Homélies St Jean-Paul II 888


ET XXXIV° JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX


1. "Ils [les bergers] vinrent donc en hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la crèche" (Lc 2,15).

Aujourd'hui, Octave de Noël, la liturgie nous invite à travers ces paroles à marcher, avec une ferveur nouvelle et consciente, vers Bethléem pour adorer le divin Enfant, né pour nous. Elle nous invite à suivre les pas des pasteurs qui, entrés dans la grotte, reconnaissent en ce petit être humain, "né d'une femme, sujet de la loi" (Ga 4,4), le Tout Puissant qui s'est fait l'un de nous. A ses côtés, Joseph et Marie sont des témoins silencieux du prodige de Noël. Tel est le mystère que nous aussi, aujourd'hui, nous contemplons émerveillés: le Seigneur est né pour nous. Marie a donné "à la lumière le Roi qui gouverne le ciel et la terre pour les siècles des siècles" (cf. Sedulio).

Nous restons émerveillés devant la scène que l'Evangéliste nous rapporte. Arrêtons-nous, en particulier, pour contempler les pasteurs. Modèles simples et joyeux de la recherche humaine, ces derniers, en particulier dans le contexte du grand Jubilé, mettent en évidence quelles doivent être les conditions intérieures pour rencontrer Jésus.

La tendresse désarmante de l'Enfant, la pauvreté surprenante dans laquelle Il se trouve, l'humble simplicité de Marie et Joseph, transforment la vie des pasteurs: ils deviennent ainsi des messagers de salut, des évangélistes ante litteram. Saint Luc écrit: "Puis les bergers s'en retournèrent, glorifiant et louant Dieu pour tout ce qu'ils avaient entendu et vu, suivant ce qui leur avait été annoncé" (Lc 2,20). Ils s'en allèrent heureux et enrichis par un événement qui avait changé leur existence. Il y a, dans leurs paroles, l'écho d'une joie intérieure qui devient cantique: "Ils s'en retournèrent, glorifiant et louant Dieu".


2. Nous aussi, en cette Année jubilaire, nous nous sommes mis en chemin pour rencontrer le Christ, le Rédempteur de l'homme. En franchissant la Porte Sainte, nous avons fait l'expérience de sa présence mystérieuse, grâce à laquelle l'homme a acquis la possibilité de passer du péché à la grâce, de la mort à la vie. Le Fils de Dieu, qui s'est fair chair pour nous, nous a fait sentir l'appel puissant à la conversion et à l'amour.

889 Combien de dons, combien d'occasions extraordinaires le grand Jubilé a-t-il offert aux croyants! Dans l'expérience du pardon reçu et donné, dans le souvenir des martyrs, dans l'écoute du cri des pauvres du monde et dans les témoignages remplis de foi qui nous ont été transmis par nos frères chrétiens de tous les temps, nous avons nous aussi ressenti la présence salvifique de Dieu dans l'histoire. Nous avons comme touché de façon tangible son amour qui renouvelle la face de la terre. Dans quelques jours, ce temps spécial de grâce se conclura. Comme aux pasteurs qui accourent pour l'adorer, le Christ demande aux croyants, auxquels il a offert la joie de le rencontrer, une disponibilité courageuse afin de repartir pour annoncer son Evangile, ancien et toujours nouveau. Il les invite à vivifier l'histoire et les cultures des hommes avec son message salvifique.


3. "Puis les bergers s'en retournèrent, glorifiant et louant Dieu" (
Lc 2,20). Nous aussi, encouragés et enrichis par la grâce jubilaire, nous commençons cette nouvelle année que le Seigneur nous donne. Que les paroles de la première Lecture, qui renouvellent la bénédiction du Créateur, soient un réconfort pour nous: "Que Yahvé te bénisse et te garde! Que Yahvé fasse pour toi rayonner son visage et te fasse grâce. Que Yahvé te découvre sa face et t'apporte la paix!" (Nb 6, 24, 25). Que le Seigneur nous donne la paix, non pas la paix fruit de compromis humains, mais la paix effet de son regard bienveillant sur nous. Telle est la paix que nous invoquons aujourd'hui, en célébrant la XXXIVème Journée mondiale de la Paix.

Avec une grande affection je salue MM. les Ambassadeurs du Corps diplomatique accrédités près le Saint-Siège, présents à cette liturgie solennelle. Je salue, en particulier, le cher Mgr François Xavier Nguyên Van Thûan, Président du Conseil pontifical "Justice et Paix", ainsi que les collaborateurs de ce dicastère qui a pour tâche spécifique de représenter la sollicitude du Pape et du Siège apostolique afin de promouvoir un monde plus juste et plus harmonieux. Je salue les autorités et tous ceux qui sont présents à cette rencontre de prière pour la paix. A tous, je voudrais reproposer en esprit le Message pour la Journée mondiale de la Paix de cette année, dans lequel j'ai développé un thème particulièrement actuel, le "Dialogue entre les cultures pour une civilisation de l'amour et de la paix".


4. Je renouvelle aujourd'hui à chaque personne de bonne volonté, dans ce cadre liturgique suggestif, l'invitation pressante à parcourir avec confiance et ténacité la voie privilégiée du dialogue. Ce n'est qu'ainsi que les richesses spécifiques, qui caractérisent l'histoire et la vie des hommes et des peuples, ne seront pas égarées, mais, au contraire, qu'elles pourront concourir à édifier une ère nouvelle de solidarité fraternelle. Que chacun fasse l'effort de promouvoir une authentique culture de la solidarité et de la justice, étroitement "liée à la valeur de la paix, objectif primordial de toute société, ainsi que de la communauté nationale et internationale" (Message pour la Journée mondiale de la Paix 2001, n. 18).

Cela est devenu encore davantage nécessaire en raison du contexte mondial actuel, rendu complexe par la mobilité humaine diffuse, par la communication mondiale et par la rencontre souvent difficile entre les diverses cultures. Dans le même temps, il faut réaffirmer avec vigueur l'urgence de défendre la vie, bien fondamental de l'humanité, car "on ne peut pas invoquer la paix et mépriser la vie" (Ibid., n. 19).

Nous adressons notre prière au Seigneur, afin que le respect de ces valeurs fondamentales, patrimoine de chaque culture, contribue à l'édification de la civilisation de l'amour et de la paix désirée. Que le Christ, Prince de la Paix, que nous contemplons dans la pauvreté de la crèche, obtienne cela pour nous.


5. "Quant à Marie, elle conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son coeur" (Lc 2,19).

Aujourd'hui, l'Eglise célèbre la Solennité de Marie, Mère de Dieu. Après l'avoir présentée comme Celle qui offre l'Enfant à la recherche attentive des bergers, l'évangéliste Luc nous offre une icône de Marie, simple et majestueuse à la fois. Marie est la femme de foi, qui a fait place à Dieu dans son coeur, dans ses projets, dans son corps, dans son expérience d'épouse et de mère. Elle est la croyante capable de saisir dans la vie hors du commun de son Fils l'avènement de cette "plénitude des temps" (Ga 4,4), dans laquelle Dieu, en choisissant les voies simples de l'existence humaine, a décidé de s'engager personnellement dans l'oeuvre du salut.

La foi conduit la Sainte Vierge à parcourir des routes inconnues et imprévisibles, en continuant à tout conserver dans son coeur, c'est-à-dire dans l'intimité de son esprit, pour répondre avec une adhésion renouvelée à Dieu et à son dessein d'amour.


6. C'est à Elle que nous adressons notre prière, au début de cette nouvelle année.

Aide-nous, ô Marie, à toujours réfléchir sur notre existence dans un esprit de foi. Aide-nous à savoir préserver des espaces de silence et de contemplation dans la vie quotidienne pressée. Fais que nous soyons toujours tournés vers les exigences de la paix véritable, don du Noël du Christ.

890 A Toi, en ce premier jour de l'an 2001, nous confions les attentes et les espérances de l'humanité tout entière: "Sous ta protection nous trouvons refuge, Sainte Mère de Dieu: n'ignore pas nos prières, nous qui sommes dans l'épreuve et libère-nous de tout danger, ô Vierge glorieuse et bénie!" (De la liturgie des Heures).

Sainte Vierge, Mère de Dieu, intercède pour nous auprès de ton Fils, afin que son visage resplendisse sur le chemin du nouveau millénaire et que chaque homme puisse vivre dans la justice et dans la paix!

Amen!

6 janvier 2001, Fermeture de la Porte Sainte

Solennité de l’Épiphanie du Seigneur, samedi 6 janvier 2001

1. “Tous les peuples de la terre t'adoreront, Seigneur !” Cette acclamation, qui vient d’être reprise dans le psaume responsorial, exprime très bien le sens de la solennité de l'Épiphanie que nous célébrons en ce jour. En même temps, elle jette aussi une lumière sur le rite de clôture de la Porte Sainte.

“T'adoreront, Seigneur...” : c'est une vision qui nous parle d'avenir, qui nous fait regarder au loin. Elle évoque l'ancienne prophétie messianique qui se réalisera pleinement quand le Christ Seigneur reviendra dans la gloire à la fin de l'histoire. Cependant, elle a connu une première réalisation, historique et en même temps prophétique, quand les Mages vinrent à Bethléem en apportant leurs dons. Ce fut le commencement de la manifestation du Christ – précisément son “épiphanie” – aux représentants des peuples du monde.

C'est une prophétie qui se réalise progressivement au cours du temps, à mesure que l'annonce évangélique se répand dans le coeur des hommes et s'enracine dans toutes les régions de la terre. Le grand Jubilé n'a-t-il pas été une sorte “d'épiphanie” ? Venant ici à Rome, ou se rendant aussi en pèlerinage ailleurs dans les nombreuses églises jubilaires, d'innombrables personnes ont marché en quelque sorte sur les pas des Mages, à la recherche du Christ. La Porte sainte n'est que le symbole de cette rencontre avec lui. La vraie “Porte sainte”, c’est le Christ, qui nous ouvre la porte de la maison du Père et qui nous introduit dans l'intimité de la vie divine.

2. "Tous les peuples de la terre t'adoreront, Seigneur !" Ici surtout, au centre de la catholicité, l'afflux imposant de pèlerins provenant de tous les continents a donné cette année une image éloquente du cheminement des peuples vers le Christ. Il s'agissait de personnes de catégories les plus diverses, venues avec le désir de contempler le visage du Christ et d'obtenir sa miséricorde.

“Le Christ, hier et aujourd'hui, commencement et fin de toutes choses, Alpha et Oméga; à lui, le temps et l'éternité, à lui, la gloire et la puissance pour les siècles sans fin” (Liturgie de la Veillée pascale). Oui, c'est cette hymne que le Jubilé, dans la perspective suggestive du passage à un nouveau millénaire, a voulu faire monter vers le Christ, Seigneur de l'histoire, deux mille ans après sa naissance. Aujourd'hui se conclut officiellement cette année extraordinaire, mais les dons spirituels qui y ont été répandus demeurent; cette grande "année de grâce", que le Christ a inaugurée dans la synagogue de Nazareth (cf.
Lc 4,18-19), continue, et elle durera jusqu'à la fin des temps.

Tandis qu'aujourd'hui se ferme, avec la Porte sainte, un "symbole" du Christ, le Coeur du Christ demeure plus que jamais ouvert. Il continue à dire à l'humanité, qui a besoin d'espérance et de sens : "Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos" (Mt 11,28). Au-delà des nombreuses célébrations et initiatives qui l'ont marquée, l'expérience vivante et consolante de la "rencontre avec le Christ" est le grand héritage que le Jubilé nous laisse.

891 3. Nous désirons aujourd'hui nous faire les porte-parole du remerciement et de la louange de toute l'Église. C’est pourquoi, à la fin de cette célébration, nous chanterons un solennel Te Deum d'action de grâce. Le Seigneur a accompli des merveilles pour nous, il nous a comblés de miséricorde. Nous devons aujourd'hui faire nôtres les sentiments de joie éprouvés par les Mages dans leur marche vers le Christ : "Quand ils virent l'étoile, ils éprouvèrent une très grande joie". Nous devons surtout les imiter alors qu'ils déposent aux pieds de l'Enfant divin non seulement leurs dons, mais leur vie.

En cette Année jubilaire, l'Église a cherché à développer avec un plus grand engagement, pour ses fils et pour l'humanité, la fonction de l'étoile qui orienta les pas des Mages. L'Église ne vit pas pour elle-même, mais pour le Christ. Elle entend être "l'étoile" qui tient lieu de point de repère, pour aider à trouver le chemin qui conduit vers lui.

Dans la théologie patristique, on aimait parler de l'Église comme du "mysterium lunoe", pour souligner que, comme la lune, elle ne brille pas de sa propre lumière, mais qu'elle reflète le Christ, son Soleil. J'aime rappeler que c'est par cette pensée que s'ouvre la Constitution dogmatique sur l'Église du Concile Vatican II : "Le Christ est la lumière des nations", "Lumen gentium !" ! Et les Pères conciliaires continuaient en exprimant leur ardent désir "de faire briller sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l'Église" (n. 1).

Mysterium lunoe : le grand Jubilé a fait vivre à l'Église une expérience intense de cette vocation qui est la sienne. C'est le Christ qu'elle a désigné en cette année de grâce, rappelant encore une fois les paroles de Pierre : "Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle !" (
Jn 6,68).

4. "Tous les peuples de la terre t'adoreront, Seigneur !" Cette universalité de l'appel du Christ aux peuples s'est manifestée cette année de manière plus visible. Des personnes de tous continents et de toutes langues se sont donné rendez-vous sur cette Place. De nombreuses voix se sont élevées ici en chantant, comme une symphonie de louange et une annonce de fraternité.

Je ne pourrais certes pas en ce moment évoquer les rencontres très diverses que nous avons vécues. Certaines me viennent à l'esprit: les enfants, qui ont inauguré le Jubilé par leur irrésistible sens de la fête, et les jeunes, qui ont conquis Rome par leur enthousiasme et le sérieux de leur témoignage. Je pense aux familles, qui ont proposé un message de fidélité et de communion si nécessaire à notre monde, et aux personnes âgées, aux malades et aux personnes handicapées, qui ont su donner un témoignage éloquent d'espérance chrétienne. Je vois encore le Jubilé de ceux qui, dans le monde de la culture et de la science, avec une assiduité quotidienne s'appliquent à la recherche de la vérité.

Le pèlerinage qui, il y a deux mille ans, vit les Mages venir d'Orient jusqu'à Bethléem, à la recherche du Christ qui venait de naître, a été refait cette année par des millions et des millions de disciples du Christ, venus ici non pas avec "de l'or, de l'encens et de la myrrhe", mais en offrant leur coeur riche de foi et avide de miséricorde.

5. C’est pourquoi, aujourd'hui, l'Église se réjouit, vibrant à l'appel d'Isaïe : "Debout, resplendis, elle est venue, ta lumière... Les nations marcheront vers ta lumière" (Is 60,1 Is 60,3). Dans ces sentiments de joie il n'y a aucun vain triomphalisme. Comment pourrions-nous d’ailleurs succomber à une telle tentation au terme d'une année si intensément pénitentielle ? Le grand Jubilé nous a donné une occasion providentielle pour réaliser la "purification de la mémoire", en demandant pardon à Dieu pour les infidélités accomplies, au cours de ces deux mille ans, par les fils de l'Église.

Devant le Christ crucifié, nous avons rappelé que, en regard de la grâce surabondante qui rend l'Église "sainte", nous, ses fils, sommes largement marqués par le péché et nous jetons une ombre sur le visage de l'Épouse du Christ : aucune “auto-exaltation” donc, mais une grande conscience de nos limites et de nos faiblesses. Cependant, nous ne pouvons pas ne pas vibrer de joie, de cette joie intérieure à laquelle le prophète nous invite, empreinte de gratitude et de louange, parce qu’elle est fondée sur la conscience des dons reçus et sur la certitude de l'amour permanent du Christ.

6. Il est temps maintenant de regarder en avant, et le récit des Mages peut en un sens nous indiquer une route spirituelle. Ils nous disent avant tout que, quand on a rencontré le Christ, il faut savoir s'arrêter et vivre profondément la joie de l'intimité avec lui. "En entrant dans la maison, ils virent l'enfant avec Marie sa mère; et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui": leur vie était désormais pour toujours remise entre les mains de cet Enfant pour lequel ils avaient affronté les âpretés du voyage et les embûches des hommes. Le christianisme naît, et il se régénère continuellement, à partir de la contemplation de la gloire de Dieu qui brille sur le visage du Christ.

Un visage à contempler, comme si on entrevoyait dans ses yeux les "traits" du Père et que l’on se laissait envelopper de l'amour de l'Esprit. Le grand pèlerinage jubilaire nous a rappelé cette dimension trinitaire fondamentale de la vie chrétienne : dans le Christ nous rencontrons aussi le Père et l'Esprit. La Trinité est l'origine et l'accomplissement. Tout part de la Trinité, tout retourne à la Trinité.

892 Et cependant, comme il advint pour les Mages, cette immersion dans la contemplation du mystère ne nous empêche pas de marcher; elle nous oblige au contraire à repartir pour un nouveau bout de chemin au cours duquel nous nous faisons annonciateurs et témoins. "Ils regagnèrent leur pays par un autre chemin". Les Mages ont été en quelque sorte les premiers missionnaires. La rencontre avec le Christ ne les a pas arrêtés à Bethléem, mais elle les a lancés à nouveau sur les chemins du monde. Il faut repartir du Christ, et pour cela aussi, repartir de la Trinité.

7. C'est précisément cela qui nous est demandé, chers Frères et Soeurs, comme fruit du jubilé qui s'achève aujourd'hui.

En fonction de cet engagement qui nous attend, je signerai tout à l'heure la Lettre apostolique “Novo millennio ineunte”, dans laquelle je propose quelques éléments de réflexion qui pourront aider toute la communauté chrétienne à “repartir” avec un élan renouvelé après les efforts jubilaires. Certes, il ne s'agit pas d'organiser, à brève échéance, d'autres initiatives de grande proportion. On retrouve la vie de tous les jours, mais c’est loin d’être du repos. Il faut plutôt tirer de l'expérience jubilaire les enseignements utiles pour donner à notre nouvel engagement une inspiration et une orientation efficaces.

8. Je confie ces éléments de réflexion aux Églises particulières, comme un héritage du grand Jubilé, pour qu'elles en tirent profit dans leurs programmes pastoraux. Il est avant tout urgent de tirer profit de la soif de la contemplation du Christ, que l'expérience de cette année nous a donnée. Dans le visage humain du Fils de Marie, nous reconnaissons le Verbe fait chair, dans la plénitude de sa divinité et de son humanité. Les artistes les plus éminents – en Orient et en Occident – ont affronté le mystère de ce visage. Mais il est surtout le visage que l'Esprit, "iconographe" divin, dessine dans les coeurs de ceux qui le contemplent et qui l'aiment. Il faut "repartir du Christ" avec l'élan de la Pentecôte, avec un enthousiasme renouvelé. Repartir de lui avant tout par les efforts quotidiens de sainteté, en nous mettant dans une attitude de prière et à l'écoute de sa parole. Repartir de lui aussi pour témoigner de son Amour, à travers une pratique de la vie chrétienne marquée par la communion, par la charité, par le témoignage dans le monde. Tel est le programme que je propose dans la présente Lettre apostolique. Il pourrait se réduire à une seule parole : "Jésus Christ !"

Au début de mon pontificat, et bien souvent par la suite, j'ai crié aux fils de l'Église et au monde : "Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ". Je désire le crier encore, au terme de ce Jubilé, au commencement de ce nouveau millénaire.

9. "Tous les peuples de la terre t'adoreront, Seigneur !" Cette prophétie se réalise déjà dans la Jérusalem céleste, où tous les justes du monde, spécialement de nombreux Témoins de la foi, sont mystérieusement réunis en cette cité sainte dans laquelle il n'y a plus de soleil, car son soleil, c’est l'Agneau. Là-haut, les anges et les saints unissent leurs voix pour chanter les louanges de Dieu.

L'Église en pèlerinage sur la terre se fait chaque jour l'écho de ce chant céleste, dans sa liturgie, dans son annonce de l'Évangile, dans son témoignage. Fasse le Seigneur que, dans le nouveau millénaire, elle grandisse toujours plus en sainteté, pour être dans l'histoire une véritable "épiphanie" du visage miséricordieux et glorieux du Christ Seigneur ! Amen.

6 janvier 2001, Te Deum

Samedi 6 janvier 2001,
Solennité de l'Epiphanie


Très chers frères et soeurs!

893 1. Avec le chant solennel du Te Deum, nous élèverons d'ici peu notre action de grâce à Dieu pour le don instimable que l'Année Sainte a été pour l'Eglise et pour l'humanité.

Les diocèses du monde entier s'unissent à notre action de grâce, eux qui ont vécu avec intensité ce Jubilé en communion constante avec l'Eglise de Rome. On ne peut pas non plus oublier la participation cordiale des chrétiens d'autres Eglises et Communautés ecclésiales, ainsi que l'adhésion de la part des fidèles d'autres religions à la joie des chrétiens pour cet événement extraordinaire.


2. Je ressens le besoin d'exprimer, en ce moment, mes sentiments de profonde reconnaissance aux institutions et aux responsables du gouvernement italien, de la région du Latium, de la province et de la commune de Rome, pour l'engagement en vue de la réussite du Jubilé.

Je remercie le Comité central du grand Jubilé, ainsi que tous ceux qui ont collaboré à ses diverses commissions et organisations. Je remercie tous ceux qui ont organisé les liturgies et les temps de prière; ceux qui ont apporté aux pèlerins un service précieux d'écoute et de confession.

J'adresse un remerciement chaleureux aux Forces de l'Ordre, aux agents des services d'accueil, d'information, de santé; à l'Agence romaine pour le Jubilé et les presque soixante-dix mille volontaires, de tout âge et de toute provenance, qui se sont prodigués sans interruption tout au long de l'Année jubilaire; aux familles qui on accueilli dans leur maison des pèlerins, en particulier les jeunes. Tous ceux qui ont apporté leur contribution sont vraiments nombreux: qu'aucun d'entre eux ne se sente exclu de mon remerciement cordial et profond.

En outre, je ne peux manquer de remercier ceux qui ont contribué spirituellement à la réussite du Jubilé; je pense aux moniales et aux moines de clôture, ainsi qu'aux nombreuses personnes, en particulier les personnes âgées et les malades, qui ont prié sans cesse et offert leurs souffrances pour le Jubilé. De façon particulière, je voudrais remercier les malades qui, chaque mois, se sont donné rendez-vous dans la Basilique Sainte-Marie-Majeure, et à ceux qui se sont unis à eux de toutes les régions d'Italie.

A tous, merci de tout coeur!


Le Saint-Père s'est ensuite adressé aux pèlerins de langue française:

Chers pèlerins de langue française, je vous adresse un salut cordial. Au terme du grand Jubilé, je souhaite que vos démarches jubilaires portent des fruits de grâce, pour vous-mêmes, pour vos familles et pour vos communautés diocésaines. J'ai confiance que tout ce que vous avez réalisé fera grandir la foi dans vos pays et contribuera à une vie meilleure. Je vous accorde à tous une affectueuse Bénédiction apostolique.

7 janvier 2001, Baptême du Seigneur

Dimanche 7 janvier 2001
894
Très chers frères et soeurs!


1. La fête d'aujourd'hui, qui clôt le temps de Noël, nous offre l'opportunité de nous rendre, comme des pèlerins en esprit, sur les rives du Jourdain pour participer à un mystérieux événement: le Baptême de Jésus par Jean-Baptiste. Nous avons écouté le récit évangélique: "Or il advint [...] au moment où Jésus, baptisé lui aussi, se trouvait en prière, que le ciel s'ouvrit, et l'Esprit Saint descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe. Et une voix partit du ciel: "Tu es mon fils; moi, aujourd'hui, je t'ai engendré"" (
Lc 3, 21, 22).

Jésus se manifeste donc, comme le "Christ", le fils unique, objet de la prédilection du Père. C'est ainsi qu'Il commence sa vie publique. Cette "manifestation" du Seigneur fait suite à celle de la Nuit Sainte, dans l'humilité de la crèche et à la rencontre d'hier avec les rois Mages, qui adorent chez l'Enfant, le Roi préannoncé par les antiques Ecritures.


2. Cette année également, j'ai la joie d'administrer, en une circonstance aussi significative, le sacrement du Baptême à plusieurs nouveau-nés. Je salue les parents, les parrains et les marraines, ainsi que tous les proches qui les ont accompagnés.

Ces enfants deviendront d'ici peu des membres vivants de l'Eglise. Ils seront oints avec l'huile des Catéchumènes, signe de la douce force du Christ, qui leur a été donnée pour lutter contre le mal. L'eau bénite sera versée sur eux, signe efficace de la purification intérieure à travers le don de l'Esprit Saint. Ils recevront ensuite l'onction avec le Chrême, pour indiquer qu'ils sont ainsi consacrés à l'image de Jésus, l'Oint du Père. La bougie allumée au cierge pascal est le symbole de la lumière de la foi que les parents, les parrains et les marraines devront sans cesse conserver et alimenter, avec la grâce vivifiante de l'Esprit.

C'est pourquoi je m'adresse à vous, chers parents, parrains et marraines. Aujourd'hui, vous avez la joie d'offrir à ces enfants le don le plus précieux et le plus beau: la vie nouvelle en Jésus, Sauveur de l'humanité tout entière.

A vous, pères et mères, qui avez déjà collaboré avec le Seigneur en donnant le jour à ces enfants, Il demande une collaboration supplémentaire. Il vous demande de seconder l'action de sa Parole salvifique, à travers l'engagement à éduquer ces nouveaux chrétiens. Soyez toujours prêts à accomplir fidèlement cette tâche.

De vous aussi, parrains et marraines, Dieu attend une coopération particulière, qui s'exprime dans le soutien donné aux parents dans l'éducation de ces nouveau-nés selon les enseignements de l'Evangile.


3. Le Baptême chrétien, corroboré par le sacrement de la Confirmation, rend tous les croyants, chacun selon les modalités propres à sa vocation spécifique, corresponsables de la grande mission de l'Eglise. Chacun dans son domaine, avec sa propre identité, en communion avec les autres et avec l'Eglise, doit se sentir solidaire de l'unique Rédempteur et du genre humain.

Cela nous ramène à ce que nous venons de vivre durant l'Année jubilaire. Au cours de celle-ci, la vitalité de l'Eglise s'est révélée aux yeux de tous. Il reste au chrétien, comme héritage de cet événement extraordinaire, la tâche de confirmer sa foi dans le contexte ordinaire de la vie quotidienne.

Confions à la Sainte Vierge ces petites créatures qui accomplissent leurs premiers pas dans la vie. Demandons-Lui tout d'abord de nous aider à nous comporter de façon cohérente avec le Baptême que nous avons reçu un jour. Demandons-Lui ensuite que ces petits enfants, revêtus de la robe blanche, signe de la nouvelle dignité d'enfants de Dieu, soient pour toute leur vie d'authentiques chrétiens et de courageux témoins de l'Evangile.

895 Loué soit Jésus-Christ!

25 janvier 2001, Conclusion de la Semaine de prière pour l’Unité des Chrétiens

Jeudi 25 janvier 2001
Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs


1. "Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie" (
Jn 14,6). Ces paroles de l'Evangile de Jean ont éclairé, comme une lumière, la Semaine de Prière pour l'Unité des Chrétiens qui se termine aujourd'hui; elles brillent tel un programme pour le nouveau millénaire dans lequel nous sommes entrés.

Je suis heureux d'adresser un salut cordial et déférent aux Délégués des Eglises et Communautés ecclésiales qui ont entendu mon invitation et qui sont aujourd'hui présents pour prendre part à cette célébration oecuménique de la Parole, par laquelle nous voulons conclure de manière solennelle les jours consacrés à une prière plus intense pour la grande cause qui nous tient tous à coeur.
A travers les Membres des Délégations qui sont réunis ici, je souhaite faire parvenir aux responsables et aux fidèles des différentes Confessions avec mes salutations, une accolade fraternelle de paix.


2. "Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie". Le coeur de l'homme, comme le coeur des disciples de Jésus, reste souvent troublé face aux événements imprévisibles de l'existence (cf. Jn Jn 14,1). Beaucoup, spécialement les jeunes, s'interrogent sur la route à suivre. Dans le tourbillon de paroles qu'ils subissent chaque jour, ils se demandent ce qu'est la vérité, quelle est l'orientation juste, comment vaincre par la vie la puissance de la mort.

Ce sont des questions de fond qui témoignent chez beaucoup du réveil d'une nostalgie de la dimension spirituelle de l'existence. A ces interrogations, Jésus a déjà répondu lorsqu'il a affirmé: "Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie". La tâche des chrétiens est de proposer à nouveau aujourd'hui, par la force de leur témoignage, cette annonce décisive. C'est seulement ainsi que l'humanité contemporaine pourra découvrir que le Christ est puissance et sagesse de Dieu (cf. 1Co 1,24), que c'est en lui seulement que se trouve la plénitude de toute aspiration humaine (cf. Gaudium et spes GS 45).


3. Le mouvement oecuménique du vingtième siècle a eu le grand mérite de réaffirmer clairement la nécessité de ce témoignage. Après des siècles de séparation, d'incompréhensions, d'indifférence et malheureusement d'oppositions, est réapparue chez les chrétiens la conscience que la foi au Christ les unit et qu'elle est une force capable de surmonter ce qui les divise (cf. Encyclique Ut unum sint UUS 20). Par la grâce de l'Esprit Saint, au Concile Vatican II, l'Eglise catholique s'est engagée de manière irréversible à prendre la voie de la recherche oecuménique (cf. ibid., n. 3).

Nous ne devons pas et nous ne pouvons pas minimiser les différences qui existent encore entre nous. Le véritable engagement oecuménique ne cherche pas les compromis et ne fait pas de concessions pour ce qui touche à la Vérité. Il sait que les séparations entre les chrétiens sont contraires à la volonté du Christ; il sait qu'elles sont un scandale qui affaiblit la voix de l'Evangile. L'effort à faire ne consiste pas à les ignorer, mais à les surmonter.

896 En même temps, la conscience de ce qui manque encore à la pleine communion nous fait apprécier davantage tout ce que nous partageons déjà. En effet, malgré les malentendus et les nombreux problèmes qui nous empêchent encore de nous sentir pleinement unis, on trouve aussi en dehors des frontières visibles de l'Eglise catholique d'importants éléments de sanctification et de vérité de l'unique Eglise du Christ, qui nous entraînent vers la pleine unité (cf. Lumen gentium LG 8,15 Unitatis redintegratio UR 3). Hors de l'Eglise catholique, il n'y a pas de vide ecclésial (cf. Ut unum sint UUS 13); au contraire, il y a beaucoup de fruits de l'Esprit, comme par exemple la sainteté et le témoignage rendu au Christ parfois jusqu'à l'effusion du sang, qui suscitent admiration et gratitude (cf. Unitatis redintegratio UR 4 Ut unum sint, nn. 12, 15).

Les dialogues qui se sont développés à partir du Concile Vatican II ont favorisé une nouvelle conscience de la tâche et de l'héritage communs des chrétiens, et ont eu des résultats très significatifs. Nous n'avons certes pas atteint le but, mais nous avons fait de grands pas en avant. D'étrangers, voire d'adversaires que nous étions, nous sommes devenus voisins et amis. Nous avons redécouvert la fraternité chrétienne. Nous savons que notre baptême nous fait entrer dans l'unique Corps du Christ, dans une communion qui n'est pas encore plénière mais qui est bien réelle (cf. Ut unum sint UUS 41-42). Nous avons toutes les raisons de louer le Seigneur et de le remercier.


4. Avec une profonde reconnaissance, je parcours à nouveau en esprit l'année jubilaire. Du point de vue de l'engagement oecuménique, elle a enregistré des signes vraiment prophétiques et émouvants (cf. Novo millennio ineunte NM 12).

Il reste le souvenir lumineux de la rencontre du 18 janvier 2000, dans cette même Basilique, quand, pour la première fois, une Porte Sainte a été ouverte en présence de représentants des Eglises et Communautés ecclésiales du monde entier. Et le Seigneur m'a donné bien davantage encore: j'ai pu franchir le seuil de cette Porte, qui est le symbole du Christ, accompagné du représentant de mon Frère d'Orient, le Patriarche Bartholomaios, ainsi que du Primat de la Communion anglicane en personne. Pour un instant, un trop bref instant, nous avons fait route ensemble, mais comme il est encourageant ce bout de chemin, signe de la Providence de Dieu le long de la route qui reste à parcourir! Le 7 mai, devant le Colisée, nous nous sommes retrouvés avec tous les représentants des nombreuses Eglises et Communautés ecclésiales, pour la commémoration des Témoins de la foi du vingtième siècle: nous avons ressenti que cette célébration était comme une semence de vie pour l'avenir (cf. Novo millennio ineunte NM 7,41).

J'ai répondu avec joie à l'invitation du Patriarche oecuménique, Bartholomaios I, de célébrer le millénaire par une journée de prière et de jeûne, la veille de la fête de la Transfiguration, le 6 août 2000. Je pense aussi avec des sentiments d'émotion intérieure aux rencontres oecuméniques que j'ai pu avoir pendant mon pèlerinage en Egypte, au Mont Sinaï et particulièrement en Terre Sainte.
Je me rappelle aussi avec gratitude la visite de la Délégation que m'a envoyée le Patriarche oecuménique pour la fête des saints Pierre et Paul, et la visite du Patriarche suprême et Catholicos de tous les Arméniens, Karékine II. Je ne peux oublier non plus les représentants d'autres Eglises et Communautés ecclésiales que j'ai rencontrés à Rome ces derniers mois.


5. Le Jubilé a aussi attiré notre attention, d'une façon salutaire, sur nos douloureuses séparations. Il ne serait pas honnête de le cacher ou de l'ignorer. Cela ne doit pas cependant entraîner des reproches réciproques ou provoquer le découragement. La souffrance suscitée par les incompréhensions ou les malentendus doit être surmontée par la prière et la pénitence, par des gestes d'amour, par la recherche théologique. Les questions encore ouvertes ne sont pas un obstacle au dialogue; elles doivent être ressenties plutôt comme une invitation à un débat franc et charitable. La question se pose à nouveau: Quanta est nobis via? Il ne nous est pas donné de le savoir, mais nous sommes animés par l'espérance d'être guidés par la présence du Ressuscité et par la force inépuisable de son Esprit, qui est capable de surprises toujours nouvelles (cf. Novo millennio ineunte NM 12).

Forts de cette certitude, nous regardons vers le nouveau millénaire. Il est devant nous comme une immense étendue d'eau dans laquelle nous devons jeter les filets (cf. Lc 5,4). Ma pensée va d'abord vers les jeunes qui bâtiront le siècle nouveau et qui pourraient en changer la perspective. Notre témoignage commun est un devoir vis-à-vis d'eux.


6. Dans cette perspective, une des tâches fondamentales est la purification de la mémoire. Au cours du deuxième millénaire, nous avons été opposés et divisés, nous nous sommes condamnés et combattus réciproquement. Nous devons oublier les ombres et les blessures du passé, et être tendus vers l'heure de Dieu qui vient (cf. Ph Ph 3,13).

Purifier la mémoire veut dire aussi édifier une spiritualité de communion - à l'image de la Trinité - (koinônia) qui incarne et manifeste l'essence même de l'Eglise (cf. Novo millennio ineunte NM 42). Nous devons vivre concrètement la communion, qui bien que non plénière, existe déjà entre nous. Laissant derrière nous les malentendus, nous devons nous rencontrer, mieux nous connaître, apprendre à nous aimer les uns les autres, collaborer fraternellement pour tout ce qu'il nous est possible de faire.

Le dialogue de la charité ne serait cependant pas sincère sans le dialogue de la vérité. Le dépassement de nos différences implique une sérieuse recherche théologique. Nous ne pouvons pas escamoter les différences; nous ne pouvons pas changer le dépôt de la foi. Mais nous pouvons bien sûr chercher à approfondir la doctrine de l'Eglise à la lumière de la Sainte Ecriture et des Pères, et l'expliquer de façon qu'elle soit compréhensible aujourd'hui.

897 Cependant, ce n'est pas à nous qu'il est donné de "faire l'unité". Celle-ci est un don du Seigneur. Nous devons donc prier pour que nous soit donné l'Esprit de l'unité, comme nous l'avons fait toute cette semaine. L'Eglise catholique, dans chaque célébration eucharistique, prie ainsi: "Seigneur, ne regarde pas nos péchés mais la foi de ton Eglise. Pour que ta volonté s'accomplisse, donne-lui toujours cette paix et conduis-la vers l'unité parfaite". La prière pour l'unité est présente dans chaque Eucharistie. Elle est l'âme de tout le mouvement oecuménique (cf. Ut unum sint UUS 21).


7. La nouvelle année à peine commencée est un temps on ne peut plus propice pour témoigner ensemble que le Christ est "le chemin, la vérité et la vie". Nous aurons l'occasion de le faire, et déjà se dessinent des éléments prometteurs. En 2001 par exemple, tous les chrétiens célébreront la résurrection du Christ à la même date. Cela devrait nous encourager à trouver un consen-sus pour une date commune de cette fête. La victoire du Christ sur la mort et sur la haine a aussi inspiré l'initiative du Conseil oecuménique des Eglises de consacrer les dix prochaines années à vaincre la violence.

J'attends beaucoup des voyages qui me conduiront en Syrie et en Ukraine. Mon désir est qu'ils contribuent à la réconciliation et à la paix entre les chrétiens. Encore une fois, je me ferai pèlerin, marchant sur les routes du monde pour rendre témoignage au Christ, "Chemin, Vérité et Vie".

Votre présence à cette célébration, chers délégués des Eglises et Communautés ecclésiales, m'encourage dans cet engagement que je perçois comme une part essentielle de mon ministère. Poursuivons ensemble, dans un nouvel élan, le chemin vers la pleine unité! Le Christ marche avec nous.

A Lui soit la gloire dans les siècles des siècles. Amen.





2 février 2001, Fête de la Présentation du Seigneur - Vème Journée de la Vie Consacrée

Vendredi 2 février 2001,
Vème Journée de la Vie consacrée,


1. "Viens, Seigneur, dans ton temple saint" (Refrain du Psaume responsorial).

A travers cette invocation, que nous avons chantée dans le Psaume responsorial, l'Eglise, le jour où elle fait mémoire de la Présentation de Jésus au temple de Jérusalem, exprime le désir de pouvoir l'accueillir encore dans le présent de son histoire. La présentation est une fête liturgique suggestive, fixée dès l'antiquité quarante jours après Noël, conformément à ce que prescrivait la Loi juive pour la naissance de chaque premier-né (cf. Ex 13,2). Marie et Joseph, comme le rapporte le récit évangélique, ont observé fidèlement cette règle.

Les traditions chrétiennes d'Orient et d'Occident se sont entremêlées, enrichissant la liturgie de cette fête par une procession particulière, dans laquelle la lumière des cierges et des bougies est le symbole du Christ, Lumière véritable venue illuminer son peuple et toutes les nations. De cette façon, l'événement d'aujourd'hui est lié à Noël et à l'Epiphanie du Seigneur. Mais, dans le même temps, celui-ci se présente comme un pont vers Pâques, en réévoquant la prophétie du vieux Syméon, qui en cette circonstance, préannonça le destin dramatique du Messie et de sa Mère.

898 L'évangéliste a rappelé ce fait également dans les détails: dans le sanctuaire de Jérusalem, Jésus a été accueilli par deux personnes âgées, pleines de foi et d'Esprit Saint, Syméon et Anne. Elles personnifient le "reste d'Israël", vigilant dans l'attente et prêt à aller à la rencontre du Seigneur, comme l'avaient déjà fait les pasteurs la nuit de sa naissance à Bethléem.


2. Dans la Collecte de la liturgie d'aujourd'hui, nous avons demandé de pouvoir être nous aussi présentés au Seigneur "pleinement renouvelés dans l'esprit", sur le modèle de Jésus, premier-né de nombreux frères. De façon particulière vous, religieux, religieuses et laïcs consacrés, êtes appelés à participer à ce mystère du Sauveur. Il s'agit d'un mystère de sacrifice, dans lequel se fondent de façon indissoluble la gloire et la croix, selon le caractère pascal propre à l'existence chrétienne. Il s'agit d'un mystère de lumière et de souffrance; mystère marial, dans lequel est annoncé à la Mère, bénie avec son Fils, le martyre de l'âme.

Nous pourrions dire aujourd'hui que l'on célèbre dans toute l'Eglise un "offertoire" particulier, dans lequel les hommes et les femmes consacrés renouvellent spirituellement le don d'eux-mêmes. Ce faisant, ils aident les communautés ecclésiales à croître dans la dimension de sacrifice qui les constituent intimement, les édifie et les soutient sur les routes du monde.

Je vous salue avec affection, très chers frères et soeurs qui appartenez aux nombreuses familles de vie consacrée, qui égayez par votre présence la Basilique Saint-Pierre. Je salue en particulier Monsieur le Cardinal Eduardo Martínez Somalo, Préfet de la Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, qui préside la célébration eucharistique d'aujourd'hui.


3. Nous célébrons cette fête le coeur empli des émotions vécues au cours du temps jubilaire qui vient de se conclure. Nous avons repris le chemin en nous laissant guider par les paroles du Christ à Simon: "Duc in altum - Avance en eau profonde" (
Lc 5,4). L'Eglise attend également votre contribution, très chers frères et soeurs consacrés, pour parcourir ce nouveau chemin selon les orientations que j'ai tracées dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte: contempler le visage du Christ, repartir de Lui, témoigner de son amour. Il s'agit d'une contribution que vous êtes appelés à apporter chaque jour, avant tout à travers la fidélité à votre vocation de personnes totalement consacrées au Christ.

Votre premier engagement ne peut donc qu'être dans la lignée de la contemplation. Chaque réalité de vie consacrée naît et se régénère chaque jour dans la contemplation incessante du visage du Christ. L'Eglise elle-même puise son élan dans la contemplation quotidienne de la beauté ineffable du visage du Christ, son Epoux.

Si chaque chrétien est un croyant qui contemple le visage de Dieu dans Jésus-Christ, vous, vous l'êtes de façon particulière. C'est pourquoi il est nécessaire que vous ne vous lassiez pas de méditer sur l'Ecriture Sainte, et surtout sur les saints Evangiles, afin que s'impriment en vous les traits du Verbe incarné.


4. Repartir du Christ, centre de tout projet personnel et communautaire: tel est votre engagement! Rencontrez-le, très chers amis, et contemplez-le de façon toute particulière dans l'Eucharistie, célébrée et adorée chaque jour, comme source et sommet de l'existence et de l'action apostolique.
Marchez avec le Christ: telle est la voie de la perfection évangélique, la sainteté à laquelle tout baptisé est appelé. La sainteté est précisément l'un des points essentiels - et même le premier - du programme que j'ai défini pour le début du nouveau millénaire (cf. Novo millennio ineunte NM 30-31).

Nous venons d'écouter les paroles du vieux Syméon: Le Christ "doit amener la chute et le relèvement d'un grand nombre en Israël; il doit être un signe en butte à la contradiction [...] afin que se révèlent les pensées intimes de bien des coeurs" (Lc 2,34). Comme Lui, et en cherchant à se configuer à Lui, la personne consacrée devient "signe en butte à la contradiction": c'est-à-dire qu'elle devient pour les autres un encouragement salutaire à prendre position face à Jésus, qui, grâce à la médiation active du "témoin", ne reste pas simplement un personnage historique ou un idéal abstrait, mais se propose comme une personne vivante à laquelle adhérer sans compromis.
Cela ne vous semble-t-il pas un service indispensable que l'Eglise attend de vous en cette époque marquée par de profonds changements sociaux et culturels? Ce n'est que si vous contribuez à suivre fidèlement le Christ que vous serez des témoins crédibles de son amour.


899 5. "Lumière pour éclairer les nations et gloire de ton peuple Israël" (Lc 2,32). La vie consacrée est appelée à refléter de façon particulière la lumière du Christ. En vous regardant, très chers frères et soeurs, je pense à la foule d'hommes et de femmes de toutes nations, langues et cultures, consacrés au Christ à travers les voeux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. Cette pen-sée me remplit de réconfort, car vous êtes comme un "levain" d'espérance pour l'humanité. Soyez le "sel" et la "lumière" pour les hommes et les femmes d'aujourd'hui, qui à travers votre témoignage, peuvent entrevoir le Royaume de Dieu et le style des "Béatitudes" évangéliques.

Comme Syméon et Anne, prenez Jésus des bras de sa Très Sainte Mère et, emplis de joie pour le don de la vocation, apportez-le à tous. Le Christ est le salut et l'espérance pour chaque homme! Annoncez-le à travers votre existence consacrée entièrement au Royaume de Dieu et au salut du monde. Proclamez-le avec la fidélité sans compromis qui, récemment encore, a conduit au martyre certains de vos frères et soeurs dans diverses parties du monde.

Soyez la lumière et le réconfort pour chaque personne que vous rencontrez. Telles des bougies allumées, resplendissez de l'amour du Christ. Consumez-vous pour Lui, en diffusant partout l'Evangile de son amour. Grâce à votre témoignage, les yeux de nombreux hommes et de femmes de notre temps pourront voir le salut préparé par Dieu "à la face de tous les peuples, lumière pour éclairer les nations, et gloire de ton peuple Israël".

Amen.



4 février 2001, Visite pastorale à la Paroisse "Sant' Alfonso Maria de' Liguori

Dimanche 4 février 2001


1. "Duc in altum! - Avance en eau profonde!" (Lc 5,4). Cette invitation adressée par Jésus à l'Apôtre Pierre constitue le thème dominant de la liturgie d'aujourd'hui, cinquième dimanche du temps ordinaire.

J'ai repris ces mêmes paroles dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, que j'ai signée au cours de la célébration de conclusion de l'Année Sainte. Après avoir reparcouru dans celle-ci les éléments fondamentaux qui ont caractérisé l'expérience jubilaire, j'ai tracé les lignes directrices pour la vie de l'Eglise et sa mission évangélisatrice au cours du troisième millénaire.

"Maître [...] sur ta parole je vais lâcher les filets" (Lc 5,5). C'est ainsi que répond Simon-Pierre à l'invitation du Christ. Il ne cache pas sa déception pour le travail infructueux accompli au cours de toute une nuit, mais il obéit toutefois au Maître: il abandonne ses propres convictions de pêcheur, qui connaît bien son métier, et il se fie à Lui. Nous connaissons la suite de l'histoire. A la vue des filets remplis de poissons, Pierre prend conscience de la distance qui le sépare lui, "pécheur", de celui qu'il reconnaît à présent comme le "Seigneur". Il se sent intérieurement transformé, et à l'invitation du Maître il laisse ses filets et le suit. Le pêcheur de Galilée devient ainsi l'Apôtre du Christ, le roc sur lequel le Christ fonde son Eglise.


2. J'ai la joie d'accomplir aujourd'hui la première visiste pastorale à une paroisse romaine après l'extraordinaire événément de grâce du grand Jubilé. Votre église est située non loin du lieu appelé "Saxa Rubra", où en l'an 312, comme le rapporte la tradition, la Croix apparut mystérieusement. "In hoc signo vinces": ces paroles, que vous connaissez bien, se relient en esprit à celles que nous avons entendues aujourd'hui: "Duc in altum - Avance en eau profonde". Avoir confiance dans le Christ conduit à partager avec Lui le chemin de la souffrance et de la mort. Mais ce qui apparaît humainement comme une défaite, exprimée de façon significative dans le mystère de la Croix, devient la garantie d'une victoire sûre et définitive.

Ces considérations me rappellent à l'esprit Dom Eulogio Carballido Diaz, Pasteur généreux et bien-aimé, qui a guidé cette communauté pendant vingt-cinq ans. Il aimait se rendre chaque année en pèlerinage à "Saxa Rubra", accompagné par un grand nombre d'entre vous, pour vénérer l'image de la Vierge Immaculée, Mère de Dieu, que j'ai moi-même eu la joie de couronner. Que le Seigneur, qui l'a appelé à lui à l'improviste il y a un an, lui accorde la récompense céleste réservée à ses serviteurs bons et fidèles.


900 3. Je vous salue tous avec affection, très chers frères et soeurs de la Paroisse "Sant'Alfonso Maria de' Liguori"! J'adresse une pensée particulière au Cardinal-Vicaire, à l'Evêque auxiliaire du Secteur Nord, à votre curé, Dom Stefano Alberici, aux prêtres qui collaborent avec vous et aux représentants des enfants et des jeunes, à qui j'adresse mon remerciement pour les paroles courtoises de bienvenue prononcées au début de la célébration. Ma pensée cordiale s'étend aux religieuses des deux Communautés féminines présentes dans la paroisse: les Soeurs franciscaines de Susa et les Petites Filles des Sacrés-Coeurs de Jésus et Marie.

Je vous salue en particulier, très chers paroissiens de sant'Alfonso, venus en aussi grand nombre à cette Messe dominicale, ainsi que tous les habitants du quartier, qui ces dernières années a vu se développer, aux côtés des premières installations rurales et de celles reconstruites après la terrible inondation de 1965, de nouveaux centres résidentiels modernes.


4. "Duc in altum! - Avance en eau profonde!". Très chers frères et soeurs de cette paroisse, que signifie pour vous "avancer en eau profonde" au début du nouveau millénaire? Les premiers habitants de cette banlieue romaine, immigrés de l'Italie centrale et méridionale, ont apporté avec eux une foi simple et sincère, avec de fortes traditions religieuses. C'est ainsi que s'est construite, sous la direction d'un curé zélé, une communauté active et vigilante sur le plan de la fidélité au Christ et de la solidarité envers ceux qui se trouvent dans des situations difficiles.

Certes, ici aussi, comme ailleurs, n'ont pas manqué et ne manquent pas les difficultés et les épreuves. Toutefois, avec saint Paul, vous pouvez aujourd'hui répéter que la grâce reçue de Dieu n'a pas été vaine (cf.
1Co 15,10). Les nombreux germes de bien semés au cours des années sont en train de porter des fruits abondants. Grâce au nouvel ensemble paroissial inauguré le 1er octobre dernier, votre paroisse dispose à présent d'un lieu adapté pour accueillir et former les habitants du quartier, en portant une attention particulière aux enfants et aux jeunes.

En considérant donc le grand bien qui s'est développé parmi vous, je dis: "Avancez en eau profonde"! Devenez, en tant qu'individus et communauté, des missionnaires de l'amour du Seigneur. Prenez soin de chaque homme et de chaque femme qui vit et qui travaille sur ce territoire, en suivant l'exemple de votre patron céleste, saint Alphonse, qui ressentit de façon permanente la nécessité de l'évangélisation.


5. En étendant le regard, on en vient à se demander: que signifie "avancer en eau profonde" pour notre communauté diocésaine? Cela ne signifie-t-il pas repartir du Christ pour apporter à tous l'annonce du salut?

A ce propos, je sais que tout le diocèse est en train de se préparer avec zèle au Congrès qui se déroulera au mois de juin prochain. Je l'ai moi-même souhaité sous forme d'une grande rencontre utile pour définir, sur les bases de l'expérience de la Mission dans la ville, les lignes directrices d'une "mobilisation" constante au service de l'Evangile.

Ce moment important de réflexion et de partage ne manquera pas de conférer une empreinte missionnaire stable à la pastorale diocésaine. En outre, il servira à accroître la sensibilité à l'égard de l'époque actuelle, dans laquelle il est possible, et de notre devoir, de vivre de façon cohérente en chrétiens dans chaque milieu de vie, d'activité et de service.


6. "J'ai travaillé plus qu'eux tous: oh! non pas moi, mais la grâce de Dieu qui est avec moi" (1Co 15,10). Les paroles de l'Apôtre Paul, que nous avons écoutées dans la seconde lecture, nous guident afin de comprendre véritablement la valeur de nos efforts: la réalisation de ce que nous nous proposons dépend bien sûr de notre bonne volonté; mais surtout de la grâce de Dieu. Le chemin pastoral de votre paroisse, ainsi que celui du diocèse et de l'Eglise tout entière, doit donc être essentiellement un chemin de sainteté, en adhérant de façon toujours plus profonde à Celui qui, par antonomase, est le trois fois Saint (cf. Is Is 6,3).

Que dans cet itinéraire de foi, d'espérance et de charité nous accompagne la Sainte Vierge, Aurore lumineuse et guide sûr de notre avancée sur les routes du monde et de l'histoire. Imitons-la dans la contemplation, en méditant dans notre coeur le mystère du Christ (cf. Lc 2,51). Suivons-la dans la prière persévérante et unanime, en communion avec les Apôtres et toute la communauté ecclésiale (cf. Ac Ac 1,14). Accueillons son invitation à avoir confiance dans son Fils: "Tout ce qu'il vous dira, faites-le" (Jn 2,5).

Et Toi, Marie, Etoile du nouveau millénaire, prie pour nous! Amen!





901 21 février 2001, Consistoire Ordinaire Public pour la création de nouveaux Cardinaux

Mercredi 21 février 2001


1. "Celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur" (
Mc 10,43).

Nous avons entendu encore une fois retentir à nos oreilles la déconcertante parole du Christ. Aujourd'hui, elle a resonné sur cette place en particulier pour vous, vénérés et chers frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce, que j'ai eu la joie d'associer aux membres du Collège cardinalice. Je vous présente avec une profonde affection mon cordial salut, que j'étends aux nombreuses personnes qui vous entourent. Une parole particulière de reconnaissance s'adresse au cher Cardinal Giovanni Battista Re pour les expressions courtoises qu'il m'a adressées, interprétant avec chaleur vos sentiments à tous.

J'adresse ensuite un salut fraternel à tous les autres Cardinaux présents, ain-si qu'aux Archevêques et Evêques qui sont ici avec nous. Je salue en outre les Délégations officielles, venues de divers pays pour fêter leurs cardinaux: à traves celles-ci j'envoie mon salut respectueux aux Autorités, ainsi qu'aux chères populations qu'elles représentent.

Je constate avec joie la présence au Consistoire de Délégués fraternels de diverses Eglises et Communautés ecclésiales. Je leur adresse un salut cordial, certain que leur geste délicat ne manquera pas de favoriser une entente réciproque toujours meilleure et le progrès vers la pleine communion.

C'est aujourd'hui une grande fête pour l'Eglise universelle, qui s'enrichit de quarante-quatre nouveaux Cardinaux. Et c'est une grande fête pour la ville de Rome, Siège du Prince des Apôtres et de son Successeur, non seulement parce qu'elle instaure un rapport spécial avec chacun des nouveaux Cardinaux, mais également parce que la venue ici de tant de personnes de toutes les parties du monde lui offre la possibilité de revivre un joyeux moment d'accueil. En effet, ce rassemblement solennel rappelle à l'esprit les nombreux événements qui ont marqué le grand Jubilé, conclu il y a à peine plus d'un mois. C'est avec le même enthousiasme que ce matin la Rome "catholique" se rassemble autour des nouveaux Cardinaux dans une étreinte chaleureuse, consciente qu'une autre page significative de son histoire bimillénaire est en train de s'écrire.


2. "Le Fils de l'homme lui-même n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude" (Mc 10,45).

Ces paroles de l'Evangéliste Marc nous aident à mieux comprendre le sens profond d'un événement comme le Consistoire que nous célébrons. L'Eglise ne repose pas sur des calculs et des puissance humaines, mais sur Jésus crucifié et sur le témoignage cohérent que Lui ont rendu les apôtres, les martyrs et les confesseurs de la foi. C'est un témoignage qui peut également exiger l'héroïsme du don total de soi à Dieu et aux frères. Chaque chrétien sait qu'il est appelé à une fidélité sans compromis, qui peut également demander le sacrifice extrême. Et vous le savez vous en particulier, vénérés frères élus à la dignité cardinalice. Vous vous engagez à suivre fidèlement le Christ, le Martyre par excellence et le Témoin fidèle.

Votre service à l'Eglise s'exprime ensuite dans le fait de prêter au Successeur de Pierre votre assistance et votre collaboration pour alléger le poids d'un ministère qui s'étend jusqu'aux extrémités de la terre. Avec lui, vous devez être des défenseurs inlassables de la vérité et les gardiens du patrimoine de foi et de coutumes qui a son origine dans l'Evangile. Vous serez ainsi des guides sûrs pour tous et, en premier lieu, pour les prêtres, les personnes consacrées, les laïcs engagés.

Le Pape compte sur votre aide au service de la communauté, qui entre avec confiance dans le troisième millénaire. En tant que Pasteurs authentiques, vous saurez être des sentinelles vigilantes pour défendre le troupeau qui vous est confié par le "Pasteur suprême" qui prépare pour vous "la couronne de gloire qui ne se flétrit pas" (1P 5,4).


902 3. Un lien très particulier vous relie aujourd'hui au Successeur de Pierre qui, par la volonté du Christ - comme cela a été opportunément rappelé - est "le principe perpétuel et visible et le fondement de l'unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles" (Lumen gentium LG 23). Ce lien vous rend, à un nouveau titre, des signes éloquents de communion. Si vous êtes des promoteurs de communion, ce sera l'Eglise tout entière qui en bénéficiera. Saint Pier Damiani, dont c'est aujourd'hui la mémoire liturgique, affirme: "C'est l'unité qui réduit de nombreuses parties à un seul tout, qui fait converger les diverses volontés des hommes dans l'équipe de la charité et de l'harmonie de l'esprit" (Opusc. XIII, 24).

"De nombreuses parties" de l'Eglise trouvent leur expression en vous, qui avez mûri vos expériences dans divers continents et dans divers services au Peuple de Dieu. Il est essentiel que les "parties" que vous représentez soient rassemblées en "un seul tout" à travers la charité, qui est le lien de la perfection. Ce n'est qu'ainsi que pourra se réaliser la prière du Christ: "Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m'as envoyé" (cf. Jn 17,21).

Du Concile Vatican II jusqu'à aujourd'hui, beaucoup a été accompli pour élargir les espaces de la responsabilité de chacun dans le service à la communion ecclésiale. Il n'y a pas de doute que, avec la grâce de Dieu, on pourra réaliser encore davantage. Vous êtes aujourd'hui proclamés et constitués Cardinaux car vous vous engagez, pour ce qui est de votre compétence, à faire en sorte que la spiritualité de la communion croisse dans l'Eglise. En effet, il n'y a qu'elle qui soit en mesure de conférer "une âme aux éléments institutionnels en proposant la confiance et l'ouverture pour répondre pleinement à la dignité et à la responsabilité de chaque membre du Peuple de Dieu" (Novo millennio ineunte NM 45).


4. Vénérés frères, vous êtes les premiers Cardinaux créés dans le nouveau millénaire. Après avoir abondamment puisé à la source de la miséricorde divine au cours de l'Année Sainte, la nef mystique de l'Eglise s'apprête à "prendre à nouveau le large" pour apporter dans le monde le message du salut. Ensemble nous voulons hisser les voiles au vent de l'Esprit, en scrutant les signes des temps et en les interprétant à la lumière de l'Evangile pour répondre "aux questions éternelles des hommes sur le sens de la vie présente et future et sur leurs relations réciproques" (Gaudium et spes GS 4).

Le monde devient toujours plus complexe et changeant, la conscience aiguë des inégalités existantes engendre ou augmente les contradictions et les déséquilibres (cf. Ibid., n. 8). Les immenses potentialités du progrès scientifique et technique, ainsi que le phénomène de la mondialisation qui s'étend à des domaines toujours nouveaux, nous demandent d'être ouverts au dialogue avec chaque personne et avec chaque instance sociale, dans l'intention de rendre à chacun raison de l'espérance que nous portons dans notre coeur (cf. 1P 3,15).

Vénérés frères, nous savons cependant que pour pouvoir affronter de façon efficace les nouvelles tâches, il est nécessaire de cultiver une communion toujours plus intime avec le Seigneur. C'est la couleur pourpre elle-même des vêtements que vous portez qui vous rappelle cette urgence. Cette couleur n'est-elle pas le symbole de l'amour passionné pour le Christ? Dans ce rouge vif n'est-ce pas le feu ardent de l'amour pour l'Eglise, qui doit également alimenter en vous la disponibilité, si nécessaire, jusqu'au témoignage suprême du sang, qui est indiqué? "Usque ad effusionem sanguinis", rappelle l'antique adage. En vous regardant, le Peuple de Dieu doit pouvoir trouver un point de référence concret et lumineux qui l'incite à être véritablement lumière du monde et sel de la terre (cf. Mt Mt 5,13).


5. Vous provenez de vingt-sept pays de quatre continents et vous parlez des langues différentes. N'est-ce pas également là un signe de la capacité que possède l'Eglise, présente désormais dans tous les lieux de la planète, de comprendre les peuples ayant des traditions et des langages différents, pour apporter à tous l'annonce du Christ? En Lui, et en Lui seulement, il est possible de trouver le salut. Voilà la vérité que nous voulons réaffirmer ensemble aujourd'hui. Le Christ chemine avec nous et guide nos pas.

A deux cents ans de la naissance du Cardinal Newman, il me semble entendre retentir les paroles avec lesquelles il accepta de mon Prédécesseur, le Pape Léon XIII, la sainte pourpre: "L'Eglise - dit-il - ne doit rien faire d'autre que poursuivre sa tâche, dans la confiance et dans la paix; demeurer solide et tranquille, et attendre le salut de Dieu. Mansueti hereditabunt terram, et delectabuntur in multitudine pacis (Ps 36, II)". Que les paroles de ce grand homme d'Eglise soient une invitation pour nous tous à éprouver un amour croissant pour notre ministère pastoral.

Vénérés frères, rassemblés autour de vous pour partager ce moment de joie, se trouvent vos proches et vos amis, les fidèles confiés à vos soins pastoraux. Ces derniers, avec tout le peuple chrétien spirituellement présent, adressent au Seigneur des prières ferventes pour votre nouveau service au Siège apostolique et à l'Eglise universelle.

Marie étend sur vous son manteau maternel, elle qui, accueillant l'invitation du message divin, sut répondre avec promptitude: "Qu'il m'advienne selon ta parole" (Lc 1,38). Les Apôtres Pierre et Paul et vos saints Protecteurs intercèdent pour vous. Que vous accompagnent mon souvenir fraternel dans la prière et ma Bénédiction.



22 février 2001, Fête de la Chaire de Saint Pierre - Messe et remise de l'anneau aux nouveaux Cardinaux

903 Jeudi 22 février 2001
Fête de la Chaire de Saint-Pierre


1. ""Mais pour vous, leur dit-il, qui suis-je?" Simon-Pierre répondit: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant"" (
Mt 16,15-16).

Ce dialogue entre le Christ et ses disciples, que nous venons de réentendre, est toujours actuel dans la vie de l'Eglise et du chrétien. A chaque heure de l'histoire, en particulier les plus décisives, Jésus interpelle les siens et, après les avoir interrogés sur ce que "les gens" pensent de Lui, il pose une question plus précise et leur demande: "Mais pour vous, qui suis-je?".

Nous avons entendu retentir cette question, en arrière plan, au cours de tout le grand Jubilé de l'An 2000. Et chaque jour l'Eglise a sans cesse répondu par une profession de foi unanime: "Tu es le Christ, le Sauveur du monde, hier, aujourd'hui et à jamais"". Une réponse universelle, dans laquelle se sont unies, à la voix du Successeur de Pierre, celles des pasteurs et des fidèles de tout le Peuple de Dieu.


2. Une unique et solennelle confession de foi: Tu es le Christ! Cette confession de foi est le grand don que l'Eglise offre au monde au début du troisième millénaire, alors qu'elle avance dans le "vaste océan" qui s'ouvre devant elle (cf. Novo millennio ineunte NM 58). La fête d'aujourd'hui place au premier plan le rôle de Pierre et de ses Successeurs lorsqu'ils guident la barque de l'Eglise sur cet "océan". Il est donc plus que jamais significatif qu'en cette fête liturgique, aux côtés du Pape, se trouve le Collège cardinalice avec les nouveaux Cardinaux, créés hier lors du premier Consistoire après le grand Jubilé.

Nous voulons ensemble rendre grâce à Dieu pour avoir fondé son Eglise sur le roc de Pierre. Comme nous le suggère la Prière de la "collecte", nous voulons prier intensément afin que "parmi les bouleversements du monde", celle-ci "ne se trouble pas", mais avance avec courage et confiance.


3. Cependant, permettez-moi avant toute chose d'exprimer ma joie et ma reconnaissance au Seigneur précisément pour vous, très chers et vénérés frères, qui êtes entrés dans le Collège cardinalice! A chacun je renouvelle mon salut le plus cordial, que j'étends à vos familles et aux fidèles rassemblés ici, ainsi qu'aux Communautés dont vous provenez et qui s'unissent aujourd'hui spirituellement à notre célébration.

Je considère providentiel de célébrer avec vous et avec tout le Collège la fête de la Chaire de Pierre, car cela constitue un signe d'unité particulier et éloquent, avec lequel nous commençons ensemble la période post-jubilaire. Un signe qui est, dans le même temps, une invitation à approfondir la réflexion sur le ministère pétrinien, auquel fait particulièrement référence votre fonction de Cardinaux.


4. "Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise" (Mt 16,13-19).

Dans l'"aujourd'hui" de la liturgie, le Seigneur Jésus adresse également au Successeur de Pierre cette parole, qui devient pour lui un engagement de confirmation à l'égard de ses frères (cf. Lc 22,32). Avec un grand réconfort et avec une vive affection je vous appelle, vénérés Frères Cardinaux, à vous rassembler autour du Siège de Pierre dans le ministère d'unité particulier qui est confié à celui-ci.

904 "Il sait bien, en tant qu'Evêque de Rome, et il l'a réaffirmé dans la présente Encyclique, que le désir ardent du Christ est la communion pleine et visible de toutes les Communautés, dans lesquelles habite son Esprit en vertu de la fidélité de Dieu" (Ut unum sint UUS 95). En vue de cet objectif primordial les Cardinaux, tant comme Collège qu'individuellement, peuvent et doivent offrir leur précieuse contribution. En effet, ils sont les premiers collaborateurs du ministère d'unité du Pontife Romain. La pourpre dont ils sont vêtus rappelle le sang des martyrs, notamment de Pierre et de Paul, sur le témoignage suprême desquels se fondent la vocation et la mission universelle de l'Eglise de Rome et de son Pasteur.


5. Comment ne pas rappeler que le ministère de Pierre, principe visible d'unité, constitue une difficulté pour les autres Eglises et communautés ecclésiales? (cf. Enc. Ut unum sint UUS 88). Dans le même temps, cependant, comment ne pas revenir au fait historique du premier millénaire, lorsque la fonc-tion primatiale de l'Evêque de Rome fut exercée sans rencontrer de résistances dans l'Eglise d'Occident aussi bien que d'Orient? Je voudrais aujourd'hui prier avec vous le Seigneur de façon particulière, afin que le nouveau millénaire dans lequel nous sommes entrés réussisse très vite à surmonter cette situation et que la pleine communion soit rétablie. Que l'Esprit Saint donne à tous les croyants la lumière et la force nécessaire pour réaliser l'aspiration ardente du Seigneur. Je vous demande de m'assister et de collaborer de toutes les façons possibles à cette mission exigeante.

Vénérés frères Cardinaux, l'anneau que vous avez reçu, et que je remettrai dans quelques instants aux nouveaux membres du Collège, met précisément en évidence le lien particulier qui vous lie à ce Siège apostolique. Sur le "vaste océan" qui s'ouvre devant le navire de l'Eglise, je compte sur vous pour en orienter le chemin dans la vérité et dans l'amour, afin que celui-ci, surmontant les tempêtes du monde, devienne toujours plus efficacement un signe et un instrument d'unité pour tout le genre humain (cf. Lumen gentium LG 1).


6. "Car ainsi parle le Seigneur Yahvé: voici que j'aurai soin moi-même de mon troupeau et je m'en occuperai" (Ez 34,11).

En la fête de la Chaire de Saint-Pierre, la liturgie nous repropose le célèbre oracle du prophète Ezéchiel, dans lequel Dieu se révèle comme le Pasteur de son peuple. La chaire, en effet, est inséparable de la crosse de pasteur, car le Christ, Maître et Seigneur, est venu à nous comme le Bon Pasteur (cf. Jn 10,1-18). C'est ainsi que l'a connu Simon, le pêcheur de Capharnaüm: il a fait l'expérience de son amour tendre et miséricordieux, et il en a été conquis. Sa vocation et sa mission d'Apôtre, résumées dans le nouveau nom de Pierre reçu de son Maître, se fondent entièrement sur sa relation avec Lui, depuis la première rencontre, à laquelle l'appela son frère André (cf. Jn 2,40-42), jusqu'à la dernière, au bord du lac, lorsque le Ressuscité le chargea de paître son troupeau (cf. Jn 21,15-19). Entre les deux, se déroule le chemin du disciple, le long duquel le divin Maître conduit Simon à une profonde conversion, qui connaît des heures dramatiques au moment de la passion, mais qui débouche ensuite sur la joie lumineuse de la Pâque.

En vertu de cette expérience transformante du Bon Pasteur, Pierre, écrivant aux Eglises de l'Asie mineure, se qualifie de "témoin des souffrances du Christ, et qui doit participer à la gloire qui va être révélée" (1P 5,1). Il exhorte "les anciens" à paître le troupeau de Dieu, en devenant des modèles pour celui-ci (cf. 1P 5,2-3). Très chers amis, cette exhortation vous est aujourd'hui adressée de façon particulière, vous que le Bon Pasteur a voulu associer de la manière la plus éminente au ministère du Successeur de Pierre. Soyez fidèles à votre mission, prêts à donner la vie pour l'Evangile. C'est ce que vous demande le Seigneur et ce qu'attend de vous le peuple chrétien, qui se rassemble aujourd'hui autour de vous avec joie et affection.


7. "Mais moi j'ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas" (Lc 22,32). C'est ce que dit le Seigneur à Simon-Pierre, au cours de la Dernière Cène. Cette parole de Jésus, fondamentale pour Pierre et pour ses successeurs, diffuse la lumière et le réconfort également sur ceux qui coopèrent de près à leur ministère. Vénérés frères Cardinaux, aujourd'hui le Christ répète à chacun de vous: "J'ai prié pour toi", afin que ta foi ne défaille pas dans les situations où peut être mise à dure épreuve ta fidélité au Christ, à l'Eglise et au Pape.

Très chers amis, que cette prière qui naît sans cesse du coeur du Bon Pasteur, soit toujours votre force! Ne doutez pas que, comme cela a été le cas pour le Christ et pour Pierre, il en sera de même pour vous: votre témoignage le plus efficace sera toujours celui marqué par la Croix. La Croix est la chaire de Dieu dans le monde. Sur celle-ci le Christ a offert à l'humanité la leçon la plus importante, celle de nous aimer les uns les autres comme Lui nous a aimés (cf. Jn 13,34): jusqu'au don extrême de soi.

Au pied de la Croix se trouve toujours la Mère du Christ et des disciples, la Très Sainte Vierge Marie. C'est à Elle que le Seigneur nous a confiés lorsqu'il a dit: "Femme, voici ton fils!" (Jn 19,26). La Sainte Vierge, Mère de l'Eglise, de même qu'elle a protégé de façon particulière Pierre et les Apôtres, ne manquera pas de protéger le Successeur de Pierre et ses collaborateurs. Que cette certitude réconfortante constitue un encouragement à ne pas avoir peur des épreuves et des difficultés. Au contraire, rassurés par la protection constante de Dieu, nous obéissons ensemble au commandement du Christ, qui invite avec vigueur Pierre et l'Eglise à prendre le large: "Duc in altum" (Lc 5,4). Oui, très chers frères, prenons le large, jetons les filets pour la pêche et "Allons de l'avant dans l'espérance!" (Novo millennio ineunte NM 58).

Le Christ, le Fils du Dieu vivant, est le même hier, aujourd'hui et à jamais. Amen!

25 février 2001, Visite pastorale à la Paroisse de la Nativité de Marie

905 Dimanche 25 février 2001


1. "Ouvre, Seigneur, notre coeur et nous comprendrons les paroles de ton Fils".

L'invocation de l'Acclamation avant l'Evangile, nous introduit aujourd'hui dans le thème du huitième dimanche du temps "per annum". Jésus est le Maître véritable, qui communique aux hommes les vérités du salut. Ceux qui l'écoutent sont invités à "comprendre", c'est-à-dire à accueillir dans leur coeur ses paroles et à les traduire en choix de vie concrets.

Jésus ne transmet pas seulement une Doctrine qui vient de Dieu, mais il est surtout le Modèle auquel nous devons nous conformer; il ne nous a pas simplement laissé un recueil d'enseignements à apprendre; il nous a surtout indiqué un chemin à parcourir, en s'offrant lui-même comme exemple à suivre.

Ouvrons-lui donc notre coeur: nous entrerons ainsi dans le mystère de son amour, qui illumine toute l'existence.


2. "Le disciple n'est pas au-dessus du maître; tout disciple accompli sera comme son maître" (
Lc 6,40).

A la suite du Christ, notre divin Maître, nous apprenons que pour être ses disciples il faut en particulier le suivre dans sa capacité d'aimer, ainsi qu'il le décrit dans la page de l'Evangile de Luc, que nous lisons en ces dimanches. Le centre de son message est précisément l'amour, et même l'amour pour ses ennemis, qui ne connaît pas de vengeance et qui offre le pardon; un amour qui est miséricorde et disponibilité à aimer toujours, même au prix de la vie, à la manière de Dieu (cf. Lc 6,27-38).

Voilà l'enseignement à accueillir et à transmettre fidèlement. Voilà l'unique école qui forme les authentiques missionnaires de l'Evangile, appelés à être des guides sages et sûrs pour leurs frères (cf. Lc 6,39).


3. Je vous salue avec ces sentiments, très chers frères et soeurs de la Paroisse de la Nativité de Marie à Via di Bravetta!

Je suis heureux de me trouver parmi vous aujourd'hui, en poursuivant mes visites pastorales dans les paroisses romaines. Je remercie avec joie ceux qui, au début de la célébration eucharistique m'ont souhaité la bienvenue, se faisant l'interprète de vos sentiments.

Je voudrais saluer de façon particulière le Cardinal-Vicaire, l'Evêque auxiliaire du secteur, Mgr Vincenzo Apicella, votre cher curé, Dom Lorenzo Rossi, et les Chanoines réguliers de l'Immaculée Conception, qui collaborent avec lui dans le soin pastoral de la paroisse.

906 Je salue également les Fils de l'Immaculée Conception, qui pendant longtemps ont mis à la disposition de la paroisse l'église de l'Institut "Padre Luigi Monti" pour la célébration dominicale de la messe des enfants et des jeunes accompagnés de leurs familles.

J'adresse également une pensée reconnaissante aux Soeurs de Notre-Dame de la Compassion et aux Filles de Saint-Joseph, présentes dans le quartier et qui, lorsqu'il n'y avait pas d'église ni d'autre local disponible, ont offert leurs structures à la Communauté paroissiale. Je les remercie sincèrement pour ce service généreux rendu à la paroisse, et je les encourage à poursuivre leur collaboration à l'activité pastorale tant appréciée. En embrassant avec affection chacune des personnes présentes, je désire étendre mon salut cordial à tous les habitants du quartier.

Je sais que vous avez dû attendre jusqu'à l'année dernière la construction de la nouvelle église dans laquelle aujourd'hui, avec une profonde satisfaction, nous célébrons l'Eucharistie.

Nous rendons grâce à Dieu pour cette oeuvre qui a demandé beaucoup de travail et que, avec le soutien du Vicariat, vous avez finalement réussi à réaliser. Faites en sorte que ce temple soit un signe visible d'unité et de communion, en évitant la dispersion des célébrations liturgiques et des lieux de catéchèses que, pendant longtemps, vous avez été obligés de subir malgré vous. En marchant ensemble et unis, vous écrirez une belle page de vie spirituelle et pastorale de votre communauté paroissiale.


4. Précisément pour vous aider dans cet itinéraire, permettez-moi de vous remettre symboliquement le Message que, la semaine dernière, j'ai adressé au diocèse de Rome, au terme du Jubilé et en vue du grand Congrès diocésain du mois de juin prochain. Qu'il fasse l'objet d'une réflexion attentive et traduisez ses orientations en choix apostoliques concrets. Le temps quadragésimal, qui commencera dans quelques jours, constitue une occasion opportune pour cette révision de vie.

Demandez-vous tant comme individus que comme communauté: quel apport puis-je apporter à la croissance de la pleine communion dans l'Eglise? Comment puis-je offrir ma contribution spécifique, afin que celle-ci devienne toujours plus une maison et une école de communion? Il faut cheminer unis pour témoigner ensemble de l'Evangile. Voilà la consigne que je vous laisse, chers frères et soeurs de la paroisse de la Nativité de Marie.

Les urgences apostoliques sont nombreuses dans votre quartier qui, comme d'autres, a subi en quelques années de profondes transformations. Vous avez lancé depuis longtemps avec succès une belle initiative en faveur des enfants et des jeunes, des fiancés, des familles, des pauvres et des personnes âgées. Allez de l'avant sur cette route, en privilégiant en premier lieu l'attention aux familles, qui ne sont pas toujours en mesure d'assurer une formation chrétienne adaptée à leurs enfants. Il y a des enfants et des adolescents qui ont besoin de personnes les aidant à croître dans la foi; des chrétiens qui attendent des guides capables de les soutenir dans leur témoignage évangélique, en les orientant dans les divers milieux d'étude, d'activité et de service.

Je pense en particulier à vous, chers jeunes, à qui, dans le cadre de la "mission permanente" qui se déroule dans notre diocèse, est confiée la tâche d'être les premiers évangélisateurs des jeunes de votre âge. Que chacun assume de façon responsable son rôle au sein de la communauté paroissiale.


5. "Qu'as-tu à regarder la paille qui est dans l'oeil de ton frère? Et la poutre qui est dans ton oeil à toi, tu ne la remarques pas!" (
Lc 6,41).

A travers ces paroles, Jésus nous fournit une indication utile, que nous pourrions définir "pastorale". La tentation est souvent malheureusement celle de condamner les défauts et les péchés des autres, sans réussir à voir les siens avec autant de lucidité. Comment se rendre compte, alors, si son propre oeil voit ou s'il est aveuglé par une poutre? Jésus répond: "Chaque arbre en effet se reconnaît à son propre fruit" (Lc 6,44).

Un tel sain discernement est un don du Seigneur, et il doit être imploré à travers une prière permanente. Il s'agit dans le même temps d'une conquête personnelle qui requiert de l'humilité et de la patience, une capacité d'écoute et un effort de compréhension des autres.

907 Ces caractéristiques doivent être celles de chaque vrai disciple et elles comportent un engagement, voire même un esprit de sacrifice. S'il peut parfois sembler difficile de suivre le Seigneur sur ce chemin, ayons recours au soutien et à l'intercession de Marie.

Sur la façade de votre église un arc a été intégré dans le corps de l'édifice. Celui-ci rappelle la Vierge, Aurore du salut, toujours prête à embrasser ses enfants et à les conduire à l'intérieur du temple pour rencontrer le Christ.

Que la Vierge du silence et de l'écoute nous aide à être de courageux témoins et annonciateurs de l'Evangile; qu'elle nous fasse regarder les autres avec les yeux de la compréhension et de la bonté; qu'elle obtienne pour nous le don d'une sage prudence pastorale.

Et Toi, Seigneur, ouvre notre coeur; nous comprendrons ainsi tes paroles de salut. Amen!

28 février 2001, Mercredi des Cendres


Homélies St Jean-Paul II 888