Homélies St Jean-Paul II 22401

22 avril 2001, \IDimanche de la Divine Miséricorde

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1. "Ne crains pas, je suis le Premier et le Dernier, le Vivant; je fus mort, et me voici vivant pour les siècles des siècles" (
Ap 1,17-18).

Dans la seconde lecture, tirée du livre de l'Apocalypse, nous avons écouté ces paroles réconfortantes. Elles nous invitent à tourner le regard vers le Christ, pour faire l'expérience de sa présence rassurante. A chacun, quelle que soit la condition dans laquelle il se trouve, même la plus complexe et dramatique, le Ressuscité répète: "Ne crains pas!"; je suis mort sur la croix, mais à présent "me voici vivant pour les siècles des siècles", "Je suis le Premier et le Dernier, le Vivant".

"Le Premier", c'est-à-dire la source de chaque être et prémisse de la nouvelle création; "le Dernier", le terme définitif de l'histoire; "le Vivant", la source intarissable de la Vie qui a vaincu la mort pour toujours. Dans le Messie crucifié et ressuscité nous reconnaissons les traits de l'Agneau immolé sur le Golgotha, qui implore le pardon pour ses bourreaux et qui ouvre les portes du ciel pour les pécheurs repentis; nous entrevoyons le visage du Roi immortel qui détient désormais "la clef de la Mort et de l'Hadès" (Ap 1,18).


2. "Rendez grâce à Yahvé, car il est bon, car éternel est son amour!" (Ps 117,1).

Nous faisons nôtre l'exclamation du Psalmiste, que nous avons chantée dans le Psaume responsorial: la miséricorde du Seigneur est éternelle! Pour comprendre jusqu'au bout la vérité de ces paroles, laissons-nous conduire par la liturgie au coeur de l'événement de salut, qui unit la mort et la résurrection du Christ à notre existence et à l'histoire du monde. Ce prodige de miséricorde a radicalement changé le destin de l'humanité. C'est un prodige dans lequel apparaît en plénitude l'amour du Père qui, pour notre rédemption, ne recule pas même devant le sacrifice de son Fils unique.

Dans le Christ humilié et qui souffre, les croyants et les non-croyants peuvent admirer une solidarité surprenante, qui l'unit à notre condition humaine au-delà de toute mesure imaginable. La Croix, également après la résurrection du Fils de Dieu, "parle et ne cesse jamais de parler de Dieu-le-Père, qui est toujours fidèle à son amour éternel envers l'homme [...] Croire en un tel amour signifie croire dans la miséricorde" (Dives in misericordia DM 7).

Nous voulons rendre grâce au Seigneur pour son amour, qui est plus fort que la mort et que le péché. Il se révèle et se réalise comme miséricorde dans notre existence quotidienne et il invite chaque homme à avoir, à son tour, "miséricorde" à l'égard du Crucifié. Le programme de vie de chaque baptisé et de l'Eglise tout entière n'est-il pas précisément d'aimer Dieu et d'aimer son prochain et même ses "ennemis", en suivant l'exemple de Jésus?


3. Avec ces sentiments, nous célébrons le deuxième Dimanche de Pâques, qui depuis l'année dernière, année du grand Jubilé, est également appelé "Dimanche de la Miséricorde divine". C'est pour moi une grande joie de pouvoir me joindre à vous tous, chers pèlerins et fidèles venus de divers pays pour commémorer, après un an, la canonisation de soeur Faustyna Kowalska, témoin et messagère de l'amour miséricordieux du Seigneur. L'élévation aux honneurs des autels de cette humble religieuse, fille de ma terre, ne représente pas seulement un don pour la Pologne, mais aussi pour toute l'humanité. Le message dont elle a été la détentrice constitue la réponse adéquate et incisive que Dieu a voulu offrir aux hommes de notre temps, marqué par d'immenses tragédies. Jésus dit un jour à soeur Faustyna: "L'humanité ne trouvera pas la paix, tant qu'elle ne s'adressera pas avec confiance à la Miséricorde divine" (Petit journal, p. 132). La Miséricorde divine! Voilà le don pascal que l'Eglise reçoit du Christ ressuscité et qu'il offre à l'humanité, à l'aube du troisième millénaire.


4. L'Evangile, qui vient d'être proclamé, nous aide à saisir pleinement le sens et la valeur de ce don. L'évangéliste Jean nous fait en quelque sorte partager l'émotion éprouvée par les Apôtres lors de la rencontre avec le Christ, après sa résurrection. Notre attention s'arrête sur le geste du Maître, qui transmet aux disciples craintifs et stupéfaits la mission d'être ministres de la Miséricorde divine. Il leur montre ses mains et son côté qui portent les signes de la passion et leur dit: "Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie" (Jn 20,21). Ayant dit cela "il souffla sur eux et leur dit: Recevez l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus" (Jn 20,22-23). Jésus leur confie le don de "remettre les péchés", un don qui naît des blessures de ses mains, de ses pieds et surtout de son côté transpercé. C'est de là qu'une vague de miséricorde se déverse sur l'humanité tout entière.

Nous revivons ce moment avec une grande intensité spirituelle. Aujourd'hui, le Seigneur nous montre à nous aussi ses plaies glorieuses et son coeur, fontaine intarissable de lumière et de vérité, d'amour et de pardon.


5. Le Coeur du Christ! Son "Sacré Coeur" a tout donné aux hommes: la rédemption, le salut, la sanctification. De ce coeur surabondant de tendresse sainte Faustyna Kowalska vit se libérer deux rayons de lumière qui illuminaient le monde. "Les deux rayons - selon ce que Jésus lui-même lui confia - représentent le sang et l'eau (Petit journal, p. 132). Le sang rappelle le sacrifice du Golgotha et le mystère de l'Eucharistie; l'eau, selon le riche symbolisme de l'évangliste Jean, fait penser au baptême et au don de l'Esprit Saint (cf. Jn 3,5 Jn 4,14).

A travers le mystère de ce coeur blessé, le flux restaurateur de l'amour miséricordieux de Dieu ne cesse de se répandre également sur les hommes et sur les femmes de notre temps. Ce n'est que là que celui qui aspire au bonheur authentique et durable peut en trouver le secret.


6. "Jésus, j'ai confiance en Toi". Cette prière, chère à tant de fidèles, exprime bien l'attitude avec laquelle nous voulons nous aussi nous abandonner avec confiance entre tes mains, ô Seigneur, notre unique Sauveur.

Tu brûles du désir d'être aimé, et celui qui se met en harmonie avec les sentiments de ton coeur apprend à être le constructeur de la nouvelle civilisation de l'amour. Un simple acte de confiance suffit à briser la barrière de l'obscurité et de la tristesse, du doute et du désespoir. Les rayons de ta miséricorde divine redonnent l'espérance de façon particulière à celui qui se sent écrasé par le poids du péché.

Marie, Mère de la Miséricorde, fais en sorte que nous conservions toujours vivante cette confiance dans ton Fils, notre Rédempteur. Assiste-nous, toi aussi, sainte Faustyna, que nous rappelons aujourd'hui avec une affection particulière. Avec toi nous voulons répéter, en fixant notre humble regard sur le visage du divin Sauveur: "Jésus, j'ai confiance en Toi". Aujourd'hui et à jamais. Amen.



29 avril 2001, \IBéatification de cinq Serviteurs de Dieu

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Dimanche 29 avril 2001


1. "Or, le matin déjà venu, Jésus se tint sur le rivage" (
Jn 21,4). Vers l'aube, le Ressuscité apparut aux Apôtres, qui avaient passé une nuit de travail vain sur le Lac de Tibériade. L'évangéliste précise qu'au cours de cette nuit "ils ne prirent rien" (Jn 21,3), et il ajoute qu'ils n'avaient rient à manger. A l'invitation de Jésus: "Jetez le filet à droite du bateau et vous trouverez" (Jn 21,6) ils obéirent sans hésiter. Ils répondirent avec promptitude et leur récompense fut grande, car ce filet, qui était resté vide pendant la nuit, "ils n'avaient plus la force de le tirer, tant il était plein de poissons" (Jn 21,6).

Comment ne pas voir dans cet épisode, que saint Jean rapporte dans l'épilogue de son Evangile, un signe éloquent de ce que le Seigneur continue à accomplir dans l'Eglise et dans le coeur des croyants, qui ont en Lui une confiance sans limite? Les cinq serviteurs de Dieu, que j'ai aujourd'hui eu la joie d'élever aux honneurs des autels, sont des témoins singuliers du don extraordinaire que le Christ ressuscité accorde à chaque baptisé: le don de la sainteté.

Bienheureux sont ceux qui font fructifier ce don mystérieux, en laissant l'Esprit Saint conformer leur existence au Christ mort et ressuscité! Bienheureux êtes-vous, vous qui, comme des astres lumineux, brillez aujourd'hui au firmament de l'Eglise: Manuel González García, Evêque, Fondateur de la Congrégation des Missionnaires eucharistiques de Nazareth; Carlos Manuel Cecilio Rodríguez Santiago, laïc; Marie-Anne Blondin, vierge, Fondatrice de la Congrégation des Soeurs de Saint-Anne; Catherine Volpicelli, vierge, Fondatrice des Servantes du Sacré-Coeur; Catherine Cittadini, vierge, Fondatrice des Soeurs ursulines de Somasca.

Chacun de vous, en se consacrant au Christ, a fait de l'Evangile la règle de sa propre existence. Vous êtes ainsi devenus ses fidèles disciples, ayant puisé cette nouveauté de vie, qui a été inaugurée par le mystère de sa résurrection, à la source intarissable de son amour.


[en espagnol]

2. "Le disciple que Jésus aimait dit alors à Pierre: "C'est le Seigneur!"" (Jn 21,7). Dans l'Evangile nous avons entendu, devant le miracle accompli, un disciple reconnaître Jésus. Les autres le feront eux aussi par la suite. Le passage évangélique, en nous présentant Jésus qui "vient, prend le pain et le leur donne" (Jn 21,13), nous indique comment et quand nous pouvons rencontrer le Christ ressuscité: dans l'Eucharistie, où Jésus est réellement présent sous les espèces du pain et du vin. Il serait triste que cette présence pleine d'amour du Seigneur, après autant de temps, ne soit pas encore connue de l'humanité.

Telle fut la grande passion du bienheureux Manuel González García, Evêque de Málaga, puis de Palencia. L'expérience vécue à Palomares del Río devant un Tabernacle abandonné le marqua pour toute sa vie, et il se consacra à partir de ce moment à diffuser la dévotion à l'Eucharistie, en proclamant la phrase qu'il désira ensuite comme épitaphe: "Jésus est là! Il est là! Ne l'abandonnez pas!". Fondateur des Missionnaires eucharistiques de Nazareth, le bienheureux Manuel González est un modèle de foi eucharistique, dont l'exemple continue à parler à l'Eglise d'aujourd'hui.

3. "Aucun des disciples n'osaient lui demander: "Qui es-tu?", sachant que c'était le Seigneur" (Jn 21,12). Lorsque les disciples le reconnaissent sur les rives du Lac de Tibériade, leur foi dans le fait que le Christ est ressuscité et présent parmi les siens se renforce. L'Eglise, depuis des millénaires, ne se lasse pas d'annoncer et de répéter cette vérité fondamentale de la foi.

L'expérience du mystère pascal rend toutes les choses nouvelles, car comme nous l'avons chanté dans l'Annonce pascale: "Il vainc le mal, lave les fautes, rend l'innocence aux pécheurs, la joie aux affligés". Cet esprit anima l'existence tout entière de Carlos Manuel Rodríguez Santiago, premier portoricain élevé à la gloire des autels. Le nouveau bienheureux, illuminé par la foi dans la résurrection, partageait avec chacun la profonde signification du Mystère pascal, en répétant souvent: "Nous vivons pour cette nuit", la nuit de Pâques. Son apostolat fécond et généreux consista principalement à faire en sorte que l'Eglise de Porto Rico prenne conscience de ce grand événement de notre salut.

Carlos Manuel Rodríguez a mis en évidence l'appel universel à la sainteté pour tous les chrétiens et à quel point il est important que chaque baptisé réponde à celui-ci de façon consciente et responsable. Que son exemple aide toute l'Eglise de Porto Rico à être fidèle, en vivant avec une ferme cohérence les valeurs et les principes chrétiens reçus lors de l'évangélisation de l'île!


[en français]

4. Fondatrice des Soeurs de Sainte-Anne, Marie-Anne Blondin est le modèle d'une existence livrée à l'amour et traversée par le mystère pascal. Cette jeune paysanne canadienne proposera à son évêque de fonder une congrégation religieuse pour l'éducation des enfants pauvres des campagnes, afin de vaincre l'analphabétisme. Dans un grand esprit d'abandon à la Providence dont elle bénira "la conduite toute maternelle", elle acceptera humblement les décisions de l'Eglise et accomplira jusqu'à la mort d'humbles travaux pour le bien de ses Soeurs. Les épreuves n'altéreront jamais son grand amour pour le Christ et pour l'Eglise, ni son souci de former de véritables éducatrices de la jeunesse. Modèle d'une vie humble et cachée, Marie-Anne Blondin trouva sa force intérieure dans la contemplation de la Croix, nous montrant que la vie d'intimité avec le Christ est le plus sûr moyen de porter mystérieusement des fruits et d'accomplir la mission voulue par Dieu. Puisse son exemple donner aux religieuses de son Institut et à de nombreux jeunes le goût de servir Dieu et les hommes, en particulier la jeunesse, à laquelle il importe d'offrir les moyens d'un authentique développement spirituel, moral et intellectuel!


[en italien]

5. "Digne est l'Agneau égorgé de recevoir [...] l'honneur, la gloire et la louange" (Ap 5,12). Ces paroles, tirées du Livre de l'Apocalypse et proclamées dans la seconde Lecture, s'adaptent également bien à l'expérience mystique de la bienheureuse Catherine Volpicelli. Dans sa vie, entièrement consacrée au coeur de l'Agneau immolé, trois aspects significatifs se détachent: une profonde spiritualité eucharistique, une fidélité indéfectible à l'Eglise, une surprenante générosité apostolique.

L'Eucharistie, longtemps adorée et devenue le centre de sa vie au point qu'elle forma le voeu de victime expiatoire, fut pour elle une école d'obéissance docile et aimante à Dieu. Elle fut, dans le même temps, une source d'amour tendre et miséricordieux pour le prochain: c'est dans les plus pauvres et les laissés-pour-compte qu'elle aimait son Seigneur, longtemps contemplé dans le Très Saint Sacrement.

C'est aussi de l'Eucharistie qu'elle sut tirer l'ardeur missionnaire qui la poussa à exprimer sa vocation dans l'Eglise, docilement soumise aux pasteurs et prophétiquement attentive à promouvoir le laïcat et de nouvelles formes de vie consacrée. Sans délimiter de zones d'action, ni donner origine à des institutions spécifiques, elle voulut, comme elle l'affirmait elle-même, trouver la solitude dans les occupations et un travail fécond dans la solitude. Elle fut la première "zélatrice" de l'Apostolat de la prière en Italie et elle laisse en héritage, en particulier aux Servantes du Sacré-Coeur, une singulière mission apostolique qui doit continuer à s'alimenter sans cesse à la source du Mystère eucharistique.


6. "Seigneur, tu sais que je t'aime" (Jn 21,15 cf. vv. Jn 21,16-17). La triple déclaration d'amour que, selon, la page de l'Evangile d'aujourd'hui, Pierre fait au Seigneur, nous conduit à penser à Catherine Cittadini. Au cours de son existence difficile, la nouvelle bienheureuse manifesta un amour sans limite pour le Seigneur. Sa profonde capacité d'aimer, soutenue par un grand équilibre affectif, est soulignée par ceux qui ont eu l'occasion de la connaître. Orpheline dès son plus jeune âge, elle devint elle-même une mère pleine d'amour pour les orphelines. Elle voulut que ses filles spirituelles soient des "mères" dans les écoles et au contact avec les enfants.

Catherine s'efforçait d'"être du Christ, pour conduire au Christ". Le secret fut également pour elle l'union avec l'Eucharistie. Elle recommandait à ses premières collaboratrices de cultiver une intense vie spirituelle dans la prière et, surtout, un contact vital avec Jésus-Eucharistie. Cette consigne spirituelle est plus que jamais actuelle, également pour ceux qui sont appelés à être des maîtres dans la foi et qui veulent transmettre aux nouvelles générations, à une époque de grands changements sociaux, les valeurs de la culture chrétienne!


7. "Nous sommes témoins de ces choses, nous et l'Esprit Saint, que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent" (Ac 5,32). Avec joie nous faisons nôtres les paroles tirées du Livre des Actes des Apôtres, qui ont résonné dans notre assemblée. Oui, nous sommes les témoins des prodiges que Dieu opère en ceux "qui lui obéissent".

Nous constatons la vérité de cette affirmation dans votre existence, ô nouveaux bienheureux que nous vénérons et invoquons à partir d'aujourd'hui comme intercesseurs. Votre fidélité héroïque à l'Evangile est la preuve de l'action féconde de l'Esprit Saint.

Aidez-nous à parcourir, à notre tour, le chemin de la sainteté, en particulier lorsque celui-ci devient difficile. Soutenez-nous pour conserver le regard tourné vers Celui qui nous a appelés. A votre voix, à celle de la Vierge Marie et de tous les saints, nous unissons également la nôtre pour chanter: "A Celui qui siège sur le trône, ainsi qu'à l'Agneau, la louange, l'honneur, la gloire et la puissance dans les siècles des siècles!" (Ap 5,13). Amen!



5 mai 2001, Messe - Palais des Sports du Centre Olympique d'Athènes (Grèce)

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Samedi 5 mai 2001



Chers Frères et Soeurs,

1. “Ce que vous vénérez sans le connaître, voilà ce que, moi, je viens vous annoncer” (
Ac 17,23).

Rapportés par les Actes des Apôtres, ces mots de Paul prononcés à l’Aréopage d’Athènes constituent une des premières annonces de la foi chrétienne en Europe. “Si l’on considère le rôle de la Grèce dans la formation de la culture antique, on comprend que ce discours de Paul puisse être considéré comme le symbole même de la rencontre de l’Évangile avec la culture humaine” (Lettre Sur le pèlerinage aux Lieux qui sont liés à l’histoire du salut, 29 juin 1999, n. 9).

“À ceux qui ont été sanctifiés dans le Christ Jésus, appelés à être saints avec tous ceux qui en tout lieu invoquent le nom de Jésus Christ notre Seigneur [...]; à vous grâce et paix de par Dieu, notre Père, et le Seigneur Jésus Christ !” (1Co 1,2-3). Par ces mots de l’Apôtre à la communauté de Corinthe, je vous salue avec affection, vous tous, évêques, prêtres et laïcs catholiques vivant en Grèce. Je remercie avant tout Monseigneur Foscolos, archevêque des catholiques d’Athènes et Président de la Conférence épiscopale de Grèce, pour son accueil et ses paroles cordiales. Rassemblés ce matin pour la célébration eucharistique, nous demanderons à l’Apôtre Paul de nous donner son ardeur dans la foi et dans l’annonce de l’Évangile à toutes les nations, ainsi que son souci de l’unité de l’Église. Je me réjouis de la présence à la Divine Liturgie de fidèles d’autres confessions chrétiennes, qui témoignent ainsi de leur attention à la vie de la communauté catholique et de leur commune fraternité dans le Christ.

2. Paul rappelle clairement que nous ne pouvons enfermer Dieu dans nos façons de voir et de faire tout humaines. Si nous voulons accueillir le Seigneur, nous sommes appelés à la conversion. Tel est le chemin qui nous est proposé, chemin qui nous fait suivre le Christ pour vivre comme lui, fils dans le Fils. Nous pouvons alors relire notre marche personnelle et celle de l’Église comme une expérience pascale; il nous faut nous purifier pour entrer pleinement dans la volonté divine, en acceptant que Dieu, par sa grâce, transforme notre être et notre existence, comme ce fut le cas pour Paul qui, de persécuteur s’est fait missionnaire (cf. Ga 1,11-24). Nous passons ainsi par l’épreuve du Vendredi saint, avec ses souffrances, avec les nuits de la foi, avec les incompréhensions mutuelles. Mais nous vivons aussi des moments de lumière, semblables à l’aube de Pâques, où le Ressuscité nous communique sa joie et nous fait parvenir à la vérité tout entière. Envisageant de cette manière notre histoire personnelle et l’histoire de l’Église, nous ne pouvons que demeurer dans l’espérance, sûrs que le Maître de l’histoire nous conduit par des chemins que lui seul connaît. Demandons à l’Esprit Saint de nous pousser à être par nos paroles et par nos actes des témoins de la Bonne Nouvelle et de la charité de Dieu ! Car l’Esprit suscite l’ardeur missionnaire dans son Église, c’est lui qui appelle et qui envoie, et le véritable apôtre est d’abord un homme “à l’écoute”, un serviteur disponible à l’action de Dieu.

3. Évoquer à Athènes la vie et l’action de Paul, c’est être invité à annoncer l’Évangile jusqu’aux extrémités de la terre, en proposant à nos contemporains le salut apporté par le Christ et en leur montrant les chemins de sainteté et de vie morale droite qui constituent les réponses à l’appel du Seigneur. L’Évangile est une bonne nouvelle universelle, que tous les peuples peuvent entendre.

927 En s’adressant aux Athéniens, Saint Paul ne veut rien cacher de la foi qu’il a reçue; il doit, comme tout apôtre, en garder fidèlement le dépôt (cf. 2Tm 1,14). S’il part des références habituelles de ses auditeurs et de leurs façons de penser, c’est pour mieux leur faire comprendre l’Évangile qu’il vient leur apporter. Paul s’appuie sur la connaissance naturelle de Dieu et sur le désir spirituel profond que peuvent avoir ses interlocuteurs pour les préparer à accueillir la révélation du Dieu unique et véritable.

S’il a pu citer devant les Athéniens des auteurs de l’Antiquité classique, c’est parce que, d’une certaine manière, sa culture personnelle avait été forgée par l’hellénisme. Il s’est donc servi de cela pour annoncer l’Évangile avec des mots qui puissent frapper ses auditeurs (cf. Ac Ac 17,17). Quelle leçon ! Pour annoncer la Bonne Nouvelle aux hommes de ce temps, l’Église doit être attentive aux divers aspects de leurs cultures et à leurs moyens de communication, sans que cela conduise à en altérer son message ou à en réduire le sens et la portée. “Le christianisme du nouveau millénaire devra répondre toujours mieux à cette exigence d’inculturation” (Novo millennio ineunte NM 40). Le discours magistral de Paul invite les disciples du Christ à entrer dans un dialogue véritablement missionnaire avec leurs contemporains, dans le respect de ce qu’ils sont, mais aussi avec une proposition claire et forte de l’Évangile, ainsi que de ses implications et de ses exigences dans la vie des personnes.

4. Frères et soeurs, votre pays jouit d’une longue tradition de sagesse et d’humanisme. Dès les origines du christianisme, les philosophes se sont attachés à “mettre en évidence le lien qui existe entre la raison et la religion. [...] On s’engagea ainsi sur une voie qui, abandonnant les traditions antiques particulières, débouchait sur un développement qui correspondait aux exigences de la raison universelle” (Fides et ratio FR 36). Ce travail des philosophes et des premiers apologistes chrétiens permit ensuite d’ouvrir, à la suite de saint Paul et de son discours d’Athènes, un dialogue fécond entre la foi chrétienne et la philosophie.

À l’exemple de saint Paul et des premières communautés, il est urgent de développer les occasions de dialogue avec nos contemporains, notamment dans les lieux où se joue l’avenir de l’homme et de l’humanité, pour que les décisions prises ne soient pas guidées uniquement par des intérêts politiques et économiques qui méconnaissent la dignité des personnes et les exigences qui en découlent, mais qu’il y ait le supplément d’âme qui rappelle la place insigne et la dignité de l’homme. Les aréopages qui sollicitent aujourd’hui le témoignage des chrétiens sont nombreux (cf. Redemptoris missio RMi 37); et je vous encourage à être présents au monde; tel le prophète Isaïe, les chrétiens sont établis comme des veilleurs au sommet de la muraille (cf. Is Is 21,11-12), pour discerner les enjeux humains des situations présentes, pour percevoir dans la société les germes d’espérance et pour montrer au monde la lumière de Pâques, qui éclaire d’un jour nouveau toutes les réalités humaines.

Cyrille et Méthode, les deux frères de Salonique, ont entendu l’appel du Ressuscité: “Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création” (Mc 16,15). Partis à la rencontre des peuples slaves, ils ont su leur apporter l’Évangile dans leur propre langue. Non seulement ils “ont rempli leur mission en respectant pleinement la culture qui existait déjà chez les peuples slaves, mais ils la soutinrent et la développèrent inlassablement et de manière éminente en même temps que la religion” (Slavorum Apostoli, n. 26). Que leur exemple et leur prière nous aident à répondre toujours mieux à l’exigence d’inculturation et à nous réjouir de la beauté de ce visage multiforme de l’Église du Christ !

5. Dans son expérience personnelle de croyant et dans son ministère d’apôtre, Paul a compris que seul le Christ était chemin de salut, lui qui, par grâce, réconcilie les hommes entre eux et avec Dieu. “Car c’est lui qui est notre paix, lui qui des deux peuples n’en a fait qu’un, détruisant la barrière qui les séparait” (Ep 2,14). L’Apôtre s’est fait ensuite le défenseur de l’unité, à l’intérieur des communautés et aussi entre elles, car il brûlait du “souci de toutes les Églises” (cf. 2Co 11,28) !

La passion de l’unité de l’Église doit être celle de tous les disciples du Christ. “Malheureusement, le triste héritage du passé nous suit encore au-delà du seuil du troisième millénaire [...], un long chemin reste encore à parcourir” (Novo millennio ineunte NM 48). Mais il ne faut pas que cela nous décourage; notre amour du Seigneur nous pousse à nous engager toujours davantage en faveur de l’unité. Pour faire de nouveaux pas en ce sens, il est important de “repartir du Christ” (ibid., n. 29).

“C’est sur la prière de Jésus, et non sur nos capacités, que s’appuie notre confiance de pouvoir atteindre dans l’histoire la communion pleine et visible de tous les chrétiens. [...] Puisse le souvenir du temps où l’Église respirait avec ‘deux poumons’ pousser les chrétiens d’Orient et d’Occident à marcher ensemble, dans l’unité de la foi et le respect des légitimes diversités, en s’accueillant et en se soutenant mutuellement comme membres de l’unique Corps du Christ” (Ibid., n. 48) !

La Vierge Marie a accompagné de sa prière et de sa présence maternelle la vie et la mission de la toute première communauté chrétienne, autour des Apôtres (cf. Ac Ac 1,14). Elle a reçu avec eux l’Esprit de Pentecôte ! Qu’elle veille sur le chemin que nous devons maintenant parcourir, pour marcher vers la pleine unité avec nos frères d’Orient et pour accomplir les uns avec les autres, avec disponibilité et enthousiasme, la mission que le Christ Jésus a confiée à son Église. Que la Vierge Marie, si vénérée dans votre pays et tout particulièrement dans les sanctuaires des îles, comme Vierge de l’Annonciation dans l’île de Tinos, et sous le vocable de Notre-Dame de la Merci, à Faneromeni, dans l’île de Syros, nous conduise toujours à son Fils Jésus (cf. Jn 2,5). C’est lui le Christ, c’est lui le Fils de Dieu, “la vraie lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde” (Jn 1,9)!

Forts de l’espérance qui nous vient du Christ et soutenus par la prière fraternelle de tous ceux qui nous ont précédés dans la foi, continuons notre pèlerinage terrestre en vrais messagers de la Bonne Nouvelle, joyeux de la louange pascale qui habite nos coeurs et désireux de la faire partager à tous :

“Louez le Seigneur, tous les peuples,
928 Fêtez-le tous les pays!
Son amour envers nous s’est montré le plus fort;
éternelle est la fidélité du Seigneur!” (
Ps 116). Amen.
[in greco]

Irini passi! O Theos na evloghi tin Ellada!
[La pace sia con voi! Dio benedica la Grecia!]



Je rends grâce au Seigneur de pouvoir accomplir ces journées de pèlerinage sur les pas de l’Apôtre des Nations. Je prie saint Paul de vous accompagner chaque jour. Comme Paul soyez les témoins du Christ!

Je remercie tout d’abord Monsieur le Président de la République pour son invitation et pour son accueil. Je remercie Sa Béatitude Christodoulos et ses collaborateurs pour leur sollicitude envers ce pèlerinage sur les pas de saint Paul. Mes remerciements vont en même temps à Mgr Fóscolos et à tous les évêques catholiques. Merci à vous tous ici présents. Le Christ et l’Église comptent sur vous. Je vous bénis de tout coeur.



6 mai 2001, Messe - Stade Abbaïssine de Damas (Syrie)

Dimanche 6 mai 2001



1. "Saul, Saul, pourquoi me persécuter?" Il répondit : "Qui es-tu Seigneur? - Je suis Jésus, celui que tu persécutes. Relève-toi et entre dans la ville: on te dira ce que tu dois faire" (Ac 9,4-6).

929 C'est en pèlerin que je suis venu aujourd'hui à Damas, pour raviver la mémoire de l'événement qui a eu lieu ici, il y a deux mille ans: la conversion de saint Paul. Se rendant à Damas pour combattre et emprisonner ceux qui confessent le nom du Christ, alors qu'il arrive aux portes de cette ville, Saul fait l'expérience d'une extraordinaire illumination. Sur le chemin, le Christ ressuscité se présente à lui et, sous l'influence de cette rencontre, une profonde transformation se produit en lui: de persécuteur il devient apôtre, d'opposant à l'Évangile, il en devient le missionnaire. La lecture des Actes des Apôtres rappelle avec de nombreux détails cet événement qui a changé le cours de l'histoire: "Cet homme est l'instrument que j'ai choisi pour faire parvenir mon Nom auprès des nations païennes, auprès des rois et des fils d'Israël. Et moi, je lui ferai découvrir tout ce qu'il lui faudra souffrir pour mon Nom" (Ac 9,15-16).

Je vous remercie vivement, Béatitude, pour vos aimables paroles d'accueil au début de cette célébration. À travers votre personne, je salue avec affection les Évêques ainsi que les membres de l'Église grecque-melkite catholique dont vous êtes le Patriarche. Mes voeux chaleureux vont aussi aux Cardinaux, aux Patriarches, aux Évêques, aux prêtres et aux fidèles de toutes les Communautés catholiques, de Syrie et d'autres pays de la région. Je me réjouis de la présence fraternelle des Patriarches, des Évêques et des fidèles des autres Églises et Communautés ecclésiales. Je les salue très cordialement. Je remercie de tout coeur le Ministre représentant le Président de la République et les membres de la communauté musulmane qui ont voulu se joindre, en cette occasion, à leurs amis chrétiens.

2. L'événement extraordinaire qui s'est produit non loin d'ici a été décisif pour l'avenir de Paul et de l'Église. La rencontre du Christ a transformé radicalement l'existence de l'Apôtre, car elle l'a atteint au plus intime de son être et l'a ouvert pleinement à la vérité divine. Paul a accepté librement de reconnaître cette vérité et d'engager sa vie à la suite du Christ. En accueillant la lumière divine et en recevant le Baptême, son être profond est devenu conforme à l'être du Christ; ainsi sa vie a été transformée et il a trouvé son bonheur en mettant sa foi et sa confiance en celui qui l'a appelé des ténèbres à son admirable lumière (cf. 2Tm 1,12 Ep 5,8 Rm 13,12). La rencontre dans la foi avec le Ressuscité est en effet une lumière sur la route des hommes, une lumière qui bouleverse l'existence. Sur le visage resplendissant du Christ, la vérité de Dieu se manifeste de manière éclatante. Gardons, nous aussi, le regard fixé sur le Seigneur! Ô Christ, lumière du monde, répands sur nous et sur tous les hommes, cette clarté venant du ciel qui a enveloppé ton Apôtre! Illumine et purifie les yeux de notre coeur pour nous apprendre à tout voir dans la lumière de ta vérité et de ton amour pour l'humanité!

L'Église n'a pas d'autre lumière à transmettre au monde que la lumière qui lui vient de son Seigneur. Nous qui avons été baptisés dans la mort et la résurrection du Christ, nous avons reçu l'illumination divine, et il nous est donné d'être des enfants de Lumière. Souvenons-nous de la belle exclamation de saint Jean Damascène qui souligne l'origine de notre vocation ecclésiale commune: "Tu m'as fait venir à la lumière en m'adoptant pour ton fils, et tu m'as inscrit parmi les membres de ton Église sainte et immaculée" (Exposé de la foi orthodoxe, 1)! Sur notre route, la Parole de Dieu est une lampe resplendissante; elle nous permet de connaître la vérité qui rend libre et qui sanctifie.

3. "J'ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l'Agneau, en vêtements blancs, avec des palmes à la main" (Ap 7,9).

Ce texte de la liturgie d'aujourd'hui, tiré du livre de l'Apocalypse, montre, à sa manière, l'oeuvre qui s'est accomplie par le ministère apostolique de saint Paul. En effet, celui-ci a tenu une place essentielle dans l'annonce de l'Évangile hors des limites du pays de Jésus. Tout le monde alors connu, à commencer par les pays du pourtour de la Méditerranée, est devenu terre de l'évangélisation paulinienne. Et nous pouvons dire que par la suite, tout au long des siècles jusqu'à notre époque, l'immense développement de l'annonce évangélique constitue d'une certaine façon la suite logique du ministère de l'Apôtre des Nations. Jusqu'à nos jours, l'Église porte en elle les fruits de son activité apostolique et se réfère constamment au ministère missionnaire de saint Paul, devenu, pour des générations entières de chrétiens, pionnier et inspirateur de toute mission.

À l'exemple de Paul, l'Église est invitée à élargir son regard jusqu'aux extrémités du monde, afin de poursuivre la mission qui lui a été confiée de transmettre la lumière du Ressuscité à tous les peuples et à toutes les cultures, dans le respect de la liberté des personnes et des communautés humaines et spirituelles. La foule immense des hommes de toutes origines est appelée à rendre gloire à Dieu. Car, ainsi que l'affirme saint Éphrem: "Les trésors que tu nous donnes, tu n'as nul besoin de nous les communiquer. Tu n'as besoin que d'une chose: que nous dilations notre coeur pour porter tes biens, te livrant notre volonté et t'écoutant de nos oreilles. Toutes tes oeuvres resplendissent des couronnes que leur a tressées la sagesse de ta bouche en disant: Tout cela est très bon" (Diathermane, 2, 5-7).

Comme Paul, les disciples du Christ sont affrontés à un grand défi: ils doivent transmettre la Bonne Nouvelle dans un langage adapté à chaque culture, sans en perdre la substance, ni en dénaturer le sens. N'ayez donc pas peur de témoigner vous aussi par la parole et par toute votre vie de cette joyeuse nouvelle parmi vos frères et vos soeurs: Dieu aime tous les hommes et il les convie à constituer une seule famille dans la charité, car ils sont tous frères!

4. Cette joyeuse nouvelle doit inciter tous les disciples du Christ à rechercher ardemment les voies de l'unité, pour qu'en faisant leur la prière du Seigneur "que tous soient un", ils rendent un témoignage toujours plus authentique et plus crédible. Je me réjouis vivement des relations fraternelles qui existent déjà entre les membres des Églises chrétiennes de votre pays, et je vous encourage à les développer dans la vérité et la prudence, en communion avec vos Patriarches et vos Évêques. À l'aube du nouveau millénaire, le Christ nous appelle à revenir les uns vers les autres dans la charité qui fait notre unité. Soyez fiers des grandes traditions liturgiques et spirituelles de vos Églises d'Orient! Elles appartiennent au patrimoine de l'unique Église du Christ et constituent des ponts entre les différentes sensibilités. Dès les débuts du christianisme, votre terre a connu une vie chrétienne florissante. Dans la lignée spirituelle d'Ignace d'Antioche, d'Éphrem, de Siméon ou de Jean Damascène, les noms de nombreux Pères, de moines, d'ermites et de tant d'autres saints qui sont la gloire de vos Églises, demeurent présents à la mémoire vivante de l'Église universelle. Par votre attachement à la terre de vos pères, en acceptant généreusement d'y vivre votre foi, vous aussi, aujourd'hui, à votre tour, vous témoignez de la fécondité du message évangélique qui a été transmis de génération en génération.

Avec tous vos compatriotes, sans distinction d'appartenance communautaire, poursuivez sans relâche vos efforts en vue de l'édification d'une société fraternelle, juste et solidaire, où chacun soit pleinement reconnu dans sa dignité humaine et dans ses droits fondamentaux. Sur cette terre sainte, Chrétiens, Musulmans et Juifs sont appelés à travailler ensemble, avec confiance et audace, et à faire que paraisse sans tarder le jour où chaque peuple verra ses droits légitimes respectés et pourra vivre dans la paix et l'entente mutuelle. Que parmi vous, les pauvres, les malades, les personnes handicapées et tous les blessés de la vie soient toujours des frères et des soeurs respectés et aimés! L'Évangile est un puissant facteur de transformation du monde. Que par votre témoignage de vie, les hommes d'aujourd'hui puissent découvrir la réponse à leurs aspirations les plus profondes et les fondements de la convivialité au sein de la société!

5. Familles chrétiennes, l'Église compte sur vous et vous fait confiance pour communiquer à vos enfants la foi que vous avez reçue, à travers les siècles, depuis l'Apôtre Paul. En demeurant unies et ouvertes à tous, en défendant toujours le droit à la vie depuis sa conception, soyez des foyers de lumière, pleinement conformes au dessein de Dieu et aux vraies exigences de la personne humaine! Donnez une place importante à la prière, à l'écoute de la Parole de Dieu et à la formation chrétienne, vous y trouverez un soutien efficace pour répondre aux difficultés de la vie quotidienne et aux grands défis du monde d'aujourd'hui. La participation régulière à l'Eucharistie dominicale est une nécessité pour toute vie chrétienne fidèle et cohérente. Elle est un don privilégié où s'accomplit et où s'annonce la communion avec Dieu et avec les frères.

930 Frères et soeurs, ne vous lassez pas de chercher le visage du Christ qui se manifeste à vous. C'est en lui que vous trouverez le secret de la véritable liberté et de la joie du coeur! Laissez vibrer au plus profond de vous-mêmes le désir de fraternité authentique entre tous les hommes! En vous mettant avec enthousiasme au service des autres vous trouverez un sens à votre vie, car l'identité chrétienne ne se détermine pas dans l'opposition aux autres, mais dans la capacité à sortir de soi pour aller vers ses frères. L'ouverture au monde, avec lucidité et sans crainte, fait partie de la vocation du chrétien, conscient de sa propre identité et enraciné dans son patrimoine religieux qui exprime la richesse du témoignage de l'Église.

6. "Mes brebis écoutent ma voix; moi je les connais et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle: jamais elles ne périront, personne ne les arrachera de ma main. Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut rien arracher de la main du Père. Le Père et moi, nous sommes un" (
Jn 10,27-30).

Ce sont les paroles de l'Évangile d'aujourd'hui, par lesquelles Jésus Christ lui-même nous montre le dynamisme admirable de l'évangélisation. Dieu qui, de nombreuses fois et de diverses manières, avait parlé aux pères par les prophètes, à la fin a parlé par son Fils (cf. He He 1,1-2). Ce Fils, de la même substance que le Père, est le Verbe de vie. C'est lui-même qui donne la vie éternelle. Il est venu pour que nous ayons la vie et que nous l'ayons en abondance (cf. Jn 10,10). Aux portes de Damas, dans sa rencontre avec le Christ ressuscité, saint Paul apprit cette vérité et en fit le contenu de sa prédication. La merveilleuse réalité de la Croix du Christ, sur laquelle s'opéra la Rédemption du monde, se présenta devant lui. Paul comprit cette réalité et lui consacra toute sa vie.

Frères et soeurs, levons les yeux vers la Croix du Christ pour y découvrir la source de notre espérance! En elle nous trouvons un chemin authentique de vie et de bonheur. Contemplons le visage aimant de Dieu qui nous offre son Fils pour faire de nous tous "un seul coeur et une seule âme" (Ac 4,32). Accueillons-le dans nos vies pour nous en inspirer et réaliser le mystère de communion qui incarne et manifeste l'essence même de l'Église.

Votre appartenance à l'Église doit être pour vous et pour tous vos frères et soeurs un signe d'espérance qui rappelle que le Seigneur rejoint chacun sur son chemin, souvent de manière mystérieuse et inattendue, comme il a rejoint Paul sur le chemin de Damas, l'enveloppant de sa lumière éclatante.

Puisse le Ressuscité, dont cette année tous les chrétiens ont célébré ensemble la Pâque, nous faire le don de la communion dans la charité! Amen.





9 mai 2001, Messe avec trois Béatifications - Place des "Greniers" de Floriana (Malte)

Mercredi 9 mai 2001



"Qu'ils rendent grâce à Yahvé de son amour, de ses merveilles pour les fils d'Adam!" (Ps 107 [106], 15).

Chers frères et soeurs,

1. C'est avec une grande joie que je reviens sur cette île chère à saint Paul, l'Apôtre des Nations, et toujours chère au Successeur de Pierre. Cette visite conclut mon pèlerinage jubilaire qui a suivi en esprit l'histoire du salut, de la patrie d'Abraham, au Sinaï, où Dieu a donné les dix commandements, jusqu'en Terre Sainte, où ont eu lieu les grands événements de notre Rédemption. Et aujourd'hui, sur les pas de saint Paul, je suis revenu vers toi, cher peuple de Malte.

931 L'arrivée de l'Apôtre sur vos côtes fut dramatique. Saint Luc nous a rapporté le voyage dans la tempête et le désespoir de l'équipage et des passagers lorsque le navire toucha le fond et commença à se disloquer (cf. Ac Ac 27,39-44). Et nous avons entendu parler de leur sauvetage: "Une fois sauvés, nous apprîmes que l'île s'appelait Malte" (Ac 28,1). Selon la Providence de Dieu, Malte devait recevoir l'Evangile aux premiers jours du christianisme. "Qu'ils rendent grâce à Yahvé de son amour, de ses merveilles!" (Ps 107 [106], 15).


2. Au cours de ce rassemblement aux "greniers" de Floriana, autour de l'autel du Sacrifice du Seigneur, l'Evêque de Rome se joint à votre action de louange à la Très Sainte Trinité, pour votre témoignage de l'Evangile au cours des siècles. Fidèles à votre père dans la foi, l'Apôtre Paul, vous êtes connus dans l'Eglise pour votre dévouement et votre zèle missionnaire. Malte possède un magnifique héritage chrétien dont vous êtes à juste titre fiers, mais cet héritage est également un don qui implique une grande respon-sabilité (cf. Lc 12,48).

Dans sa seconde Epître à Timothée, saint Paul rappelle à son collaborateur: "Souviens-toi de Jésus-Christ, ressuscité d'entre les morts [...] si nous tenons fermes, avec lui nous régnerons" (2Tm 2, 8, 12). Ces paroles allèrent droit au coeur des deux fils et de la fille adoptive de Malte, que j'ai béatifiés aujourd'hui. Toute l'Eglise se réjouit avec vous de ce que, parmi la foule de saints et de saintes de toutes conditions sociales de l'histoire de Malte, ces trois personnes aient été choisies pour être vénérées et imitées de façon particulière. Du ciel, elles nous accompagnent dans notre pèlerinage terrestre et, à travers leurs prières devant le trône de Dieu, elles nous aident à gravir les sommets de la sainteté, qu'elles ont atteinte par la grâce de l'Esprit Saint.


3. Depuis sa mort en 1962, peu avant l'ouverture du Concile Vatican II, le bienheureux George Preca est connu pour sa sainteté à Malte et partout où les Maltais se sont installés. Dom Georges était un pionnier dans le domaine de la catéchèse et dans la promotion du rôle des laïcs dans l'apostolat, que le Concile devait souligner de façon particulière. Il devint donc, pour ainsi dire, le second père dans la foi de Malte. Avec douceur et humilité, faisant plein usage des dons d'esprit et de coeur qu'il avait reçus de Dieu, Dom Georges fit siennes les paroles de Paul à Timothée: "Ce que tu as appris de moi sur l'attestation de nombreux témoins, confie-le à des hommes sûrs, capables à leur tour d'en instruire d'autres" (2Tm 2,2). La Société de la Doctrine chrétienne, qu'il a fondée, continue son oeuvre de témoignage et d'évangélisation sur ces îles et ailleurs.

Non loin d'ici, le jeune séminariste Georges Preca entendit les paroles prophétiques d'un directeur spirituel: "Georges, lorsque tu seras adulte, un grand nombre de ceux qui craignent Dieu se rassembleront autour de toi. Tu seras une bénédiction pour eux et eux pour toi". Aujourd'hui, l'Eglise qui est à Malte proclame Georges "Bienheureux", car elle sait qu'il est pour elle une source locale de lumière et de bénédiction. Dans ses écrits sur la douceur - son livre L-Iskola tal-Manswetudni et sa Lettre - Dom Georges exhorte les chrétiens à suivre l'exemple du Seigneur Crucifié qui a pardonné toute offense (cf. Lc 23,34). Ce message de respect et de pardon mutuels n'est-il pas particulièrement nécessaire aujourd'hui à Malte et dans le monde? Oui, en réalité, la douceur des Béatitudes a le pouvoir de transformer la famille, le lieu de travail, les écoles, les villes, les villages, le monde de la politique et de la culture. Elle peut changer le monde!

"Heureux les doux, car ils posséderont la terre" (Mt 5,4).

Magister, utinam sequatur evangelium universus mundus (Maître divin, puisse le monde entier suivre l'Evangile): La prière du Bienheureux Dom Georges reflète parfaitement le mandat missionnaire du Seigneur: "Allez donc, de toutes les nations faites des disciples [...] leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit"! (Mt 28,19-20). Au cours de l'année du grand Jubilé, toute l'Eglise a fait une expérience renouvelée de l'éternelle fraîcheur de la miséricorde bienveillante du Père, qui a envoyé son Fils unique pour notre salut. N'est-ce pas la capacité de Dom Georges à communiquer la fraîcheur du message chrétien qui fit de lui le grand Apôtre qu'il fut? N'est-ce pas ce dont Malte a besoin aujourd'hui: un clergé, des religieux, des catéchistes, des enseignants qui proclament avec passion la Bonne Nouvelle de ce que le Père a fait pour nous dans le Christ? A l'aube d'un nouveau millénaire, l'Eglise se tourne vers toi, Malte, pour vivre avec une ardeur renouvelée ta vocation apostolique et missionnaire! Toute l'Eglise se tourne vers toi!


4. Le Serviteur de Dieu Ignace Falzon avait également une grande passion pour la prédication de l'Evangile et l'enseignement de la foi catholique. Lui aussi plaça ses nombreux talents et sa formation intellectuelle au service de la catéchèse. L'Apôtre Paul écrit que "chacun donne selon ce qu'il a décidé dans son coeur, non d'une manière chagrine ou contrainte; car Dieu aime celui qui donne avec joie" (2Co 9,7). Le Bienheureux Ignace fut une personne qui donna avec abondance et dans la joie: et les personnes trouvaient en lui non seulement une énergie inépuisable, mais également une profonde paix et joie. Il renonça au succès sur terre, auquel son milieu l'avait préparé, afin de servir le bien spirituel des autres, y compris les nombreux soldats et marins britanniques stationnés à Malte à l'époque. Dans son approche de ces personnes, dont peu étaient catholiques, il anticipa l'esprit oecuménique de respect et de dialogue, qui nous est familier aujourd'hui, mais qui ne prévalait pas toujours dans ces temps là.

Ignace Falzon tira sa force et son inspiration de l'Eucharistie, de la prière devant le Tabernacle, de la dévotion à Marie et du Rosaire, ainsi que de l'imitation de saint Joseph. Ce sont là des fontaines de grâce auxquelles tous les chrétiens peuvent boire. La sainteté et le zèle pour le Royaume de Dieu fleurissent de façon particulière là où les paroisses et les communautés encouragent la prière et la dévotion au Très Saint Sacrement. Je vous exhorte donc à préserver vos traditions maltaises de piété, les purifiant lorsque cela est nécessaire et les renforçant à travers une solide instruction et catéchèse. Il ne saurait y avoir de meilleure façon d'honorer la mémoire du bienheureux Ignace Falzon.


5. Née en Italie d'une famille maltaise, Soeur Marie Adéodate Pisani arriva ici à l'âge de dix-neuf ans, et passa la plus grande partie de sa vie comme une figure splendide de consécration religieuse bénédictine au monastère de Saint-Pierre. Je sais que certaines des Soeurs du Monastère n'ont pas pu venir ici, mais qu'elles suivent la cérémonie à la télévision. A vous, chères Soeurs, je transmets un Bénédiction particulière en cette heureuse occasion.

Prière, obéissance, service à ses Soeurs et maturité dans l'accomplissement des tâches qui lui étaient assignées: tels étaient les éléments de la vie sainte et silencieuse de Marie Adéodate. Cachée au coeur de l'Eglise, elle était assise aux pieds du Seigneur et écoutait son enseignement (cf. Lc 10,39), goûtant aux choses qui durent éternellement (cf. Col Col 3,2). A travers sa prière, son travail et son amour, elle devint une source de fécondité spirituelle et missionnaire sans laquelle l'Eglise ne peut prêcher l'Evangile selon la volonté du Christ, car la mission et la contemplation ont besoin l'une de l'autre (cf. Novo millennio ineunte NM 16).

932 L'exemple de sainteté de soeur Adéodate a certainement aidé à promouvoir le renouveau de la vie religieuse dans son monastère. Je souhaite donc confier à son intercession une intention particulière qui me tient à coeur. Beaucoup a été fait récemment pour adapter la vie religieuse aux conditions actuelles, et le bénéfice peut être constaté dans la vie de nombreux religieux et religieuses. Mais une appréciation renouvelée des raisons théologiques plus profondes de cette forme particulière de consécration est nécessaire. Nous attendons toujours une pleine floraison de l'enseignement du Concile Vatican II en ce qui concerne la valeur transcendante de cet amour particulier de Dieu et des autres qui conduit à une vie consacrée aux voeux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. Je recommande à tous les hommes et les femmes consacrées d'imiter l'exemple de maturité personnelle et de responsabilité qui fut si merveilleusement exprimé dans la vie de la Bienheureuse Adéodate.


6. A la veille de Pentecôte, l'Archidiocèse de Malte inaugurera son Assemblée synodale et à Gozo, Mgr Cauchi a commencé une nouvelle visite pastorale. Je souhaite ardemment que cette initiative, ainsi que d'autres, contribuent à promouvoir la vision du Concile Vatican II en tant que communion de tout le Peuple de Dieu, une vision que la "nouvelle évangélisation" exige des catholiques maltais.

Au sein de cette communion, il existe différents rôles et ministères, mais tous sont appelés à oeuvrer ensemble pour faire progresser le Royaume de justice, de paix et d'amour du Christ. A travers l'intercession des nouveaux Bienheureux, puisse l'Eglise qui est à Malte s'acheminer avec confiance vers une nouvelle ère d'unité et de responsabilité partagée entre clergé, religieux et laïcs. Cela donnera aux catholiques maltais le nouveau départ qui leur permettra d'entrer avec confiance dans le nouveau millénaire, en récoltant les riches fruits spirituels du grand Jubilé de l'An 2000.

Malte, Malte! Tu as tant reçu à travers le ministère de saint Paul et le témoignage du Bienheureux Dom Georges, du Bienheureux Ignace Falzon et de la Bienheureuse Adéodate. Tandis que tu avances vers l'avenir, sois fidèle à l'héritage que tu as reçu! Suis le Christ avec un coeur indivis, et n'aie jamais peur de proclamer la vérité qui sauve et les valeurs qui conduisent à la vie! Puisse la Vierge Marie, Mère du Verbe Incarné, t'accompagner et te protéger toujours, afin que tu ne manques jamais de rendre "grâce à Yahvé de son amour, de ses merveilles pour les fils d'Adam!" (
Ps 107 [106], 15).

Viva l-Beatu Gorg Preca! Vive le bienheureux Georges Preca!
Viva l-Beatu Nazju Falzon! Vive le bienheureux Ignace Falzon!
Viva l-Beata Adeodata Pisani! Vive la bienheureuse Adéodate Pisani!
Amen.

* * *

Au terme de la Concélébration eucharistique pour la béatification de trois serviteurs de Dieu, Dom Georges Preca, Ignace Falzon et Marie Adéodate Pisani, le Saint-Père a adressé des paroles de salut aux nombreux fidèles présents sur la place des "Greniers" de Floriana, ainsi qu'à tous ceux qui ne pouvaient être présents:

Cher Président, M. De Marco,
Mgr Mercieca,
933 NN. SS. Cauchi et Depasquale,
Cher peuple de Malte et de Gozo,

Puisse le Seigneur vous récompenser pour votre bonté et votre amour!

Je désire vous remercier de votre participation fervente à cette liturgie. A travers la prière et les chants, nous avons partagé la grande joie de l'Eglise qui a proclamé bienheureux deux fils de ces îles et une soeur, qui a passé la plus grande partie de sa vie ici dans une consécration exemplaire.
Lorsque vous retournerez chez vous, portez la Bénédiction du Pape à vos parents et à vos proches qui n'ont pas pu venir ici.

En particulier, je désire mentionner avec affection et solidarité certaines catégories de personnes qui ne sont pas ici physiquement, mais qui sont, j'en suis sûr, unies à nous en esprit.

Je salue cordialement les habitants de l'île de Gozo, auxquels je n'ai pas pu rendre visite en cette occasion.

Je transmets une salutation particulière aux soeurs appartenant aux six communautés religieuses de clôture. Je sais qu'elles prient pour le Pape chaque jour. Chères soeurs, je vous remercie et je vous demande de continuer à être des piliers spirituels de l'Eglise.

Je rappelle et me sens très proche des personnes âgées. Aux malades, je dis: gardez l'espérance et soyez forts! Vous pouvez apporter une contribution très importante à l'oeuvre rédemptrice du Christ, en unissant vos souffrances à celles du Seigneur ressuscité.

A présent, avec une chaleur particulière, je salue les détenus de la prison de Corradino. Je sais que vous désiriez ardemment recevoir, avec vos parents et vos amis, une visite du Pape en mémoire de saint Paul, l'Apôtre prisonnier. Mais cela n'a pas été possible. Je vous embrasse tous, et j'invoque sur vous une abondance de grâces divines. Dieu vous bénisse tous!

Aujourd'hui encore, nous parviennent de Terre Sainte de tristes nouvelles de terribles violences, même contre de jeunes innocents. Nous devons tous intensifier nos prières pour la paix dans le pays de Jésus.

934 Ikun imfahhar Gesù Kristu! Loué soit Jésus-Christ!



13 mai 2001, Ordinations presbytérales des Diacres du Diocèse de Rome

Dimanche 13 mai 2001


1. "A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples: si vous avez de l'amour les uns pour les autres" (
Jn 13,35).

L'Evangile de ce cinquième dimanche du Temps de Pâques nous ramène à l'intimité du Cénacle. C'est là que le Christ, au cours de la dernière Cène, institua le sacrement de l'Eucharistie et le Sacerdoce de la Nouvelle Alliance, et qu'il laissa aux siens le "nouveau commandement" de l'amour. Nous revivons aujourd'hui l'intense atmosphère spirituelle de cette heure extraordinaire. Les paroles du Seigneur à ses disciples s'adressent en particulier à vous, très chers candidats au sacerdoce, invités à recevoir ce matin son testament d'amour et de service.

Nous vous entourons avec affection, nous qui sommes ici présents. A vos côtés se trouvent, tout d'abord, vos proches et vos amis, auxquels j'adresse mon salut le plus cordial. Autour de vous est réunie en esprit toute la communauté diocésaine de Rome, au sein de laquelle vous avez accompli votre itinéraire de formation. Dans cet acte décisif, vous êtes accompagnés par les Recteurs, les professeurs et vos éducateurs du Grand séminaire pontifical romain, de l'"Almo Collegio Capranica", du séminaire "Redemptoris Mater", du séminaire des Oblats Fils de la Madone du Divin Amour, de l'Institut missionnaire Identes, de l'Institut des Fils de Sainte-Anne.

Je m'adresse avec une reconnaissance particulière à ceux qui ont suivi votre formation. Le Cardinal-Vicaire s'est fait leur interprète au début de la célébration. A travers lui, que je remercie de tout coeur, je voudrais faire parvenir ma vive gratitude à ceux qui, dans ce diocèse, travaillent activement dans le domaine des vocations.


2. "Maintenant le Fils de l'homme a été glorifié, et Dieu a été glorifié en lui" (Jn 13,31).

Alors que la liturgie nous exhorte à demeurer dans le Cénacle en contemplation intérieure, nous écoutons à nouveau l'Evangéliste Jean qui, toujours attentif aux échos du coeur du Christ, réfère les paroles qu'Il a prononcées après que Judas Iscariote se soit éloigné. Jésus parle de sa gloire, cette gloire que le Père et le Fils se rendent réciproquement dans le mystère pascal.

Très chers diacres, aujourd'hui, le Christ vous invite à entrer dans cette gloire et à ne plus rechercher désormais aucune autre gloire en dehors de celle-ci. Pour vous aussi, il s'agit d'une "heure" décisive. En effet, l'ordination est le moment où le Christ, à travers la consécration dans l'Esprit Saint, vous associe de façon singulière à son Sacerdoce pour le salut du monde. Chacun de vous est constitué pour rendre gloire à Dieu in persona Christi Capitis. Comme le Christ et unis à Lui, vous glorifierez Dieu et serez glorifiés par Lui en vous offrant vous-mêmes pour le salut du monde (cf. Jn 6,51), en aimant jusqu'à la fin les personnes que le Père vous confiera (cf. Jn 13,1), en vous lavant les pieds les uns les autres (cf. Jn 13,14).

Le Seigneur vous remet d'une nouvelle façon son commandement: "Je vous donne un commandement nouveau: "Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres"" (Jn 11,34). Ce commandement constitue pour vous un don et un engagement: le don du joug doux et léger du Christ (cf. Mt Mt 11,30); l'engagement de toujours porter ce joug les premiers, en devenant avec humilité des modèles pour le troupeau (cf. 1P 5,3) que le Bon Pasteur vous a confié. Vous devrez sans cesse avoir recours à son aide. Vous devrez toujours vous inspirer de son exemple.


935 3. Aujourd'hui, en repensant à la riche expérience de l'Année jubilaire, je voudrais vous remettre symboliquement la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, qui trace les lignes du chemin de l'Eglise, en cette nouvelle étape de l'histoire. C'est à vous qu'il revient de guider, avec un généreux dévouement, les pas du peuple chrétien, en tenant compte en particulier de deux grands domaines d'engagement pastoral: "Repartir du Christ" (nn. 29-41) et être des "témoins de l'Amour" (nn. 42-57). Dans ce deuxième domaine, caractérisé par la communion et par la charité, la "capacité de la communauté chrétienne de donner une place à tous les dons de l'Esprit", en incitant "tous les baptisés et les confirmés à prendre conscience de leur responsabilité active dans la vie ecclésiale" (n. 46) est déterminante.

Telle est, dans son sens le plus vaste et fondamental, la "pastorale des vocations", qu'il est nécessaire et urgent d'établir de façon ample et ramifiée. Il s'agit de susciter et de cultiver toujours davantage une "mentalité vocationnelle", qui se traduira par un style personnel et communautaire fondé sur l'écoute, le discernement et la réponse généreuse à l'appel de Dieu. Très chers candidats au sacerdoce, votre vocation est également le fruit de la prière de l'Eglise, ainsi que du travail assidu et patient de nombreux ouvriers à la moisson du Seigneur, qui ont labouré, semé et cultivé le terrain également pour vous. Votre persévérance est liée à cette solidarité spirituelle, qui ne doit jamais manquer dans l'Eglise. C'est pourquoi je voudrais remercier ici tous ceux qui, en silence et avec une pensée quotidienne, offrent leur prière et leur souffrance pour les prêtres et pour les vocations.


4. Paul et Barnabé "retournèrent à Lystres, Iconium et Antioche. Ils affermissaient le coeur des disciples, les encourageant à persévérer dans la foi, "car, disaient-ils, il nous faut passer par bien des tribulations pour entrer dans le Royaume de Dieu"" (
Ac 14,21-22). La vie de la communauté chrétienne n'est décrite qu'à travers quelques éléments, et est appelée à "persévérer dans la foi" face aux épreuves et aux nombreuses tribulations, nécessaires "pour entrer dans le Royaume de Dieu".

Chers ordinands, conscients de votre mission, vous aspirez à la sainteté, vous diffusez l'amour. Soyez tout d'abord amoureux de l'Eglise, de l'Eglise terrestre et de l'Eglise céleste, en la considérant avec foi et amour, malgré les taches et les rides qui peuvent marquer son visage humain. Sachez voir en elle "la Cité sainte, Jérusalem nouvelle", qui, comme le rapporte l'Apôtre dans le Livre de l'Apocalypse, "s'est faite belle, comme une jeune mariée parée pour son époux" (21, 2).

Les Actes des Apôtres soulignent le lien des missionnaires avec la communauté. La communauté est le milieu vital dont ils partent et vers lequel ils reviennent: ils reçoivent d'elle, pour ainsi dire, leur élan, et ils y ramènent l'expérience vécue, en reconnaissant les signes de l'action de Dieu dans la mission. Le prêtre n'est pas l'homme des initiatives individuelles; il est le ministre de l'Evangile au nom de l'Eglise. Chacune de ses oeuvres apostoliques part de l'Eglise et revient à l'Eglise.


5. Autour de vous, chers nouveaux ordinands, ne doit jamais manquer le soutien de la prière de la communauté. Paul et Barnabé étaient "recommandés à la grâce de Dieu pour l'oeuvre qu'ils venaient d'accomplir" (Ac 14,26). Très chers amis, aujourd'hui, vous êtes vous aussi "recommandés à la grâce de Dieu" pour la mission que vous devez accomplir dans l'Eglise: être des ministres du Christ-Prêtre et des pasteurs parmi son peuple. La communauté qui est à Rome prie pour vous. Les saints Apôtres Pierre et Paul intercèdent pour vous. La Vierge Marie, Salus Populi Romani et Mère des Prêtres, intercède pour vous.

Soutenus et animés par cette communion de prière fervente, allez! Prenez le large avec courage, toutes voiles dehors, poussés par le souffle de l'Esprit. Vous serez ainsi heureux de tout ce que le Seigneur accomplira à travers vous (cf. Ac Ac 14,27) et vous ferez l'expérience, malgré les épreuves et les difficultés, de la grandeur et de la joie de votre mission. Ainsi soit-il!



20 mai 2001, Visite pastorale dans la Paroisse romaine "Sainte Edith Stein"

Dimanche 20 mai 2001
1. "Mais le Paraclet, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit" (Jn 14,26). Telle est la grande promesse faite par Jésus, au cours de la Dernière Cène. Alors que le moment de la Croix approchait, Il rassure les Apôtres en leur disant qu'ils ne resteront pas seuls: l'Esprit Saint sera avec eux, le Paraclet, qui les soutiendra dans la grande mission d'apporter l'annonce de l'Evangile dans le monde entier.

Dans la langue originale, le grec, le terme Paraclet indique celui qui est à côté, pour protéger et soutenir celui qu'il assiste. Jésus retourne au Père, mais il continue son oeuvre d'enseignement et de guide de ses disciples à travers le don de l'Esprit.

936 En quoi consiste la mission de l'Esprit Saint promis? Selon le texte johannique que nous venons d'écouter, c'est Jésus lui-même qui l'indique: "Lui vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit" (Jn 14,26). Jésus a communiqué tout ce qu'il entendait confier aux Apôtres: avec lui, le Verbe incarné, la révélation est complète. L'Esprit "rappellera", c'est-à-dire qu'il fera comprendre pleinement et réaliser concrètement les enseignements de Jésus. C'est précisément ce qui se produit encore aujourd'hui dans l'Eglise. Comme l'affirme le Concile oecuménique Vatican II, guidée et soutenue par la lumière et la force de l'Esprit Saint, "l'Eglise, tandis que les siècles s'écoulent, tend constamment vers la plénitude de la divine vérité, jusqu'à ce que soient accomplies en elle les paroles de Dieu" (Dei Verbum DV 8).


2. Très chers frères et soeurs de la paroisse Sainte-Edith Stein! Je suis heureux d'être avec vous, en ce sixième dimanche du temps pascal, et de célébrer l'Eucharistie avec vous. Je salue avec affection le Cardinal-Vicaire, Mgr le Vice-gérant, votre zélé curé, dom Stefano Ranfi, ses collaborateurs et tous les fidèles de cette jeune communauté paroissiale. J'adresse un remerciement particulier à ceux qui, en votre nom à tous, m'ont adressé des paroles courtoises de bienvenue et des voeux pour mon quatre-vingt-unième anniversaire, que je viens de célébrer. Quatre-vingt-un ans! C'est déjà quelque chose! Je suis certain que vous continuerez à prier pour moi, afin que je puisse accomplir le ministère qui m'a été confié, dans une totale adhésion aux desseins de la divine Providence.

Mon salut plein de bienveillance et d'affection s'adresse aux enfants qui, au cours de cette Messe, vont recevoir pour la première fois la Sainte Communion. Je leur recommande vivement de rester unis à Jésus qui, aujourd'hui, dans le Pain eucharistique, entre en profonde communion avec leurs jeunes vies. Chers enfants, ayez confiance en Jésus! Aimez-le et observez toujours sa parole afin que, grâce au don de l'Esprit Saint qui transforme réellement le pain et le vin en son Corps et en son Sang, Il demeure toujours en vous et que vous puissiez toujours demeurer en Lui.

A vous qui m'écoutez à présent, et à tous les enfants, garçons et filles, qui cette année reçoivent la première communion dans leurs paroisses de Rome et du monde entier, je recommande de pratiquer fréquemment le Sacrement de la Confession, afin que la rencontre avec Jésus présent dans l'Eucharistie ait lieu avec un coeur pur et ouvert à l'action de la grâce. Je demande à vos familles et à toutes les familles de la paroisse, de favoriser un rapport stable et profond avec Jésus, à travers la participation assidue au catéchisme et à la Messe dominicale.


3. Très chers frères et soeurs! Votre communauté paroissiale a commencé son chemin au sein de la communauté diocésaine le 11 octobre 1998, le jour où j'eus la joie de proclamer sainte la fille d'Israël et martyre carmélite Edith Stein, que vous invoquez comme votre patronne spéciale.
Il y a beaucoup à apprendre de cette grande sainte contemporaine, également pour la vie d'une communauté comme la vôtre, qui désire être fidèle à sa vocation missionnaire. C'est pourquoi je vous invite à connaître et à approfondir toujours plus, de façon individuelle et communautaire, sa vie, ses écrits et ses enseignements. J'ai plaisir, en cette occasion, à rappeler la phrase qu'Edith Stein écrivit en 1933, lors-qu'elle se présenta à la Mère prieure du Monastère des Carmélites de Cologne, en Allemagne: "Ce n'est pas l'activité humaine qui peut nous aider, mais seulement la Passion du Christ. Mon désir est celui d'y participer".

Participer à la Passion du Christ! Tel est le secret pour réaliser une communauté véritablement et efficacement missionnaire. C'est pourquoi je me réjouis des belles initiatives de prière et de formation que vous êtes déjà en train d'accomplir, ou que vous projetez, compte tenu du manque de place et de locaux; un problème qui, nous l'espérons tous, sera réglé au plus tôt.

Je fais notamment référence aux temps communautaires de prière, tels que, par exemple, le chemin de Croix dans les rues du quartier et dans les familles, et le pèlerinage de la sainte image de Notre-Dame de Fatima. J'ai appris avec plaisir l'initiative pastorale opportune de la lettre mensuelle aux chrétiens, qui est envoyée à toutes les familles, pour les aider à se préparer grâce à des catéchèses appropriées aux principales fêtes de l'année liturgique. Dans ce contexte, je désire également exprimer ma satisfaction à ceux qui sont engagés dans les groupes d'évangélisation des familles, ainsi qu'aux adultes et aux jeunes qui font partie des chorales.


4. Pour favoriser la participation à la Passion du Christ, et donc à une oeuvre fructueuse d'annonce de l'Evangile dans le quartier, je ne peux que vous encourager à participer à l'adoration eucharistique qui se déroule ici chaque vendredi. Placer Jésus-Eucharistie au centre de la vie personnelle et communautaire, également à travers cette pieuse habitude, signifie placer en Lui les espérances que nous nourrissons pour un ensemencement de l'Evangile toujours plus incisif et courageux. Soyez-en certains: l'Eucharistie produit dans l'Eglise des fruits merveilleux et souvent inattendus!

Avec vous, je confie également au Seigneur la Mission populaire que vous avez en programme pour le prochain mois d'octobre. Il s'agira d'une mission adressée en particulier aux jeunes et qui sera animée par des élèves du Grand séminaire pontifical romain, mais qui doit interpeller tous les membres de votre communauté. Je souhaite de tout coeur qu'à travers la mission et grâce à la prière de chacun, les jeunes puissent rencontrer le Christ dans leur vie, le laisser parler à leur coeur et le choisir. Que le Seigneur veuille que dans cette communauté paroissiale également, comme dans tout le diocèse, grâce à la prière et à l'engagement de nombreuses personnes et familles, puissent se développer de multiples et saintes vocations sacerdotales, religieuses et missionnaires, des vocations dont l'Eglise a besoin aujourd'hui plus que jamais.


5. "Il [l'ange] me transporta donc en esprit sur une montagne de grande hauteur, et me montra la Cité sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, de chez Dieu, avec en elle la gloire de Dieu" (Ap 21,10). La vision de la Jérusalem céleste, décrite de façon suggestive dans l'Apocalypse, nous montre le but vers lequel tend l'Eglise et l'humanité tout entière. Il s'agit du but de la communion pleine et définitive des hommes avec Dieu. En se tournant vers celui-ci, les croyants s'engagent à vivre l'Evangile et contribuent dans le même temps à l'édification d'une cité terrestre selon le coeur de Dieu.

937 Que Marie, que nous vénérons et prions au cours de ce mois de mai avec une dévotion particulière comme notre mère céleste, protège toujours votre communauté et tout le diocèse de Rome. Puisse-t-elle nous aider, Elle qui la première a accueilli le Verbe divin dans son sein virginal, à être toujours plus conformes à son divin Fils, prêts à annoncer fidèlement la parole de l'Evangile et à la témoigner par la cohérence de notre vie. Amen!

A l'issue de la célébration eucharistique, le Saint-Père ajoutait les paroles suivantes:

Au cours de cette célébration eucharistique, il y avait du vent. Le vent est le symbole de l'Esprit Saint qui souffle. Ainsi, la première fois, il y eut un grand vent lorsque l'Esprit Saint descendit sur les Apôtres.

Je souhaite que ce vent d'aujourd'hui soit également le symbole de la descente de l'Esprit Saint sur votre jeune paroisse.



24 mai 2001, Célébration Eucharistique en conclusion du Concistoire Extraordinaire

Jeudi 24 mai 2001, Ascension du Seigneur




Messieurs les Cardinaux,
Vénérés frères dans l'épiscopat,
Très chers frères et soeurs!

1. Nous sommes rassemblés autour de l'autel du Seigneur pour célébrer son Ascension au Ciel. Nous avons écouté ses paroles: "Mais vous allez recevoir une force, celle de l'Esprit Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins [...] jusqu'aux extrémités de la terre" (
Ac 1,8). Depuis deux mille ans, ces paroles du Seigneur ressuscité poussent l'Eglise "au large" de l'histoire, la rendent contemporaine de toutes les cultures du monde.

Nous les écoutons à nouveau aujourd'hui pour accueillir avec une ferveur renouvelée l'impératif "duc in altum! - prends le large!" - que Jésus adressa un jour à Pierre: un impératif que j'ai voulu faire retentir dans toute l'Eglise dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte et qui, à la lumière de la solennité liturgique d'aujourd'hui, prend une signification encore plus profonde. L'altum vers lequel l'Eglise doit aller, n'est pas seulement un engagement missionnaire plus profond, mais, plus encore, un engagement contemplatif plus intense. Nous sommes également invités, comme les apôtres témoins de l'Ascension, à fixer le regard sur le visage du Christ, enveloppé par la splendeur de la gloire divine.

938 Assurément, contempler le ciel ne signifie pas oublier la terre. Si cette tentation nous venait à l'esprit, il nous suffirait d'entendre à nouveau les "deux hommes en robes blanches" de la page de l'Evangile d'aujourd'hui: "Pourquoi regardez-vous le ciel?". La contemplation chrétienne ne nous exempte pas de l'engagement historique. Le "ciel" dans lequel Jésus a été assumé n'est pas un éloignement, mais une dissimulation et une protection d'une présence qui ne nous abandonne jamais, jusqu'à ce qu'Il vienne dans la gloire. Entre temps, c'est l'heure exigeante du témoignage, pour qu'au nom du Christ "le repentir en vue de la rémission des péchés soit proclamé à toutes les nations" (cf. Lc 24,47).


2. C'est précisément pour raviver cette conscience, que j'ai voulu convoquer le Consistoire extraordinaire qui se termine aujourd'hui. Les Cardinaux du monde entier, que je salue avec une affection fraternelle, se sont réunis au cours de ces journées avec moi, pour affronter certains des thèmes les plus importants de l'évangélisation et du témoignage chrétien dans le monde d'aujourd'hui, au début d'un nouveau millénaire. Il s'est agi tout d'abord pour nous d'un moment de communion, au cours duquel nous avons ressenti un peu de cette joie qui envahit l'âme des apôtres, après que le Ressuscité, les bénissant, se soit détaché d'eux pour monter au ciel. Luc dit en effet que "s'étant prosternés devant lui, ils retournèrent à Jérusalem en grande joie, et ils étaient constamment dans le temple à bénir Dieu" (Lc 24,52-53).

La nature missionnaire de l'Eglise plonge ses racines dans cette icône des origines. Elle en porte les traits. Elle en repropose l'esprit. Elle le repropose en commençant par l'expérience de la joie, que le Seigneur Jésus a promise à ceux qui l'aiment: "Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète" (Jn 15,11). Si notre foi dans le Seigneur ressuscité est vivante, l'âme ne peut être que comblée de joie, et la mission se présente comme un "débordement" de joie, qui nous pousse à apporter à tous la "belle nouvelle" du salut avec un courage exempt de peurs et de complexes, même si cela devait être au prix du sacrifice de notre vie.

La nature missionnaire de l'Eglise, qui part du Christ, trouve son soutien dans la collégialité épiscopale et est encouragée par le Successeur de Pierre, dont le ministère vise à promouvoir la communion dans l'Eglise, en garantissant l'unité dans le Christ de tous les fidèles.


3. Ce fut précisément cette expérience qui fit de Paul l'"Apôtre des nations", le conduisant à parcourir une grande partie du monde alors connu, sous l'impulsion d'une force intérieure qui l'obligeait à parler du Christ: "Vae mihi est si non evangelizavero - Oui, malheur à moi si je n'annonçais pas l'Evangile!" (1Co 9,16). J'ai voulu moi aussi, au cours du récent pèlerinage apostolique en Grèce, en Syrie et à Malte, me mettre sur ses traces, en complétant presque, de cette façon, mon pèlerinage jubilaire. J'ai fait l'expérience, au cours de celui-ci, de la joie de partager avec une admiration affectueuse divers aspects de la vie de nos biens-aimés frères catholiques orientaux et de voir s'ouvrir de nouvelles perspectives oecuméniques dans les relations avec nos frères orthodoxes, que nous aimons tout autant: avec l'aide de Dieu, des pas significatifs ont été accomplis vers l'objectif espéré de la pleine communion.

La rencontre avec les musulmans a également été belle. De même qu'au cours de mon pèlerinage tant désiré sur la Terre du Seigneur, accompli au cours du grand Jubilé, j'ai eu l'occasion de souligner les liens particuliers de notre foi avec celle du peuple juif, ainsi, le moment du dialogue avec les fidèles de l'Islam a été très intense. En effet, le Concile Vatican II nous a enseigné que l'annonce du Christ, unique Sauveur, ne nous empêche pas, mais au contraire nous suggère, d'avoir des pensées et des gestes de paix envers les croyants appartenant à d'autres religions (cf. Nostra aetate NAE 2).


4. Vous serez mes témoins! Ces paroles de Jésus aux apôtres, avant l'Ascension, déterminent bien le sens de l'évangélisation de toujours, mais elles retentissent de façon particulièrement actuelle à notre époque. Nous vivons à une époque où la parole est surabondante, multipliée de façon invraisemblable par les moyens de communication sociale, qui ont un grand pouvoir sur l'opinion publique, tout autant en bien qu'en mal. Mais la parole dont nous avons besoin est celle qui est riche de sagesse et de sainteté. C'est pourquoi j'ai écrit dans Novo millennio ineunte que "la perspective dans laquelle doit se placer tout le cheminement pastoral est celle de la sainteté" (n. 30), cultivée dans l'écoute de la Parole de Dieu, dans la prière et dans la vie eucharistique, en particulier à l'occasion de la célébration hebdomadaire du "Dies Domini". Ce n'est que grâce au témoignage de chrétiens véritablement engagés à vivre l'Evangile de façon radicale que le message du Christ peut pénétrer dans notre monde.

L'Eglise doit aujourd'hui affronter d'immenses défis, qui mettent à l'épreuve la confiance et l'enthousiasme des annonciateurs. Il ne s'agit pas seulement de problèmes "quantitatifs", dus au fait que les chrétiens constituent une minorité, alors que le processus de sécularisation continue à miner la tradition chrétienne, également dans des pays d'antique évangélisation. Des problèmes encore plus graves découlent d'un changement général du panorama culturel, dominé par la primauté des sciences expérimentales inspirées des critères de l'épistémologie scientifique. Même lorsqu'il se montre sensible à la dimension religieuse et qu'il semble justement la redécouvrir, le monde moderne accepte tout au plus l'image du Dieu Créateur, alors qu'il trouve difficile d'accueillir - comme cela arriva aux auditeurs de Paul à l'aréopage d'Athènes (cf. Ac Ac 17,32-34) - le "scandalum crucis" (cf. 1Co 23), le "scandale" d'un Dieu qui, par amour, entre dans notre histoire et se fait homme, mourant et ressuscitant pour nous. Il est facile de comprendre le défi que cela comporte pour les écoles et les Universités catholiques, ainsi que pour les centres de formation de philosophie et de théologie des candidats au sacerdoce, des lieux dans lesquels il faut offrir une préparation culturelle qui soit à la hauteur du moment culturel présent.

Des problèmes supplémentaires dérivent du phénomène de la mondialisation qui, si elle offre l'avantage de rapprocher les peuples et les cultures, en rendant plus accessibles à chacun d'innombrables messages, ne facilite cependant pas le discernement et une synthèse mûre, favorisant une attitude relativiste qui rend plus difficile d'accepter le Christ comme "chemin, vérité et vie" (Jn 14,6) pour chaque homme.

Que dire ensuite de ce qui apparaît dans le domaine des interrogations morales? Jamais autant qu'aujourd'hui, en particulier sur le plan des grands thèmes de la bioéthique, ainsi que sur celui de la justice sociale, de l'institution familiale, de la vie conjugale, l'humanité n'a été interpellée par des questions graves, qui remettent en question son destin lui-même.

Le Consistoire a longuement réfléchi sur certaines de ces questions, en développant des analyses approfondies et en proposant des solutions réfléchies. Plusieurs questions seront reprises lors du prochain Synode des Evêques, qui s'est révélé être un instrument valable et efficace de la collégialité épiscopale, au service des Eglises locales. Je vous suis reconnaissant, vénérés frères Cardinaux, des contributions précieuses que vous venez d'offrir: à partir de celles-ci, j'entends tirer des orientations concrètes opportunes, pour que l'action pastorale et évangélisatrice dans toute l'Eglise se développe dans un objectif missionnaire, avec une pleine conscience des défis d'aujourd'hui.


939 5. Le mystère de l'Ascension nous ouvre aujourd'hui l'horizon idéal dans lequel cet engagement doit se placer. C'est tout d'abord l'horizon de la victoire du Christ sur la mort et sur le péché. Il monte au ciel comme roi d'amour et de paix, source de salut pour l'humanité tout entière. Il monte pour "paraître maintenant devant la face de Dieu en notre faveur", comme nous l'avons écouté dans l'Epître aux Hébreux (9, 24). Ce qui nous vient de la Parole de Dieu est une invitation à la confiance: "Celui qui a promis est fidèle" (He 10,23).

En outre, l'Esprit que le Christ a répandu sans limites, nous donne de la force. L'Esprit est le secret de l'Eglise d'aujourd'hui, comme il l'a été pour l'Eglise de la première heure. Nous serions condamnés à l'échec, si la promesse faite par Jésus aux premiers apôtres ne continuait pas à être valable pour nous: "Et voici que moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Vous donc, demeurez dans la ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en-haut" (Lc 24,49). L'Esprit, le Christ, le Père: toute la Trinité est engagée avec nous!

Oui, chers frères et soeurs! Nous ne serons pas seuls à parcourir le chemin qui nous attend. Nous sommes accompagnés par les prêtres, les religieux et les laïcs, jeunes et adultes, sérieusement engagés pour donner à l'Eglise, sur l'exemple de Jésus, un visage de pauvreté et de miséricorde en particulier à l'égard des plus indigents et des laissés-pour-compte, un visage qui doit resplendir grâce au témoignage de la communion dans la vérité et dans l'amour. Nous ne serons pas seuls, en particulier parce que la Très Sainte Trinité sera avec nous. Les engagements que j'ai confiés comme consigne à toute l'Eglise dans Novo millennio ineunte, les problèmes sur lesquels le Consistoire a réfléchi, ne seront pas affrontés uniquement avec des forces humaines, mais avec la puissance qui vient d'"en-haut". Telle est la certitude qui trouve sans cesse sa confirmation dans la contemplation du Christ monté au ciel. En Le regardant, nous accueillons volontiers l'avertissement de l'Epître aux Hébreux, à garder "indéfectible la confession de l'espérance, car celui qui a promis est fidèle" (10, 23).

Notre engagement renouvelé devient chant de louange, alors qu'avec les paroles du Psaume, nous indiquons à tous les peuples du monde le Christ ressuscité et monté au ciel: "Tous les peuples, battez des mains, acclamez Dieu en éclats de joie [...] C'est [Dieu] le roi de toute la terre" (Ps 46/47, 1.8).

C'est donc avec une confiance renouvelée que "nous prenons le large" en son nom!



3 juin 2001: Solennité de Pentecôte et translation du Bx Jean XXIII

Dimanche 3 juin 2001



1. "Tous furent alors remplis de l'Esprit Saint" (Ac 2,4).

C'est ce qui eut lieu à Jérusalem lors de la Pentecôte. Aujourd'hui, rassemblés sur cette Place, coeur du monde catholique, nous revivons l'atmosphère de ce jour. A notre époque également, comme au Cénacle de Jérusalem, l'Eglise est traversée par un "violent coup de vent". Elle fait l'expérience du souffle divin de l'Esprit, qui l'ouvre à l'évangélisation du monde.

Par une heureuse coïncidence, nous avons la joie d'accueillir en la solennité d'aujourd'hui, à côté de l'autel, la vénérée dépouille mortelle du bienheureux Jean XXIII, que Dieu a modelé avec son Esprit, faisant de lui un admirable témoin de son amour. Mon vénéré prédécesseur s'est éteint il y a trente-huit ans, le 3 juin 1963, précisément alors qu'une grande foule de fidèles priait sur la place Saint-Pierre, spirituellement rassemblée à son chevet. La commémoration d'aujourd'hui se relie à cette prière et, alors que nous commémorons la mort de ce bienheureux Pontife, nous rendons grâce à Dieu qui l'a donné à l'Eglise et au monde.

En tant que prêtre, évêque et Pape, le bienheureux Angelo Roncalli a été très docile à l'action de l'Esprit, qui l'a guidé sur la voie de la sainteté. C'est pourquoi, dans la communion vivante des saints, nous voulons célébrer la solennité de la Pentecôte en particulière harmonie avec lui, en nous laissant accompagner par certaines de ses réflexions inspirées.


940 2. "La lumière de l'Esprit Saint fait irruption dès les premières paroles du Livre des Actes des Apôtres... La marche impétueuse de l'Esprit Divin précède et accompagne les évangélisateurs en pénétrant dans les âmes de ceux qui les écoutent et en amplifiant les frontières de l'Eglise catholique jusqu'aux confins de la terre, passant à travers tous les siècles de l'histoire" (Discours, Messages, Colloques du Saint-Père Jean XXIII, II, p. 398).

Par ces paroles, prononcées lors de la Pentecôte de 1960, le Pape Jean nous aide à saisir l'irrépressible poussée missionnaire propre au mystère que nous célébrons en cette solennité. L'Eglise naît missionnaire parce qu'elle naît du Père, qui a envoyé le Christ dans le monde; du Fils qui, mort et ressuscité, a envoyé les Apôtres à toutes les nations; de l'Esprit Saint, qui leur communique la lumière et la force nécessaires pour accomplir cette mission.

Dans cette dimension missionnaire originelle, l'Eglise est également l'icône de la Très Sainte Trinité: elle reflète dans l'histoire la fécondité surabondante qui est propre à Dieu lui-même, source d'amour permanente qui engendre la vie et la communion. Par sa présence et son action dans le monde, l'Eglise répand parmi les hommes ce dynamisme mystérieux, en diffusant le Royaume de Dieu, qui est "justice, paix et joie dans l'Esprit Saint" (
Rm 14,17).


3. Le Concile oecuménique Vatican II, annoncé, lancé et ouvert par le Pape Jean XXIII, a été conscient de cette vocation de l'Eglise.

L'Esprit Saint peut bien dire qu'il a été le protagoniste du Concile, dès que le Pape l'a convoqué, déclarant avoir accueilli comme venant d'en-haut une voix intérieure qui avait retenti dans son esprit (cf. Cons. apost. Humanae salutis, 25 déc. 1961, 6). Cette brise légère devint un "violent coup de vent" et l'événement conciliaire prit la forme d'une Pentecôte renouvelée. "C'est en effet dans la doctrine et dans l'esprit de la Pentecôte - affirma le Pape Jean - que le grand événement du Concile oecuménique prend substance et vie" (Discours, Messages, Colloques, cit. p.398).

Très chers frères et soeurs, si nous rappelons aujourd'hui cette saison ecclésiale particulière, c'est parce que le grand Jubilé de l'An 2000 s'est placé dans la continuité du Concile Vatican II, en reprenant de nombreux aspects de sa doctrine et de sa méthode. Le récent Consistoire extraordinaire en a reproposé l'actualité et la richesse pour les nouvelles générations chrétiennes. Tout cela constitue pour nous un motif supplémentaire de reconnaissance à l'égard du bienheureux Pape Jean XXIII.


4. En particulier, dans le contexte de la célébration d'aujourd'hui, je voudrais souligner que le don le plus précieux laissé par le Pape Jean au Peuple de Dieu a été sa propre personne, c'est-à-dire son témoignage de sainteté.

Ce qu'il affirma des saints est également valable pour lui-même, c'est-à-dire que chacun d'eux "est un chef-d'oeuvre de grâce de l'Esprit Saint" (ibid., p. 400). En pensant aux martyrs et aux Pontifes enterrés à Saint-Pierre, il ajoutait des paroles qu'il est émouvant d'écouter à nouveau aujourd'hui: "Parfois les reliques de leurs corps sont réduites à peu de choses, mais il y palpite toujours leur souvenir et leur prière". Il s'exclamait: "Oh! Les saints, les saints du Seigneur, qui partout nous réjouissent, nous encouragent, nous bénissent" (Ibid., p. 401).

Ces expressions du Pape Jean, étayées par l'exemple lumineux de son existence, mettent bien en lumière l'importance du choix de la sainteté comme voie privilégiée de l'Eglise au début du nouveau millénaire (cf. Novo millennio ineunte NM 30-31). La volonté généreuse de collaborer avec l'Esprit pour sa propre sanctification et celle de ses frères est en effet la condition préalable et indispensable à la nouvelle évangélisation.


5. Si l'évangélisation requiert la sainteté, celle-ci a pour sa part besoin de la lymphe de la vie spirituelle: de la prière et de l'union intime avec Dieu à travers la Parole et les Sacrements. Elle a besoin, en un mot, de la vie dans l'Esprit, profonde et personnelle.

Comment ne pas rappeler, également à ce propos, le riche héritage spirituel que nous a laissé Jean XXIII dans son "Journal de l'âme"? Dans ces pages, on peut admirer de près l'engagement quotidien avec lequel, dès les années de séminaire, il voulut pleinement répondre à l'action de l'Esprit Saint. Il s'est laissé modeler par l'Esprit jour après jour, cherchant avec une ténacité patiente à se conformer toujours davantage à sa volonté. C'est là que se trouve le secret de la bonté avec laquelle il a conquis le Peuple de Dieu et tant d'hommes de bonne volonté.


941 6. En nous confiant à son intercession, nous voulons aujourd'hui demander au Seigneur que la grâce du grand Jubilé rayonne sur le nouveau millénaire, à travers le témoignage de sainteté des chrétiens.
Nous professons avec confiance que cela est possible. Cela est possible grâce à l'action de l'Esprit Paraclet qui, selon la promesse du Christ, reste toujours avec nous.

Animés par une solide espérance, en reprenant les paroles mêmes du bienheureux Jean XXIII, nous disons: "O Saint Esprit Paraclet... rends forte et permanente la prière que nous élevons au nom du monde entier; accélère pour chacun de nous les temps d'une profonde vie intérieure: donne de l'élan à notre apostolat, qui veut atteindre tous les hommes et tous les peuples. Fais disparaître en nous la présomption naturelle, et entraîne-nous dans les régions de la sainte humilité, de la véritable crainte de Dieu, du courage généreux. Qu'aucun lien terrestre ne nous empêche de faire honneur à notre vocation; qu'aucun intérêt, en raison de notre indolence, ne supprime les exigences de la justice; qu'aucun calcul ne renferme les espaces immenses de la charité à l'intérieur des angoisses des petits égoïsmes. Que tout soit grand en nous: la recherche et le culte de la vérité; la promptitude au sacrifice jusqu'à la croix et à la mort; et que tout, enfin, corresponde à la dernière prière du Fils au Père céleste; et à cette effusion de Toi que, ô Saint Esprit d'amour, le Père et le Fils voulurent sur l'Eglise et sur ses institutions, sur les âmes individuelles et sur les peuples. Amen" (Discours Messages, Colloques, cit., IV, p.350).

Veni, Sancte Spiritus, veni!



10 juin 2001, Sainte Trinité - Canonisation de 5 Bienheureux

Dimanche 10 juin 2001, Solennité de la Sainte Trinité


1. "Béni soit Dieu le Père, et le Fils unique de Dieu, et l'Esprit Saint: car son amour pour nous est grand" (Antienne de début).

La liturgie tout entière est toujours orientée vers le mystère trinitaire, source de vie pour chaque croyant, mais elle l'est encore plus spécialement en la fête d'aujourd'hui de la Très Sainte Trinité.
"Gloire au Père, gloire au Fils, gloire à l'Esprit Saint": chaque fois que nous proclamons ces paroles, synthèse de notre foi, nous adorons l'unique et véritable Dieu en trois Personnes. Nous contemplons émerveillés ce mystère qui nous enveloppe totalement. Un mystère d'amour, un mystère de sainteté ineffable.

"Saint, Saint, Saint est le Seigneur, Dieu de l'univers" chanterons-nous d'ici peu, en entrant dans le coeur de la prière eucharistique. Le Père a tout créé avec sagesse et une providence aimante; le Fils par sa mort et sa résurrection nous a rachetés; l'Esprit Saint nous sanctifie par la plénitude de ses dons de grâce et de miséricorde.

Nous pouvons à juste titre définir la solennité d'aujourd'hui comme une "fête de la sainteté". En ce jour, la cérémonie de canonisation de cinq bienheureux trouve donc son cadre le plus harmonieux: Luigi Scrosoppi, Agostino Roscelli, Bernardo da Corleone, Teresa Eustochio Verzeri, Rafqa Pietra Choboq Ar-Rayès.


942 2. "Ayant donc reçu notre justification de la foi, nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ" (Rm 5,1).

Pour l'Apôtre Paul, comme nous l'avons entendu dans la seconde Lecture, la sainteté est un don que le Père nous communique à travers Jésus-Christ. En effet, la foi en Lui est un début de sanctification. A travers la foi l'homme entre dans l'ordre de la grâce; à travers la foi il espère prendre part à la gloire de Dieu. Cette espérance n'est pas une vaine illusion, mais le fruit sûr d'un chemin ascétique face à de nombreuses épreuves, affrontées avec patience et une vertu éprouvée.
Ce fut l'expérience de saint Luigi Scrosoppi, au cours d'une vie entièrement consacrée à l'amour du Christ et de ses frères, en particulier des plus faibles et sans défense.

"Charité! Charité!": cette exclamation jaillit de son coeur au moment de quitter le monde pour le Ciel. Il exerça la charité de façon exemplaire, en particulier à l'égard des jeunes filles orphelines et abandonnées, entraînant un groupe d'éducatrices, avec lesquelles il fonda l'Institut des "Soeurs de la Divine Providence".

La charité fut le secret de son apostolat long et inlassable, nourri d'un contact permanent avec le Christ, contemplé et imité dans l'humilité et dans la pauvreté de sa naissance à Bethléem, dans la simplicité de sa vie laborieuse à Nazareth, dans la complète immolation sur le Calvaire, dans le silence éloquent de l'Eucharistie. C'est pourquoi l'Eglise le présente aux prêtres et aux fidèles comme modèle d'une synthèse profonde et efficace entre la communion avec Dieu et le service aux frères. Le modèle, en d'autres termes, d'une existence vécue en intense communion avec la Très Sainte Trinité.


3. "Son amour pour nous est grand". L'amour de Dieu pour les hommes s'est manifesté de manière particulièrement évidente dans la vie de saint Agostino Roscelli, que nous contemplons aujourd'hui dans la splendeur de la sainteté. Son existence, toute imprégnée de foi profonde, peut être considérée comme un don offert pour la gloire de Dieu et pour le bien des âmes. Ce fut la foi qui le rendit toujours obéissant à l'Eglise et à ses enseignements, dans une adhésion docile au Pape et à son propre Evêque. Il sut puiser dans la foi le réconfort pour affronter les heures sombres, les âpres difficultés et les événements douloureux. La foi fut le roc solide auquel il sut s'accrocher pour ne jamais céder au découragement.

Il sentit le devoir de communiquer cette même foi aux autres, en particulier à ceux qu'il approchait dans le mystère de la confession. Il devint un maître de vie spirituelle, en particulier pour les Soeurs qu'il fonda, qui le virent toujours serein même face aux situations les plus critiques. Saint Agostino Roscelli nous exhorte nous aussi à avoir toujours confiance en Dieu, en nous plongeant dans le mystère de son amour.


4. "Gloire au Père, au Fils et à l'Esprit Saint". A la lumière du mystère de la Trinité le témoignage évangélique de saint Bernardo da Corleone, lui aussi élevé aux honneurs des autels, acquiert également une éloquence singulière. Tous s'émerveillaient devant lui et se demandaient comment un frère laïc pouvait parler de façon aussi éminente du mystère de la très Sainte Trinité. En effet, sa vie fut entièrement tendue vers Dieu, à travers un effort constant d'ascèse, tissée de prière et de pénitence. Ceux qui l'ont connu attestent de façon unanime qu'il "était toujours occupé à la prière", "jamais il ne cessait de prier", "il priait sans cesse" (Summ., 35). De ce dialogue ininterrompu avec Dieu, qui trouvait dans l'Eucharistie son centre dynamique, il tirait la lymphe vitale pour son courageux apostolat, en répondant aux défis sociaux de l'époque, qui ne manquait pas de ten-sions et de problèmes.

Aujourd'hui aussi le monde a besoin de saints comme Fra' Bernardo plongés en Dieu et précisément pour cette raison capables d'en transmettre la vérité et l'amour. L'humble exemple de ce Capucin constitue un encouragement à ne pas se lasser de prier, la prière et l'écoute de Dieu étant précisément l'âme de la sainteté authentique.


5. "L'Esprit de vérité vous guidera à la vérité tout entière" (Antienne de Communion). Teresa Eustochio Verzeri, que nous contemplons aujourd'hui dans la gloire de Dieu, se laissa conduire docilement par l'Esprit Saint au cours de son existence, brève mais intense. Dieu se révéla à Elle comme une présence devant laquelle on doit s'incliner avec une profonde humilité. Sa joie était de se considérer sous la constante protection divine, en se sentant entre les mains du Père céleste, en qui elle apprit à avoir toujours confiance.

S'abandonnant à l'action de l'Esprit, Teresa vécut l'expérience mystique particulière "de l'absence de Dieu". Seule une foi inébranlable l'empêcha de ne pas perdre la confiance en ce Père porvidentiel et miséricordieux, qui la mettait à l'épreuve: "Il est juste - écrivait-elle - que l'épouse, après avoir suivi l'époux dans toutes les peines qui accompagnèrent sa vie, prenne encore part avec lui à la plus terrible" (Livre des devoirs, III, 130).

943 Tel est l'enseignement que sainte Teresa laisse à l'Institut des "Filles du Sacré-Coeur de Jésus", qu'elle fonda. Tel est l'enseignement qu'elle nous laisse à tous. Même face aux contrariétés et aux souffrances intérieures et extérieures, il faut conserver vivante la foi en Dieu le Père, Fils et Esprit Saint.


6. En canonisant la Bienheureuse Rafqa Choboq Ar-Rayès, l'Eglise met en lumière d'une manière toute particulière le mystère de l'amour donné et accueilli pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Cette moniale de l'Ordre libanais maronite désirait aimer et donner sa vie pour ses frères. Dans les souffrances qui n'ont cessé de la tourmenter durant les vingt-neuf dernières années de son existence, sainte Rafqa a toujours manifesté un amour généreux et passionné pour le salut de ses frères, puisant dans son union au Christ, mort sur la croix, la force d'accepter volontairement et d'aimer la souffrance, authentique voie de sainteté.

Puisse sainte Rafqa veiller sur ceux qui connaissent la souffrance, en particulier sur les peuples du Moyen-Orient affrontés à la spirale destructrice et stérile de la violence! Par son intercession, demandons au Seigneur d'ouvrir les coeurs à la recherche patiente de nouvelles voies pour la paix, hâtant les jours de la réconciliation et de la concorde!


7. "Yahvé, notre Seigneur, qu'il est puissant ton nom par toute la terre!" (
Ps 8,2 Ps 8,10). En contemplant ces lumineux exemples de sainteté, l'invocation du Psalmiste revient spontanément dans le coeur. Le Seigneur ne cesse de donner à l'Eglise et au monde d'admirables exemples d'hommes et de femmes, dans lesquels se reflète sa gloire trinitaire. Leur témoignage nous pousse à regarder vers le Ciel et à chercher sans répit le Royaume de Dieu et sa justice.

Marie, Reine de tous les Saints, qui la première a accueilli l'appel du Très-Haut, soutiens-nous dans notre service à Dieu et aux frères. Et vous, marchez avec nous, saint Luigi Scrosoppi, Agostino Roscelli, Bernardo da Corleone, Teresa Eustachio Verzeri, Rafqa Pietra Choboq Ar-Rayès, afin que notre existence, comme la vôtre, soit une louange au Père, au Fils et à l'Esprit Saint. Amen!



14 juin 2001, Solennité du Corpus Domini

Jeudi 14 juin 2001



1. "Ecce panis Angelorum, / factus cibus viatorum: / vere panis filiorum - "Voilà le pain des anges, / le pain des pèlerins, / le vrai pain des fils" (Séquence).

Aujourd'hui, l'Eglise présente au monde le Corpus Domini - le Corps du Christ. Elle invite à l'adorer: venite adoremus - Venez, adorons-le!

Les regards des croyants se concentrent sur le Sacrement, dans lequel Jésus a laissé toute sa personne: Corps, Sang, Ame et Divinité. C'est pourquoi il a toujours été considéré le plus Saint: le " très saint Sacrement", mémorial vivant du Sacrifice rédempteur.

Nous revenons, en la solennité du Corpus Domini, à ce "Jeudi" que nous appelons tous "saint", où le Rédempteur célébra sa dernière Pâque avec les disciples: ce fut la Dernière Cène, l'accomplissement de la cène pascale juive et l'inauguration du rite eucharistique.

944 C'est pour cette raison que l'Eglise a choisi, depuis des siècles, un jeudi pour la solennité du Corpus Domini, fête d'adoration, de contemplation et d'exaltation. La fête lors de laquelle le Peuple de Dieu se rassemble autour du trésor le plus précieux hérité du Christ, le sacrement de sa présence elle-même, et le loue, le chante, le porte en procession dans les rues des villes.


2. "Lauda, Sion, Salvatorem" (Séquence).

La nouvelle Sion, la Jérusalem spirituelle, dans laquelle se rassemblent les fils de Dieu de chaque peuple, langue et culture, loue le Sauveur avec des hymnes et des cantiques. En effet, l'émerveillement et la reconnaissance pour le don reçu sont inépuisables. Ce don "dépasse toute louange, il n'y a pas de chant qui en soit digne" (ibid.).

Voilà un mystère sublime et ineffable. Un mystère devant lequel on reste stupéfaits et silencieux, dans une attitude de contemplation profonde et d'extase.


3. "Tantum ergo Sacramentum veneremur cernui - Prosternés, nous adorons un aussi grand sacrement".

Le Christ mort et ressuscité pour nous est réellement présent dans la sainte Eucharistie.

Dans le Pain et le Vin consacrés, celui qui reste avec nous est le même Jésus que celui des Evangiles, que les disciples ont rencontré et suivi, qu'ils ont vu crucifié et ressuscité, dont Thomas a touché les plaies en se prosternant en adoration et en s'exclamant: "Mon Seigneur et mon Dieu!" (
Jn 20,28) (cf. Ibid., 17-20).

Dans le Sacrement de l'autel s'offre à notre contemplation pleine d'amour toute la profondeur du mystère du Christ, le Verbe et la chair, la gloire divine et sa tente plantée parmi les hommes. Face à celui-ci, nous ne pouvons pas douter que Dieu est "avec nous", qu'il a assumé en Jésus-Christ toutes les dimensions de l'être humain, hormis le péché, en se dépouillant de sa gloire pour nous en revêtir (cf. Ibid., 21-23).

Dans son Corps et dans son Sang se manifeste le visage invisible du Christ, le Fils de Dieu, de la façon la plus simple et, dans le même temps, la plus élevée possible dans ce monde. Aux hommes de chaque époque qui, perplexes, demandent: "Nous voulons voir Jésus" (Jn 12,21), la communauté ecclésiale répond en répétant le geste que le Seigneur lui-même accomplit pour les disciples d'Emmaüs: il rompt le pain. Lorsque le pain est rompu, les yeux de celui qui le cherche avec un coeur sincère s'ouvrent alors. Dans l'Eucharistie, le regard du coeur reconnaît Jésus et son amour incomparable qui se donne "jusqu'à la fin" (Jn 13,1). Et en Lui, dans son geste, il reconnaît le Visage de Dieu!


4. "Ecce panis Angelorum... vere panis filiorum - Voilà le pain des anges... le vrai pain des fils".
Nous nous nourrissons de ce pain pour devenir des témoins authentiques de l'Evangile. Nous avons besoin de ce pain pour croître dans l'amour, la condition indispensable pour reconnaître le visage du Christ dans le visage des frères.

945 Notre communauté diocésaine a besoin de l'Eucharistie pour poursuivre le chemin du renouveau missionnaire qu'elle a entrepris. Ces jours derniers a précisément eu lieu à Rome le Congrès diocésain qui a analysé "les perspectives de communion, de formation et à caractère missionnaire du diocèse de Rome pour les prochaines années". Il faut continuer à marcher "en repartant" du Christ, c'est-à-dire de l'Eucharistie. Marchons avec générosité et courage en recherchant la communion au sein de notre communauté ecclésiale et en nous consacrant avec amour au service humble et désintéressé envers tous, en particulier les plus indigents.

Jésus nous précède sur ce chemin à travers le don de soi jusqu'au sacrifice et il nous offre sa propre personne comme nourriture et soutien. Bien plus, à chaque époque, il ne cesse de répéter aux pasteurs du Peuple de Dieu: "Donnez-leur vous-mêmes à manger" (
Lc 9,13); rompez pour tous ce pain de vie éternelle.

Il s'agit d'une tâche exigeante et exaltante. Une mission qui durera jusqu'à la fin des temps.

5. "Ils mangèrent et furent tous rassasiés" (Lc 9,17). A travers les paroles de l'Evangile, que nous venons d'écouter, parvient jusqu'à nous l'écho d'une fête qui, depuis deux mille ans, n'a pas de fin. La fête du peuple en marche dans l'exode du monde, nourri du Christ, vrai Pain de salut.

Au terme de la sainte Messe, nous nous mettrons nous aussi en marche dans le coeur de Rome, en portant le Corps du Christ caché dans nos coeurs et bien visible dans l'ostensoir. Nous accompagnerons le Pain de vie immortelle dans les rues de la ville. Nous l'adorerons et, autour de Lui, se rassemblera l'Eglise, ostentoir vivant du Sauveur du monde.

Que les chrétiens de Rome, affermis par son Corps et son Sang, présentent le Christ à tous à travers leur façon de vivre: à travers leur unité, à travers leur foi joyeuse, à travers leur bonté!

Que notre communauté diocésaine reparte courageusement du Christ, Pain de vie immortelle!

Et Toi, Jésus, pain vivant qui donnes la vie, pain des pèlerins, "nourris-nous et défends-nous, / conduis-nous aux biens éternels / sur la terre des vivants".

Amen!



24 juin 2001: Messe en rite latin - Aéroport de Chayka (Ukraine)
Dimanche 24 juin 2001,
946 Solennité de la Nativité de saint Jean-Baptiste




1. "Yahvé m'a appelé dès le sein maternel, dès les entrailles de ma mère il a prononcé mon nom" (
Is 49,1).

Nous célébrons aujourd'hui la naissance de saint Jean-Baptiste. Les paroles du prophète Isaïe s'adaptent bien à cette grande figure biblique qui se situe entre l'Ancien et le Nouveau Testament. Dans la longue file des prophètes et des justes d'Israël, Jean "le Baptiseur" a été placé par la Providence immédiatement avant le Messie, pour Lui préparer la voie à travers la prédication et le témoignage de vie.

Parmi tous les saints et les saintes, Jean est le seul dont la liturgie célèbre la naissance. Nous avons entendu dans la première Lecture que le Seigneur a appelé son Serviteur "dès les entrailles de sa mère". Dans sa plénitude, cette affirmation se réfère au Christ, mais, par reflet, elle peut également s'appliquer à son Précurseur. Tous deux viennent à la lumière grâce à une intervention particulière de Dieu: le premier naît de la Vierge, le second d'une femme âgée et stérile. Dès le sein maternel Jean préannonce Celui qui révélera au monde l'initiative d'amour de Dieu.


2. "Dès les entrailles de ma mère tu m'a appelé" (Psaume responsorial). Aujourd'hui, nous pouvons faire nôtre cette exclamation du Psalmiste. Dieu nous a connus et aimés avant encore que nos yeux puissent contempler les merveilles de la création. En naissant, chaque homme reçoit un nom humain. Mais avant encore, il possède un nom divin: le nom avec lequel Dieu le Père le connaît et l'aime depuis toujours et pour toujours. Il en est ainsi pour tous, sans exclusion. Aucun homme n'est anonyme pour Dieu! Tous possèdent une valeur égale à ses yeux: ils sont tous différents, mais tous égaux, tous appelés à être des fils dans le Fils.

"Jean est son nom" (Lc 1,63). Zacharie confirme aux parents émerveillés le nom de leur fils, en l'écrivant sur une tablette. Dieu lui-même, par l'intermédiaire de son ange, avait indiqué ce nom, qui en hébreux signifie "Dieu est favorable". Dieu est favorable à l'homme: il veut qu'il vive, il veut son salut. Dieu est favorable à son peuple: il veut en faire une bénédiction pour toutes les nations de la terre. Dieu est favorable à l'humanité: il en guide le chemin vers la terre où règnent la paix et la justice. Tout cela est inscrit dans ce nom: Jean!

Très chers frères et soeurs! Jean-Baptiste était le messager, le précurseur: il avait été envoyé pour préparer la voie au Christ. Que nous dit la figure de saint Jean-Baptiste précisément ici, à Kiev, au début de mon pèlerinage dans votre terre? N'est-ce pas un fait providentiel, dans un certain sens, que cette figure s'adresse à nous précisément à Kiev?


3. C'est ici qu'eut lieu le Baptême de la Rus'. De Kiev commença la floraison de vie chrétienne que l'Evangile devait d'abord susciter dans la terre de l'antique Rus', puis dans les territoires de l'Europe de l'Est et, ensuite, au-delà de l'Oural, dans les territoires asiatiques. Kiev a donc également joué, dans un certain sens, le rôle de "précurseur du Seigneur" parmi les nombreux peuples à qui l'annonce du salut devait parvenir à partir d'ici.

Saint Vladimir et les habitants de la Rus' reçurent le baptême de missionnaires provenant de Constantinople, le plus grand centre du christianisme de l'Orient, et la jeune Eglise entra ainsi dans le cadre du très riche héritage de foi et de culture de l'Eglise byzantine. C'était la fin du premier millénaire. Tout en vivant selon deux traditions différentes, l'Eglise de Constantinople et celle de Rome étaient encore en pleine communion. J'ai écrit dans la Lettre apostolique Euntes in mundum: "Nous devons remercier le Seigneur pour ce fait qui constitue, aujourd'hui, un signe et un motif d'espérance. Dieu a voulu que la mère Eglise, visiblement unie, déjà riche de nations et de peuples, accueille en son sein, à un moment d'expansion missionnaire en Occident et en Orient, cette nouvelle fille, née sur les rives du Dniepr" (n. 4).

Si aujourd'hui, en célébrant l'Eucharistie selon la tradition romaine, nous rappelons ce moment si profondément lié à la tradition byzantine, nous le faisons avec gratitude. Nous le faisons également avec le désir que le souvenir des uniques fonts baptismaux permette de retrouver une situation de communion dans laquelle la diversité des traditions n'empêchait pas l'unité de la foi et de la vie ecclésiale.


4. Avec le Baptême qui a eu lieu ici, à Kiev, commença l'histoire millénaire du christianisme dans les territoires de l'Ukraine d'aujourd'hui et de toute la région. Aujourd'hui, ayant reçu la grâce de m'arrêter en ce lieu historique, mon regard s'étend sur les dix siècles et plus d'histoire au cours desquels la grâce de ce premier Baptême a continué à se déverser sur les générations successives des enfants de cette nation. Quelle floraison de vie spirituelle, liturgique et ecclésiale s'est développée à partir de la rencontre des diverses cultures et traditions religieuses! Chers frères et soeurs, ce merveilleux héritage vous est à présent confié. Au cours de ces journées, où je suis pèlerin sur votre terre, je prie Dieu avec vous, afin que votre génération, au début d'un nouveau millénaire, soit à la hauteur des grandes traditions du passé.

947 De cette ville, berceau de la foi chrétienne pour l'Ukraine et pour toute la région, je regarde et j'embrasse avec une affection cordiale les hommes qui vivent sur ces terres. Je salue de façon particulière les Cardinaux Marian Jaworski et Lubomyr Husar, le cher Evêque de Kiev-Zhytomyr, Mgr Jan Purwinski, les vénérés frères de la Conférence épiscopale ukrainienne, le clergé, les religieux, les religieuses et les fidèles de vos Eglises glorieuses et martyrisées, qui ont su avec tant de courage garder la flamme de la foi allumée, même dans les temps sombres de la persécution.
Je salue cordialement le Président de la République M. Leonid Kutchma et je le remercie de sa présence.


5. Peuple de Dieu qui crois, qui espère et qui aime en terre ukrainienne, goûte à nouveau avec joie le don de l'Evangile, que tu as reçu il y a plus de mille ans! En ce jour, regarde Jean le Baptiste, modèle éternel de fidélité à Dieu et à sa Loi. Il a préparé la voie au Christ par le témoignage de sa parole et de sa vie. Imite-le avec une générosité docile et confiante.

Saint Jean-Baptiste est avant tout un modèle de foi. Sur les traces du grand prophète Elie, afin de mieux écouter la Parole de l'unique Seigneur de sa vie, il quitte tout et se retire dans le désert, d'où il fera retentir l'invitation à préparer les voies du Seigneur (cf. Mt
Mt 3,3 et par.).

C'est un modèle d'humilité, car à ceux qui voient en lui non seulement un Prophète mais le Messie lui-même, il répond: "Celui que vous croyez que je suis, je ne le suis pas; mais voici venir après moi celui dont je ne suis pas digne de délier les sandales" (Ac 13,25).

Il est un modèle de cohérence et de courage dans la défense de la vérité, pour laquelle il est prêt à payer de sa propre personne jusqu'à la prison et la mort.

Terre d'Ukraine, imprégnée du sang des martyrs, merci de l'exemple de fidélité à l'Evangile que tu as offert aux chrétiens de toutes les parties du monde! Un grand nombre de tes fils et de tes filles ont marché dans la totale fidélité au Christ; beaucoup d'entre eux ont poussé leur cohérence jusqu'au sacrifice suprême. Que leur témoignage soit pour les chrétiens du troisième millénaire un exemple et un encouragement.


6. A l'école du Christ, sur les traces de saint Jean-Baptiste, des saints et des martyrs de cette terre, ayez vous aussi, très chers frères et soeurs, le courage de toujours placer les valeurs spirituelles au premier plan.

Chers Evêques, prêtres, religieux et religieuses qui avez fidèlement accompagné ce peuple au prix de sacrifices personnels en tous genres et qui l'avez soutenu à l'époque sombre de la terreur communiste, je vous remercie et je vous exhorte: continuez à être de zélés témoins du Christ et de bons pasteurs de son troupeau dans la bien-aimée Ukraine.

Vous, chers jeunes, soyez forts et libres! Ne vous laissez pas séduire par des mirages trompeurs de bonheur à bon marché! Suivez la voie du Christ: Il est exigeant, certes, mais il peut vous faire goûter le sens plénier de la vie et la paix du coeur.

Vous, chers parents, préparez la voie du Seigneur à vos enfants. Eduquez-les avec amour et donnez-leur un exemple valable de cohérence avec les principes que vous enseignez. Et vous, qui avez des responsabilités éducatives et sociales, sentez-vous engagés à toujours promouvoir le développement intégral de la personne humaine, en cultivant chez les jeunes un profond sens de justice et de solidarité avec les plus faibles.

948 Soyez tous et chacun, "la lumière des nations" (Is 49,6)!


7. Ville de Kiev, sois la "Lumière de l'Ukraine". C'est de toi que sont partis les évangélisateurs qui, au cours des siècles, ont été les "Jean-Baptiste" des peuples qui habitaient ces terres. Un grand nombre d'entre eux ont souffert, comme Jean, pour rendre témoignage à la vérité et sont devenus, avec leur sang, la semence de nouveaux chrétiens. Que ne manquent pas aux nouvelles générations des hommes et des femmes de l'étoffe de ces glorieux ancêtres!

Très Sainte Vierge, Protectrice de l'Ukraine, Tu as depuis toujours guidé le chemin du peuple chrétien. Continue à veiller sur tes enfants. Aide-les à ne jamais oublier le "nom", l'identité spirituelle qu'ils ont reçu lors du Baptême. Aide-les à toujours goûter la grâce indicible d'être des disciples du Christ (cf. Jn 3,29). Sois le guide de chacun. Toi, Mère de Dieu et notre Mère, Marie!



25 juin 2001: Divine Liturgie en rite byzantin - Aéroport de Chayka (Ukraine)

Lundi 25 juin 2001


1. "Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que tu m'as envoyé" (Jn 17,21).

Le texte de l'Evangile de saint Jean, qui vient d'être proclamé, ramène notre esprit et notre coeur au Cénacle, lieu de la dernière Cène, où Jésus, avant sa Passion, prie le Père pour les Apôtres. Il vient de leur confier la Sainte Eucharistie et les a constitués ministres de la Nouvelle Alliance, continuateurs de sa mission pour le salut du monde.

Des paroles du Sauveur émerge le désir ardent de racheter l'humanité de l'esprit et des logiques du monde. Dans le même temps, émerge la conviction que le salut passe par le fait d'être "une seule chose" qui, sur le modèle de la vie trinitaire, doit caractériser l'expérience quotidienne et le choix de tous ses disciples.


2. "Ut unum sint - Pour que tous soient un" (Jn 17,21). Le Cénacle est le lieu de l'unité qui naît de l'amour. C'est le lieu de la mission: "... afin que le monde croie!" (ibid.). On ne peut évangéliser de manière authentique sans la pleine communion fraternelle.

C'est pourquoi, le soir du premier jour après le sabbat, en se manifestant à ses disciples dans le Cénacle, le Ressuscité confirme le lien étroit existant entre mission et communion, en leur disant: "Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie" (Jn 20,21) et il ajoute: "Recevez l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis; ceux à qui vous les maintiendrez, ils leur seront maintenus" (Jn 20,22-23).

C'est toujours au Cénacle, le jour de la Pentecôte, que les Apôtres réunis avec Marie, reçoivent l'Esprit Saint, qui se manifeste comme "un bruit tel que celui d'un violent coup de vent, qui remplit la maison où ils se tenaient. Ils virent apparaître des langues qu'on eût dites de feu: elles se partageaient et il s'en posa une sur chacun d'eux" (Ac 2,2-3). Du don du Christ ressuscité naît l'humanité nouvelle, l'Eglise, dans laquelle la communion a raison des divisions et de la dispersion, engendrées par l'esprit du monde et symbolisées par le récit de la Tour de Babel: "Chacun les entendait parler dans son propre idiome" (Ac 2,6). Devenus un par l'oeuvre du Paraclet, les disciples deviennent les instruments du dialogue et de la paix et commencent leur mission d'évangélisation des peuples.


949 3. "Pour que tous soient un". Tel est le mystère de l'Eglise voulue par le Christ. L'unité fondée sur la Vérité révélée et sur l'Amour n'occulte pas l'homme, sa culture et son histoire, mais l'introduit dans la communion trinitaire, où tout ce qui est authentiquement humain est enrichi et renforcé.

C'est un mystère bien représenté également par cette liturgie, concélébrée par des Evêques et des prêtres catholiques de tradition orientale et de tradition latine. Dans l'humanité nouvelle, qui naît du coeur du Père, qui a pour Tête le Christ et qui vit par le don de l'Esprit, il existe une pluralité de traditions, de rites, de disciplines canoniques qui, loin d'entamer l'unité du Corps du Christ, l'enrichit tout au contraire des dons provenant de chacun. En cela, se répète perpétuellement le miracle de la Pentecôte: des hommes de langues, de traditions et de cultures différentes se sentent unis dans la profession de l'unique communion qui naît d'en Haut.

Avec de tels sentiments, je salue toutes les personnes présentes. Je salue en particulier MM. les Cardinaux Lubomyr Husar, Archevêque majeur de Lviv des Ukrainiens et Marian Jaworski, Archevêque de Lviv des latins, ainsi que les Evêques de leurs rites respectifs, les prêtres et les fidèles. Je salue tous les membres de la Communauté ecclésiale, qui manifeste sa richesse multiforme de façon originale sur cette terre, où se rencontrent les traditions orientale et occidentale. Votre coexistence dans la charité est appelée à devenir un modèle d'unité vivant au sein d'un pluralisme légitime et se trouve garantie par l'Evêque de Rome, le Successeur de Pierre.


4. Depuis les origines, votre Eglise a pu bénéficier de nombreux rapports culturels et de témoignages chrétiens de différentes provenances. Selon la tradition, à l'aube du christianisme, l'Apôtre André lui-même, visitant les lieux où nous nous trouvons, aurait témoigné de leur sainteté. En effet, on raconte que, contemplant les rochers du Dniepr, il bénit la terre de Kiev et dit: "Sur ces montagnes brillera la gloire de Dieu". Il préannonçait de cette manière la conversion à la foi chrétienne du grand Prince de Kiev, le saint baptiste Vladimir, grâce à qui le Dniepr est presque devenu le "Jourdain de l'Ukraine" et la capitale, Kiev, une "nouvelle Jérusalem", mère du christianisme slave en Europe de l'Est.

Ces témoignages de sainteté se sont poursuivis sur votre terre depuis le jour de son baptême! Se détachent au début les martyrs de Kiev, les princes Boris et Hlib, que vous qualifiez de "porteurs de passion", qui acceptèrent le martyre de la main de leur frère sans prendre les armes contre lui. Ce sont eux qui ont dessiné le visage spirituel de l'Eglise de Kiev dans laquelle le martyre au nom de l'amour fraternel, au nom de l'unité des chrétiens, s'est révélé être un authentique charisme universel. L'histoire récente elle-même en a donné largement confirmation.


5. "Un Corps, un Esprit, comme il n'y a qu'une espérance au terme de l'appel que vous avez reçu" (
Ep 4,4). L'histoire des martyrs de votre Eglise n'apparaît-elle pas comme la réalisation des paroles de l'Apôtre Paul, qui ont été à peine proclamées lors de la lecture de l'Epître? Il disait aux chrétiens d'Ephèse: "Je vous exhorte donc, moi le prisonnier dans le Seigneur, à mener une vie digne de l'appel que vous avez reçu: en toute humilité, douceur et patience, supportez-vous les uns les autres avec charité ; appliquez-vous à con-server l'unité de l'Esprit par le lien de la paix" (Ep 4,1-3).

Désormais, l'indépendance reconquise a ouvert une période nouvelle et prometteuse qui pousse les citoyens, comme aimait à le rappeler l'Archevêque métropolitain Andrej Septyckyj, à se fixer comme objectif de "construire leur propre maison", l'Ukraine. Depuis dix ans, le pays est un Etat libre et indépendant. Cette décennie a montré que, malgré les tentations de l'illégalité et de la corruption, ses racines spirituelles sont fortes. Mon souhait cordial est que l'Ukraine continue de se nourrir des idéaux de la morale personnelle, sociale et ecclésiale, du service du bien commun, de l'honnêteté et du sacrifice, en n'oubliant pas le don des Dix Commandements. La vigueur de sa foi et la force de renaissance de son Eglise sont surprenantes: les racines de son passé sont devenues gage d'espérance pour l'avenir.

Très chers Frères et Soeurs! La force du Seigneur qui a soutenu votre pays est une force douce, qui doit être entretenue. Elle oeuvre grâce à votre fidélité et à la générosité avec laquelle vous répondez à l'appel du Christ.

En ce moment particulier, je désire rendre hommage à ceux qui vous ont précédés dans la foi et qui, malgré les grandes épreuves qu'ils ont subies, ont conservé la sainte Tradition. Leur exemple lumineux vous encourage à ne pas avoir peur. Comblés de l'Esprit du Christ, veillez à construire votre avenir selon son projet d'amour.


6. L'évocation de la fidélité séculaire à l'Evangile de votre terre nous ramène aujourd'hui presque naturellement au Cénacle et aux paroles prononcées par le Christ à la veille de sa Passion.
L'Eglise revient constamment au Cénacle, où elle est née et où a commencé sa mission. L'Eglise a besoin de retourner là où les Apôtres, après la Résurrection du Seigneur, furent remplis de l'Esprit Saint, recevant le don des langues afin de pouvoir annoncer aux peuples et aux nations du monde les grandes oeuvres de Dieu (cf. Ac Ac 2,11).

950 Aujourd'hui, nous voulons retourner spirituellement au Cénacle pour mieux comprendre les raisons de l'unité et de la mission, qui ont conduit jusqu'ici, sur les rives du Dniepr, les pas des intrépides hérauts de l'Evangile, afin que, parmi la multitude des langues, il ne manque pas celle des habitants de la Rus'.

"Ut unum sint!". Nous voulons nous unir à la prière du Seigneur pour l'unité de ses disciples. C'est une invocation pleine d'affliction pour l'unité des chrétiens. C'est une prière incessante, qui s'élève des coeurs humbles et disponibles pour écouter, penser et oeuvrer avec générosité afin que puisse se réaliser le désir du Christ. De cette terre, sanctifiée par le sang de foules de martyrs, j'élève avec vous ma prière au Seigneur afin que tous les chrétiens redeviennent "un", selon le désir du Christ au Cénacle. Puissent les chrétiens du troisième millénaire se présenter au monde avec un seul coeur et une seule âme.

Je confie ce désir ardent à la Mère de Jésus, qui, depuis le début, prie avec l'Eglise et pour l'Eglise. Qu'elle nous soutienne, comme au Cénacle, par son intercession. Qu'elle nous conduise sur la route de la réconciliation et de l'unité, pour que, sur toute la terre, les chrétiens puissent finalement annoncer ensemble le Christ et son message de salut aux hommes et aux femmes du nouveau millénaire.

* * *

A l'issue de la célébration, le Pape a adressé aux fidèles ukrainiens les paroles suivantes:

A la fin de cette très belle Divine Liturgie, je veux exprimer ma gratitude pour votre intense participation au mystère de la présence de Dieu avec nous dans l'Eucharistie. Cette riche liturgie orientale aide l'homme dans la compréhension de la profondeur des mystères divins. Je voudrais remercier plus particulièrement l'Exarque de Kiev-Vyshorod, S.Exc. Wasyl Medwit, pour le salut qu'il m'a adressé au nom de l'Eglise grecque-catholique ukrainienne. Que Dieu récompense tous les ministres de cette sainte Liturgie et aussi la merveilleuse chorale et vous tous, tant les présents que ceux qui ont prié avec nous grâce à la télévision et la radio. Loué soit Jésus-Christ!

Le Pape a ensuite salué les pèlerins de langues russe, hongroise, biélorusse et polonaise présents à la célébration.



26 juin 2001: Messe en rite latin avec Béatifications - Hippodrome de Lviv

Mardi 26 juin 2001



1. Tout ce qu'il vous dira, faites-le" (
Jn 2,5).

Le passage de l'Evangile que nous venons de proclamer rapporte la première intervention de Marie dans la vie publique de Jésus et souligne sa coopération à la mission du Fils. A Cana, au cours d'un banquet nuptial auquel participent Marie, Jésus et ses disciples, le vin vient à manquer. Manifestant sa foi dans son Fils et venant au secours des deux jeunes époux en difficulté, Marie sollicite le Sauveur à faire le nécessaire en réalisant son premier miracle.

951 "Que me veux-tu, femme? Mon heure n'est pas encore arrivée" (Jn 2,4), lui répond Jésus. Face à ces paroles, Marie ne se décourage pas et, s'adressant aux serviteurs, dit: "Tout ce qu'il vous dira, faites-le" (Jn 2,5). Elle renouvelle sa confiance dans son Fils et voit sa prémière intercession récompensée par le miracle.

L'épisode évangélique nous invite aujourd'hui à contempler Marie comme "Auxiliaire des chrétiens" dans toutes les situations de besoin. Il serait instructif de reparcourir les épisodes du peuple des fidèles pour y discerner les signes de la protection maternelle de Marie, toujours soucieuse du bien de ses fils. Nous pourrions recueillir de nombreux témoignages sur les interventions de Marie pour préserver les personnes et les communautés. Mais les témoignages les plus beaux sont ceux que nous pouvons recueillir dans la vie de vos saints.

Nous fixons aujourd'hui notre regard sur deux fils de cette Terre, qui ont tiré de la dévotion à la Très Sainte Vierge Marie, un encouragement pour un chemin de perfection, aujourd'hui reconnu de façon solennelle. Il s'agit de Monseigneur Józef Bilczewski et du Père Zygmunt Goradowski. Tous deux ont nourri un profond amour pour la Mère du Seigneur. Leur vie et leur service pastoral furent une réponse permanente à son invitation: "Tout ce qu'il vous dira, faites-le". Obéissant avec héroïsme aux enseignements du Seigneur, ils parcoururent la voie étroite de la sainteté. Tous deux vécurent ici à Lviv, presque contemporainement. Ils sont aujourd'hui inscrits ensemble dans l'album des bienheureux.


2. Dans leur souvenir, je suis heureux de vous saluer, vous tous ici présents. Je salue de façon particulière Messieurs les Cardinaux Marian Jaworski et Lubomyr Husar, les Evêques de la Conférence épiscopale ukrainienne et ceux du Synode des Evêques de l'Eglise grecque-catholique ukrainienne. Je vous salue également, prêtres, religieux et religieuses, séminaristes et vous tous, qui êtes activement engagés dans les diverses activités pastorales. J'adresse un salut affectueux aux jeunes, aux familles, aux malades et à toute la communauté réunie ici de façon idéale pour accueillir le message spirituel des nouveaux bienheureux.

Je suis heureux que l'Archidiocèse de Lviv aie un deuxième Archevêque bienheureux. Après Jakub Strzemie, qui guida ce peuple dans les années 1391-1409 et fut béatifié en 1790, est élevé aujourd'hui aux honneurs des autels un autre Pasteur de cet archidiocèse, Józef Bilczewski. N'est-ce pas là un témoignage de la continuité de la foi de ce peuple et de la bénédiction de Dieu, qui lui envoie des pasteurs dignes de leur vocation? Comment ne pas remercier Dieu pour ce don accordé à l'Eglise de Lviv?

De Mgr Józef Bilczewski, nous recevons l'invitation à vivre avec générosité l'amour de Dieu et du prochain. Telle fut la règle suprême de sa vie. Dès les premières années de son sacerdoce, il cultiva une passion ardente pour la Vérité révélée, qui le conduisit à faire de la recherche théologique une voie originale pour traduire en comportements concrets le commandement de l'amour envers Dieu. Dans la vie sacerdotale, comme dans les diverses fonctions occupées à l'Université "Jean Casimir" de Lviv, il sut toujours témoigner, outre l'amour pour Dieu, également d'un grand amour pour son prochain. Il nourrissait une attention particulière envers les pauvres et cultiva des rapports respectueux et cordiaux, que ce soit envers ses collègues, ou ses étudiants, qui le lui rendaient toujours avec une grande estime et affection.

Sa nomination comme Archevêque lui offrit l'occasion d'étendre de façon illimitée les frontières de sa charité. Au cours de la période particulièrement difficile du premier conflit mondial, le nouveau Bienheureux apparut comme l'icône vivante du Bon Pasteur, prêt à encourager et à soutenir ses fidèles avec des paroles inspirées et pleines de bienveillance. Il vint au secours des indigents, envers lesquels il avait une telle prédilection qu'il voulut rester avec eux, même après sa mort, en décidant d'être enterré dans le cimetière de Janow à Lviv, qui accueillait les plus pauvres. Serviteur bon et fidèle du Seigneur, animé par une profonde spiritualité et une charité sans borne, il fut aimé et estimé par tous ses concitoyens, sans distinction de confession, de rite, ou de nationalité.

Aujourd'hui, son témoignage brille face à nous comme un encouragement et une incitation afin que notre action apostolique également, alimentée par une profonde prière et par une tendre dévotion à la Vierge, soit consacrée à la gloire de Dieu et au service de la sainte Mère Eglise pour le bien des âmes.


3. Cette béatification constitue également pour moi un motif particulier de joie. Le bienheureux Józef Bilczewski reste dans la lignée de ma succession apostolique. En effet, il consacra l'Archevêque Boleslav Twardowski, qui à son tour ordonna Evêque Eugène Baziak, des mains duquel j'ai reçu l'ordination épiscopale. Aujourd'hui donc, moi aussi, je reçois un patron nouveau et particulier. Je remercie Dieu pour ce don admirable.

Il y a également un autre détail qui ne peut être ignoré en cette occasion. Le bienheureux Mgr Bilczewski fut con-sacré par le Cardinal Jean Puzyna, Evêque de Cracovie. A ses côtés concélébraient le bienheureux Joseph Sébastien Pelczar, Evêque de Przemysl et le Serviteur de Dieu Andrey Sheptytskyj, Archevêque grec-catholique. Cela ne fut-il pas un événement incroyable? En cette circonstance, l'Esprit Saint fit rencontrer trois grands pasteurs, dont deux sont proclamés bienheureux et le troisième, si Dieu le veut, le sera aussi. Cette terre méritait vraiment de les voir réunis dans l'acte solennel de la création d'un successeur des Apôtres. Elle méritait de les voir unis. Leur union demeure comme un signe et un appel pour les fidèles des troupeaux respectifs, qui, sur leur exemple, sont invités à construire la communion menacée par le souvenir des épisodes historiques et des préjudices issus du nationalisme.

Aujourd'hui, tandis que nous rendons grâce Dieu pour la fidélité indéfectible à l'Evangile de ses Serviteurs, nous ressentons une invitation intime à reconnaître les infidélités évangéliques qu'ont commises de nombreux chrétiens d'origine polonaise et ukrainienne résidant dans ces lieux. Il est temps de prendre les distances du passé douloureux. Les chrétiens des deux nations doivent marcher côte à côte au nom de l'unique Christ vers l'unique Père, guidés par le même Esprit Saint, source et principe d'unité. Que le pardon offert et reçu se diffuse comme un baume bénéfique dans le coeur de chacun. Que la purification de la mémoire historique prédispose chacun à faire prévaloir ce qui unit sur ce qui divise, pour construire ensemble un avenir de respect réciproque, de collaboration fraternelle et de solidarité authentique. Aujourd'hui, Mgr Józef Bilczewski et ses compagnons Pelczar et Sheptytskyjk nous exhortent: soyez unis!

952 Aujourd'hui sont également présents ici les fidèles de Wilamowice. Il s'agit du lieu de naissance et d'origine de Mgr Bilczewski. J'adresse mon salut aux habitants de cette région et aux fidèles de la paroisse à l'occasion de la fête d'aujourd'hui.


4. Au cours des années de l'épiscopat de Mgr Bilczewski, vécut à Lviv la dernière partie de son existence terrestre également dom Zygmunt Goraz-dowski, authentique perle du clergé latin de cet archidiocèse. Sa charité extraordinaire le conduisit à se consacrer inlassablement aux pauvres, en dépit de ses conditions de santé précaires. La figure du jeune prêtre qui, au mépris du grave danger de contagion, se prodiguait parmi les malades de Wojnilow et recomposait personnellement les corps des victimes du choléra, est demeurée dans la mémoire des contemporains comme un témoignage vivant de l'amour miséricordieux du Sauveur.

Il eut une passion ardente pour l'Evangile, qui le porta à être présent dans les écoles, dans le domaine de l'édition et dans diverses initiatives catéchétiques, surtout à l'égard des jeunes. Son action apostolique s'est également accompagnée d'un engagement caritatif sans relâche. Dans le souvenir des fidèles de Lviv, il demeure comme le "père des pauvres" et le "prêtre des sans abris". Sa créativité et son dévouement dans ce domaine ne connurent pratiquement pas de limite. En tant que Secrétaire de l'"Institut des pauvres chrétiens", il fut présent partout où s'élevait le cri angoissé des personnes, auxquelles il tenta de répondre, précisément ici, à Lviv, à travers la création de nombreuses institutions caritatives.

Reconnu à sa mort comme "un véritable religieux, bien que sans voeux particuliers", pour sa pleine fidélité au Christ pauvre, chaste et obéissant, il resta pour tous un témoin privilégié de la divine miséricorde. Il est un témoin en particulier pour vous, chères soeurs de Saint-Joseph, qui vous efforcez de le suivre fidèlement en diffusant l'amour pour le Christ et pour les frères à travers des oeuvres d'éducation et d'assistance. Vous avez appris du bienheureux Zygmunt Goradowski à alimenter l'activité apostolique à travers une intense vie de prière. Mon souhait est que vous puissiez, comme lui, concilier l'action avec la contemplation, en alimentant votre piété par une dévotion ardente à la Passion du Christ, un amour tendre pour la Vierge Immaculée et une vénération particulière pour saint Joseph, dont dom Zygmunt tentait d'imiter la foi, l'humilité, la prudence et le courage.


5. Que l'exemple des bienheureux Józef Bilczewski et Zygmunt Gorazdowski soit une incitation pour vous, chers prêtres, religieux et religieuses, séminaristes, catéchistes et étudiants en théologie. Je pense à vous de façon particulière en ce moment et je vous invite à accueillir la leçon spirituelle et apostolique de ces deux bienheureux pasteurs de l'Eglise. Imitez-les! Vous, qui de diverses façons, accomplissez un service spécial à l'Evangile, devez faire comme eux votre possible afin que, à travers votre témoignage, chaque homme, quel que soit son âge, son origine, sa formation et son statut social, se sente aimé de Dieu au plus profond de son coeur. Telle est votre mission.

Que votre engagement prioritaire soit d'aimer et d'être disponibles pour chacun, en ne manquant jamais à votre fidélité au Christ et à l'Eglise. Il s'agit d'une voie certes pavée de difficultés et d'incompréhensions, qui peut aller parfois jusqu'à des persécutions.

Les plus âgés d'entre vous en sont bien conscients. De nombreuses personnes parmi vous, dans la seconde moitié du siècle dernier, ont subi de nombreuses souffrances en raison de leur adhésion au Christ et à l'Eglise. Je veux rendre hommage aujourd'hui à chacun de vous, chers prêtres, religieux et religieuses, qui êtes restés fidèles à ce Peuple de Dieu. Et à vous, qui êtes à présent aux côtés de ces généreux ouvriers de l'Evangile, en vous efforçant de poursuivre leur mission, je dis: n'ayez pas peur! Le Christ ne promet pas une vie facile, mais nous sommes toujours assurés de son aide.


6. Duc in altum! Prends le large, Eglise de Lviv des Latins! Le Seigneur est avec Toi! N'aie pas peur face aux difficultés qui aujourd'hui encore, menacent ton chemin. Avec le Christ, tu seras victorieux. Choisis avec courage la sainteté: c'est là que résident les conditions certaines de la paix véritable et du progrès durable.

Très chers frères et soeurs, je vous confie à la protection maternelle de la Bienveillante Mère de Dieu, qui depuis des siècles, est vénérée à travers l'image que j'aurai la joie de couronner aujourd'hui. Je suis heureux de pouvoir moi aussi m'incliner devant cette image qui rappelle les voeux du roi Jean Casimir. Que la "Gracieuse Etoile de Lviv" vous soutienne et vous conduise à la plénitude des grâces.

Eglise de Lviv des Latins, qu'intercèdent pour toi tous les saints et les saintes qui ont enrichi ton histoire. Que te protègent de façon particulière les bienheureux Archevêques Jakub Strzemie et Józef Bilczewski, avec le Père Zygmunt Gorazdowski. Avance avec confiance au nom du Christ Rédempteur de l'homme! Amen.

* * *

953 Avant le couronnement de Marie, "Bienveillante Mère de Dieu", vénérée depuis des siècles à Lviv, Jean-Paul II s'est adressé en italien aux fidèles présents:

Je salue cordialement Messieurs les Cardinaux, Archevêques et Evêques réunis ici de divers pays. Chers frères, je vous remercie de votre participation à ces journées qui voient l'Eglise catholique en Ukraine réunie en prière autour du Successeur de Pierre. Votre présence est un signe éloquent et précieux de la communion et de la solidarité de vos Eglises locales avec les fils de l'Eglise catholique qui vivent sur ces terres. Je vous attends également demain, pour célébrer ensemble le Christ Seigneur, suivi fidèlement comme maître et modèle de sainteté par les martyrs et les bienheureux de l'Eglise grecque-catholique.

Le Saint-Père a ensuite prononcé en ukrainien le salut suivant:

Très chers amis, je vous remercie cordialement pour votre présence joyeuse à la célébration d'aujourd'hui.
J'adresse ma profonde gratitude également à toute la ville de Lviv pour l'accueil sincère et chaleureux qui m'a été réservé hier, signe de grande hospitalité et d'ouverture de coeur.
Je vous invite tous à l'importante béatification des martyrs qui aura lieu demain. Je vous attends également cet après-midi lors de la rencontre avec les jeunes.
Loué soit Jésus-Christ.

Enfin, s'adressant aux pèlerins de langue polonaise, le Saint-Père poursuivait:

Avant de conclure cette solennelle liturgie je ne peux manquer de rappeler ici encore deux célèbres figures unies à cette terre. Avant tout, j'ai à l'esprit saint Jean de Dukla, dont les reliques accompagnent aujourd'hui notre rencontre. Ce fils spirituel de saint François exerçait ici, à Lviv, le rôle de custode de la custodie de la Rus', et gagna ici la renommée de grand prédicateur et de confesseur, avant de conclure toujours ici sa vie. Aujourd'hui, il revient dans cette ville pour jouir, après plus de cinq siècles, des fruits de sa sainteté dans les coeurs de ce peuple fidèle.

Je voudrais également mentionner la grande figure de l'Archevêque arménien Józef Teodorowicz. Cet éminent théologien et pasteur, homme d'Etat et d'Eglise, guida avec sagesse et dévouement la communauté arménienne au cours des premières décennies du siècle dernier. En le rappelant, je salue tous les fidèles de l'Eglise arménienne, qui depuis des siècles est présente sur la terre ukrainienne, et l'enrichit de son antique spiritualité et culture. Que le souvenir des martyrs et des confesseurs arméniens vous renforce dans la foi, dans l'espérance et dans la charité!

Dans peu de temps, je couronnerai l'image, célèbre en raison des grâces qu'elle accorde, de la Bienveillante Mère de Dieu, Notre Dame de Lviv. Que sa protection accompagne constamment cette ville et toute l'Ukraine.



954 27 juin 2001: Divine Liturgie en rite byzantin-ukrainien avec Béatifications - Hippodrome, Lviv

Mercredi 27 juin 2001, Lviv



1. "Nul n'a de plus grand amour que celui-ci: donner sa vie pour ses amis" (
Jn 15,13).

Cette affirmation solennelle du Christ résonne parmi nous aujourd'hui avec une éloquence particulière alors que nous proclamons Bienheureux un certain nombre de frères de cette glorieuse Eglise de Lviv des Ukrainiens. La plus grande partie de ceux-ci fut tuée en haine de la foi chrétienne. Certains subirent le martyr en des temps qui nous sont proches et, parmi les participants à la Divine Liturgie de ce jour, nombreux sont ceux qui les connurent personnellement. Cette terre de Halytchyna, qui, au long de son histoire, a vu le développement de l'Eglise grecque-catholique ukrainienne, a été couverte, comme le disait l'inoubliable Archevêque métropolitain Józef Slipyj, "par des montagnes de cadavres et des fleuves de sang".

Votre communauté est vivante et féconde et se rattache à la prédication des saints Frères Cyrille et Méthode, à saint Vladimir et à sainte Olga. L'exemple des martyrs appartenant à différentes périodes de l'histoire, mais surtout au siècle passé, témoigne que le martyre est la mesure la plus élevée du service de Dieu et de l'Eglise. Par la présente célébration, nous voulons leur rendre hommage et remercier le Seigneur pour leur fidélité.


2. A travers ce rite suggestif de la béatification, mon désir est également d'exprimer la reconnaissance de toute l'Eglise au Peuple de Dieu qui est en Ukraine pour Mykola Carneckyj et ses 24 compagnons martyrs, ainsi que pour les martyrs Teodor Romza et Omeljan Kovc et pour la Servante de Dieu Josaphata Michaëlina Hordashevska. Comme le grain de blé tombé en terre pour donner vie à l'épi (cf. Jn Jn 12,24), ainsi ils ont offert leur existence afin que le champ de Dieu produise une nouvelle et plus abondante moisson.

En en faisant mémoire, je salue ceux qui participent à cette concélébration, à commencer par MM. les Cardinaux Lubomyr Husar et Marian Jaworski, en même temps que les Evêques et les prêtres des Eglises grecque-catholique et latine. En saluant l'actuel Archevêque majeur de Lviv des Ukrainiens, ma pensée va à ses prédécesseurs, le Serviteur de Dieu Andrej Septyckyj, l'héroïque Cardinal Józef Slipyj, le regretté Cardinal Myroslav Lubachivskyj, disparu depuis peu. Rappelant les pasteurs, mon coeur se tourne avec affection vers tous les fils et les filles de l'Eglise grecque-catholique d'Ukraine, y compris ceux qui sont présents avec nous à travers la radio et la télévision tout en se trouvant dans d'autres villes ou d'autres nations.


3. Les serviteurs de Dieu, aujourd'hui inscrits dans l'Album des Bienheureux, représentent toutes les composantes de la communauté ecclésiale: il y a parmi eux des Evêques, des prêtres, des moines, des moniales et des laïcs. Ils furent persécutés de nombreuses manières par les partisans d'idéologies néfastes comme le nazisme et le communisme. Conscient des souffrances auxquelles étaient soumis ces fidèles disciples du Christ, mon prédecesseur Pie XII manifestait par une participation pleine de tristesse, sa solidarité envers ceux qui "persévéraient dans la foi et résistaient aux ennemis du christianisme avec la même force invincible avec laquelle résistèrent un temps leurs ancêtres" et louait leur courage d'être restés "fidèlement unis au Pontife romain et à leurs pasteurs" (Lett. ap. Orientales Ecclesias, 15 décembre 1952: AAS 45 [1953], 8).

Soutenus par la grâce de Dieu, ils ont parcouru jusqu'au bout la route de la victoire. C'est une route qui passe à travers le pardon et la réconciliation; une route qui conduit à la lumière fulgurante de Pâques, après le sacrifice du Calvaire. Nos frères et soeurs que voici sont les représentants connus d'une multitude de héros anonymes - hommes et femmes, maris et femmes, prêtres et consacrés, jeunes et vieux - qui, au cours du XXème siècle, le "siècle du martyre", ont fait face à la persécution, à la violence et à la mort pour ne pas renoncer à leur foi.

Comment ne pas se souvenir ici de l'action pastorale clairvoyante et solide du Serviteur de Dieu, l'Archevêque métropolitain Andrej Septyckyj, dont la cause de béatification est en cours et que nous espérons voir un jour dans la gloire des Saints? Nous devons nous référer à son action apostolique héroïque pour comprendre la fécondité humainement inexplicable de l'Eglise grecque-catholique ukrainienne au cours des années sombres de la persécution.


4. J'ai moi-même été témoin, dans ma jeunesse, de cette sorte d'"apocalypse". "Mon sacerdoce s'est inscrit, dès le début, dans le grand sacrifice de tant d'hommes et de femmes de ma génération" (Don et Mystère, p. 47). Leur mémoire ne doit pas être perdue puisqu'elle est une bénédiction. Notre admiration et notre gratitude s'adressent à eux: comme une icône de l'Evangile des Béatitudes, vécu jusqu'à l'effusion du sang, ils constituent un signe d'espoir pour notre temps et pour ceux qui viendront. Ils ont manifesté combien l'amour est plus fort que la mort.

955 Dans leur résistance au mystère de l'iniquité a pu resplendir, malgré la fragilité humaine, la force de la foi et de la grâce du Christ (cf. 2Co 12,9-10). Leur témoignage invincible s'est révélé semence de nouveaux chrétiens (cf. Tertullien, Apol. 50, 13: CCL 1, 171).

Avec eux furent aussi persécutés et tués à cause du Christ des chrétiens d'autres confessions. Leur martyre commun est un appel puissant à la réconciliation et à l'unité. C'est l'oecuménisme des martyrs et des témoins de la foi qui indique la voie de l'unité des chrétiens du vingt-et-unième siècle. Que leur sacrifice soit une leçon de vie concrète pour tous. Il ne s'agit certes pas d'une entreprise facile. Au cours des derniers siècles se sont accumulés trop de stéréotypes dans la façon de penser, trop de ressentiment réciproque, trop d'intolérance. L'unique moyen pour dégager cette route est d'oublier le passé, de demander et de s'offrir le pardon les uns aux autres pour les offenses infligées et reçues, et compter sur l'action rénovatrice de l'Esprit Saint.

Ces martyrs nous enseignent la fidélité au double commandement de l'amour: amour de Dieu et amour de nos frères.


5. Chers prêtres, chers religieux et religieuses, chers séminaristes, catéchistes et étudiants en Théologie! A vous, je voudrais indiquer en particulier l'exemple lumineux de ces témoins de l'Evangile. Soyez comme eux fidèles au Christ jusqu'à la mort! Si Dieu bénit votre terre par de nombreuses vocations, si les séminaires sont pleins - et ceci est source d'espérance pour votre Eglise - ceci est sûrement un des fruits de leur sacrifice. Mais cela constitue pour vous une grande responsabilité.

Je dis donc aux responsables: prenez grand soin de la formation des futurs prêtres et de ceux qui sont appelés à la vie consacrée, dans la droite ligne de la tradition monastique orientale. D'une part, que soit exalté la valeur du célibat pour le Royaume des cieux, et d'autre part, que l'importance du Sacrement du mariage avec les engagements qui en dérivent soit elle aussi illustrée. La famille chrétienne - ainsi que l'a rappelé le Concile - est comme une "Eglise domestique", dans laquelle les parents doivent être les premiers à faire connaître la foi à leurs enfants (cf. Lumen gentium LG 11).

J'exhorte tous les fils et les filles de l'Eglise à rechercher, par un effort constant, une connaissance du Christ toujours plus authentique et plus profonde. Que la préoccupation constante du clergé soit d'offrir aux laïcs une solide formation évangélique et ecclésiale. Que l'esprit de sacrifice ne fasse pas défaut aux croyants. Que le courage de la communauté chrétienne en faveur des opprimés et des persécutés ne faiblisse pas, mais que la communauté soit attentive à déchiffrer les signes des temps, afin de répondre ainsi aux défis sociaux et spirituels du moment.

Dans ce contexte, je vous confie que je suivrai avec intérêt le déroulement de la troisième session du Synode de votre Eglise qui se tiendra en 2002 et sera consacrée à la lecture ecclésiale des problèmes sociaux de l'Ukraine. L'Eglise ne peut se taire quand la défense de la dignité humaine et le bien commun sont en jeu.


6. "Nul n'a de plus grand amour que celui-ci: donner sa vie pour ses amis" (Jn 15,13). Les martyrs qui sont aujourd'hui déclarés Bienheureux ont suivi le Bon Pasteur jusqu'à la fin. Que leur témoignage ne soit pas simplement motif d'orgueil mais devienne plutôt une invitation à les imiter. A travers le baptême, tout chrétien est appelé à la sainteté. Il n'est pas demandé à tous, comme à ces nouveaux bienheureux, de subir l'épreuve suprême de l'effusion du sang. A chacun cependant est confiée la mission de suivre le Christ au quotidien et dans une générosité fidèle comme l'a fait la bienheureuse Josaphata-Michaëlina Hordashevska, co-fondatrice des Servantes de Marie Immaculée. Elle sut vivre de façon extraordinaire son adhésion quotidienne à l'Evangile, en servant les enfants, les malades, les pauvres, les analphabètes et les marginaux dans des situations souvent difficiles et marquées par la souffrance.

Que la sainteté soit le désir ardent de vous tous, chers Frères et Soeurs de l'Eglise grecque-catholique ukrainienne. Que Marie vous accompagne sur ce chemin de sainteté et de renouveau, elle "qui nous précède tous à la tête du long cortège des témoins de la foi en l'unique Seigneur" (Redemporis Mater, n. 30).

Qu'intercèdent pour vous les saints et les bienheureux qui, sur cette terre d'Ukraine, ont obtenu la couronne de la justice, et les bienheureux que nous célébrons spécialement en ce jour. Leur exemple et leur protection vous aident à suivre le Christ et à servir fidèlement son Corps mystique, l'Eglise. Que par leur intercession, Dieu répande sur vos blessures l'huile de la miséricorde et de la consolation afin que vous puissiez regarder avec confiance ce qui vous attend, certains d'être les fils d'un Père qui vous aime tendrement.

* * *

956 A la fin de la Divine Liturgie, le Pape Jean-Paul II s'est adressé aux fidèles de langue polonaise présents:

Je salue cordialement les fidèles venus de Pologne, en particulier les grecs-catholiques venus à Lviv pour participer avec leurs frères ukrainiens à cette Liturgie particulière. Je désire en outre exprimer mon souvenir cordial et mon union spirituelle à votre Archevêque métropolitain Ivan Martyniak qui n'a pu vous accompagner. Que Dieu vous bénisse.

Jean-Paul II saluait ensuite les fidèles de langue ukrainienne:

Dieu nous a donné aujourd'hui une très belle journée. Comment ne pas le remercier? Chers frères et soeurs, au cours de cette dernière rencontre de ce pèlerinage particulier et émouvant au sein du Peuple de Dieu qui est en Ukraine, rassemblé si nombreux, je vous salue tous encore une fois de tout coeur.

Je vous remercie de vos prières, spécialement pour le chant de la chorale qui est prière. Merci de votre bonté et de votre sincérité, merci de votre amour et merci de votre fidélité au Siège apostolique. Je vous porte tous dans mon coeur et vous accompagne tous, vous embrassant dans la prière. Que Dieu vous bénisse!

Enfin, le Saint-Père a adressé quelques paroles aux groupes de pèlerins de langue hongroise, russe, slovaque, roumaine, biélorusse et anglaise.



29 juin 2001: Solennité des Sts Pierre et Paul

Vendredi 29 juin 2001




1. "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant" (
Mt 16,16).

Que de fois avons-nous répété cette profession de foi, prononcée un jour par Simon, fils de Jonas, aux alentours de Césarée de Philippe! Que de fois j'ai moi-même trouvé dans ces paroles un soutien intérieur pour poursuivre la mission que la Providence m'a confiée!

Tu es le Christ! Toute l'Année Sainte nous a conduits à fixer le regard sur "Jésus-Christ unique sauveur, hier, aujourd'hui et à jamais". Chaque célébration jubilaire a été une incessante profession de foi dans le Christ, renouvelée ensemble deux mille ans après son Incarnation. A la question, toujours actuelle, de Jésus à ses disciples: "Mais pour vous, qui suis-je?" (Mt 16,15), les chrétiens du troisième millénaire ont répondu une fois de plus en unissant leurs voix à celle de Pierre: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant".


957 2. "Tu es heureux, Simon, fils de Jonas, car cette révélation t'est venue, non de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux" (Mt 16,17).

Après deux millénaires, le "roc" sur lequel est fondée l'Eglise reste toujours le même: c'est la foi de Pierre. "Sur cette pierre" (Mt 16,18), le Christ a construit son Eglise, un édifice spirituel qui a résisté à l'usure des siècles. Assurément, elle n'aurait pas pu résister à l'assaut de tant d'ennemis sur des bases uniquement humaines et historiques!

Au cours des siècles, l'Esprit Saint a illuminé des hommes et des femmes de tout âge, vocation et condition sociale, pour en faire "des pierres vivantes" (1P 2,5) de cette construction. Ce sont les saints, que Dieu suscite avec une créativité inépuisable, et qui sont bien plus nombreux que ceux que l'Eglise indique solennellement en exemple à tous. Une seule foi; un seul "roc"; une seule pierre d'angle: le Christ, Rédempteur de l'homme.

"Tu es heureux, Simon Fils de Jonas"! La béatitude de Simon est la même que celle de la Très Sainte Vierge Marie, à laquelle Elisabeth dit: "Oui, bienheureuse celle qui a cru en l'accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur" (Lc 1,45).

C'est la béatitude qui est également réservée à la communauté des croyants d'aujourd'hui, à laquelle Jésus répète: Bienheureuse es-tu, Eglise du troisième millénaire, qui conserves l'Evangile intact et qui continues à le proposer avec un enthousiasme renouvelé aux hommes du début d'un nouveau millénaire!

Dans la foi, fruit de la rencontre mystérieuse entre la grâce divine et l'humilité humaine qui se remet à celle-ci, se trouve le secret de la paix intérieure et de la joie du coeur qui anticipent d'une certaine manière la béatitude du Ciel.


3. "J'ai combattu jusqu'au bout le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi" (2Tm 4,7).
La foi se "conserve" en la donnant (cf. Redemptoris missio RMi 2). Tel est l'enseignement de l'Apôtre Paul. C'est ce qui a eu lieu lorsque les disciples, le jour de la Pentecôte, sortis du Cénacle et soutenus par l'Esprit Saint, partirent dans toutes les directions. Cette mission évangélisatrice se poursuit dans le temps et c'est la manière normale avec laquelle l'Eglise administre le trésor de la foi. Nous devons tous participer activement à ce dynamisme.

C'est avec ces sentiments que je vous adresse mon plus cordial salut, chers et vénérés frères, qui m'entourez aujourd'hui. Je vous salue de manière particulière, chers Archevêques métropolitains, nommés au cours de la dernière année et venus à Rome pour le rite traditionnel de l'imposition du Pallium. Vous provenez de vingt-et-un pays des cinq continents. Sur vos visages, je contemple celui de vos communautés: une immense richesse de foi et d'histoire, qui se compose et s'harmonise comme une symphonie dans le Peuple de Dieu.

Je salue également les nouveaux évêques, ordonnés au cours de cette année. Vous provenez, vous aussi, de diverses parties du monde. Dans les différentes parties du corps ecclésial, que vous représentez ici, se trouvent des espérances et des joies, mais les blessures ne manquent certes pas. Je pense à la pauvreté, aux conflits, parfois même aux persécutions. Je pense à la tentation du sécularisme, de l'indifférence et du matérialisme pratique, qui mine la vigueur du témoignage évangélique. Tout cela ne doit pas affaiblir, mais intensifier en nous, chers frères dans l'épiscopat, le désir d'apporter la Bonne Nouvelle de l'amour de Dieu à chaque être humain.

Prions afin que la foi de Pierre et de Paul soutienne notre témoignage commun et nous rende prêts, si nécessaire, à aller jusqu'au martyre.


958 4. Ce fut précisément le martyre qui scella le témoignage rendu au Christ par les deux grands Apôtres que nous célébrons aujourd'hui. A une distance de quelques années l'un de l'autre, ils versèrent leur sang ici, à Rome, en consacrant cette ville une fois pour toutes au Christ. Le martyre de Pierre a marqué la vocation de Rome comme siège de ses successeurs dans cette primauté que le Christ lui confia au service de l'Eglise: service à la foi, service à l'unité, service à la mission (cf. Ut unum sint UUS 88).

Cette aspiration à la fidélité totale au Seigneur est urgente; le désir de la pleine unité de tous les croyants devient toujours plus intense. Je me rends compte que, "après des siècles d'âpres polémiques, les autres Eglises et Communautés ecclésiales examinent toujours plus et d'un regard nouveau ce ministère de l'unité" (Ibid., n. 89). Cela vaut de façon particulière pour les Eglises orthodoxes, comme j'ai pu le remarquer également au cours des derniers jours, lors de ma visite en Ukraine. Comme je voudrais que vienne le temps de la réconciliation et de la communion réciproque!

Dans cet esprit, je suis heureux d'adresser mon salut cordial à la Délégation du Patriarcat de Constantinople, guidée par Son Eminence Jérémie, Métropolite de France et Exarque d'Espagne, que le Patriarche oecuménique Bartholomaios I a envoyée pour la célébration des saints Pierre et Paul. Leur présence ajoute une note de joie particulière à notre fête. Que les saints Apôtres intercèdent pour nous, afin que notre engagement commun puisse solliciter et préparer la recomposition de cette unité, pleine et harmonieuse, qui devra caractériser la communauté chrétienne dans le monde. Lorsque cela aura lieu, il sera plus facile au monde de reconnaître le visage authentique du Christ.


5. "J'ai gardé la foi"! (2Tm 4,7). C'est ce qu'affirme l'Apôtre Paul en traçant le bilan de sa vie. Et nous savons de quelle façon il la conserva: en la donnant, en la défendant, en la faisant fructifier le plus possible. Jusqu'à la mort.

De la même façon, l'Eglise est appelée à conserver le "dépôt" de la foi, en le communiquant à tous les hommes et à tout l'homme. C'est pourquoi le Seigneur l'a envoyé dans le monde, en disant aux Apôtres: "Allez donc, de toutes les nations faites des disciples" (Mt 28,19). Ce mandat missionnaire est plus que jamais valable à présent, au début du troisième millénaire. Face à l'ampleur du nouvel horizon, il doit même retrouver la fraîcheur des débuts (cf. Redemptoris missio RMi 1).

Si saint Paul vivait aujourd'hui, comment exprimerait-il l'aspiration missionnaire qui a distingué son action au service de l'Evangile? Et saint Pierre ne manquerait certes pas de l'encourager dans ce généreux élan apostolique, en lui donnant la main droite en signe de communion (cf. Ga 2,9).
C'est pourquoi nous confions à l'intercession de ces deux saints Apôtres le chemin de l'Eglise au début du nouveau millénaire. Nous invoquons Marie, la Reine des Apôtres, afin que partout, le peuple chrétien croisse dans la communion fraternelle et dans l'élan missionnaire.

Que la communauté des croyants puisse le plus rapidement possible proclamer d'un seul coeur et d'une seule âme: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant!" Tu es notre Rédempteur, notre unique Rédempteur! Hier, aujourd'hui et à jamais. Amen.





20 juillet 2001: Messe avec les prêtres du Diocèse d'Aoste

Vendredi 20 juillet 2001, Les Combes


1. "Comment rendrai-je au Seigneur / tout le bien qu'il m'a fait? / J'élèverai la coupe du salut / en invoquant le nom du Seigneur" (Psaume responsorial).

959 Les paroles de ce psaume que nous venons d'écouter s'adaptent bien à cette liturgie eucharistique que j'ai la joie de célébrer ici avec vous, très chers prêtres du diocèse d'Aoste. A chacun d'entre vous, j'adresse un salut cordial, en vous remerciant d'être venus ici, à Les Combes, où je m'apprête à conclure mon séjour reposant dans les montagnes du Val d'Aoste. Je salue en particulier votre évêque et je le remercie de tout coeur de ses prévenances, que j'ai beaucoup appréciées. Je salue la communauté salésienne, qui, avec générosité, m'accueille dans cette maison. Je renouvelle l'expression de ma gratitude à tous ceux qui, au cours de ces journées, ont contribué, de diverses manières, à rendre mon séjour serein. Pour chacun d'entre eux j'offre au Seigneur cette célébration eucharistique.


2. "Je t'offrirai le sacrifice de louange" (ibid.).

L'Eucharistie est par excellence le sacrificium laudis. Chaque fois que nous la célébrons, nous offrons au Père, à travers le Fils dans l'Esprit Saint, le sacrifice qui lui est agréable pour le salut du monde.

La vie et la mission du prêtre sont étroitement liées à l'accomplissement de ce Sacrifice eucharistique. On peut même dire que le prêtre est appelé à devenir une seule chose avec lui, à devenir lui-même sacrificium laudis. Je pense en ce moment à la foule des saints prêtres qui se sont immolés avec le Christ au service du peuple chrétien. Je pense à ceux qui ont diffusé le bon parfum du Christ sur votre terre, au service de l'Eglise de saint Anselme, à laquelle vous appartenez. Ils ont "tenus [leurs] promesses au Seigneur, oui, devant tout son peuple" (ibid).


3. L'Evangile de ce jour, tiré de saint Matthieu, nous aide à approfondir cette vérité, quand il rapporte la célèbre expression que le Seigneur adressa aux pharisiens: "Si vous aviez compris ce que signifie: C'est la miséricorde que je veux et non les sacrifices" (
Mt 12,7).

En réalité, dans l'Eucharistie, on rend présent tout le mystère de la Miséricorde divine qui s'est révélé et accompli dans la passion, la mort et la résurrection du Fils de Dieu. Son Sacrifice, celui que Lui, Prêtre de l'Alliance nouvelle et éternelle, a offert au Père et a demandé de perpétuer dans le mémorial eucharistique, ne s'accomplit pas selon l'ancienne loi, mais selon l'Esprit, et oeuvre pour le salut de l'humanité parce qu'il réalise le dessein miséricordieux de Dieu pour elle.

De la même manière, dans ce même mystère, trouve également place - par la bonté du Seigneur qui nous a appelés - notre sacerdoce ministériel et notre vie tout entière. Ministre du Christ, de son Sacrifice et de sa miséricorde: tel est le prêtre que Jésus lui-même a voulu, le liant de manière indissoluble aux deux Sacrements de l'Eucharistie et de la Réconciliation.


4. Très chers frères, en vous remettant en esprit la Lettre que j'ai écrite aux Prêtres du monde entier pour le Jeudi Saint de cette année, je prie en particulier pour vous et pour ceux qui exercent leur ministère dans ce diocèse. Que l'expérience de la miséricorde divine vous sanctifie et fasse de vous de généreux ministres du pardon et de la réconciliation.

Tout est grâce! La vie du Prêtre, ministre de la grâce divine, et donc appelé à "vivre avec le sens d'une infinie gratitude le don du ministère" (Lettre aux Prêtres, Jeudi Saint 2001, n. 10), l'est d'une manière particulière.

Chers amis, n'ayez pas peur de consacrer du temps et de l'énergie au Sacrement de la Réconciliation. Le Peuple de Dieu a plus que jamais besoin de le redécouvrir, dans la sobriété de sa dignité liturgique, comme moyen ordinaire pour la rémission des péchés graves et aussi dans son rôle "humanisant" bénéfique (cf. ibid. nn. 12 et 13). Que le saint Curé d'Ars soit votre modèle et votre guide.

Que veille sur vous et sur votre ministère la Très Sainte Vierge, Mère de la Miséricorde. Je vous confie tous à Elle, ainsi que vos communautés. Pour ma part, je vous assure de mon souvenir constant dans la prière afin que vous puissiez répéter avec gratitude chaque jour: "Comment rendrai-je au Seigneur / tout le bien qu'il m'a fait? / J'élèverai la coupe du salut / en invoquant le nom du Seigneur".



960 15 août 2001: Solennité de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie

Mercredi 15 août 2001



1. "Le dernier ennemi détruit, c'est la Mort" (
1Co 15,26).

Les paroles de Paul, qui viennent de retentir au cours de la deuxième lecture, nous aident à comprendre le sens de la solennité que nous célébrons aujourd'hui. En Marie, élevée au ciel au terme de sa vie terrestre, resplendit la victoire définitive du Christ sur la mort, entrée dans le monde à cause du péché d'Adam. C'est le Christ, le "nouvel" Adam, qui a vaincu la mort, en s'offrant en sacrifice sur le Calvaire, dans un geste d'amour obéissant au Père. Il nous a ainsi sauvés de l'esclavage du péché et du mal. Dans le triomphe de la Vierge, l'Eglise contemple Celle que le Père a choisie comme vraie Mère de son Fils unique, en l'associant intimement au dessein salvifique de la Rédemption.

C'est pour cela que Marie, comme le montre bien la liturgie, est un signe réconfortant pour notre espérance. En la contemplant, enlevée dans l'exultation de la foule des anges, l'histoire humaine tout entière, avec ses lumières et ses ombres, s'ouvre à la perspective de la béatitude éternelle. Si l'expérience quotidienne nous permet de nous rendre compte que le pèlerinage terrestre est placé sous le signe de l'incertitude et de la lutte, la Vierge élevée dans la gloire du Paradis nous assure que le secours divin ne nous fera jamais défaut.

2. "Un signe grandiose apparut au ciel: une Femme! Le soleil l'enveloppe" (Ap 12,1).

Contemplons Marie, très chers frères et soeurs ici rassemblés en ce jour si cher à la dévotion du peuple chrétien. Je vous salue avec une grande affection. Je salue en particulier M. le Cardinal Angelo Sodano, le premier de mes collaborateurs, ainsi que l'Evêque d'Albano et son Auxiliaire, en les remerciant de leur présence courtoise. Je salue en outre le curé, ainsi que les prêtres qui l'aident dans sa tâche, les religieux et les religieuses et tous les fidèles présents, en particulier les consacrés salésiens, la communauté de Castel Gandolfo et celle des Villas pontificales. J'étends ma pensée aux pèlerins des différents groupes linguistiques qui ont voulu s'unir à notre célébration. Je souhaite à chacun de vivre dans la joie la solennité de ce jour, qui est riche d'occasions de méditation.

Un grand signe apparaît pour nous dans le ciel aujourd'hui: la Vierge Mère! L'auteur sacré du livre de l'Apocalypse nous en parle à travers un langage prophétique dans la première lecture. Quel prodige extraordinaire se trouve devant nos yeux stupéfaits! Habitués à fixer les réalités de la terre, nous sommes invités à regarder vers le Haut: vers le ciel, qui est notre Patrie définitive, où la Très Sainte Vierge nous attend.

L'homme moderne, peut-être plus encore que par le passé, est pris par des intérêts et des préoccupations matérielles. Il recherche la sécurité et, souvent, il fait l'expérience de la solitude et de l'angoisse. Et que dire ensuite de l'énigme de la mort? L'Assomption de Marie est un événement qui nous touche de près justement parce que l'homme est destiné à mourir. Mais la mort n'est pas le dernier mot. Elle est - comme nous l'affirme le mystère de l'Assomption de la Vierge - le passage vers la vie à la rencontre de l'Amour. Elle est le passage vers la béatitude céleste réservée à ceux qui oeuvrent pour la vérité et la justice et s'efforcent de suivre le Christ.

3. "Désormais toutes les générations me diront bienheureuse" (Lc 1,48). Ainsi s'exprime la Mère du Christ lorsqu'elle rencontre sa parente âgée, Elisabeth. L'Evangile nous a reproposé, il y a peu, le Magnificat que l'Eglise chante chaque jour. C'est la réponse de la Madone aux paroles prophétiques de sainte Elisabeth: "Bienheureuse celle qui a cru en l'accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur" (Lc 1,45).

En Marie, la promesse se fait réalité: Bienheureuse est la Mère et bienheureux serons-nous, nous, ses fils, si, comme elle, nous écoutons et nous mettons en pratique la Parole du Seigneur.

961 Puisse la solennité de ce jour ouvrir notre coeur à cette perspective supérieure de l'existence. Que la Vierge, que nous contemplons aujourd'hui resplendissante à la droite du Fils, aide l'homme d'aujourd'hui à vivre en croyant "en l'accomplissement de la Parole du Seigneur".

4. "Aujourd'hui, les fils de l'Eglise sur la terre célèbrent dans la joie le passage de la Vierge à la cité divine, la Jérusalem céleste" (Laudes et hymni, VI). C'est ce que chante la liturgie arménienne aujourd'hui. Je fais miennes ces paroles, en pensant au pèlerinage apostolique au Kazakhstan et en Arménie que j'accomplirai, si Dieu le veut, dans un peu plus d'un mois. Je Te confie, Marie, l'issue de cette nouvelle étape de mon service de l'Eglise et du monde. Je Te demande d'aider les croyants à être les sentinelles de l'espérance qui ne déçoit pas, et à proclamer sans cesse que le Christ est vainqueur du mal et de la mort. Illumine, ô Femme fidèle, l'humanité de notre temps afin qu'elle comprenne que la vie de tout homme ne finit pas dans une poignée de poussière, mais est appelée à un destin d'éternel bonheur.

Marie, qui es la "joie du ciel et de la terre", veille et prie pour nous et pour le monde entier, maintenant et toujours. Amen!



16 septembre 2001: Visite pastorale et Messe à Frosinone

Dimanche 16 septembre 2001


1. "Donne-nous, Père, la joie du pardon" (cf. Psaume responsorial).

La joie du pardon: voilà la "bonne nouvelle" que la liturgie fait aujourd'hui retentir avec vigueur parmi nous. Le pardon est la joie de Dieu, avant même d'être la joie de l'homme. Dieu se réjouit en accueillant le pécheur repenti; et c'est même Lui, qui est Père de miséricorde infinie, "dives in misericordia", qui suscite dans le coeur humain l'espérance du pardon et la joie de la réconciliation.

Très chers frères de l'Eglise de Frosinone-Veroli-Ferentino, avec cette annonce de réconfort et de paix, je viens à vous pour répondre à la visite que, le 2 décembre dernier, vous m'avez rendue sur la Place Saint-Pierre, à l'occasion de votre pèlerinage jubilaire. Je rends grâce à la Divine Providence qui m'a conduit parmi vous.

Je suis reconnaissant à votre Evêque, le cher Mgr Salvatore Boccaccio, des sentiments chaleureux qu'il a manifestés au nom de tous. Que le Seigneur accorde des fruits abondants à son zèle pastoral! Je suis heureux de saluer, en même temps que lui, l'Evêque émérite, Mgr Angelo Cella, les Cardinaux et les prêtres ici présents, ainsi que les prêtres concélébrants, alors que j'assure d'une prière spéciale les personnes plus âgées et malades, qui s'unissent à nous spirituellement. Je salue les représentants du Gouvernement italien et les Autorités régionales, provinciales et communales, en exprimant ma gratitude particulière au Maire et à l'Administration de Frosinone. Frères et soeurs ici rassemblés, que mon salut cordial et mon remerciement sincère pour votre accueil chaleureux parviennent à chacun de vous.


2. "Dieu est plus grand que notre coeur". C'est ce que nous avons chanté dans l'acclamation lors de la lecture de l'Evangile. Dans la première Lecture, Moïse donne la preuve qu'il connaît le coeur de Dieu, en invoquant son pardon pour le peuple infidèle (cf.
Ex 32,11-32), mais c'est cependant la page de l'Evangile d'aujourd'hui qui nous introduit pleinement dans le mystère de la miséricorde de Dieu: Jésus nous révèle à tous le visage de Dieu, en nous faisant pénétrer dans son coeur de Père, prêts à se réjouir pour le retour du fils perdu.

Un témoin privilégié de la miséricorde divine est également l'Apôtre Paul qui, comme on l'a proclamé dans la seconde Lecture, en écrivant à son fidèle collaborateur Timothée, présente sa propre conversion comme preuve du fait que le Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs (cf. 1Tm 1,15-16).

962 Telle est la vérité que l'Eglise ne se lasse pas de proclamer: Dieu nous aime d'un amour infini. Il a donné à l'humanité son propre Fils unique, mort sur la Croix pour la rémission de nos péchés. Croire en Jésus signifie alors reconnaître en Lui le Sauveur, à qui nous pouvons dire du plus profond de notre coeur: "Tu es mon espérance" et, avec tous nos frères, "Tu es notre espérance".


3. "Jésus est notre espérance!" Très chers amis, je sais que cette expression vous est désormais familière. C'est en effet le thème du projet pastoral que votre diocèse s'est fixé pour les prochaines années. Comme je voudrais que ma visite puisse contribuer à imprimer encore davantage cette certitude dans vos coeurs! L'engagement, les initiatives, le travail de chacun et de chaque communauté doivent devenir un témoignage évangélique, enraciné dans l'expérience joyeuse de l'amour et du pardon de Dieu.

Le pardon de Dieu! Que cette annonce de joie, dont le monde a particulièrement besoin aujourd'hui, soit de manière spéciale au centre de votre vie, chers prêtres, appelés à être des ministres de la miséricorde divine, qui se manifeste de façon suprême dans le pardon des péchés. J'ai précisément voulu consacrer la Lettre aux prêtres du Jeudi Saint dernier au sacrement de la Réconciliation. C'est pourquoi je vous remets à nouveau en esprit ce message, chers frères dans le sacerdoce, en invoquant pour chacun de vous et pour tout le presbyterium cette surabondance de la grâce dont nous a parlé l'Apôtre Paul (cf.
1Tm 1,14).

Quant à vous, religieux et religieuses, faites rayonner à travers votre exemple la joie de ceux qui ont fait l'expérience du mystère de l'amour de Dieu, que le chant à l'Evangile exprime bien: "Et nous, nous avons reconnu l'amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru" (cf. 1Jn 4,16).


4. Il est urgent, à l'époque actuelle, de proclamer le Christ, Rédempteur de l'homme, afin que son amour soit connu de tous et se diffuse dans toutes les directions. Le grand Jubilé de l'An 2000 a été un véhicule providentiel de cette annonce. Mais il faut continuer à poursuivre cette route. Voilà pourquoi, lors de la clôture de l'Année Sainte, j'ai relancé à l'Eglise et au monde l'invitation du Christ à Pierre: "Duc in altum - Avance en eau profonde" (Lc 5,4).

Je te renouvelle cette invitation, cher diocèse de Frosinone-Veroli-Ferentino, afin qu'elle te serve de guide dans un renouveau spirituel courageux, traduit par un projet pastoral concret. Construis ton présent et ton avenir en gardant ton regard fixé sur Jésus. Il est tout: tout pour l'Eglise, tout pour le salut de l'homme. Avec le Jubilé, l'Eglise universelle s'est mise à la recherche du visage du Christ. A présent, elle doit toujours davantage ressentir l'exigence, la passion de contempler la lumière qui irradie de ce Visage pour la refléter sur son chemin de chaque jour: Jésus-Fils de Dieu; Jésus-Eucharistie; Jésus-charité. Jésus notre espérance! Jésus est tout pour nous.

Que se multiplient dans les communautés paroissiales les moments forts d'étude et de réflexion sur la Parole de Dieu. Méditer, approfondir et aimer l'Ecriture Sainte signifie se mettre à l'écoute du Seigneur de façon humble et attentive, afin que la communauté se développe autour de la table de cette Parole: celle-ci illumine les orientations et les choix, elle fait apparaître les objectifs à atteindre, mais elle rend tout d'abord les âmes ardentes de foi, elle alimente l'espérance, elle donne de la vigueur au désir d'annoncer à tous la Bonne Nouvelle. Telle est la nouvelle évangélisation, pour laquelle votre communauté diocésaine a expressément institué un "Centre pastoral".


5. Très chers frères et soeurs! Que le coeur et le guide de votre itinéraire spirituel et apostolique soit l'Eucharistie. La vie sacramentelle est, en effet, source de grâce et de salut pour l'Eglise. Tout part du Christ-Eucharistie, et tout revient au Christ vivant, coeur du monde, coeur de la communauté diocésaine paroissiale. Si vous réussissez, comme je vous le souhaite, à placer le Christ au centre de votre vie, vous découvrirez qu'Il ne demande pas seulement à être accueilli par chacun personnellement, mais à être offert, donné, dispensé, communiqué aux autres. Vous deviendrez ainsi, en son nom, de "bons Samaritains" aux côtés des indigents, des pauvres, des derniers et des nombreux immigrés venus dans cette région de pays lointains. Vous vous rendrez compte que toute l'activité pastorale des centres diocésains "pour le culte et la sanctification" et "pour le caracatère ministériel et le témoignage de la charité" naît de la source surabondante de sainteté qui est le mystère eucharistique et qui appelle chacun à tendre vers la sainteté.

Sur les traces des saints et des saintes de cette terre de "Ciociara", donnez-vous vous aussi comme objectif fondamental celui de devenir saints, comme le Père céleste est Saint et comme l'Esprit qui habite dans nos coeurs est Saint. Et l'on devient saint par la prière, par la participation à l'Eucharistie, les oeuvres de charité, par le témoignage d'une vie humble et généreuse dans le bien.


6. Je désire adresser une parole spéciale aux parents. Chères mamans, chers papas, à travers votre dévouement montrez à vos enfants que Dieu est bon et grand dans l'amour. Faites voir, à travers une vie honnête et active, que la sainteté est la voie "normale" des chrétiens.

Dimanche 21 octobre, j'aurai la joie d'élever aux honneurs des autels un couple d'époux romains: Luigi et Maria Beltrame Quattrocchi. Cette béatification sera célébrée dans le cadre de la rencontre nationale des familles, organisée par la Conférence épiscopale italienne, qui aura lieu à Rome sur la Place Saint-Pierre, le samedi 20 octobre et le dimanche 21. J'invite à ces deux rendez-vous profondément significatifs, auxquels je désire prendre part personnellement part, les évêques, les prêtres, toutes les familles italiennes et, de façon particulière, celles de la Région du Latium, dans laquelle ont vécu les deux nouveaux bienheureux. Il s'agira d'une occasion pour réfléchir sur la vocation à la sainteté des familles chrétiennes et, dans le même temps, pour prendre davantage conscience du rôle social de la famille et pour demander aux institutions de la défendre et de la promouvoir, grâce à des lois et des normes appropriées.

963 Diocèse de Frosinone-Veroli-Ferentino, sois une famille de saints! Dans cette terre bien-aimée de la "Ciociara", patrie de personnages illustres et de généreux serviteurs de l'Evangile, sois "sel de la terre" et "lumière du monde" (Mt 5,13-14).

Que Marie, Mère de l'Eglise, t'accompagne à travers son intercession afin que, comme tu as intensément prié en préparant ma visite pastorale, tu puisses continuer à être une communauté vivante, solide dans la foi, unie dans l'espérance et persévérante dans la charité.
Amen!

Au terme de la Concélébration eucharistique, Jean-Paul II a rencontré les nouvelles générations de Frosinone-Veroli-Ferentino. Après le salut de deux jeunes, le Saint-Père a prononcé les paroles suivantes:

Je ne peux partir d'ici sans adresser une pensée particulière à vous, chers jeunes garçons et filles de la Ciociaria, qui avez voulu m'offrir cette sympathique improvisation que j'ai beaucoup appréciée. Je remercie les deux jeunes qui se sont fait l'interprète de vos sentiments, en me communiquant l'enthousiasme qui vous anime, et le désir de contempler la vie avec espérance, sans vous laisser décourager par les difficultés.

Chers jeunes, souvenez-vous! La boussole fiable sur votre chemin est Jésus-Christ, "notre espérance". Regardez-le et ayez confiance en lui, en avançant avec courage sur la voie de la sainteté. Avancez sans hésitation, avec toute la communauté diocésaine, sous la direction de votre Evêque et de vos prêtres. Le Seigneur compte sur chacun de vous; il veut que vous soyez les protagonistes de la civilisation de la vie et de l'amour. Aidez-vous les uns les autres à être des témoins de l'Evangile et des Apôtres parmi les jeunes de votre âge.

Je vous salue un par un et je vous donne rendez-vous, tout au moins en esprit, pour la grande rencontre de la jeunesse chrétienne qui, si Dieu le veut, se tiendra au mois de juillet de l'année prochaine à Toronto, à l'occasion de la Journée mondiale de la Jeunesse. Après Tor Vergata, Toronto! Préparez-vous à ce grand rassemblement de jeunes, qui est devenu désormais comme un itinéraire de formation pour des milliers et des milliers de jeunes catholiques de tous les continents. Préparez-vous à travers la prière et faites en sorte que chaque jour soit une étape de croissance dans la connaissance, dans l'amour du Christ et dans le service concret à vos frères.

Le Pape vous suit à travers la prière et vous bénit avec affection.



Homélies St Jean-Paul II 22401