Homélies St Jean-Paul II 750


SECONDES VÊPRES DE NOËL - CATHÉDRALE DE ROME

Samedi 25 décembre 1999,


Basilique Saint-Jean-de-Latran à Rome


1. "Ce qui était dès le commencement [...] ce que nos mains ont touché du Verbe de Vie [...] nous vous annonçons" (1Jn 1,1).

Très chers frères et soeurs!

En ce jour solennel, au cours duquel nous faisons mémoire de la naissance du Seigneur Jésus-Christ, nous ressentons la vérité, la force et la joie de ces paroles de l'Apôtre Jean.
Oui, dans la foi, nos mains ont touché le Verbe de la Vie; elles ont touché Celui qui, comme nous l'avons récité dans le Cantique, est l'image du Dieu invisible, engendré avant toute créature. A travers lui, et pour lui, tout a été créé (cf. Col Col 1,15-16). C'est ce mystère de Noël que nous percevons avec une profonde émotion, en particulier aujourd'hui, début du grand Jubilé de l'An 2000. Dieu est entré dans l'histoire humaine et est venu parcourir les routes de cette terre, pour donner à tous la capacité de devenir des enfants de Dieu.

Je souhaite de tout coeur que ce mystère de sainteté et d'espérance inonde de sa splendeur permanente l'âme de toute la Communauté diocésaine de Rome, rassemblée en esprit dans cette basilique pour l'ouverture solennelle de la Porte Sainte.

En ce moment de forte intensité spirituelle, je désire adresser mon salut affectueux et mes meilleurs voeux au Cardinal-Vicaire, mon premier collaborateur dans la sollicitude à l'égard des fidèles de l'Eglise qui est dans l'Urbs. Je salue également le Vice-gérant et les Evêques auxiliaires, qui l'assistent dans son service pastoral diocésain. En outre, j'adresse une pensée cordiale au Chapitre du Latran, aux curés, à tout le clergé romain, au séminaire et à tous ceux qui, religieux, religieuses et agents de pastorale laïcs, constituent la partie élue de notre Eglise de Rome, appelée à présider dans la charité et à exceller dans la fidélité à l'Evangile.

Je salue M. le Maire, les Autorités et les représentants de l'Administration publique, qui ont voulu être présents. Je salue les Romains, les pèlerins et ceux qui, à travers la télévision, s'unissent à nous pour cet événement de grande importance historique et spirituelle.


2. Après avoir ouvert la Porte Sainte cette nuit dans la basilique vaticane, j'ai ouvert, il y a peu, la Porte Sainte de cette basilique du Latran, "omnium Ecclesiarum Urbis et Orbis Mater et Caput", Mère et Chef de toutes les Eglises de Rome et du monde et cathédrale de l'Evêque de Rome. Ici, en 1300, le Pape Boniface VIII a solennellement inauguré la première Année Sainte de l'histoire. Ici, lors du Jubilé de 1423, le Pape Martin V a ouvert pour la première fois la Porte Sainte. Ici se trouve le coeur de cette dimension particulière de l'histoire du salut, liée à la grâce des Jubilés, et la mémoire historique de l'Eglise de Rome.

751 Nous sommes entrés à travers cette porte, qui représente le Christ lui-même: en effet, lui seul est le Sauveur envoyé par Dieu le Père, qui nous fait passer du péché à la grâce, en nous introduisant dans la pleine communion qui l'unit au Père dans l'Esprit Saint.
Nous rendons grâce à Dieu, riche de miséricorde, qui a donné son Fils unique comme Rédempteur de l'homme.


3. Nous pourrions dire que le rite de ce soir prend une dimension plus familiale. En effet, c'est la famille diocésaine qui commence son chemin jubilaire, en unité particulière avec les Eglises présentes dans le monde entier. Elle s'est préparée à ce grand événement depuis longtemps, tout d'abord à travers le Synode, puis la Mission dans la Ville. La pieuse participation de la Ville et de tout le diocèse témoigne que Rome est consciente de la mission de sollicitude universelle et d'exemplarité dans la foi et dans l'amour que la providence de Dieu lui a confiée. Rome sait bien qu'il s'agit d'un service qui a ses racines dans le martyre des Apôtres Pierre et Paul et qui a toujours trouvé une nouvelle nourriture dans le témoignage de la multitude de martyrs, de saints et de saintes, qui ont marqué l'histoire de notre Eglise!

Très chers frères et soeurs! L'Année Sainte, qui commence aujourd'hui, nous appelle nous aussi à poursuivre sur cette voie. Elle nous appelle a répondre avec joie et générosité à l'appel à la sainteté, pour être toujours plus un signe d'espérance dans la société d'aujourd'hui, en marche vers le troisième millénaire.


4. Au cours de l'Année Sainte, de nombreuses occasions permettront aux croyants de mieux approfondir cet engagement religieux, intimement lié à l'itinéraire jubilaire. Tout d'abord, le jubilé diocésain, qui se déroulera dimanche 28 mai, sur la place Saint-Pierre.

Un autre événement, confié de façon particulière au diocèse de Rome, est le Congrès eucharistique international, qui se tiendra, si Dieu le veut, du 18 au 25 juin.


5. Le troisième rendez-vous de grande importance est la XV Journée mondiale de la Jeunesse.
A côté des jeunes, les familles. Ma pensée se tourne vers la Rencontre mondiale des Familles, qui se déroulera les 14 et 15 octobre de l'An 2000.

Les rendez-vous qui nous attendent sont donc nombreux et significatifs! Nous les confions tous à l'intercession maternelle de Marie, Salut du Peuple romain. Que ce soit Elle qui nous accompagne et qui guide nos pas pour que cette année constitue un temps extraordinaire de grâce spirituelle et de renouveau social.


6. Eglise de Rome, aujourd'hui le Seigneur te rend visite pour ouvrir devant toi cette année de grâce et de miséricorde! En franchissant, en humble pèlerinage, le seuil de la Porte Sainte, accueille les dons du pardon et de l'amour. Grandis dans la foi et dans l'élan missionnaire: tel est le premier héritage des Apôtres Pierre et Paul. Combien de fois, au cours de ton histoire bimillénaire, as-tu fait l'expérience des merveilles de la venue du Christ, qui t'a rendue mère dans la foi et phare de civilisation pour de nombreux peuples! Le grand Jubilé, avec lequel tu t'apprêtes à commencer le nouveau millénaire, te reconfirme, Rome, dans la joie de suivre fidèlement ton Seigneur et te donne le désir toujours plus ardent d'annoncer son Evangile. Tel est ta contribution particulière à la construction d'une ère de justice, de paix et de sainteté.
Amen!



CÉLÉBRATION DES VÊPRES ET DU TE DEUM DE REMERCIEMENT POUR LA FIN DE L'ANNÉE


HOMÉLIE DU SAINT PÈRE JEAN PAUL II


752
31 décembre 1999

1. "Mais quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d'une femme".


Qu'est-ce que "la plénitude du temps", dont parle l'Apôtre? L'expérience nous fait ressentir de façon tangible que le temps passe inexorablement. Toutes les créatures sont sujettes à l'écoulement du temps. Cependant, seul l'homme se rend compte de son propre "passage" dans le temps. Il se rend compte que son histoire personnelle est liée à l'écoulement des jours.

Consciente du fait qu'elle "passe", l'humanité écrit sa propre histoire: l'histoire des individus, des Etats et des continents, l'histoire des cultures et des religions. Ce soir, nous nous posons la question: qu'est-ce qui a particulièrement marqué le millénaire qui touche à présent à son terme? Comme se présentait, il y a mille ans, la géographie des pays, la situation des peuples et des nations? Qui connaissait alors l'existence d'un autre grand continent à l'ouest de l'Océan atlantique? La découverte de l'Amérique, qui a marqué le début d'une nouvelle ère dans l'histoire de l'humanité, constitue sans aucun doute un élément important dans l'évaluation du millénaire qui se termine.

Ce dernier siècle a lui aussi été caractérisé par de profonds changements, parfois rapides, qui ont marqué la culture et les relations entre les peuples. Il suffit de penser aux deux idéologies opprimantes, responsables d'innombrables victimes, sacrifiées par celles-ci. Combien de souffrances, combien de drames! Mais également que de conquêtes exaltantes! Ces années, confiées par le Créateur à l'humanité, portent les signes des efforts de l'homme, de ses défaites et de ses victoires (cf. Gaudium et spes
GS 2).

Le risque le plus grand, à ce tournant de l'histoire, est qu'"un très grand nombre de nos contemporains ont beaucoup de mal à discerner les valeurs permanentes; en même temps, ils ne savent comment les harmoniser avec les découvertes récentes" (Gaudium et spes GS 4). Voilà un grand défi pour nous, hommes et femmes qui nous apprêtons à entrer dans l'An 2000.


2. "Mais quand vint la plénitude du temps!". La liturgie nous parle de la "plénitude du temps" et nous illumine sur le contenu de cette "plénitude". Dans l'histoire de la grande famille humaine, Dieu a voulu introduire son Verbe éternel, en lui faisant assumer une humanité comme la nôtre. C'est à travers l'événement sublime de l'Incarnation que le temps humain et cosmique a atteint sa plénitude: "Mais quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d'une femme [...] afin de nous conférer l'adoption filiale" (Ga 4,4-5). Voilà le grand mystère: la Parole éternelle de Dieu, Verbum Patris s'est rendue présente parmi les événements qui composent l'histoire terrestre de l'homme. Avec l'incarnation du Fils de Dieu, l'éternité est entrée dans le temps, et l'histoire de l'homme s'est ouverte à un accomplissement transcendant dans l'absolu de Dieu.

Une perspective incroyable est ainsi offerte à l'homme: il peut aspirer à être fils dans le Fils, héritier avec Lui du même destin de gloire. Le pèlerinage de la vie terrestre est donc un chemin qui a lieu dans le temps de Dieu. L'objectif est Dieu lui-même, plénitude du temps dans l'éternité.


3. Aux yeux de la foi, le temps prend ainsi une signification religieuse et cela encore davantage au cours de l'Année jubilaire qui vient de commencer. Le Christ est le Seigneur du temps. Chaque instant du temps humain est placé sous le signe de la rédemption du Seigneur, qui est entré, une fois pour toutes, dans la "plénitude du temps" (cf. Tertio millennio adveniente TMA 10). Dans cette perspective, nous rendons grâce à Dieu pour ce qui a eu lieu au cours de cette année, de ce siècle et de ce millénaire. De façon particulière, nous voulons rendre grâce pour les progrès constants dans le monde de l'esprit. Nous rendons grâce pour les saints de ce millénaire: ceux qui ont été élevés aux honneurs des autels et ceux, encore plus nombreux, qui nous sont inconnus, qui ont rendu le temps saint grâce à leur adhésion fidèle à la volonté de Dieu. Nous rendons grâce également pour toutes les conquêtes et les succès obtenus par l'humanité, dans le domaine scientifique et technique, artistique et culturel.

En ce qui concerne le diocèse de Rome, nous voulons rendre grâce pour l'itinéraire spirituel parcouru au cours des années passées et pour l'accomplissement de la Mission dans la Ville, en vue du grand Jubilé. Je repense à la soirée du 22 mai, veille de la Pentecôte, lorsque nous avons invoqué ensemble l'Esprit Saint, afin que cette expérience pastorale particulière devienne, au cours du nouveau siècle, la forme et le modèle de la vie et de la pastorale de l'Eglise, à Rome et dans tant d'autres villes et régions du monde, au service de la nouvelle évangélisation.

Alors que nous élevons notre action de grâce à Dieu, nous ressentons le besoin d'en implorer, dans le même temps, la miséricorde sur le millénaire qui se termine. Nous demandons pardon car souvent, hélas, les conquêtes de la technique et de la science, si importantes pour le progrès humain authentique, ont été utilisées contre l'homme: Miserere nostri, Domine, miserere nostri!


753 4. Deux mille années se sont écoulées depuis que "le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité" (Jn 1,14). C'est pourquoi le chant de notre louange reconnaissante s'élève en choeur:
Te Deum laudamus.

Nous te louons, Dieu de la vie et de l'espérance.
Nous te louons, Christ, Roi de la gloire, Fils éternel du Père.
Toi, né de la Vierge Mère, tu es notre Rédempteur, tu es devenu notre frère pour le salut de l'homme, et tu viendras dans la gloire pour juger le monde à la fin des temps.
Toi, le Christ, objectif de l'histoire humaine, tu es le point central des attentes de chaque être humain.
C'est à Toi qu'appartiennent les années et les siècles. Le temps t'appartient, ô Christ, qui es le même hier, aujourd'hui et à jamais.
Amen!







Jubilé 2000

HOMÉLIE DE JEAN PAUL II



OUVERTURE DE LA PORTE SAINTE

DE LA BASILIQUE SAINTE MARIE MAJEURE

Samedi 1er janvier 2000

Solennité de Marie Sainte Mère de Dieu
754 XXXIIIème Journée Mondiale de la Paix

1. "Mais quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d'une femme" (
Ga 4,4).

Hier soir, nous nous sommes arrêtés pour méditer sur la signification de ces paroles de Paul, tirées de la Lettre aux Galates, et nous nous sommes demandés en quoi consiste la "plénitude du temps", dont il parle, par rapport aux processus qui marquent le chemin de l'homme le long de l'histoire. Le moment que nous vivons est plus que jamais riche de signification: à minuit, l'année 1999 est entrée dans le passé, et a cédé le pas à une nouvelle année. Nous voici depuis quelques heures dans l'An 2000!

Qu'est-ce que cela signifie pour nous? Nous commençons à écrire une autre page de l'histoire. Hier soir, nous avons tourné notre regard vers le passé, vers l'état du monde au début du deuxième millénaire. Aujourd'hui, en commençant l'An 2000, nous ne pouvons manquer de nous interroger sur l'avenir: Quelle direction prendra la grande famille humaine en cette nouvelle étape de son histoire?


2. En tenant compte d'une nouvelle année qui commence, la liturgie d'aujourd'hui adresse des voeux à tous les hommes de bonne volonté à travers les paroles suivantes: "Que Yahvé te découvre sa face et t'apporte la paix!" (Nb 6,26).

Que le Seigneur t'accorde la paix! Tel est le souhait que l'Eglise adresse à toute l'humanité, le premier jour de la nouvelle année, jour consacré à la célébration de la Journée mondiale de la Paix. Dans le message pour cette Journée, j'ai rappelé certaines conditions et urgences, pour consolider sur le plan international le chemin de la paix. Un chemin malheureusement toujours menacé, comme nous le rappellent les douloureux événements qui ont marqué à plusieurs reprises l'histoire du vingtième siècle. C'est pourquoi nous devons plus que jamais souhaiter la paix au nom de Dieu: que le Seigneur t'accorde la paix!

Je pense en ce moment à la rencontre de prière pour la paix, qui, en octobre 1986, réunit à Assise des représentants des principales religions du monde. Nous étions encore dans la période de ce que l'on appelait la "guerre froide": réunis ensemble, nous avons prié pour éloigner la lourde menace d'un conflit qui semblait peser sur l'humanité. Nous avons donné voix, d'une certaine façon, à la prière de tous, et Dieu a accueilli la prière qui s'élevait de ses enfants. Même si nous avons dû assister à l'éclatement de dangereux conflits locaux et régionaux, le grand conflit mondial qui s'annonçait à l'horizon nous a toutefois été épargné. Voilà pourquoi, avec une plus grande conscience, en franchissant le seuil du nouveau siècle, nous nous adressons les uns aux autres ce souhait de paix: Que Yahvé te découvre sa face.

An 2000 qui viens vers nous, que le Christ t'accorde la paix!


3. "La plénitude du temps"! Saint Paul affirme que cette "plénitude" s'est réalisée lorsque Dieu "envoya son Fils, né d'une femme" (Ga 4,4). Aujourd'hui, huit jours après Noël, premier jour de la nouvelle année, nous rappelons de façon particulière la "Femme" dont parle l'Apôtre, la Mère de Dieu. En donnant le jour au Fils éternel du Père, Marie a contribué à atteindre la plénitude des temps; elle a contribué de façon particulière à faire en sorte que le temps humain atteigne la mesure de sa plénitude dans l'Incarnation du Verbe.

En ce jour si significatif, j'ai eu la joie d'ouvrir la Porte Sainte de cette vénérable basilique libérienne, la première en Occident dédiée à la Vierge Mère du Christ. A une semaine du rite solennel qui s'est déroulé dans la basilique Saint-Pierre, c'est un peu comme si aujourd'hui, les communautés ecclésiales de chaque nation et continent se réunissaient en esprit ici, sous le regard de la Mère, pour franchir le seuil de la Porte Sainte qu'est le Christ.

C'est en effet à Elle, Mère du Christ et de l'Eglise, que nous voulons confier l'Année Sainte qui vient de commencer, afin qu'elle protège et encourage le chemin de tous ceux qui se font pèlerins en ce temps de grâce et de miséricorde (cf. Incarnationis mysterium, n. 14).


755 4. La liturgie de la solennité d'aujourd'hui revêt un caractère profondément marial, même si dans les textes bibliques, cela se manifeste de façon plutôt sobre. Le passage de l'évangéliste Luc résume presque ce que nous avons écouté la nuit de Noël. On y raconte que les pasteurs se rendirent à Bethléem et trouvèrent Marie, Joseph et l'enfant dans la mangeoire. Après l'avoir vu, ils rapportèrent ce qui leur avait été dit de Lui. Et tous s'émerveillèrent du récit des pasteurs. "Quant à Marie, elle conservait avec soin toutes ces choses, les méditant dans son coeur" (2, 19).

Il vaut la peine de s'arrêter sur cette phrase qui exprime un aspect de la maternité de Marie. Toute l'année liturgique, dans un certain sens, marche sur les traces de cette maternité, à commencer par la fête de l'Annonciation, le 25 mars, exactement neuf mois avant Noël. Le jour de l'Annonciation, Marie entendit les paroles de l'ange: "Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus... L'Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre; c'est pourquoi l'être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu" (
Lc 1,31-33 Lc 1,35). Et elle répondit: "Qu'il m'advienne selon ta parole!" (ibid., 1, 38).

Marie conçut par l'opération de l'Esprit Saint. Comme chaque mère, elle porta en son sein ce Fils, dont Elle savait qu'il était le Fils unique de Dieu. Elle le mit au monde dans la nuit de Bethléem. C'est ainsi que commença la vie terrestre du Fils de Dieu et sa mission de salut dans l'histoire du monde.


5. "Marie [...] conservait avec soin toutes ces choses, les méditant dans son coeur". Comment s'étonner si la Mère de Dieu se rappelait tout cela de façon particulière, et même unique? Chaque Mère possède une telle conscience du début d'une nouvelle vie en elle. L'histoire de chaque homme est tout d'abord écrite dans le coeur de sa propre Mère. Il n'est pas étonnant que la même chose ait eu lieu pour la vie terrestre du Fils de Dieu.

"Marie [...] conservait avec soin toutes ces choses, les méditant dans son coeur".
Aujourd'hui, premier jour de l'année nouvelle, au seuil d'une nouvelle année, de ce nouveau millénaire l'Eglise rappelle cette expérience intérieure de la Mère de Dieu. Elle le fait non seulement en repensant aux événements de Bethléem, de Nazareth et de Jérusalem, c'est-à-dire aux diverses étapes de l'existence terrestre du Rédempteur, mais également en considérant tout ce que sa vie, sa mort et sa résurrection ont suscité dans l'histoire de l'homme.

Marie fut présente avec les Apôtres le jour de la Pentecôte; elle participa directement à la naissance de l'Eglise. Depuis lors, sa maternité accompagne l'histoire de l'humanité rachetée, le chemin de la grande famille humaine, destinataire de l'oeuvre de la Rédemption.

Au début de l'An 2000, tandis que nous avançons dans le temps jubilaire, nous comptons sur ton "souvenir" maternel, ô Marie! Nous nous situons sur ce parcours particulier de l'histoire du salut, qui demeure vivant dans ton coeur de Mère de Dieu. Nous te confions les jours de l'Année nouvelle, l'avenir de l'Eglise, l'avenir de l'humanité, l'avenir de l'univers tout entier.

Marie, Mère de Dieu, Reine de la Paix, veille sur nous.
Marie, Salus Populi Romani, prie pour nous.
Amen!

756 6 Janvier 2000, Ordinations Episcopales en la Solennité de l'Epiphanie du Seigneur
Jeudi 6 janvier 2000,
solennité de l'Epiphanie du Seigneur
1. "Debout! Resplendis! car voici ta lumière, et sur toi se lève la gloire de Yahvé" (
Is 60,1).

Le prophète Isaïe tourne son regard vers l'avenir. Ce n'est pas tellement l'avenir profane qu'il contemple. Illuminé par l'Esprit, il pousse son regard vers la plénitude des temps, vers l'accomplissement du dessein de Dieu dans le temps messianique.

L'oracle que le prophète prononce concerne la Ville sainte, qu'il voit resplendissante de lumière: "Tandis que les ténèbres s'étendent sur la terre et l'obscurité sur les peuples, sur toi se lève Yahvé, et sa gloire sur toi paraît" (Is 60,2). C'est précisément ce qui s'est produit avec l'incarnation du Verbe de Dieu. Avec lui, "la lumière véritable qui éclaire tout homme, venait dans le monde" (Jn 1,9). Désormais, le destin de chacun se décide selon l'acceptation ou le refus de cette lumière: c'est en elle, en effet, que réside la vie des hommes (cf. Jn 1,4).


2. La lumière apparue à Noël étend aujourd'hui l'amplitude de son rayonnement: c'est la lumière de l'épiphanie de Dieu. Désormais, ce ne sont plus seulement les pasteurs de Bethléem qui la voient et qui la suivent; ce sont également les Rois Mages qui, partis de l'Orient, sont parvenus à Jérusalem pour adorer le Roi qui est né (cf. Mt Mt 2,1-2). Avec les Rois Mages, ce sont les nations qui commencent leur chemin vers la Lumière divine.

Aujourd'hui, l'Eglise célèbre cette Epiphanie salvifique, en écoutant sa description contenue dans l'Evangile de Matthieu. Le célèbre récit des Rois Mages, venus de l'Orient à la recherche de Celui qui devait naître, a depuis toujours inspiré la piété populaire, devenant un élément traditionnel de la crèche.

L'Epiphanie est un événement et, dans le même temps, un symbole. L'événement est décrit de manière détaillée par l'Evangéliste. En revanche, la signification symbolique a été découverte graduellement, à mesure que l'événement devenait objet de méditation et de célébration liturgique de la part de l'Eglise.


3. Après deux mille ans, partout où l'on célèbre l'Epiphanie, la Communauté ecclésiale puise à cette précieuse tradition liturgique et spirituelle des éléments toujours nouveaux de réflexion.
Ici, à Rome, selon une habitude à laquelle j'ai voulu rester fidèle dès le début de mon pontificat, nous célébrons ce mystère en consacrant plusieurs nouveaux évêques. Il s'agit d'une tradition qui possède une éloquence théologique et pastorale intrinsèque, et nous l'introduisons aujourd'hui avec joie dans le troisième millénaire.

757 Très chers frères, qui serez consacrés d'ici peu, vous provenez de divers pays et vous représentez l'universalité de l'Eglise qui adore le Verbe incarné pour notre salut. C'est ainsi que s'accomplissent les paroles du Psaume responsorial: Seigneur, tous les peuples de la terre t'adoreront.

Notre assemblée liturgique exprime de façon particulière ce caractère catholique de l'Eglise, également grâce à vous, chers évêques élus. En effet, autour de vous se rassemblent en esprit les fidèles des diverses parties du monde, à qui vous avez été envoyés en tant que successeurs des Apôtres.


4. Certains d'entre vous accompliront la mission de Nonce apostolique: toi, Mgr Józef Wesolowski, en Bolivie; toi, Mgr Giacomo Guido Ottonello, au Panama; toi, Mgr George Panikulam, au Honduras; et toi, Mgr Alberto Bottari de Castello, en Gambie, en Guinée, au Liberia et en Sierre Leone. Vous serez dans ces pays les Représentants pontificaux, au service de l'Eglise locale et du progrès humain authentique de ces peuples respectifs.

Toi, Mgr Ivo Baldi, tu guideras le diocèse de Huaraz, au Pérou. Toi, Mgr Gabriel Mbilingi, tu as été choisi comme Evêque coadjuteur de Lwena, en Angola; et toi, Mgr David Laurin Ricken, comme Evêque coadjuteur de Cheyenne, aux Etats-Unis d'Amérique.

L'Ordination épiscopale te confirme et te renforce, Mgr Anton Cosa, dans le service d'Administrateur apostolique de la Moldavie et toi, Mgr Giuseppe Pasotto, en tant qu'Administrateur apostolique du Caucase.

Toi, Mgr András Veres, tu seras Evêque auxiliaire de l'Archevêque d'Eger, en Hongrie; et toi, Mgr Péter Erdö, Auxiliaire du Pasteur de Székesfehérvár.

Quant à toi, Mgr Franco Croci, tu poursuivras ta tâche de Secrétaire de la Préfecture des Affaires économiques du Saint-Siège.

Rappelez vous pour toujours de la grâce de ce jour de l'Epiphanie! Que la lumière du Christ brille toujours dans vos coeurs et dans votre ministère pastoral.


5. La liturgie d'aujourd'hui nous exhorte à la joie. Et il y a un motif: la lumière, qui brilla avec l'étoile de Noël pour conduire jusqu'à Bethléem les Rois Mages d'Orient, continue à orienter sur le même chemin les peuples et les nations du monde entier.

Nous rendons grâce pour les hommes et les femmes qui ont parcouru ce chemin de foi au cours des deux mille ans qui se sont écoulés. Nous louons le Christ, Lumen gentium, qui les a guidés et qui continue à guider les peuples en marche dans l'histoire!

A Lui, Seigneur du temps, Dieu de Dieu, Lumière de la Lumière, nous adressons notre supplique avec confiance. Que son étoile, l'étoile de l'Epiphanie, ne cesse pas de briller dans nos coeurs, en indiquant au cours du troisième millénaire aux hommes et aux peuples la voie de la vérité, de l'amour et de la paix. Amen.





758 9 Janvier 2000, Messe et Administration du Sacrement du Baptême
Dimanche 9 janvier 2000


1. "Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur" (
Mc 1,11).

Ces paroles, rapportées par l'Evangéliste Marc, nous conduisent directement au coeur de la fête d'aujourd'hui du Baptême du Seigneur, qui conclut le temps de Noël. Nous commémorons aujourd'hui la manifestation du mystère de l'amour trinitaire, qui a eu lieu précisément au début de l'activité publique du Messie.

A Bethléem, lors de la nuit sainte, Jésus est né parmi nous dans la pauvreté d'une grotte; le jour de l'Epiphanie, les Rois Mages l'ont reconnu comme le Messie attendu par les peuples; aujourd'hui, toute l'attention est concentrée sur sa personne et sur sa mission. Le Père lui parle directement: "Tu es mon Fils bien-aimé", alors que les cieux s'ouvrent et que l'Esprit descend sur lui sous forme d'une colombe (cf. Mc Mc 1,10-11). La scène qui se déroule sur les rives du Jourdain présente donc la proclamation solennelle de Jésus comme Fils de Dieu. C'est ainsi que commence, publiquement, sa mission salvifique.


2. Le Baptême, que le Seigneur reçoit, a lieu dans le contexte de la prédication pénitentielle de Jean-Baptiste. Le geste rituel de se plonger dans l'eau, proposé par le Précurseur, était un signe extérieur de repentir pour les péchés commis et de désir d'un renouveau spirituel.

Tout cela renvoit au sacrement chrétien du Baptême, que j'aurai d'ici peu la joie d'administrer à ces enfants, et que nous avons déjà reçu depuis long-temps. Le Baptême nous a introduits dans la vie même de Dieu, faisant de nous ses enfants adoptifs, dans son "Fils bien-aimé" unique.

Comment ne pas rendre grâce au Seigneur, qui appelle aujourd'hui ces dix-huit nouveau-nés à devenir ses enfants dans le Christ? Nous les entourons de notre prière et de notre affection. Ils sont originaires d'Italie, du Brésil, d'Espagne, des Etats-Unis et de Suisse. Nous les accueillons avec une grande joie dans notre communauté chrétienne, qui à partir d'aujourd'hui, constitue réellement leur famille. Avec eux, j'ai à coeur d'adresser mon salut le plus cordial aux parents, aux parrains et aux marraines, qui présentent ces petits enfants à l'autel. Nous rendons grâce au Seigneur pour le don de leur vie et, encore davantage, pour celui de leur renaissance spirituelle.


3. Il est très suggestif d'administrer le sacrement du Baptême dans cette chapelle Sixtine, dans laquelle de merveilleux chef-d'oeuvres de l'art nous reproposent les prodiges de l'histoire du salut, des origines de l'homme au jugement dernier. Et il est encore plus significatif de contempler ces signes de l'action de Dieu dans notre vie au cours de l'Année jubilaire, entièrement centrée sur le mystère du Christ, né, mort et ressuscité pour nous.

Je souhaite à ces petits enfants de grandir dans la foi qu'ils reçoivent aujourd'hui, de façon à pouvoir bientôt participer activement à la vie de l'Eglise.

A vous, chers parents, qui vivez ce moment important avec une intense émotion, je vous demande de renouveler les engagements de votre vocation baptismale. Vous serez ainsi mieux préparés à affronter la tâche de premiers éducateurs dans la foi de vos enfants. Ces nouveau-nés devront trouver en vous, ainsi que chez leurs parrains et leurs marraines, un soutien et un guide sur la voie de la fidélité au Christ et à l'Evangile. Soyez pour eux des exemples de foi solide, de prière profonde et d'engagement actif dans la vie ecclésiale.

759 Que Marie, Mère de Dieu et de l'Eglise, accompagne les premiers pas des nouveaux baptisés. Qu'Elle les protège toujours, ainsi que leurs parents, leurs parrains et leurs marraines. Qu'elle aide chacun à croître dans l'amour envers Dieu et dans la joie de servir l'Evangile, pour donner ainsi un sens complet à sa propre vie.
2 Février 2000, Fête de la Présentation du Seigneur , Jubilé de la vie consacrée


Mercredi 2 février 2000,
fête de la Présentation du Seigneur au Temple
et Jubilé de la vie consacrée,


Très chers frères et soeurs!

1. "Et voici qu'il y avait à Jérusalem un homme du nom de Syméon. Cet homme était juste et pieux; il attendait la consolation d'Israël et l'Esprit Saint reposait sur lui [...] Il y avait aussi une prophétesse, Anne" (
Lc 2,25-26 Lc 2,36).

Ces deux figures, Anne et Syméon, accompagnent la présentation de Jésus au temple de Jérusalem. L'évangéliste souligne que chacun d'eux, à sa façon, précède l'événement. En l'un et en l'autre s'exprime l'attente de la venue du Messie. Tous deux portent d'une certaine façon en eux le mystère du temple de Jérusalem. C'est pourquoi tous deux y sont présents - d'une façon que l'on peut définir providentielle - lorsque Jésus y est conduit par ses parents, quarante jours après sa naissance, pour l'offrir au Seigneur.

Syméon et Anne représentent l'attente de tout Israël. C'est à eux qu'il est donné de rencontrer Celui que les prophètes avaient préannoncé depuis des siècles. Illuminés par l'Esprit Saint, les deux vieillards reconnaissent le Messie attendu dans l'Enfant que Marie et Joseph, pour respecter les prescriptions de la Loi du Seigneur, ont porté au Temple.

Les paroles de Syméon possèdent un ton prophétique: le vieillard regarde le passé et préannonce l'avenir. Il dit: "Maintenant, Souverain Maître, tu peux, selon ta parole, laisser ton serviteur s'en aller en paix; car mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé à la face de tous les peuples, lumière pour éclairer les nations et gloire de ton peuple Israël" (Lc 2,29-32). Syméon exprime l'accomplissement de l'attente, qui constituait sa raison de vivre. Il en va de même pour la prophétesse Anne, qui se réjouit à la vue de l'Enfant et qui en parle "à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem" (Lc 2,38).


2. Chaque année, la fête liturgique de ce jour réunit auprès de la tombe de Pierre une grande foule de personnes consacrées. Aujourd'hui, la foule est devenue une multitude, car des personnes consacrées provenant de toutes les parties du monde sont présentes. Très chers frères et soeurs, vous célébrez aujourd'hui votre Jubilé, le Jubilé de la Vie consacrée. Je vous accueille avec le baiser de paix évangélique!

760 Je salue les Supérieurs et les Supérieures des divers Instituts et Congrégations, et je vous salue tous, chers frères et soeurs, qui avez voulu vivre l'expérience jubilaire en franchissant le seuil de la Porte Sainte de la Basilique patriarcale vaticane. A travers vous, ma pensée rejoint tous vos confrères et consoeurs présents dans le monde: je leur adresse à eux aussi mon salut affectueux.
Rassemblés autour de la Tombe du Prince des Apôtres en cette Année jubilaire, vous désirez exprimer avec une évidence particulière le lien profond qui lie la vie consacrée au Successeur de Pierre. Vous êtes venus ici pour déposer sur l'autel du Seigneur les espérances et les problèmes de vos instituts respectifs. Dans l'Esprit du Jubilé, vous rendez grâce à Dieu pour le bien accompli et, dans le même temps, vous demandez pardon pour les manquements éventuels qui ont marqué la vie de vos Familles religieuses. Vous vous interrogez, au début du nouveau millénaire, à propos des façons les plus efficaces pour contribuer, dans le respect du charisme originel, à la nouvelle évangélisation, en atteignant les nombreuses personnes qui ignorent le Christ. Dans cette pers-pective, votre invocation s'élève de façon fervente vers le Maître de la moisson, afin qu'il suscite dans le coeur de nombreux jeunes garçons et jeunes filles, le désir de se donner totalement à la cause du Christ et de l'Evangile.

Je m'unis volontiers à votre prière. Ayant été pèlerin dans de nombreuses parties du monde, j'ai pu me rendre compte de la valeur de votre présence prophétique pour tout le peuple chrétien. Les hommes et les femmes de la génération actuelle ont un grand besoin de rencontrer le Seigneur et son message de salut libérateur. Et je rends volontiers hommage, également en cette circonstance, à l'exemple de dévouement évangélique généreux offert par vos innombrables confrères et consoeurs, qui travaillent souvent dans des conditions difficiles. Ils se prodiguent sans réserve, au nom du Christ, au service des pauvres, des exclus, des derniers.

Beaucoup d'entre eux ont payé, ces dernières années aussi, par le témoignage suprême du sang leur choix de fidélité au Christ et à l'homme, sans hésitations ni compromis. Que le tribut de notre admiration et de notre reconnaissance leur soit destiné!


3. La présentation de Jésus au Temple jette une lumière particulière sur votre choix, très chers frères et soeurs. Ne vivez-vous pas peut-être vous aussi les mystères de l'attente de la venue du Christ, manifestée et presque personnifiée par Syméon et Anne? Vos voeux n'expriment-ils pas, avec une intensité particulière, cette attente de la rencontre avec le Messie que les deux israélites âgés portaient dans leur coeur? Figures de l'Ancien Testament placées sur le seuil du Nouveau, ils manifestent une attitude intérieure qui n'est pas tombée en désuétude. Vous en avez fait la vôtre, projetés comme vous l'êtes vers l'attente du retour de l'Epoux.

Le témoignage eschatologique appartient à l'essence de votre vocation. Les voeux de pauvreté, d'obéissance, de chasteté pour le Royaume de Dieu constituent un message que vous lancez au monde à propos du destin définitif de l'homme. Il s'agit d'un message précieux: "Celui qui veille pour attendre l'accomplissement des promesses du Christ est en mesure de communiquer l'espérance à ses frères et soeurs, souvent découragés et pessimistes face à l'avenir" (Vita consecrata
VC 27).


4. "L'Esprit Saint reposait sur lui" (Lc 2,26). Ce que l'évangéliste dit à propos de Syméon peut également vous être appliqué, vous que l'Esprit conduit vers une expérience particulière du Christ. Avec la force rénovatrice de son amour, Il veut faire de vous des témoins efficaces de conversion, de pénitence, de vie nouvelle.

Avoir le coeur, l'affection, les intérêts et les sentiments centrés sur Jésus constitue l'aspect le plus grand du don que l'Esprit opère en vous. Il vous rend conformes à Lui, chaste, pauvre et obéissant. Et les conseils évangéliques, loin d'être un renoncement qui appauvrit, constituent un choix qui libère la personne pour une réalisation plus complète de ses potentialités.

L'évangéliste note à propos de la prophétesse Anne qu'"elle ne quittait pas le temple" (Lc 2,37). La première vocation de celui qui se place à la suite du Christ avec un coeur indivis est celle d'"être son compagnon" (Mc 3,14), d'être en communion avec Lui, en écoutant sa parole en louant sans cesse Dieu (cf. Lc 2,38). Je pense en ce moment à la prière, en particulier à la prière liturgique, qui s'élève de nombreux monastères et communautés de vie consacrée, présents dans chaque coin de la terre. Chers frères et soeurs, faites retentir dans l'Eglise votre louange avec humilité et constance et le chant de votre vie trouvera des échos profonds dans le coeur du monde.


5. La joyeuse expérience de la rencontre avec Jésus, la joie et la louange qui jaillissent du coeur ne peuvent pas rester cachées. Le service à l'Evangile rendu par les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, dans la variété des formes que l'Esprit Saint a suscitées dans l'Eglise, naît toujours d'une expérience d'amour et d'une rencontre vivante avec le Christ. Il naît du partage de son labeur et de son offrande incessante au Père.

Invitées à tout quitter pour suivre le Christ, vous, personnes consacrées, renoncez à définir votre existence à partir de la famille, de la profession et des intérêts terrestres, et vous choisissez le Seigneur comme unique critère d'identification. Vous acquérez ainsi une nouvelle identité familiale. Pour vous, les paroles suivantes du divin Maître comptent de façon particulière: "Voici mon frère, ma soeur et ma mère" (cf. Mc 3,35). L'invitation au renoncement, vous le savez bien, n'est pas pour vous laisser "sans famille", mais pour vous rendre les premiers membres qualifiés de la "nouvelle famille", témoignage et prophétie pour tous ceux que Dieu veut appeler et introduire dans sa maison.


761 6. Très chers amis, que la Vierge Marie soit à vos côtés à chaque moment de votre vie, comme exemple et comme soutien. C'est à Elle que Syméon révéla le mystère du Fils et de l'épée qui lui aurait "transpercé l'âme" (Lc 2,35). C'est à Elle que je vous confie, vous ici présents, ainsi que toutes les personnes de vie consacrée qui célèbrent le Jubilé:

Vierge Marie, Mère du Christ et de l'Eglise,
tourne le regard vers les hommes et vers les femmes
que ton Fils a appelés à le suivre
dans la totale consécration à son amour:
qu'ils se laissent toujours guider par l'Esprit,
qu'ils soient inlassables dans le don d'eux-mêmes et dans le service au Seigneur,
pour être de fidèles témoins
de la joie qui naît de l'Evangile
et des annonciateurs de la Vérité
qui guide l'homme aux sources de la Vie immortelle.
Amen!

762 * * *
Au terme de la Messe, le Saint-Père a salué dans leurs langues respectives les pèlerins présents sur la Place Saint Pierre. Voici les paroles prononcées en français:

Je salue les personnes consacrées présentes pour ce jour jubilaire. J'adresse aussi mes salutations cordiales aux pèlerins de langue française. Que tous rendent grâce pour le don de la vie consacrée! Je vous bénis tous.



11 février 2000, Jubilé des malades et du personnel de la santé
Vendredi 11 février 2000,


Journée mondiale des malades et du personnel de la santé



1. "L'"Astre" d'en-haut nous a visités" (cf.
Lc 1,78). Avec ces paroles, Zacharie préannonçait la venue désormais proche du Messie dans le monde.

Dans la page évangélique qui vient d'être proclamée, nous avons revécu l'épisode de la Visitation: la visitation de Marie à sa cousine Elisabeth, la visitation de Jésus à Jean, la visitation de Dieu à l'homme.

Très chers frères et soeurs malades, qui êtes aujourd'hui venus sur cette place pour célébrer votre Jubilé, l'événement que nous vivons est lui aussi l'expression d'une visitation particulière de Dieu. Conscient de cela, je vous accueille et je vous salue cordialement. Vous êtes dans le coeur du Successeur de Pierre, qui partage chacune de vos inquiétudes et de vos angoisses: soyez les bienvenus! Avec une profonde participation, je célèbre aujourd'hui le grand Jubilé de l'An 2000 avec vous, et avec les agents de monde de la santé, les proches, les volontaires qui sont à vos côtés avec un dévouement attentif.

Je salue Mgr Javier Lozano Barragán, Président du Conseil pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé, ainsi que ses collaborateurs, qui ont organisé cette rencontre jubilaire. Je salue les cardinaux et les évêques présents, ainsi que les prélats et les prêtres qui ont accompagné des groupes de malades à la célébration d'aujourd'hui. Je salue le Ministre de la santé du gouvernement italien et les autres Autorités qui sont intervenues. Enfin, j'adresse un salut reconnaissant aux très nombreux professionnels et volontaires, qui se sont rendus disponibles pour être au service des malades au cours de ces journées.


2. "L'"Astre" d'en-haut nous a visités". Oui! Aujourd'hui, Dieu nous a visités. Quelle que soit la situation, il est avec nous. Mais le Jubilé représente une expérience tout à fait particulière de sa visitation. En se faisant homme, le Fils de Dieu est venu visiter chaque personne, et pour chacun, il s'est fait "la Porte": Porte de la vie, Porte du salut. L'homme doit entrer à travers cette Porte s'il veut trouver le salut. Chacun de nous est invité à franchir ce seuil.

763 Aujourd'hui, c'est vous en particulier qui êtes invités à le franchir, chers malades et personnes qui souffrez, venus sur la place Saint-Pierre à Rome, de l'Italie et du monde entier. Vous êtes invités vous aussi qui, à travers la télévision, vous unissez à nous dans la prière du Sanctuaire de Czestochowa en Pologne: que vous parvienne mon salut cordial, que j'étends volontiers à ceux qui, à la télévision et à la radio, suivent notre célébration en Italie et à l'étranger.

Très chers frères et soeurs, certains de vous sont depuis des années immobilisés dans un lit de douleur: je prie Dieu afin que la rencontre d'aujourd'hui constitue pour eux un extraordinaire soulagement physique et spirituel! Je désire que cette célébration émouvante offre à tous, personnes en bonne santé et malades, l'opportunité de méditer sur la valeur salvifique de la souffrance.


3. La douleur et la maladie font partie du mystère de l'homme sur la terre. Certes, il est juste de lutter contre la maladie, car la santé est un don de Dieu. Mais il est également important de savoir lire le dessein de Dieu lorsque la souffrance frappe à notre porte. La "clef" de cette lecture est constituée par la Croix du Christ. Le Verbe incarné est venu à la rencontre de notre faiblesse en l'assumant en lui dans le mystère de la Croix. Depuis, chaque souffrance peut acquérir un sens, qui la rend singulièrement précieuse. Depuis deux mille ans, depuis le jour de la Passion, la Croix brille comme manifestation suprême de l'amour que Dieu a pour nous. Celui qui sait l'accueillir dans sa vie fait l'expérience de la façon dont la douleur, illuminée par la foi, devient une source d'espérance et de salut.

Que pour vous, le Christ soit la Porte, chers malades appelés à supporter en ce moment une croix plus lourde. Que le Christ soit également la Porte pour vous, chers accompagnateurs, qui prenez soin d'eux. Comme le bon Samaritain, chaque croyant doit offrir de l'amour à celui qui vit dans la souffrance. Il n'est pas permis de "passer son chemin" face à celui qui est éprouvé par la maladie. Il faut plutôt s'arrêter, se pencher sur la maladie et la partager généreusement, en soulageant les peines et les difficultés.


4. Saint Jacques écrit: "Quelqu'un parmi vous est-il malade? Qu'il appelle les presbytres de l'Eglise et qu'ils prient sur lui après l'avoir oint d'huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le patient et le Seigneur le relèvera. S'il a commis des péchés, ils lui seront remis" (
Jc 5,14-15). Nous revivrons de façon particulière cette exhortation de l'Apôtre lorsque, d'ici peu, certains de vous, chers malades, recevront le sacrement de l'Onction des Malades. Celui-ci, en redonnant vigueur spirituelle et physique, souligne bien que le Christ est pour la personne qui souffre la Porte qui conduit à la vie.

Chers malades, voici le moment culminant de votre Jubilé! En franchissant le seuil de la Porte Sainte, unissez-vous à tous ceux qui, dans chaque partie du monde, l'ont déjà franchie et à ceux qui la franchiront au cours de l'Année jubilaire. Que passer à travers la Porte Sainte soit le signe de votre entrée spirituelle dans le mystère du Christ, le rédempteur crucifié et ressuscité, qui par amour "nos souffrances a porté et de nos douleurs s'est chargé" (cf. Is Is 53,4).


6. L'Eglise entre dans le nouveau millénaire en serrant sur son coeur l'Evangile de la souffrance, qui est annonce de rédemption et de salut. Chers frères et soeurs malades, vous êtes des témoins singuliers de cet Evangile. Le troisième millénaire attend ce témoignage des chrétiens malades. Il l'attend également de vous, agents de la pastorale du monde de la santé, qui avec des rôles différents accomplissez auprès des malades une mission très importante et appréciée.

Que la Vierge Immaculée se penche sur chacun de vous, Elle qui à Lourdes est venue nous visiter, comme nous le rappelons aujourd'hui avec joie et reconnaissance. Dans la grotte de Massabielle, Elle confia à sainte Bernadette un message qui porte au coeur de l'Evangile: à la conversion et à la pénitence, à la prière et à l'abandon confiant entre les mains de Dieu.

Avec Marie, la Vierge de la Visitation, élevons nous aussi au Seigneur le "Magnificat", qui est le chant de l'espérance de tous les pauvres, les malades, les personnes qui souffrent dans le monde, lesquels exultent de joie car ils savent que Dieu est à leurs côtés comme Sauveur.

Avec la Très Sainte Vierge, nous voulons proclamer: "Mon âme exalte le Seigneur" et diriger nos pas vers la Porte jubilaire: Jésus-Christ, qui le même hier, aujourd'hui et à jamais!


* * *


764 A l'issue de la Messe, le Saint-Père s'adressait aux pèlerins francophones:

J'adresse un salut très cordial aux malades et à ceux qui les accompagnent. Venus vivre ensemble ce Jubilé, vous formez une magnifique communauté de foi et d'espérance. Votre témoignage et votre prière sont un trésor précieux, et ils constituent une mission essentielle pour l'Eglise et pour le monde. En effet, toute prière, même la plus cachée, contribue à élever le monde à Dieu. Servir ses frères, c'est servir le Christ. Que la Vierge Marie vous guide chaque jour!


22 février 2000, Jubilé de la Curie Romaine


Mardi 22 février 2000


1. "Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise" (
Mt 16,18).

Nous avons franchi la Porte Sainte de la basilique vaticane en tant que pèlerins, et à présent la Parole de Dieu attire notre attention sur ce que le Christ a dit à Pierre et de Pierre.

Nous sommes réunis autour de l'Autel de la Confession, placé sur la tombe de l'Apôtre, et notre assemblée est formée par cette particulière communauté de service qui s'appelle la Curie romaine. Le "ministerium petrinum", c'est-à-dire le service propre à l'Evêque de Rome, avec lequel chacun de vous dans son propre domaine de travail est appelé à collaborer, nous unit dans une unique famille et inspire notre prière en ce moment solennel que la Curie romaine vit aujourd'hui, fête de la Chaire de saint Pierre.

Nous tous, et en premier lieu moi-même, sommes profondément touchés par les paroles de l'Evangile qui viennent d'être proclamées: "Tu es le Christ... Tu es Pierre" (Mt 16,16 Mt 16,18). Dans cette basilique, auprès du mémorial du martyre du Pêcheur de Galilée, elles retentissent avec une éloquence particulière, amplifiée par l'intense climat spirituel du Jubilé bimillénaire de l'Incarnation.


2. "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant" (Mt 16,16): telle est la confession de foi du Prince des Apôtres. C'est également la confession que nous renouvelons aujourd'hui, vénérés frères cardinaux, évêques et prêtres, ainsi que vous tous, très chers religieux, religieuses et laïcs, qui prêtez votre collaboration appréciée dans le cadre de la Curie romaine. Nous répétons les lumineuses paroles de l'Apôtre avec une émotion particulière, en ce jour où nous célébrons notre Jubilé spécial.

Et la réponse du Christ retentit avec force dans notre âme: "Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise" (Mt 16,18). L'évangéliste Jean atteste que Jésus avait attribué à Simon le nom de "Céphas" dès la première rencontre, lorsque son frère André l'avait conduit à lui (cf. Jn 1,41-42). En revanche, le récit de Matthieu confère la plus grande importance à cet acte du Christ, en le plaçant à un moment central du ministère messianique de Jésus, qui explique la signification du nom "Pierre" en le rapportant à l'édification de l'Eglise.

"Tu es le Christ": sur cette profession de foi de Pierre, et sur la déclaration de Jésus qui s'ensuit: "Tu es Pierre", se fonde l'Eglise. Un fondement invincible, que les puissances du mal ne peuvent pas abattre: la volonté même du "Père qui est dans les cieux" (Mt 16,17) le protège. La Chaire de Pierre, que nous célébrons aujourd'hui, ne repose pas sur des certitudes humaines - "la chair et le sang" - mais sur le Christ, pierre d'angle. Et nous aussi, comme Simon, nous nous sentons "bienheureux", car nous savons n'avoir aucun motif de nous vanter, si ce n'est dans le dessein éternel et providentiel de Dieu.


765 3. "J'aurai soin moi-même de mon troupeau et je m'en occuperai" (Ez 34,11). La première Lecture, tirée du célèbre oracle du prophète Ezéchiel sur les pasteurs d'Israël, évoque avec force le caractère pastoral du ministère pétrinien. C'est ce caractère qui détermine, indirectement, la nature et le service de la Curie romaine, dont la mission est précisément de collaborer avec le Successeur de Pierre pour l'accomplissement de la tâche qui lui est confiée par le Christ de paître son troupeau.
"C'est moi qui ferai paître mes brebis et c'est moi qui les ferai reposer" (Ez 34,11 Ez 34,15). "C'est moi": ce sont les paroles les plus importantes. En effet, elles manifestent la détermination avec laquelle Dieu entend prendre l'initiative, en s'occupant de son peuple en première personne. Nous savons que la promesse - "c'est moi" - est devenue réalité. Elle s'est réalisée dans la plénitude des temps, lorsque Dieu a envoyé son Fils, le Bon Pasteur, pour paître le troupeau "par la puissance de Yahvé" (Mi 5,3). Il l'a envoyé pour rassembler les fils de Dieu dispersés en s'offrant lui-même comme agneau, douce victime d'expiation, sur l'autel de la croix.

Tel est le modèle de Pasteur, que Pierre et les autres Apôtres ont appris a connaître et à imiter en étant avec Jésus et en partageant son ministère messianique (cf. Mc Mc 3,14-15). On en entend l'écho dans la seconde Lecture, dans laquelle Pierre se définit "témoin des souffrances du Christ et qui dois participer à la gloire qui va être révélée" (1P 5,1). Le pasteur Pierre est entièrement modelé par le Pasteur Jésus et par le dynamisme de sa Pâque. Le "ministère pétrinien" est enraciné dans cette singulière conformation au Christ Pasteur de Pierre et de ses Successeurs, une conformation qui a son fondement dans un charisme d'amour particulier: "M'aimes-tu plus que ceux-ci?... Pais mes brebis" (Jn 21,15).


4. Dans une occasion comme celle que nous vivons, le Successeur de Pierre ne peut pas oublier ce qui se produisit avant la passion du Christ, dans le jardin des oliviers, après la dernière Cène. Aucun des Apôtres ne semblait se rendre compte de ce qui allait arriver et que Jésus connaissait bien: Il savait qu'il se rendait là pour veiller et prier, et préparer ainsi "son heure", l'heure de la mort sur la croix.

Il avait dit aux Apôtres: "Tous vous aller succomber, car il est écrit: Je frapperai le pasteur et les brebis seront dispersées" (Mc 14,27). Et Pierre répondit: "Même si tous succombent, du moins pas moi!" (Mc 14,29) Jamais je ne succomberai, jamais je ne te laisserai... Et Jésus lui dit: "En vérité, je te le dis: toi, aujourd'hui, cette nuit même, avant que le coq chante deux fois, tu m'auras renié trois fois" (Mc 14,30) "Dussé-je mourir avec toi, non, je ne te renierai pas" (Mc 14,31), avait fermement répliqué Pierre, et avec lui tous les autres Apôtres. Et Jésus: "Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le froment; mais moi j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères" (Lc 22,31-32).

Voilà la promesse de Jésus, notre certitude réconfortante: le ministère pétrinien ne se fonde pas sur la capacité et sur les forces humaines, mais sur la prière du Christ, qui implore le Père pour que la foi de Simon "ne défaille pas" (Lc 22,32). "Une fois revenu", Pierre pourra accomplir son service parmi ses frères. Le retour de l'Apôtre - nous pouvons presque dire sa seconde conversion - constitue ainsi le passage décisif dans son itinéraire à la suite du Seigneur.


5. Très chers frères et soeurs qui prenez part à cette célébration jubilaire de la Curie romaine, les paroles du Christ à Pierre ne doivent jamais s'effacer de notre mémoire. Notre passage de la Porte Sainte pour puiser à la grâce du grand Jubilé, doit être animé par un profond esprit de conversion. Nous sommes précisément aidés en cela par l'épisode de Pierre, par son expérience de la faiblesse humaine, qui le conduisit, peu après le dialogue avec Jésus que nous venons de rappeler, à oublier les promesses faites avec tant d'insistance et à renier son Seigneur. Malgré son péché et ses limites, le Christ le choisit et l'appela à une très haute tâche: celle d'être le fondement de l'unité visible de l'Eglise et de confirmer les frères dans la foi.

Ce qui eut lieu au cours de la nuit entre le jeudi et le vendredi de la Passion fut décisif dans cet épisode. Le Christ, conduit à l'extérieur de la maison du grand prêtre, fixa Pierre dans les yeux. L'Apôtre, qui venait de le renier trois fois, foudroyé par ce regard, comprit tout. Les paroles du Maître lui revinrent à l'esprit et il sentit son coeur transpercé: "Et, sortant, il pleura amèrement" (Lc 22,62). Les pleurs de Pierre, nous touchent au plus profond de nous-mêmes, au point qu'ils nous poussent à une authentique purification intérieure. "Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur!", s'était-il exclamé un jour, après la pêche miraculeuse (Lc 5,8). Très chers frères et soeurs, faisons nôtre cette invocation de Pierre, alors que nous célébrons notre saint Jubilé. Le Christ renouvellera pour nous aussi - nous l'espérons avec une humble confiance - ses prodiges: il nous accordera en surabondance sa grâce rédemptrice et il accomplira de nouvelles pêches miraculeuses, pleines de promesses pour la mission de l'Eglise dans le troisième millénaire.

Très Sainte Vierge, qui as accompagné par la prière les premiers pas de l'Eglise naissante, veille sur notre chemin jubilaire. Obtiens pour nous de faire l'expérience, comme Pierre, du soutien constant du Christ. Aide-nous à vivre notre mission au service de l'Evangile, dans la fidélité et dans la joie, dans l'attente du retour glorieux du Seigneur, Jésus-Christ, le même hier, aujourd'hui et à jamais.



23 février 2000, Commémoration d'Abraham, "Père de tous les croyants"

Mercredi 23 février 2000


766 1. "Je suis Yahvé qui t'ai fait sortir d'Ur des Chaldéens, pour te donner ce pays en possession [...] Ce jour-là Yahvé conclut une alliance avec Abraham en ces termes: "A ta postérité je donne ce pays, du Fleuve d'Egypte jusqu'au Grand Fleuve, le fleuve d'Euphrate" (Gn 15,7 Gn 15,18).

Avant que Moïse n'entendit sur le Mont Sinaï les célèbres paroles de Yahvé: "Je suis Yahvé, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Egypte, de la maison de servitude" (Ex 20,2), le Patriarche Abraham avait déjà entendu d'autres paroles: "Je suis Yahvé, ton Dieu, qui t'ai fait sortir d'Ur des Chaldéens". Nous devons donc nous tourner par la pensée vers ce lieu important dans l'histoire du Peuple de Dieu, pour y chercher les prémisses de l'alliance de Dieu avec l'homme. Voilà pourquoi, en cette année du grand Jubilé, alors que nous retournons le coeur ouvert aux débuts de l'alliance de Dieu avec l'humanité, notre regard se tourne vers Abraham, vers le lieu où il entendit l'appel de Dieu et où il répondit à celui-ci avec l'obéissance de la foi. En même temps que nous, les juifs et les musulmans se tournent eux aussi vers la figure d'Abraham comme vers un modèle de soumission inconditionnée à la volonté de Dieu. (cf. Nostra aetate NAE 3).

L'auteur de la Lettre aux Hébreux écrit: "Par la foi, Abraham obéit à l'appel de partir vers un pays qu'il devait recevoir en héritage, et il partit ne sachant où il allait" (11, 8). Voilà: Abraham appelé par l'Apôtre Paul "notre Père dans la foi" (cf. Rm 4,11-16), crut à Dieu, se fia à Lui qui l'appelait. Il crut à la promesse. Dieu dit à Abraham: "Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t'indiquerai. Je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je magnifierai ton nom; sois une bénédiction. [...] Par toi se béniront tous les clans de la terre" (Gn 12,1-3). Peut-être sommes-nous en train de parler de l'itinéraire d'une des multiples migrations typiques d'une époque où l'élevage des troupeaux était une forme fondamentale de la vie économique? C'est probable. Certainement, mais cependant, il ne s'agit pas seulement de cela. Dans l'histoire d'Abraham, à partir duquel commença l'histoire du salut, nous pouvons déjà percevoir une autre signification de l'appel et de la promesse. La terre, vers laquelle se dirige l'homme guidé par la voix de Dieu, n'appartient pas exclusivement à la géographie de ce monde. Abraham, le croyant qui accueille l'invitation de Dieu, est celui qui se dirige dans la direction d'une terre promise qui ne se trouve pas ici bas.


2. Nous lisons dans la Lettre aux Hébreux: "Par la foi, Abraham, mis à l'épreuve, a offert Isaac, et c'est son fils unique qu'il offrait en sacrifice, lui qui était le dépositaire des promesses, lui à qui il avait été dit: C'est par Isaac que tu auras une postérité" (11, 17-18). Voilà l'apogée de la foi d'Abraham. Abraham est mis à l'épreuve par ce Dieu en qui il avait placé sa confiance, par ce Dieu duquel il avait reçu la promesse concernant un avenir lointain: "C'est par Isaac que tu auras une postérité" (He 11,18). Il est cependant appelé à offrir précisément Isaac en sacrifice à Dieu, son fils unique, à qui étaient liées toutes ses espérances, du reste conformes à la promesse divine. Comment pourra s'accomplir la promesse que Dieu lui a faite d'une nombreuse descendance, si Isaac, l'unique fils, devra être offert en sacrifice?

Grâce à la foi, Abraham sort victorieux de cette épreuve, une épreuve dramatique qui mettait directement en question sa foi. "Dieu, pensait-il, - écrit l'auteur de la Lettre aux Hébreux - est capable même de ressusciter les morts" (11, 19). En cet instant humainement tragique, où il était désormais prêt à infliger le coup mortel à son fils, Abraham ne cessa pas de croire. Au contraire, sa foi dans la promesse de Dieu atteint son sommet. Il pensait: "Dieu est capable même de ressusciter les morts" (He 11,19). Ainsi pensait ce père éprouvé, humainement parlant, au-delà de toute mesure. Et sa foi, son total abandon en Dieu, ne le déçut pas. Il est écrit: "C'est pour cela qu'il recouvra son fils". Il recouvra Isaac, car il crut à Dieu jusqu'au bout et de façon inconditionnée.

L'Auteur de la Lettre semble exprimer quelque chose de plus: toute l'expérience d'Abraham lui apparaît une analogie de l'événement salvifique de la mort et de la résurrection du Christ. Cet homme, placé à l'origine de notre foi, fait partie du dessein divin éternel. Selon une tradition, le lieu où Abraham fut sur le point de sacrifier son propre fils, est le même sur lequel un autre père, le Père éternel, devait accepter l'offrande de son Fils unique, Jésus-Christ. Le sacrifice d'Abraham apparaît ainsi comme une annonce prophétique du sacrifice du Christ. "Car Dieu - écrit saint Jean - a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique" (3, 16). Le Patriarche Abraham, notre père dans la foi, sans le savoir, introduit d'une certaine façon tous les croyants dans le dessein éternel de Dieu, dans lequel se réalise la rédemption du monde.


3. Un jour le Christ affirma: "En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu'Abraham existât, Je Suis" (Jn 8,58), et ces paroles provoquèrent l'émerveillement des auditeurs qui objectèrent: "Tu n'as pas cinquante ans et tu as vu Abraham?" (Jn 8,57). Ceux qui réagissaient ainsi, raisonnaient de façon purement humaine, et c'est pourquoi ils n'acceptèrent pas ce que le Christ disait: "Es-tu donc plus grand qu'Abraham, notre Père, qui est mort? Les prophètes aussi sont morts. Qui prétends-tu être?" (Jn 8,53). Jésus leur répliqua: "Abraham, votre père exulta à la pen-sée qu'il verrait mon Jour. Il l'a vu et fut dans la joie" (Jn 8,56). La vocation d'Abraham apparaît complètement orientée vers le jour dont parle le Christ. Là, les calculs humains ne sont pas valables; il faut appliquer la mesure de Dieu. Ce n'est qu'alors que nous pouvons comprendre la juste signification de l'obéissance d'Abraham, qui "en espérant contre tout espérance, crut" (Rm 4,18). Il espéra devenir le père de nombreuses nations, et aujourd'hui il se réjouit certainement avec nous, car la promesse de Dieu s'accomplit au cours des siècles, de génération en génération.

Avoir cru, en espérant contre toute espérance, "lui fut compté comme justice" (Rm 4,22), non seulement pour lui, mais également pour nous tous, ses descendants dans la foi. Nous "qui croyons en celui qui ressuscita d'entre les morts Jésus notre Seigneur" (Rm 4,24), mis à mort pour nos péchés et ressuscité pour notre justification (cf. Rm 4,25). Cela, Abraham ne le savait pas; toutefois grâce à l'obéissance de la foi, Abraham se dirige vers l'accomplissement de toutes les promesses divines, animé par l'espérance qu'elles se seraient réalisées. Et existe-t-il plus grande promesse que celle qui s'est accomplie dans le mystère pascal du Christ? Dans la foi d'Abraham, Dieu tout-puissant a véritablement établi une alliance éternelle avec le genre humain, et l'accomplissement définitif de celle-ci est Jésus-Christ. Le Fils unique du Père, de sa même substance, s'est fait Homme pour nous introduire, à travers l'humiliation de la Croix et la gloire de la résurrection, dans la terre de salut que Dieu, riche de miséricorde, a promis à l'humanité dès le début.


4. Le modèle inimitable du peuple racheté, en marche vers l'accomplissement de cette promesse universelle, est Marie, "celle qui a cru en l'accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur" (Lc 1,45).

Fille d'Abraham selon la foi, outre que selon la chair, Marie en partagea en première personne l'expérience. Elle aussi, comme Abraham, accepta l'immolation du Fils, mais alors que le sacrifice effectif d'Isaac ne fut pas demandé à Abraham, le Christ but le calice de la souffrance jusqu'à la dernière goutte. Et Marie participa personnellement à l'épreuve de son Fils, croyant et espérant, debout à côté de la croix (cf. Jn 19,25).

C'était l'épilogue d'une longue attente. Formée dans la méditation des pages prophétiques, Marie savait ce qui l'attendait et en exaltant la miséricorde de Dieu, fidèle à son peuple de génération en génération, elle exprimait sa propre adhésion à son dessein de salut; elle exprimait en particulier son "oui" à l'événement central de ce dessein, le sacrifice de cet Enfant qu'elle portait dans son sein. Comme Abraham, elle acceptait le sacrifice de son Fils.

767 Aujourd'hui, nous unissons notre voix à la sienne, et avec Elle, la Vierge Fille de Sion, nous proclamons que Dieu s'est rappelé de sa miséricorde, "selon qu'il l'avait annoncé à nos pères - en faveur d'Abraham et de sa postérité à jamais" (Lc 1,55).


* * *
Parmi les pèlerins de langue française qui assistaient à cette célébration eucharistique de prière, se trouvaient les groupes suivants:

De France: pèlerinage de l'archidiocèse de Rouen, et des diocèses d'Evreux et du Havre; groupe de jeunes du diocèse de Toulouse; pèlerinage du diocèse du Puy-en-Velay; pèlerins des paroisses du diocèse de Metz; paroisse Saint-Michel, de Dijon; paroisse Saint-Pierre, de Merville; paroisse Saint-Joseph, de Strasbourg; groupe de confirmands du diocèse de Reims; groupe du grand séminaire de Nancy; Foyer vocationnel "Marcel Van", d'Ars-sur-Formans; Centre Madeleine Daniélou, de Rueil Malmaison; jeunes de l'aumônerie de Fayence.

De Suisse: pèlerins des paroisses de Genève.

De Belgique: groupe "Condroz culturel".



25 février 2000, Messe au Palais des sports du Caire

1. “D'Egypte j'ai appelé mon fils” (Mt 2,15).

L'Evangile d'aujourd'hui nous rappelle la fuite de la Sainte Famille en Egypte, où elle est venue chercher refuge. “L'ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : 'Lève-toi; prends l'enfant et sa mère, et fuis en Egypte. Reste là-bas jusqu'à ce que je t'avertisse, car Hérode va rechercher l'enfant pour le faire périr'” (Mt 2,13). De cette façon, le Christ, “qui s’est fait homme afin de rendre l’homme capable de recevoir la divinité” (S. Athanase d’Alexandrie, Contre les Ariens, 2, 59), a aussi voulu refaire le parcours qui fut celui de l'appel divin, ce trajet que son peuple avait emprunté, pour que tous les membres du peuple deviennent fils dans le Fils. Joseph “se leva; dans la nuit, il prit l'enfant et sa mère, et se retira en Egypte, où il resta jusqu'à la mort d'Hérode. Ainsi s'accomplit ce que le Seigneur avait dit par le prophète : D'Égypte, j'ai appelé mon fils” (Mt 2,14-15). La Providence conduisait Jésus sur les routes où, autrefois, les Israélites avaient cheminé pour aller vers la terre promise, sous le signe de l'agneau pascal, en célébrant la Pâque. Jésus, l’Agneau de Dieu, lui aussi fut appelé d'Egypte par le Père, pour accomplir à Jérusalem la Pâque de l’alliance nouvelle et irrévocable, la Pâque définitive, la Pâque qui donne au monde le salut.

2. “D'Egypte j'ai appelé mon fils”. Ainsi parle le Seigneur, qui a fait sortir son peuple de la condition de servitude (cf. Ex 20,2) pour conclure avec lui au Mont Sinaï une alliance. La fête de la Pâque demeure pour toujours le souvenir de cette libération. Elle commémore cet événement, qui reste présent dans la mémoire du peuple de Dieu. Quand les Israélites partirent pour leur longue marche, sous la conduite de Moïse, ils ne pensaient pas que leur pérégrination à travers le désert jusqu'à la terre promise devrait durer quarante ans. Moïse lui-même, qui avait mené son peuple hors d'Egypte et l'avait guidé pendant tout ce temps, n'entra pas dans la terre promise. Avant de mourir, il l'a seulement contemplé du haut du mont Nébo, avant de transmettre la charge du peuple à son successeur Josué.

3. Alors que les chrétiens célèbrent le deux millième anniversaire de la naissance de Jésus, nous devons faire ce pèlerinage sur les lieux où commença et où se déroula l'histoire du salut, histoire d’amour irrévocable entre Dieu et les hommes, présence du Seigneur de l’histoire dans le temps et dans la vie des hommes. Nous sommes venus en Egypte, sur cette route sur laquelle Dieu guida son peuple, avec Moïse pour chef, pour le conduire jusqu’à la terre promise. Voici que nous nous mettons en marche, éclairés par les paroles du livre de l'Exode : laissant notre condition de servitude, nous allons vers le Mont Sinaï, où Dieu a scellé son alliance avec la maison de Jacob, par l'intermédiaire de Moïse, dans les mains duquel il a déposé les tables du Décalogue. Quelle est belle cette alliance ! Elle nous montre que Dieu ne cesse de s’adresser à l’homme pour lui communiquer la vie en abondance. Elle nous met en présence de Dieu et elle est l’expression de son amour profond pour son peuple. Elle invite l’homme à se tourner vers Dieu, à se laisser toucher par son amour et à réaliser les aspirations au bonheur qu’il porte en lui. Si nous accueillons en esprit les tables des dix commandements, nous vivrons pleinement de la loi que Dieu a mise en nos coeurs et nous aurons part au salut que l'Alliance conclue sur le Mont Sinaï entre Dieu et son peuple a dévoilée, et que le Fils de Dieu nous offre par la rédemption.

768 4. Sur cette terre d'Egypte, que j'ai la joie de visiter pour la première fois, le message de la nouvelle Alliance s'est transmis, de générations en générations, à travers la vénérable Eglise copte, héritière de la prédication et de l'action apostolique de l'évangéliste saint Marc qui, selon la tradition, subit le martyre à Alexandrie. En ce jour, élevons vers Dieu une fervente action de grâce pour la riche histoire de cette Eglise ainsi que pour l'apostolat généreux de ses fidèles, qui, à travers les siècles, parfois jusqu’au don du sang, ont été les témoins ardents de l'amour du Seigneur.

Je remercie avec affection Sa Béatitude Stéphanos II Ghattas, Patriarche copte catholique d'Alexandrie, pour les paroles d'accueil qu'il m'a adressées; elles témoignent de la foi vivante et de la fidélité de votre communauté à l'Eglise de Rome. Je salue cordialement les Patriarches et les Evêques qui participent à cette liturgie eucharistique, ainsi que les prêtres, les religieux, les religieuses et tous les fidèles venus m'accompagner dans cette étape de mon pèlerinage jubilaire. Je salue aussi avec déférence les Autorités et toutes les personnes qui ont souhaité se joindre à cette célébration.

Votre présence ici autour du Successeur de Pierre est un signe de l'unité de l'Eglise, dont le Christ est la tête. Que la fraternité entre tous les disciples du Seigneur, si bien manifestée ici, soit un encouragement à poursuivre vos efforts pour constituer des communautés unies dans l'amour, ferments de concorde et de réconciliation ! Ainsi, vous trouverez la force et le réconfort, en particulier dans les moments de difficulté ou de doute, pour donner au Christ, sur la terre de vos ancêtres, un témoignage toujours plus ardent. Avec l'Apôtre Paul, je rends grâce à Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ, en priant pour vous à chaque instant, afin que vous grandissiez dans la foi, que vous mainteniez ferme l'espérance et que vous répandiez partout la charité du Christ (cf. Col
Col 1,3-5).

5. En cette année jubilaire, nous souvenant que le Christ “est la Tête du Corps, c'est-à-dire de l'Eglise” (Col 1,18), nous devons chercher avec toujours plus d'ardeur à avancer résolument sur les chemins de l'unité voulue par lui pour ses disciples, dans un esprit de confiance et de fraternité. Ainsi notre témoignage commun rendra gloire à Dieu et sera davantage crédible aux yeux des hommes. Je prie le Père céleste pour qu'avec toutes les Eglises et Communautés ecclésiales, que je salue ici avec respect, se développent des relations sereines et fraternelles, dans la charité et la bonne volonté. Un tel climat de dialogue et de rapprochement aidera à trouver des solutions aux problèmes qui font encore obstacle à la pleine communion. Il favorisera aussi le respect des sensibilités propres à chaque communauté, ainsi que de leur façon spécifique d'exprimer la foi au Christ et de célébrer les sacrements, que les Eglises doivent réciproquement reconnaître comme étant administrés au nom du même Seigneur. En célébrant dans ce pèlerinage la Pâque du Seigneur, puissions-nous vivre la Pentecôte où tous les disciples rassemblés avec la Mère de Dieu accueillent l’Esprit Saint, qui nous réconcilie avec le Seigneur et qui est le principe d’unité et de force pour la mission, faisant de nous un seul corps, image du monde à venir !

6. Dès les origines, la vie spirituelle et intellectuelle s'est développée de façon remarquable dans l'Eglise en Egypte. Nous pouvons rappeler ici les illustres fondateurs du monachisme chrétien, Antoine, Pacôme et Macaire, et tant d'autres Patriarches, confesseurs, penseurs et docteurs qui sont la gloire de l'Eglise universelle. Aujourd'hui encore, les monastères demeurent des centres vivants de prière, d'étude et de méditation, dans la fidélité à l'antique tradition cénobitique et anachorétique de l'Eglise copte, rappelant que c’est le contact fidèle et prolongé avec le Seigneur qui est le ferment de la transformation des personnes et de la société entière. Ainsi, la vie avec Dieu fait resplendir la lumière sur nos visages d’hommes et éclaire le monde d’une clarté nouvelle, la vive flamme de l’amour.

Accueillant aujourd'hui cet élan spirituel et apostolique qui leur a été transmis par leurs Pères dans la foi, que les jeunes soient attentifs aux appels du Seigneur qui les invite à marcher à sa suite, et qu'ils y répondent avec générosité en acceptant de s'engager soit dans le sacerdoce soit dans la vie consacrée active ou contemplative ! Par le témoignage de leur vie d'hommes et de femmes totalement donnée à Dieu et à leurs frères, fondée sur une expérience spirituelle intense, les personnes consacrées manifestent l'amour sans limites du Seigneur pour le monde !

7. C'est cet amour gratuit et sans exclusive que veut traduire l'engagement de l'Eglise catholique auprès du peuple égyptien dans les domaines de l'éducation, de la santé, des oeuvres caritatives. La présence active de l'Eglise dans la formation intellectuelle et morale de la jeunesse est une longue tradition du Patriarcat copte catholique et du Vicariat latin. Par l'éducation des jeunes aux valeurs humaines, spirituelles et morales essentielles, dans le respect de la conscience de chacun, les institutions éducatives catholiques souhaitent apporter leur contribution à la promotion de la personne, particulièrement de la femme et de la famille; elles entendent aussi favoriser des relations amicales avec les musulmans afin que les membres de chacune des communautés s'efforcent sincèrement de se comprendre mutuellement et de promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix, le respect et la liberté.

C'est un devoir pour tous les citoyens de participer activement, dans un esprit de solidarité, à l'édification sociale, à la consolidation de la paix entre les communautés et à la gestion honnête du bien commun. Pour réaliser cette oeuvre commune qui doit rapprocher les membres d'une même nation, il est légitime que tous, chrétiens et musulmans, dans le respect des différentes opinions religieuses, mettent également leurs compétences au service de la collectivité, à tous les niveaux de la vie sociale.

8. Rejoignant la démarche de foi de Moïse, au cours du pèlerinage jubilaire que nous accomplissons en ces jours, nous sommes invités à poursuivre notre progression vers la montagne du Seigneur, à quitter nos servitudes pour marcher sur le chemin de Dieu. “Et Dieu, voyant ainsi nos bonnes décisions et constatant que nous lui attribuons ce que nous accomplissons [...] nous donnera en retour ce qui lui est propre, les dons spirituels, divins et célestes” (S. Macaire, Homélies spirituelles, 26, 20). Pour chacun de nous, l'Horeb, “montagne de la foi”, est appelé à devenir “le lieu de la rencontre et du pacte réciproque, en un sens 'la montagne de l'amour'” (Lettre sur le pèlerinage aux lieux qui sont liés à l'histoire du salut, n. 6). C'est là que le peuple s'est engagé à vivre, adhérant pleinement à la volonté divine, et que Dieu l'a assuré de sa bienveillance éternelle. Ce mystère d'amour se réalise pleinement dans la Pâque de la nouvelle Alliance, dans le don que le Père fait de son Fils pour le salut de l'humanité entière.

Recevons aujourd’hui de manière renouvelée la loi divine, comme un trésor précieux ! Devenons comme Moïse des hommes et des femmes qui, tout à la fois, intercèdent auprès du Seigneur et transmettent aux hommes la loi qui est un appel à la vraie vie, qui libère des idoles et qui rend toute existence infiniment belle et infiniment précieuse ! Pour leur part, les jeunes attendent avec impatience que nous leur fassions découvrir le visage de Dieu, que nous leur montrions le chemin à suivre, la voie de la rencontre personnelle avec Dieu et les actes humains dignes de notre filiation divine, un chemin certes exigeant, mais un chemin de libération qui seul comblera leur désir de bonheur. Quand nous sommes avec Dieu sur la montagne de la prière, laissons-nous imprégner de sa lumière, afin que notre visage resplendisse de la gloire de Dieu et invite les hommes à vivre de ce bonheur divin, qui est la vie en plénitude !

“D'Egypte j'ai appelé mon fils”. Puisse tout homme entendre l’appel du Dieu de l’Alliance et découvrir la joie d’être fils !

769 26 février 2000, Célébration de la Parole au Mont Sinaï

Chers Frères et Soeurs,


1. En cette année du grand Jubilé, notre foi nous pousse à devenir des pèlerins sur les pas de Dieu. Nous contemplons le chemin qu'il a pris à travers le temps, révélant dans le monde le mystère admirable de l'amour fidèle envers l'humanité. Aujourd'hui, avec une grande joie et une profonde émotion, l'Evêque de Rome est pèlerin au Mont Sinaï, attiré par cette sainte montagne qui s'élève comme un monument dressé à la mémoire de ce que Dieu a révélé ici même. Ici, il a révélé son nom ! Ici, il a donné sa Loi, les dix Commandements de l'Alliance !

Combien de personnes sont venues en ce lieu avant nous ! Ici, le peuple de Dieu a planté ses tentes (cf.
Ex 19,2) ; ici, le prophète Elie trouva refuge dans une grotte (cf. 1R 19,9) ; ici, le corps de la martyre Catherine trouva son lieu de repos ultime ; ici, une foule de pèlerins à travers les âges ont fait l'ascension de ce que saint Grégoire de Nysse appelait "la montagne du désir" (Vie de Moïse, 2, 232) ; ici, des générations de moines ont veillé et prié. Nous suivons humblement leurs pas jusqu'à "la terre sainte" où le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob chargea Moïse de rendre son peuple libre (cf. Ex 3,5-8).

2. Dieu se manifeste lui-même de manière mystérieuse - comme le feu qui ne consume pas - selon une logique qui défie tout ce que nous savons et attendons. Il est le Dieu qui est à la fois proche et lointain ; il est dans le monde mais pas du monde. Il est le Dieu qui vient à notre rencontre, mais qui ne se laissera pas posséder. Il est "Celui qui est" - le nom qui n'est pas un nom! JE SUIS CELUI QUI SUIS : l'abîme divin dans lequel essence et existence ne sont qu'un ! Le Dieu qui est l'Étant lui-même. Devant un tel mystère, comment pouvons-nous négliger d'"ôter nos chaussures" comme il le commande, et de l'adorer sur cette terre sainte ?

Ici, sur le Mont Sinaï, la vérité de "qui est Dieu" devient la fondation et la garantie de l'Alliance. Moïse entre dans "la nuée lumineuse" (S. Grégoire de Nysse, Vie de Moïse, 2, 164) et il y reçoit la Loi "écrite du doigt de Dieu" (Ex 31,18). Mais quelle est cette Loi ? C'est la Loi de la vie et de la liberté!

Dans la Mer rouge, le peuple a fait l'expérience d'une grande libération. Il a vu le pouvoir et la fidélité de Dieu ; il a découvert qu'il est le Dieu qui veut que son peuple soit vraiment libre, comme il l'a promis. Mais maintenant, sur les hauteurs du Sinaï, ce même Dieu scelle son amour en faisant une alliance à laquelle il ne renoncera jamais. Si son peuple obéit à sa Loi, il connaîtra la liberté pour toujours. L'exode et l'Alliance ne sont pas uniquement des événements du passé : ils sont pour toujours la destinée du tout le peuple de Dieu!

3. La rencontre entre Dieu et Moïse sur la montagne met au coeur de notre religion le mystère de l'obéissance libératrice, qui trouve son accomplissement dans la parfaite obéissance du Christ dans l'Incarnation et sur la Croix (cf. Ph Ph 2,8 He 5,8-9). Nous aussi, nous serons vraiment libres si nous apprenons à obéir comme Jésus l'a fait (cf. He He 5,8).

Les dix Commandements ne sont pas imposés arbitrairement par un seigneur tyrannique. Ils ont été écrits dans la pierre ; mais avant cela, ils ont été écrits dans le coeur de l'homme comme la loi morale universelle, valable en tout temps et en tout lieu. Aujourd'hui comme toujours, les dix Paroles de la Loi fournissent les seules véritables bases pour la vie des personnes, des sociétés et des nations. Aujourd'hui comme toujours, elles constituent le seul avenir pour la famille humaine. Elles sauvent l'humanité des forces destructrices de l'égoïsme, de la haine et du mensonge. Elles mettent en évidence les faux dieux qui maintiennent les hommes dans l'esclavage : l'amour de soi jusqu'au refus de Dieu, l'avidité pour le pouvoir et le plaisir qui bouleverse l'ordre de la justice et dégrade notre dignité humaine et celle de notre prochain. Si nous abandonnons ces fausses idoles et si nous suivons le Dieu qui conduit son peuple à la liberté et qui reste toujours avec lui, alors nous apparaîtrons comme Moïse, après quarante jours sur la montagne, "rayonnants de gloire" (S. Grégoire de Nysse, Vie de Moïse, 2, 230), embrasés de la lumière de Dieu !

Garder les Commandements, c'est être fidèles à Dieu, mais c'est aussi être fidèles à nous-mêmes, à notre véritable nature et à nos aspirations profondes. Le vent qui souffle aujourd'hui encore du Sinaï nous rappelle que Dieu veut être honoré dans la croissance de ses créatures et par elle : la gloire de Dieu, c'est l'homme vivant. Dans ce sens, ce vent porte une invitation insistante au dialogue entre les disciples des grandes religions monothéistes dans leur service de la famille humaine. Cela suggère que, en Dieu, nous pouvons trouver un point de rencontre : en Dieu, le Tout-Puissant et le Très-Miséricordieux, Créateur de l'univers et Seigneur de l'histoire, qui, à la fin de notre existence terrestre, nous jugera avec une justice parfaite.

4. La lecture de l'Evangile que nous venons d'entendre nous suggère que le Sinaï trouve son accomplissement sur une autre montagne, la Montagne de la Transfiguration, où Jésus apparaît à ses Apôtres rayonnant de la gloire de Dieu. Moïse et Elie sont avec lui pour témoigner que la plénitude de la révélation divine se trouve dans le Christ glorifié.

770 Sur la Montagne de la Transfiguration, Dieu parle à travers la nuée, comme il l'a fait au Sinaï. Mais maintenant il dit : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; écoutez-le" (Mc 9,7). Il nous commande d'écouter son Fils, parce que "personne ne connaît le Père sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler" (Mt 11,27). Nous apprenons ainsi que le vrai nom de Dieu est PÈRE ! Le nom qui est au-dessus de tout nom : ABBA (cf. Ga 4,6) ! Ainsi, en Jésus, nous apprenons que notre vrai nom est FILS, FILLE ! Nous apprenons que le Dieu de l'Exode et de l'Alliance rend son peuple libre parce qu'il est constitué de ses fils et de ses filles, créés non pour la servitude mais pour "la liberté, la gloire des enfants de Dieu" (Rm 8,21).

Ainsi, lorsque saint Paul écrit que nous avons "été mis à mort à l'égard de la loi par le corps du Christ" (Rm 7,4), il ne veut pas dire que la Loi du Sinaï est du passé. Il signifie que les dix Commandements eux-mêmes nous font maintenant entendre la voix du Fils bien-aimé. La personne délivrée par Jésus Christ pour la vraie liberté est consciente d'être entourée non pas extérieurement par une multitude de prescriptions, mais intérieurement par l'amour qui a saisi les plus profonds replis de son coeur. Les dix Commandements sont la loi de la liberté, non pas la liberté de suivre nos passions aveugles, mais la liberté d'aimer, de choisir ce qui est bon dans chaque situation, même quand le faire constitue un fardeau. Ce n'est pas une loi impersonnelle à laquelle nous obéissons ; ce qui est demandé, c'est d'aimer totalement le Père par le Christ Jésus dans l'Esprit Saint (cf. Rm 6,14 Ga 5,18). En se révélant lui-même sur la montagne et en donnant sa Loi, Dieu révèle l'homme à lui-même. Le Sinaï se situe au coeur même de la vérité concernant l'homme et sa destinée.

5. A la recherche de la vérité, les moines de ce monastère ont planté leur tente à l'ombre du Sinaï. Le monastère de la Transfiguration et de Sainte-Catherine porte toutes les marques du temps et des agitations de l'homme, mais il se tient invincible, comme un témoin de la sagesse et de l'amour divins. Durant des siècles, des moines de toutes les traditions chrétiennes ont vécu et ont prié ensemble dans ce monastère, à l'écoute de la Parole dans laquelle réside la plénitude de la sagesse et de l'amour du Père. Dans ce monastère même, saint Jean Climaque a écrit L'échelle sainte, pièce maîtresse de la spiritualité qui continue d'inspirer les moines et les moniales, en Orient et en Occident, de génération en génération. Tout cela a pris place sous la très haute protection de la Mère de Dieu. Dès le troisième siècle, des chrétiens d'Egypte se tournent vers elle avec les mots de la confiance : Sous l'abri de ta protection, nous nous réfugions sainte Mère de Dieu ! Sub tuum praesidium confugimus, sancta Dei Genetrix ! Au cours des siècles, ce monastère a été un lieu exceptionnel de rencontres pour les peuples de différentes Eglises, traditions et cultures. Je prie pour que, dans ce nouveau millénaire, le Monastère de Sainte-Catherine, soit un phare lumineux qui appelle toutes les Eglises à mieux se connaître les unes les autres et à redécouvrir ce qui, aux yeux de Dieu, est important dans ce qui nous unit dans le Christ.

6. Je remercie les nombreux fidèles du diocèse d'Ismayliah, conduits par leur évêque, Monseigneur Makarios, qui sont venus se joindre à moi dans ce pèlerinage au Mont Sinaï. Le Successeur de Pierre vous sait gré de votre constance dans la foi. Que Dieu vous bénisse, vous-mêmes et vos familles !

Je remercie cordialement Son Excellence Makary, Evêque copte orthodoxe de tout le Sinaï et, en lui exprimant ma gratitude pour sa présence, je lui demande de transmettre mes souhaits les plus fervents à tous les fidèles de son diocèse.

En particulier, je désire exprimer mes remerciements à l'Archevêque Damianos pour ses paroles de bienvenue et pour l'hospitalité que lui-même et les moines de ce monastère nous offrent en ce jour. Puisse le Monastère de Sainte-Catherine demeurer une oasis spirituelle pour les membres de toutes les Eglises en recherche de la gloire du Seigneur, qui s'est établie sur le Mont Sinaï (cf. Ex 24,16). La vision de cette gloire nous pousse à exulter d'une joie abondante : "Nous te disons merci, Dieu notre Père, pour ton saint nom, que tu as fait habiter en nos coeurs" (Didachè, 10). Amen !



5 mars 2000, Béatifications de 44 serviteurs de Dieu

Dimanche 5 mars 2000


1. "Je vais te rendre grâce [...] Dieu, mon Sauveur. Je rends grâce à ton nom car[...] tu as été mon soutien, et tu m'as délivré" (Si 51,1-2).

Toi, Seigneur, tu as été mon soutien! Je sens résonner dans mon coeur ces paroles du Livre du Siracide, tandis que je contemple les prodiges accomplis par Dieu dans l'existence de ces frères et soeurs dans la foi, qui ont reçu la palme du martyre. Aujourd'hui, j'ai la joie de les élever à la gloire des autels, en les présentant à l'Eglise et au monde comme un témoignage lumineux de la puissance de Dieu dans la fragilité de la personne humaine.

Toi, Dieu, tu m'as libéré! C'est ce que proclama André de Soveral, Ambrósio Francisco Ferro et vingt-huit compagnons, prêtres diocésains, laïcs et laïques; Nicolas Bunkerd Kitbamrung, prêtre diocésain; Maria Stella Adela Mardosewicz et ses dix consoeurs, soeurs professes de l'Institut de la Sainte Famille de Nazareth; Pedro Calungsod et André de Phú Yên, laïcs catéchistes.

771 Oui, le Tout-Puissant a été pour eux un soutien précieux dans les moments d'épreuve et ils ressentent aujourd'hui la joie de la récompense éternelle. Ces dociles serviteurs de l'Evangile, dont les noms sont pour toujours inscrits dans les cieux, bien qu'ayant vécu à des époques différentes de l'histoire et dans des milieux culturels très divers, sont unis par une expérience identique de fidélité au Christ et à l'Eglise. La même confiance inconditionnelle au Christ et à l'Eglise et la même passion profonde pour l'Evangile les unissent.

Je vais te rendre grâce, Dieu, mon Sauveur! A travers leur vie offerte pour la cause du Christ, ces nouveaux bienheureux, les premiers de l'Année jubilaire, proclament que Dieu est "Père" (cf. ibid., v. 10). Dieu est "protecteur" et "soutien" (cf. v. 2); c'est notre sauveur, qui accueille la prière de ceux qui se remettent à lui de tout leur coeur (cf. v. 11).

André de Soveral, Ambrósio Francisco Ferro et vingt-huit compagnons (Brésil)

2. Tels sont les sentiments qui envahissent notre coeur, en évoquant le souvenir significatif de la célébration des cinq cents ans de l'évangélisation du Brésil, qui a lieu cette année. Dans cet immense pays, l'implantation de l'Evangile se heurta à de nombreuses difficultés. La présence de l'Eglise s'est affirmée lentement à travers l'action missionnaire des divers ordres et congrégations religieuses et de prêtres du clergé diocésain. Les martyrs qui sont béatifiés aujourd'hui proviennent des communautés de Cunhaú et Uruaçu do Rio Grande do Norte, à la fin du XVII siècle. André de Soveral, Ambrósio Francisco Ferro, prêtres, et vingt-huit compagnons laïcs, appartiennent à cette génération de martyrs qui ont irrigué la terre de leur patrie, la rendant fertile pour les générations des nouveaux chrétiens. Ils sont les prémices de l'oeuvre missionnaire, les proto-martyrs du Brésil. L'un d'entre eux, Mateus Moreira, était encore vivant lorsqu'on lui arracha le coeur de la colonne vertébrale, mais il eut encore la force de proclamer sa foi dans l'Eucharistie en disant: "Loué soit le Très Saint Sacrement".

Aujourd'hui, une fois de plus, résonnent ces paroles du Christ, rappelées dans l'Evangile: "Ne craignez rien de ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l'âme" (
Mt 10,28). Le sang des catholiques sans défense, dont un grand nombre anonymes, - enfants, personnes âgées et familles entières - servira d'encouragement pour renforcer la foi des nouvelles générations de Brésiliens, en rappelant surtout les valeurs de la famille comme éducatrice de la foi et génératrice de valeurs morales.

Nicolas Bunkerd Kitbamrung (Thaïlande)

3. Je louerai ton nom continuellement, je le chanterai dans la reconnaissance" (Si 51,10). La vie sacerdotale du Père Nicolas Bunkerd Kitbamrung fut un authentique hymne de louange au Seigneur. Homme de prière, le Père Nicolas se distingua par sa façon d'enseigner la foi, de chercher les non-pratiquants et dans sa charité envers les pauvres. Recherchant constamment à faire connaître le Christ à ceux qui n'avaient jamais entendu son nom, le Père Nicolas entreprit une difficile mission à travers les montagnes jusqu'en Birmanie. La force de sa foi apparut de façon visible lorsqu'il pardonna ceux qui l'avaient faussement accusé, privé de ses libertés et fait tant souffrir. En prison, le Père Nicolas réconforta ses compagnons de cellule, enseigna le catéchisme et administra les sacrements. Son témoignage du Christ illustra les paroles de saint Paul: "Nous sommes pressés de toute part, mais non pas écrasés; ne sachant qu'espérer, mais non désespérés; persécutés, mais non abandonnés; terrassés, mais non annihilés. Nous portons partout et toujours en notre corps les souffrances de mort de Jésus, pour que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre corps" (2Co 4,8-10). A travers l'intercession du Bienheureux Nicolas, puisse l'Eglise qui est en Thaïlande être bénie et renforcée dans l'oeuvre d'évangélisation et de service.

Maria Stella Mardosewicz et dix consoeurs (Pologne)

4. Dieu a été un véritable "soutien et protecteur" également pour les martyres de Nowogródek - pour la bienheureuse Maria Stella Mardosewicz et ses dix consoeurs, soeurs professes de la Congrégation de la Sainte Famille de Nazareth. Il fut pour elles un soutien durant toute leur vie, puis, au moment de la terrible épreuve, lorsque, pendant une nuit entière, elles attendirent la mort; il le fut surtout le long du chemin vers le lieu de l'exécution, et, à la fin, au moment où elles furent fusillées.

D'où puisèrent-elles la force de se donner en échange du salut des condamnés de la prison de Nowogródek? D'où tirèrent-elles l'audace d'accepter avec courage la condamnation à mort si cruelle et injuste? Dieu les avait préparées peu à peu à ce moment d'épreuve suprême. La semence de la grâce, plantée dans leur coeur au moment du saint baptême, puis cultivée avec un grand soin et responsabilité, s'enracina et donna le fruit le plus beau qui est le don de la vie. Le Christ dit: "Nul n'a plus grand amour que celui-ci: donner sa vie pour ses amis" (Jn 15,13). Non, il n'y a pas d'amour plus grand que celui-ci: être prêt à donner sa vie pour ses frères.

Nous vous remercions, ô bienheureuses martyres de Nowogródek, pour votre témoignage d'amour, pour votre exemple d'héroïsme chrétien et pour votre confiance dans la force de l'Esprit Saint. "C'est le Christ qui vous a choisis et qui vous a établis afin que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure" (cf. Jn 15,16). Vous êtes le plus grand héritage de la Congrégation de la Sainte Famille de Nazareth. Vous êtes l'héritage de toute l'Eglise du Christ pour toujours!

772 Pedro Calungsod (Philippines)

5. "Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est dans les cieux" (
Mt 10,32). Depuis son enfance, Pedro Calungsod s'est déclaré sans hésitation pour le Christ et a répondu avec générosité à son appel. Les jeunes d'aujourd'hui peuvent puiser un encouragement et une force de l'exemple de Pedro, dont l'amour de Jésus l'inspira à consacrer ses années d'adolescent à enseigner la foi en tant que catéchiste laïc. Quittant sa famille et ses amis, Pedro accepta le défi que lui proposa le Père Diego de San Vitores de le rejoindre à la Mission des Chamorros. Dans un esprit de foi, marqué par une profonde dévotion eucharistique et mariale, Pedro entreprit la tâche difficile qui lui était demandée et affronta avec courage les obstacles et les difficultés qu'il rencontra. Face au danger immédiat, Pedro n'abandonna pas le Père Diego, mais, en tant "que bon soldat du Christ", il préféra mourir aux côtés du missionnaire. Aujourd'hui, le bienheureux Pedro Calungsod intercède auprès des jeunes, en particulier ceux de sa terre natale des Philippines, et il leur lance un défi. Chers amis, n'hésitez pas à suivre l'exemple de Pedro, qui est "devenu agréable à Dieu, [...] a été aimé" (Sg 4,10) et qui, devenu parfait en si peu de temps, fournit une longue carrière (cf. ibid., v. 13).

André de Phú Yên (Viêt-nam)

6. "Celui qui se prononcera pour moi devant les hommes, moi aussi je me prononcerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux" (Mt 10,32). Cette parole du Seigneur, André, de Phú Yên, au Viêt-nam, l'a faite sienne avec une intensité héroïque. Depuis le jour où il reçut le Baptême, à l'âge de seize ans, il s'attacha à développer une profonde vie spirituelle. Au milieu des difficultés auxquelles étaient soumis ceux qui adhéraient à la foi chrétienne, il a vécu en témoin fidèle du Christ ressuscité et, sans relâche, il a annoncé l'Evangile à ses frères au sein de l'association des catéchistes "Maison Dieu". Par amour pour le Seigneur, il a consacré toutes ses forces au service de l'Eglise, assistant les prêtres dans leur mission. Il persévéra jusqu'au don du sang, pour demeurer fidèle à l'amour de Celui à qui il s'était donné totalement. Les paroles qu'il répétait en s'avançant résolument sur le chemin du martyre sont l'expression de ce qui anima toute son existence: "Rendons amour pour amour à notre Dieu, rendons vie pour vie".

Le bienheureux André, proto-martyr du Viêt-nam, est aujourd'hui donné en modèle à l'Eglise de son pays. Puissent tous les disciples du Christ trouver en lui force et soutien dans l'épreuve, et avoir le souci d'affermir leur intimité avec le Seigneur, leur connaissance du mystère chrétien, leur fidélité à l'Eglise et leur sens de la mission!

"Soyez donc sans crainte"

7. "Soyez donc sans crainte" (Mt 10,31). Telle est l'invitation du Christ. Telle est l'exhortation des nouveaux bienheureux, restés forts dans leur amour pour Dieu et pour leurs frères, même parmi les épreuves. L'invitation nous arrive comme un encouragement au cours de l'Année jubilaire, temps de conversion et de profond renouveau spirituel. Que les épreuves et les difficultés ne nous effrayent pas; que les obstacles ne nous ralentissent pas pour accomplir des choix courageux et cohérents avec l'Evangile!

Que pouvons-nous craindre si Dieu est avec nous? Pourquoi douter si nous restons du côté du Christ et prenons l'engagement et la responsabilité d'être ses disciples? Puisse la célébration du Jubilé nous renforcer dans cette volonté ferme de suivre l'Evangile. Les nouveaux bienheureux sont pour nous des exemples et nous offrent leur aide.

Que Marie, Reine des Martyrs, qui au pied de la Croix, à partagé jusqu'au bout le sacrifice de son Fils, nous soutienne dans le témoignage courageux de notre foi!



8 mars 2000, Mercredi des Cendres


Homélies St Jean-Paul II 750