Homélies St Jean-Paul II 1178


AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 25 août 2004

Très chers frères et soeurs!

1. Comme je l'ai annoncé dimanche dernier, notre traditionnelle rencontre hebdomadaire revêt aujourd'hui un aspect particulier. Nous sommes en effet recueillis en prière autour de l'Icône vénérée de la Mère de Dieu de Kazan', qui est sur le point d'entreprendre son voyage de retour vers la Russie, d'où elle est partie un jour lointain.

Après avoir traversé divers pays et s'être arrêtée pendant longtemps dans le Sanctuaire de Fatima, au Portugal, elle est arrivée de façon providentielle il y a plus de dix ans dans la maison du Pape. Depuis lors, elle a trouvé une place auprès de moi et a accompagné de son regard maternel mon service quotidien à l'Eglise.

Combien de fois, depuis ce jour, ai-je invoqué la Mère de Dieu de Kazan', lui demandant de protéger et de guider le peuple russe qui nourrit une dévotion particulière pour elle, et de hâter le moment où tous les disciples de son Fils, se reconnaissant frères, sauront recomposer en plénitude l'unité compromise.

2. Dès le début, j'ai voulu que cette sainte Icône retourne sur le sol de la Russie, où - selon des témoignages historiques fiables - elle a été pendant de très longues années l'objet d'une profonde vénération de la part de générations entières de fidèles. Autour de l'Icône de la Mère de Dieu de Kazan' s'est développée l'histoire de ce grand peuple.

La Russie est une nation chrétienne depuis tant de siècles, elle est la Sainte Rus'. Même lorsque des forces adverses s'acharnèrent contre l'Eglise et tentèrent d'effacer de la vie des hommes le saint nom de Dieu, ce peuple demeura profondément chrétien, témoignant dans de nombreux cas avec son sang de sa fidélité à l'Evangile et aux valeurs qu'il inspire.

C'est donc avec une émotion particulière que je rends grâce avec vous à la Divine Providence, qui me permet aujourd'hui d'envoyer au vénérable Patriarche de Moscou et de toutes les Russies le don de cette sainte Icône.

3. Que cette antique image de la Mère du Seigneur exprime à Sa Sainteté Alexis II et au vénéré Synode de l'Eglise orthodoxe russe l'affection du Successeur de Pierre pour eux et pour tous les fidèles qui leur sont confiés. Qu'elle exprime son estime pour la grande tradition spirituelle dont la Sainte Eglise russe est la gardienne. Qu'elle exprime le désir et la ferme intention du Pape de Rome de progresser ensemble avec eux sur le chemin de la connaissance et de la réconciliation réciproques, pour hâter le jour de la pleine unité des croyants pour laquelle le Seigneur Jésus a ardemment prié (cf. Jn 17,20-22).

Très chers frères et soeurs, unissez-vous à moi pour invoquer l'intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, tandis que je remets son Icône à la délégation qui l'apportera, en mon nom, à Moscou.
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Prière du Saint-Père


Glorieuse Mère de Jésus, qui "marches devant le Peuple de Dieu sur le chemin de la foi, de l'amour et de l'union avec le Christ" (cf. Lumen gentium
LG 63), bénie sois-tu! Toutes les générations te proclament bienheureuse car "le Tout-Puissant a fait pour toi de grandes choses et Saint est son nom" (cf. Lc 1,48-49).

Bénie et honorée sois-tu, ô Mère, en ton Icône de Kazan', où, depuis des siècles, tu es entourée de la vénération et de l'amour des fidèles orthodoxes, étant devenue protectrice et témoin des oeuvres particulières de Dieu dans l'histoire du peuple russe, qui nous est très cher.

La Providence Divine, qui a le pouvoir de vaincre le mal et d'extraire le bien même des mauvaises actions des hommes, a fait que ta sainte Icône, disparue en des temps reculés, est réapparue dans le sanctuaire de Fatima, au Portugal. Par la suite, selon la volonté de personnes ayant une dévotion particulière pour Toi, elle a été accueillie dans la maison du Successeur de Pierre.

Mère du peuple orthodoxe, la présence à Rome de ta sainte Image de Kazan' nous parle d'une unité profonde entre l'Orient et l'Occident, qui dure dans le temps en dépit des divisions historiques et des erreurs des hommes. Nous élevons à présent vers Toi, avec une intensité particulière, notre prière, ô Vierge, tandis que nous prenons congé de ton image suggestive. Nous t'accompagnerons avec notre coeur le long du chemin qui te reconduira vers la sainte Russie. Accueille la louange et l'honneur que te rend le Peuple de Dieu qui est à Rome.

O, bénie entre toutes les femmes, en vénérant ton Icône en cette ville marquée par le sang des Apôtres Pierre et Paul, l'Evêque de Rome s'unit spirituellement à son Frère dans le ministère épiscopal, qui préside, en tant que Patriarche, à l'Eglise orthodoxe russe. Et il Te demande, Sainte Mère, d'intercéder afin que se hâte le temps de la pleine unité entre l'Orient et l'Occident, de la pleine communion entre tous les chrétiens.

O Vierge glorieuse et bénie, Notre-Dame, notre Avocate et notre soutien, réconcilie-nous avec ton Fils, recommande-nous à ton Fils, présente-nous à ton Fils! Amen.



VISITE DE SA SAINTETÉ


JEAN-PAUL II


À LORETTE


5 septembre 2004: Messe avec Béatification de Pedro Tarres y Claret, Alberto Marvelli et Pina Suriano

Vallée de Montorso
Dimanche 5 septembre 2004
1. "Quel homme en effet peut connaître le dessein de Dieu" (Sg 9,13). La question, posée par le livre de la Sagesse, a une réponse: seul le Fils de Dieu, fait homme pour notre salut dans le sein virginal de Marie, peut nous révéler le dessein de Dieu. Seul Jésus Christ sait quel est le chemin pour "parvenir à la sagesse du coeur" (Psaume responsorial) et obtenir la paix et le salut.


1180 Et quel est ce chemin? C'est Lui qui nous l'a indiqué dans l'Evangile d'aujourd'hui: c'est le chemin de la croix. Ses paroles sont claires: "Quiconque ne porte pas sa croix et ne vient pas derrière moi ne peut être mon disciple" (Lc 14,27).

"Porter la Croix à la suite de Jésus" signifie être disposés à n'importe quel sacrifice par amour pour lui. Cela signifie ne placer rien ni personne avant lui, pas même les personnes les plus chères, pas même sa propre vie.

2. Je vous salue, très chers frères et soeurs réunis dans cette "splendide vallée de Montorso", comme l'a qualifiée Monseigneur Comastri, que je remercie de tout coeur pour les paroles chaleureuses qu'il m'a adressées. Je salue, avec lui, les Cardinaux, les Archevêques et les Evêques présents; je salue les prêtres, les religieux, les religieuses, les personnes consacrées; et je vous salue en particulier chers jeunes, membres de l'Action catholique, qui, guidés par l'Assistant général Mgr Francesco Lambiasi et par la Présidente nationale, Mme Paola Bignardi, que je remercie de son hommage chaleureux, avez voulu vous rassembler ici, sous le regard de la Madone de Lorette, pour renouveler votre engagement d'adhésion fidèle à Jésus Christ.

Vous le savez: adhérer au Christ est un choix exigeant. Ce n'est pas par hasard que Jésus parle de "croix".Toutefois, il précise immédiatement: "à ma suite". Voilà la parole importante: nous ne sommes pas seuls à porter la croix. Il marche devant nous, nous ouvrant le chemin avec la lumière de son exemple et la force de son amour.

3. La croix acceptée par amour engendre la liberté. L'Apôtre Paul en a fait l'expérience, "vieux, et à présent aussi prisonnier pour Jésus Christ", comme il se définit lui-même dans sa Lettre à Philémon, mais intérieurement pleinement libre. Telle est précisément l'impression qui émerge de la page qui vient d'être proclamée: Paul est enchaîné, mais son coeur est libre, car il est habité par l'amour du Christ. C'est pourquoi, de l'obscurité de la prison dans laquelle il souffre pour son Seigneur, il peut parler de liberté à un ami qui se trouve en dehors de la prison. Philémon est un chrétien de Colosse: Paul s'adresse à lui pour lui demander de libérer Onésime, encore esclave selon le droit de l'époque, mais désormais frère par le baptême. Renonçant à l'autre comme sa possession, Philémon aura en don un frère.

La leçon que l'on peut tirer de tout l'épisode est claire: il n'y a pas d'amour plus grand que celui de la croix; il n'y a pas de liberté plus vraie que celle de l'amour; il n'y a pas de fraternité plus pleine que celle qui naît de la croix de Jésus.

4. Les trois bienheureux que nous venons de proclamer furent les humbles disciples et les témoins héroïques de la croix de Jésus.

Pedro Tarrés i Claret, tout d'abord médecin puis prêtre, se consacra à l'apostolat des laïcs parmi les jeunes de l'Action catholique de Barcelone, dont il devint ensuite le conseiller. Dans l'exercice de la profession médicale, il se consacra avec une sollicitude particulière aux malades les plus pauvres, convaincu que "le malade est le symbole du Christ qui souffre".

Ordonné prêtre, il se consacra avec un courage généreux aux tâches du ministère, restant fidèle à l'engagement assumé à la veille de son Ordination: "Une seule intention, Seigneur: être un prêtre saint, quel qu'en soit le prix". Il accepta avec foi et une patience héroïque une grave maladie, qui le mena à la mort à 45 ans seulement. Malgré ses souffrances, il répétait fréquemment: "Que le Seigneur est bon avec moi! Je suis véritablement heureux".

5. Alberto Marvelli, un jeune fort et libre, fils généreux de l'Eglise de Rimini et de l'Action catholique, a conçu toute sa brève vie d'à peine 28 années comme un don d'amour à Jésus pour le bien de ses frères. "Jésus m'a enveloppé de sa grâce", écrivait-il dans son journal: "Je ne vois plus que Lui, je ne pense plus qu'à Lui". Alberto avait fait de l'Eucharistie quotidienne le centre de sa vie. Dans la prière, il cherchait également l'inspiration pour l'engagement politique, convaincu de la nécessité de vivre pleinement en fils de Dieu dans l'histoire, afin de faire de celle-ci une histoire de salut.

Au cours de la période difficile de la Deuxième Guerre mondiale, qui sema la mort et multiplia les violences et les souffrances atroces, le bienheureux Alberto nourrit une intense vie spirituelle, dont naquit cet amour pour Jésus qui le conduisit à oublier constamment sa propre personne pour se charger de la croix des pauvres.

1181 6. La bienheureuse Pina Suriano - originaire de Partinico, dans le diocèse de Monreale - a elle aussi aimé Jésus d'un amour ardent et fidèle au point de pouvoir écrire en toute sincérité: "Je ne fais rien d'autre que vivre de Jésus". Elle parlait à Jésus avec un coeur d'épouse: "Jésus, fais que je t'appartienne toujours davantage. Jésus, je veux vivre et mourir avec toi et pour toi".

Elle adhéra dès son plus jeune âge à la Jeunesse féminine de l'Action catholique, dont elle devint ensuite une dirigeante paroissiale, trouvant dans l'Association de profondes impulsions à la croissance humaine et culturelle dans un climat intense d'amitié fraternelle. Elle mûrit progressivement la simple et ferme volonté de remettre à Dieu, comme don d'amour, sa jeune vie, en particulier pour la sanctification et la constance des prêtres.

7. Chers frères et soeurs, amis de l'Action catholique, venus à Lorette d'Italie, d'Espagne et de tant d'autres parties du monde! Aujourd'hui, le Seigneur, à travers l'événement de la béatification de ces trois serviteurs de Dieu, vous dit: le don le plus grand que vous puissiez faire à l'Eglise et au monde est la sainteté.

Ayez à coeur ce que l'Eglise a à coeur: qu'un grand nombre d'hommes et de femmes de notre époque soient conquis par la fascination pour le Christ; que son Evangile recommence à briller comme une lumière d'espérance pour les pauvres, les malades, ceux qui ont faim de justice; que les communautés chrétiennes soient toujours plus vivantes, ouvertes, attrayantes; que nos villes soient accueillantes et que pour tous il y fasse bon vivre; que l'humanité puisse suivre les chemins de la paix et de la fraternité.

8. C'est à vous laïcs qu'il revient de témoigner de la foi à travers les vertus qui vous sont spécifiques: la fidélité et la tendresse en famille, la compétence dans le travail, la ténacité dans le service au bien commun, la solidarité dans les relations sociales, la créativité pour entreprendre des oeuvres utiles à l'évangélisation et à la promotion humaine. C'est également à vous qu'il revient de montrer - en étroite communion avec les pasteurs - que l'Evangile est actuel, et que la foi ne soustrait pas le croyant à l'histoire, mais le plonge plus profondément dans celle-ci.

Courage, Action catholique! Que le Seigneur guide ton chemin de renouveau!

La Vierge Immaculée de Lorette t'accompagne avec une tendre attention; l'Eglise te regarde avec confiance; le Pape te salue, te soutient et te bénit de tout coeur.

Action catholique italienne, merci!





3 octobre 2004, Béatification de 5 Serviteurs de Dieu

Dimanche 3 octobre 2004
1. "Verbum Domini manet in aeternum - La Parole du Seigneur demeure pour l'éternité".L'exclamation du Chant à l'Evangile nous ramène aux fondements mêmes de la foi. Face au temps qui passe et aux bouleversements permanents de l'histoire, la révélation que Dieu nous a offerte dans le Christ demeure immuable et ouvre sur notre chemin terrestre un horizon d'éternité.


1182 C'est l'expérience particulière qu'ont vécue les cinq nouveaux bienheureux: Pierre Vigne, Joseph-Marie Cassant, Anna Katharina Emmerick, Maria Ludovica De Angelis, Charles d'Autriche. Ils se sont laissés guider par la Parole de Dieu comme par un phare lumineux et sûr, qui n'a jamais cessé d'illuminer leur chemin.

2. Contemplant le Christ présent dans l'Eucharistie et la Passion salvifique, le Père Pierre Vigne fut conduit à être un véritable disciple et un missionnaire fidèle à l'Eglise. Que son exemple donne aux fidèles le désir de puiser dans l'amour de l'Eucharistie et dans l'adoration du Saint-Sacrement l'audace pour la mission! Demandons-lui de toucher le coeur de jeunes, pour qu'ils acceptent, s'ils sont appelés par Dieu, de se consacrer totalement à Lui dans le sacerdoce ou la vie religieuse. Que l'Eglise en France trouve dans le Père Vigne un modèle, pour que se lèvent de nouveaux semeurs de l'Evangile.

3. Le Frère Joseph-Marie a toujours mis sa confiance en Dieu, dans la contemplation du mystère de la Passion et dans l'union avec le Christ présent dans l'Eucharistie. Il s'imprégnait ainsi de l'amour de Dieu, s'abandonnant à Lui, "le seul bonheur de la terre", et se détachant des biens du monde dans le silence de la Trappe. Au milieu des épreuves, les yeux fixés sur le Christ, il offrait ses souffrances pour le Seigneur et pour l'Eglise. Puissent nos contemporains, notamment les contemplatifs et les malades, découvrir à son exemple le mystère de la prière, qui élève le monde à Dieu et qui donne la force dans les épreuves!

4. "Car ce n'est pas un esprit de crainte que Dieu nous a donné, mais un Esprit de force, d'amour et de maîtrise de soi" (
2Tm 1,7). Ces paroles de saint Paul nous invitent à collaborer en vue de l'édification du Royaume de Dieu, dans la perspective de la foi. Elles s'appliquent bien à la vie de la Bienheureuse Ludovica De Angelis, dont l'existence fut entièrement consacrée à la gloire de Dieu et au service de ses semblables.

De sa figure se détachent son coeur de mère, ses qualités de guide et le courage qui est le propre des saints. Elle éprouva à l'égard des enfants malades un amour concret et généreux, en faisant face à des sacrifices pour les réconforter; pour ses collaborateurs à l'Hôpital de La Plata, elle fut un modèle de joie et de responsabilité, en créant une atmosphère familiale; pour ses consoeurs, elle fut un authentique exemple en tant que Fille de Notre-Dame de la Miséricorde. En toute chose, elle fut soutenue par la prière, en faisant de sa vie un dialogue permanent avec le Seigneur.

5. La Bienheureuse Anna Katharina Emmerick, a crié "la passion douloureuse de Notre Seigneur Jésus Christ" et elle l'a vécue dans son corps. C'est l'oeuvre de la Providence divine si cette fille de pauvres paysans, qui avec tenacité rechercha la proximité avec Dieu, est devenue la célèbre "Mystique du Land de Münster". Sa pauvreté matérielle contraste avec une riche vie intérieure. Outre sa patience pour supporter la faiblesse physique, nous sommes également impressionnés par la force de caractère de la nouvelle bienheureuse et sa fermeté dans la foi.

Elle tirait cette force de la Très Sainte Eucharistie. Son exemple a ouvert le coeur de pauvres et de riches, de personnes simples ou éduquées à la consécration pleine d'amour pour Jésus Christ. Aujourd'hui encore, elle transmet à tous le message salvifique: A travers les blessures du Christ, nous sommes sauvés (cf. 1P 2,24).

6. Le devoir décisif du chrétien consiste à chercher en toute chose la volonté de Dieu, à la reconnaître et à la suivre. L'homme d'Etat et le chrétien Charles d'Autriche se fixa quotidiennement ce défi. Il était un ami de la paix. A ses yeux, la guerre apparaissait comme "une chose horrible". Arrivé au pouvoir dans la tourmente de la Première Guerre mondiale, il tenta de promouvoir l'initiative de paix de mon prédécesseur Benoît XV.

Dès le début, l'Empereur Charles conçut sa charge comme un service saint à ses sujets. Sa principale préoccupation était de suivre la vocation du chrétien à la sainteté également dans son action politique. C'est pour cette raison que l'assistance sociale avait une telle importance à ses yeux. Qu'il soit un exemple pour nous tous, en particulier pour ceux qui ont aujourd'hui une responsabilité politique en Europe!

7. Avec l'Eglise tout entière, louons et rendons grâce au Seigneur pour les merveilles qu'il a accomplies chez ces serviteurs bons et fidèles de l'Evangile. Que la Très Sainte Vierge Marie, que nous évoquons en ce mois d'octobre de façon particulière à travers la prière du Rosaire, nous aide à devenir à notre tour de généreux et courageux apôtres de l'Evangile. Amen!





17 octobre 2004: Messe et adoration pour l’ouverture de l'Année de l'Eucharistie

1183 Basilique Vaticane
Dimanche 17 octobre 2004



1. "Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde" (
Mt 28,20).

Réunis devant l'Eucharistie, nous ressentons en ce moment avec une acuité particulière la vérité de la promesse du Christ: Il est avec nous!

Je vous salue tous, vous qui êtes réunis à Guadalajara pour participer à la conclusion du Congrès eucharistique international. Je salue, en particulier, le Cardinal Jozef Tomko, mon Légat, le Cardinal Juan Sandoval Iñiguez, Archevêque de Guadalajara, Messieurs les Cardinaux, les Archevêques, les Evêques, les prêtres du Mexique et de nombreux autres pays, présents sur place.

Mon salut s'étend à tous les fidèles de Guadalajara, du Mexique et des autres parties du monde, unis à nous dans l'adoration du Mystère eucharistique.

2. La liaison télévisée entre la Basilique Saint-Pierre, coeur de la chrétienté, et Guadalajara, siège du Congrès, est comme un pont jeté entre les continents et fait de notre rencontre de prière une "Statio orbis" idéale, dans laquelle convergent les croyants du monde entier. Le point de rencontre est Jésus lui-même, réellement présent dans la Très Sainte Eucharistie avec son mystère de mort et de résurrection, dans lequel s'unissent le ciel et la terre et se rencontrent les peuples et les cultures différentes. Le Christ est "notre paix, lui qui des deux peuples n'en a fait qu'un" (Ep 2,14).

3. "L'Eucharistie lumière et vie du nouveau Millénaire". Le thème du Congrès nous invite à considérer le Mystère eucharistique non seulement en lui-même, mais également par rapport aux questions de notre temps.

Mystère de lumière! C'est de lumière dont a besoin le coeur de l'homme, écrasé par le péché, souvent désorienté et las, éprouvé par des souffrances en tous genres. C'est de lumière dont le monde a besoin, dans la recherche difficile d'une paix qui apparaît lointaine, au début d'un millénaire bouleversé et humilié par la violence, le terrorisme et la guerre.

L'Eucharistie est lumière! Dans la Parole de Dieu constamment proclamée, dans le pain et dans le vin devenus corps et sang du Christ, c'est précisément Lui, le Seigneur Ressuscité, qui ouvre l'esprit et le coeur, et qui se laisse reconnaître, comme par les deux disciples à Emmaüs, dans la "fraction du pain" (cf. Lc 24,25). Dans ce geste convivial, nous revivons le sacrifice de la Croix, nous ressentons l'amour infini de Dieu, nous nous sentons appelés à diffuser la lumière du Christ parmi les hommes et les femmes de notre temps.

4. Mystère de vie! Quelle aspiration est plus grande que celle de la vie? Et pourtant, sur cette aspiration humaine universelle se profilent des ombres menaçantes: l'ombre d'une culture qui nie le respect de la vie à chacun de ses stades; l'ombre d'une indifférence qui livre une multitude de personnes à un avenir de faim et de sous-développement; l'ombre d'une recherche scientifique parfois placée au service de l'égoïsme du plus fort.

1184 Très chers frères et soeurs, nous devons nous sentir interpellés par les nécessités d'un si grand nombre de nos frères. Nous ne pouvons fermer notre coeur à leurs appels à l'aide. Et nous ne pouvons pas non plus oublier que "ce n'est pas de pain seul que vit l'homme" (cf. Mt Mt 4,4). Nous avons besoin du "pain vivant, descendu du ciel" (Jn 6,51). Jésus est ce pain. Nous nourrir de Lui signifie accueillir la vie même de Dieu (cf. Jn 10,10), en nous ouvrant à la logique de l'amour et du partage.

5. J'ai voulu que cette année soit spécifiquement consacrée à l'Eucharistie. En réalité tous les jours, et en particulier le Dimanche, jour de la résurrection du Christ, l'Eglise vit de ce mystère. Mais la communauté chrétienne est invitée, en cette Année de l'Eucharistie, à en prendre une plus vive conscience à travers une célébration plus sincère, une adoration prolongée et fervente, un plus grand engagement de fraternité et de service aux derniers. L'Eucharistie est source et épiphanie de communion. Elle est principe et projet de mission (cf. Mane nobiscum Domine, cap. III et IV).

Sur les traces de Marie, "femme eucharistique" (Ecclesia de Eucharistia, chap. VI), la communauté chrétienne vit donc de ce mystère! Forte du "pain de vie éternelle", puisse-t-elle devenir présence de lumière et de vie, ferment d'évangélisation et de solidarité!

6. Mane nobiscum, Domine! Comme les deux disciples de l'Evangile, nous t'implorons, Seigneur Jésus: reste avec nous!

Toi, divin Voyageur, expert de nos routes et connaisseur de notre coeur, ne nous laisse pas prisonniers des ombres du soir.

Soutiens-nous dans la lassitude, pardonne nos péchés, oriente nos pas sur la voie du bien.

Bénis les enfants, les jeunes, les personnes âgées, les familles, en particulier les malades. Bénis les prêtres et les personnes consacrées. Bénis toute l'humanité.

Dans l'Eucharistie tu t'es fait "remède d'immortalité": donne-nous le goût d'une vie vécue en plénitude, qui nous fasse cheminer sur cette terre comme des pèlerins confiants et joyeux, en ayant toujours pour objectif la vie qui n'a pas de fin.

Reste avec nous, Seigneur! Reste avec nous! Amen.

J'ai à présent la joie d'annoncer que le prochain Congrès eucharistique international aura lieu à Québec en 2008.

Puisse cette perspective susciter chez les fidèles un engagement encore plus généreux à vivre avec intensité l'actuelle Année de l'Eucharistie!







1185 22 octobre 2004, Messe pour l'inauguration de l'Année académique des Universités ecclésiastiques romaines

Vendredi 22 octobre 2004



1. Je suis heureux d'accueillir cette année encore, dans la Basilique vaticane, la vaste et variée communauté des Universités ecclésiastiques romaines, qui reprennent leur chemin académique. Je salue avec reconnaissance le Cardinal Zenon Grocholewski qui célèbre la Sainte Eucharistie; je salue les autres Prélats présents, les membres de la Congrégation pour l'Education catholique, les Recteurs, les professeurs et les étudiants des Universités et des autres Instituts et Facultés pontificales. Je vous souhaite à tous et à chacun ma plus cordiale bienvenue.

2. "Il n'y a qu'un seul Corps et qu'un seul Esprit, comme il n'y a qu'une espérance au terme de l'appel que vous avez reçu" (
Ep 4,4). Ces paroles que saint Paul destine aux Ephésiens sont adressées ce soir à la communauté académique ecclésiastique de Rome, unique au monde par son nombre et par la variété des personnes qui la composent. En effet, les Universités ecclésiastiques romaines contribuent à manifester, de la manière qui leur est propre, l'unité et l'universalité de l'Eglise. Une unité dans la diversité qui se fonde sur une même "vocation", c'est-à-dire sur l'appel commun à suivre le Christ. Je vous invite en particulier, chers étudiants, à faire en sorte que votre formation au cours des prochaines années vous aide à "mener une vie" toujours plus "digne de l'appel que vous avez reçu" à la mission chrétienne (cf. Ep 4,1); je vous exhorte à mettre vos talents au service de l'Eglise en toute humilité et disponibilité.

3. Le Psaume responsorial (Ps 23) vient d'évoquer "la race de ceux [...] qui recherchent ta face, Dieu de Jacob". Je pense à vous, chers professeurs et chers étudiants, réunis par le désir de connaître Dieu et de pénétrer dans son mystère de salut, qui a été pleinement révélé à travers le Christ. Pour gravir le mont du Seigneur, le Psalmiste avertit qu'il faut "des mains nettes et un coeur pur" (Ps 23,4). Et il ajoute que celui qui veut connaître la vérité doit s'engager à la pratiquer dans la parole et dans l'action (cf. ibid.). "C'est la race de ceux qui cherchent Dieu": qu'il en soit ainsi, très chers amis! Soyez des hommes et des femmes engagés à faire l'unité entre foi et vie, sur le plan de la connaissance et davantage encore sur le plan existentiel.

4. Dans l'Eucharistie, nous trouvons une clé de lecture synthétique de ce que la Parole de Dieu nous dit dans la liturgie d'aujourd'hui. D'une part, l'Eucharistie est le principe de l'unité dans la charité, de la communion dans la multiplicité des dons. De l'autre, elle est le mysterium fidei, qui contient l'invitation à passer de la surface des choses à la réalité profonde qui existe sous les apparences. A travers l'Eucharistie, l'Esprit Saint éclaire les yeux de notre coeur, en nous donnant la possibilité de comprendre les signes des temps nouveaux (Acclamation à l'Evangile, cf. Ep 1,17 Lc 21,29-31). Le mystère eucharistique est l'école à laquelle le chrétien se forme à l'intellectus fidei, en s'exerçant à connaître dans l'adoration et à croire dans la contemplation. Dans le même temps, à travers celui-ci, il mûrit sa personnalité chrétienne, pour être capable de témoigner de la vérité dans la charité.

5. Très chers frères et soeurs, cette année académique coïncide avec l'Année de l'Eucharistie. A l'exemple de saint Thomas d'Aquin et de tous les Docteurs de l'Eglise, engagez-vous à tirer du Sacrement de l'Autel une lumière renouvelée de sagesse et une force constante de vie évangélique. Que Marie, "Femme eucharistique" et Vierge de l'écoute obéissante, vous accompagne et vous guide chaque jour vers l'Eucharistie, source inépuisable de salut.





11 novembre 2004, Célébration eucharistique en mémoire des Cardinaux et Evêques décédés au cours de l'année

Jeudi 11 novembre 2004
1. "Je suis le pain vivant, descendu du ciel. Qui mangera ce pain vivra à jamais" (Jn 6,51). C'est ainsi que Jésus parle à la foule après le miracle de la multiplication des pains. Il se présente comme la véritable manne, donnée par le Père céleste afin que les hommes aient la vie éternelle (cf. Jn 6,26-58). Ses paroles anticipent d'une certaine façon le grand don de l'Eucharistie, sacrement qu'Il instituera au Cénacle, au cours de la dernière Cène.


Lors de la Pâque s'accomplira le mystère de sa mort et de sa résurrection. Il s'agit d'un mystère qui demeure constamment actuel dans l'Eucharistie, banquet mystique, dans lequel le Messie se donne en nourriture aux convives, pour les unir à lui dans un lien d'amour et de vie plus fort que la mort.

1186 2. Messieurs les Cardinaux, vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce, très chers frères et soeurs! Le thème du repas messianique guide notre réflexion au cours de cette célébration, durant laquelle nous faisons mémoire de nos frères Cardinaux et Evêques morts récemment.

A chaque fois que nous célébrons l'Eucharistie, nous prenons part à la Cène du Seigneur, qui anticipe le banquet de la gloire céleste. Le prophète Isaïe nous a invités à nous tourner vers ce glorieux banquet, dans la première lecture qui vient d'être proclamée. Celui-ci aura lieu sur la montagne sainte de Jérusalem et il chassera pour toujours la mort et le deuil (cf. Is
Is 25,6-8). Le Psaume 22 l'évoque lui aussi à travers la vision réconfortante de la personne en prière accueillie par Dieu lui-même, qui apprête la table pour lui et lui parfume la tête (cf. Ps Ps 22,5).

3. Que de lumière diffuse la Parole de Dieu sur la liturgie d'aujourd'hui, tandis que, unis en prière autour de l'autel, nous offrons le Sacrifice eucharistique en mémoire des vénérés Cardinaux et Evêques, passés de ce monde au Père au cours de cette année!

J'ai à coeur de rappeler avec affection et de manière particulière, Messieurs les Cardinaux: Paulos Tzadua, Opilio Rossi, Franz König, Hyacinthe Thiandoum, Marcelo González Martín, Juan Francisco Fresno Larraín, James Aloysius Hickey, Gustaaf Joos.

Prions pour eux et pour les Archevêques et Evêques défunts, que nous confions avec un abandon filial à la miséricorde divine.

4. En pensant à eux et en réévoquant leur service généreux rendu à l'Eglise, il nous semble les entendre répéter avec l'Apôtre: "L'espérance ne déçoit pas" (Rm 5,55)!

Oui, très chers frères et soeurs! Dieu est fidèle et notre espérance en Lui n'est pas vaine. Nous rendons grâce au Seigneur pour tous les dons accordés à l'Eglise à travers le ministère sacerdotal de ces Pasteurs défunts.

Nous invoquons pour eux l'intercession maternelle de la Très Sainte Vierge Marie, afin qu'ils obtiennent de participer au banquet éternel. Ce même banquet dont avec foi et amour ils ont eu un avant-goût au cours de leur pèlerinage terrestre. Amen!





13 novembre 2004, Ières vêpres du XXXIIIe dimanche "per annum" à l'occasion du XL anniversaire de la promulgation du Décret conciliaire "Unitatis redintegratio"

Samedi 13 novembre 2004
"Or voici qu'à présent, dans le Christ Jésus, vous qui jadis étiez loin, vous êtes devenus proches, grâce au sang du Christ" (Ep 2, 13sq).


1187 1. A travers ces paroles de la Lettre aux Ephésiens, l'Apôtre annonce que le Christ est notre paix. En Lui, nous sommes réconciliés; nous ne sommes plus des étrangers mais des concitoyens des saints et des proches de Dieu, édifiés sur le fondement des Apôtres et des prophètes, et ayant pour pierre d'angle le Christ Jésus lui-même (cf. Ep 2, 19sq).

Nous avons entendu les paroles de Paul à l'occasion de cette célébration qui nous voit réunis dans la vénérable Basilique édifiée sur la tombe de l'Apôtre Pierre. Je salue de tout coeur les participants à la Conférence oecumémique convoquée pour le quarantième anniversaire de la promulgation du Décret Unitatis redintegratio du Concile Vatican II. J'adresse mon salut aux Cardinaux, aux Patriarches et aux Evêques participants, aux Délégués fraternels des autres Eglises et Communautés ecclésiales, aux Consulteurs, aux invités et aux collaborateurs du Conseil pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens. Je vous remercie d'avoir réfléchi avec attention sur la signification de cet important Décret et sur les perspectives actuelles et futures du mouvement oecuménique. Ce soir, nous sommes ici réunis pour louer Dieu, dont provient tout don excellent, toute donation parfaite (Jc 1,17), et pour le remercier des fruits abondants que, au cours des quarante années écoulées, le Décret a produits avec l'aide de l'Esprit Saint.

2. La mise en oeuvre de ce Décret conciliaire, voulu par mon prédécesseur, le bienheureux Pape Jean XXIII, et promulgué par le Pape Paul VI, a été, dès le début, l'une des priorités pastorales de mon Pontificat (Ut unum sint UUS 99). Du fait que l'unité oecuménique n'est pas une qualité secondaire de la communauté des disciples (cf. ibid., n. UUS 9) et que l'activité oecuménique n'est pas seulement un supplément quelconque, qui s'ajoute à l'activité traditionnelle de l'Eglise (cf. ibid., n. UUS 20), mais qu'elle se fonde sur le dessein salvifique de Dieu de rassembler chacun dans l'unité (cf. ibid., n. UUS 5), ces dernières correspondent à la volonté de notre Seigneur Jésus Christ, qui a voulu une seule Eglise et qui a prié le Père, à la veille de sa mort, afin que tous soient un (cf. Jn 17,21).

Rechercher l'unité revient fondamentalement à adhérer à la prière de Jésus. Le Concile Vatican II, qui a fait sien ce désir de notre Seigneur, n'a pas créé une nouveauté. Guidé et illuminé par l'Esprit de Dieu, il a placé sous une nouvelle lumière le sens véritable et profond de l'unité et de la catholicité de l'Eglise. La voie oecuménique est la voie de l'Eglise (cf. ibid., n. 7), qui n'est pas une réalité repliée sur elle-même, mais qui est toujours ouverte à la dynamique missionnaire et oecuménique. (cf. ibid., n. 5).

L'engagement pour le rétablissement de la communion pleine et visible entre tous les baptisés ne s'applique pas seulement à certains experts en matière d'oecuménisme; il concerne chaque chrétien, de chaque diocèse et de chaque paroisse, de chaque communauté dans l'Eglise. Tous sont appelés à assumer cet engagement et personne ne peut manquer de faire sienne la prière de Jésus, afin que tous soient un. Tous sont appelés à prier et à oeuvrer pour l'unité des disciples du Christ.

3. Cette voie oecuménique est plus que jamais nécessaire aujourd'hui, face à un monde qui se développe vers son unification, et l'Eglise doit relever de nouveaux défis pour sa mission évangélisatrice. Le Concile a constaté que la division entre les chrétiens "est pour le monde un objet de scandale et elle fait obstacle à la plus sainte des causes: la prédication de l'Evangile à toute créature" (Unitatis redintegratio UR 1). L'activité oecuménique et l'activité missionnaire sont donc reliées et représentent les deux voies le long desquelles l'Eglise accomplit sa mission dans le monde et exprime concrètement sa catholicité. A notre époque, nous assistons à la croissance d'un humanisme erroné sans Dieu, et nous constatons avec une profonde douleur les conflits qui ensanglantent le monde. Dans cette situation, l'Eglise est à plus forte raison appelée à être un signe et un instrument de l'unité et de la réconciliation avec Dieu et entre les hommes (cf. Lumen gentium LG 1).

Le décret sur l'oecuménisme a été l'une des façons concrètes à travers lesquelles l'Eglise a apporté une réponse à cette situation, en se mettant à l'écoute de l'Esprit du Seigneur, qui enseigne à lire attentivement les signes des temps (cf. Ut unum sint UUS 3). Notre époque ressent une profonde nostalgie pour la paix. L'Eglise, signe crédible et instrument de la paix du Christ, ne peut que s'engager à surmonter les divisions des chrétiens et devenir ainsi toujours plus un témoin de la paix que le Christ offre au monde. Comment ne pas évoquer dans cette triste situation, les paroles émouvantes de l'Apôtre: "Je vous exhorte donc, moi le prisonnier dans le Seigneur, à mener une vie digne de l'appel que vous avez reçu: en toute humilité, douceur et patience, supportez-vous les uns les autres avec charité; appliquez-vous à conserver l'unité de l'Esprit par ce lien qu'est la paix" (Ep 4,1-3)?

4. Les nombreuses rencontres oecuméniques à tous les niveaux de la vie ecclésiale, les dialogues théologiques et la redécouverte des témoins communs de la foi, ont confirmé, approfondi et enrichi la communion avec les autres chrétiens, une communion qui existe déjà dans une certaine mesure, bien qu'elle ne soit pas encore pleine. Nous ne considérons plus les autres chrétiens comme lointains ou étrangers, mais nous voyons en eux des frères et des soeurs. "La "fraternité universelle" des chrétiens est devenue une ferme conviction oecuménique... Les chrétiens se sont convertis à une charité fraternelle qui englobe tous les disciples du Christ" (Ut unum sint UUS 42).

Nous sommes reconnaissants à Dieu en constatant que, au cours des dernières décennies, de nombreux fidèles dans le monde entier ont été touchés par le désir ardent de l'unité de tous les chrétiens. Je remercie de tout coeur ceux qui se sont faits les instruments de l'Esprit et qui ont prié et oeuvré pour cet itinéraire de rapprochement et de réconciliation.

Toutefois, nous n'avons pas encore touché au but de notre chemin oecuménique: la communion pleine et visible dans la même foi, dans les mêmes sacrements et dans le même ministère apostolique. Grâce à Dieu, de nombreuses différences et incompréhensions ont été surmontées, mais de nombreuses pierres d'achoppement sont encore disséminées le long du chemin. Des malentendus et des préjugés demeurent encore parfois, mais également une déplorable paresse et étroitesse de coeur (cf. Novo millennio ineunte NM 48), et surtout des différences en matière de foi, qui se concentrent en majeure partie autour du thème de l'Eglise, de sa nature, de ses ministères. Malheureusement nous nous trouvons également face à de nouveaux problèmes, en particulier dans le domaine éthique, où apparaissent des divisions supplémentaires, qui empêchent le témoignage commun.

5. Je sais bien que toutes ces raisons qui nous interdisent - comme je l'ai expliqué dans l'Encyclique Ecclesia de Eucharistia (nn. EE 43-46) - de participer dès à présent au sacrement de l'unité, en partageant le Pain eucharistique et en buvant à la Coupe commune de la table du Seigneur, sont la cause de nombreuses souffrances.

1188 Tout cela ne doit pas nous conduire à la résignation, mais au contraire, être un encouragement à poursuivre et à persévérer dans la prière et dans l'engagement pour l'unité. Même si la voie à parcourir est certainement encore longue et difficile, elle sera cependant pleine de joie et d'espérance. En effet, chaque jour, nous découvrons et nous faisons l'expérience de l'action et de l'impulsion de l'Esprit de Dieu que nous voyons, avec joie, également à l'oeuvre dans les Eglises et dans les Communautés ecclésiales qui ne sont pas encore en pleine communion avec l'Eglise catholique. Nous reconnaissons "les richesses du Christ et sa puissance agissante dans la vie de ceux qui témoignent pour le Christ parfois jusqu'à à l'effusion du sang" (Unitatis redintegratio UR 4). Plutôt que de nous plaindre de ce qui n'est pas encore possible, nous devons être reconnaissants et nous réjouir de ce qui existe déjà et qui est possible. Accomplir dès à présent ce qui est possible nous fait croître dans l'unité et nous communique l'enthousiasme permettant de surmonter les difficultés. Un chrétien ne peut jamais renoncer à l'espérance, perdre le courage et l'enthousiasme. L'unité de l'unique Eglise, qui existe déjà dans l'Eglise catholique sans possibilité d'être perdue, nous garantit qu'un jour, l'unité de tous les chrétiens deviendra également une réalité (cf. ibid. n. UR 4).

6. Comment imaginer l'avenir oecuménique? Nous devons tout d'abord renforcer les fondements de l'activité oecuménique, c'est-à-dire la foi commune en tout ce qui est exprimé dans la profession baptismale, dans le Credo apostolique et dans le Credo de Nicée-Constantinople. Ce fondement doctrinal exprime la foi professée par l'Eglise depuis l'époque des Apôtres. A partir de cette foi, nous devons ensuite développer le concept et la spiritualité de la communion. "Communion des saints" et pleine communion ne signifient pas uniformité abstraite, mais richesse d'une légitime diversité des dons partagés et reconnus par tous, selon le célèbre adage: "in necessariis unitas, in dubiis libertas, in omnibus caritas".

7. Une spiritualité de la communion signifie, en outre, la capacité de considérer le frère chrétien, dans l'unité profonde qui naît du baptême, "comme "l'un des nôtres", pour savoir partager ses joies et ses souffrances, pour deviner ses désirs et répondre à ses besoins, pour lui offrir une amitié vraie et profonde" (Novo millennio ineunte NM 43).

Une spiritualité de la communion "est aussi la capacité de voir surtout ce qu'il y a de positif dans l'autre, pour l'accueillir et le valoriser comme un don de Dieu: un "don pour moi", et pas seulement pour le frère qui l'a directement reçu. Une spiritualité de la communion, c'est enfin savoir "donner une place" à son frère, en portant "les fardeaux les uns des autres" (Ga 6,2) et en repoussant les tentations égoïstes qui continuellement nous tendent des pièges et qui provoquent compétition, carriérisme, défiance, jalousies. Ne nous faisons pas d'illusions: sans ce cheminement spirituel, les moyens extérieurs de la communion serviraient à bien peu de chose. Ils deviendraient des façades sans âme, des masques de communion plus que ses expressions et ses chemins de croissance" (Novo millennio ineunte NM 43).

En synthèse, la spiritualité de la communion signifie donc partager ensemble le chemin vers l'unité dans la profession de foi intègre, dans les sacrements et dans le ministère ecclésiastique (cf. Lumen gentium LG 14 Unitatis redintegratio UR 2).

8. Pour conclure, je voudrais en particulier faire référence à l'oecuménisme spirituel, qui - selon les paroles du Décret Unitatis redintegratio - est l'âme et le coeur de tout le mouvement oecuménique (cf. n. 8; Ut unum sint UUS 15-17 UUS 21-27). Je vous suis reconnaissant d'avoir souligné, au cours du congrès, cet aspect central pour l'avenir de l'oecuménisme. Il n'y a pas de véritable oecuménisme sans conversion intérieure et purification de la mémoire, sans sainteté de vie conformément à l'Evangile, et surtout sans une prière intense et assidue, qui fasse écho à la prière de Jésus. A ce propos, je constate avec joie le développement d'initiatives de prière commune et également la naissance de groupes d'étude et de partage des traditions de spiritualités réciproques (cf. Directoire oecuménique, n. 114).

Nous devons nous comporter comme les Apôtres avec Marie, la Mère de Dieu, après l'Ascension du Seigneur; ces derniers se sont rassemblés au Cénacle et ont prié pour l'effusion de l'Esprit (cf. Ac Ac 1,12-14). Lui seul, qui est l'Esprit de communion et d'amour, peut nous donner la pleine communion, que nous désirons si ardemment.

"Veni creator Spiritus!" Amen!






Homélies St Jean-Paul II 1178