'est pourquoi, face à ces systèmes, elle propose la culture de l'amour et de la vie, en restituant à l'humanité l'espérance et le pouvoir transformateur de l'amour, vécu dans l'unité voulue par le Christ. C'est pourquoi il est nécessaire de parcourir un chemin de réconciliation, de dialogue et d'accueil fraternel du prochain, quel qu'il soit. L'on peut dire que c'est cela l'Evangile social de l'Eglise.

En portant à terme sa mission, l'Eglise propose au monde une justice nouvelle, la justice du Royaume de Dieu (cf. Mt
Mt 6,33). En diverses occasions, j'ai fait référence aux thèmes sociaux. Il est nécessaire de continuer à en parler aussi longtemps qu'il y aura, aussi petites soient-elles, des injustices, dans le monde car dans le cas contraire, l'Eglise ne serait pas fidèle à la mission qui lui a été confiée par Jésus-Christ. L'enjeu en est l'homme, la personne en chair et en os. Même si les temps et les circonstances changent, il y a toujours des personnes qui ont besoin de la voix de l'Eglise pour que l'on reconnaisse leurs angoisses, leurs douleurs et leurs peines. Ceux qui se trouvent dans des situations semblables peuvent être sûrs qu'ils ne seront pas déçus, car l'Eglise est avec eux et le Pape embrasse avec le coeur et avec ses paroles d'encouragement tous ceux qui subissent des injustices.

De longs applaudissements ont interrompu le Saint-Père qui a ajouté:

Je ne suis pas contre les applaudissements, car lorsque vous applaudissez, le Pape peut se reposer un peu.

... puis il poursuivait...

Les enseignements de Jésus conservent toute leur vigueur au seuil de l'An 2000. Ils sont valables pour vous tous, mes chers frères. Dans la recherche de la justice du Royaume, nous ne pouvons pas nous arrêter face aux difficultés et aux incompréhensions. Si l'invitation du maître à la justice, au service et à l'amour est accueilli comme Bonne Nouvelle, alors le coeur s'élargit, les critères se transforment et la culture de l'amour et de la vie naît. Tel est le grand changement que la société attend et dont elle a besoin; il ne pourra être atteint que si a lieu auparavant la conversion du coeur de chacun, comme condition aux changements nécessaires des structures de la société.

6. «L'Esprit du Seigneur [...] m'a envoyé annoncer aux captifs la délivrance [...] renvoyer en liberté les opprimés» (Lc 4,18). La Bonne Nouvelle de Jésus doit être accompagnée par une annonce de liberté, fondée sur les bases solides de la vérité: «Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples, et vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera» (Jn 8,31-32). La vérité à laquelle se réfère Jésus n'est pas seulement la compréhension intellectuelle de la réalité, mais plutôt la vérité sur l'homme et sa condition transcendante, sur ses droits et ses devoirs, sur sa grandeur et ses limites. C'est la même vérité que celle que Jésus proclama à travers sa vie, qu'il réaffirma devant Pilate et, à travers son silence, face à Hérode; c'est la même vérité qui le conduisit à la croix salvifique et à la glorieuse résurrection.

La liberté qui n'est pas fondée sur la vérité conditionne l'homme au point de le rendre parfois objet plutôt que sujet du contexte social, culturel, économique et politique, le privant presque totalement d'initiatives quant à son développement personnel. D'autres fois, cette liberté est de type individualiste et, ne tenant pas compte de la liberté des autres, renferme l'homme sur son propre égoïsme. La conquête de la liberté dans la responsabilité représente un devoir incontournable pour chaque personne. Pour les chrétiens, la liberté des fils de Dieu n'est pas seulement un don et un devoir; son obtention implique également un témoignage inestimable et une contribution authentique dans le processus de libération de tout le genre humain. Cette libération ne se limite pas aux aspects sociaux et politiques, mais atteint sa plénitude dans l'exercice de la liberté de conscience, base et fondement des autres droits humains.

De la foule s'est élevée alors une invocation: «Le Pape vit et veut que nous soyons tous libres!», En réponse Jean-Paul II a ajouté:

597 Oui, il vit avec cette liberté grâce à laquelle le Christ vous a libérés.

...le Saint-Père poursuivait...

Pour de nombreux systèmes politiques et économiques en vigueur aujourd'hui, le défi le plus grand continue à être celui de conjuguer liberté et justice sociale, liberté et solidarité, sans qu'aucune d'elles ne soit reléguée à un niveau inférieur. Ainsi, la Doctrine sociale de l'Eglise constitue un effort de réflexion et une proposition qui tente d'éclairer et de concilier les rapports entre les droits inaliénables de chaque homme et les exigences sociales, de façon à ce que la personne réalise ses aspirations les plus profondes et accède à une pleine réalisation selon sa condition de fils de Dieu et de citoyen. Par conséquent, les laïcs catholiques doivent contribuer à cette réalisation à travers l'application des enseignements sociaux de l'Eglise dans les divers milieux, ouverts à tous les hommes de bonne volonté.

7. Dans l'Evangile proclamé aujourd'hui, la justice apparaît intimement liée à la vérité. C'est ce que l'on observe également dans la pensée lucide des pères de la patrie. Le Serviteur de Dieu, le Père Félix Varela, animé par la foi chrétienne et par la fidélité au ministère sacerdotal, plaça dans le coeur du peuple cubain les semences de la justice et de la liberté qu'il rêvait de voir fleurir sur la terre cubaine libre et indépendante.

La doctrine de José Martí sur l'amour entre tous les hommes a des racines profondément évangéliques, dépassant ainsi le faux conflit entre la foi en Dieu et l'amour et le service à la patrie. Martí écrivait: «Pure, désintéressée, persécutée, martyrisée, poétique et simple, la religion du Nazaréen a séduit tous les hommes honnêtes [...] Tout peuple a besoin d'être religieux. Il doit l'être non seulement dans son essence, mais également dans son utilité [...] Un peuple qui n'est pas religieux est destiné à mourir car rien n'alimente la vertu en lui. Les injustices humaines la méprisent; il est nécessaire que la justice céleste la garantisse».

Comme vous le savez, Cuba possède une âme chrétienne, et cela l'a conduit à avoir une vocation universelle. Appelé à vaincre l'isolement, Cuba doit s'ouvrir au monde et le monde doit se rapprocher de Cuba, de son peuple et de ses fils, qui en constituent sans aucun doute la richesse la plus grande. L'heure est arrivée d'entreprendre de nouveaux chemins que la période de renouveau que nous vivons exige, à la veille du troisième millénaire de l'ère chrétienne!

8. Très chers frères: Dieu a comblé ce peuple d'authentiques formateurs de la conscience nationale, représentants clairs et fermes de la foi chrétienne, qui représente le soutien le plus adapté de la vertu et de l'amour. Aujourd'hui, les évêques, avec les prêtres, les personnes consacrées et les fidèles laïcs, s'efforcent de bâtir des ponts pour rapprocher les esprits et les coeurs, encourageant et consolidant la paix, préparant la civilisation de l'amour et de la justice. Je suis ici parmi vous en tant que messager de la vérité et de l'espérance. C'est pourquoi je désire répéter mon appel à vous laisser illuminer par Jésus-Christ, à accepter sans réserve la splendeur de sa vérité, afin que tous puissent suivre le chemin de l'unité à travers l'amour et la solidarité, en évitant l'exclusion, l'isolement et l'opposition, qui sont contraires à la volonté du Dieu-Amour.

Que l'Esprit Saint illumine à travers ses dons ceux qui exercent diverses responsabilités à l'égard de ce peuple que je porte dans mon coeur. Que la «Virgen de la Caridad del Cobre» , Reine de Cuba, obtienne pour ses fils les dons de la paix, du progrès et du bonheur.

Ce vent aujourd'hui est très significatif, car il symbolise l'Esprit Saint. «Spiritus spirat ubi vult, Spiritus vult spirare in Cuba». Les dernières paroles sont en langue latine car Cuba appartient également à la tradition latine. Amérique latine, Cuba latin, langue latine! «Spiritus spirat ubi vult et vult Cubam». Au revoir.


Voyage Apostolique au Nigeria (21-23 mars 1998)



Dimanche 22 mars 1998: Cérémonie de béatification du moine trappiste Cyprian Michael Iwene Tansi

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«Car c'est Dieu qui dans le Christ se réconciliait avec le monde» (2Co 5,19).


Chers frères et soeurs,

1. Dieu m'a accordé pour la seconde fois la joie de venir ici à Onitsha pour célébrer avec vous le Saint Sacrifice de la Messe. Il y a seize ans, vous m'avez accueilli sur cette belle terre et j'ai ressenti la chaleur et la ferveur d'un peuple plein de foi, d'hommes et de femmes réconciliés avec Dieu et désireux de diffuser la Bonne Nouvelle du salut parmi les personnes, proches et lointaines.

Saint Paul parle de la «nouvelle création dans le Christ» (cf. 2Co 5,17) et continue en nous disant: «Car c'est Dieu qui dans le Christ se réconciliait le monde, ne tenant plus compte des fautes des hommes, et mettant en nous la parole de la réconciliation [...] Nous vous en supplions au nom du Christ: laissez-vous réconcilier avec Dieu» (2Co 5,19-20). L'Apôtre affronte ici l'histoire de tout homme et de toute femme: Dieu, à travers son Fils unique Jésus-Christ, nous a réconciliés avec lui.

Cette même vérité est présentée de façon encore plus vive dans l'Evangile d'aujourd'hui. Saint Paul nous rapporte l'histoire d'un jeune homme qui quitta la maison de son père, subit les conséquences douloureuses de ce geste, et retrouva la voie de la réconciliation. Le jeune retourne à son père et dit: «Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi; je ne mérite plus d'être appelé ton fils, traite-moi comme l'un de tes mercenaires» (Lc 15,18-19). Le Père accueille son fils de retour à bras ouverts, il se réjouit car son fils est revenu. Le père de la parabole représente notre Père céleste, qui veut réconcilier chaque personne avec lui dans le Christ. C'est la réconciliation que l'Eglise proclame.

Lorsque les évêques de toute l'Afrique se sont réunis pour une session spéciale du Synode en vue de discuter des problèmes de ce continent, ils ont dit que l'Eglise qui est en Afrique devait devenir, à travers le témoignage de ses fils et filles, un lieu de véritable réconciliation (cf. Ecclesia in Africa, ). En se réconciliant d'abord entre eux, les membres de l'Eglise apporteront à la société le pardon et la réconciliation du Christ notre paix (cf. Ep 2,14). «Faute de quoi — disent les évêques — le monde ressemblera toujours davantage à un champ de bataille, où ne comptent que les intérêts égoïstes et où règne la loi de la force» (Ecclesia in Africa, ).

Aujourd'hui, je désire proclamer l'importance de la réconciliation: la réconciliation avec Dieu et la réconciliation des personnes entre elles. C'est la tâche qui attend l'Eglise dans ce pays du Nigeria, sur ce continent d'Afrique, et au milieu de tous les peuples et de toutes les nations partout dans le monde. «Nous sommes donc en ambassade pour le Christ [...] nous vous en supplions au nom du Christ: laissez-vous réconcilier avec Dieu» (2Co 5,20). C'est pourquoi les catholiques du Nigeria doivent être des témoins authentiques et efficaces de la foi dans tous les aspects de la vie, dans les affaires publiques et privées.

2. Aujourd'hui, l'un des fils du Nigeria, le Père Cyprian Michael Iwene Tansi a été proclamé «bienheureux» dans le pays même où il a prêché la Bonne Nouvelle du salut et où il s'est efforcé de réconcilier ses concitoyens avec Dieu et entre eux. En effet, la cathédrale dans laquelle le Père Tansi a été ordonné et les paroisses où il a exercé son ministère sacerdotal ne sont pas loin de ce lieu même d'Oba où nous sommes réunis. Quelques-unes des personnes auxquelles il a proclamé l'Evangile et administré les sacrements sont aujourd'hui ici avec nous, parmi lesquelles le Cardinal Francis Arinze, qui fut baptisé par le Père Tansi et poursuivit ses études primaires dans l'une de ses écoles.

Dans la grande joie de cet événement, je salue tous ceux qui prennent part à cette liturgie, en particulier l'Archevêque Albert Obiefuna, Pasteur de cette Eglise locale d'Onitsha, ainsi que tous les évêques du Nigeria et des pays voisins. Je salue avec une affection particulière les prêtres, les religieux et les religieuses, les catéchistes et tous les fidèles laïcs. Je remercie les membres des autres communautés ecclésiales chrétiennes, de la communauté musulmane et des autres traditions religieuses qui se sont joints à nous aujourd'hui, ainsi que les représentants des diverses Autorités gouvernementales et locales présents à cette célébration. De façon particulière, je demande à Dieu de récompenser tous ceux qui ont tant travaillé, consacrant avec générosité leur temps, leurs talents et leurs ressources, afin que cette béatification puisse avoir lieu sur le sol nigérian. Je fais miennes les paroles du Psalmiste en invitant chacun de vous: «Magnifiez avec moi Yahvé, exaltons ensemble son nom» (Ps 34,4)!

3. La vie et le témoignage du Père Tansi sont une source d'inspiration pour tous au Nigeria, le pays qu'il aimait tant. Il était avant tout un homme de Dieu: les longues heures passées devant le Saint Sacrement remplissaient son coeur d'un amour généreux et courageux. Ceux qui le connaissaient témoignent de son grand amour pour Dieu. Quiconque le rencontrait était frappé par sa bonté personnelle. Il était également un homme du peuple: il plaçait toujours les autres avant lui-même et était particulièrement attentif aux nécessités pastorales des familles. Il apportait un soin attentif à la préparation des couples au Saint Mariage et prêchait l'importance de la chasteté. Il s'efforçait de toutes les manières possibles de promouvoir la dignité des femmes. L'éducation des jeunes était particulièrement importante pour lui. Même lorsqu'il fut envoyé par l'Evêque Heerey à l'Abbaye cistercienne du Mont Saint-Bernard en Angleterre, pour poursuivre sa vocation monastique, dans l'espoir de réintroduire la vie contemplative en Afrique, il n'oublia pas son peuple. Il ne manqua pas d'élever des prières et d'offrir des sacrifices pour la sanctification permanente du peuple.

Le Père Tansi savait qu'il y a une part de fils prodigue en chaque être humain. Il savait que tous les hommes et toutes les femmes sont tentés de se séparer de Dieu afin de mener leur propre existence indépendante et empreinte d'égoïsme. Il savait qu'ils étaient ensuite déçus par le vide et l'illusion qui les avaient fascinés et qu'ils finissaient par trouver au plus profond de leur coeur le chemin qui les ramenait à la maison du Père (cf. Reconciliatio et paenitentia RP 5). Il encourageait les personnes à confesser leurs péchés et à recevoir le pardon de Dieu dans le Sacrement de la Réconciliation. Il les implorait de se pardonner réciproquement comme Dieu nous pardonne, et de transmettre le don de la réconciliation, l'appliquant de façon concrète à tous les niveaux de la vie nigériane. Le Père Tansi s'efforçait d'imiter le père de la parabole: il était toujours disponible pour ceux qui cherchaient la réconciliation. Il diffusait la joie de la communion restaurée avec Dieu. Il inspirait les personnes à accueillir la paix du Christ, et les encourageait à nourrir la vie de grâce par la Parole de Dieu et la Sainte Communion.

599 4. «Car c'est Dieu qui dans le Christ se réconciliait le monde» (2Co 5,19).

Lorsque nous parlons du monde réconcilié avec Dieu, nous ne parlons pas seulement des individus, mais de chaque communauté: familles, clans, tribus, nations, Etats. Dans sa Providence, Dieu a contracté alliance après alliance avec l'humanité: il y a eu l'alliance avec nos premiers parents dans le jardin de l'Eden; l'alliance avec Noé après le Déluge; l'alliance avec Abraham. La lecture d'aujourd'hui tirée du Livre de Josué nous rappelle l'alliance faite avec Israël, lorsque Moïse libéra les Israéliens de l'esclavage d'Egypte. Et Dieu a établi maintenant l'alliance finale et définitive avec toute l'humanité en Jésus-Christ, qui a réconcilié chaque homme et chaque femme — ainsi que les nations tout entières — avec Dieu par sa Passion, sa Mort et sa Résurrection.

Le Christ fait donc partie de l'histoire des nations. Il fait partie de l'histoire de votre nation sur ce continent d'Afrique. Il y a plus de cent ans, des missionnaires arrivèrent dans votre pays pour proclamer l'Evangile de la réconciliation, la Bonne Nouvelle du salut. Vos ancêtres commencèrent à connaître le mystère de la rédemption du monde, et partagèrent cette Nouvelle Alliance dans le Christ. De cette façon, la foi chrétienne fut solidement enracinée dans ce sol, et continue de croître et de produire des fruits abondants.

Le bienheureux Cyprian Michael Tansi est un exemple admirable des fruits de sainteté qui ont poussé et mûri dans l'Eglise qui est au Nigeria depuis que l'Evangile a été prêché sur cette terre. Il reçut le don de la foi grâce aux efforts des missionnaires et, en adoptant le style de vie chrétien, il le rendit véritablement africain et nigérian. C'est pourquoi les Nigérians d'aujourd'hui — jeunes et âgés — sont eux aussi appelés à faire mûrir les fruits spirituels qui ont été plantés parmi eux et qui sont maintenant prêts à être cueillis. A cet égard, je désire remercier et encourager l'Eglise qui est au Nigeria pour son oeuvre missionnaire au Nigeria, en Afrique et au-delà. Le témoignage apporté par le Père Tansi à l'Evangile et à la charité du Christ est un don spirituel que cette Eglise locale offre maintenant à l'Eglise universelle.

5. En effet, Dieu a comblé ce pays de richesses humaines et naturelles, et chacun a le devoir d'assurer que ces ressources soient utilisées pour le bien du peuple tout entier. Tous les Nigérians doivent oeuvrer pour libérer la société de tout ce qui offense la dignité de la personne humaine ou qui viole les droits humains. Cela signifie réconcilier les différences, surmonter les rivalités ethniques et insuffler honnêteté, efficacité et compétence dans l'art de gouverner. Tandis que votre nation est en train de vivre une transition pacifique vers un gouvernement civil démocratique, il y a besoin d'hommes politiques — hommes et femmes — qui aiment profondément leur peuple et qui désirent servir plutôt que d'être servis (cf. Ecclesia in Africa ). Il ne peut y avoir de place pour l'intimidation et l'oppression des pauvres et des faibles, pour l'exclusion arbitraire de personnes et de groupes de la vie politique, pour la mauvaise utilisation de l'autorité ou pour l'abus de pouvoir. En effet, la clé pour résoudre les conflits économiques, politiques, culturels et idéologiques est la justice; et la justice n'est pas complète sans l'amour du prochain, sans une attitude de service humble et généreux.

Lorsque nous considérons les autres en tant que frères et soeurs, alors, le processus d'apaisement des divisions au sein de la société et entre les groupes ethniques peut commencer. Cette réconciliation constitue le chemin qui mène à la véritable paix et au progrès authentique pour le Nigeria et pour l'Afrique. Cette réconciliation ne signifie pas faiblesse ou lâcheté. Au contraire, elle exige courage et parfois même héroïsme: c'est la victoire sur soi-même plutôt que la victoire sur les autres. Elle ne devrait jamais être considérée comme un déshonneur. Car il s'agit en réalité de l'art patient et sage de la paix.

6. Le passage du Livre de Josué que nous avons entendu au cours de la première Lecture de la liturgie d'aujourd'hui parle de la Pâque que les fils d'Israël célébrèrent après leur arrivée sur la Terre promise. Ils la célébrèrent avec joie car ils virent de leurs propres yeux que les promesses que le Seigneur leur avait faites avaient été maintenues. Après avoir erré pendant quarante ans dans le désert, leurs pieds foulaient désormais la terre que Dieu leur donnait. La Pâque de l'Ancien Testament, le souvenir de l'exode d'Egypte, est la figure de la Pâque du Nouveau Testament, le souvenir du passage de la mort du Christ à la vie, que nous rappelons et célébrons à chaque Messe.

Alors que nous nous tenons face à l'Autel du Sacrifice et que nous nous apprêtons à être nourris et renforcés par le Corps et le Sang du Christ, nous devons être convaincus que nous sommes appelés, chacun selon son état de vie particulier, à suivre les traces du Père Tansi. Ayant été réconciliés avec Dieu, nous devons être des instruments de réconciliation, en traitant tous les hommes et toutes les femmes en frères et soeurs, appelés à être membres de l'unique famille de Dieu.

La réconciliation comporte nécessairement la solidarité. L'effet de la solidarité est la paix. Et les fruits de la paix sont la joie et l'unité dans les familles, la coopération et le développement dans la société, la vérité et la justice dans la vie de la nation. Que tout cela soit l'avenir lumineux du Nigeria!

«Que le Dieu de la paix soit avec vous tous! Amen» (Rm 15,33).


Homélies St Jean-Paul II 589