Homélies St Jean-Paul II 805


AU SANCTUAIRE DE NOTRE DAME DU ROSAIRE DE FÁTIMA

Samedi 13 mai 2000


1. "Je te bénis, Père, [...] d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits" (Mt 11,25).

Chers frères et soeurs, avec ces paroles, Jésus loue le Père céleste pour ses desseins; Il sait que personne ne peut venir à Lui si le Père ne l'attire pas (cf. Jn 6,44), c'est pourquoi il loue son dessein et y adhère filialement: "Oui, Père, cat tel a été ton bon plaisir" (Mt 11,26). Il t'a plu d'ouvrir ton Royaume aux tout-petits.

Selon le dessein divin, "une femme vêtue de soleil" (Ap 12,1) est venue du Ciel sur cette terre, à la recherche des tout-petits préférés du Père. Elle leur parle avec une voix et un coeur de mère: elle les invite à s'offrir comme victimes de réparation, se disant prête à les conduire, de façon sûre, jusqu'à Dieu. Et voilà que ces derniers voient sortir de ses mains maternelles une lumière qui pénètre en eux, si bien qu'ils se sentent plongés en Dieu comme lorsqu'une personne - expliquent-ils eux-mêmes - se contemple dans un miroir.

Plus tard, François, l'un des trois enfants choisis, observait: "Nous brûlions dans cette lumière qui est Dieu et nous ne nous consumions pas. Comment Dieu est-il? On ne peut pas le dire. Cela est certain, nous ne pourrons jamais le dire". Dieu est une lumière ardente mais qui ne consume pas. Ce fut la même perception qu'eût Moïse, lors-qu'il vit Dieu dans le buisson ardent; à cette occasion Dieu lui parla, se disant inquiet pour l'esclavage de son peuple et décidé à le libérer par son intermédiaire: "Je serai avec toi" (cf. Ex 3,2-12). Ceux qui accueillent cette présence deviennent demeure et, en conséquence, "buisson ardent" du Très-Haut.

François console Jésus

2. Ce qui émerveillait davantage le bienheureux François et le pénétrait était Dieu dans cette lumière immense qui les avait rejoints tous les trois dans la profondeur de leur être. Ce n'est qu'à lui, cependant, que Dieu se fit connaître "si triste", comme il disait. Une nuit, son père l'entendit sangloter et lui demanda pourquoi il pleurait; son fils répondit: "Je pensais à Jésus qui est si triste à cause des péchés que l'on accomplit contre Lui". Un unique désir - si caractéristique de la façon de penser des enfants - fait désormais agir François et c'est celui de "consoler Jésus et de faire en sorte qu'il soit content".

806 Il s'opère dans sa vie une transformation que l'on pourrait qualifier de radicale; une transformation certainement peu commune pour un enfant de son âge. Il s'engage dans une vie spirituelle intense, avec une prière si assidue et fervente qu'il rejoint une véritable forme d'union mystique avec le Seigneur. C'est précisément cela qui le pousse à une purification croissante de l'esprit, grâce à de nombreuses renonciations à ce qui lui plaît et même aux jeux innocents des enfants.

François endura les grandes souffrances causées par la maladie, dont il mourut ensuite, sans jamais se plaindre. Rien ne lui semblait suffire pour consoler Jésus; il mourut avec le sourire aux lèvres. Le désir était grand chez cet enfant de réparer les offenses des pécheurs, en offrant dans ce but l'effort d'être bon, les sacrifices, la prière. Jacinthe, sa soeur plus jeune que lui de presque deux ans, vivait également animée par les mêmes sentiments.

Un rappel à la conversion

3. "Puis un second signe apparut au ciel: un énorme dragon" (
Ap 12,3).

Ces paroles que nous avons entendues dans la première lecture de la Messe nous incitent à penser à la grande lutte entre le bien et le mal, ainsi qu'à constater comment l'homme, en mettant Dieu de côté, ne peut pas atteindre le bonheur, et finit même par se détruire.

Combien de victimes au cours du dernier siècle du second millénaire! La pensée se tourne vers les horreurs des deux "grandes guerres" et celles des autres guerres dans tant de parties du monde, vers les camps de concentration et d'extermination, les goulags, les purifications ethniques et les persécutions, le terrorisme, les enlèvements de personnes, la drogue, les attentats contre la vie à naître et la famille.

Le message de Fatima est un rappel à la conversion, en faisant appel à l'humanité afin qu'elle ne joue pas le jeu du "dragon", qui avec la "queue balaie le tiers des étoiles du ciel et les précipite sur la terre" (Ap 12,4). Le dernier objectif de l'homme est le Ciel, sa véritable maison où le Père céleste, dans son amour miséricordieux, est en attente de tous.

Dieu désire que personne ne se perde; c'est pourquoi, il y a deux mille ans, il a envoyé son Fils sur la terre pour "chercher et sauver ce qui était perdu" (Lc 19,10). Il nous a sauvés par sa mort sur la croix. Que personne ne rende cette Croix vaine! Jésus est mort et ressuscité pour être "l'aîné d'une multitude de frères" (Rm 8,29).

Dans sa sollicitude maternelle la Très Sainte Vierge est venue ici, à Fatima, pour demander aux hommes de "ne plus offenser Dieu, Notre Seigneur, qui est déjà très offensé". C'est la douleur d'une mère qui l'oblige à parler; le destin de ses enfants est en jeu. C'est pourquoi Elle demande aux pastoureaux: "Priez, priez beaucoup et faites des sacrifices pour les pécheurs; tant d'âmes finissent en enfer parce que personne ne prie et ne se sacrifie pour elles".

Jacinthe convertit les pécheurs

4. La petite Jacinthe a partagé et vécu cette douleur de la Madone, en s'offrant héroïquement comme victime pour les pécheurs. Un jour, lorsqu'elle et François avaient désormais contracté la maladie qui les obligeait à rester au lit, la Vierge Marie vint leur rendre visite à la maison, comme le raconte Jacinthe: "La Madone est venue nous voir et elle a dit que bientôt elle viendra prendre François pour l'emmener au Ciel. A moi, elle a demandé si je voulais encore convertir davantage de pécheurs. Je lui ai dit que oui". Et lorsque le moment du départ de François s'approche, la petite lui recommande: "De ma part porte de nombreux saluts à Notre Seigneur et à la Madone et dit leur que je suis disposée à supporter tout ce qu'ils voudront pour convertir les pécheurs". Jacinthe était restée tellement frappée par la vision de l'enfer, qui avait eu lieu lors de l'apparition de juillet, que toutes les mortifications et pénitences lui semblaient peu de choses pour sauver les pécheurs.

807 Jacinthe pourrait très bien s'exclamer avec saint Paul: "En ce moment je trouve ma joie dans les souffrances que j'endure pour vous, et je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l'Eglise" (Col 1,24). Dimanche dernier, au Colisée à Rome, nous avons fait mémoire des très nombreux témoins de la foi du XX siècle, en rappelant, à travers les témoignages incisifs qui nous ont été laissés, les souffrances qu'ils ont subies. Une nuée innombrable de courageux témoins de la foi nous a laissé un précieux héritage, qui devra rester vivant au cours du troisième millénaire. Ici à Fatima, où ont été préannoncés ces temps de tribulations et où la Madone à demandé de prier et de faire pénitence pour les abréger, je désire aujourd'hui rendre grâce au Ciel pour la force du témoignage qui s'est manifestée dans toutes ces vies. Et je désire une fois de plus célébrer la bonté du Seigneur envers moi, quand, durement frappé le 13 mai 1981, je fus sauvé de la mort. J'exprime également ma reconnaissance à la bienheureuse Jacinthe pour les sacrifices et les prières faites pour le Saint-Père, qu'elle avait tant vu souffrir.

La Vierge a besoin de nos prières et de nos sacrifices

5. "Je te bénis, Père, d'avoir révélé cela aux tout-petits". La louange de Jésus prend aujourd'hui la forme solennelle de la béatification des pastoureaux François et Jacinthe. L'Eglise désire, par ce rite, placer sur le lucernaire ces deux petites flammes que Dieu a allumées pour illuminer l'humanité en ses heures sombres et remplies de crainte. Que ces lumières resplendissent donc sur le chemin de cette multitude immense de pèlerins et de ceux qui nous accompagnent à travers la radio et la télévision. Que François et Jacinthe soient une lumière amie qui illumine le Portugal tout entier et, de façon particulière, ce diocèse de Leiria-Fatima.

Je remercie Mgr Serafim, Evêque de cette illustre Eglise particulière, pour ses paroles de bienvenue et avec une grande joie je salue tout l'épiscopat portugais et les communautés ecclésiales respectives que j'aime de tout coeur et que j'exhorte à imiter leurs saints. Un salut fraternel s'adresse aux cardinaux et aux évêques présents, avec une mention particulière pour les pasteurs des communautés des pays de langue portugaise: que la Vierge Marie obtienne la réconciliation au peuple angolais; qu'elle apporte son réconfort aux victimes des inondations au Mozambique; qu'elle veille sur les pas du Timor Lorasae, de la Guinée Bissau, du Cap-Vert, de São Tomé et Principe; et qu'elle conserve dans l'unité de la foi ses fils et ses filles du Brésil.

J'adresse un salut respectueux au Premier ministre et aux Autorités qui ont voulu participer à cette célébration. Je profite de l'occasion pour exprimer, à la personne du Chef du gouvernement, ma reconnaissance à chacun pour la collaboration grâce à laquelle ce pèlerinage a été rendu possible. Je donne un baiser cordial et un bénédiction particulière à la paroisse et à la ville de Fatima, qui se réjouissent aujourd'hui pour leurs enfants élevés aux honneurs des autels.


6. Ma dernière parole s'adresse aux enfants: Chers enfants, je vois que nombreux parmi vous portent des vêtements semblables à ceux portés par François et Jacinthe. Ils vous vont très bien! Le problème est que, ce soir ou demain, vous ôterez ces vêtements et... les pastoureaux disparaîtront. Ne croyez-vous pas qu'ils ne devraient pas disparaître? La Madone a besoin de chacun de vous pour consoler Jésus, triste en raison des torts qui lui sont faits; elle a besoin de vos prières et de vos sacrifices pour les pécheurs.

Demandez à vos parents et à vos enseignants de vous inscrire à l'"école" de la Madone, afin qu'elle vous enseigne à devenir comme les pastoureaux, qui cherchaient à faire ce qu'Elle leur demandait. Je vous dis que "l'on progresse davantage en peu de temps de soumission et de dépendance à Marie que durant des années entières d'initiatives personnelles, reposant seulement sur soi-même" (Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, Traité de la vraie dévotion à la Très Sainte Vierge, n. 155). C'est ainsi que les pastoureaux sont devenus rapidement saints. Une femme qui avait accueilli Jacinthe à Lisbonne, en entendant les conseils si beaux et si sages que la petite lui donnait, lui demanda qui les lui avait enseignés. "C'est la Madone" - lui répondit-elle. En se laissant guider, avec une générosité totale, par une Maîtresse si bonne, Jacinthe et François ont rejoint en peu de temps les sommets de la perfection.


7. "Je te bénis, Père, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits"

Je te bénis, ô Père, pour tous tes tout-petits, à commencer par la Vierge Marie, ton humble Servante, jusqu'aux pastoureaux François et Jacinthe.

Que le message de leur vie reste toujours ardent pour illuminer le chemin de l'humanité!



14 mai 2000, Ordinations presbytérales

808 Dimanche 14 mai 2000
37ème Journée Mondiale des vocations


1. "Je suis le bon pasteur" (
Jn 10,11 Jn 10,14).

Aujourd'hui, cette parole du Christ retentit dans toute l'Eglise. Lui, le Seigneur, est le Pasteur qui donne la vie pour son troupeau. En Lui se réalise la promesse faite par le Dieu d'Israël à travers la bouche des prophètes: "Voici que j'aurai soin moi-même de mon troupeau et je m'en occuperai" (Ez 34,11).

En ce dimanche, communément appelé "Dimanche du Bon Pasteur", l'Eglise célèbre la Journée mondiale de Prière pour les Vocations. Et je suis heureux d'ordonner, précisément en ce jour, vingt-six nouveaux prêtres du diocèse de Rome. Ce sont les prêtres de l'An 2000, choisis pour annoncer l'Evangile dans notre diocèse. A vous, très chers candidats, j'adresse mon salut le plus cordial, que j'étends à ceux qui vous entourent au cours de cet inoubliable moment de votre existence, vos proches, vos éducateurs et vos amis.


2. "Le Bon Pasteur offre la vie pour ses brebis" (Jn 10,11). Le Christ paît le Peuple de Dieu avec la force de l'amour, s'offrant lui-même en sacrifice. Il accomplit sa mission de Pasteur en devenant l'Agneau immolé. Sacerdos et hostia. Cependant, personne ne l'oblige: c'est lui-même qui offre sa propre vie, en liberté absolue, pour la reprendre à nouveau (cf. Jn Jn 10,17) et gagner ainsi, "pour nous", là où nous étions condamnés à la défaite. "Agnus redemit oves".

Il est "la pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs et qui est devenue la tête d'angle" (cf. Ps Ps 117,22 Ac 4,11). Telle est l'oeuvre merveilleuse de Dieu, qui a exalté son Fils en lui conférant "le nom qui est au-dessus de tout autre nom" l'unique dans lequel il est établi que nous pouvons être sauvés (cf. Ac Ac 4,12).

Très chers diacres, au nom de Jésus-Christ, Bon Pasteur, vous êtes aujourd'hui consacrés prêtres.

3. "Rendez grâce à Yahvé car il est bon, car éternel est son amour" (Ps 117,1 Ps 117,29).
Très chers ordinands, vous devenez des prêtres au cours du grand Jubilé, en l'"année de la miséricorde du Seigneur" (Is 61,2). La grâce intarissable du Sacrement vous transformera intérieurement, afin que votre vie, liée pour toujours à celle du Christ Prêtre, devienne un chant d'amour à Dieu: "Misericordias Domini in aeternum cantabo" (Ps 88,2).

Le mystère de l'amour divin, créateur et rédempteur, qui s'est révélé dans l'incarnation du Verbe et qui s'est accompli dans son sacrifice pascal, est si grand qu'il remplit de façon surabondante chacune de vos journées et chaque moment de votre ministère. Puisez constamment à ce mystère, en particulier au cours de la célébration de la Messe, l'énergie spirituelle pour remplir fidèlement votre mission. Au moyen de vos mains, le Bon Pasteur continuera à offrir sa vie de façon sacramentelle pour le salut du monde, en attirant chacun à Lui et en invitant tout le monde à accueillir l'étreinte de l'unique Père. Soyez toujours conscients et reconnaissants de ce don que la Providence vous accorde aujourd'hui.

809 Dans quelques instants, l'Eglise exhortera chacun de vous: "Rends-toi compte de ce que tu feras / imite ce que tu célébreras, / conforme ta vie / au mystère de la Croix du Christ Seigneur" (Rite). Conformez votre vie au mystère de la Croix du Christ!

C'est le Christ qui sauve et qui sanc-tifie, et vous prenez une part directe à son oeuvre, dans la mesure de l'intensité de votre union avec Lui. Si vous restez en Lui, vous porterez beaucoup de fruit; sans Lui, en revanche, vous ne pouvez rien faire (cf.
Jn 15,5). Il vous a choisis, et aujourd'hui, il vous "constitue", afin que vous alliez et que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure (cf. Jn 15,16).


4. Chers diacres, vous appartenez au diocèse de Rome, et vous avez accompli votre formation dans les séminaires de cette Eglise: le grand séminaire romain, l'"Almo Collegio Capranica", le "Redemptoris Mater" et celui des Oblats du Divin Amour. Je désire remercier ceux qui vous ont accompagnés et guidés sur le chemin qui vous a conduits jusqu'ici. Je pense à vos parents qui, à travers l'exemple et les con-seils, vous ont aidés dans vos choix de vocation. Je pense aux responsables de votre préparation théologique, spirituelle et pastorale, les Supérieurs des séminaires romains, que j'encourage de tout coeur à poursuivre le généreux engagement dans leur service, afin que l'Eglise de Rome soit enrichie de nombreux prêtres bien formés. La joie de vous voir devenir des prêtres toujours fidèles à votre mission sera la plus grande récompense pour tous.

En outre, votre exemple encourage d'autres jeunes à suivre le Christ avec la même disponibilité. C'est pourquoi nous prions en cette Journée consacrée aux Vocations: puisse le "Maître de la moisson" continuer à appeler des ouvriers pour le service de son Royaume, car "la moisson est abondante" (Mt 9,37).


5. Chers ordinands, que la Très Sainte Vierge, modèle de tout appel à une consécration spéciale dans l'Eglise, veille sur votre vocation. En ce moment, le Christ vous confie à nouveau à Elle, en répétant à chacun de vous les paroles que, du haut de la Croix, il adressa à l'Apôtre Jean: "Voici ta Mère!" (Jn 19,27).

Je vous confie, ainsi que votre ministère, à la Salus Populi Romani.Elle saura vous guider, jour après jour, pour devenir une seule chose avec le Bon Pasteur, en particulier lors de la célébration quotidienne de l'Eucharistie.

Et Toi, "Bon Pasteur, Pain véritable, nourris-nous et défends-nous" pour effectuer un service toujours plus généreux dans ton Eglise, qui oeuvre dans le monde pour le salut de l'humanité. Amen.



18 mai 2000, Jubilé des Prêtres et 80 ans du Saint Père

Jeudi 18 mai 2000


1. "Ecce Sacerdos magnus, qui in diebus suis placuit Deo".

Le grand Prêtre, ou plutôt le Prêtre Suprême, est Jésus-Christ. Avec son propre sang - comme l'affirme l'Epître aux Hébreux - il entra une fois pour toutes dans le sanctuaire, nous procurant une rédemption éternelle (cf. He He 9,12). Le Christ, Prêtre et Victime: "Il est le même hier, aujourd'hui et à jamais!" (He 13,8). Nous nous recueillons ce matin pour réfléchir sur son sacerdoce, nous qui, en tant que prêtres, avons été appelés à y participer de façon spécifique.

810 Le sacerdoce ministériel! C'est de celui-ci que nous parle la liturgie aujourd'hui, en nous faisant revenir en esprit au Cénacle, lors de la Dernière Cène, lorsque le Christ lava les pieds aux Apôtres. L'évangéliste Jean en apporte le témoignage. Cependant, dans le passage qui vient d'être proclamé, Luc nous offre également la juste interprétation du geste emblématique du Christ, qui dit de lui-même: "Et moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert!" (Lc 22,27). Le Maître laisse à ses amis le commandement de s'aimer comme lui les a aimés, en se mettant au service les uns des autres (cf. Jn 13,14). "Car c'est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j'ai fait pour vous" (Jn 13,15).


2. Le sacerdoce ministériel! C'est surtout à lui que nous renvoit l'Eucharistie, dans laquelle le Christ a institué le nouveau rite de la Pâque chrétienne, en introduisant, dans le même temps, le ministère sacerdotal dans l'Eglise.

Au cours de la Dernière Cène, le Christ prit le pain entre ses mains, le rompit et le distribua aux Apôtres en disant: "Ceci est mon corps livré pour vous" (Rite de la Messe, cf. Lc 22,19). Il prit ensuite le calice rempli de vin et le donna aux Apôtres en disant: "Ceci est la coupe de mon sang, le sang de l'Alliance nouvelle et éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. Vous ferez cela, en mémoire de moi" (Rite de la Messe).

Chaque fois que vous répétez ce rite - explique l'Apôtre Paul - "vous annoncez la mort du Seigneur afin qu'il vienne" (1Co 11,26).

Très chers prêtres, de cette façon, le Christ a placé entre nos mains, sous les espèces du pain et du vin, le mémorial vivant du sacrifice qu'Il a offert au Père sur la Croix. Il l'a confié à son Eglise, afin qu'elle le célèbre jusqu'à la fin du monde. Dans l'Eglise - nous le savons - c'est Lui-même qui, en tant que Prêtre Suprême et Eternel de la Nouvelle Alliance, agit à travers nous, au moyen des ministres ordonnés, au cours des siècles.

"Faites cela en mémoire de moi": chaque fois que vous le ferez, vous annoncerez ma mort, jusqu'à ma dernière venue.


3. Le sacerdoce ministériel! Nous y participons tous, et nous voulons aujourd'hui élever ensemble à Dieu une action de grâce pour ce don extraordinaire. Un don pour tous les temps et pour les hommes de chaque race et culture. Un don qui se renouvelle dans l'Eglise grâce à l'immuable miséricorde divine et à la réponse généreuse et fidèle de tant d'hommes fragiles. Un don qui ne cesse d'émerveiller celui qui le reçoit.

Après plus de cinquante ans de vie sacerdotale, je sens en moi le vif besoin de louer et de rendre grâce à Dieu pour son immense bonté. Ma pensée revient, en ce moment, au Cénacle de Jérusalem où, au cours de mon récent pèlerinage en Terre Sainte, j'ai pu célébrer la Messe. C'est dans ce lieu que sont nés mon sacerdoce et le vôtre, de l'esprit et du coeur du Christ. Voilà pourquoi, précisément de cette "pièce à l'étage supérieur", j'ai voulu rendre publique la Lettre aux Prêtres pour le Jeudi saint, que je repropose aujourd'hui en esprit.

Au Cénacle, à la veille de sa Passion, Jésus a voulu nous faire participer à la vocation et à la mission qui Lui a été confiée par le Père céleste, c'est-à-dire introduire les hommes dans son mystère de salut universel.


4. Je vous embrasse avec une grande affection, très chers prêtres du monde entier! Il s'agit d'une étreinte qui n'a pas de frontières et qui s'étend aux prêtres de chaque Eglise particulière; elle s'adresse en particulier à vous, chers prêtres malades, seuls ou éprouvés par diverses difficultés.

Je pense également aux prêtres qui, en raison de circonstances diverses, n'exerçent plus le saint ministère, tout en continuant à avoir en eux la particulière configuration au Christ, appartenant au caractère indélébile de l'Ordre sacré. Je prie également beaucoup pour eux et j'invite chacun à les rappeler dans la prière, afin que, également grâce à la dispense régulièrement obtenue, ils conservent vivant en eux l'engagement de la cohérence chrétienne et de la communion ecclésiale.


811 5. Très chers prêtres de chaque pays et de chaque culture, cette journée est entièrement consacrée à notre sacerdoce, au sacerdoce ministériel.

Avec une grande affection, je salue et je remercie le Cardinal Darío Castrillón Hoyos, Préfet de la Congrégation pour le Clergé, qui au début de la célébration m'a adressé, également en votre nom, des voeux cordiaux en ce jour très important pour moi. Je salue les cardinaux, les archevêques et les évêques présents. Je vous salue tous, chers frères dans le sacerdoce, qui avez voulu être ici aujourd'hui avec moi, venant parfois de loin au prix de grands sacrifices. Je vous serre tous contre mon coeur.

Nous avons été consacrés dans l'Eglise pour ce ministère spécifique. Nous sommes appelés, de diverses façons, à contribuer, là où la Providence nous place, à la formation de la communauté du Peuple de Dieu. Notre tâche - comme nous l'a rappelé l'Apôtre Pierre - est de paître le troupeau de Dieu qui nous est confié, non par la force, mais de bon gré, en ne nous prenant pas pour des maîtres, mais en offrant un témoignage exemplaire (cf.
1P 5,2-3); un témoignage qui peut aller, si cela est nécessaire, jusqu'à l'épanchement de sang, comme cela a été le cas pour un grand nombre de nos frères au cours du siècle qui vient de se terminer.

Telle est pour nous la voie de la sainteté, qui conduit à la rencontre définitive avec le "pasteur suprême", dans les mains de qui se trouve "la couronne de la gloire" (1P 5,4). Telle est notre mission au service du peuple chrétien. Que Marie, Mère de notre sacerdoce, nous assiste. Que nous assistent les nombeux saints prêtres qui nous ont précédés dans cette mission sublime et riche de responsabilités.

Prie aussi pour nous, cher peuple chrétien, toi qui te rassembles aujourd'hui autour de nous dans la foi et dans la joie. Tu es le peuple royal, la race sacerdotale, l'assemblée sainte. Tu es le Peuple de Dieu qui, dans chaque partie de la terre, participes au sacerdoce du Christ. Accepte le don que nous renouvelons aujourd'hui au service de ta dignité singulière. Toi, peuple sacerdotal, rends grâce avec nous à Dieu pour notre ministère et chante avec nous à ton Seigneur et au nôtre: Louange à Toi, ô Christ, pour le don du sacerdoce! Fais que l'Eglise du nouveau millénaire puisse compter sur l'oeuvre généreuse de nombreux et saints prêtres!
Amen!

* * *

A l'issue de la Messe, le Saint-Père adressait les paroles suivantes aux prêtres d'expression française:

Je salue cordialement les prêtres de langue française qui ont participé à cette célébration et je les remercie d'avoir prié avec moi. Je souhaite que leur présence à Rome affermisse leur foi et leur sens de l'Eglise universelle. De grand coeur je leur donne une affectueuse Bénédiction apostolique.

Le Pape ajoutait:

A l'issue de cette splendide célébration sacerdotale, je remercie cordialement tous les participants, de manière particulière les cardinaux, les patriarches, les archevêques et les évêques du monde entier, la Curie romaine, le Vicariat de Rome et tous les prêtres de langue italienne. Je vous remercie tous de votre solidarité et de votre attachement au Siège de Pierre et de son Successeur. Portez mon salut et mon remerciement pour les prières à vos communautés. La communion et l'unité entre nous sont une grande force pour la nouvelle évangélisation.

812 21 mai 2000, Canonisation de 27 Bienheureux

Dimanche 21 mai 2000
1. "N'aimons ni de mots ni de langue, mais en actes et en vérité" (
1Jn 3,18). Cette exhortation, tirée de l'Apôtre Jean dans le texte de la seconde lecture de cette célébration, nous invite à imiter le Christ en vivant dans le même temps en étroite union avec Lui. Jésus lui-même nous l'a dit dans l'Evangile qui vient d'être proclamé: "De même que le sarment ne peut de lui-même porter du fruit s'il ne demeure sur la vigne, ainsi vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi" (Jn 15,4).

A travers l'union profonde avec le Christ, commencée dans le Baptême et alimentée par la prière, par les sacrements et par la pratique des vertus évangéliques, des hommes et des femmes de toutes les époques, en tant que fils de l'Eglise, ont atteint l'objectif de la sainteté. Ils sont saints car ils ont placé Dieu au centre de leur vie et ont fait de la recherche et de la diffusion de son Royaume la raison de leur existence; saints car leurs oeuvres continuent à parler de leur amour total pour le Seigneur et leurs frères, portant des fruits abondants, grâce à leur foi vivante en Jésus-Christ et à leur engagement à aimer, même leurs ennemis, comme Il nous a aimés.


2. Au cours du pèlerinage jubilaire des Mexicains, l'Eglise est heureuse de proclamer saints ces fils du Mexique: Cristóbal Magallanes et 24 compagnons martyrs, prêtres et laïcs; José María de Yermo y Parres, prêtre fondateur des Religieuses servantes du Sacré-Coeur de Jésus, et María de Jesús Sacramentado Venegas, fondatrice des Filles du Sacré-Coeur de Jésus.

Pour participer à cette célébration solennelle, honorant ainsi la mémoire de l'Eglise et de votre patrie, vous, pèlerins mexicains, êtes venus en grand nombre, accompagnés d'un groupe nombreux d'évêques. Je vous salue tous avec une grande affection. L'Eglise qui est au Mexique se réjouit de pouvoir compter sur ces intercesseurs dans le ciel, modèles de charité suprême, ayant suivi les traces de Jésus-Christ. Tous donnèrent leur propre vie à Dieu et à leurs frères, à travers le martyre ou le chemin de l'offrande généreuse au service des indigents. La fermeté de leur foi et l'espérance les soutinrent dans les diverses épreuves auxquelles ils furent confrontés. Ils constituent un héritage précieux, fruit de la foi enracinée dans les terres mexicaines, qui, à l'aube du troisième millénaire du christianisme, doit être conservée et revitalisée afin que vous puissiez continuer à être fidèles au Christ et à son Eglise, comme vous l'avez fait par le passé. Mexique, sois toujours fidèle!


3. Dans la première lecture, nous avons entendu la façon dont Paul agissait à Jérusalem: "prêchant avec assurance au nom du Seigneur. Il s'adressait aussi aux Hellénistes et discutait avec eux; mais ceux-ci machinaient sa perte" (Ac 9,28-29). Avec la mission de Paul se prépare l'oeuvre de propagation de l'Eglise, qui apporte le message évangélique en chaque lieu. Dans cette oeuvre, les persécutions et les violences contre les annonciateurs de la Bonne Nouvelle n'ont jamais manqué. Toutefois, au-delà des adversités humaines, l'Eglise peut compter sur la promesse de l'assistance divine. C'est pourquoi nous avons entendu que "les Eglises jouissaient de la paix... elles s'édifiaient et vivaient dans la crainte du Seigneur, et elles étaient comblées de la consolation du Saint-Esprit" (Ac 9,31).

Nous pouvons appliquer ce passage des Actes des Apôtres à la situation que durent vivre Cristóbal Magallanes et ses 24 compagnons, martyrs au cours des trente premières années du XXème siècle. La majeure partie appartenait au clergé séculier et trois d'entre eux étaient des laïcs profondément engagés dans l'assistance aux prêtres. Ils n'abandonnèrent pas le courageux exercice de leur ministère lorsque la persécution religieuse s'accrut sur la terre mexicaine bien-aimée, déchaînant la haine contre la religion catholique. Tous acceptèrent librement et sereinement le martyre comme témoignage de leur propre foi, pardonnant de façon explicite à leurs persécuteurs. Fidèles à Dieu et à la foi catholique enracinée dans les communautés ecclésiales qu'ils servaient, promouvant également leur bien-être matériel, ils sont aujourd'hui un exemple pour toute l'Eglise et pour la société mexicaine en particulier.

Après les dures épreuves que l'Eglise subit au Mexique au cours de ces années tourmentées, les chrétiens mexicains, encouragés par le témoignage de ces témoins de la foi, peuvent aujourd'hui vivre en paix et en harmonie, en apportant à la société la richesse des valeurs évangéliques. L'Eglise croît et progresse, étant le creuset où naissent d'abondantes vocations sacerdotales et religieuses, où se forment les familles selon le plan de Dieu et où les jeunes, partie considérable du peuple mexicain, peuvent grandir dans l'espérance d'un avenir meilleur. Que le lumineux exemple de Cristóbal Magallanes et de ses compagnons martyrs vous pousse à un engagement renouvelé de fidélité à Dieu, capable de continuer à transformer la société mexicaine afin qu'y règnent la justice, la fraternité et l'harmonie entre tous!


4. "Or voici son commandement: croire au nom de son Fils Jésus-Christ et nous aimer les uns les autres comme il nous en a donné le commandement" (1Jn 3,23). Le mandat par excellence que Jésus a donné aux siens est de s'aimer fraternellement comme il nous a aimés (cf. Jn 15,12). Dans la seconde lecture que nous avons entendue, le commandement possède un double aspect: croire dans la personne de Jésus-Christ, Fils de Dieu, en le professant à chaque instant, et nous aimer les uns les autres, car le Christ lui-même nous l'a prescrit. Ce commandement est si important pour la vie du croyant qu'il se transforme en condition nécessaire afin qu'ait lieu l'inhabitation divine. La foi, l'espérance et l'amour conduisent à accueillir Dieu de façon existentielle, comme le chemin sûr vers la sainteté.

On peut dire que ce fut le chemin entrepris par José María de Yermo y Parres, qui vécut son don sacerdotal au Christ en adhérant à Lui de toutes ses forces, et, dans le même temps, en se distinguant par son attitude fondamentale de prière et de contemplation. Dans le Coeur de Jésus, il trouva l'orientation de sa spiritualité, et considérant son amour infini pour les hommes, il voulut l'imiter en faisant de la charité sa règle de vie.

813 Le nouveau saint fonda les religieuses Servantes du Sacré-Caeur de Jésus et des Pauvres, réunissant ainsi ses deux grands amours, qui expriment dans l'Eglise l'esprit et le charisme du nouveau saint. Chères Filles de saint José María de Yermo y Parres: vous vivez avec générosité le riche héritage de votre fondateur, à commencer par la communion fraternelle en communauté, et en l'étendant à l'amour miséricordieux envers vos frères, avec humilité, simplicité et efficacité, et, au-dessus de tout, en parfaite union avec Dieu.


5. "Demeurez en moi, comme moi en vous... Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit" (
Jn 15,4-5). Dans l'Evangile que nous avons entendu, Jésus nous a exhortés à demeurer en Lui, pour conduire à Lui tous les hommes. Cette invitation exige de mener à bien notre engagement baptismal, de vivre dans son amour, de s'inspirer de sa Parole, de s'alimenter de l'Eucharistie, de recevoir son pardon et, lorsque cela est nécessaire, de porter la croix avec Lui. La séparation de Dieu est la tragédie la plus grande que l'homme puisse vivre. La lymphe qui parvient au sarment le fait croître; la grâce qui provient du Christ nous rend adultes et mûrs, afin que nous portions des fruits de vie éternelle.

Sainte María de Jesús Sacramentado Venegas, première Mexicaine canonisée, sut rester unie au Christ au cours de sa longue existence terrestre et c'est pourquoi elle porta des fruits abondants de vie éternelle. Sa spiritualité fut caractérisée par une singulière piété eucharistique, car il est clair que le chemin par excellence pour s'unir au Seigneur est de le chercher, de l'adorer, de l'aimer dans le très saint mystère de sa présence réelle dans le Sacrement de l'Autel.

Elle voulut prolonger son oeuvre par la fondation des Filles du Sacré-Coeur de Jésus, qui poursuivent aujourd'hui dans l'Eglise son charisme de la charité envers les pauvres et les malades. De fait, l'amour de Dieu est universel, il désire parvenir à tous les hommes; c'est pourquoi la nouvelle sainte comprit que son devoir était de le diffuser, en prodiguant ses attentions à l'égard de tous jusqu'à la fin de ses jours, même lorsque son énergie physique diminua et que les dures épreuves traversées au cours de son existence affaiblirent ses forces. Très fidèle dans l'observance des constitutions, respectueuse envers les évêques et les prêtres, attentive aux séminaristes, sainte María de Jesús Sacramentado constitue un témoignage éloquent de consécration absolue au service de Dieu et de l'humanité qui souffre.

6. Cette célébration solennelle nous rappelle que la foi comporte une relation profonde avec le Seigneur. Les nouveaux saints nous enseignent que les fidèles et les disciples véritables de Jésus sont ceux qui accomplissent la volonté de Dieu et qui sont unis à Lui à travers la foi et la grâce.

Ecouter la Parole de Dieu, rendre sa propre existence harmonieuse, en mettant le Christ à la première place, a pour effet que la vie de l'être humain se configure à Lui. L'expression "demeurer en moi et moi en vous" continue à être l'invitation de Jésus, qui doit retentir sans cesse en chacun de nous et dans notre milieu. Saint Paul, accueillant ce même appel, put s'exclamer: "Ce n'est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi" (Ga 2,20). Que la Parole de Dieu, proclamée au cours de cette liturgie, fasse en sorte que notre vie soit authentique en restant existentiellement unis au Seigneur, en aimant non seulement en paroles mais dans les faits et dans la vérité (cf. 1Jn 3,18)! Ainsi notre vie sera réellement "pour le Christ, avec le Christ et dans le Christ".

Nous sommes en train de vivre le grand Jubilé de l'An 2000. Parmi ses objectifs se trouve celui de "susciter en chaque fidèle une aspiration véritable à la sainteté" (Tertio millennio adveniente TMA 42). Que l'exemple de ces nouveaux saints incite les fidèles, par tous les moyens qui sont à leur disposition et surtout avec l'aide de la grâce de Dieu, à rechercher avec courage et décision la sainteté!

Que la Vierge de Guadalupe, invoquée par les martyrs au moment suprême du don d'eux-mêmes, pour laquelle saint José María de Yermo et sainte María de Jesús Sacramentado Venegas professèrent une si tendre dévotion, accompagne de sa protection maternelle les bonnes intentions de ceux qui honorent aujourd'hui les nouveaux saints et aide ceux qui suivent leur exemple; qu'Elle guide et protège également l'Eglise afin que, par son action évangélisatrice et le témoignage chrétien de ses enfants, elle illumine le chemin de l'humanité au cours du troisième millénaire chrétien! Amen!



28 mai 2000, Jubilé du Diocèse de Rome

Dimanche 28 mai 2000


1. "Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour" (Jn 15,9). Le Christ, à la veille de sa mort, ouvre son coeur aux disciples rassemblés au Cénacle. Il leur laisse son testament spirituel. Au cours de la période pascale, l'Eglise revient constamment en esprit au Cénacle pour écouter à nouveau avec respect les paroles du Seigneur et en tirer lumière et réconfort pour son chemin sur les routes du monde.


814 Notre Eglise de Rome, qui célèbre son Jubilé, retourne aujourd'hui au Cénacle le coeur frémissant. Elle y retourne pour se laisser interpeller par le divin Maître, pour méditer sur ses paroles et découvrir la réponse la plus adaptée aux requêtes qu'il lui adresse.

La parole que notre Eglise écoute aujourd'hui des lèvres de son Seigneur est forte et claire: "Demeurez en mon amour!... Voici quel est mon commandement: vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés" (
Jn 15,9 Jn 15,12). Comment ne pas ressentir particulièrement "nôtre" cette parole de Jésus? L'Eglise de Rome n'a-t-elle pas la tâche spécifique de "présider à la charité" dans tout l'écoumène chrétien? (cf. S Ignace, Ad Rom, inscr.) Oui, le commandement de l'amour engage notre Eglise de Rome avec une force et une urgence particulières.

Et l'amour est exigeant. Le Christ dit: "Nul n'a plus grand amour que celui-ci: donner sa vie pour ses amis" (Jn 15,13). L'amour conduira Jésus sur la croix. Chaque disciple doit se le rappeler. L'amour vient du Cénacle et il reconduit au Cénacle. En effet, après la résurrection, ce sera encore au Cénacle que les Apôtres, reviendront en esprit, aux paroles prononcées par Jésus le Jeudi saint et qu'ils prendront conscience du contenu salvifique qu'elles revêtent. En vertu de l'amour du Christ, accueilli et rendu, ils sont désormais ses amis: "Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître; mais je vous appelle amis, parce que tout ce que j'ai entendu de mon Père, je vous l'ai fait connaître" (Jn 15,15).

Rassemblés dans le Cénacle après la résurrection et l'ascension au Ciel du Maître divin, les Apôtres comprendront pleinement le sens de ses paroles: "C'est moi qui vous ai établis, pour que vous alliez et que votre fruit demeure" (Jn 15,16). Sous l'action de l'Esprit Saint, ces paroles font d'eux la communauté salvifique qui est l'Eglise. Les Apôtres comprendront qu'ils ont été élus pour une mission particulière, celle de témoigner de l'amour: "Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour".

Cette consigne nous revient aujourd'hui: en tant que chrétiens, nous avons été appelés à être témoins de l'amour. Tel est le "fruit" que nous sommes appelés à porter, et ce fruit "demeure" dans le temps et pour l'éternité!


2. La seconde lecture, tirée des Actes des Apôtres, parle de la mission apostolique qui naît de cet amour. Pierre, convoqué par le centurion romain Corneille, se rend chez lui à Césarée et assiste à sa conversion, la conversion d'un païen. Le même Apôtre commente cet événement très important: "Je constate en vérité que Dieu ne fait pas acception des personnes, mais qu'en toute nation celui qui le craint et pratique la justice lui est agréable" (Ac 10,34-35). Ensuite, lorsque l'Esprit descend sur un groupe de croyants provenant du paganisme, Pierre commente: "Peut-on refuser l'eau du baptême à ceux qui ont reçu l'Esprit Saint aussi bien que nous? (Ac 10,47). Illuminé d'En-haut, Pierre comprend et atteste que tous sont appelés par l'amour du Christ.

Nous nous trouvons donc face à un tournant décisif dans la vie de l'Eglise; un tournant auquel le Livre des Actes des Apôtres attribue une grande importance. En effet, les Apôtres, et en particulier Pierre, n'avaient pas encore perçu clairement que leur mission ne se limitait pas seulement aux fils d'Israël. Ce qui se produisit dans la maison de Corneille les persuada qu'il n'en était pas ainsi. Dès lors débuta le développement du christianisme en dehors d'Israël et commença à se consolider de façon toujours plus profonde la conscience de l'universalité de l'Eglise: chaque homme et chaque femme est appelé, sans distinction de race et culture, à accueillir l'Evangile. L'amour du Christ s'adresse à tous et le chrétien est le témoin de cet amour divin et universel.


3. Profondément persuadé de cette vérité, Pierre se dirigea tout d'abord à Antioche et, enfin, à Rome. L'Eglise de Rome lui doit ses débuts. La rencontre d'aujourd'hui de la communauté ecclésiale de Rome, au coeur du grand Jubilé de l'An 2000, ravive en nous tous la mémoire de cette origine apostolique, la mémoire de Pierre, premier Pasteur de notre ville. Ces derniers mois, de nombreux pèlerins de toutes les parties de la terre se rendent sur sa tombe pour célébrer le Jubilé de l'incarnation du Seigneur et professer la même foi que Pierre dans le Christ, Fils du Dieu vivant.

C'est ainsi que se manifeste une fois de plus la vocation particulière que la Providence divine a réservée à Rome: celle d'être un point de référence pour la communion et l'unité de toute l'Eglise et pour le renouveau spirituel de toute l'humanité.


4. Très chers fidèles de cette bien-aimée Eglise de Rome, je suis heureux de vous adresser mon salut affectueux en cette circonstance, qui nous voit réunis pour célébrer le Jubilé diocésain. Je salue le Cardinal-Vicaire, le Vice-gérant et les Evêques auxiliaires, les prêtres et les diacres, les religieux et les religieuses et vous tous, laïcs activement engagés dans les paroisses, dans les mouvements, dans les groupes, dans les divers milieux de travail et de vie de la Ville. Je salue également le Maire et les Autorités présentes.

Cette journée constitue le sommet idéal d'un intense chemin préparatoire. Du Synode diocésain à la Mission dans la Ville, notre Eglise de Rome, dans ses diverses parties, a manifesté au cours de ces années une grande vitalité pastorale et un fervent élan évangélisateur. C'est pour cela que nous voulons rendre grâce au Seigneur aujourd'hui. A travers des initiatives pastorales appropriées, toute la Ville a pu entendre à nouveau l'annonce de l'Evangile dans les maisons et sur les lieux de travail. Il est ainsi apparu clairement combien l'Eglise est enracinée dans le tissu de la population et combien elle est proche des personnes les plus pauvres et des laissés-pour-compte.

815 En conclusion de la Mission dans la Ville, le soir de la Veillée de Pentecôte de l'année dernière, je vous ai dit: nous ne devons pas gaspiller les fruits de cette saison, riche de dons du Seigneur. Voilà pourquoi la rencontre d'aujourd'hui est, certes, un point d'arrivée, mais également un point de départ indispensable. Il est nécessaire que, dès à présent, l'on insuffle un effort général qui fasse pénétrer l'"esprit de la mission dans la ville" toujours davantage dans la pastorale ordinaire et quotidienne des paroisses et des institutions ecclésiales. Il faut que cela soit considéré par tous comme un "engagement permanent" et que cela concerne tout le Peuple de Dieu, à commencer par les "missionnaires", prêtres, religieux et laïcs, qui ont fait l'expérience concrète de la beauté et de la joie de l'évangélisation. C'est précisément en vue de cette relance nécessaire dans les familles et dans les milieux urbains, qu'il est plus que jamais opportun qu'au cours de la prochaine année pastorale, l'on procède à un discernement attentif sur les fruits du chemin parcouru jusqu'à présent.


5. Nous rendons grâce à Dieu pour tout ce que le diocèse est en train de vivre; nous rendons grâce en particulier pour les événements qui sont célébrés au cours de cette Année jubilaire. Nous nous trouvons désormais à la veille de grands rendez-vous exigeants, qui requièrent une collaboration plus vaste et généreuse. Je pense, tout d'abord, au Congrès eucharistique international, le "coeur du Jubilé", qui célèbre la présence vivante parmi nous et pour nous du Verbe fait chair, "pain de vie pour le monde".

Il y a également la quinzième Journée mondiale de la Jeunesse. Elle verra, au mois d'août, se rassembler à Rome une multitude de jeunes provenant de toutes les parties du monde, qui attendent d'être accueillis avec joie et sympathie par les jeunes romains de leur âge, et d'être hébergés par les familles et par toute la communauté chrétienne et de la ville.

En outre, au mois d'octobre, nous célébrerons le Jubilé des Familles, qui exigera une attention particulière de la part du diocèse et des familles chrétiennes. Préparons-nous à ces événements à travers une participation convaincue.


6. Eglise de Rome, sois consciente de la singularité de ta mission, également en rapport avec le Jubilé! Ne te décourage pas face aux difficultés que tu rencontres sur ton chemin quotidien. Tu es soutenue par le témoignage des Apôtres Pierre et Paul, qui ont consacré tes débuts par leur sang; que t'encourage l'exemple des saints et des martyrs, qui t'ont remis la flamme d'un invincible dévouement à l'Evangile. Ne crains rien! Grâce à l'engagement de tes enfants, que l'amour du Christ parvienne à tous les habitants de la ville; qu'il se diffuse dans chaque milieu, pour apporter partout la joie et l'espérance.

Et Toi, Marie, Salus populi romani, Madone de l'Amour divin, aide-nous. Nous nous confions à Toi avec confiance. A travers ton intercession maternelle, que se renouvelle sur l'Eglise de Rome la descente de l'Esprit Saint, principe de son unité et force pour sa mission.
Loué soit Jésus-Christ!



2 juin 2000, Jubilé des Migrants et des Itinérants

Vendredi 2 juin 2000


1. "Persévérez dans la dilection fraternelle. N'oubliez pas l'hospitalité" (
He 13,1-2).

Le passage de l'Epître aux Hébreux, que nous venons d'entendre, relie l'exhortation à accueillir l'hôte, le pèlerin, l'étranger au commandement de l'amour, synthèse de la nouvelle loi du Christ. "N'oubliez pas l'hospitalité!". Ce message retentit de façon particulière aujourd'hui, très chers migrants et personnes en déplacement, alors que nous célébrons ce Jubilé particulier.

816 Je vous salue avec une grande affection et je vous remercie pour avoir répondu nombreux à mon invitation et à celle du Conseil pontifical pour les Migrants et les Personnes en Déplacement. Je salue, en particulier, Mgr Stephen Fumio Hamao, Président de votre Con-seil pontifical, et je le remercie des paroles qu'il m'a adressées en votre nom au début de la célébration. Je salue également le Secrétaire, Mgr Gioia, le Sous-Secrétaire, les collaborateurs et ceux qui ont contribué à la réalisation de cette importante manifestation spirituelle.

Parmi vous se trouvent des migrants de divers pays et continents; des réfugiés qui ont échappé à des situations de violence, et qui demandent que leurs droits fondamentaux soient reconnus; des étudiants étrangers, souhaitant donner une qualification à leur formation scientifique et technologique; des personnes du monde la mer et de l'air, qui travaillent au service de ceux qui voyagent en bateau et en avion; des touristes qui désirent connaître des milieux, des coutumes et des usages différents; des nomades, qui depuis des siècles parcourent les routes du monde; des gens du cirque, qui proposent sur les places des attractions et un sain divertissement. Je vous embrasse tous cordialement.

Votre présence rappelle que le Fils de Dieu lui-même, en venant habiter parmi nous (cf.
Jn 1,14) est devenu un migrant: il s'est fait pèlerin dans le monde et dans l'histoire.


2. "Venez, les bénis de mon Père ... car... j'étais un étranger et vous m'avez accueilli" (Mt 25,34-35).

Jésus affirme que l'on entre dans le Royaume de Dieu uniquement en pratiquant le commandement de l'amour. On n'y entre donc non pas en vertu de privilèges raciaux, culturels ou même religieux, mais bien parce qu'on a accompli la volonté du Père qui est dans les cieux (cf. Mt Mt 7,21).

Très chers migrants et personnes en déplacement, votre Jubilé exprime avec une éloquence singulière la place centrale que la charité de l'accueil doit occuper dans l'Eglise. En assumant la condition humaine et historique, le Christ s'est uni d'une certaine façon à chaque homme. Il a accueilli chacun de nous et, dans le commandement de l'amour, il nous a demandé d'imiter son exemple, c'est-à-dire de nous accueillir les uns les autres comme Il nous a accueillis (cf. Rm 15,7).
Du moment que le Fils de Dieu "a planté sa tente parmi nous", chaque homme est devenu d'une certaine façon le "lieu" de la rencontre avec Lui. Accueillir le Christ dans le frère et dans la soeur éprouvés par la nécessité constitue la condition pour pouvoir le rencontrer "face à face" et de façon parfaite à la fin du chemin terrestre.

L'exhortation de l'auteur de l'Epître aux Hébreux est donc toujours actuelle: "N'oubliez pas l'hospitalité, car c'est grâce à elle que quelques-uns, à leur insu, hébergèrent des anges" (He 13,2).


3. Je fais miennes, aujourd'hui, les paroles de mon vénéré prédécesseur le serviteur de Dieu Paul VI qui, dans l'homélie de clôture du Concile oecuménique Vatican II, affirmait: "Pour l'Eglise catholique personne n'est étranger, personne n'est exclu, personne n'est loin" (AAS, 58 [1966], PP 51-59). Dans l'Eglise - écrit dès le début l'Apôtre des nations - il n'y a pas d'étrangers ni d'hôtes, mais des concitoyens des saints et des familiers de Dieu (cf. Ep 2,19).

Malheureusement, dans le monde, il y a encore à l'heure actuelle beaucoup d'attitudes de fermeture et même de refus, dues à des peurs injustifiées et au repli sur ses propres intérêts. Il s'agit de discriminations qui ne sont pas compatibles avec l'appartenance au Christ et à l'Eglise. La communauté chrétienne est au contraire appelée à diffuser dans le monde le ferment de la fraternité, de cette coexistence des différences dont nous avons l'occasion, aujourd'hui aussi, de faire l'expérience au cours de cette rencontre.

Certes, dans une société comme la nôtre, complexe et marquée par de multiples tensions, la culture de l'accueil demande à être conjuguée avec des lois et des normes prudentes et clairvoyantes, qui permettent de valoriser l'aspect positif de la mobilité humaine, en prévenant les manifestations négatives possibles. Cela pour faire en sorte que chaque personne soit effectivement respectée et accueillie.

817 A l'époque de la globalisation, l'Eglise a plus que jamais une proposition précise à formuler: agir pour que notre monde, dont on a parfois l'habitude de parler comme d'un "village global", soit vraiment plus uni, plus solidaire, plus accueillant. Voilà le message que cette célébration jubilaire désire faire parvenir partout: que l'homme et le respect de ses droits soit toujours placé au centre des phénomènes de mobilité.


4. Dépositaire d'un message salvifique universel, l'Eglise ressent comme son premier devoir de proclamer l'Evangile à chaque homme et à tous les peuples. Depuis que le Christ ressuscité envoya les Apôtres annoncer l'Evangile jusqu'aux extrémités de la terre, ses horizons sont celui du monde entier. L'horizon multiethnique, multiculturel et multireligieux de la Méditerrane fut celui sur lequel les premiers chrétiens commencèrent à se reconnaître et à vivre comme frères en tant que Fils de Dieu.
Aujourd'hui, ce n'est plus seulement la Méditerranée, mais toute la planète qui s'ouvre aux dynamiques complexes d'une fraternité universelle. Votre présence ici, à Rome, très chers frères et soeurs, souligne combien il est important que ce phénomène de croissance humaine soit constamment illuminé par le Christ et par son Evangile d'espérance. C'est dans cette perspective que nous devons continuer à nous engager, soutenus par la grâce divine et par l'intercession des grands saints patrons des migrants: de sainte Francesca Saverio Cabrini, au bienheureux Giovanni Battista Scalabrini. Ces saints et bienheureux rappellent quelle est la vocation du chrétien parmi les hommes: marcher avec eux comme un frère, en partageant leurs joies et leurs espérances, leurs difficultés et leurs souffrances. Comme les disciples d'Emmaüs, les croyants, soutenus par la présence vivante du Christ ressuscité, deviennent à leur tour les compagnons de route de leurs frères en difficulté, en leur offrant la Parole qui ravive l'espérance dans les coeurs, en rompant avec eux le pain de l'amitié, de la fraternité, de l'aide réciproque. C'est ainsi que l'on édifie la civilisation de l'amour. C'est ainsi que l'on annonce l'avènement espéré des cieux nouveaux et de la terre nouvelle, vers lesquels nous sommes en marche.

Nous invoquons l'intercession de ces saints patrons pour tous ceux qui font partie de la grande famille des migrants et des personnes en déplacement. Nous invoquons, en particulier, la protection de Marie, qui nous a précédés dans le pèlerinage de la foi, afin qu'elle guide les pas de chaque homme et de chaque femme qui cherche la liberté, la justice et la paix. Que ce soit Elle qui accompagne les personnes, les familles et les communautés itinérantes. Que ce soit Elle qui suscite la cordialité et l'accueil dans l'âme des pays d'accueil, que ce soit Elle qui favorise l'établissement de liens de compréhension réciproque et de solidarité entre ceux qui savent qu'ils seront appelés à participer un jour à cette même joie dans la maison du Père céleste! Amen!



10 juin 2000, Veillée de Pentecôte

Samedi 10 juin 2000
1. "Lorsque viendra le Paraclet, que je vous enverrai d'auprès du Père, l'Esprit de vérité, qui vient du Père, il me rendra témoignage" (Jn 15,26).


Telles sont les paroles que l'Evangéliste Jean recueilla sur les lèvres du Christ au Cénacle, au cours de la Dernière Cène, à la veille de la Passion. Aujourd'hui, elles retentissent avec une singulière intensité pour nous, en cette Pentecôte de l'Année jubilaire, dont elles révèlent le contenu le plus profond.

Pour saisir ce message essentiel, il faut demeurer, comme les disciples, dans le Cénacle. C'est pourquoi l'Eglise, également grâce à une sélection opportune des textes liturgiques, est restée, au cours du temps pascal, dans le Cénacle. Et ce soir, la place Saint-Pierre s'est transformée en un grand Cénacle, dans lequel notre communauté est rassemblée pour invoquer et accueillir le don de l'Esprit Saint.

La première lecture, tirée du Livre des Actes des Apôtres, nous a rappelé ce qui eut lieu cinquante jours après la Pâque, à Jérusalem. Avant de monter au Ciel, le Christ avait confié aux Apôtres une grande tâche: "Allez... de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit" (Mt 28,19-20). Il avait également promis que, après son départ, ils auraient reçu "un autre Paraclet", qui leur aurait enseigné toute chose (cf. Jn Jn 14,16 Jn Jn 14,26).

Cette promesse s'accomplit précisément le jour de la Pentecôte: l'Esprit, en descendant sur les Apôtres, leur donna la lumière et la force nécessaires pour faire des disciples de toutes les nations, en annonçant à tous l'Evangile du Christ. C'est ainsi que, dans le lien fécond entre le Cénacle et le monde, entre prière et annonce, l'Eglise est née et vit.


818 2. Lorsqu'il avait promis l'Esprit Saint, le Seigneur Jésus avait parlé de Lui comme du "Consolateur", du "Paraclet", qu'il aurait envoyé du Père (cf. Jn 15,26). Il en avait parlé comme de l'"Esprit de vérité", qui aurait conduit l'Eglise à la vérité tout entière (cf. Jn Jn 16,13). Et il avait précisé que l'Esprit Saint lui aurait rendu témoignage (cf. Jn Jn 15,26). Mais il avait immédiatement ajouté: "Mais vous aussi, vous témoignerez, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement" (Jn 15,27). Lorsque durant la Pentecôte l'Esprit descend sur la communauté rassemblée dans le Cénacle, ce double témoignage commence: celui de l'Esprit Saint et celui des Apôtres.

Le témoignage de l'Esprit est divin: il provient de la profondeur du mystère trinitaire. Le témoignage des Apôtres est humain: il transmet, dans la lumière de la révélation, leur expérience de vie aux côtés de Jésus. En instituant les fondements de l'Eglise, le Christ attribue une grande importance au témoignage humain des Apôtres. Il désire que l'Eglise vive de la vérité historique de son Incarnation, afin que, par l'oeuvre des témoins, soit toujours éveillée et agissante en elle la mémoire de sa mort sur la croix et de sa résurrection.


3. "....Mais vous aussi, vous témoignerez" (Jn 15,27). Animée par le don de l'Esprit, l'Eglise a toujours vivement ressenti cet engagement et a fidèlement proclamé le message évangélique à chaque époque et en tout lieu. Elle l'a fait dans le respect de la dignité des peuples, de leur culture, de leurs traditions. En effet, elle sait bien que le message divin qui lui est confié n'est pas l'ennemi des aspirations les plus profondes de l'homme; il a au contraire été révélé par Dieu pour combler, au-delà de toute attente, la faim et la soif du coeur humain. C'est précisément pour cela que l'Evangile ne doit pas être imposé mais proposé, car ce n'est que s'il est accepté librement et embrassé avec amour qu'il peut se révéler efficace.

Comme cela eut lieu à Jérusalem lors de la première Pentecôte, à chaque époque les témoins du Christ, remplis de l'Esprit Saint, se sont sentis poussés à aller vers les autres pour exprimer dans les différentes langues les merveilles accomplies par Dieu. C'est ce qui continue à sa produire à notre époque également. La Journée jubilaire d'aujourd'hui, consacrée à la "réflexion sur les devoirs des catholiques envers les autres: annonce du Christ, témoignage et dialogue" désire le souligner.

La réflexion à laquelle nous sommes invités ne peut pas ne pas s'arrêter tout d'abord sur l'oeuvre que l'Esprit Saint accomplit dans les personnes et dans les communautés. C'est l'Esprit Saint qui sème les "semences du Verbe" dans les diverses traditions et cultures, préparant les populations des régions les plus différentes à accueillir l'annonce évangélique. Cette conscience ne peut que susciter chez les disciples du Christ une attitude d'ouverture et de dialogue à l'égard de ceux qui ont des convictions religieuses différentes. En effet, c'est un devoir de se mettre à l'écoute de ce que l'Esprit peut suggérer également aux "autres". Ils sont en mesure d'offrir des suggestions utiles pour parvenir à une compréhension plus profonde de ce que le chrétien possède déjà dans le "dépôt révélé". Le dialogue pourra ainsi lui ouvrir la voie pour une annonce qui s'adapte davantage aux conditions personnelles de celui qui écoute.


4. Ce qui reste cependant décisif pour l'efficacité de l'annonce est le témoignage vécu. Seul le croyant qui vit ce qu'il professe avec les lèvres, a l'espérance d'être écouté. On doit ensuite tenir compte du fait que, parfois, les circonstances, ne permettent pas l'annonce explicite de Jésus-Christ comme Seigneur et Sauveur de tous. C'est là que le témoignage d'une vie respectueuse, chaste, détachée des richesses et libre face aux pouvoirs de ce monde, en un mot, le témoignage de la sainteté, même si elle est offerte en silence, peut révéler toute sa force de conviction.

Il est en outre clair que la fermeté en étant témoins du Christ avec la force de l'Esprit Saint n'empêche pas de collaborer au service de l'homme avec ceux qui appartiennent aux autres religions. Au contraire, cela nous pousse à travailler avec eux pour le bien de la société et la paix dans le monde.

A l'aube du troisième millénaire, les disciples du Christ sont pleinement conscients que ce monde se présente comme "une carte de diverses religions" (Redemptor hominis RH 11). Si les fils de l'Eglise savent rester ouverts à l'action de l'Esprit Saint, Il les aidera à communiquer, dans le respect des convictions religieuses d'autrui, le message salvifique du Christ unique et universel.


5. "Il me rendra témoignage. Mais vous aussi, vous témoignerez, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement" (Jn 15,26-27). Dans ces paroles est contenue toute la logique de la Révélation et de la foi dont vit l'Eglise: le témoignage de l'Esprit Saint, qui naît de la profondeur du mystère trinitaire de Dieu, et le témoignage humain des Apôtres, lié à leur expérience historique du Christ. L'un et l'autre sont nécessaires. Et il s'agit même, si l'on regarde bien, d'un unique témoignage: c'est l'Esprit qui continue à parler aux hommes d'aujourd'hui à travers la langue et la vie des disciples actuels du Christ.

Le jour où nous célébrons le mémorial de la naissance de l'Eglise, nous voulons exprimer une reconnaissance émue à Dieu pour ce double, et en définitive unique, témoignage, qui enveloppe la grande famille de l'Eglise dès le jour de la Pentecôte. Nous voulons rendre grâce pour le témoignage de la première communauté de Jérusalem, qui, à travers les générations des martyrs et des confesseurs, est devenue au cours des siècles l'héritage d'innombrables hommes et femmes sur tout le globe terrestre.

Encouragée par la mémoire de la première Pentecôte, l'Eglise ravive aujourd'hui l'attente d'une effusion renouvelée de l'Esprit Saint. Assidue et en union dans la prière avec Marie, la Mère de Jésus, elle ne cesse d'invoquer: Que ton Esprit descende, Seigneur, et renouvelle la face de la terre! (cf. Ps Ps 103,30).

819 Veni, Sancte Spiritus: Viens, Esprit Saint, allume dans les coeurs de tes fidèles le feu de ton amour!
Sancte Spiritus, veni!

18 juin 2000, Ouverture du Congrès Eucharistique International
Dimanche 18 juin 2000



1. "Il n'y a qu'un Corps et qu'un Esprit, comme il n'y a qu'une espérance au terme de l'appel que vous avez reçu" (
Ep 4,4).

Un seul corps! C'est sur ces paroles de l'Apôtre Paul que se concentre ce soir de façon particulière notre attention au cours de ces Vêpres solennelles, avec lesquelles nous inaugurons le Congrès eucharistique international. Un seul corps: la pensée se tourne tout d'abord vers le Corps du Christ, Pain de la vie!

Jésus, né de la Vierge Marie il y a deux mille ans, voulut nous laisser lors de la Dernière Cène son corps et son sang, immolé pour l'humanité tout entière. Autour de l'Eucharistie, sacrement de son amour pour nous, se réunit l'Eglise, son Corps mystique. Voilà: le Christ et l'Eglise, un seul corps, un unique grand mystère. Mysterium fidei!

2. Ave, verum corpus, natum de Maria Virgine! - Ave, vrai Corps du Christ, né de la Vierge Marie! Né dans la plénitude du temps, né d'une femme, né sujet de la loi (cf. Ga 4,4).

Au coeur du grand Jubilé et au début de cette semaine dédiée au Congrès eucharistique, nous revenons sur cet événement historique qui a marqué le plein accomplissement de notre salut. Agenouillons-nous comme les pasteurs devant le berceau de Beth-léem; comme les Rois mages venus de l'Orient, adorons le Christ, Sauveur du monde. Comme le vieux Syméon, nous le serrons dans nos bras en bénissant Dieu, car nos yeux ont vu le salut qu'il a préparé devant tous les peuples: Lumière pour illuminer les nations et gloire du peuple d'Israël (cf. Lc 2,30-32).

Nous reparcourons les étapes de son existence terrestre jusqu'au Calvaire, jusqu'à la gloire de la résurrection. Au cours des prochains jours, ce sera surtout au Cénacle que nous nous arrêterons en repensant à ce que le Christ Jésus a fait et souffert pour nous.

3. "In supremae nocte cenae... se dat suis manibus". Au cours de la Dernière Cène, en célébrant la Pâque avec ses disciples, le Christ s'est offert lui-même pour nous. Oui, convoquée pour le Congrès eucharistique international, l'Eglise revient au Cénacle au cours de ces journées et elle y reste en adoration pensive. Elle revit le grand mystère de l'Incarnation, en concentrant son regard sur le Sacrement à travers lequel le Christ nous a remis le mémorial de sa Passion: "Ceci est mon corps, donné pour vous [...] Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang, versé pour vous" (Lc 22,19-20).

820 Ave, verum corpus [...] vere passum, immolatum!

Nous t'adorons, vrai Corps du Christ, présent dans le Sacrement de la nouvelle et éternelle Alliance, mémorial vivant du sacrifice rédempteur. Toi, Seigneur, tu es le Pain vivant descendu du ciel, qui donne la vie à l'homme! Sur la Croix tu as donné ta chair pour la vie du monde (cf.
Jn 6,51): in cruce pro homine!

Face à un mystère aussi sublime, l'esprit humain s'égare. Mais, réconforté par la grâce divine, il ose répéter avec foi:
Adoro te devote, latens Deitas,
quae sub his figuris vere latitas.
Je t'adore, ô Dieu caché,
qui sous les espèces saintes
te caches réellement.

4. "Il n'y a qu'un Corps et qu'un Esprit, comme il n'y a qu'une espérance au terme de l'appel que vous avez reçu" (Ep 4,4).

Dans ces paroles, que nous venons d'entendre, l'Apôtre Paul parle de l'Eglise, communauté de croyants regroupés ensemble dans l'unité d'un seul corps, animés par le même esprit et soutenus par le partage de la même espérance. Paul pense à la réalité du Corps mystique du Christ, qui dans le Corps eucharistique de Celui-ci trouve son propre centre vital, d'où s'écoule l'énergie de la grâce dans chacun de ses membres.

L'Apôtre affirme: "Le pain que nous rompons, n'est-il pas communion au Corps du Christ? Parce qu'il n'y a qu'un pain, à plusieurs nous ne sommes qu'un corps" (1Co 10,16-17). Ainsi nous tous, baptisés, nous devenons membres de ce corps et donc membres les uns des autres (cf. 1Co 12,27 Rm 12,5). Avec une intime reconnaissance nous rendons grâce à Dieu, qui a fait de l'Eucharistie le Sacrement de notre pleine communion avec Lui et avec nos frères.

821 5. Ce soir, avec les Vêpres solennelles de la Très Sainte Trinité, nous commençons une semaine singulièrement riche, qui verra rassemblés autour de l'Eucharistie des Evêques et des prêtres, des religieux et des laïcs de toutes les parties du monde. Ce sera une expérience de foi extraordinaire et un témoignage éloquent de communion ecclésiale. Je vous salue, chers frères et soeurs, qui prenez part à cet événement jubilaire, dans lequel on peut saisir le coeur de toute l'Année Sainte. Mon salut s'adresse en particulier aux fidèles du diocèse de Rome, notre diocèse, qui, sous la direction du Cardinal-Vicaire et des Evêques auxiliaires, et avec la collaboration du clergé, des religieux et des religieuses, ainsi que de nombreux laïcs généreux, a préparé le Congrès eucharistique sous ses divers aspects. Le diocèse se dispose à en assurer le déroulement ordonné au cours des jours suivants, conscient de l'honneur que constitue le fait d'accueillir cet événement central du grand Jubilé.

Je désire également adresser un salut particulier aux nombreuses Confréries réunies à Rome pour un significatif "Chemin de fraternité". Leur présence, rendue plus suggestive par les Croix artistiques et par les précieuses représentations sacrées transportées ici sur de majestueuses "machines", constitue le digne cadre de la célébration eucharistique qui nous a rassemblés ici.

Vers cette place convergent les esprits et les coeurs de nombreux fidèles présents dans le monde. J'invite chacun, personnes croyantes et communautés ecclésiales de tous les lieux de la terre, à partager avec nous ces moments de haute spiritualité eucharistique. Je demande en particulier aux enfants et aux malades, ainsi qu'aux communautés contemplatives, d'offrir leur prière pour une réussite heureuse et fructueuse de cette rencontre eucharistique mondiale.

6. Du Congrès eucharistique nous parvient l'invitation à renouveler notre foi dans la présence réelle du Christ dans le sacrement de l'Autel: Ave, verum corpus!

Dans le même temps nous parvient l'appel urgent à la réconciliation et à l'unité de tous les croyants: "Un seul corps... une seule foi, un seul baptême"! Des divisions et des contrastes déchirent encore, malheureusement, le corps du Christ et empêchent les chrétiens de diverses confessions de partager l'unique Pain eucharistique. C'est pourquoi, tous unis, nous invoquons la force restauratrice de la miséricorde divine, surabondante en cette Année jubilaire.

Et Toi, ô Christ, unique Chef et Sauveur, attire à Toi tous tes membres. Unis-les et transforme-les dans ton amour, car l'Eglise resplendit de cette beauté surnaturelle qui resplendit chez les saints de chaque époque et nation, chez les martyrs et les confesseurs, chez les vierges et les innombrables témoins de l'Evangile!

O Iesu dulcis, o Iesu pie,
o Iesu, fili Mariae!
Amen.

22 juin 2000, Corpus Domini
Jeudi 22 juin 2000



822 1. L'Institution de l'Eucharistie, le sacrifice de Melchisédech et la multiplication des pains: tel est le triptyque suggestif que nous présente la liturgie de la Parole aujourd'hui, en la solennité du Corpus Domini.

Au centre, l'Institution de l'Eucharistie. Dans la première Epître aux Corinthiens que nous avons écoutée il y a peu, saint Paul a évoqué avec des paroles précises l'événement, en ajoutant: "Chaque fois en effet que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne" (
1Co 11,26). "Chaque fois", et donc également ce soir, au coeur du Congrès eucharistique international, en célébrant l'Eucharistie, nous annonçons la mort rédemptrice du Christ et nous ravivons dans notre coeur l'espérance de la rencontre définitive avec Lui.

Conscients de cela, et presque en réponse à l'appel de l'Apôtre, nous proclamons: "Nous annonçons ta mort, Seigneur, nous proclamons ta résurrection, nous attendons ta venue".

2. Le regard s'étend aux autres éléments du triptyque biblique soumis aujourd'hui à notre méditation: le sacrifice de Melchisédech et la multiplication des pains.

Le premier récit, très bref mais très important, est tiré du Livre de la Genèse et a été proclamé dans la première Lecture. Il nous raconte que Melchisédech, "roi de Shalem" et "prêtre du Dieu très haut" bénit Abraham et "apporta du pain et du vin" (Gn 14,18). Le Psaume 109 fait référence à ce passage en attribuant au Roi-Messie un caractère sacerdotal particulier en vertu de l'investiture directe de Dieu: "Tu es prêtre à jamais selon l'ordre de Melchisédech" (Ps 110 [109] 4).

La veille de sa mort sur la croix, le Christ institua l'Eucharistie au Cénacle. Il offrit lui aussi le pain et le vin, qui "dans ses mains saintes et vénérables" (Canon romain) devinrent son Corps et son Sang, offerts en sacrifice. Il portait ainsi à terme la prophétie de l'Ancienne Alliance, liée à l'offrande sacrificielle de Melchisédek. C'est précisément pour cela - rappelle l'Epître aux hébreux - qu'"il [...] est devenu pour tous ceux qui lui obéissent principe de salut éternel, puisqu'il est salué par Dieu du titre de grand prêtre selon l'ordre de Melchisédech" (5, 7-10).

Au Cénacle est anticipé le sacrifice du Golgotha: la mort sur la croix du Verbe Incarné, Agneau immolé pour nous, Agneau qui enlève les péchés du monde. Dans la douleur du Christ est rachetée la douleur de tout homme; dans sa passion se trouve la souffrance humaine qui acquiert une valeur nouvelle; dans sa mort est vaincue pour toujours notre mort.

3. Tournons à présent notre regard vers le récit évangélique de la multiplication des pains qui complète le triptyque eucharistique, aujourd'hui soumis à notre attention. Dans le contexte liturgique du Corpus Domini, ce passage de l'évangéliste Luc nous aide à mieux comprendre le don et le mystère de l'Eucharistie.

Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, il leva les yeux au ciel, les bénit, les rompit et les donna aux apôtres afin qu'ils les distribuent au peuple (cf. Lc 9,16). Tous - observe saint Luc - mangèrent et furent rassasiés et douze couffins de morceaux furent même recueillis (cf. ibid., 17).
Il s'agit d'un prodige surprenant, qui constitue comme le début d'un long processus historique: la multiplication sans arrêt dans l'Eglise du Pain de vie nouvelle pour les hommes de toute race et de toute culture. Ce ministère sacramentel est confié aux Apôtres et à leurs successeurs. Et eux, fidèles à la consigne du divin Maître, ne cessent de rompre et de distribuer le Pain eucharistique de génération en génération.

Le Peuple de Dieu le reçoit avec une participation dévouée. De ce Pain de vie, médecine d'immortalité, se sont nourris d'innombrables saints et martyrs, en y puisant la force pour résister également aux dures et longues tribulations. Ils ont cru aux paroles que Jésus prononça un jour à Capharnaüm: "Je suis le pain vivant, descendu du ciel. Qui mange ce pain vivra à jamais" (Jn 6,51).

823 4. "Je suis le pain vivant, descendu du ciel!".

Après avoir contemplé l'extraordinaire triptyque eucharistique, constitué par les Lectures d'aujourd'hui, fixons à présent les yeux de l'esprit directement sur le mystère. Jésus se définit "le Pain de la vie", et ajoute: "Le pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde" (
Jn 6,51).

Mystère de notre salut! Le Christ - unique Seigneur hier, aujourd'hui et à jamais - a voulu lier sa présence salvifique dans le monde et dans l'histoire au sacrement de l'Eucharistie. Il a voulu devenir pain rompu, afin que chaque homme puisse se nourrir de sa vie même, à travers la participation au Sacrement de son Corps et de son Sang.

Comme les disciples, qui écoutèrent stupéfaits son discours à Capharnaüm, nous aussi nous ressentons que ce langage n'est pas facile à comprendre (cf. Jn 6,60). Nous pourrions parfois être tentés d'en donner une interprétation réductrice. Mais cela nous éloignerait du Christ, comme cela a lieu pour les disciples qui "dès lors [...] n'allaient plus avec lui" (Jn 6,66).

Nous voulons rester avec le Christ, et pour cela nous Lui disons avec Pierre: "Seigneur, à qui irons-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle" (Jn 6,68). Avec la même conviction que Pierre, nous nous agenouillons aujourd'hui devant le Sacrement de l'autel et nous renouvelons notre profession de foi dans la présence réelle du Christ.

Telle est la signification de la célébration d'aujourd'hui que le Congrès eucharistique international, en l'Année du grand Jubilé, met en évidence avec une force particulière. Tel est également le sens de la procession solennelle qui, comme chaque année, se déroulera d'ici peu de cette place jusqu'à la Basilique Sainte-Marie-Majeure.

Avec une humble fierté, nous escorterons le Sacrement eucharistique le long des rues de la ville, auprès des immeubles où les personnes vivent, se réjouissent et souffrent; parmi les magasins et les usines dans lesquels se déroule l'activité quotidienne. Nous le mettrons en contact avec notre vie menacée par mille dangers, opprimée par des préoccupations et des peines, et sujette à la lente mais inexorable usure du temps.

Nous l'escorterons en élevant vers Lui l'hommage de nos chants et de nos prières: "Bone Pastor, panis vere... Bon Pasteur, véritable pain - lui dirons-nous avec confiance - ô Jésus, prends pitié de nous, / nourris-nous et défends-nous, / conduis-nous aux biens éternels.

Toi qui sais et peux tout, / qui nous nourris sur terre, / conduis tes frères / à la table du ciel / dans la joie de tes saints".

Amen!

25 juin 2000, Statio Orbis en conclusion du Congrès Eucharistique International

824 Dimanche 25 juin 2000
1. "Prenez, ceci est mon corps [...] Ceci est mon sang" (Mc 14,22-23).


Les paroles prononcées par Jésus au cours de la Dernière Cène retentissent aujourd'hui dans notre assemblée, alors que nous nous apprêtons à conclure le Congrès eucharistique international. Elles retentissent avec une intensité singulière, comme une consigne renouvelée: "Prenez"!

Le Christ nous confie son Corps donné et son Sang versé. Il nous les confie comme il le fit avec les Apôtres au Cénacle, avant le sacrifice suprême du Golgotha. Ce sont des paroles que Pierre et les autres convives accueillirent avec émerveillement et une profonde émotion. Mais pouvaient-ils alors comprendre jusqu'où elles les auraient conduits?

A cet instant s'accomplissait la promesse que Jésus avait faite dans la synagogue de Capharnaüm: "Je suis le pain de vie [...] le pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde" (Jn 6,48 Jn 6,51). La promesse s'accomplissait en la veille immédiate de la Passion, lors de laquelle le Christ devait s'offrir lui-même pour le salut de l'humanité.

2. "Ceci est mon sang, le sang de l'alliance qui va être répandu pour une multitude" (Mc 14,24).
Dans le Cénacle, Jésus parle d'alliance. Il s'agit d'un terme que les Apôtres n'ont pas de difficultés à comprendre, car ils appartiennent au peuple avec lequel Yahvé, comme nous le rapporte la première Lecture, avait scellé l'antique pacte, au cours de l'exode d'Egypte (cf. Ex 19-24). Dans leur mémoire sont bien présents le mont Sinaï et Moïse, qui était descendu de cette montagne en apportant la Loi divine gravée sur deux tables de pierre.

Ils n'ont pas oublié que Moïse, ayant pris le "livre de l'alliance", l'avait lu à haute voix et que le peuple avait acquiescé en déclarant: "Tout ce que Yahvé a dit, nous le ferons et nous y obéirons" (ibid., 24, 7). C'est ainsi qu'avait été conclu un pacte entre Dieu et son peuple, scellé dans le sang d'animaux immolés en sacrifice. C'est pourquoi Moïse avait aspergé son peuple en disant: "Ceci est le sang de l'Alliance que Yahvé a conclue avec vous moyennant toutes ces clauses" (ibid., 24, 8).

Les Apôtres ont donc compris la référence à l'Ancienne Alliance. Mais qu'ont-ils compris de la nouvelle? Certainement bien peu. L'Esprit Saint devra descendre et ouvrir leurs esprits: alors ils comprendront pleinement le sens des paroles de Jésus. Ils comprendront et ils se réjouiront.

Nous avons ressenti un clair écho de cette joie dans les paroles de l'Epître aux Hébreux qui viennent d'être proclamées: "Si en effet du sang de boucs et de taureaux et de la cendre de génisse, dont on asperge ceux qui sont souillés, les sanctifient en leur procurant la pureté de la chair, combien plus le sang du Christ" (9, 13-14). Et l'auteur de l'Epître conclut: "Voilà pourquoi il (le Christ) est médiateur d'une nouvelle alliance, afin que [...] ceux qui sont appelés reçoivent l'héritage éternel promis" (9, 15).

3. "Ceci est la coupe de mon sang". Le soir du Jeudi Saint, les Apôtres parvinrent jusqu'au seuil du grand mystère. Lorsque, la cène étant terminée, ils sortirent avec lui pour se rendre dans le Jardin des Oliviers, ils ne pouvaient pas encore savoir que les paroles qu'il avait prononcées sur le pain et sur la coupe se seraient dramatiquement réalisées le jour suivant, à l'heure de la Croix. Peut-être ne se rendirent-ils même pas compte, le jour terrible et glorieux que l'Eglise appelle feria sexta in parasceve - le Vendredi Saint -, que ce que Jésus leur avait transmis sous les espèces du pain et du vin contenait la réalité pascale.

825 Dans l'Evangile de Luc se trouve un passage lumineux. En parlant des deux disciples d'Emmaüs, l'évangéliste note leur déception: "Nous espérions, nous, que c'était lui qui allait délivrer Israël" (Lc 24,21). Cela a sans doute été également le sentiment des autres disciples, avant la rencontre avec le Christ ressuscité. Ce n'est qu'après la résurrection qu'ils commencèrent à comprendre que dans la Pâque du Christ s'était accomplie la rédemption de l'homme. L'Esprit Saint les aurait ensuite conduit à la pleine vérité, en leur révélant que le Crucifié avait donné son corps et avait versé son sang en sacrifice d'expiation pour les péchés des hommes, pour les péchés du monde entier (cf. 1Jn 2,2).

C'est encore l'auteur de l'Epître aux Hébreux qui nous offre une claire synthèse du mystère: "Le Christ [...] entra une fois pour toutes dans le sanctuaire, non pas avec du sang de boucs et de jeunes taureaux, mais avec son propre sang, nous ayant acquis une rédemption éternelle" (He 9,11-12).

4. Aujourd'hui, nous réaffirmons cette vérité dans la Statio Orbis de ce Congrès eucharistique international, alors que, obéissants au commandement du Christ, nous re-faisons "en sa mémoire" ce qu'Il accomplit au Cénacle à la veille de sa Passion.

"Prenez, ceci est mon corps [...] Ceci est mon sang, le sang de l'alliance, qui va être répandu pour une multitude" (Mc 14,22 Mc 14,24). De cette place, nous voulons répéter aux hommes et aux femmes du troisième millénaire l'annonce extraordinaire: le Fils de Dieu s'est fait homme pour nous et s'est offert en sacrifice pour notre salut. Il nous donne son corps et son sang comme aliment d'une vie nouvelle, d'une vie divine qui n'est plus sujette à la mort.

Nous recevons à nouveau avec émotion ce don des mains du Christ afin que, par notre intermédiaire, il parvienne dans chaque famille et dans chaque ville, dans les lieux de la douleur et dans les laboratoires de l'espérance de notre temps. L'Eucharistie est un don infini d'amour: sous les signes du pain et du vin, nous reconnaissons et nous adorons l'unique et parfait sacrifice du Christ, offert pour notre salut et pour celui de toute l'humanité. L'Eucharistie est réellement "le mystère qui résume toute les merveilles accomplies par Dieu pour notre salut" (cf. Saint Thomas d'Aquin, De sacr. Euch., chap. I).

Dans le Cénacle est née et renaît sans cesse la foi eucharistique de l'Eglise. Alors que le Congrès eucharistique approche désormais de sa conclusion, nous voulons retourner en esprit à ces origines, à l'heure du Cénacle et du Golgotha, pour rendre grâce du don de l'Eucharistie, un don inestimable que le Christ nous a laissé, un don dont l'Eglise vit.

5. D'ici peu prendra fin notre assemblée liturgique, enrichie par la présence de fidèles provenant de toutes les parties du monde et rendue encore plus suggestive par cette extraordinaire décoration florale. Je salue tout le monde avec affection, je remercie chacun de tout coeur!

Nous repartons de cette rencontre raffermis dans notre engagement apostolique et missionnaire. A vous, malades, que la participation à l'Eucharistie vous rende patients dans l'épreuve; à vous époux, fidèles dans l'amour; à vous, personnes consacrées, persévérantes dans vos saints propos; à vous, chers enfants de la première Communion, forts et généreux, et surtout à vous, chers jeunes, qui vous apprêtez à assumer en première personne la responsabilité de l'avenir. De cette Statio Orbis, ma pensée réjoint déjà la solennelle célébration eucharistique, qui conclura la Journée mondiale de la Jeunesse. A vous, jeunes de Rome, d'Italie et du monde, je dis: préparez-vous avec soin à ce rendez-vous international de la jeunesse, au cours duquel vous serez appelés à faire face aux défis du nouveau millénaire.

6. Et Toi, Christ notre Seigneur, qui "dans ce grand mystère nourrit et sanctifie tes fidèles, pour que tous les hommes, habitant le même univers, soient éclairés par la même foi et réunis par la même charité" (Préface de la Très Sainte Eucharistie, II), rends toujours plus solide et unie ton Eglise, qui célèbre le mystère de ta présence de salut.
Communique ton Esprit à ceux qui s'approchent de la sainte Table et rends-les plus audacieux dans le témoignage du commandement de ton amour, afin que le monde croie en Toi, qui as dit un jour: "Je suis le pain vivant, descendu du ciel. Qui mangera ce pain vivra à jamais" (Jn 6,51).

Toi, Seigneur Jésus-Christ, Fils de la Vierge Marie, tu es l'unique Sauveur de l'homme, "hier, aujourd'hui et à jamais". Nous croyons en Toi, sauve-nous!

Amen!



826 29 juin 2000, Saints Pierre et Paul
Jeudi 29 juin 2000

1. "Mais pour vous, qui suis-je?" (
Mt 16,15).

Cette question sur son identité, Jésus la pose aux disciples, alors qu'il se trouve avec eux en haute Galilée. Il était arrivé plusieurs fois que ce soit eux qui posent des questions à Jésus; désormais, c'est Lui qui les interpelle. Il pose une question précise, qui attend une réponse. C'est Simon-Pierre qui prend la parole au nom de tous: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant" (Mt 16,16).

La réponse est extraordinairement lucide. La foi de l'Eglise s'y reflète de façon parfaite. Nous aussi, nous nous y reflétons. De façon particulière, dans les paroles de Pierre se reflète l'Evêque de Rome, par volonté divine son indigne successeur. Et autour de lui et avec lui, vous vous reflétez dans ces paroles, chers Archevêques métropolitains, réunis ici de tant de parties du monde pour recevoir le Pallium en la solennité des saints Pierre et Paul.

A chacun de vous, j'adresse mon salut le plus cordial; une salutation que j'étends volontiers à tous ceux qui vous ont accompagnés à Rome et à vos communautés, unies spirituellement à nous en cette circonstance solennelle.

2. "Tu es le Christ!". A la confession de Pierre, Jésus répond: "Tu es heureux Simon, fils de Jonas, car cette révélation t'est venue, non de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux" (Mt 16,17).

Tu es heureux, Pierre! Heureux, car cette vérité, qui est centrale dans la foi de l'Eglise, ne pouvait naître dans ta conscience d'homme que par l'oeuvre de Dieu. "Nul ne connaît le Fils si ce n'est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler" (Mt 11,27).

Nous réfléchissons sur cette page de l'Evangile particulièrement riche: le Verbe incarné avait révélé le Père à ses disciples; à présent est venu le moment où le Père lui-même leur révèle son Fils unique. Pierre accueille l'illumination intérieure et proclame avec courage: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant"!

Ces paroles sur les lèvres de Pierre proviennent du plus profond du mystère de Dieu. Elles révèlent l'intime vérité, la vie même de Dieu. Et Pierre, sous l'action de l'Esprit divin, devient témoin et confesseur de cette vérité surhumaine. Sa profession de foi constitue ainsi la base solide de la foi de l'Eglise: "Sur toi je bâtirai mon Eglise" (cf. Mt Mt 16,18). Sur la foi et sur la fidélité de Pierre est édifiée l'Eglise du Christ.

La première communauté chrétienne en était bien consciente, elle qui, comme le rapportent les Actes des Apôtres, lorsque Pierre se retrouva en prison, se recueillit pour élever à Dieu une prière implorante pour lui (cf. At 12, 5). Elle fut écoutée, car la présence de Pierre était encore nécessaire à la communauté qui accomplissait ses premiers pas: le Seigneur envoya son ange le libérer des mains des persécuteurs (cf. ibid., 12, 7-11). Il était écrit dans les desseins de Dieu que Pierre, après avoir confirmé longuement ses frères dans la foi, aurait souffert le martyre ici à Rome, avec Paul, l'Apôtre des Nations, ayant lui aussi échappé plusieurs fois à la mort.

827 3. "Le Seigneur lui, m'a assisté et m'a rempli de force afin que, par moi, le message fût proclamé et qu'il parvînt aux oreilles de tous les païens" (2Tm 4,17). Ce sont les paroles de Paul au fidèle disciple Timothée: nous les avons écoutées au cours de la seconde lecture. Elles témoignent de l'oeuvre qui a été accomplie en lui par le Seigneur, qui l'avait choisi comme ministre de l'Evangile, "le saisissant" sur la route de Damas (cf. Ph Ph 3,12).

Enveloppé dans une lumière fulgurante, le Seigneur s'était présenté à lui, disant: "Saoul, Saoul, pourquoi me persécutes-tu?" (Ac 9,4), tandis qu'une puissance mystérieuse le jetait à terre (cf. Ac Ac 9,5). "Qui es-tu, Seigneur?", avait demandé Saoul. "Je suis Jésus que tu persécutes"! (Ac 9,5).

Telle fut la réponse du Christ. Saoul persécutait les fidèles de Jésus et Jésus lui faisait savoir que c'était Lui-même qui était persécuté à travers eux. Lui, Jésus de Nazareth, le Crucifié, que les chrétiens affirmaient être ressuscité. Si, à présent, Saoul en ressentait la puissante présence, il était clair que Dieu l'avait réellement ressuscité des morts. C'est véritablement Lui le Messie attendu par Israël, c'était Lui le Christ vivant et présent dans l'Eglise et dans le monde!

Saoul aurait-il pu par sa seule raison comprendre tout ce qu'un tel événement comportait? Certainement pas! Cela faisait partie en effet des desseins mystérieux de Dieu. Ce sera le Père qui donnera à Paul la grâce de connaître le mystère de la rédemption, opérée par le Christ. Ce sera Dieu qui lui permettra de comprendre la réalité merveilleuse de l'Eglise, qui vit pour le Christ, avec le Christ et dans le Christ. Et lui, participant à cette vérité, ne cessera de la proclamer inlassablement jusqu'aux extrémités de la terre.

De Damas, Paul commencera son itinéraire apostolique qui le conduira à diffuser l'Evangile dans tant de parties du monde alors connu. Son élan missionnaire contribuera ainsi à la réalisation du mandat du Christ aux Apôtres: "Allez donc, de toutes les nations faites des disciples" (Mt 28,19).

4. Très chers frères dans l'épiscopat qui êtes venus recevoir le Pallium, votre présence souligne de façon éloquente la dimension universelle de l'Eglise qui jaillit du commandement du Seigneur: "Allez donc, de toutes les nations faites des disciples" (Mt 28,19).

En effet, vous provenez de quinze pays de quatre continents, et vous avez été appelés par le Seigneur pour être les Pasteurs des Eglises métropolitaines. L'imposition du Pallium souligne bien le lien particulier de communion qui vous lie au Siège de Pierre et manifeste la nature catholique de l'Eglise.

Chaque fois que vous revêtirez ce Pallium, rappelez-vous, très chers frères que comme Pasteurs, nous sommes appelés à sauvegarder la pureté de l'Evangile et l'unité de l'Eglise du Christ, fondée sur le "roc" de la foi de Pierre. C'est à cela que vous appelle le Seigneur; telle est notre mission incontournable de guides prévoyants du troupeau que le Seigneur nous a confié.

5. La pleine unité de l'Eglise! Je sens retentir en moi la consigne du Christ. Il s'agit d'une consigne ô combien urgente en ce début de nouveau millénaire. Prions pour cela, et oeuvrons sans jamais nous lasser d'espérer.

Avec ces sentiments, j'embrasse et je salue avec affection la délégation du Patriarcat oecuménique de Constantinople, venue célébrer avec nous la mémoire liturgique de Pierre et de Paul. Merci, vénérés frères, de votre présence et de votre participation cordiale à cette solennelle célébration liturgique. Que Dieu nous accorde de parvenir le plus tôt possible à la pleine unité de tous les croyants dans le Christ.

Que les Apôtres Pierre et Paul nous obtiennent ce don, eux que l'Eglise rappelle en ce jour, au cours duquel on fait mémoire de leur martyre, et donc de leur naissance dans la vie de Dieu. Pour l'Evangile, ils ont accepté de souffrir et de mourir et ils ont participé à la résurrection du Seigneur.

828 Leur foi, confirmée par le martyre, est la même foi que Marie, la Mère des croyants, des Apôtres, des saints et des saintes de tous les siècles.

Aujourd'hui, l'Eglise proclame à nouveau leur foi. Il s'agit de notre foi, la foi immuable de l'Eglise en Jésus, unique Sauveur du monde; dans le Christ, le Fils du Dieu vivant, mort et ressuscité pour nous et pour toute l'humanité.



6 juillet 2000, Pèlerinage national polonais

Jeudi 6 juillet 2000


1. "Que les peuples te rendent grâce, ô Dieu, que les peuples te rendent grâce tous" (
Ps 66 [67], 4). Cette invocation retentit ici, en ce lieu, de la porte ouverte de l'année du grand Jubilé. Et ce ne sont pas seulement des individus qui y répondent, mais également des peuples entiers et des nations entières. Ils arrivent en pèlerinages nationaux de diverses parties d'Europe et du monde, pour rendre ici, au coeur de l'Eglise, gloire et honneur à Dieu. Aujourd'hui, le pèlerinage de la Pologne est accueilli à Rome.

Mon salut cordial s'adresse à vous tous. Je salue le Cardinal-Primat, les Cardinaux de Cracovie et de Breslau, les archevêques, les évêques, les prêtres, les religieuses et les fidèles de nombreuses paroisses et communautés. Je salue les représentants des Autorités de l'Etat et des autorités territoriales, avec à leur tête le Président, le Premier ministre, le Président du Parlement et du Sénat. Que l'abondance des grâces jubilaires se répande sur tous les pèlerins ici présents! Que vos familles et vos proches, dans votre patrie et dans le monde, l'obtiennent également.


2. "Jésus-Christ est le même hier, aujourd'hui et à jamais!" (He 13,8). Nous voulons lier notre avenir à Lui. Lui seul est la Porte et Lui seul possède les paroles de vie éternelle. Tel est le sens le plus profond du grand Jubilé: il s'agit du temps du retour aux racines de la foi et, dans le même temps, de l'entrée dans l'avenir à travers la Porte qui est le Christ. En effet, en Lui, dans le Fils de Dieu incarné, s'accomplit le mystère éternel de l'élection de l'homme par Dieu - le mystère que révèle aujourd'hui à nos yeux l'Apôtre Paul alors qu'il écrit: "Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a bénis par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ. C'est ainsi qu'Il nous a élus en Lui, dès avant la fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence" (Ep 1,3-4). En suivant la pensée de l'Apôtre, nous prenons connaissance du dessein éternel de Dieu à l'égard de l'homme, qu'il a créé à son image et ressemblance. En le créant de cette façon, dès le début, Dieu a rendu l'homme semblable à son Fils et l'a uni à Lui. Si, au cours de cette année jubilaire, nous rappelons de façon particulière la naissance du Fils de Dieu qui eut lieu il y a deux mille ans, à travers cet événement, le plus grand de l'histoir de l'humanité, nous nous trouvons au seuil du mystère qui concerne chacun et tous: le Fils de Dieu s'est fait homme, afin que, en Lui et pour Lui, nous devenions des fils adoptifs de Dieu. Lorsqu'en effet, "vint la plénitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d'une femme, né sujet de la Loi, afin de racheter les sujets de la Loi, afin de nous conférer l'adoption filiale". Ce sont des paroles de saint Paul, dans l'Epître aux Galates (Ga 4,4-5). Si nous accomplissons aujourd'hui le pèlerinage à la porte sainte du grand Jubilé, nous le faison tout d'abord pour rendre grâce pour la grande grâce d'avoir été adoptés comme fils par Dieu, qui, à travers la naissance du Christ, assuma la condition humaine.

Comme l'écrit saint Paul - nous avons reçu cette grâce pour être "saints et immaculés en sa présence" (Ep 1,4) et "pour être à la louange de sa gloire" (Ep 1,12). On ne peut pas atteindre la sainteté, il n'est pas possible d'exister pour la gloire de Dieu, si ce n'est au moyen du Christ, avec le Christ et dans le Christ. En lui "nous trouvons la rédemption, par son sang, la rémission des fautes, selon la richesse de sa grâce" (Ep 1,7). C'est pourquoi, en cette Année jubilaire, l'Eglise nous conduit de façon particulière le long du chemin de la pénitence et de la réconciliation, afin que nous nous approchions avec confiance du Christ et que nous puisions aux sources intarissables de sa miséricorde. "Lui qui pardonne toutes nos offenses, qui nous guérit de toute maladie; qui rachète à la fosse notre vie, qui nous couronne d'amour et de tendresse" (cf. Ps Ps 102 [103], 3-4). Si l'Eglise rappelle aujourd'hui l'antique pratique de l'indulgence et nous y exhorte, elle le fait précisément parce le temps du Jubilé est particulièrement propice pour que l'homme ouvre son coeur à l'action de cette grâce, qui naît du Coeur ouvert du Rédempteur.

Saint Paul écrit: le Christ "constitue les arrhes de notre héritage, et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s'est acquis pour la louange de sa gloire" (Ep 1,14). Comment donc, ne pas profiter de la grâce de ce temps qui nous rapproche du Christ et nous permet de participer plus pleinement à l'héritage que Dieu a préparé pour nous dans sa gloire?


3. Un jour, à Nazareth, le Christ dit de lui, comme nous l'avons écouté dans l'Evangile d'aujourd'hui: "L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a consacré par l'onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres. Il m'a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur [...] Aujourd'hui s'accomplit à vos oreilles ce passage de l'Ecriture" (Lc 4,18-19 Lc 4,21). Cet "aujourd'hui" dure sans cesse depuis le jour où le Fils de Dieu vint sur terre. Après sa mort et sa résurrection, cet "aujourd'hui" demeure dans l'Eglise, dans laquelle le Christ est présent, jusqu'à la fin du monde. Cet "aujourd'hui" s'accomplit en chacun de nous, qui, à travers le baptême, avons été insérés dans le Christ.

Il faut qu'au cours de l'Année du grand Jubilé, nous nous rendions compte de façon particulière de cette liberté. Il faut que nous nous rappelions que cet "aujourd'hui" du Christ doit continuer dans les siècles futurs, jusqu'à sa seconde venue. Cette conscience doit déterminer le programme de vie de l'Eglise et celui de la vie de chacun de nous au cours du nouveau millénaire.

829 Ces dernières années, les diocèses particuliers ont suivi ce programme au cours des synodes patoraux locaux, de même que toute l'Eglise de Pologne lors du Synode plénier, en cherchant à définir quels étaient les défis qui étaient lancés aux croyants du présent et de l'avenir, et de quelle façon il fallait répondre à ceux-ci. En demandant la lumière de l'Esprit Saint, les pasteurs et les fidèles effectuaient un examen des phénomènes actuellement présents dans l'Eglise en Pologne; ils cherchaient à discerner les tâches face auxquelles se trouve notre génération dans la perspective du nouveau millénaire et ils traçaient les parcours, le long desquels l'Eglise doit entrer dans le nouveau siècle. Tout cela a été rédigé comme programme d'évangélisation pour le troisième millénaire. La porte ouverte du grand Jubilé rappelle de façon particulière à nous tous et à toute l'Eglise en Pologne, que ce programme ne peut pas demeurer lettre morte, mais qu'il doit être accueilli par tous et réalisé avec dévouement et persévérance.

Il touche de nombreux secteurs de la vie de l'Eglise. Aujourd'hui, toutefois, en me mettant à l'écoute de l'Evangile que nous venons d'entendre, je souhaite faire remarquer les deux dimensions de l'activité pastorale du clergé et de l'apostolat des laïcs dans notre pays. Voilà, le Christ dit: "L'Esprit du Seigneur est sur moi et il m'a envoyé pour porter la bonne nouvelle aux pauvres" (cf.
Lc 4,18). La première tâche pour laquelle il fut envoyé était donc l'annonce de l'Evangile. Telle fut la première tâche des Apôtres: "Allez dans le monde entier, proclamez l'Evangile à toute la création" (Mc 16,15). Cet appel est toujours actuel et pressant. Il concerne tous les fidèles - clercs et laïcs. Nous sommes tous appelés à témoigner dans la vie de chaque jour de l'Evangile du salut. Il faut que, en entrant dans le nouveau millénaire, nous répondions à cet appel avec ferveur. Que les parents soient les témoins de l'Evangile auprès des enfants et des jeunes! Que les jeunes apportent la bonne nouvelle aux jeunes de leur âge, qui perdent souvent le sens de la vie, égarés parmi les propositions du monde. Que les pasteurs n'oublient pas que l'esprit missionnaire, la sollicitude pour chaque homme qui cherche le Christ et pour ceux qui s'éloignent de Lui, appartiennent à l'essence de leur mission pastorale. Dans le même esprit, je demande à tous les fidèles de la Pologne de prier selon les intentions des missionnaires et pour les vocations missionnaires. Je le fais d'autant plus volontiers que c'est aujourd'hui la mémoire liturgique de la bienheureuse Maria Teresa Ledòchowska, appelée "Mère des Africains", patronne de la coopération missionnaire de l'Eglise en Pologne, fondatrice des Soeurs clavériennes, dont nous célébrons cette année le 25ème anniversaire de la béatification. La richesse spirituelle et les possibilités de l'Eglise qui est en Pologne sont grandes. Il faut puiser à ce trésor, pour aider de façon efficace les Eglises soeurs d'Afrique, d'Amérique, d'Asie et également d'Europe. Je prie Dieu d'inspirer avec l'esprit de cet apostolat particulier, les nombreux coeurs des prêtres et des religieux de notre patrie. L'Eglise universelle a besoin de serviteurs de l'Evangile venant de Pologne.

Alors que nous écoutons les paroles du Christ: "L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a consacré par l'onction, pour porter la bonne nouvelle aux pauvres. Il m'a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur" (cf. Lc 4,18-19), nous nous rendons compte que le Jubilé, en tant que période au cours de laquelle nous ressentons de façon particulière la miséricorde de Dieu, nous conduit vers ceux qui ont besoin de notre miséricorde. L'"aujourd'hui" de l'Eglise, vécu comme un "aujourd'hui" dans lequel s'accomplit la mission messianique du Christ, doit être vécu comme un "aujourd'hui" des pauvres, des opprimés, des personnes seules, des malades - de tous ceux que le Christ a choisis comme destinataires particuliers à qui "proclamer une année de grâce du Seigneur". Que cette "année de grâce" leur soit proclamée à travers des oeuvres d'amour actif, à travers l'effort de former une culture de solidarité et de collaboration. Que le spectre de perdre son travail, son logement, sa santé ou la possibilité de s'instruire ne plane pas comme une ombre sur la joie de vivre de l'année jubilaire, qui ouvre la perspective du nouveau millénaire. Il faut que tous les responsables de la vie sociale dans notre pays, accomplissent tous les efforts possibles pour que l'introduction de justes réformes économiques s'accomplisse avec un bénéfice pour tous, en particulier les plus pauvres. Je le demande en particulier à tous ceux qui fondent sur les valeurs chrétiennes le programme de leur activité.

Le devoir d'aller à la rencontre des besoins de ceux auxquels le destin a causé un tort, pèse toutefois non seulement sur les hommes politiques, sur les entrepreneurs ou sur les organisations caritatives, mais également sur tous ceux qui peuvent d'une façon ou d'une autre porter remède à l'indigence d'autrui. L'Année jubilaire constitue une occasion particulière afin que tous les membres de la communauté de l'Eglise - ecclésiastiques et laïcs - entreprennent des oeuvres de miséricorde à l'égard de leurs frères. En préparant les programmes pastoraux dans le pays, dans le diocèse ou dans la paroisse, il faut constamment revenir à l'idée de l'option préférentielle en faveur des pauvres. En pensant aux familles ayant de nombreux enfants, aux personnes âgées, aux malades, aux laissés-pour-compte, je vous demande, chers frères et soeurs, ainsi qu'à tous les croyants de Pologne, avec saint Paul que: "Votre superflu pourvoit à leur dénuement, pour que leur superflu pourvoie aussi à votre dénuement. Ainsi se fera l'égalité, selon qu'il est écrit: "Celui qui avait beaucoup recueilli n'eut rien de trop, et celui qui avait peu recueilli ne manqua de rien"" (2Co 8,14-15).


4. "Jésus-Christ est le même hier, aujourd'hui et à jamais!" (He 13,8). Cette vérité nous parle avec une force particulière, alors que nous nous présentons sur le seuil de la porte du grand Jubilé, pour entrer dans le nouveau millénaire avec la foi, l'espérance et la charité, que nous avons reçues par la grâce du saint baptême. "Passer par cette porte signifie professer que Jésus-Christ est le Seigneur, en raffermissant notre foi en lui pour vivre la vie nouvelle qu'il nous a donnée" (Incarnationis mysterium, n. 8). Lui seul est la Porte qui permet d'entrer dans la vie de communion avec Dieu: "C'est ici la porte de Yahvé, les justes entreront" (Ps 17 [118], 20). Que ce pèlerinage national des Polonais, à l'occasion du grand Jubilé, nous rapproche tous du Christ Rédempteur. Du Christ qui est la source de la vie et de l'espérance pour le troisième millénaire qui s'approche. "Jésus-Christ est le même hier, aujourd'hui et à jamais".



9 juillet 2000, Jubilé dans les Prisons
Dimanche 9 juillet 2000


1. "J'étais [...] prisonnier..." (Mt 25,35-36): ces paroles du Christ ont retenti aujourd'hui pour nous dans le passage évangélique qui vient d'être proclamé. Elles nous rappellent à l'esprit l'image du Christ effectivement emprisonné. Nous avons l'impression de le revoir, le soir du Jeudi Saint au Gethsémani: Lui, l'innocence personnifiée, encerclé comme un malfaiteur par les sbires du Sanhédrin, capturé et conduit devant le tribunal d'Anne et de Caïphe. Suivent les longues heures de la nuit, dans l'attente du jugement devant le tribunal romain de Pilate. Le jugement a lieu, le matin du Vendredi Saint, dans le prétoire: Jésus est debout devant le Procureur romain, qui l'interroge. On a requis la peine de mort contre lui, au moyen du supplice de la croix. Nous le voyons ensuite attaché à un pieu pour la flagellation. Il est ensuite couronné d'épines... Ecce homo - "Voici l'homme". Pilate prononça ces paroles, en comptant peut-être sur un mouvement d'humanité de la part des personnes présentes. La réponse fut: "Crucifie-le, crucifie-le!" (Lc 23,21). Et lorsqu'ils ôtèrent finalement les liens de ses mains, ce fut pour le clouer sur la croix.


2. Très chers frères et soeurs, Jésus-Christ se présente devant nous ici réunis - le détenu. "J'étais [...] prisonnier et vous êtes venus me voir" (Mt 25,35-36). Il demande à être rencontré en vous, comme dans d'autres personnes frappées par diverses formes de souffrance humaine. "Dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25,40). Ces paroles contiennent, peut-on dire, le "programme" du Jubilé dans les prisons, que nous célébrons aujourd'hui. Elles nous invitent à le vivre comme un engagement pour la dignité de tous, cette dignité qui naît de l'amour de Dieu pour chaque personne humaine.

Je remercie tous ceux qui ont voulu participer à cet événement jubilaire. J'adresse un salut respectueux aux Autorités qui sont intervenues: Monsieur le Ministre de la Justice, le Chef du Département de l'administration pénitentiaire, le Directeur de cette maison d'arrêt, le Commandant de la division de Police, ainsi que les agents qui collaborent avec lui.

Je salue en particulier chacun de vous, détenus, avec une affection fraternelle. Je me présente à vous comme un témoin de l'amour de Dieu. Je viens vous dire que Dieu vous aime, et qu'il désire que vous parcouriez un chemin de réhabilitation et de pardon, de vérité et de justice. Je voudrais pouvoir me mettre à l'écoute de l'histoire personnelle de chacun. Vos aumôniers, qui se trouvent à vos côtés au nom du Christ, sont en mesure de faire ce que, moi, je ne peux pas faire. Je leur adresse mon salut cordial et mon encouragement. Ma pensée s'étend également à tous ceux qui accomplissent cette tâche si exigeante dans toutes les prisons d'Italie et du monde. Je ressens en outre de mon devoir d'exprimer ma satisfaction aux volontaires, qui collaborent avec les aumôniers en étant proches de vous à travers des initiatives opportunes. Avec leur aide également la prison peut acquérir une note d'humanité et s'enrichir d'une dimension spirituelle, qui est très importante pour votre vie. Proposée à la libre acceptation de chacun, cette dimension doit être considérée comme un élément important pour un projet de détention plus conforme à la dignité humaine.

830 3. C'est précisément ce projet qui est mis en lumière par le passage de la première lecture, lorsque le prophète Isaïe décrit le profil du futur Messie à travers certains traits significatifs: "Il ne crie pas, il n'élève pas le ton, il ne fait pas entendre sa voix dans la rue; il ne brise pas le roseau froissé, il n'éteint pas la mèche qui faiblit, fidèlement, il présente le droit; il ne faiblira ni ne cèdera jusqu'à ce qu'il établisse le droit sur la terre" (Is 42,1-4). Au centre de ce Jubilé se trouve le Christ, le détenu; dans le même temps, il y a le Christ, le législateur. Il est celui qui établit la Loi, la proclame et la consolide. Toutefois, il ne le fait pas avec violence, mais avec douceur et avec amour. Il soigne ce qui est malade, il renforce ce qui est brisé. Là où brûle encore une petite flamme de bonté, il la ravive à travers le souffle de son amour. Il proclame avec force la justice, mais soigne les blessures avec le baume de la miséricorde.

Dans le texte d'Isaïe, une autre série d'images ouvre la perspective de la vie, de la joie, de la liberté: le futur Messie viendra pour ouvrir les yeux des aveugles, pour extraire du cachot le prisonnier (cf. Is Is 42,7). Chers frères et soeurs, j'imagine que cette dernière parole du prophète, en particulier, trouve dans vos coeurs un écho immédiat, rempli d'espérance.


4. Il faut en effet accueillir le message de la Parole de Dieu dans sa signification intégrale. La "prison" de laquelle le Seigneur vient nous libérer est, en premier lieu, celle dans laquelle l'esprit est enchaîné. La prison de l'esprit est le péché. Comment ne pas rappeler, à ce propos, cette profonde parole de Jésus: "En vérité, en vérité je vous le dis: quiconque commet le péché est esclave du péché" (Jn 8,32)? Tel est l'esclavage dont il est tout d'abord venu nous libérer. Il a dit en effet: "Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes diciples, et vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres" (Jn 8,31).

Les paroles de libération du prophète Isaïe doivent donc être comprises à la lumière de toute l'histoire du salut, qui atteint son sommet dans le Christ, le Rédempteur, qui a pris sur lui le péché du monde (cf. Jn 1,29). Dieu a à coeur la libération intégrale de l'homme. Une libération qui ne concerne pas seulement les conditions physiques et extérieures, mais qui est tout d'abord une libération du coeur.


5. L'espérance de cette libération - nous a rappelé l'apôtre Paul dans la seconde lecture - traverse toute la création: "Toute la création jusqu'à ce jour gémit en travail d'enfantement" (Rm 8,22). Notre péché a troublé le dessein de Dieu, et ce n'est pas que la vie humaine, mais toute la création, qui en subit les conséquences. Cette dimension cosmique des effets du péché est tangible dans les désastres écologiques. Tout aussi préoccupants sont les dommages provoqués par le péché dans la psyché humaine, dans la biologie même de l'homme. Le péché est dévastateur. Il enlève la paix du coeur et provoque des souffrances en chaîne dans les rapports humains. J'imagine le nombre de fois où, en repensant à vos histoires personnelles ou en écoutant celles de vos compagnons de cellule, vous avez l'occasion de constater cette vérité.

C'est précisément de cet esclavage que l'Esprit de Dieu vient nous libérer. Lui, qui est le Don par excellence que le Christ a obtenu pour nous, "vient au secours de notre faiblesse [...] et intercède pour nous en des gémissements ineffables" (Rm 8,26). Si nous suivons son inspiration, il suscite notre salut intégral, "l'adoption filiale, la rédemption de notre corps" (Rm 8,23).


6. Il faut donc que ce soit Lui, l'Esprit de Jésus-Christ, qui oeuvre dans vos coeurs, chers frères et soeurs détenus. Il faut que l'Esprit Saint pénètre dans cette prison dans laquelle nous nous rencontrons et dans toutes les prisons du monde. Le Christ, le Fils de Dieu, se fit prisonnier, il accepta qu'on lui attache les mains et qu'on le cloue sur la croix précisément pour que son Esprit puisse atteindre le coeur de chaque homme. Même là où les hommes sont enfermés sous les verrous des prisons, selon la logique d'une justice humaine nécessaire, il faut que souffle l'Esprit du Christ Rédempteur du monde. En effet, la peine ne peut pas se réduire à une simple dynamique de rétribution, ni encore moins revêtir la forme d'une rétorsion sociale ou d'une sorte de vengeance institutionnelle. La peine, la prison, possèdent un sens si, tout en affirmant les exigences de la justice et en décourageant le crime, elles servent au renouvellement de l'homme, en offrant à celui qui a commis une erreur une possibilité de réfléchir et de changer de vie, pour se réinsérer à plein titre dans la société.

Laissez-moi donc vous demander de tendre de toutes vos forces vers une vie nouvelle, dans la rencontre avec le Christ. La société tout entière ne pourra que se réjouir de votre chemin. Les personnes mêmes auxquelles vous avez causé de la douleur sentiront peut-être avoir davantage obtenu justice en voyant votre changement intérieur qu'en constatant la peine que vous avez payée.

Je souhaite à chacun de vous de faire l'expérience de l'amour libérateur de Dieu. Que l'Esprit de Jésus-Christ, qui fait toutes les choses neuves (cf. Ap 21,5) descende parmi vous et parmi les détenus du monde entier, et qu'il communique à vos coeurs la confiance et l'espérance.

Que vous accompagne le regard de Marie, "Regina Caeli", la Reine du Ciel, à la tendresse maternelle de laquelle je vous confie, ainsi que vos familles.

A l'issue de la Messe, le Saint-Père ajoutait les paroles suivantes:

831 Je remercie le Ministre, le Directeur des Prisons et votre représentant pour les paroles qu'ils m'ont adressées. Je remercie également toutes les autorités présentes, en exprimant à tous ma sincère reconnaissance pour l'accueil cordial qui m'a été réservé.

En vous quittant, chers détenus, je désire vous renouveler mon salut, que j'étends également à vos proches. Je sais bien que chacun de vous vit en pensant au jour où, sa peine terminée, il pourra retrouver la liberté et revenir dans sa propre famille. Conscient de cela, dans le Message que j'ai envoyé au monde entier pour cette année jubilaire, sur les traces de mes Prédécesseurs et dans l'esprit de l'Année Sainte, j'ai invoqué pour vous un signe de clémence, à travers une "réduction de la peine". Je l'ai demandé dans la profonde conviction qu'un tel choix constitue un signe de sensibilité à l'égard de votre condition, en mesure d'encourager le repentir et de solliciter la contrition personnelle. Dans cette perspective, j'adresse à chacun mes voeux les plus cordiaux. Je voudrais ajouter encore un mot: nous ne pouvons pas oublier que cette prison romaine porte le nom "Regina coeli". Et ce nom suscite une espérance très profonde. Je souhaite cette espérance, qui vient de la "Regina coeli", à vous tous. Merci.

Loué soit Jésus-Christ.

22 juillet 2000, Célébration eucharistique avec les prêtres du diocèse d'Aoste


1. Très chers prêtres du diocèse d'Aoste, je suis particulièrement heureux de célébrer cette Messe avec vous, au terme de mon séjour dans vos montagnes. Je vous salue tous avec une grande affection et, je salue en particulier, votre Evêque, que je remercie de tout coeur pour les nombreuses attentions qu'il a eue pour moi et mes collaborateurs au cours de ces journées.

Nous célébrons la fête de sainte Marie-Madeleine et la liturgie est aujourd'hui marquée par une sorte de mouvement, de "course" du coeur et de l'esprit, animés par l'amour du Christ. Les paroles de saint Paul: "Caritas Christi urget nos" (
2Co 5,14), que nous écouterons d'ici peu dans la première lecture, peuvent et doivent inspirer la vie de chaque prêtre, comme elles ont caractérisé celle de Marie de Magdala.

Madeleine a suivi au Calvaire celui qui l'avait guérie. Elle fut présente lors de la crucifixion, de la mort, de la sépulture de Jésus. Avec sa Très Sainte Mère et le disciple bien-aimé, elle en a recueilli le dernier souffle et le témoignage du côté transpercé: elle a compris que dans cette mort, dans ce sacrifice se trouvait son salut. Et le Ressuscité, comme nous le rapporte l'Evangile d'aujourd'hui, a voulu montrer son corps glorieux, d'abord à elle, qui avait intensément pleuré sa mort. C'est à elle qu'il a voulu confier "la première annonce de la joie pascale" (Collecte), comme pour nous rappeler
que, précisément à celui qui tourne son regard avec foi et amour vers le mystère de la passion et de la mort du Seigneur, est révélée la gloire lumineuse de sa résurrection.

2. Marie-Madeleine nous enseigne ainsi que les racines de notre vocation d'apôtres plongent dans l'expérience personnelle du Christ. De la rencontre avec Lui, tire son origine une nouvelle façon de vivre non plus pour soi-même, mais pour Lui, qui est mort et ressuscité pour nous (cf. 2Co 5,15), en laissant derrière soi l'homme ancien pour se conformer toujours plus pleinement au Christ, Homme nouveau.

Cet enseignement de vie s'adresse, avec une éloquence particulière, à nous, pasteurs de l'Eglise, appelés à guider le Peuple de Dieu à travers la parole, mais tout d'abord à travers le témoignage de vie. Et donc appelés à une intimité plus grande avec le Christ, qui nous a choisis comme amis: "vos autem dixi amicos" (Jn 15,15).

Très chers frères dans le sacerdoce, je souhaite à chacun de vous de conserver toujours vivante votre communion avec le Christ. Que son amour vous soutienne dans votre apostolat, non seulement dans les grandes occasions, mais surtout dans les occasions ordinaires, dans les événements quotidiens. L'union intime avec Dieu, alimentée par la Messe, par la Liturgie des Heures, par la prière personnelle, incite le prêtre à accomplir avec fidélité et charité son ministère
832 pastoral. Le secret de sa mission se trouve précisément dans cette intimité avec Jésus.

Prions, au cours de cette célébration eucharistique, afin que le Seigneur fasse de nous de dignes ministres de sa grâce.

Invoquons-le, par l'intercession de sainte Marie-Madeleine, afin que, à travers vous, très chers prêtres, parvienne aux résidents et aux vacanciers de cette région l'annonce incessante de la mort et de la résurrection du Christ. Que Dieu, qui a enrichi de merveilleuses beautés naturelles le Val d'Aoste, alimente par son Esprit la foi de ceux qui y habitent. Et que la Sainte Vierge veille de façon maternelle sur vous et sur le service apostolique que vous êtes appelés à accomplir avec une générosité constante, en le rendant riche d'abondants fruits de bien.


Homélies St Jean-Paul II 805