Homélies St Jean-Paul II 907


EN LA BASILIQUE SAINTE-SABINE SUR L’AVENTIN


1. "Laissez-vous réconcilier avec Dieu [...] Au moment favorable, je t'ai exaucé" (2Co 5,20 2Co 6,2).

Telle est l'invitation que la Liturgie nous adresse au début du Carême, en nous exhortant à prendre conscience du don du salut offert, dans le Christ, à chaque homme.

En parlant du "moment favorable", l'Apôtre Paul fait référence à la "plénitude du temps" (cf. Ga 4,4), c'est-à-dire au temps où Dieu, à travers Jésus, a "exaucé" et "secouru" son peuple, en réalisant pleinement les promesses des prophètes (cf. Is Is 49,8). Dans le Christ s'accomplit le temps de la miséricorde et du pardon, le temps de la joie et du salut.

Du point de vue historique, le "moment favorable" est le temps où l'Evangile est annoncé par l'Eglise aux hommes de chaque race et culture, afin qu'ils se convertissent et s'ouvrent au don de la rédemption. La vie en est alors intimement transformée.


2. "Au moment favorable, je t'ai exaucé".

Le Carême, qui commence aujourd'hui, est certainement, au cours de l'année liturgique, un "moment favorable" pour accueillir avec une plus grande disponibilité la grâce de Dieu. C'est précisement pour cette raison qu'il est défini comme "signe sacramentel de notre conversion" (Prière lors de la Collecte, Ier Dimanche de Carême): signe et instrument efficace de ce changement de vie radical qui, chez les croyants, demande à être constamment renouvelé. La source de cet extraordinaire don divin est le Mystère pascal, le mystère de la mort et de la résurrection du Christ, dont naît la rédemption pour chaque homme, pour l'histoire et pour tout l'univers.

908 A ce mystère de souffrance et d'amour fait référence, d'une certaine façon, le rite traditionnel de l'imposition des cendres, illuminé par les paroles qui l'accompagnent: "Repentez-vous et croyez à l'Evangile" (Mc 1,15). A ce même mystère fait également référence le jeûne que nous observons aujourd'hui, afin de commencer un chemin de véritable conversion, au cours duquel l'union avec la passion du Christ nous permettra d'affronter et de vaincre le combat contre l'esprit du mal (cf. Prière lors de la Collecte, Mercredi des Cendres).


3. "Au moment favorable, je t'ai exaucé"

Avec cette conscience, nous entreprenons l'itinéraire quadragésimal, en revenant en esprit au grand Jubilé qui a constitué pour l'Eglise tout entière un extraordinaire temps de pénitence et de réconciliation. Il s'est agi d'une année d'intense ferveur spirituelle, au cours de laquelle la miséricorde divine s'est répandue en abondance sur le monde. Pour que ce trésor de grâce continue à enrichir spirituellement le peuple chrétien, j'ai offert, dans la Lettre apostolique Novo milennio ineunte des indications concrètes sur la façon de démarrer cette nouvelle phase de l'histoire de l'Eglise.

Parmi ces indications, je voudrais ici en rappeler certaines qui s'harmonisent bien avec les caractéristiques particulières du temps quadragésimal. Tout d'abord, parmi celles-ci, la contemplation du visage du Seigneur: un visage qui se présente lors du Carême comme un "visage de souffrance" (cf. nn. 25-27). Dans la Liturgie, dans les Stationes quadragésimales, ainsi que dans la pieuse pratique de la Via Crucis, la prière contemplative conduit à s'unir au mystère de Celui que, bien que n'ayant pas connu le péché, Dieu a fait péché pour nous en notre faveur (cf. 2Co 5,21). A l'école des Saints, chaque baptisé est appelé a suivre de plus près Jésus qui, montant à Jérusalem et prévoyant sa passion, confia à ses disciples: "Je dois être baptisé d'un baptême" (Lc 12,50). Ainsi, le chemin quadragésimal signifie pour nous suivre de façon docile le Fils de Dieu, qui s'est fait Serviteur obéissant.


4. Le chemin auquel le Carême nous invite, se réalise tout d'abord dans la prière: les communautés chrétiennes doivent devenir, au cours de ces semaines, d'authentiques "écoles de prière". Un autre objectif prioritaire est constitué par l'invitation faite aux fidèles de s'approcher du Sacrement de la réconciliation, afin que chacun puisse "redécouvrir le Christ comme mysterium pietatis, celui en qui Dieu nous montre son coeur compatissant et nous réconcilie pleinement avec lui" (Novo millennio ineunte NM 37). Par ailleurs, l'expérience de la miséricorde de Dieu ne peut que susciter l'engagement à la charité, en poussant la communauté chrétienne à "parier sur la charité" (cf. Novo millennio ineunte, IV). A l'école du Christ, celle-ci montre l'exigence de l'option préférentielle pour les pauvres; qui "témoigne du style de l'amour de Dieu, de sa providence, de sa miséricorde" (Ibid.).


5. "Nous vous en supplions au nom du Christ: laissez-vous réconcilier avec Dieu" (2Co 5,20).
Dans le monde d'aujourd'hui se développe le besoin de paix et de pardon. Je me suis fait le porte-parole de cette aspiration récurrente au pardon et à la réconciliation dans le Message pour ce Carême. L'Eglise, à travers la Parole du Christ, annonce le pardon et l'amour pour les ennemis. En agissant ainsi "l'Eglise a conscience d'introduire dans le patrimoine spirituel de toute l'humanité une façon nouvelle de vivre en relation avec les autres; une façon laborieuse, certes, mais riche d'espérance" (Message, n. 4). Voilà le don qu'elle offre également aux hommes de notre temps.

"Laissez-vous réconcilier avec Dieu!": cette parole retentit avec insistance dans notre esprit. Aujourd'hui - nous dit la Liturgie - c'est le "moment favorable" pour notre réconciliation avec Dieu. Conscients de cela, nous recevrons l'imposition des Cendres, en accomplissant nos premiers pas sur le chemin quadragésimal. Poursuivons cette route avec générosité, en gardant le regard tourné vers le Christ crucifié. La croix est le salut de l'humanité: ce n'est qu'à partir de la Croix qu'il est possible de construire un avenir d'espérance et de paix pour tous.



4 mars 2001, Visite pastorale à la Paroisse Saint André Apôtre

Dimanche 4 mars 2001




1. "Jésus [...] était mené par l'Esprit à travers le désert durant quarante jours, tenté par le diable" (Lc 4,1-2). En ce premier dimanche de Carême, nous écoutons à nouveau le récit du combat de Jésus contre le diable, au début de sa vie publique. Après avoir été reconnu par le Père, au moment du Baptême sur les rives du fleuve Jourdain, comme le "fils bien-aimé" (cf. Lc 3,22), Jésus est à présent mis à l'épreuve dans sa fidélité à Dieu. Pourtant, contrairement à Adam et Eve dans le paradis terrestre (cf. Gn 3), et à la différence du peuple d'Israël dans le désert (cf. Ex 16-17 Dt 8), il résiste à la tentation et triomphe sur le Malin.

909 Dans cette scène, nous percevons la lutte de dimension cosmique des forces du mal contre la réalisation du plan salvifique que le Fils de Dieu est venu proclamer et inaugurer dans sa personne même. En effet, avec le Christ commence le temps de la nouvelle création; en Lui se réalise l'Alliance nouvelle et parfaite entre Dieu et l'humanité tout entière. Ce combat contre l'Esprit du mal engage chacun de nous, appelé à suivre l'exemple du Maître divin.


2. "Ayant ainsi épuisé toute tentation, le diable s'éloigna de lui jusqu'au moment favorable" (
Lc 4,13). L'atteinte du tentateur contre Jésus, commencée au cours de son séjour dans le désert, culminera au cours des jours de la passion sur le Calvaire, lorsque le Crucifié triomphera définitivement sur le mal, réconciliant l'homme avec Dieu. L'évangéliste Luc conclut le récit d'aujourd'hui par la référence à Jérusalem; à la différence de Matthieu, il semble vouloir souligner dès le début que le triomphe du Christ sur la Croix aura lieu dans la Ville Sainte, où se réalisera le Mystère pascal.

Dans le Message pour le Carême de cette année, j'ai écrit qu'aux hommes et aux femmes d'aujourd'hui aussi, le Christ adresse l'invitation à "monter à Jérusalem", c'est-à-dire à le suivre sur la voie de la Croix. Nous ressentons cette invitation avec une profonde éloquence aujourd'hui, tandis que nous accomplissons les premiers pas du temps quadragésimal, temps favorable pour la conversion et pour le retour à la pleine communion avec Dieu.


3. Très chers Frères et soeurs de la Paroisse de "Sant'Andrea Apostolo"! Je salue avec affection votre communauté tout entière. J'adresse une pensée reconnaissante à tous ceux qui, au nom de tous, m'ont souhaité la bienvenue au début de la Célébration eucharistique. Je salue le Cardinal-Vicaire, l'Evêque-auxiliaire du secteur, votre cher curé, le Père Battista Previtali, et ses collaborateurs appartenant à la Congrégation des Pères de la Doctrine chrétienne. J'adresse également un salut cordial aux religieuses et aux religieux présents dans la paroisse, et aux membres des nombreux et actifs groupes paroissiaux. A travers vous ici présents, je voudrais également faire parvenir mon salut à tous ceux qui habitent dans le quartier.

Votre belle communauté de saint André Apôtre célèbre cette année le soixantième anniversaire de sa fondation. Un anniversaire aussi important ne peut que constituer une occasion plus que jamais opportune pour réfléchir sur votre passé, pour se pencher avec lucidité sur les défis et les engagements du moment présent, et pour élaborer avec courage des projets pour l'avenir.

J'unis avec joie ma voix à la vôtre, en rendant grâce à Dieu pour les nombreux signes d'amour qu'il a accordés à cette communauté, depuis sa naissance. Au cours des années, votre communauté s'est en partie transformée, jusqu'à prendre sa configuration actuelle, avec une différence dans le style de vie des habitants qui la composent. Le nombre des personnes provenant des pays de l'Est européen, et de ce que l'on appelle le "Tiers-Monde", a augmenté.


4. Cette situation concrète de la paroisse exige que vous croissiez toujours plus dans la communion avec tous. Dans l'Eglise, personne n'est un étranger: c'est pourquoi il est important de créer des occasions de dialogue et de favoriser la compréhension réciproque. Il faut surtout que chacun se sente engagé dans une pastorale attentive aux besoins réels des personnes.

Sachez donc être une communauté ouverte à tous, en persévérant dans l'écoute de la Parole de Dieu, dans la célébration des sacrements de salut et en partageant les nombreuses initiatives pastorales et de solidarité promues au niveau du diocèse et de la préfecture. Je sais que vous poursuivez votre engagement commencé avec la Mission dans la Ville, d'apporter l'Evangile à tous, en particulier aux jeunes et aux familles. Le Carême est un temps favorable pour redécouvrir le Baptême et la force missionnaire qui jaillit de celui-ci. Les plus de cent missionaires laïcs de votre communauté, qui ont participé à la grande Mission dans la Ville en préparation au Jubilé, peuvent en témoigner personnellement. Chaque chrétien doit se sentir engagé dans la vaste oeuvre d'évangélisation. Si vous savez être des missionnaires dans votre quartier, le Seigneur ne vous fera pas manquer de vocations au sacerdoce et à la vie consacrée. De façon particulière, jailliront parmi vous, comme vous le souhaitez, de généreuses vocations missionnaires "ad gentes".


5. Je désire à présent m'adresser aux familles. Le Carême est un "temps fort", qui nous invite au pardon et à la réconciliation. Il s'agit d'un effort difficile qui concerne également les relations au sein de la famille. C'est à vous, chères familles, qu'il revient de laisser l'Esprit faire de vous des lieux de sérénité et de paix, d'écoute et de dialogue, de partage et de respect pour chacun. Au sein des noyaux familiaux fidèles à l'Evangile, les jeunes peuvent puiser courage et confiance pour se tourner vers l'avenir avec un sens mûr de coresponsabilité.

Chers jeunes, votre avenir et celui des familles que vous formerez est entre vos mains: soyez-en bien conscients. L'Eglise attend beaucoup de vous, de votre enthousiasme, de votre capacité à regarder en avant et de votre désir de radicalité dans vos choix de vie. Je vous répète les paroles du Christ, contenues dans le Message pour la XVIème Journée mondiale de la Jeunesse à venir: "Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive" (Lc 9,23).

Il faut imiter Jésus qui combat contre le mal dans le désert; il faut même le suivre jusqu'à Jérusalem, jusqu'au Calvaire.


910 6. "Si tes lèvres confessent que Jésus est Seigneur, et si ton coeur croit que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé" (Rm 9,10). Mercredi dernier, nous avons commencé l'itinéraire quadragésimal, chemin d'ascèse qui doit nous conduire vers une rencontre renouvelée avec Jésus, reconnu comme le "Seigneur". C'est Lui qui nous sauve: professer la foi signifie donc croire dans le Christ, et se remettre entièrement à Lui. Nous serons sauvés (cf. Rm 10,10) si nous L'accueillons, ainsi que ses paroles de vie éternelle.

Que la Vierge Marie, fidèle disciple du Seigneur, nous enseigne à "croître dans la connaissance du mystère du Christ" (Collecte); qu'elle nous aide à confesser par les paroles que Jésus est notre Seigneur et à croire de tout notre coeur qu'Il a vaincu la mort, ouvrant pour toute l'humanité les portes du Royaume. Nous nous préparerons ainsi à goûter, avec tous les croyants, la joie et la splendeur de la Pâque de résurrection.

11 mars 2001, Béatification des Serviteurs de Dieu
José Aparicio Sanz et 232 Compagnons Martyrs en Espagne

Dimanche 11 mars 2001
Bien-aimés frères et soeurs,


1. "Le Seigneur Jésus-Christ transformera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire" (Ph 3,21). Ces paroles de saint Paul, que nous avons écoutées au cours de la seconde lecture de la liturgie d'aujourd'hui, nous rappellent que notre véritable patrie se trouve dans les cieux et que Jésus transfigurera notre corps mortel en un corps glorieux comme le sien. L'Apôtre commente ainsi le mystère de la Transfiguration du Seigneur, que l'Eglise proclame en ce deuxième Dimanche de Carême. En effet, Jésus a voulu donner un signe et une prophétie de sa glorieuse Résurrection, à laquelle nous aussi, nous sommes appelés à participer. Ce qui s'est réalisé en Jésus, notre Tête, doit se compléter en nous, qui sommes son Corps.

Tel est le grand mystère pour la vie de l'Eglise, car il ne faut pas penser que la transfiguration ne se produira que dans l'au-delà, après la mort. La vie des saints et le témoignage des martyrs nous enseignent que si la transfiguration du corps aura lieu à la fin des temps à travers la Résurrection de la chair, celle du coeur doit avoir lieu à présent sur cette terre, avec l'aide de la grâce.

Nous pouvons nous demander: Qui sont les hommes et les femmes "transfigurés"? La réponse est très belle: ce sont ceux qui suivent le Christ dans sa vie et dans sa mort, qui s'inspirent de Lui et se laissent inonder par la grâce qu'Il nous donne; ce sont ceux dont la nourriture est d'accomplir la volonté du Père; ceux qui se laissent guider par l'Esprit; ceux qui n'opposent rien au Royaume du Christ; ceux qui aiment les autres jusqu'à verser leur sang pour eux; ceux qui sont disposés à tout donner sans rien exiger en retour; ceux qui, en peu de mots, vivent en aimant et meurent en pardonnant.


2. C'est ainsi que vécurent et moururent José Aparicio Sanz et ses deux cent trente deux compagnons, assassinés au cours de la terrible persécution religieuse qui frappa l'Espagne au cours des années trente du siècle passé. Il s'agissait d'hommes et de femmes de tout âge et de toute condition: prêtres diocésains, religieux, religieuses, pères et mères de famille, jeunes laïcs. Ils furent assassinés car ils étaient chrétiens, en raison de leur foi dans le Christ, car ils étaient membres actifs de l'Eglise. Tous, avant de mourir, comme il ressort des procès canoniques pour leur déclaration comme martyrs, pardonnèrent de tout coeur leurs bourreaux.

La liste de ceux qui sont élevés aujourd'hui aux honneurs des autels pour avoir professé leur foi et donné leur vie pour elle, est nombreuse: Trente-huit prêtres de l'archidiocèse de Valence, avec un nombreux groupe d'hommes et de femmes de l'Action catholique, pro-venant également de Valence; dix-huit Dominicains et deux prêtres de l'archidiocèse de Saragosse; quatre Frères mineurs franciscains et six Frères mineurs franciscains conventuels; treize Frères mineurs capucins avec quatre Religieuses capucines et une Augustine déchaussée; onze Jésuites avec un jeune laïc; trente-deux Salésiens et deux Filles de Marie Auxiliatrice; dix-neuf Tertiaires capucins de la Vierge des Douleurs avec une collaboratrice laïque; un prêtre déhonien; l'aumônier du Collège La Salle de la Bonanova, de Barcelone, avec cinq Frères des Ecoles chrétiennes; vingt-quatre Carmélites de la Charité; une Religieuse servante; six Religieuses scolopes avec deux collaboratrices laïques, ces dernières provenant de l'Uruguay et étant les premières bienheureuses de ce pays latino-américain; deux Petites soeurs des personnes âgées abandonnées; trois Tertiaires capucines de Notre-Dame des Douleurs; une Missionnaire clarétienne et, enfin, le jeune Francisco Castelló i Aleu, de l'Action catholique de Lleida.

911 Les témoignages qui nous sont parvenus parlent de personnes honnêtes et exemplaires, dont le martyre a scellé des vies consacrées au travail, à la prière et à l'engagement religieux dans leurs familles, leurs paroisses et leurs Congrégations religieuses. Un grand nombre d'entre elles jouissaient déjà au cours de leur vie d'une réputation de sainteté parmi leurs concitoyens. On peut dire que leur conduite exemplaire fut comme une préparation pour cette profession suprême de la foi qu'est le martyre.

Comment ne pas nous émouvoir profondément à l'écoute des récits de leur martyre? La vieille María Teresa Ferragud fut arrêtée à l'âge de quatre-vingt-trois ans avec ses quatre filles religieuses contemplatives. Le 25 octobre 1936, fête du Christ-Roi, elle demanda à accompagner ses filles au martyre et à être exécutée en dernier afin de pouvoir ainsi les encourager à mourir pour la foi. Sa mort surprit tant ses bourreaux qu'ils s'exclamèrent: "C'est une véritable sainte". Non moins édifiant fut le témoignage des autres martyrs, comme celui du jeune Francisco Castelló y Aleu, âgé de vingt-deux ans, chimiste de profession et membre de l'Action catholique, qui, conscient de la gravité du moment, ne voulut pas se cacher, mais offrir sa jeunesse en sacrifice par amour pour Dieu et pour ses frères, laissant trois lettres, exemple de force, de générosité, de sénérité et de joie, écrites quelques instants avant de mourir, à ses soeurs, à son directeur spirituel et à sa fiancée. Ou encore du jeune prêtre Germán Gozalbo, âgé de vingt-trois ans, qui fut fusillé seulement deux mois après avoir célébré sa première Messe, et subi une infinité d'humiliations et de mauvais traitements.


3. Combien d'exemples de sérénité et d'espérance chrétienne! Tous ces nouveaux bienheureux et de nombreux autres martyrs anonymes payèrent de leur sang la haine de la foi et de l'Eglise qui s'était déchaînée à travers la persécution religieuse et avec l'éclatement de la guerre civile, cette grande tragédie vécue en Espagne au XXème siècle. Au cours de ces terribles années, de nombreux prêtres, religieux et laïcs furent assassinés simplement parce qu'ils étaient des membres actifs de l'Eglise. Les nouveaux bienheureux qui sont élevés aujourd'hui à l'honneur des autels n'étaient pas impliqués dans des luttes politiques ou idéologiques, et ne voulaient pas y entrer, comme le savent bien un grand nombre d'entre vous, qui êtes des membres de leurs familles, et qui participez avec joie à cette béatification. Ils moururent uniquement pour des motifs religieux. Aujourd'hui, à travers cette proclamation solennelle de martyre, l'Eglise désire reconnaître chez ces hommes et ces femmes un exemple de courage et de constance dans la foi, aidés par la grâce de Dieu. Ils sont pour nous des modèles de cohérence avec la vérité professée, et dans le même temps, honorent le noble peuple espagnol et l'Eglise.

Que leur souvenir béni éloigne pour toujours du sol espagnol toute forme de violence, de haine et de ressentiment! Que tous, et en particulier les jeunes, puissent ressentir la bénédiction de la paix dans la liberté: Paix toujours, paix avec tous et pour tous!


4. Très chers frères, en plusieurs occasions, j'ai rappelé le besoin de chérir la mémoire des martyrs. Leur témoignage ne doit pas être oublié. Ceux-ci sont la preuve la plus éloquente de la vérité de la foi, qui sait conférer un visage humain même à la mort la plus violente, et manifeste sa beauté même parmi les souffrances les plus atroces. Il est nécessaire que les Eglises particulières fassent à présent tout leur possible pour ne pas perdre le souvenir de ceux qui ont subi le martyre.

Au début du troisième millénaire, l'Eglise qui marche en Espagne est appelée à vivre un nouveau printemps du christianisme, car elle a été baignée et fécondée par le sang de si nombreux martyrs. Sanguis martyrum, semen christianorum! Le sang des martyrs est semence de nouveaux chrétiens! (Tertullien, Apol. 50, 13: CCL 1, 171). Cette expression, forgée au cours de la persécution des premiers siècles, doit à présent remplir d'espérance vos initiatives apostoliques et vos efforts pastoraux dans la tâche, pas toujours facile, de la nouvelle évangélisation. Pour cela, vous pouvez compter sur l'aide incomparable de vos martyrs. Souvenez-vous de leur courage, "considérant l'issue de leur carrière, imitez leur foi. Jésus-Christ est le même hier et aujourd'hui, il le sera à jamais" (
He 13,7-8).


5. Je désire confier à l'intercession des nouveaux bienheureux une intention que vous conservez profondément ancrée dans vos coeurs: la fin du terrorisme en Espagne. Depuis de nombreuses décennies, vous êtes frappés par une terrible série d'actes de violence et d'assassinats qui ont provoqué de nombreuses victimes et de grandes souffrances. A la racine de tant d'événements déplorables, il existe une logique perverse qu'il faut dénoncer. Le terrorisme naît de la haine et l'alimente à son tour, il est profondément injuste et fait croître les situations d'injustice, car il offense gravement Dieu et la dignité et les droits des personnes. L'homme est toujours perdant avec la terreur! Aucun motif, aucune cause ni idéologie ne peuvent la justifier. Seule la paix édifie les peuples. La terreur est l'ennemie de l'humanité.


6. Bien-aimés frères et soeurs dans le Seigneur, la voix du Père nous a dit à nous également dans l'Evangile d'aujourd'hui: "Celui-ci est mon Fils, l'Elu, écoutez-le" (Lc 9,35). Ecouter Jésus signifie le suivre et l'imiter. La Croix occupe une place très particulière sur ce chemin. Il existe une relation directe entre la Croix et notre transfiguration. Nous rendre semblables au Christ dans la mort est la voie qui conduit à la résurrection des morts, c'est-à-dire à notre transformation en Lui (cf. Ph Ph 3,10-11). A présent, en célébrant l'Eucharistie, Jésus nous offre son corps et son sang, afin que nous puissions d'une certaine façon avoir un avant-goût ici sur terre de la situation finale, lorsque nos corps mortels seront transfigurés à l'image du corps glorieux du Christ.

Que Marie, Reine des martyrs, nous aide à écouter et à imiter son Fils. A Elle, qui accompagna son Fils divin au cours de son existence terrestre et qui lui demeura fidèle au pied de la Croix, nous demandons de nous enseigner à être fidèles au Christ en tout instant, sans fléchir face aux difficultés; qu'elle nous accorde la même force avec laquelle les martyrs professèrent leur foi. En l'invoquant comme Mère, j'implore sur vous tous ici présents, ainsi que sur vos familles, les dons de la paix, de la joie et d'une ferme espérance.



19 mars 2001, Solennité de Saint Joseph - Ordinations de 9 ÉVÊQUES

EN LA SOLENNITÉ DE SAINT JOSEPH

Lundi 19 mars 2001,
912 solennité de la Saint Joseph


1. "Voilà donc l'intendant fidèle, avisé, que le maître a établi sur ses gens" (cf.
Lc 12,42).
C'est ainsi que la liturgie nous présente aujourd'hui saint Joseph, Epoux de la Bienheureuse Vierge Marie et Gardien du Rédempteur. Lui, le serviteur fidèle et sage, a accueilli avec une docilité obéissante la volonté du Seigneur, qui lui a confié "sa" famille sur terre, afin qu'il en prenne soin avec un dévouement quotidien.

Saint Joseph persévéra dans cette mission avec fidélité et amour. C'est pourquoi l'Eglise nous le montre comme un modèle particulier de service au Christ et à son mystérieux dessein de salut. Et elle l'invoque comme patron spécial et protecteur de toute la famille des croyants. Joseph nous est aujourd'hui proposé de façon particulière, le jour de sa fête, comme le saint sous la protection efficace duquel la Divine Providence a voulu placer les personnes et le ministère de ceux qui sont appelés à être, au sein du peuple chrétien, des "pères" et des "gardiens".


2. ""Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela? Vois! ton père et moi nous te cherchons angoissés" [....] "Pourquoi donc me cherchiez-vous? Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père?"" (Lc 2, 48, 49).

Au cours de ce dialogue simple et familier entre la Mère et le Fils, que l'Evangile vient de nous proposer, se trouvent les éléments de la sainteté de Joseph. Ils répondent au dessein divin sur lui, qu'il sut assumer avec une admirable fidélité, en homme juste qu'il était.

"Ton père et moi nous te cherchons angoissés", dit Marie. "Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père", réplique Jésus. Ce sont précisément ces paroles du Fils qui nous aident à comprendre le mystère de la "paternité" de Joseph. En rappelant à ses parents la primauté de Celui qu'il appelle "Mon Père", Jésus révèle la vérité du rôle de Marie ainsi que de Joseph. Celui-ci est véritablement l'"époux" de Marie et le "père" de Jésus, comme elle l'affirme lorsqu'elle dit: "Ton père et moi nous te cherchons". Mais son caractère sponsal et sa paternité est pleinement relative à celle de Dieu. Voilà de quelle façon Joseph de Nazareth est appelé à devenir, à son tour, le disciple de Jésus: en consacrant son existence au service du Fils unique du Père et de la Vierge Marie, sa Mère.

Il s'agit d'une mission qu'il poursuit à l'égard de l'Eglise, Corps mystique du Christ, à laquelle il ne cesse d'accorder son assistance providentielle, comme il l'a fait pour l'humble famille de Nazareth.


3. Dans ce contexte, il est facile d'orienter notre regard vers ce qui constitue aujourd'hui le centre de notre célébration. Je vais imposer les mains à neuf prêtres, qui sont appelés à assumer la responsabilité d'évêques dans l'Eglise. L'Evêque joue dans la communauté chrétienne un rôle qui possède de nombreuses analogies avec celui de saint Joseph. La Préface de la solennité d'aujourd'hui le souligne de manière particulière, en indiquant Joseph comme "un serviteur sage et fidèle placé à la tête de la Sainte Famille, pour protéger comme un père le Fils de Dieu". Les pasteurs de l'Eglise sont des "Pères" et des "gardiens" appelés à se comporter comme des "serviteurs" sages et fidèles. C'est à eux qu'est confié le soin quotidien du peuple chrétien qui, grâce à leur aide, peut avancer en sécurité sur le chemin de la perfection chrétienne.

Vénérés frères ordinands, l'Eglise se rassemble autour de vous et vous assure de sa prière, afin que vous puissiez accomplir avec une générosité fidèle, à l'image de saint Joseph, votre ministère pastoral. Ceux qui vous accompagnent en ce jour de fête vous assurent en particulier de leur prière: vos familles, les prêtres, vos amis, ainsi que les communautés dont vous provenez et auxquelles vous êtes destinés.


4. Les ordinations épiscopales, que je confère généralement le jour de l'Epiphanie, ont été cette année repoussées en raison de la conclusion du grand Jubilé. J'ai ainsi l'opportunité d'accomplir ce rite en la fête d'aujourd'hui, si chère au peuple chrétien. Cela me permet de confier avec une insistance particulière chacun de vous à la protection permanente de saint Joseph, Patron de l'Eglise universelle.

913 Très chers amis, c'est avec un grand plaisir que je vous salue, et avec vous tous ceux qui s'unissent à votre joie. Je vous souhaite de tout coeur de poursuivre avec une générosité renouvelée le service que vous rendez déjà à la cause de l'Evangile.


5. A toi, Monseigneur Fernando Filoni, est confiée la mission de Nonce apostolique en Irak et en Jordanie, pour soutenir les communautés chrétiennes présentes dans ces terres: je suis certain que tu sera pour eux un messager de paix et d'espérance. Toi, Monseigneur Henryk Józef Nowacki, après avoir longtemps travaillé à mes côtés, tu seras, en tant que Représentant du Siège apostolique en Slovaquie, un héraut diligent de l'Evangile dans ce pays d'antique tradition chrétienne. Et toi, Monseigneur Timothy Paul Broglio, à qui je suis reconnaissant de la fidèle coopération offerte au Cardinal-Secrétaire d'Etat, tu te rendras aux portes du continent américain en tant que Nonce en République dominicaine et Délégué apostolique à Porto-Rico: sois parmi ces chères populations le témoin de l'affection du Successeur de Pierre.

A toi aussi, Monseigneur Domenico Sorrentino, je suis reconnaissant du service précieux accompli à la Secrétairerie d'Etat, et à présent, en te confiant la Prélature de Pompéi et son célèbre Sanctuaire marial, je place ton ministère sous le regard bénissant de la Vierge du Saint-Rosaire, en lui demandant de guider tes pas sur les traces de saint Paulin, Evêque de Nola, ta terre natale et gloire de la Campanie. Que la Très Sainte Vierge continue également à veiller sur tes pas, Mgr Tomasz Peta, appelé à prendre en charge l'Administration apostolique d'Astana, dans le Kazakhstan, où tu oeuvres déjà depuis plusieurs années avec un zèle apostolique louable.

Toi, Monseigneur Marcelo Sánchez Sorondo, tu poursuivras ton service apprécié de Chancelier de l'Académie pontificale des Sciences et de l'Académie des Sciences sociales, des institutions auxquelles j'attribue une grande importance pour le dialogue de l'Eglise avec le monde la culture. A toi, Monseigneur Marc Ouellet, j'ai voulu confier la charge de Secrétaire du Conseil pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens, une tâche d'une importance particulière pour la très noble finalité qui l'inspire et pour les espérances renouvelées que la célébration de l'Année jubilaire a suscitées dans l'âme de nombreux chrétiens.

Et toi, Monseigneur Giampaolo Crepaldi, tu assumeras le rôle de Secrétaire du Conseil pontifical "Justice et Paix", en poursuivant avec de plus grandes responsabilités ton service déjà méritoire dans ce dicastère. Enfin, je t'embrasse avec affection, Monseigneur Djura Dzudzar, que j'ai choisi comme Auxiliaire de l'Eparque de Mukacheve en Transcarpatie, en Ukraine, un pays que d'ici peu, si Dieu le veut, j'aurai la joie de visiter et auquel j'envoie dès à présent un salut cordial et mes meilleurs voeux.


6. Très chers amis, comme saint Joseph, modèle et guide de votre ministère, aimez et servez l'Eglise. Imitez l'exemple de ce grand saint, ainsi que celui de son Epouse, Marie. S'il vous arrive parfois de rencontrer des difficultés et des obstacles, n'hésitez pas à accepter de souffrir avec le Christ au bénéfice de son Corps mystique (cf. Col
Col 1,24), afin qu'avec Lui vous puissiez jouir d'une Eglise parfaitement belle, sans tache ni ride, sainte et immaculée (cf. Ep 5,27). Le Seigneur, qui vous comblera de sa grâce, vous consacre aujourd'hui et vous envoie comme apôtres dans le monde. Conservez ses paroles gravées dans votre coeur: "Je suis avec vous pour toujours" (Mt 28,20) et n'ayez pas peur. Comme Marie, comme Joseph, ayez toujours confiance en Lui. Il a vaincu le monde.



25 mars 2001, Visite à la Paroisse romaine San Domenico di Guzman

Dimanche 25 mars 2001



1. "Nous vous en supplions au nom du Christ: laissez-vous réconcilier avec Dieu" (2Co 5,20). Aujourd'hui, quatrième Dimanche de Carême, ces paroles de l'Apôtre Paul retentissent avec une singulière éloquence. Elles constituent un puissant appel à la conversion et à la réconciliation avec Dieu. Elles sont une invitation à entreprendre un chemin d'authentique renouveau spirituel. En vivant l'expérience de l'amour miséricordieux du Père céleste, le croyant devient à son tour l'annonciateur et le témoin de ce don extraordinaire offert à l'humanité tout entière dans le Christ crucifié et ressuscité.

L'apôtre rappelle à ce propos: "Et le tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec Lui par le Christ" (Ibid., 5, 18). Et il ajoute que Dieu continue à exhorter à travers nous, "mettant en nous la parole de la réconciliation" (Ibid., 5, 19). La mission de proclamer la réconciliation revient en particulier aux apôtres et à leurs successeurs; elle concerne en outre chaque chrétien selon les responsabilités et les modalités propres à sa situation. Nous sommes donc tous appelés à être "des missionnaires de réconciliation" à travers notre parole et notre vie.


2. "Laissez-vous réconcilier avec Dieu!". En reprenant l'exhortation de Paul, je suis heureux de vous saluer tous, très chers frères et soeurs de la paroisse "San Domenico di Guzman", ainsi que les habitants du quartier Cinquina! En poursuivant mon pèlerinage pastoral dans les communautés romaines, j'ai aujourd'hui la joie de me trouver parmi vous. Je salue avec affection le Cardinal Vicaire, l'Evêque auxiliaire du Secteur, votre curé zélé, Dom Paolo Corsi, le vicaire paroissial et les autres prêtres. Je salue les religieux, les religieuses et ceux qui coopèrent activement aux diverses activités pastorales. Je salue les familles, les personnes âgées, les malades et ceux qui n'ont pas pu être avec nous, mais qui sont unis à nous par l'esprit. Je remercie ceux qui, au nom de toute la famille paroissiale, m'ont adressé des paroles courtoises de bienvenue au début de la Messe.

914 Une pensée spéciale s'adresse à vous, très chers jeunes, qui offrez à la communauté paroissiale une contribution significative avec la fraîcheur de votre enthousiasme. Permettez-moi de profiter de cette circonstance pour vous rappeler le rendez-vous important du jeudi 5 avril sur la Place Saint-Pierre, à 17h00. Avec les autres jeunes de Rome et de votre âge, nous nous rencontrerons pour prier et nous préparer à la XVI Journée mondiale de la Jeunesse qui, comme vous le savez, sera célébrée cette année dans chaque diocèse le Dimanche des Rameaux.


3. La liturgie d'aujourd'hui, riche d'appels au pardon et à la réconciliation, nous offre des encouragements utiles pour effectuer une révision de vie personnelle et communautaire. Quelle occasion opportune, pour votre paroisse également, de réfléchir sur son histoire passée, sur son engagement présent et sur ses perspectives d'avenir!

Au cours des presque vingt-sept années depuis sa fondation, elle a accompli des efforts notables pour offrir aux nombreuses familles, venues habiter ici, un accueil approprié. A présent, il devient nécessaire d'accomplir un pas décidé, en privilégiant l'évangélisation de toutes les façons possibles, à travers des parcours de formation chrétienne appropriés. Votre communauté paroissiale a déjà entrepris cet itinéraire pastoral, en participant activement à la Mission dans la ville et à la célébration du grand Jubilé. Une autre étape providentielle sur ce chemin sera le Congrès diocésain, qui aura lieu au mois de juin prochain, auquel je vous invite à vous préparer avec soin, et surtout en priant.

Le défi qui se présente à vous est exigeant. Il est nécessaire, comme vous l'observez vous-mêmes, de parvenir à organiser un véritable parcours de formation à la foi, qui interpelle ceux qui s'approchent des sacrements de l'initiation chrétienne et qui se poursuive à l'époque de l'adolescence et de la jeunesse, touchant ensuite les fiancés et les familles. Dans ce but, vous pourrez valoriser les diverses modalités existantes, qui vont de la catéchèse aux intéressantes activités pour la jeunesse, telles que les rencontres pour les enfants de l'"après-confirmation", les camps d'études d'été, le groupe de théâtre et les initiatives du patronage, y compris celles qui sont destinées aux plus petits. En outre, il faut encourager une présence toujours plus active des laïcs dans les organismes de participation pastorale. Il est également important d'encourager la collaboration des fidèles à la vie de la paroisse à travers l'adhésion à des associations, des groupes, des mouvements ecclésiaux et aux propositions de la Caritas et du Volontariat de saint Vincent.


4. Pour porter à terme un programme apostolique aussi vaste, il est nécessaire, dans un premier temps, de se consacrer à la prière et à l'écoute de la Parole de Dieu. Je sais que dans votre paroisse ont lieu diverses rencontres de prière ainsi qu'une adoration eucharistique hebdomadaire: je m'en réjouis avec vous. Très chers frères et soeurs, que le coeur de chaque projet et le dessein missionnaire soit la Messe, vécue avec foi et avec joie, en particulier le dimanche, "Jour du Seigneur".

En contemplant le visage du Christ, mort et ressuscité pour nous, et en célébrant sa présence eucharistique, vous pourrez poursuivre avec plus de fidélité et courage la grande entreprise de la "nouvelle évangélisation". Il s'agit d'une tâche urgente. En effet, dans votre quartier, le défi des sectes n'est pas absent. Je ne peux que vous dire de vous prodiguer afin que l'Evangile soit annoncé à vos enfants et à toutes les personnes de bonne volonté de la façon dont l'Eglise l'annonce depuis deux mille ans. Proposez avec clarté les vérités de la foi chrétienne, en les accompagnant toujours par le langage, compréhensible à tous, de l'amour et de la fraternité.


5. "Si donc quelqu'un est dans le Christ, c'est une création nouvelle: l'être ancien a disparu, un être nouveau est là" (
2Co 5,17). Il en est précisément ainsi: dans le Christ tout se renouvelle, et l'espérance renaît constamment, également après des expériences amères et tristes. La parabole du "fils prodigue", mieux définie comme la parabole du "Père miséricordieux", proclamée aujourd'hui dans notre assemblée, nous assure que l'amour miséricordieux du Père céleste peut radicalement changer l'attitude de chaque fils prodigue: il peut faire de lui une créature nouvelle.

Celui qui, ayant péché contre le Ciel était perdu et était mort, est, à présent, réellement pardonné et revient à la vie. Prodige extraordinaire de la miséricorde de Dieu! L'Eglise a pour mission d'annoncer et de partager avec tous les hommes le grand trésor de l'"Evangile de la miséricorde".

C'est là que se trouve la source de la joie qui imprègne la liturgie du dimanche d'aujourd'hui, appelé précisément "Dimanche laetare", comme les premières paroles latines de l'Antienne de l'ouverture. C'est la joie de l'antique peuple d'Israël qui, après quarante ans de chemin dans le désert, put célébrer la première Pâque et jouir des fruits de la Terre promise. C'est également notre joie à tous qui, après avoir parcouru les quarante jours du Carême, revivrons le Mystère pascal.

Que sur cet itinéraire nous accompagne Marie qui, grâce à son "fiat" de l'Annonciation, a ouvert les portes de l'humanité au don du salut. Qu'elle obtienne pour nous de pouvoir prononcer chaque jour notre "oui" au Christ, afin d'être toujours plus totalement "réconciliés avec Dieu". Amen.





1er avril 2001, Visite à la Paroisse romaine Nostra Signora del Suffragio et S. Agostino di Canterbury

915 Dimanche 1er avril 2001, Vème Dimanche de Carême


1. "Merveilles que fit pour nous Yahvé" (cf. Ps
Ps 125 [126], 3). Ces paroles, que nous avons répétées comme refrain du Psaume responsorial, constituent une belle synthèse des thèmes bibliques proposés en ce cinquième Dimanche de Carême. Dans la première Lecture, tirée de ce qu'on appelle le "Second Isaïe", le Prophète anonyme de l'exil babylonien annonce déjà le salut préparé par Dieu pour son peuple. La sortie de Babylone et le retour dans la patrie seront comme un nouvel et plus grand Exode.

Dieu avait alors libéré les Hébreux de l'esclavage d'Egypte, en franchissant l'obstacle de la mer. A présent, il reconduit son peuple dans la terre promise, en traçant une route sûre dans le désert. "Voici que je vais faire une chose nouvelle, déjà elle pointe, ne la reconnaissez-vous pas? Oui, je vais mettre dans le désert un chemin, et dans la steppe, des fleuves" (Is 43,18-19).
"Une chose nouvelle": nous, chrétiens, nous savons que lorsque, dans l'Ancien Testament, l'on parle de "réalités nouvelles", la référence ultime est celle de la véritable grande "nouveauté" de l'histoire: le Christ venu dans le monde pour libérer l'humanité de l'esclavage du péché, du mal et de la mort.


2. "Femme [...] personne ne t'a condamnée? [...] Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, désormais ne pèche plus" (Jn 8,10-11). Jésus est une nouveauté de vie pour celui qui lui ouvre son coeur et, reconnaissant son propre péché, accueille sa miséricorde qui sauve. Dans la page de l'Evangile d'aujourd'hui, le Seigneur offre ce don d'amour à la femme adultère, qui est pardonnée et qui retrouve sa pleine dignité humaine et spirituelle. Il l'offre également à ses accusateurs, mais leur esprit reste fermé et imperméable.

Il y a là une invitation à méditer sur le refus paradoxal de son amour miséricordieux. C'est comme si commençait déjà le procès contre Jésus, que nous revivrons d'ici quelques jours dans les événements de la Passion: il débouchera sur sa condamnation à mort injuste sur la croix. D'une part, l'amour rédempteur du Christ, offert gratuitement à tous; de l'autre, le refus de celui qui, poussé par l'envie, cherche une raison pour le tuer. Etant même accusé d'aller contre la Loi, Jésus est "mis à l'épreuve": s'il absout la femme surprise en flagrant délit d'adultère, on dira qu'il a transgressé les préceptes de Moïse. S'il la condamne, on dira qu'il a été incohérent avec le message de miséricorde envers les pécheurs.

Mais Jésus ne tombe pas dans le piège. Par son silence, il invite chacun à réfléchir sur soi-même. Il invite, d'une part, la femme à reconnaître la faute commise; de l'autre, il invite ses accusateurs à ne pas se soustraire à l'examen de conscience: "Que celui d'entre vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre!" (Jn 8,7).

La situation de la femme est cependant grave. Mais c'est précisément de ce fait que jaillit le message: quelle que soit la condition dans laquelle une personne peut se trouver, il lui est toujours possible de s'ouvrir à la conversion et de recevoir le pardon de ses péchés. "Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, désormais ne pèche plus" (Jn 8,10-11). Sur le Calvaire, à travers le sacrifice suprême de sa vie, le Messie scellera pour chaque homme et chaque femme le don infini du pardon et de la miséricorde de Dieu.


3. Très chers frères et soeurs! Je suis très heureux de me trouver ici aujourd'hui avec vous, dans votre paroisse de fondation récente. Née de la fusion de la paroisse "Nostra Signora del Suffragio" et de celle de "Sant'Agostino di Canterbury", elle a été consacrée il y a un an par le Cardinal-Vicaire, que je salue avec affection. En même temps que lui, je salue le Vice-gérant, votre cher curé, Dom Giulio Ramiccia, et les prêtres qui sont ses collaborateurs. J'exprime un remerciement cordial à tous ceux qui m'ont souhaité la bienvenue en votre nom, au début de la Messe.

J'adresse une pensée reconnaissante aux religieuses qui vivent et qui oeuvrent sur ce territoire: les Soeurs Minîmes de Notre-Dame du Suffrage, les Soeurs Filles du Sacré-Coeur, les Soeurs de la Congrégation de la Mère du Carmel; les Soeurs hospitalières de la Miséricorde et la Communauté Adsis. J'embrasse avec affection tous ceux qui sont accueillis dans les maisons de soins présentes sur le territoire de la paroisse et ceux qui sont quotidiennement à leur service. Je salue les membres du Conseil pastoral et du Conseil pour les Affaires économiques, ainsi que les composantes des divers groupes et associations de votre communauté. Je salue les enfants, les jeunes, garçons et filles, et tous ceux qui sont présents; j'étends ma pensée aux habitants de tout le quartier de Torre Maura.


4. Je viens parmi vous le dimanche où notre diocèse se consacre de façon particulière au témoignage de la charité. Dans votre paroisse également, comme dans d'autres parties de la banlieue de la ville, les situations difficiles ne manquent pas: du phénomène de la toxicomanie à l'usure, de la prostitution au malaise des jeunes, du chômage à l'intégration souvent difficile des immigrés.

916 Dans ces domaines votre communauté est très active et cherche à donner des réponses concrètes à ceux qui vivent dans de graves difficultés. Très chers amis, en ce temps de Carême intensifiez l'attention pour ceux qui sont dans le besoin. En même temps que le jeûne et la prière, la charité est l'un des éléments caractéristiques de l'itinéraire quadragésimal. Diffusez donc toujours davantage le bien et faites de l'attention pour les "derniers" l'un des piliers de votre action pastorale.

Aidez ensuite par tous les moyens les habitants de votre quartier à découvrir que le Christ et son Evangile répondent aux besoins réels de l'homme et de la famille. Que l'initiative des visites aux familles, commencée à l'occasion de la Mission dans la Ville et que vous poursuivez à présent de façon opportune, soit animée par cet esprit.

Chers jeunes, je pense à présent à vous avec une affection particulière, vous qui avez été les acteurs de la dernière Journée mondiale de la Jeunesse, au coeur du grand Jubilé. Je sais que vous avez accueilli, dans le cadre de la paroisse, environ 1500 jeunes provenant de diverses parties du monde. Je me réjouis avec vous de ce que vous avez accompli avec un esprit d'abnégation, en donnant également aux adultes un témoignage de bonne volonté. Continuez à marquer la communauté par votre fidélité évangélique, afin que beaucoup de jeunes de votre âge, grâce à vous, puissent rencontrer Jésus. Je vous attends jeudi prochain, avec tous les jeunes de Rome, sur la Place Saint-Pierre, pour nous préparer à célébrer la Journée mondiale de la Jeunesse qui, comme vous le savez, aura lieu dimanche prochain, Dimanche des Rameaux.


5. "Je considère tout comme désavantageux à cause de la supériorité de la connaissance du Christ Jésus mon Seigneur" (
Ph 3,8). Connaître le Christ! Dans cette dernière partie de l'itinéraire quadragésimal, la liturgie nous incite encore davantage à approfondir notre connaissance de Jésus, à contempler son visage empreint de souffrance et miséricordieux, en nous préparant à faire l'expérience de l'éblouissement de sa résurrection. Nous ne pouvons pas nous contenter de ce que nous avons. Il est nécessaire de vivre l'expérience personnelle et profonde de la richesse de l'amour du Christ. Ce n'est qu'ainsi, comme l'affirme l'Apôtre, que nous arriverons à "le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenant conforme dans sa mort afin de parvenir si possible à ressusciter d'entre les morts" (Ph 3,10).

Comme Paul, chaque chrétien est en marche; l'Eglise est en marche. Chers frères et soeurs, ne nous arrêtons pas et ne ralentissons pas la marche. Au contraire, tendons de toutes nos forces vers l'objectif auquel Dieu nous appelle. Courons vers la Pâque désormais proche. Que Marie, la Vierge du Chemin, nous guide et nous protège. Que ce soit Elle, la Madone, que vous vénérez ici sous le titre de "Notre-Dame du Suffrage", qui intercède pour nous, maintenant et à l'heure de notre mort, de notre rencontre suprême avec le Christ. Amen!





8 avril 2001, Dimanche des Rameaux

Dimanche des Rameaux et XVIème Journée mondiale de la Jeunesse


1. "Hosanna!", "Crucifie-le!". On pourrait résumer par ces deux mots, probablement criés par la même foule à quelques jours de distance, la signification des deux événements que nous rappelons en cette liturgie dominicale.

En s'exclamant "Béni soit celui qui vient!", dans un mouvement d'enthousiasme, la population de Jérusalem accueille Jésus qui entre dans la ville sur le dos d'un âne, en agitant des rameaux de palmiers. En s'écriant "Crucifie-le!" par deux fois, dans un crescendo de fureur, la foule réclame du gouverneur romain la condamnation de l'accusé qui, silencieux, se trouve debout dans le Prétoire.

Notre célébration commence donc par un "Hosanna!" et se conclut par un "Crucifie-le!". La palme du triomphe et la croix de la Passion: il ne s'agit pas d'un contresens; c'est plutôt le coeur du mystère que nous voulons proclamer. Jésus s'est livré volontairement à la Passion, il n'a pas été écrasé par des forces plus grande que Lui. Il a affronté librement la mort sur la croix et, dans la mort, il a triomphé.

En scrutant la volonté du Père, Il a compris que l'"heure" était venue et il l'a accueillie avec l'obéissance libre du Fils et avec un amour infini pour les hommes: "Sachant que son heure était venue de passer de ce monde vers le Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'à la fin" (Jn 13,1).


917 2. Aujourd'hui, nous regardons Jésus qui s'approche du terme de sa vie et se présente comme le Messie attendu par le peuple, envoyé par Dieu et venu en son nom pour apporter la paix et le salut, bien que d'une façon différente de celle qu'attendaient ses contemporains.

L'oeuvre de salut et de libération accomplie par Jésus se poursuit dans les siècles. C'est pourquoi l'Eglise, qui croit fermement qu'il est présent même s'il est invisible, ne se lasse pas de L'acclamer dans la louange et dans l'adoration. C'est pourquoi notre assemblée proclame encore une fois: "Hosanna! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur!".


3. La lecture de la page de l'Evangile a placé devant nos yeux les scènes terribles de la passion de Jésus: sa souffrance physique et morale, le baiser de Juda, l'abandon de la part de ses disciples, le procès devant Pilate, les insultes et les vexations, la condamnation, le chemin de croix, la crucifixion. Enfin, la souffrance la plus mystérieuse: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné?". Un cri puissant, puis la mort.

Pourquoi tout cela? Le début de la prière eucharistique nous donnera la réponse: "Lui, qui était sans péché, accepta la passion pour nous pécheurs et, se remettant à une condamnation injuste, il porta le poids de nos péchés. Par sa mort il effaça nos fautes et avec sa résurrection il gagna pour nous le salut" (Préface).

Notre célébration exprime donc la reconnaissance et l'amour envers Celui qui s'est sacrifié pour nous, le Serviteur de Dieu qui, comme l'avait dit le prophète, n'a pas opposé de résistance, n'a pas reculé, a offert son dos aux flagellateurs, n'a pas détourné son visage devant les insultes et les crachats (cf. Is
Is 50,4-7).


4. Cependant, en lisant le récit de la Passion, l'Eglise ne se limite pas à con-sidérer uniquement la souffrance de Jésus; elle s'approche de ce mystère avec impatience et confiance, sachant que le Seigneur est ressuscité. La lumière de la Pâque fait découvrir le grand enseignement contenu dans la Passion: la vie s'affirme à travers le don sincère de soi jusqu'à affronter la mort pour les autres, pour l'Autre.

Jésus n'a pas conçu sa propre existence terrestre comme une recherche du pouvoir, comme un course pour obtenir le succès et faire carrière, comme une volonté de domination sur les autres. Au contraire, Il a renoncé aux privilèges de son égalité avec Dieu, il a assumé la condition de serviteur en devevant semblable aux hommes, il a obéi au projet du Père jusqu'à la mort sur la croix. Il a ainsi laissé à ses disciples et à l'Eglise un enseignement précieux: "Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit" (Jn 12,24).


5. Le Dimanche des Rameaux est désormais devenu depuis des années également la Journée mondiale de la Jeunesse, votre Journée, très chers jeunes, venus ici des diverses paroisses du diocèse de Rome et d'autres parties du monde: en même temps que vous, je salue aussi avec affection et espérance les jeunes de votre âge qui, dans les diverses Eglises locales, célèbrent aujourd'hui la XVIème Journée mondiale de la Jeunesse, la première du nouveau millénaire.

Je salue en particulier les jeunes de la délégation canadienne, guidés par l'Archevêque de Toronto, le Cardinal Ambrozic, qui sont ici parmi nous pour accueillir la croix autour de laquelle se rassembleront les jeunes de chaque continent lors de la prochaine Journée mondiale de 2002. A tous et à chacun, j'indique encore une fois avec force la Croix du Christ comme le chemin de vie et salut, le chemin pour parvenir à la palme du triomphe le jour de la résurrection.

Que voyons-nous sur la Croix qui s'élève devant nous et que, depuis deux mille ans, le monde ne cesse d'interroger et l'Eglise de contempler? Nous voyons Jésus, le Fils de Dieu qui s'est fait homme pour restituer l'homme à Dieu. Lui, sans péché, se trouve à présent devant nous, crucifié. Il est libre, bien qu'étant cloué au bois. Il est innocent, bien que se trouvant sous l'inscription qui annonce le motif de sa condamnation. Aucun de ses os n'a été rompu (cf. Ps Ps 34,21), car il est la colonne portante d'un monde nouveau. Sa tunique n'a pas été déchirée (cf. Jn 19,24), car Il est venu pour rassembler tous les enfants de Dieu que le péché avait dispersé (cf. Jn 11,52). Son corps ne sera pas jeté en terre mais déposé dans une grotte (cf. Lc 23,53), car le corps du Seigneur de la vie, qui a vaincu la mort, ne peut pas être sujet à la corruption.


6. Très chers jeunes, Jésus est mort et ressuscité, à présent Il vit pour toujours ! Il a donné sa vie. Mais personne ne la lui a ôtée; il l'a donnée "pour nous" (Jn 10,18). A travers sa croix, la vie est venue à nous. Grâce à sa mort et à sa résurrection, l'Evangile a triomphé, et l'Eglise est née.
918 Chers jeunes, alors que nous entrons avec confiance dans le nouveau siècle et dans le nouveau millénaire, le Pape vous répète les paroles de l'Apôtre Paul: "Si nous sommes morts avec lui, nous vivrons. Si nous tenons ferme, avec lui nous régnerons" (2Tm 2,11). Car seul Jésus est le Chemin, la Vérité et la Vie (cf. Jn 14,6).

Qui nous séparera alors de l'amour du Christ? La réponse a été donnée par l'Apôtre, également pour nous: "Oui, j'en ai l'assurance, ni mort ni vie, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus Notre Seigneur" (Rm 8,38-39).

Gloire à Toi, ô Christ, Verbe de Dieu, Sauveur du monde!





12 avril 2001, Messe Chrismale

1. "Spiritus Domini super me, eo quod unxerit Dominus me - L'Esprit du Seigneur Yahvé est sur moi, car Yahvé m'a donné l'onction" (Is 61,1).

Dans ces versets, tirés du Livre d'Isaïe, est contenu le thème conducteur de la Messe chrismale. Notre attention se concentre sur l'onction, car dans peu de temps seront bénis l'Huile des catéchumènes, l'Huile des malades et le Chrême.

Nous vivons ce matin une fête particulière placée sous le signe de l'"huile d'allégresse" (Ps 44,8). Il s'agit de la fête du Peuple de Dieu, qui fixe aujourd'hui son regard sur le mystère de l'onction, qui marque la vie de chaque chrétien, à partir du jour du Baptême.

Il s'agit de façon particulière de notre fête à nous tous, très chers et vénérés frères dans le sacerdoce, ordonnés prêtres pour le service du peuple chrétien. Je vous remercie cordialement de votre présence nombreuse, autour de l'autel de la Confession de saint Pierre. Vous représentez les prêtres romains, et, dans un certain sens, les prêtres du monde.

Nous célébrons la Messe chrismale au seuil du Triduum pascal, centre et sommet de l'Année liturgique. Ce rite suggestif tire sa lumière, pour ainsi dire, du Cénacle, c'est-à-dire du mystère du Christ-Prêtre, qui au cours de la dernière Cène, se consacre lui-même, anticipant le sacrifice sanglant du Golgotha. C'est de la Table eucharistique que descend l'onction sacrée. L'Esprit divin diffuse son parfum mystique dans toute la maison (cf. Jn 12,3), c'est-à-dire dans l'Eglise, et fait participer de façon particulière les prêtres à la consécration même de Jésus (cf. Collecte).


2. "Misericordias Domini in aeternum cantabo - Je chanterai éternellement les miséricordes du Seigneur" (Refrain Psaume responsorial).

Profondément renouvelés par l'expérience jubilaire, qui vient de se conclure, nous sommes entrés dans le troisième millénaire en portant dans le coeur et sur les lèvres les paroles du Psaume: "Je chanterai éternellement les miséricordes du Seigneur". Chaque baptisé est appelé à louer et à témoigner de l'amour miséricordieux de Dieu à travers la sainteté de la vie, ainsi que chaque communauté chrétienne. "Et voici quelle est la volonté de Dieu: - écrit l'Apôtre Paul - c'est votre sanctification" (1Th 4,3). Et le Concile Vatican II précise: "L'appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s'adresse à tous ceux qui croient au Christ, quels que soient leur état ou leur rang" (Lumen gentium, n. 40).

919 Cette vérité fondamentale, qui doit être traduite en priorité pastorale, nous concerne avant tout, nous, Evêques, et vous, très chers prêtres. Avant même d'interpeller notre "agir", elle interpelle notre "être". "Soyez saints, - dit le Seigneur - car moi je suis saint" (Lv 19,2); mais l'on pourrait ajouter: soyez saints, afin que le peuple que Dieu vous a confié soit saint. La sainteté du troupeau ne découle certes pas de celle du pasteur, mais elle est sans aucun doute favorisée, encouragée et alimentée par cette dernière.

Dans la Lettre que, chaque année, j'adresse aux prêtres à l'occasion du Jeudi Saint, j'ai écrit: cette "journée spéciale de notre vocation, nous invite à réfléchir surtout sur notre "être" et en particulier sur notre chemin de sainteté. C'est de ce dernier que découle aussi l'élan apostolique" (n. 6).
J'ai voulu placer l'accent sur le fait que la vocation sacerdotale est "mystère de miséricorde" (ibid., n. 7). Comme Pierre et Paul, nous savons que nous ne sommes pas dignes d'un don aussi grand. C'est pourquoi, face à Dieu, nous ne cessons d'éprouver de l'émerveillement et de la reconnaissance pour la gratuité avec laquelle il nous a choisis, pour la confiance qu'il place en nous, pour le pardon qu'il ne nous refuse jamais" (cf. ibid., n. 6).


3. Très chers frères et soeurs, dans cet esprit, nous renouvellerons d'ici peu nos promesses sacerdotales. Il s'agit d'un rite qui acquiert toute sa valeur et toute sa signification comme expression du chemin de sainteté, auquel le Seigneur nous a appelés sur la voie du sacerdoce. Il s'agit d'un chemin que chacun parcourt de façon très personnelle, connue de Dieu seul, qui sonde et connaît les coeurs. Toutefois, dans la liturgie d'aujourd'hui, l'Eglise nous offre l'occasion réconfortante de nous unir, de nous soutenir les uns les autres au moment où nous répétons d'une seule voix: "Oui, je le veux".

Cette solidarité fraternelle ne peut manquer de devenir un engagement concret à porter les fardeaux les uns des autres, dans les circonstances ordinaires de la vie et du ministère. En effet, s'il est vrai que personne ne peut devenir saint à la place d'un autre, il est tout aussi vrai que chacun peut et doit le devenir avec et pour les autres, sur le modèle du Christ.

La sainteté personnelle ne se nourrit-elle pas de la spiritualité de communion, qui doit toujours précéder et accompagner les initiatives concrètes de charité? (cf. Novo millennio ineunte, n. 43). Pour y éduquer les fidèles, nous, Pasteurs, devons en apporter un témoignage cohérent. Dans ce sens, la Messe chrismale rêvet une signification extraordinaire. En effet, parmi les célébrations de l'Année liturgique, elle est celle qui manifeste avec le plus d'éloquence le lien de communion qui existe entre l'Evêque et les prêtres et entre les prêtres: il s'agit d'un signe que le peuple chrétien attend et apprécie avec foi et affection.


4. "Vos autem sacerdotes Domini vocabimini, ministri Dei nostri, dicetur vobis - vous serez appelés prêtres de Yahvé, on vous nommera ministres de notre Dieu" (Is 61,6).

Ainsi, le prophète Isaïe s'adresse aux Israélites, en prophétisant les temps messianiques, au cours desquels tous les membres du Peuple de Dieu recevront la dignité sacerdotale, prophétique et royale par l'oeuvre du Saint- Esprit. Tout cela s'est réalisé dans le Christ à travers la Nouvelle Alliance. Jésus transmet à ses disciples l'onction reçue du Père, c'est-à-dire le "baptême dans l'Esprit Saint" qui le constitue Messie et Seigneur. Il leur communique le même Esprit; son mystère de salut étend ainsi son pouvoir jusqu'aux extrémités de la terre.

Très chers frères dans le sacerdoce, aujourd'hui, nous faisons mémoire avec reconnaissance de l'onction sacramentelle que nous avons reçue, et, dans le même temps, nous renouvelons l'engagement à diffuser toujours et en chaque lieu le bon parfum du Christ (cf. Prière après la Communion).

Que nous soutienne la Mère du Christ, la Mère des prêtres à laquelle les Litanies s'adressent sous le titre de "Vas spirituale". Que Marie obtienne pour nous, fragiles vases d'argile, d'être emplis de l'onction divine. Qu'elle nous aide à ne jamais oublier que l'Esprit du Seigneur nous "a envoyés pour annoncer aux peuples la Bonne Nouvelle". Dociles à l'Esprit du Christ, nous serons des ministres fidèles de son Evangile. Pour toujours. Amen!



12 avril 2001, Messe de la Cène du Seigneur

920 1. "In supremae nocte Cenae / recumbens cum fratribus... - La nuit de la dernière Cène, / assis à table avec les siens..., / de ses propres mains / il donne lui-même la nourriture aux Douze".

C'est avec ces paroles que l'hymne suggestif du "Pange lingua" présente la Dernière Cène, au cours de laquelle Jésus nous a laissé l'admirable Sacrement de son Corps et de son Sang. Les lectures qui viennent d'être proclamées en illustrent le sens profond. Elles composent presque un tryptique: elles présentent l'institution de l'Eucharistie, sa préfiguration dans l'Agneau pascal, sa traduction existentielle dans l'amour et le service aux frères.

C'est l'Apôtre Paul, dans la première Lettre aux Corinthiens, qui nous rappelle ce que Jésus a fait "la nuit où il fut trahi". Paul a ajouté un commentaire personnel au récit des faits historiques: "Chaque fois en effet que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne" (
1Co 11,26). Le message de l'Apôtre est clair: la communauté qui célèbre la Cène du Seigneur rend la Pâque actuelle. L'Eucharistie n'est pas la simple mémoire d'un rite passé, mais la représentation vivante du geste suprême du Sauveur. Cette expérience ne peut que pousser la communauté chrétienne à devenir la prophétie d'un monde nouveau, inauguré dans la Pâque. Ce soir, en contemplant le mystère d'amour que la Dernière Cène nous repropose, nous restons nous aussi dans une adoration émue et silencieuse.


2. "Verbum caro, / panem verum verbo carnem efficit... Le Verbe incarné / à travers sa parole transforme / le pain véritable en sa chair...".

C'est le prodige que nous, les prêtres, nous constatons chaque jour de nos mains lors de la Messe! L'Eglise continue à répéter les paroles de Jésus, et elle sait qu'elle est engagée à le faire jusqu'à la fin du monde. En vertu de ces paroles, un changement merveilleux s'accomplit: les espèces eucharistiques demeurent, mais le pain et le vin deviennent, selon l'heureuse expression du Concile de Trente, "véritablement, réellement et substantiellement" le Corps et le Sang du Seigneur.

L'esprit se sent perdu face à un mystère aussi sublime. De nombreuses interrogations prennent forme dans le coeur du croyant, qui trouve cependant la paix dans la Parole du Christ. "Et si sensus deficit / ad firmandum cor sincerum sola fides sufficit - Si le sens se perd, / la foi suffit à elle seule à un coeur sincère". Soutenus par cette foi, par cette lumière qui illumine nos pas, également dans la nuit du doute et des difficultés, nous pouvons proclamer: "Tantum ergo Sacramentum / veneremur cernui - Un aussi grand sacrement / nous vénérons donc, prosternés".


3. L'institution de l'Eucharistie se rattache au rite pascal de la première Alliance, qui nous a été décrit dans la page de l'Exode qui vient d'être proclamée: on y parle de l'agneau "un mâle sans tare, âgé d'un an" (Ex 12,6), dont le sacrifice devait sauver le peuple de la destruction: "Le sang sera pour vous un signe sur les maisons où vous vous tenez. En voyant ce signe, je passerai outre et vous échapperez au fléau destructeur" (12, 13).

L'hymne de saint Thomas commente: "et antiquum documentum / novo cedat ritui - que la vieille Loi cède à présent la place / au Sacrifice nouveau". C'est pourquoi les textes bibliques de la Liturgie de ce soir orientent, à juste titre, notre regard vers le nouvel Agneau, qui en versant librement son sang sur la Croix a établi une Alliance nouvelle et définitive. Voilà l'Eucharistie, présence sacramentelle de la chair immolée et du sang versé du nouvel Agneau. A travers celle-ci le salut et l'amour sont offerts à toute l'humanité. Comment ne pas être fascinés par ce Mystère? Nous faisons nôtres les paroles de saint Thomas d'Aquin: "Praestet fides supplementum sensuum defectui - Que la foi pallie au défaut des sens". Oui, la foi nous conduit à l'émerveillement et à l'adoration!


4. C'est à ce point que notre regard se tourne vers le troisième élément du tryptique qui compose la liturgie d'aujourd'hui. Nous le devons au récit de l'évangéliste Jean, qui nous présente l'icône bouleversante du lavement des pieds. Par ce geste Jésus rappelle à ses disciples de tous les temps que l'Eucharistie demande à être témoignée à travers le service d'amour envers les frères. Nous avons écouté les paroles du divin Maître: "Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres" (Jn 13,14). C'est un nouveau style de vie qui découle du geste de Jésus: "Car c'est un exemple que vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j'ai fait pour vous" (Jn 13,15).

Le lavement des pieds se présente comme un acte exemplaire, qui dans la mort sur la croix et la résurrection du Christ trouve sa clef de lecture et sa formulation la plus élevée. Dans cet humble acte de service, la foi de l'Eglise voit l'issue naturelle de toute célébration eucharistique. L'authentique participation à la Messe ne peut qu'engendrer l'amour fraternel, que ce soit dans chaque croyant ou dans la communauté ecclésiale tout entière.


5. "Il les aima jusqu'à la fin" (Jn 13,1). L'Eucharistie constitue le signe éternel de l'amour de Dieu, un amour qui soutient notre chemin vers la pleine communion avec le Père, à travers le Fils, dans l'Esprit. Il s'agit d'un amour qui dépasse le coeur de l'homme. En nous arrêtant ce soir pour adorer le Très Saint Sacrement, et en méditant le mystère de la Dernière Cène, nous nous sentons plongés dans l'océan d'amour qui jaillit du coeur de Dieu. L'âme emplie de gratitude, nous faisons nôtre l'hymne de grâce du peuple des rachetés:

921 "Genitori Genitoque / laus et iubilatio.... - Au Père et au Fils / louange et joie, / salut, puissance, bénédiction: / à Celui qui procède des deux, / même gloire et honneur!" Amen!



14 avril 2001, Veillée Pascale de la nuit

1. "Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n'est pas ici, il est ressuscité" (
Lc 24,5-6).

Ces paroles de deux hommes "avec un vêtement éblouissant" rallument la confiance dans le coeur des femmes accourues au tombeau, de grand matin. Elles avaient vécu les événements tragiques qui avaient abouti à la crucifixion du Christ au Calvaire; elles avaient fait l'expérience de la tristesse et du désarroi. Cependant, à l'heure de l'épreuve, elles n'avaient pas abandonné leur Seigneur.

Elles vont en cachette au lieu où Jésus avait été enseveli pour le revoir encore et pour l'embrasser une dernière fois. C'est l'amour qui les pousse; ce même amour qui les avait portées à le suivre sur les routes de Galilée et de Judée, jusqu'au Calvaire.

Heureuses femmes ! Elles ne savaient pas encore que c'était l'aube du jour le plus important de l'histoire. Elles ne pouvaient pas savoir qu'elles, elles précisément, auraient été les premiers témoins de la résurrection de Jésus.

2. "Elles trouvèrent la pierre roulée sur le côté du tombeau" (Lc 24,2).

Ainsi raconte l'évangéliste Luc, et il ajoute: "Elles entrèrent, mais ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus" (24, 3). D'un seul coup tout change. Jésus "n'est pas ici, il est ressuscité". Cette annonce, qui a changé en joie la tristesse de ces pieuses femmes, résonne dans l'Église avec une puissance permanente au cours de cette Veillée pascale.

Veillée singulière d'une nuit singulière. Veillée, mère de toutes les veillées, durant laquelle l'Église entière reste en attente auprès de la tombe du Messie, offert en sacrifice sur la Croix. L'Église attend et prie, écoutant à nouveau les Écritures qui parcourent à nouveau toute l'histoire du salut.

Mais cette nuit, ce ne sont pas les ténèbres qui dominent, mais plutôt l'éclat d'une lumière inattendue, qui fait irruption avec l'annonce bouleversante de la résurrection du Seigneur. L'attente et la prière deviennent alors un chant de joie : "Exultet iam angelica turba caelorum... Qu'exulte le choeur des anges !"

La perspective de l'histoire se renverse totalement : la mort cède le pas à la vie. Une vie qui ne meurt plus. Dans la Préface nous chanterons tout à l'heure que le Christ "en mourant a détruit notre mort; en ressuscitant, il nous a rendu la vie". Telle est la vérité que nous proclamons par nos paroles, mais surtout par notre existence. Il est vivant Celui que les femmes croyaient mort. Leur expérience devient la nôtre.



922 Ô veillée remplie d'espérance, qui exprime en plénitude le sens du mystère ! Ô veillée riche de symboles, qui manifeste le coeur même de notre existence chrétienne ! Cette nuit, tout se résume prodigieusement en un seul nom, le nom du Christ ressuscité.

Ô Christ, comment ne pas Te rendre grâce pour le don ineffable qu'en cette nuit tu nous prodigues ? Le mystère de ta mort et de ta résurrection se transmet à l'eau baptismale qui accueille l'homme ancien et charnel, et qui le rend pur de la jeunesse divine elle-même.

Dans ton mystère de mort et de résurrection, nous nous plongerons dans un moment, en renouvelant nos promesses baptismales; en lui, seront plongés spécialement les six catéchumènes qui recevront le Baptême, la Confirmation et l'Eucharistie.



Chers Frères et Soeurs catéchumènes, je vous salue avec une grande cordialité, et au nom de la Communauté ecclésiale je vous accueille avec une affection fraternelle. Vous venez de divers pays : du Japon, d'Italie, de Chine, d'Albanie, des États Unis d'Amérique et du Pérou.

Votre présence exprime la multitude des cultures et des peuples qui ont ouvert leur coeur à l'Évangile. Pour vous aussi, comme pour tout baptisé, cette nuit la mort cède le pas à la vie. Le péché est enlevé et une existence toute nouvelle commence. Persévérez jusqu'à la fin dans la fidélité et dans l'amour. Et ne craignez pas devant les épreuves, parce que "ressuscité d'entre les morts, le Christ ne meurt plus; sur lui la mort n'a plus aucun pouvoir" (
Rm 6,9).



Oui, chers Frères et Soeurs, Jésus est vivant et nous vivons en lui. Pour toujours. Voici le don de cette nuit, qui a définitivement révélé au monde la puissance du Christ, Fils de la Vierge Marie, qui nous a été donnée pour Mère au pied de la Croix.

Cette veillée nous introduit dans un jour qui ne connaît pas de couchant. Jour de la Pâque du Christ, qui inaugure pour l'humanité un nouveau printemps d'espérance.

"Haec dies quam fecit Dominus : exultemus et laetemur in ea - C'est le jour que fit le Seigneur : réjouissons-nous et exultons de joie". Alléluia !




Homélies St Jean-Paul II 907