Homélies St Jean-Paul II 772


BASILIQUE SAINTE SABINE SUR L’AVENTIN





1. "Dieu, crée pour moi un coeur pur,
773 restaure en ma poitrine un esprit ferme;
ne me repousse pas loin de ta face,
ne m'enlève pas ton esprit de sainteté" (
Ps 51 [50], 12-13).

Ainsi prie aujourd'hui, Mercredi des Cendres, le Psalmiste, le Roi David: roi grand et puissant en Israël, mais en même temps fragile et pécheur. L'Eglise, au début de ces quarante jours de préparation à la Pâque, place ses paroles sur les lèvres de tous ceux qui participent à l'austère liturgie du Mercredi des Cendres.

"Dieu, crée pour moi un coeur pur [...] ne m'enlève pas ton esprit de sainteté". Nous entendrons résonner cette invocation dans notre coeur, tandis que d'ici peu, nous nous approcherons de l'autel du Seigneur pour recevoir, selon une très antique tradition, les Cendres sur le front. Il s'agit d'un geste riche de rappels spirituels, un signe important de conversion et de renouveau intérieur. Il s'agit d'un rite liturgique simple, lorsqu'on le considère en soi, mais très profond en raison du contenu spirituel qu'il exprime: à travers lui, l'Eglise rappelle au croyant et au pécheur sa fragilité face au mal et, surtout, sa dépendance totale à la majesté infinie de Dieu.

La liturgie prévoit que le célébrant, en imposant les cendres sur le front des fidèles, prononce les paroles suivantes: "Souviens-toi que tu es poussière et que tu redeviendras poussière", ou encore, "Repentez-vous et croyez à l'Evangile".

2. "Souviens-toi que...tu redeviendras poussière".

L'existence terrestre est inscrite dès son début dans la perspective de la mort. Nos corps sont mortels, c'est-à-dire marqués par la perspective inéluctable de la mort. Nous vivons en ayant devant nous ce but; chaque jour qui passe nous rapproche de lui avec une progression irrésistible. Et la mort possède en elle quelque chose d'anéantissant. Avec la mort, il semble que tout finit pour nous. Et voici que, précisément face à une telle perspective désolante, l'homme conscient de son péché, pousse un cri d'espérance vers le ciel; O Dieu, "crée pour moi un coeur pur, restaure en ma poitrine un esprit ferme. Ne me repousse pas loin de ta face, ne m'enlève pas ton esprit de sainteté".

Aujourd'hui aussi, le croyant, qui se sent menacé par le mal et par la mort, invoque ainsi Dieu, en sachant qu'un destin de vie éternel lui est réservé. Il sait qu'il n'est pas seulement un corps condamné à la mort à cause du péché, mais qu'il possède également une âme immortelle. Il s'adresse donc à Dieu le Père qui a le pouvoir de créer à partir du néant; à Dieu Fils unique, qui s'est fait homme pour notre salut, qui est mort pour nous et à présent ressuscité, vit dans la gloire; à Dieu Esprit immortel, qui appelle à l'existence et redonne la vie.

"Crée pour moi un coeur pur, restaure en ma poitrine un esprit ferme". L'Eglise tout entière fait sienne cette prière du Psalmiste. Ce sont des paroles prophétiques qui pénètrent dans notre esprit, en ce jour particulier, avant l'itinéraire quadragésimal qui nous conduira à célébrer la Pâque du grand Jubilé de l'An 2000.


3. "Repentez-vous et croyez à l'Evangile". Cette invitation, que nous trouvons au début de la prédication de Jésus, nous introduit au temps du Carême, temps à consacrer de façon spéciale à la conversion et au renouveau, à la prière, au jeûne et aux oeuvres de charité. En rappelant l'expérience du peuple élu, nous nous apprêtons presque à reparcourir le même chemin qu'Israël accomplit à travers le désert vers la Terre promise. Nous arriverons nous aussi au but; nous ressentirons, après ces semaines de pénitence, la joie de la Pâque. Nos yeux, purifiés par la prière et la pénitence, pourront contempler avec une plus grande clarté le visage du Dieu vivant, vers lequel l'homme accomplit son pèlerinage le long des sentiers de l'existence terrestre.

774 "Ne me repousse pas loin de ta face, ne m'enlève pas ton esprit de sainteté", c'est précisément ainsi que prie cet homme, créé non pas pour la mort, mais pour la vie. Tout en étant conscient de ses faiblesses, il marche soutenu par la certitude des destins divins.

Que Dieu tout-puissant exauce les invocations de l'Eglise qui, aujourd'hui, dans la liturgie du Mercredi des Cendres, élève avec une plus grande confiance son âme vers le haut. Que le Seigneur miséricordieux nous accorde à tous d'ouvrir notre coeur au don de sa grâce, afin que nous puissions participer avec une nouvelle maturité au mystère pascal du Christ, notre unique Rédempteur.



12mars 2000, MESSE POUR LA JOURNÉE DU PARDON



Dimanche 12 mars 2000
1. "Nous vous en supplions au nom du Christ: laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n'avait pas connu le péché, Il l'a fait péché pour nous, afin qu'en lui nous devenions justice de Dieu" (2Co 5,20-21).


Ce sont des paroles de saint Paul, que l'Eglise relit chaque année, le Mercredi des Cendres, au début du Carême. Au cours du Carême, l'Eglise désire s'unir de façon particulière au Christ, qui, mû intérieurement par l'Esprit Saint, entreprit sa mission messianique en se rendant dans le désert et là, jeûna pendant quarante jours et quarante nuits (cf. Mc Mc 1,12-13).

Au terme de ce jeûne, il fut tenté par satan, comme le rapporte de façon synthétique, dans la liturgie d'aujourd'hui, l'évangéliste Marc (cf. 1, 13). Matthieu et Luc, au contraire, évoquent plus amplement ce combat du Christ dans le désert et de sa victoire définitive sur le tentateur: "Retire-toi, Satan! Car il est écrit: C'est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, et à Lui seul tu rendras un culte" (Mt 4,10).

Celui qui parle ainsi est Celui "qui n'avait pas connu le péché" (2Co 5,21), Jésus, "le Saint de Dieu" (Mc 1,24).


2. "Celui qui n'avait pas connu le péché, Il [Dieu] l'a fait péché pour nous" (2Co 5,21). Il y a peu de temps, au cours de la seconde Lecture, nous avons écouté cette affirmation surprenante de l'Apôtre. Que signifient ces paroles? Elles semblent un paradoxe, et effectivement, elles le sont. Comment Dieu, qui est la sainteté même, a-t-il pu "faire péché" son Fils unique, envoyé dans le monde? Et pourtant, c'est précisément ce que nous lisons dans le passage de la seconde Epître de saint Paul aux Corinthiens. Nous nous trouvons face à un mystère: mystère à première vue déconcertant, mais inscrit en lettres claires dans la Révélation divine.

Déjà dans l'Ancien Testament, le Livre d'Isaïe en parle avec une prévoyance inspirée dans le quatrième chant du Serviteur de Yahvé: "Tous, comme des moutons, nous étions errants, chacun suivant son propre chemin, et Yahvé a fait retomber sur lui nos fautes à nous" (Is 53,6).

Le Christ, le Saint, tout en étant absolument sans péché, accepte de prendre sur lui nos péchés. Il accepte pour nous racheter; il accepte d'assumer nos péchés, pour accomplir la mission reçue du Père, qui - comme l'écrit l'évangéliste Jean - "a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui [...] ait la vie éternelle" (Jn 3,16).


3. Face au Christ qui, par amour, a assumé nos fautes, nous sommes tous invités à un profond examen de conscience. L'un des éléments caractéristiques du grand Jubilé réside dans ce que j'ai qualifié de "purification de la mémoire" (Bulle Incarnationis mysterium, n. 11). Comme Successeur de Pierre, j'ai demandé que "en cette année de miséricorde, l'Eglise, forte de la sainteté qu'elle reçoit de son Seigneur, s'agenouille devant Dieu et implore le pardon des péchés passés et présents de ses fils" (ibid.). Ce premier dimanche de Carême m'a semblé une occasion propice afin que l'Eglise, recueillie spirituellement autour du Successeur de Pierre, implore le pardon divin pour les fautes de tous les croyants. Pardonnons et demandons pardon!

775 Cet appel a suscité dans la communauté ecclésiale une réflexion approfondie et utile, qui a conduit à la publication, ces jours derniers, d'un document de la Commission théologique internationale, intitulé: "Mémoire et réconciliation: l'Eglise et les fautes du passé". Je remercie tous ceux qui ont contribué à l'élaboration de ce texte. Celui-ci est très utile pour une juste compréhension et application de la véritable demande de pardon, fondée sur la responsabilité objective qui unit les chrétiens en tant que membres du Corps mystique, et qui pousse les fidèles d'aujourd'hui à reconnaître, avec les leurs, les fautes des chrétiens d'hier, à la lumière d'un discernement historique et théologique attentif. En effet, "en raison du lien qui, dans le Corps mystique, nous unit les uns aux autres, nous tous, bien que nous n'en ayons pas la responsabilité personnelle et sans nous substituer au jugement de Dieu qui seul connaît les coeurs, nous portons le poids des erreurs et des fautes de ceux qui nous ont précédés" (Incarnationis mysterium, n. 11). Reconnaître les déviations du passé sert à réveiller nos consciences face aux compromis du présent, ouvrant à chacun la voie de la conversion.


4. Pardonnons et demandons pardon! Tandis que nous rendons grâces à Dieu qui, dans son amour miséricordieux, a suscité dans l'Eglise une récolte merveilleuse de sainteté, d'ardeur missionnaire, de dévouement total au Christ et au prochain, nous ne pouvons manquer de reconnaître les infidélités à l'Evangile qu'ont commises certains de nos frères, en particulier au cours du second millénaire. Demandons pardon pour les divisions qui sont intervenues parmi les chrétiens, pour la violence à laquelle certains d'entre d'eux ont eu recours dans le service à la vérité, et pour les attitudes de méfiance et d'hostilité adoptées parfois à l'égard des fidèles des autres religions.

Confessons, à plus forte raison, nos responsabilités de chrétiens pour les maux d'aujourd'hui. Face à l'athéisme, à l'indifférence religieuse, au sécularisme, au relativisme éthique, aux violations du droit à la vie, au manque d'intérêt pour la pauvreté de nombreux pays, nous ne pouvons manquer de nous demander quelles sont nos responsabilités.

Pour la part que chacun d'entre nous, à travers ses comportements, a eue dans ces maux, contribuant à défigurer le visage de l'Eglise, nous demandons humblement pardon.

Dans le même temps, tandis que nous confessons nos fautes, nous pardonnons les fautes commises par les autres à notre égard. Au cours de l'histoire, en d'innombrables occasions, les chrétiens ont dû subir des vexations, des violences et des persécutions en raison de leur foi. L'Eglise d'aujourd'hui et de toujours se sent engagée à purifier la mémoire de ces tristes événements de tout sentiment de rancoeur ou de revanche. Le Jubilé devient ainsi pour tous une occasion propice pour une profonde conversion à l'Evangile. De l'accueil du pardon divin jaillit l'engagement au pardon des frères et à la réconciliation réciproque.


5. Mais que signifie pour nous le terme "réconciliation"? Pour en saisir le sens et la valeur exacte, il faut d'abord se rendre compte de la possibilité de la division, de la séparation. Oui, l'homme est la seule créature sur terre qui puisse établir une relation de communion avec son Créateur, mais elle est également l'unique à pouvoir s'en séparer. Malheureusement, l'homme s'est effectivement souvent éloigné de Dieu.

Heureusement, de nombreuses personnes, comme le fils prodigue, dont parle l'Evangile de Luc (cf.
Lc 15,13), après avoir abandonné la maison paternelle et dilapidé l'héritage reçu, touchent le fond, se rendent compte de ce qu'ils ont perdu (cf. Lc 15,13-17). Ils entreprennent alors la voie du retour: "Je veux partir, aller vers mon père et lui dire: Père, j'ai péché ..." (Lc 15,18).

Dieu, bien représenté par le père de la parabole, accueille chaque fils prodigue qui retourne vers Lui. Il l'accueille à travers le Christ, dans lequel le pécheur peut redevenir "juste" de la justice de Dieu. Il l'accueille, parce qu'il a fait péché en notre faveur son Fils éternel. Oui, ce n'est qu'à travers le Christ que nous pouvons devenir justice de Dieu (cf. 2Co 5,21).


6. "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique". Telle est, en synthèse, la signification du mystère de la rédemption du monde! Il faut se rendre compte jusqu'au bout de la valeur du grand don que le Père nous a fait en Jésus. Il faut que devant les yeux de notre âme se présente le Christ - le Christ du Gethsémani, le Christ flagellé, couronné d'épines, portant la Croix, et à la fin, crucifié. Le Christ a pris sur lui le poids des péchés de tous les hommes, le poids de nos péchés, afin que nous puissions, en vertu de son sacrifice salvifique, être réconciliés avec Dieu.

Saul de Tarse, devenu saint Paul, se présente aujourd'hui devant nous comme témoin: il a ressenti de façon singulière la puissance de la Croix sur la route de Damas. Le Ressuscité s'est manifesté à lui dans toute sa puissance aveuglante: "Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu?... Qui es-tu, Seigneur?... Je suis Jésus que tu persécutes" (Ac 9,4-5). Paul, qui ressentit si fortement la puissance de la Croix du Christ, s'adresse aujourd'hui à nous à travers une fervente prière: "Nous vous exhortons à ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu". Cette grâce nous est offerte, insiste saint Paul, par Dieu lui-même, qui nous dit aujourd'hui: "Au moment favorable, je t'ai exaucé; au jour du salut, je t'ai secouru" (2Co 6,1-2).

Que Marie, Mère du pardon, nous aide à accueillir la grâce du pardon que le Jubilé nous offre avec abondance. Qu'elle fasse que le Carême de cette extraordinaire Année Sainte soit pour tous les croyants et pour chaque homme qui recherche Dieu, le moment favorable, le temps de la réconciliation, le temps du salut!

776 19 mars 2000, Jubilé des Artisans

Dimanche, 19 Mars 2000





1. Dieu, "n'a pas épargné son propre Fils mais l'a livré pour nous tous, comment avec lui ne nous accordera-t-il pas toute sa faveur?" (
Rm 8,32).

C'est l'Apôtre Paul, dans l'Epître aux Romains, qui pose cette question, de laquelle ressort avec clarté le thème central de la liturgie d'aujourd'hui: le mystère de la paternité de Dieu. Ensuite, dans le passage évangélique, c'est le Père éternel lui-même qui se présente à nous lorsque, du nuage lumineux qui entoure Jésus et les Apôtres sur le Mont de la Transfiguration, il fait entendre sa voix en admonition: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le!" (Mc 9,7). Pierre, Jacques et Jean ont l'intuition - ils comprendront mieux par la suite - que Dieu leur a parlé en se révélant lui-même, ainsi que le mystère de sa réalité la plus intime.

Après la résurrection, ils apporteront dans le monde avec les autres Apôtres l'annonce bouleversante: dans son Fils qui s'est incarné, Dieu s'est fait proche de chaque homme comme Père miséricordieux. En Lui, chaque être humain est enveloppé par l'étreinte tendre et forte d'un Père.

2. Cette annonce s'adresse également à vous, très chers artisans, venus à Rome de toutes les parties du monde pour célébrer votre Jubilé. Dans la redécouverte de cette réalité réconfortante - Dieu est Père - vous êtes soutenus par votre patron céleste, saint Joseph, artisan comme vous, homme juste et gardien fidèle de la Sainte Famille.

Vous vous tournez vers lui comme vers un exemple de diligence et d'honnêteté dans le travail quotidien. En lui, vous cherchez tout d'abord le modèle d'une foi sans réserve et d'une obéissance constante à la volonté du Père céleste.

Aux côtés de saint Joseph, vous rencontrez le Fils de Dieu lui-même qui, sous sa direction, apprend l'art du menuisier et l'exerce jusqu'à trente ans, proposant dans sa propre personne "l'Evangile du travail".

Au cours de son existence terrestre, Joseph devient ainsi l'humble reflet travailleur de cette paternité divine qui sera révélée aux Apôtres sur le mont de la Transfiguration. La liturgie de ce second Dimanche de Carême nous invite à réfléchir avec une plus grande attention sur le mystère. C'est le Père céleste lui-même qui nous prend presque par la main pour nous guider dans cette méditation.

Le Christ est le Fils bien-aimé du Père! C'est surtout cette parole "bien-aimé" qui, répondant à nos interrogations, lève d'une certaine façon le voile sur le mystère de la paternité divine. En effet, elle nous fait connaître l'amour infini du Père pour le Fils et, dans le même temps, nous révèle sa "passion" pour l'homme, pour le salut duquel Il n'hésite pas à donner ce Fils tant aimé. Chaque être humain peut désormais savoir qu'il est en Jésus, Verbe incarné, l'objet d'un amour sans limites de la part du Père céleste.

3. Une contribution supplémentaire à la connaissance de ce mystère nous est offerte par la première Lecture, tirée du Livre de la Genèse. Dieu demande à Abraham le sacrifice de son fils: "Prends ton fils, ton unique, que tu chéris, Isaac, et va-t'en au pays de Moriyya, et là tu l'offriras en holocauste sur une montagne que je t'indiquerai" (Gn 22,2). Le coeur brisé, Abraham se dispose à exécuter l'ordre de Dieu. Mais lors-qu'il s'apprête à abattre sur son fils le couteau du sacrifice, le Seigneur l'arrête et à travers un ange lui dit: "N'étends pas la main contre l'enfant! Ne lui fait aucun mal! Je sais maintenant que tu crains Dieu: tu ne m'as pas refusé ton fils, ton unique" (Gn 22,12).

777 A travers les événements d'une paternité humaine soumise à une épreuve dramatique, est ici révélée une autre paternité, celle qui est fondée sur la foi. C'est précisément en vertu du témoignage extraordinaire de foi, offert en cette circonstance, qu'Abraham obtient la promesse d'une descendance nombreuse: "Par ta postérité se béniront toutes les nations de la terre, parce que tu m'a obéi" (Gn 22,18). Grâce à sa confiance inconditionnelle dans la Parole de Dieu, Abraham devient le père de tous les croyants.

4. Dieu le Père "n'a pas épargné son propre Fils mais l'a livré pour nous tous" (Rm 8,32). Abraham, en acceptant d'immoler Isaac, préannonce le sacrifice du Christ pour le salut du monde. L'exécution effective du sacrifice, qui fut épargnée à Abraham, aura lieu avec Jésus-Christ. C'est lui-même qui en informe les Apôtres: en descendant du mont de la Transfiguration, Il leur ordonne de ne pas raconter ce qu'ils ont vu, avant que le Fils de l'homme ne soit ressuscité d'entre les morts. L'évangéliste ajoute: "Ils gardèrent la recommandation, tout en se demandant entre eux ce que signifiait "ressusciter d'entre les morts"" (Mc 9,10).

Les disciples ont eu l'intuition que Jésus est le Messie et qu'en Lui s'accomplit le salut. Mais ils ne réussissent pas à comprendre pourquoi il parle de passion et de mort: ils n'acceptent pas que l'amour de Dieu puisse se cacher derrière la Croix. Et pourtant, là où les hommes verront seulement une mort, Dieu manifestera sa gloire en ressuscitant son Fils; là où les hommes prononceront des paroles de condamnation, Dieu accomplira son mystère de salut et d'amour envers le genre humain.

Telle est la leçon que chaque génération chrétienne doit recommencer à apprendre. Chaque génération: la nôtre également! C'est là que se trouve la raison de notre chemin de conversion en ce temps singulier de grâce. Le Jubilé illumine toute la vie et l'expérience des hommes. Même la difficulté et la lourdeur du travail quotidien reçoivent dans la foi dans le Christ mort et ressuscité une nouvelle lumière d'espérance. Elles se révèlent comme des éléments significatifs du dessein de salut que le Père céleste est en train d'accomplir à travers la Croix du Fils.

5. Chers artisans, forts de cette conscience vous pouvez redonner de la force et un caractère concret à ces valeurs qui caractérisent depuis toujours votre activité: l'aspect qualitatif, l'esprit d'initiative, la promotion des capacités artistiques, la liberté et la coopération, le rapport correct entre la technologie et l'environnement, le respect de la famille, les relations de bon voisinage. La civilisation des artisans a su construire, par le passé, de grandes occasions de rencontre entre les peuples et elle a transmis aux époques successives des synthèses admirables de culture et de foi.

Le mystère de la vie de Nazareth, dont saint Joseph, patron de l'Eglise est votre protecteur, a été le gardien fidèle et le sage témoin, il est l'icône de cette admirable synthèse entre vie de foi et travail humain, entre croissance personnelle et engagement de solidarité.

Très chers artisans, vous êtes venus ici aujourd'hui pour célébrer votre Jubilé. Puisse la lumière de l'Evangile illuminer toujours plus votre expérience quotidienne de travail. Le Jubilé vous offre l'occcasion de rencontrer Jésus, Joseph et Marie, en entrant dans leur maison et dans l'humble atelier de Nazareth. A l'école singulière de la Sainte Famille, on apprend les réalités essentielles de la vie et on approfondit la signification du fait de suivre Jésus. Nazareth enseigne à surmonter la contradiction apparente entre vie active et contemplative; elle invite à grandir dans l'amour de la vérité divine qui rayonne de l'humanité du Christ et à exercer avec courage le service exigeant de la protection du Christ présent en chaque homme (cf. Redemptoris custos, n. 27).

6. Nous franchissons donc, dans un pèlerinage de l'esprit, le seuil de la maison de Nazareth, l'humble habitation que j'aurai la joie de visiter, si Dieu le veut, la semaine prochaine, au cours de mon pèlerinage jubilaire en Terre Sainte. Arrêtons-nous pour contempler Marie, témoin de la réalisation de la promesse faite au Seigneur "en faveur d'Abraham et de sa postérité" (Lc 1,54-55).

Que ce soit Elle, avec Joseph, son chaste époux, qui vous aide, chers artisans, à rester sans cesse à l'écoute de Dieu, en unissant prière et travail. Puissent-ils vous soutenir dans vos propos jubilaires de fidélité chrétienne renouvelée, et faire en sorte que, à travers vos mains, se prolonge en quelque sorte l'oeuvre créatrice et providentielle de Dieu.

Que la Sainte Famille, lieu de l'entente et de l'amour, vous aide à être capables de gestes de solidarité, de paix et de pardon. Vous serez ainsi des annonciateurs de l'amour infini de Dieu le Père, riche de miséricorde et de bonté envers tous. Amen.

21 mars 2000, Messe dans le Stade de Amman - Jordanie
778 Mardi 21 mars 2000


"Une voix crie: "Dans le désert, frayez le chemin de Yahvé; dans la steppe, applanissez une route pour notre Dieu"" (
Is 40,3).

Votre Béatitude, chers frères dans l'épiscopat et le sacerdoce,
Frères et soeurs,

1. Les paroles du prophète Isaïe, que l'Evangéliste applique à Jean le Baptiste, nous rappelle le chemin que Dieu a tracé à travers les temps dans son désir d'enseigner et de sauver son peuple. Aujourd'hui, dans le cadre de de mon pèlerinage jubilaire qui m'amène à prier dans certains lieux liés aux interventions salvifiques de Dieu, la Divine Providence m'a conduit en Jordanie. Je salue Sa Béatitude Michel Sabbah, et je le remercie pour ses aimables paroles de bienvenue. J'embrasse cordialement l'Exarque grec-melkite Georges El-Murr et tous les membres de l'Assemblée des ordinaires catholiques de Terre Sainte, ainsi que les représentants des autres Eglises et communautés ecclésiales. Je suis reconnaissant aux autorités civiles qui ont voulu honorer notre célébration de leur présence.

Le Successeur de Pierre est un pèlerin sur cette terre bénie par la présence de Moïse et Elie, où Jésus lui-même a enseigné et accompli des miracles (cf. M 10, 1; Jn 10,40-42), où l'Eglise du début a apporté un témoignage dans la vie de nombreux saints et martyrs. En cette année du grand Jubilé, toute l'Eglise, et en particulier aujourd'hui la communauté chrétienne de Jordanie, sont unies spirituellement dans un pèlerinage aux origines de notre foi, un pèlerinage de conversion et de repentir, de réconciliation et de paix.

Nous cherchons un guide pour nous montrer le chemin. Et voilà que vient à notre rencontre la figure de Jean le Baptiste, une voix qui crie dans le désert (cf. Lc 3,4). Il nous indiquera le chemin que nous devons emprunter si nous voulons que nos yeux voient "le salut de Dieu" (Lc 3,6). Avec lui comme guide, nous accomplissons notre itinéraire de foi afin de voir plus clairement le salut que Dieu a accompli à travers une histoire, qui remonte à Abraham. Jean le Baptiste était le dernier de la lignée des prophètes qui ont maintenu vive et alimenté l'espérance du Peuple de Dieu. En Lui, le temps de la plénitude est accompli.


2. La semence de cette espérance était la promesse faite à Abraham lorsqu'il fut appelé à quitter tout ce qui lui était familier et à suivre un Dieu qu'il ne connaissait pas (cf. Gn Gn 12,1-3). En dépit de sa richesse, Abraham était un homme vivant dans l'ombre de la mort, car il n'avait ni fils, ni terre (cf. Gn 15,2). La promesse semblait vaine, car Sarah était stérile et la terre appartenait à d'autres. Mais Abraham plaça néammoins sa foi en Dieu. "Espérant contre toute espérance, il crut" (Rm 4,18).

Aussi impossible que cela semblât, Isaac naquit de Sarah, et Abraham reçut une terre. Et, à travers Abraham et ses descendants, la promesse devint une bénédiction à "toutes les familles de la terre" (Gn 12,3 Gn 18,18).


3. Cette promesse fut scellée lorsque Dieu parla à Moïse du Mont Sinaï. Ce qui se passa entre Moïse et Dieu sur la Montagne Sainte modela l'histoire du salut qui suivit comme une Alliance d'amour entre Dieu et l'homme - une Alliance qui exige obéissance mais qui promet la liberté. Les Dix Commandements gravés dans la pierre sur le Sinaï, - mais inscrits dans le coeur humain depuis le début de la création - sont la divine pédagogie de l'amour, indiquant le seul chemin sûr pour accomplir nos aspirations les plus profondes: la quête irrésistible de l'esprit humain vers le bien, la vérité et l'harmonie.

Pendant quarante ans, le peuple a marché jusqu'à ce qu'il arrive sur cette terre. Moïse, "que Yahvé connaissait face à face" (Dt 34,10), devait mourir sur le Mont Nébo et être enterré "dans la vallée, au pays de Moab[...] jusqu'à ce jour nul n'a connu son tombeau" (Dt 34,5-6). Mais L'alliance et la Loi qu'il reçut de Dieu vivent pour toujours.

779 De temps à autre, les prophètes devaient défendre la Loi et l'Alliance contre ceux qui établissaient des normes et des règles humaines se plaçant au-dessus de la volonté de Dieu; et donc imposaient un nouvel esclavage aux peuples (cf. Mc Mc 6,17-18). La ville d'Amman elle-même - Rabba dans l'Ancien Testament - rappelle les péchés du Roi David qui provoqua la mort d'Urie et qui prit sa femme Bethsabée, car c'est là qu'Urie mourut (2S 11,1-17). "Ils lutteront contre toi", dit Dieu à Jérémie dans la première Lecture que nous avons écoutée aujourd'hui, "mais ne pourront rien contre toi car je suis avec toi [...] pour te délivrer" (Jn 1,19). Parce qu'ils ont dénoncé ceux qui ne respectèrent pas l'Alliance, certains prophètes, dont le Baptiste, payèrent de leur sang. Mais grâce à la promesse divine - "Je suis avec toi [...] pour te délivrer", ils sont demeurés solides "comme ville fortifiée, colonne de fer et rempart de bronze" (Jr 1,18), proclamant la Loi de la vie et du salut, l'amour qui ne faillit jamais.


4. Dans la plénitude du temps, au fleuve Jourdain, Jean le Baptiste indique Jésus, celui sur lequel l'Esprit de Dieu descend comme une colombe (cf. Lc 3,22), celui qui baptise non pas avec l'eau, mais "dans l'Esprit Saint et le feu" (Lc 3,16). Les cieux se sont ouverts et nous entendons la voix du Père: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur" (Mt 3,17). En lui, le Fils de Dieu, s'accomplissent la promesse faite à Abraham et la Loi donnée à Moïse.

Jésus est la réalisation de la promesse. Sa mort sur la Croix et sa Résurrection conduisent à la victoire définitive de la vie sur la mort. A travers la Résurrection, les portes du Paradis sont ouvertes, et nous pouvons marcher une fois de plus dans le Jardin de la Vie. Dans le Seigneur ressuscité, nous obtenons "sa miséricorde - selon qu'il l'avait annoncé à nos pères - en faveur d'Abraham et de sa postérité à jamais!" (Lc 1,54-55).

Jésus est l'accomplissement de la Loi. Seul, le Christ ressuscité révèle la pleine signification de tout ce qui a eu lieu au bord de la Mer Rouge et sur le Mont Sinaï. Il a révélé la véritable nature de la Terre promise, où "de mort, il n'y en aura plus" (Ap 21,4). Car il est le "premier-né d'entre les morts" (Col 1,18), le Seigneur ressuscité est le but de notre pèlerinage: "L'Alpha et l'Oméga, le Premier et le Dernier, le Principe et la Fin" (Ap 22,13).


5. Au cours des cinq dernières années, l'Eglise qui est dans cette région a célébré le Synode pastoral des Eglises de Terre Sainte. Toutes les Eglises catholiques ont marché avec Jésus et entendu à nouveau son appel, préparant ainsi le chemin à parcourir dans un Plan pastoral général. Au cours de cette liturgie solennelle, je reçois avec joie les fruits du Synode comme un signe de votre foi renouvelée et de votre engagement généreux. Le Synode a été une expérience profondément vécue de communion avec le Seigneur, et également d'intense communion ecclésiale, comme les disciples réunis autour des apôtres lors de la naissance de l'Eglise (cf. Ac Ac 2 Ac 42 Ac 4,32). Le Synode a souligné clairement que votre avenir réside dans l'unité et la solidarité. Je prie aujourd'hui, et j'invite toute l'Eglise à prier avec moi, pour que le travail du Synode conduise à un renforcement des liens de communion et de coopération entre les communautés catholiques locales dans toute la richesse de leur variété, entre toutes les Eglises et les communautés ecclésiales chrétiennes, et entre les chrétiens et les autres grandes religions qui fleurissent ici. Puissent les ressources de l'Eglise - les familles, les paroisses, les écoles, les associations laïques, les mouvements de jeunes - faire de l'unité et de l'amour leur objectif suprême! Il n'y a pas de façon plus efficace de participer socialement, professionnellement et politiquement, à l'oeuvre de justice, de réconciliation et de paix, qui est ce à quoi le Synode a appelé.

Aux évêques et prêtres, je dis: Soyez de bons pasteurs selon le coeur du Christ! Guidez le troupeau qui vous est confié le long du chemin qui mène aux verts pâturages de son Royaume! Renforcez la vie pastorale de vos communautés à travers une collaboration nouvelle et plus dynamique avec les religieux et les laïcs. Dans les difficultés de votre ministère, placez votre confiance dans le Seigneur. Rapprochez-vous de lui dans la prière, et il sera votre lumière et votre joie. L'Eglise tout entière vous remercie pour votre dévouement et pour la mission de foi que vous accomplissez dans vos diocèses et dans vos paroisses.

Aux religieux et aux religieuses, j'exprime l'immense gratitude de l'Eglise pour leur témoignage de la primauté de Dieu en toutes choses! Continuez de resplendir comme des phares de l'amour évangélique qui surmonte tous les obstacles! Aux laïcs, je dis: N'ayez pas peur d'occuper votre place et d'assumer votre responsabilité dans l'Eglise! Soyez de courageux témoins de l'Evangile dans vos familles et dans la société!

A l'occasion de la Fête des Mères en Jordanie, je présente mes voeux aux mères ici présentes, et j'invite toutes les mères à édifier une nouvelle civilisation de l'amour. Aimez vos familles. Enseignez-leur la dignité de la vie; enseignez-leur les voies de l'harmonie et de la paix; enseignez-leur la valeur de la foi, la prière et du bien! Chers jeunes, le chemin de la vie s'ouvre à vous. Edifiez votre avenir sur la base solide de l'amour de Dieu, et demeurez toujours unis dans l'Eglise du Christ! Aidez à transformer le monde autour de vous, en donnant le meilleur de vous-même au service des autres et de votre pays.

Et aux enfants faisant leur première communion, je dis: Jésus est votre meilleur ami; il sait ce qu'il y a dans vos coeurs. Restez proches de lui et dans vos prières, souvenez-vous de l'Eglise et du Pape.


6. En cette année du grand Jubilé, tout le peuple pèlerin de Dieu retourne en esprit aux lieux liés à l'histoire de notre salut. Après avoir suivi les traces d'Abraham et de Moïse, notre pèlerinage a atteint à présent les terres où notre Seigneur Jésus-Christ a vécu et voyagé au cours de sa vie terrestre. "Après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux Pères par les prophètes, Dieu, en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils" (He 1,1-2). Dans le Fils, toutes les promesses ont été remplies Il est le Redemptor hominis, le Rédempteur de l'homme, l'espérance du monde! En vous souvenant de tout cela, que toute la communauté chrétienne de Jordanie soit toujours plus solide dans sa foi et généreuse dans son service d'amour.
Puisse la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de l'Eglise, vous guider et vous protéger sur votre chemin! Amen.



780 22 mars 2000, Messe Place de la Mangeoire à Bethléem
Mercredi 22 mars 2000




"Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné [...] et on lui a donné ce nom "Conseiller-merveilleux, Dieu-fort, [...] Prince-de-la-paix" (
Is 9,5).

Monsieur le Président, merci de votre présence et de celle des représentants des autorités civiles.
Béatitude, chers frères cardinaux, Vénérés frères dans l'épiscopat et le sacerdoce.
Très chers frères et soeurs,

1. Les paroles du prophète Isaïe annoncent la venue du Sauveur dans le monde. Cette grande promesse s'est accomplie ici, à Bethléem. Pendant deux mille ans, génération après génération, les chrétiens ont prononcé le nom de Bethléem avec une profonde émotion et une joyeuse gratitude. Comme les pasteurs et les Rois mages, nous sommes venus nous aussi trouver l'Enfant "enveloppé de langes et couché dans une crèche" (Lc 2,12). Comme beaucoup de pèlerins avant nous, nous nous agenouillons remplis d'émerveillement et en adoration face au mystère ineffable qui s'est accompli ici.

Lors du premier Noël de mon ministère de Successeur de l'Apôtre Pierre j'ai publiquement exprimé mon grand désir de célébrer le début de mon pontificat à Bethléem, dans la grotte de la Nativité (cf. Homélie lors de la Messe de Minuit, 24 décembre 1978, n. 3). Cela ne fut alors pas possible; et cela n'a pas été possible jusqu'à présent. Aujourd'hui, cependant, comment ne puis-je pas louer le Dieu de toute miséricorde, dont les voies sont mystérieuses et dont l'amour est sans fin, comment ne puis-je pas louer Dieu pour m'avoir conduit ici, en l'année du grand Jubilé, sur le lieu où est né le Sauveur? Bethléem est le centre de mon pèlerinage jubilaire. Les sentiers que j'ai suivis m'ont conduit à ce lieu et au mystère qu'il proclame, la Nativité.

Je remercie le Patriarche Michel Sabbah de ses aimables paroles de bienvenue et j'embrasse cordialement tous les membres de l'Assemblée des Ordinaires catholiques de la Terre Sainte. La présence, sur le lieu qui a vu la naissance de la chair du Fils de Dieu, de toutes les Communautés catholiques de rite oriental, qui composent la riche mosaïque de notre catholicité, est significative. Avec affection dans le Seigneur je salue les représentants des Eglises orthodoxes et de toutes les Communautés ecclésiales présentes en Terre Sainte.

Je suis reconnaissant aux responsables de l'Autorité palestinienne qui participent à notre célébration et s'unissent à nous dans la prière pour le bien-être du peuple palestinien.


2. "Soyez sans crainte, car voici que je vous annonce une grande joie, qui sera celle de tout le peuple: aujourd'hui vous est né un Sauveur, qui est le Christ Seigneur" (Lc 2,10-11).

781 La joie annoncée par l'ange n'est pas quelque chose qui appartient au passé. Il s'agit d'une joie d'aujourd'hui, de l'aujourd'hui éternel du salut de Dieu, qui comprend tous les temps, passé, présent et futur. A l'aube du nouveau millénaire nous sommes appelés à comprendre plus clairement que le temps à un sens, car ici l'éternel est entré dans l'histoire et reste avec nous pour toujours. Les paroles de Bède le Vénérable expriment clairement ce concept: "Aujourd'hui encore, et chaque jour jusqu'à la fin des temps, le Seigneur sera sans cesse conçu à Nazareth et naîtra à Bethléem" (In Ev. S. Lucae, 2; PL 92, 330). De même que dans cette ville c'est toujours Noël, chaque jour c'est Noël dans le coeur des chrétiens. Chaque jour nous sommes appelés à proclamer le message de Bethléem au monde - "la bonne nouvelle d'une grande joie": le Verbe Eternel, "Dieu de Dieu, Lumière de la lumière?", s'est fait chair et est venu habiter parmi nous (cf. Jn 1,14).

L'enfant à peine né, sans défense et entièrement dépendant des soins de Marie et de Joseph, confié à leur amour, est toute la richesse du monde. Il est notre tout!

Dans cet enfant, le Fils qui nous a été donné, nous trouvons le repos pour nos âmes et le vrai pain qui ne vient jamais à manquer, le Pain-Eucharistique annoncé également par le nom même de cette ville: Beth-lehem, la maison du pain. Dieu est caché dans l'enfant; la divinité est cachée dans le Pain de la Vie. Adoro te devote latens Deitas! Quae sub his figuris vere latitas!


3. Le grand mystère de la kénose divine, l'oeuvre de notre rédemption qui se déploie dans la faiblesse: ce n'est pas une vérité facile. Le Sauveur est né la nuit, dans le noir, dans le silence et dans la pauvreté de la grotte de Bethléem. "Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière; sur les habitants du sombre pays, une lumière a resplendi" (Is 9,1). Nous sommes dans un lieu qui a connu le "joug" et le "baton" de l'oppresssion. Combien de fois a-t-on entendu dans ces rues le cri des innocents! Même la grande église édifiée sur le lieu où est né le Sauveur apparaît comme une forteresse frappée par les attaques du temps. Le berceau de Jésus est toujours à l'ombre de la Croix. Le silence et la pauvreté de la naissance à Bethléem sont une seule chose avec l'obscurité et la douleur de la mort sur le Calvaire. Le berceau et la Croix sont le même mystère de l'amour qui rachète; le corps que Marie a déposé dans la mangeoire est le même corps sacrifié sur la Croix.


4. Où se trouve donc le royaume du "Conseiller-merveilleux, Dieu et Prince- de-la-Paix" dont parle le prophète Isaïe? Quel est le pouvoir auquel se réfère Jésus lui-même lorsqu'il affirme: "Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre" (Mt 28,18)? Le Royaume du Christ "n'est pas de ce monde" (Jn 18,36). Son Royaume n'est pas le déploiement de force, de richesse et de conquête qui semble forger l'histoire humaine. Au contraire, il s'agit du pouvoir de vaincre le Malin, de la victoire définitive sur le péché et sur la mort. C'est le pouvoir de guérir les blessures qui défigurent l'image du Créateur dans ses créatures. Le pouvoir du Christ est le pouvoir qui transforme notre faible nature humaine et nous rend capable, à travers la grâce de l'Esprit Saint, de vivre en paix les uns avec les autres et en communion avec Dieu. "Mais à tout ceux qui l'ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu" (Jn 1,12). Tel est le message de Bethléem, aujourd'hui et à jamais. Tel est le don extraordinaire que le Prince de la Paix a apporté au monde il y a deux mille ans.


5. Dans cette paix, je salue tout le peuple palestinien, conscient comme je le suis de l'importance de ce moment de votre histoire. Je prie afin que le Synode pastoral qui vient de se conclure, et auquel ont participé toutes les Eglises catholiques, vous donne du courage et renforce entre vous les liens de l'unité et de la paix. De cette façon vous serez des témoins toujours plus efficaces de la foi, en édifiant l'Eglise et en servant le bien commun. J'offre le saint baiser aux chrétiens des autres Eglises et Communautés ecclésiales. Je salue la communauté musulmane de Bethléem et je prie pour une nouvelle ère de compréhension et de coopération entre tous les peuples de Terre Sainte.

Aujourd'hui, nous nous tournons vers un moment d'il y a deux mille ans, mais en esprit nous embrassons toute les temps. Nous sommes réunis dans un seul lieu, mais nous incluons le monde entier. Nous célébrons un enfant qui vient de naître, mais nous nous serrons contre tous les hommes et toutes les femmes de chaque lieu. Aujourd'hui, de la Place de la Mangeoire, nous proclamons, nous proclamons avec force à chaque époque, en chaque lieu et à chaque personne: "Que la paix soit avec vous! Ne craignez rien!". Ces paroles retentissent dans toutes les pages de l'Ecriture. Ce sont des paroles divines prononcées par Jésus lui-même après être ressuscité des morts: "Ne craignez point!" (Mt 28,10). Ce sont les mêmes paroles que l'Eglise vous adresse aujourd'hui. Ne craignez pas de sauvegarder votre présence et votre patrimoine chrétien sur le lieu même où le Sauveur est né.

Dans la grotte de Bethléem, pour reprendre les paroles de saint Paul dans la seconde Lecture d'aujourd'hui, "la grâce de Dieu s'est manifestée" (Tt 2,11). Dans l'Enfant qui est né, le monde a reçu "la miséricorde promise à nos pères, à Abraham et à sa postérité à jamais" (cf. Lc 1,54-55). Eblouis par le Mystère du Verbe éternel qui s'est fait chair, laissons de côté toute crainte et devenons comme les anges, en glorifiant Dieu qui offre ces dons au monde. Avec le choeur céleste nous chantons "un chant nouveau" (Ps 96,1).

"Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur terre aux hommes qu'il aime" (Lc 2,14).

Ô Enfant de Bethléem, Fils de Marie et Fils de Dieu, Seigneur de tous les temps et Prince de la Paix, "le même hier, aujourd'hui et à jamais" (He 13,8): alors que nous avançons vers le nouveau millénaire, guéris nos blessures, renforce nos pas, ouvre notre coeur et notre esprit aux "sentiments de miséricorde de notre Dieu, dans lesquels nous a visités l'Astre d'en haut" (Lc 1,78).
Amen.

782 23 mars 2000, Concélébration en privé dans la chapelle du Cénacle de Jérusalem

Jeudi 23 mars 2000



1. "Ceci est mon Corps".

Réunis dans la Salle supérieure, nous avons écouté le récit évangélique de la Dernière Cène. Nous avons entendu les paroles qui émergent des profondeurs du mystère de l'Incarnation du Fils de Dieu. Jésus prend le pain, le bénit et le rompt, puis il le donne à ses disciples en disant: "Ceci est mon Corps". L'alliance de Dieu avec son peuple va atteindre son sommet dans le sacrifice de son Fils, le Verbe éternel qui s'est fait chair. Les antiques prophéties vont s'accomplir: "Tu n'as voulu ni sacrifice, ni oblation; mais tu m'as façonné un corps [...] Voici, je viens, pour faire, ô Dieu ta volonté" (
He 10,5-7). Dans l'Incarnation, le Fils de Dieu, de Celui qui est un avec le Père, est devenu homme et a reçu un corps de la Vierge Marie. A présent, au cours de la nuit précédant sa mort, il dit à ses disciples: "Ceci est mon corps, offert en sacrifice pour vous".

C'est avec une profonde émotion que nous écoutons encore une fois les paroles prononcées ici, dans la Salle supérieure, il y a deux mille ans. Depuis cette époque, elles ont été répétées, génération après génération, par ceux qui partagent le sacerdoce du Christ à travers le Sacrement de l'Ordre Sacré. De cette façon, le Christ lui-même répète constamment ces paroles, à travers la voix de ses prêtres, dans chaque lieu du monde.

2. "Ceci est la coupe de mon sang, le sang de l'alliance nouvelle et éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. Vous ferez cela en mémoire de moi".

Obéissant au commandement du Christ, l'Eglise répète chaque jour ces paroles lors de la célébration de l'Eucharistie. Des paroles qui émergent de la profondeur du mystère de la Rédemp-tion. Lors de la célébration de la Cène pascale dans la Salle supérieure, Jésus prit le calice rempli de vin, le bénit et le donna à ses disciples. Cela faisait partie du rite pascal de l'Ancien Testament. Toutefois, le Christ, le Prêtre de l'alliance nouvelle et éternelle, utilisa ces paroles pour proclamer le mystère salvifique de sa Passion et de sa mort. Sous les espèces du pain et du vin, il a institué les signes sacramentels du Sacrifice de son Corps et de son Sang.

"Tu nous as rachetés par ta croix et ta résurrection. Sauve-nous, ô Sauveur du monde". Lors de chaque Messe, nous proclamons ce "mystère de la foi", qui, pendant deux mille ans, a alimenté et soutenu l'Eglise, alors qu'elle accomplit son pèlerinage entre les persécutions du monde et le réconfort de Dieu, proclamant la croix et la mort du Seigneur jusqu'à sa venue (cf. Lumen gentium LG 8). D'une certaine manière, Pierre et les Apôtres, en la personne de leurs Successeurs, sont revenus aujourd'hui dans la Salle supérieure, pour professer la foi éternelle de l'Eglise: "Le Christ est mort, le Christ est ressuscité, le Christ reviendra".

3. En effet, la première lecture de la liturgie d'aujourd'hui nous ramène à la vie de la première communauté chrétienne. Les disciples étaient "assidus à l'enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières" (Ac 2,42).

Fractio panis. L'Eucharistie est aussi bien un banquet de communion dans l'alliance nouvelle et éternelle, que le sacrifice qui rend présent la puissance salvifique de la croix. Dès le début, le mystère eucharistique a toujours été lié à l'enseignement, aux disciples des Apôtres et à la proclamation de la Parole de Dieu, annoncée tout d'abord par les Prophètes et, à présent, une fois pour toutes, en Jésus-Christ (cf. He He 1,1-2). Partout sont prononcées les paroles "ceci est mon Corps" et est invoqué l'Esprit Saint; l'Eglise est renforcée dans la foi des Apôtres et dans l'unité qui a son origine et son lien dans l'Esprit Saint.

4. Saint Paul, l'Apôtre des nations, a clairement compris que l'Eucharistie, en tant que partage du Corps et du Sang du Christ, est également un mystère de communion spirituelle dans l'Eglise.

783 "Parce qu'il n'y a qu'un pain, à plusieurs nous ne sommes qu'un corps" (1Co 10,17). Dans l'Eucharistie, le Christ, le Bon Pasteur, qui a donné sa vie pour le troupeau, reste présent dans son Eglise. Qu'est-ce que l'Eucharistie, si ce n'est la présence sacramentelle du Christ en ceux qui partagent l'unique pain et l'unique calice? Cette présence est la plus grande richesse de l'Eglise.

A travers l'Eucharistie, le Christ édifie l'Eglise. Les mains qui ont rompu le pain pour les disciples au cours de la Dernière Cène devaient s'ouvrir sur la croix pour réunir chaque peuple autour de Lui dans le Royaume éternel du Père. A travers la célébration de l'Eucharistie, Il ne cesse jamais de conduire les hommes et les femmes à devenir des membres effectifs de son Corps.

5. "Le Christ est mort, le Christ est ressuscité, le Christ reviendra".

Tel est le "mystère de la foi" que nous proclamons dans chaque célébration eucharistique. Jésus-Christ, le Prêtre de l'Alliance nouvelle et éternelle, a racheté le monde par son propre sang. Ressuscité d'entre les morts, il est allé préparer un lieu pour nous dans la maison du Père. Dans l'Esprit qui nous a rendus des fils bien-aimés de Dieu, dans l'unité du Corps du Christ, nous attendons son retour avec une joyeuse espérance.

Cette année du grand Jubilé constitue une opportunité particulière pour les prêtres afin de croître dans la contemplation du mystère que nous célébrons sur l'autel. C'est pour cette raison que je désire signer ici la Lettre aux Prêtres pour le Jeudi Saint de cette année, dans la Salle supérieure, où fut institué l'unique sacerdoce de Jésus-Christ, que nous partageons tous.

En célébrant cette Eucharistie dans la Salle supérieure à Jérusalem, nous sommes unis à l'Eglise de chaque époque et de chaque lieu. Unis au Chef, nous sommes en communion avec Pierre, avec les Apôtres et leurs Successeurs au cours des siècles. En union avec Marie, avec les saints, avec les martyrs et avec tous les baptisés qui ont vécu dans la grâce de l'Esprit Saint, nous disons avec force: Marana tha! "Viens Seigneur Jésus!" (cf. Ap 22,20). Conduis-nous, ainsi que tous ceux que tu as choisis à la plénitude de la grâce dans ton Royaume éternel! Amen.



24 mars 2000, Messe pour les jeunes SUR LE MONT DES BÉATITUDES À KORAZIM

Vendredi, 24 mars 2000


"Aussi bien, frères, considérez votre appel" (1Co 1,26).

1. Aujourd'hui, ces paroles de saint Paul nous sont adressées, à nous tous qui sommes réunis ici sur le Mont des Béatitudes. Nous sommes assis sur cette colline comme les premiers disciples et nous écoutons Jésus. Nous écoutons en silence sa voix aimable et pressante. Aimable comme cette terre même et pressante comme l'invitation à choisir entre la vie et la mort.

Combien de générations avant nous se sont profondément émues en entendant le Discours sur la montagne! Combien de jeunes, au cours des siècles, se sont réunis autour de Jésus pour apprendre les paroles de vie éternelle, précisément comme vous êtes réunis aujourd'hui ici! Combien de jeunes coeurs ont été inspirés par la force de sa personnalité et par la vérité éclatante de son message! C'est merveilleux que vous soyez ici!

784 Merci, Mgr Boutros Mouallem, de votre accueil cordial. Je vous prie de transmettre mes salutations dans la prière à toute la communauté grecque-melkite que vous présidez. J'étends mes voeux fraternels aux nombreux cardinaux, au Patriarche Sabbah et aux évêques et prêtres ici présents. Je salue les membres des communautés latine, maronite, syrienne, arménienne, chaldéenne, ainsi que tous nos frères et soeurs des autres Eglises chrétiennes et communautés ecclésiales. J'adresse une parole spéciale de remerciement à nos amis musulmans qui sont ici et aux membres de la foi juive.

Ce grand rassemblement est comme une répétition générale pour la Journée mondiale de la Jeunesse qui se tiendra à Rome au mois d'août! Le jeune qui a pris la parole a promis que vous aurez une autre montagne, le Mont Sinaï.

2. Il y a précisément un mois, j'ai eu la grâce de me rendre là, où Dieu parla à Moïse et lui donna la Loi écrite "du doigt de Dieu" (
Ex 31,18) sur des tables de pierre. Ces deux monts, le Mont Sinaï et le Mont des Béatitudes, nous offrent la carte de notre vie chrétienne et une synthèse de nos responsabilités envers Dieu et le prochain. La Loi et les Béatitudes tracent ensemble le chemin à la suite du Christ et le sentier royal vers la maturité et la liberté spirituelle.

Les Dix Commandements du Sinaï peuvent sembler négatifs: "Tu n'auras pas d'autres dieux devant moi [...] Tu ne tueras pas. Tu ne commettras pas d'adultère. Tu ne voleras pas. Tu ne porteras pas de témoignage mensonger..." (Ex 20, 3, 13-16). Au contraire, ceux-ci sont extrêmement positifs.

En allant au-delà du mal qu'ils nomment, ils indiquent le chemin vers la loi d'amour qui est le premier et le plus grand des Commandements: "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit [...] Tu aimeras ton prochain comme toi-même" (Mt 22,37-39). Jésus lui-même affirme ne pas être venu pour abolir la Loi, mais pour l'accomplir (cf. Mt Mt 5,17). Son message est nouveau, mais il ne détruit pas ce qui existe déjà. Au contraire, il en développe au maximum les potentialités. Jésus enseigne que la voie de l'amour conduit la loi à son plein accomplissement (cf. Ga 5,14). Et il a enseigné cette vérité très importante sur cette colline, ici, en Galilée.

3. "Heureux êtes-vous", dit-il, "Heureux sont ceux qui ont une âme de pauvre, les doux et les miséricordieux, les affligés, les affamés et assoiffés de la justice, les coeurs purs, les artisans de paix, les persécutés! Heureux êtes-vous!". Les paroles de Jésus peuvent sembler étranges. Il est étrange que Jésus exalte ceux que le monde considère en général comme des faibles. Il leur dit: "Heureux êtes-vous qui semblez perdants, car vous êtes les véritables vainqueurs, vous êtes les véritables vainqueurs: le Royaume des Cieux est à vous!". Prononcées par lui, qui est "doux et humble de coeur" (Mt 11,29), ces paroles lancent un défi qui exige une metanoia profonde et constante de l'esprit, une profonde transformation du coeur.

Vous jeunes, vous comprendrez le motif pour lequel ce changement de coeur est nécessaire! Vous êtes en effet conscients qu'il existe une autre voix en vous et autour de vous, une voix contradictoire. C'est une voix qui dit: "Heureux les fiers et les violents, ceux qui prospèrent à n'importe quel prix, qui n'ont pas de scrupules, qui sont sans pitié, malhonnêtes, qui font la guerre au lieu de la paix et persécutent ceux qui représentent un obstacle sur leur chemin". "Cette voix semble avoir un sens dans un monde dans lequel les violents triomphent souvent et où il semble que les personnes malhonnêtes l'emportent". "Oui", dit la voix du mal, "ce sont eux qui gagnent. Heureux sont-ils!".

4. Jésus offre un message très différent. Non loin d'ici, il appela ses premiers disciples, comme il vous appelle maintenant. Son appel a toujours imposé un choix entre les deux voix en compétition pour conquérir votre coeur, même à présent, ici, sur la colline, le choix entre le bien et le mal, entre la vie et la mort. Quelle voix les jeunes du XXI siècle choisiront-ils de suivre? Placer votre confiance en Jésus signifie choisir de croire en ce qu'il dit, indépendamment de combien cela peut sembler étrange, et choisir de ne pas céder aux espoirs illusoires, aussi attrayants semblent-ils.

Après tout, Jésus ne proclame pas seulement les Béatitudes. Il vit les Béatitudes. Il est les Béatitudes. En le voyant, vous verrez ce que signifie avoir une âme de pauvres, être doux et miséricordieux, affligés, être affamés et assoiffés de justice, être purs de coeur, être des artisans de paix, des persécutés. C'est pour ce motif que Jésus a le droit d'affirmer "Venez, suivez-moi!". Il ne dit pas simplement "Faites ce que je vous dis". Il dit: "Venez, suivez-moi".

Vous écoutez sa voix sur cette colline et vous croyez ce qu'il dit. Toutefois, comme les premiers disciples sur la mer de Galilée, vous devez abandonner vos barques et vos filets et cela n'est jamais facile, en particulier lorsque vous devez affronter un avenir incertain et que vous êtes tentés de perdre confiance dans votre patrimoine chrétien. Etre de bons chrétiens peut sembler une entreprise au-dessus de vos forces dans le monde d'aujourd'hui. Toutefois, Jésus ne reste pas immobile et ne vous laisse pas seuls pour affronter ce défi. Il est toujours avec vous pour transformer votre faiblesse en force. Croyez-Le lors-qu'il vous dit: "Ma grâce te suffit: car la puissance se déploie dans la faiblesse" (2Co 12,9)!

5. Les disciples passèrent du temps avec le Seigneur. lls apprirent à le connaître et à l'aimer profondément. Ils découvrirent la signification de ce que l'Apôtre Pierre dit un jour à Jésus: "Seigneur, à qui irons-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle" (Jn 6,68). Ils découvrirent que les paroles de la vie éternelle sont les paroles du Sinaï et les paroles des Béatitudes. Tel est le message qu'ils diffusèrent partout.

785 Au moment de son Ascension, Jésus confia à ses disciples une mission et ces paroles de réconfort: "Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations faites des disciples [...] Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde" (Mt 28,18-20). Depuis deux mille ans, les fidèles du Christ accomplissent cette mission. A présent, à l'aube du troisième millénaire, c'est à votre tour. C'est à vous d'aller dans le monde et d'annoncer le message des Dix Commandements et des Béatitudes. Lorsque Dieu parle, il parle de choses qui ont la plus grande importance pour chaque personne, pour les personnes du XXI siècle, tout autant que pour celles du I siècle. Les Dix Commandements et les Béatitudes parlent de vérité et de bonté, de grâce et de liberté, de ce qui est nécessaire pour entrer dans le Royaume du Christ. Maintenant, c'est à vous d'être de courageux apôtres de ce Royaume!

Jeunes de Terre Sainte, jeunes du monde, répondez au Seigneur, répondez au Seigneur avec un coeur ouvert et plein de bonne volonté! Plein de bonne volonté et ouvert comme le coeur de la fille aînée de Galilée, Marie, la Mère de Dieu. Que répondit-elle? Elle dit: "Je suis la servante du Seigneur; qu'il m'advienne selon ta parole!" (Lc 1,38).

O Seigneur Jésus-Christ, en ce lieu que tu as connu et que tu as tant aimé, écoute ces jeunes coeurs généreux! Continue à enseigner à ces jeunes la vérité des Commandements et des Béatitudes! Fais d'eux de joyeux témoins de ta vérité et des apôtres convaincus de ton Royaume! Sois toujours avec eux, en particulier lorsque te suivre, ainsi que ton Evangile, devient difficile et dur! Tu seras leur force, tu seras leur victoire!

O Seigneur Jésus, tu as fait de ces jeunes tes amis: garde-les toujours auprès de toi!
Amen.



25 mars 2000, Messe dans la Basilique de l'Annonciation de Nazareth

Samedi, 25 mars 2000


"Je suis la servante du Seigneur; qu'il m'advienne selon ta parole" (Angelus).

Monsieur le Patriarche,
Vénérés frères dans l'épiscopat,
Révérend Père Custode,
786 Très chers frères et soeurs,

1. 25 mars 2000, solennité de l'Annonciation en l'année du grand Jubilé: aujourd'hui les yeux de toute l'Eglise sont tournés vers Nazareth. J'ai désiré revenir dans la ville de Jésus, pour ressentir encore une fois, en contact avec ce lieu, la présence de la femme au sujet de laquelle saint Augustin a écrit: "Il choisit la mère qu'il avait créée; il créa la mère qu'il avait choisie" (cf. Sermo 69, 3, 4). Il est particulièrement facile de comprendre ici pourquoi toutes les générations appellent Marie bienheureuse (cf.
Lc 1,48).

Je salue cordialement Sa Béatitude le Patriarche Michel Sabbah, et je le remercie de ses aimables paroles d'introduction. Avec l'Archevêque Boutros Mouallem et vous tous, évêques, prêtres, religieux, religieuses et laïcs, je me réjouis de la grâce de cette solennelle célébration. Je suis heureux d'avoir l'opportunité de saluer le Ministre général franciscain, le Père Giacomo Bini, qui m'a accueilli à mon arrivée, et d'exprimer au Custode, le Père Giovanni Battistelli, ainsi qu'aux Frères de la Custodie, l'admiration de toute l'Eglise pour la dévotion avec laquelle vous accomplissez votre vocation unique. Avec gratitude, je rends hommage à la fidélité à la tâche qui vous a été confiée par saint François et qui a été confirmée par les Pontifes au cours des siècles.

2. Nous sommes réunis pour célébrer le grand mystère qui s'est accompli ici il y a deux mille ans. L'évangéliste Luc situe clairement l'événement dans le temps et dans l'espace: "Le sixième mois, l'ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, du nom de Nazareth, à une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David; et le nom de la vierge était Marie" (Lc 1,26-27). Cependant, pour comprendre ce qui se passa à Nazareth il y a deux mille ans, nous devons revenir à la lecture tirée de la Lettre aux Hébreux. Ce texte nous permet d'écouter une conversation entre le Père et le Fils sur le dessein de Dieu de toute éternité. "Tu n'as voulu ni sacrifice ni oblation; mais tu m'as façonné un corps. Tu n'as agréé ni holocaustes ni sacrifices pour les péchés. Alors j'ai dit: Voici, je viens [...] pour faire, ô Dieu, ta volonté" (He 10,5-7). La Lettre aux Hébreux nous dit que, obéissant à la volonté du Père, le Verbe éternel vient parmi nous pour offrir le sacrifice qui dépasse tous les sacrifices offerts lors de la précédente Alliance. Son sacrifice est le sacrifice éternel et parfait qui rachète le monde.

Le dessein divin est révélé graduellement dans l'Ancien Testament, en particulier dans les paroles du prophète Isaïe, que nous venons d'entendre: "C'est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe: Voici, la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d'Emmanuel" (7, 14). Emmanuel: Dieu avec nous. A travers ces paroles, l'événement unique qui devait s'acccomplir à Nazareth dans la plénitude des temps est préannoncé, et c'est cet événement que nous célébrons aujourd'hui avec joie et un bonheur intense.

3. Notre pèlerinage jubilaire a été un voyage dans l'esprit, commencé sur les traces d'Abraham "notre Père dans la foi" (Canon Romain; cf. Rm 11,12). Ce voyage nous a conduits aujourd'hui à Nazareth, où nous rencontrons Marie la plus authentique des filles d'Abraham. C'est Marie, plus que quiconque, qui peut nous enseigner ce que signifie vivre la foi de "Notre Père". Marie est de nombreuses façons, vraiment différente d'Abraham; mais, d'une manière plus profonde, "l'ami de Dieu" (cf. Is Is 41,8) et la jeune femme de Nazareth sont très semblables.

Tous deux, Abraham et Marie, reçoivent une promesse merveilleuse de Dieu. Abraham devait devenir le père d'un fils, duquel devait naître une grande nation. Marie devait devenir la Mère d'un Fils qui aurait été le Messie, l'Oint du Seigneur. Gabriel dit: "Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils [...] Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son Père [...] et son règne n'aura pas de fin" (Lc 1,31-33).

Tant pour Abraham que pour Marie la promesse arrive de façon totalement inattendue. Dieu change le cours quotidien de leur vie, bouleversant les rythmes établis et les attentes normales. La promesse apparaît impossible tant à Abraham qu'à Marie. La femme d'Abraham, Sara, était stérile et Marie n'est pas encore mariée: "Comment sera-t-il, - demande-t-elle à l'ange - puisque je ne connais pas d'homme?" (Lc 1,34).

4. Comme à Abraham, il est également demandé à Marie de répondre "oui" à quelque chose qui n'est jamais arrivé auparavant. Sara est la première des femmes stériles de la Bible à concevoir grâce à la puissance de Dieu, précisément comme Elisabeth sera la dernière. Gabriel parle d'Elisabeth pour rassurer Marie: "Et voici qu'Elisabeth, ta parente, vient, elle aussi, de concevoir un fils dans sa vieillesse" (Lc 1,36).

Comme Abraham, Marie aussi doit avancer dans l'obscurité, en ayant confiance en Celui qui l'a appelée. Toutefois, sa question "comment sera-t-il?" suggère que Marie est prête à répondre "oui" malgré les peurs et les incertitudes. Marie ne demande pas si la promesse est réalisable, mais seulement comment elle se réalisera. Il n'est donc pas suprenant qu'à la fin elle prononce son fiat: "Je suis la servante du Seigneur, qu'il m'advienne selon ta parole" (Lc 1,38). A travers ces paroles, Marie se révèle une vraie fille d'Abraham et devient la Mère du Christ et la Mère de tous les croyants.

5. Pour pénétrer encore plus profondément ce mystère, revenons au moment du voyage d'Abraham lorsqu'il reçut la promesse. Ce fut lorsqu'il accueillit dans sa maison trois hôtes mystérieux (cf. Gn 18,1-5) en leur offrant l'adoration due à Dieu: tres vidit et unum adoravit. Cette rencontre mystérieuse préfigure l'Annonciation, lorsque Marie est puissamment entraînée dans la communion avec le Père, le Fils et l'Esprit Saint. A travers le fiat prononcé par Marie à Nazareth, l'Incarnation est devenue le merveilleux accomplissement de la rencontre d'Abraham avec Dieu. En suivant les traces d'Abraham, nous sommes donc parvenus à Nazareth, pour chanter les louanges de la femme "qui apporte la lumière dans le monde" (Hymne Ave Regina Caelorum).

787 6. Nous sommes cependant venus ici également pour la supplier. Que demandons-nous, nous pèlerins en voyage dans le troisième millénaire chrétien, à la Mère de Dieu? Ici, dans la ville que le Pape Paul VI, lorsqu'il visita Nazareth, définit "L'école de l'Evangile. Ici on apprend à observer, à écouter, à méditer, à pénétrer le sens, si profond et mystérieux, de cette très simple, très humble, très belle apparition" (Allocution à Nazareth, 5 janvier 1964), je prie tout d'abord pour un grand renouveau de la foi de tous les fils de l'Eglise. Un profond renouveau de foi: non seulement une attitude générale de vie, mais une profession consciente et courageuse du Credo: "Et incarnatus est de Spiritu Sancto ex Maria Virgine, et homo factus est"

A Nazareth, où Jésus "croissait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes" (
Lc 2,52), je demande à la Sainte Famille d'inspirer tous les chrétiens à défendre la famille, à défendre la famille contre les nombreuses menaces qui pèsent actuellement sur sa nature, sa stabilité et sa mission. Je confie à la Sainte Famille les efforts des chrétiens et de toutes les personnes de bonne volonté pour défendre la vie et promouvoir le respect pour la dignité de chaque être humain.

A Marie, la Theotókos, la grande Mère de Dieu, je consacre les familles de Terre Sainte, les familles du monde.

A Nazareth, où Jésus a commencé son ministère public, je demande à Marie d'aider l'Eglise à prêcher partout la "Bonne nouvelle" aux pauvres, précisément comme Il l'a fait (cf. Lc 4,18). En cette "année de grâce du Seigneur", je Lui demande de nous enseigner la voie de l'humble et joyeuse obéissance à l'Evangile dans le service à nos frères et à nos soeurs, sans préférences et sans préjudices.

"O Mère du Verbe Incarné, ne rejette pas ma prière, mais écoute-moi de façon bienveillante et exauce-moi. Amen". (Memorare).

26 mars 2000, Messe en l'église du saint Sépulcre de Jérusalem

Dimanche, 26 mars 2000



"Je crois [...] en Jésus-Christ [...] qui a été conçu du Saint-Esprit; est né de la Vierge Marie, a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli [...] le troisième jour est ressuscité des morts".

1. En suivant le chemin de l'histoire du salut, telle que la raconte le Credo des Apôtres, mon pèlerinage jubilaire m'a conduit en Terre Sainte. De Nazareth, où Jésus fut conçu par la Vierge Marie par l'oeuvre de l'Esprit Saint, je suis arrivé à Jérusalem, où il a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli". Ici, dans la basilique du Saint-Sépulcre, je m'agenouille devant le lieu de sa sépulture: "Voici le lieu où on l'avait mis" (Mc 16,6).

Le tombeau est vide. Il est un témoin silencieux de l'événement central de l'histoire humaine: la Résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ. Pendant presque deux mille ans, le tombeau vide a témoigné de la victoire de la Vie sur la mort. Avec les apôtres et les évangélistes, avec l'Eglise de tout temps et de tout lieu, nous aussi, nous témoignons et nous proclamons: "Le Christ ressuscité des morts ne mourra plus; la mort n'a plus de pouvoir sur lui" (cf. Rm 6,9).

"Mors et vita duello conflixere mirando; dux vitae mortuus, regnat vivus" (Séquence pascale latine Victimae Paschali). Le Seigneur de la vie était mort; à présent il règne, victorieux sur la mort, source de vie éternelle pour ceux qui croient.

788 2. Dans cette église, "Mère de toutes les églises" (saint Jean Damascène), j'adresse mes salutations cordiales à Sa Béatitude le Patriarche Michel Sabbah, aux Ordinaires des autres communautés catholiques, au Père Giovanni Battistelli et aux frères Mineurs de la Custodie de Terre Sainte, ainsi qu'aux prêtres, aux religieux et aux fidèles laïcs.

Avec estime et affection, je salue le Patriarche Diodoros de l'Eglise grecque-orthodoxe et le Patriarche Torkom de l'Eglise arménienne orthodoxe, les représentants des Eglises copte, syrienne et éthiopienne, ainsi que les communautés anglicane et luthérienne.

Ici, où notre Seigneur Jésus-Christ est mort pour rassembler les fils de Dieu qui étaient dispersés (
Jn 11,52), que le Père des Miséricordes renforce le désir d'unité et de paix entre tous ceux qui ont reçu le don de la vie nouvelle à travers les eaux salvifiques du Baptême.

3. "Détruisez ce temple et en trois jours je le relèverai" (Jn 2,19).

L'évangéliste Jean nous raconte qu'après que Jésus ressuscita des morts, les disciples se rappelèrent de ces paroles et crurent (cf. Jn 2,22). Jésus les avait prononcées afin qu'elles constituent un signe pour ses disciples. Lorsqu'il visita le Temple avec ses disciples, il chassa les changeurs et les vendeurs du lieu saint (cf. Jn 2,15). Au moment où les personnes présentes protestaient en demandant: "Quel signe nous montres-tu pour agir ainsi?", Jésus répondit: "Détruisez ce temple et en trois jours, je le relèverai" (Jn 2,18-21).

La prophétie contenue dans les paroles de Jésus s'accomplit à Pâques, lors-que "le troisième jour, il ressuscita des morts". La Résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ est le signe que le Père éternel est fidèle à sa promesse et fait naître une vie nouvelle de la mort: "La Résurrection du corps et la vie éternelle". Le mystère se reflète clairement dans cette ancienne église de l'Anastasi, qui conserve le sépulcre vide, signe de la Résurrection, le Golgotha, lieu de la crucifixion. La Bonne Nouvelle de la Résurrection ne peut jamais être séparée du mystère de la Croix. Saint Paul, dans la deuxième Lecture entendue aujourd'hui, dit: "Nous proclamons, nous, un Christ crucifié" (1Co 1,23). Le Christ, qui s'est offert comme sacrifice du soir sur l'autel de la Croix (cf. Ps Ps 141,2), s'est à présent révélé comme "puissance de Dieu et sagesse de Dieu" (1Co 1,24). Dans sa Résurrection, les fils et les filles d'Adam ont participé à la vie divine qui était la sienne dans l'éternité, avec le Père, dans l'Esprit Saint.

4. "Je suis Yahvé, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Egypte, de la maison de servitude" (Ex 20,2).

La liturgie du Carême d'aujourd'hui nous présente l'Alliance que Dieu établit avec son peuple sur le Mont Sinaï, lorsqu'il donna les Dix Commandements de la Loi à Moïse. Le Sinaï représente la seconde étape de ce grand pèlerinage de foi commencé lorsque Dieu dit à Abraham: "Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t'indiquerai" (Gn 12,1).

La Loi et l'Alliance sont le sceau de la promesse faite à Abraham. A travers le Décalogue et la loi morale inscrite dans le coeur de l'homme (cf. Rm Rm 2,15), Dieu défie de façon radicale la liberté de tout homme et de toute femme. Répondre à la voix de Dieu qui retentit au plus profond de notre conscience et choisir le bien est l'utilisation la plus sublime de la liberté humaine. Cela signifie véritablement choisir entre la vie et la mort (cf. Dt Dt 30,15). En marchant sur la voie de l'Alliance avec Dieu Très Saint, le peuple devint gardien et témoin de la promesse, la promesse d'une authentique libération et de la plénitude de vie.

La Résurrection de Jésus est le sceau définitif de toutes les promesses de Dieu, le lieu de naissance d'une humanité nouvelle et ressuscitée, le signe d'une histoire marquée par les dons messianiques de la paix et de la joie spirituelle. A l'aube d'un nouveau millénaire, les chrétiens peuvent et doivent regarder vers l'avenir avec une confiance solide dans la puissance glorieuse du Ressuscité de faire l'univers nouveau (cf. Ap 21,5). Il est Celui qui libère toute créature de l'esclavage de la caducité (cf. Rm 8,20). A travers la Résurrection, Il ouvre la voie au repos du grand Sabbat, le Huitième Jour, lorsque le pèlerinage de l'humanité parviendra à son terme et que Dieu sera tout en tous (1Co 15,28).

Ici, auprès du Saint-Sépulcre et du Golgotha, tandis que nous renouvelons notre profession de foi dans le Seigneur Ressuscité, pouvons-nous douter que dans la puissance de l'Esprit de la Vie, il nous sera donné la force pour surmonter nos divisions et oeuvrer ensemble afin de construire un avenir de réconciliation, d'unité et de paix? Ici, comme en aucun autre lieu au monde, nous entendons une fois de plus le Seigneur dire à ses disciples: "Gardez courage! J'ai vaincu le monde" (cf. Jn 16,33).

789 5. "Mors et vita duello conflixere mirando; dux vitae mortuus, regnat vivus".

Resplendissant de la gloire de l'Esprit, le Seigneur Ressuscité est le Chef de l'Eglise, son Corps mystique. Il la soutient dans la mission de proclamer l'Evangile du salut aux hommes et aux femmes de toute génération jusqu'à ce qu'il retourne dans la gloire!

De ce lieu, où la résurrection fut transmise d'abord aux femmes, puis aux Apôtres, j'exhorte tous les membres de l'Eglise à renouveler leur obéissance au commandement du Seigneur de porter l'Evangile jusqu'aux extrémités de la terre. A l'aube d'un nouveau millénaire, il y a grand besoin de crier du haut des toits la bonne nouvelle que "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle" (
Jn 3,16).

"Seigneur [...] tu as les paroles de la vie éternelle" (Jn 6,68). Aujourd'hui, en tant qu'humble Successeur de Pierre, je désire répéter ces paroles tandis que nous célébrons le Sacrifice eucharistique en ce lieu, le plus sacré du monde. Avec toute l'humanité rachetée, je fais miennes les paroles que Pierre le pécheur a adressées au Christ, Fils du Dieu vivant: "Seigneur, à qui irons-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle".

Christós anésti.

Le Christ est ressuscité! Il est véritablement ressuscité! Amen.

Homélies St Jean-Paul II 772