Homélies St Jean-Paul II 963


VISITE PASTORALE AU KAZAKHSTAN

23 septembre 2001 - Place de la Mère Patrie (Astana)

Astana - Place de la Mère Patrie
Dimanche 23 septembre 2001


964 1. "Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s'est livré en rançon pour tous" (1Tm 2,5).

Dans cette expression de l'Apôtre Paul, tirée de la Lettre à Timothée, est contenue la vérité centrale de la foi chrétienne. Je suis heureux de pouvoir aujourd'hui vous l'annoncer, très chers frères et soeurs du Kazakhstan. Je suis en effet venu parmi vous comme apôtre et témoin du Christ; je suis venu parmi vous comme l'ami de chaque homme de bonne volonté. A tous et à chacun, je viens offrir la paix et l'amour de Dieu le Père, Fils et Esprit Saint.

Je connais votre histoire. Je connais les souffrances auxquelles un grand nombre d'entre vous ont été soumis, lorsque le régime totalitaire qui a précédé les a arrachés à leur terre d'origine et les a déportés ici dans des situations d'immenses difficultés et de privations. Je suis heureux de pouvoir me trouver ici aujourd'hui parmi vous, pour vous dire que le coeur du Pape est proche de vous.
Chers frères dans l'épiscopat et le sacerdoce, j'embrasse avec affection chacun de vous. Je salue en particulier l'Evêque Tomasz Peta, Administrateur apostolique d'Astanà, et je le remercie des sentiments exprimés au nom de tous. Je salue ensuite les représentants des autres Eglises et communautés ecclésiales, ainsi que les représentants des diverses religions présentes dans cette vaste région eurasiatique. Je salue le Président de la République, les Autorités civiles et militaires et tous ceux qui ont voulu s'unir à cette célébration.


2. "Car Dieu est unique". L'Apôtre affirme tout d'abord l'unicité absolue de Dieu. Les chrétiens ont hérité cette vérité des fils d'Israël et ils la partagent avec les fidèles musulmans: c'est la foi dans l'unique Dieu, "Seigneur du ciel et de la terre" (Lc 10,21), tout-puissant et miséricorideux.

Au nom de cet unique Dieu, je m'adresse au peuple aux antiques et profondes traditions religieuses, qui vit au Kazakhstan. Je m'adresse également à ceux qui n'adhèrent pas à une foi religieuse et à ceux qui sont à la recherche de la vérité. Je voudrais leur répéter les célèbres paroles de saint Paul, que j'ai eu la joie de réécouter au mois de mai dernier sur l'aréopage d'Athènes: "Dieu n'est pas loin de chacun de nous. C'est en lui en effet que nous avons la vie, le mouvement et l'être" (fc. Ac 17, 27-28). Il me revient à l'esprit ce qu'écrivit votre grand poète Abai Kunanbai: "Peut-on douter de son existence / si chaque chose sur la terre en est le témoignage?" (Poésie 14).


3. "Unique aussi est le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus" Après avoir indiqué le mystère de Dieu, l'Apôtre tourne son regard vers le Christ, unique médiateur du salut. Une médiation - souligne Paul dans une autre de ses lettres - qui s'est réalisée dans la pauvreté: "Jésus-Christ, qui pour vous s'est fait pauvre, de riche qu'il était" ( Acclamation avant l'Evangile).

Jésus "ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu" (Ph 2,6); il ne voulut pas se présenter à notre humanité, qui est fragile et indigente, avec son écrasante supériorité. S'il l'avait fait, il n'aurait pas obéi à la logique de Dieu, mais à celle des puissants de ce monde, dénoncée sans détours par les prophètes d'Israël, comme Amos, dans le livre duquel la première lecture d'aujourd'hui a été tirée (cf. Am Am 8,4-6).

La vie de Jésus a été cohérente avec le dessein salvifique du Père, "lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité" (1Tm 2,4). Il a fidèlement témoigné de cette volonté, en se livrant "en rançon pour tous" (1Tm 2,6). En se donnant tout entier par amour, il nous a procuré l'amitié avec Dieu, perdue à cause du péché. Il nous suggère à nous aussi cette "logique de l'amour", en nous demandant de l'appliquer en particulier à travers la générosité envers les indigents. Il s'agit d'une logique qui peut rassembler les chrétiens et les musulmans, en les engageant à construire ensemble la "civilisation de l'amour". Il s'agit d'une logique qui dépasse toutes les ruses de ce monde et qui nous permet de nous procurer des amis véritables, qui nous accueillent "dans les demeures éternelles" (cf. Lc 16,9), dans la "patrie" du Ciel.


4. Très chers amis, la patrie de l'humanité est le Royaume de Dieu! Il est très éloquent pour nous de méditer sur cette vérité précisément ici, sur la Place qui porte le nom de la Mère Patrie, face à ce monument qui la représente symboliquement. Comme l'enseigne le Concile Vatican II, il existe un rapport entre l'histoire humaine et le Royaume de Dieu, entre les réalisations partielles de la coexistence civile et l'objectif ultime auquel, sur une libre initiative de Dieu, l'humanité est appelée (cf. Gaudium et spes GS 33-39).

Le dixième anniversaire de l'indépendance du Kazakhstan, que vous célébrez cette année, nous conduit à réfléchir dans cette perspective. Quel rapport existe-t-il entre cette patrie terrestre avec ses valeurs et ses objectifs, et la patrie céleste, dans laquelle, en surmontant toute injustice et conflit, la famille humaine tout entière est appelée à entrer? La réponse du Concile est illuminante: "C'est pourquoi, s'il faut soigneusement distinguer le progrès terrestre de la croissance du Royaume du Christ, ce progrès à cependant beaucoup d'importance pour le Royaume de Dieu, dans la mesure où il peut contribuer à une meilleure organisation de la société humaine" (ibid., n. 39).


965 5. Les chrétiens sont à la fois des habitants du monde et des citoyens du Royaume des cieux. Ils s'engagent sans réserves à l'édification de la société terrestre, mais ils restent orientés vers les biens éternels, se référant presque à un modèle supérieur, transcendant, afin de le réaliser toujours davantage et toujours mieux dans l'existence de chaque jour.

Le christianisme n'est pas une aliénation de l'engagement sur terre. Si parfois, dans certaines situations particulières, il donne cette impression, cela est dû à l'incohérence de nombreux chrétiens. En réalité, le christianisme authentiquement vécu est comme un levain pour la société: il la fait croître et mûrir sur le plan humain et l'ouvre à la dimension transcendante du Royaume du Christ, une réalisation parfaite de l'humanité nouvelle.

Ce dynamisme spirituel tire sa force de la prière, comme vient de le rappeler la seconde Lecture. C'est ce que nous désirons faire au cours de cette célébration en priant pour le Kazakhstan et ses habitants, afin que ce grand pays, dans la variété de ses composantes ethniques, culturelles et religieuses, progresse dans la justice, dans la solidarité et dans la paix. Qu'il progresse notamment grâce à la collaboration de chrétiens et de musulmans, engagés chaque jour, côte-à-côte, dans l'humble recherche de la volonté de Dieu.


6. La prière doit toujours être accompagnée d'oeuvres cohérentes. L'Eglise, fidèle à l'exemple du Christ, ne sépare jamais l'évangélisation de la promotion humaine, et exhorte ses fidèles à être, dans chaque milieu, des promoteurs de renouveau et de progrès sociale.

Très chers frères et soeurs, puisse la "Mère Patrie" du Kazakhstan trouver en vous des fils pieux et zélés, fidèles au patrimoine spirituel et culturel hérité des pères et capables de l'adapter aux nouvelles exigences.

Distinguez-vous, selon le modèle évangélique, par votre humilité et votre cohérence, en faisant fructifier vos talents au service du bien commun et en privilégiant les personnes les plus faibles et les plus déshéritées. Le respect des droits de chacun, même si les convictions personnelles sont différentes, est le présupposé de toute coexistence authentiquement humaine.

Vivez un profond et effectif esprit de communion entre vous et avec tous, en vous inspirant de ce que les Actes des Apôtres attestent de la première communauté des croyants (
Ac 2,44-45 Ac 4,32). Vous devez témoigner de la charité, que vous alimentez à la Table eucharistique, dans l'amour fraternel et dans le service aux pauvres, aux malades, aux exclus. Soyez des artisans de rencontre, de réconciliation et de paix entre personnes et groupes différents, en cultivant le dialogue authentique, afin que la vérité apparaisse toujours.


7. Aimez la famille! Défendez et promouvez cette cellule fondamentale de l'organisme social; ayez soin de ce sanctuaire primordial de la vie. Accompagnez avec sollicitude le chemin des fiancés et des jeunes époux, afin qu'ils constituent, pour leurs enfants et toute la communauté, un signe éloquent de l'amour de Dieu.

Très chers amis, avec joie et avec émotion je désire vous adresser à vous qui êtes ici présents, et à tous les croyants qui sont unis à nous, l'exhortation que j'ai répétée à plusieurs reprises en ce début de millénaire: Duc in altum!

Je t'embrasse avec affection peuple du Kazakhstan, et je te souhaite de mener à bien chaque projet d'amour et de salut. Dieu ne t'abandonnera pas. Amen!



24 septembre 2001, Astana, Cathédrale de la Vierge du Perpétuel Secours

966 Astana - Cathédrale de la Madone du Perpétuel Secours
Lundi 24 septembre 2001


1. Que le peuple "... bâtisse le Temple de Yahvé, le Dieu d'Israël" (
Esd 1,3).

Par ces paroles, Cyrus, roi de Perse, en restituant la liberté au "reste d'Israël", donnait aux exilés l'ordre d'ériger de nouveau à Jérusalem le lieu saint, où le nom de Dieu pourrait être adoré. C'était un devoir que les exilés accueillirent avec joie, et ils s'acheminèrent avec entrain vers la terre de leurs pères.

Nous pouvons imaginer le battement des coeurs, la hâte des préparatifs, les larmes de joie, les hymnes d'action de grâce qui précédèrent et accompagnèrent les pas des exilés retournant dans leur Patrie. Après les larmes de l'exil, "le reste d'Israël", se hâtant vers Jérusalem, cité de Dieu, pouvait à nouveau sourire. Il élevait finalement ses chants de reconnaissance pour les grandes merveilles accomplies par le Seigneur au milieu d'eux (cf. Ps Ps 125,1-2).


2. De tels sentiments sont encore présents en nous aujourd'hui, alors que nous célébrons cette Eucharistie en l'honneur de la Bienheureuse Vierge Marie, Reine de la Paix. Après l'oppression communiste, vous avez pu vous aussi - en quelque sorte comme des exilés - à nouveau proclamer ensemble la foi commune. Dix ans après la reconquête de la liberté, en vous souvenant des vicissitudes affrontées par le passé, vous rendez grâce aujourd'hui à la miséricorde providentielle du Seigneur qui n'abandonne pas ses enfants dans l'épreuve. Depuis longtemps, je désirais la rencontre d'aujourd'hui afin de partager cette joie qui est la vôtre.

Je salue avec une affection fraternelle Mgr Jan Pawel Lenga, Evêque de Karaganda, qui fête cette année ses dix ans d'ordination épiscopale. Je le remercie des paroles courtoises qu'il m'a adressées et je m'unis à lui pour rendre grâce à Dieu pour le bien accompli au service de l'Eglise. J'aurais voulu visiter aussi son diocèse, mais les circonstances ne me l'ont pas permis. Je salue avec la même affection Mgr Tomasz Peta, Administrateur apostolique d'Astanà, Mgr Henry Theophilus Howaniec, Administrateur apostolique d'Almaty, Mgr Wasyl Medwit, de l'Eglise grecque-catholique et le R.P. Janusz Kaleta, Administrateur apostolique d'Atyrau. Je salue les Supérieurs des Missions "sui iuris", Mgr Joseph Werth, et tous les Evêques ici présents.

Ma pensée cordiale se tourne vers vous, chers prêtres, religieux, religieuses et séminaristes du Kazakhstan, d'Ouzbékistan, du Tadjikistan, du Turkménistan, de Russie et d'autres pays. Je vous embrasse tous, appréciant vivement l'engagement généreux avec lequel vous accomplissez vos devoirs. A travers vous, j'entends atteindre vos communautés et chacun des chrétiens qui les composent. Très chers frères et saeurs! Adhérez toujours fidèlement au Seigneur de la vie et reconstruisez ensemble son temple vivant, qui est la Communauté ecclésiale présente dans cette vaste région eurasiatique.


3. Reconstruire le temple du Seigneur: voilà la mission à laquelle vous êtes appelés et à laquelle vous vous êtes consacrés. Je pense, en ce moment, à vos communautés, un temps dispersées et persécutées. J'ai présentes à l'esprit et dans le coeur les épreuves indicibles de ceux qui ont subi non seulement l'exil physique et l'emprisonnement, mais le mépris public et la violence pour ne pas avoir voulu renoncer à leur foi.

Je veux rappeler ici, entre autres, le Bienheureux Oleks Zarytsky, prêtre et martyr, mort au goulag de Dolynka; le Bienheureux Mgr Mykyta Budka, mort au goulag de Karadzar; Mgr Alexander Chira, qui fut, pendant plus de vingt ans, le Pasteur aimé et généreux de Karaganda et qui écrivait, dans sa dernière lettre: "Je remets mon corps à la terre, mon esprit au Seigneur, mon coeur, je le donne à Rome. Oui, avec mon dernier souffle de vie, je veux confesser ma pleine fidélité au Vicaire du Christ sur la terre". Je rappelle encore le R.P. Tadeusz Federowicz, que je connais personnellement et qui peut être qualifié d'"inventeur" d'une nouvelle pastorale de la déportation. J'ai son livre ici avec moi.

En cette Eucharistie, nous faisons mémoire de chacun d'eux avec reconnaissance et affection. Sur leurs souffrances, unies à la croix du Christ, a fleuri la nouvelle vie de votre communauté chrétienne.


967 4. Comme les exilés retournés à Jérusalem, vous trouverez, vous aussi "les voisins qui vous apportèrent toute sorte d'aide" (cf. Esd Esd 1,6). Ma présence parmi vous, aujourd'hui, se veut la garantie de la solidarité de l'Eglise universelle. L'entreprise difficile est confiée, avec l'aide indispensable de Dieu, à votre sagacité, à votre engagement et à votre sensibilité. Vous êtes appelés à être des charpentiers, des forgerons, des maçons, des ouvriers du temple spirituel qui est à reconstruire.

Chers prêtres, l'esprit de communion et de réelle collaboration, que vous saurez mettre en oeuvre entre vous et avec les fidèles laïcs, constitue le secret de la réussite de cette mission exaltante et difficile. Que le commandement nouveau donné par le Christ à la veille de sa Passion "aimez-vous les uns les autres" (Jn 13,34) vous guide dans le ministère quotidien. Tel est le thème que vous avez opportunément choisi pour ma visite pastorale. Il vous engage à vivre concrètement le mystère de la communion dans l'annonce de la Parole de vie, dans l'animation du culte liturgique, dans les soins prodigués aux jeunes générations, dans la préparation des catéchistes, dans la promotion des associations catholiques, dans l'attention accordée à ceux qui connaissent des difficultés matérielles et spirituelles. C'est ainsi que, en union avec vos Evêques et avec les religieux et les religieuses, vous pourrez reconstruire le temple du Seigneur!


5. En ces dix années de liberté recouvrée, beaucoup a été fait grâce au zèle évangélisateur inlassable qui vous caractérise. Mais, aux structures extérieures, doit cependant correspondre un solide fondement intérieur. Il est donc important de soigner la formation théologique, ascétique et pastorale de ceux que le Seigneur appelle à son service.

Je me réjouis de l'ouverture du nouveau séminaire de Karaganda, destiné à accueillir les séminaristes des Républiques d'Asie centrale. Comme le centre diocésain, vous avez voulu le dédier à un prêtre zélé, le R.P. Wladyslaw Bukowinski, qui, au cours des dures années du communisme, a continué à exercer son ministère dans la ville. "Nous avons été ordonnés non pour nous ménager - écrivait-il dans ses mémoires - mais, si cela est nécessaire, pour donner notre vie pour les brebis du Christ". Moi même, j'ai eu la chance de le connaître et d'en apprécier la foi profonde, la parole sage, la confiance indestructible dans la puissance de Dieu. Au nom de toute l'Eglise, j'entends aujourd'hui lui rendre hommage, ainsi qu'à tous ceux qui ont passé leur vie entre privations et persécutions.

Que ces fidèles ouvriers de l'Evangile soient pour vous aussi un exemple et un encouragement, très chères personnes consacrées, appelées à être signe de gratuité et d'amour au service du Royaume de Dieu. "La vie de l'Eglise - ainsi que je l'observais dans l'Exhortation post-synodale Vita consecrata - et la société elle-même ont besoin de personnes capables de se consacrer totalement à Dieu et aux autres pour l'amour de Dieu" (n. 105). Il vous est demandé d'offrir ce supplément d'âme dont le monde a tant besoin.


6. Avant d'être ceux qui annoncent, il faut être des témoins crédibles de l'Evangile. Maintenant que le climat politique et social s'est libéré du poids de l'oppression totalitaire - et il est souhaitable que le pouvoir ne cherche jamais plus à limiter la liberté des croyants - le besoin que chaque disciple du Christ soit lumière du monde et sel de la terre (cf. Mt Mt 4,13-14) demeure une nécessité impérieuse. Ce besoin est d'autant plus urgent du fait de la destruction spirituelle héritée de l'athéisme militant, mais aussi du fait des risques que font courir l'hédonisme et le consumérisme actuel.

A la force du témoignage, chers frères et soeurs, unissez la douceur du dialogue.
Le Kazakhstan est une terre habitée par des peuples d'origines diverses, appartenant à différentes religions, héritiers d'illustres cultures et d'une riche histoire. Le sage Abai Kunanbai, voix prestigieuse de la culture kazakh, affirmait, avec la largeur de vue qui le caractérise: "Justement parce que nous adorons Dieu en plénitude et que nous avons foi en lui, nous n'avons pas le droit de dire que nous devons obliger les autres à croire en lui et à l'adorer" (Proverbes, chap. 45).
L'Eglise ne veut pas imposer sa foi aux autres. Il est clair toutefois que cela n'exempte pas les disciples du Seigneur de communiquer aux autres le grand don auquel nous participons: la vie du Christ. "Nous ne devons pas craindre que puisse être lésée l'identité de l'autre par ce qui est en fait l'annonce joyeuse d'un don offert à tous et qui doit être proposé à tous dans le plus grand respect de la liberté de chacun: le don de la révélation du Dieu-Amour" (Novo millennio ineunte NM 56). Plus on témoigne de l'amour de Dieu, plus il croît dans le coeur.


7. Très chers frères et soeurs, quand votre travail apostolique se gorge de larmes, quand le chemin se fait aride et âpre, pensez au bien que le Seigneur accomplit à travers vos mains, votre parole, votre coeur. Il vous a placés ici comme don pour le prochain. Sachez être à la hauteur de cette mission.

Toi, Marie, Reine de la Paix, soutiens tes fils. Ils se confient à Toi aujourd'hui avec une confiance renouvelée. Madone du Perpétuel Secours, qui, depuis cette cathédrale, embrasse l'ensemble de la communauté ecclésiale, aide les croyants à s'engager avec générosité en témoignant de leur foi, afin que l'Evangile de ton Fils retentisse dans tous les angles de ces terres immenses et bien-aimées.
Amen!



VOYAGE APOSTOLIQUE EN ARMÉNIE

968
26 septembre 2001, Célébration Oecum. dans la nouvelle Cathédrale Ap. de St-Grégoire-l'Illuminateur, Yerevan


Cathédrale St-Grégoire-l'Illuminateur
Yerevan, mercredi 26 septembre 2001



"Voyez, qu'il est bon, qu'il est doux d'habiter en frères tous ensemble" (
Ps 133,1)
Loué soit Jésus-Christ!

1. Dimanche dernier, Votre Sainteté et l'ensemble du Catholicossat d'Etchmiadzine ont eu la joie de consacrer cette nouvelle Cathédrale Saint-Grégoire-l'Illuminateur, qui est le digne mémorial de dix-sept siècles de fidélité de l'Arménie à notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. Ce splendide sanc-tuaire témoigne de la foi héritée de vos pères, et nous parle à tous de l'espérance qui, aujourd'hui encore, pousse le peuple arménien à regarder vers l'avenir avec une confiance renouvelée et une détermination courageuse.

Présider avec Votre Sainteté cette Liturgie oecuménique est pour moi une source de grande joie personnelle. Elle est comme la continuité de notre Prière commune de l'année dernière dans la Basilique Saint-Pierre, à Rome. Là, ensemble, nous avons vénéré la relique de saint Grégoire l'Illuminateur, et le Seigneur nous donne de répéter ce geste aujourd'hui, ici, à Yerevan. J'embrasse Votre Sainteté avec la même affection fraternelle avec laquelle vous m'avez salué au cours de votre visite à Rome.

Je suis reconnaissant à Son Excellence le Président de la République, pour sa présence à cette rencontre, signe de notre conviction commune que la Nation sera florissante et prospère grâce au respect réciproque et à la coopération de toutes ses Institutions. Ma pensée se tourne en ce moment vers Sa Sainteté Aram I, Catholicos de la Grande Maison de Cilicie, ainsi que vers les Patriarches arméniens de Jérusalem et de Constantinople: je leur envoie un salut dans l'amour du Seigneur. Je salue cordialement les membres éminents de toutes les autorités civiles et religieuses et les communautés représentées ici ce soir.


2. Quand, à travers la prédication de saint Grégoire, le roi Tiridate III se convertit, une nouvelle lumière commença à poindre dans la longue histoire du peuple arménien. L'universalité de la foi s'unit de manière inséparable à votre identité nationale. La foi chrétienne s'enracina de façon permanente sur votre terre, rassemblée autour du mont Ararat, et la parole de l'Evangile influença profondément la langue, la vie de famille, la culture et l'art du peuple arménien.

Tout en préservant et en développant sa propre identité, l'Eglise arménienne n'hésita pas à s'engager dans le dialogue avec les autres traditions chrétiennes, puisant à leur patrimoine spirituel et culturel. Dès le début, non seulement les Saintes Ecritures, mais aussi les principales oeuvres des Pères syriaques, grecs et latins furent traduites en langue arménienne. La liturgie arménienne tira son inspiration des traditions liturgiques de l'Eglise en Orient et en Occident. Grâce à cette extraordinaire ouverture d'esprit, l'Eglise arménienne, tout au long de son histoire, a été particulièrement sensible à la cause de l'unité des chrétiens. De saints Patriarches et Docteurs tels que saint Isaac le Grand, Babghèn d'Otmus, Zacharie de Dzag, Nerses Snorhali, Nerses de Lambron, Stéphane de Salmasta, Jacques de Julfa et d'autres étaient bien connus pour leur zèle en faveur de l'unité de l'Eglise.

Dans sa lettre à l'Empereur byzantin, Nerses Snorhali fixait les grands principes du dialogue oecuménique qui n'ont en rien perdu de leur importance. Parmi ses nombreuses intuitions, il insiste sur le fait que la recherche de l'unité est un devoir qui concerne toute la communauté et que l'on ne peut laisser se créer des divisions à l'intérieur des Eglises. Il enseigne en outre qu'il est nécessaire d'assainir les souvenirs de manière à dépasser les ressentiments et les préjugés du passé, tout comme est également indispensable le respect mutuel et un sens d'égalité entre les interlocuteurs qui représentent les Eglises respectives. Enfin, il déclare que les chrétiens doivent avoir une profonde conviction intérieure du fait que l'unité est essentielle non dans le but d'obtenir un avantage stratégique ou un gain au plan politique, mais dans l'intérêt de la prédication de l'Evangile telle que le Christ le demande. Les intuitions de ce grand Docteur arménien sont le fruit d'une extraordinaire sagesse pastorale, et je les fais miennes alors que je me trouve aujourd'hui parmi vous.


969 3. "Voyez, qu'il est bon, qu'il est doux d'habiter en frères tous ensemble" (Ps 133,1). Quand, en 1970, le Pape Paul VI et le Catholicos Vazken I échangèrent le baiser de paix, ils inaugurèrent une nouvelle ère de contacts fraternels entre l'Eglise de Rome et l'Eglise arménienne. Leur rencontre fut très vite suivie d'autres visites importantes. Je garde en mémoire l'heureux souvenir des visites à Rome de Sa Sainteté Karékine I, d'abord en tant que Catholicos de la Grande Maison de Cilicie, puis comme Catholicos d'Etchmiadzine. Dès le moment où il prit part en tant qu'observateur au Concile oecuménique Vatican II, le Catholicos Karékine I ne cessa jamais d'oeuvrer afin de promouvoir des relations fraternelles et une coopération concrète entre les chrétiens d'Orient et d'Occident. J'aurais vivement souhaité lui rendre visite ici en Arménie, mais sa santé chancelante, puis sa mort prématurée, ne me le permirent pas. Je rends grâce au Seigneur de nous avoir donné ce grand homme d'Eglise, champion sage et courageux de l'unité des chrétiens.

Votre Sainteté, je suis heureux de pouvoir vous rendre la visite que vous m'avez faite à Rome avec une délégation d'évêques et de fidèles arméniens. J'ai interprété alors votre invitation à visiter l'Arménie et la Sainte Etchmiadzine comme un grand signe d'amitié et de charité ecclésiale. Pendant de longs siècles, les contacts entre l'Eglise apostolique arménienne et l'Eglise de Rome furent intenses et chaleureux et le désir de la pleine unité ne disparut jamais vraiment. Ma visite d'aujourd'hui témoigne de notre désir commun de parvenir à la pleine unité que le Seigneur a voulue pour ses disciples. Nous sommes proches du mont Ararat, où, selon la tradition, l'Arche de Noé s'échoua. Comme la colombe revint avec le rameau d'olivier de la paix et de l'amour (cf. Gn 8,11), ainsi, je prie pour que ma visite soit une sorte de consécration de la collaboration riche et fructueuse qui existe déjà entre nous.

Il existe une unité réelle et intime entre l'Eglise catholique et l'Eglise d'Arménie, étant donné que toutes deux ont préservé la succession apostolique et possèdent des Sacrements valides, en particulier le Baptême et l'Eucharistie. La conscience de cet état de fait doit nous pousser à oeuvrer encore plus intensément pour renforcer notre dialogue oecuménique. Dans ce dialogue de foi et d'amour, aucune question, aussi difficile soit-elle, ne devrait être négligée. Conscient de l'importance du ministère de l'Evêque de Rome dans la recherche de l'unité des chrétiens, j'ai demandé - dans ma Lettre encyclique Ut unum sint - que les Evêques et les théologiens de nos Eglises réfléchissent aux "formes dans lesquelles ce ministère pourra réaliser un service d'amour reconnu par les uns et par les autres" (n. 95). L'exemple des premiers siècles de la vie de l'Eglise peut guider ce discernement. Ma prière ardente est que puisse à nouveau se réaliser cet "échange de dons" dont l'Eglise du premier millénaire donna un exemple merveilleux. Puisse la mémoire du temps où l'Eglise respirait avec "ses deux poumons" encourager les chrétiens d'Orient et d'Occident à marcher ensemble dans l'unité de la foi et dans le respect des diversités légitimes, en s'accueillant et en se soutenant comme membres de l'unique Corps du Christ (cf. Novo Millennio ineunte NM 48).


4. D'un seul coeur, nous contemplons le Christ, notre paix, qui a uni ce qui, un temps, était divisé (cf. Ep 2,14). En vérité, le temps nous presse et nous avons un devoir sacré et urgent. Nous devons proclamer la Bonne Nouvelle du salut aux hommes et aux femmes de notre époque. Après avoir fait l'expérience du vide spirituel du communisme et du matérialisme, ils cherchent le chemin de la vie et du bonheur: ils ont soif de l'Evangile. Nous avons une grande responsabilité vis-à-vis d'eux, et ils attendent de nous un témoignage convaincant d'unité dans la foi et l'amour réciproque. Dans la mesure où nous oeuvrons pour la pleine communion, faisons ensemble ce que nous ne devons pas faire séparément. Oeuvrons ensemble, dans le respect de nos identités et de nos traditions distinctes. Jamais plus chrétiens contre chrétiens, jamais plus Eglise contre Eglise! Marchons plutôt ensemble, la main dans la main, afin que le monde du vingt-et-unième siècle et du troisième millénaire puisse croire.


5. Les Arméniens ont toujours eu une grande vénération pour la Croix du Christ. Au cours des siècles, la Croix a été la source inépuisable de leur espérance aux temps de l'épreuve et de la souffrance. Une caractéristique émouvante de cette terre consiste dans les nombreuses croix en forme de katchkar, qui témoignent de la solidité de votre fidélité à la foi chrétienne. A cette époque de l'année, l'Eglise arménienne célèbre une de ses grandes fêtes: l'Exaltation de la Sainte Croix.
Elevé de terre sur le bois de la Croix, le Christ Jésus, notre salut, vie et résurrection, nous attire tous à lui (cf. Jn 12,32).

Ô Croix du Christ, notre véritable espérance! Chaque fois que le péché et la faiblesse humaine sont la cause de divisions, donne nous la force de pardonner et de nous réconcilier les uns avec les autres. Ô Croix du Christ, sois notre soutien quand nous oeuvrons afin de restaurer la pleine communion entre ceux qui regardent le Seigneur crucifié comme notre Sauveur et notre Dieu. Amen.

Je vous remercie de votre attention et j'invoque la Bénédiction de Dieu sur nos pas vers la pleine unité.



27 septembre 2001, Messe en rite latin - Grand Autel extérieur, Etchmiadzine

Grand Autel extérieur
Etchmiadzine, jeudi 27 septembre 2001


970 Très chers frères et soeurs!
Je vous salue et je vous bénis tous!
"Yahvé est ma lumière et mon salut" (
Ps 27 [26] 1).

1. Ces paroles du Psalmiste ont résonné dans le coeur des Arméniens lorsque, il y a dix-sept siècles, la foi chrétienne, proclamée pour la première fois sur cette terre par les apôtres Barthélemy et Thaddée, devint la religion de la Nation. Depuis cette date, les chrétiens arméniens ont vécu et sont morts dans la grâce et dans la vérité (cf. Jn 1,17) de notre Seigneur Jésus-Christ. La lumière et le salut de l'Evangile vous ont inspirés et soutenus au cours de toutes les étapes de votre pèlerinage au long des siècles. Aujourd'hui, nous honorons et nous commémorons la fidélité de l'Arménie à Jésus-Christ au cours de cette Eucharistie, que Sa Sainteté le Catholicos Karékine II, avec un amour fraternel, m'a invité à célébrer sur le sol sacré où le Fils de Dieu est apparu à votre Père dans la foi, saint Grégoire l'Illuminateur.

Combien l'Evêque de Rome a attendu ce jour! Avec une joie intense, je salue Sa Sainteté le Catholicos, ses confrères, Archevêques et Evêques, ainsi que tous les fidèles de l'Eglise apostolique arménienne. Je salue chaleureusement Mgr Nerses Der Nersessian et l'Archevêque coadjuteur, Mgr Vartan Kechichian et, à travers eux, ma pensée s'adresse à Sa Béatitude le Patriarche Nerses Bedros XIX, Patriarche catholique de Cilicie des Arméniens. J'embrasse les prêtres, les hommes et les femmes consacrées et vous tous, fils et filles de l'Eglise catholique arménienne. Je souhaite la bienvenue à Mgr Giuseppe Pasotto, Administrateur apostolique du Causase des Latins, ainsi qu'à tous ceux qui sont venus de Géorgie et d'autres parties du Caucase.


2. Pendant de nombreuses années, la voie du prêtre a cessé de résonner dans vos églises; toutefois, la voix de la foi du peuple s'entendait encore, emplie de dévotion et d'affection filiale pour le Successeur de l'Apôtre Pierre.

Lorsque des hommes au coeur mauvais tirèrent sur la Croix du clocher de Panik, leur but était d'offenser le Dieu auquel ils ne croyaient pas. Mais leur violence était dirigée avant tout contre le peuple, qui avait rassemblé les pierres pour construire une maison au Seigneur; contre vous, qui aviez reçu dans ces églises le don de la foi dans les eaux du Baptême et le don de l'Esprit Saint dans la confirmation; contre vous, qui vous y réunissiez pour partager le banquet céleste à la table de l'Eucharistie; contre vous, dont les mariages avaient été bénis en ces lieux de prière, afin que vos familles soient saintes, et où vous aviez donné le dernier adieu à vos proches dans la ferme espérance d'être réunis avec eux un jour au Paradis.

Ils ouvrirent le feu contre la Croix; toutefois, vous avez continué à chanter les louanges du Seigneur, préservant et vénérant l'habit sacerdotal de votre dernier prêtre, comme signe de sa présence parmi vous. Vous chantiez vos hymnes en ayant pleinement conscience du faitque, du Ciel, sa voix était unie à la vôtre dans la louange au Christ, l'éternel Grand Prêtre. Vous orniez vos lieux de culte aussi bien que possible, et, outre l'image de Jésus et de sa Mère Marie, il y avait souvent l'image du Pape de Rome avec celle du Catholicos de l'Eglise apostolique arménienne. Vous aviez compris que partout où les chrétiens souffraient, même s'ils étaient divisés entre eux, une profonde unité existait déjà.


3. Telle est la raison pour laquelle votre histoire récente n'a pas été marquée par la triste opposition entre les Eglises, qui a tourmenté les chrétiens dans des terres non lointaines. Je me souviens encore lorsque, une fois passé l'hiver de l'athéisme idéologique, le défunt Catholicos Vazken I invita le Saint-Siège de Rome à envoyer un prêtre pour les catholiques d'Arménie. Je choisis alors pour vous le Père Komitas, l'un des fils spirituels de l'Abbé Méchitar. Cette année, la communauté méchitariste célèbre les trois cents ans de sa fondation. Nous rendons grâce au Seigneur pour le témoignage glorieux que les moines ont apporté; et nous leur exprimons notre gratitude pour ce qu'ils font actuellement pour renouveler la culture arménienne!

Bien qu'il ne soit plus jeune, le Père Komitas accepta immédiatement et avec enthousiasme de s'unir à vous dans la tâche difficile de la reconstruction. Il vint vivre à Panik, où il restaura la Croix que les armes à feu avaient tenté de détruire. Dans un esprit fraternel à l'égard du clergé et des fidèles de l'Eglise apostolique arménienne, il rouvrit et embellit l'église pour les catholiques, qui l'avaient si longtemps défendue. A présent, il repose à ses côtés, proche également de son peuple dans la mort, tandis qu'il attend la résurrection des justes.


4. Par la suite, grâce à la com-préhension fraternelle du Catholicos Vazken, qui défendit, devant le Parlement national, les droits des catholiques en Arménie, je vous ai envoyé comme Pasteur un autre méchitariste, le Père Nerses, que j'ai consacré Evêque dans la basilique Saint-Pierre. Il est le fils d'un confesseur de la foi qui paya sa fidélité au Christ dans les prisons communistes. Je voudrais dire une parole spéciale de gratitude à Mgr Der Nersessian. Lorsqu'il en reçut l'ordre, il quitta aussitôt sa bien-aimée communauté méchitariste de l'île de Saint-Lazare à Venise pour venir apporter son service parmi vous comme père amoureux et maître respecté. Aujourd'hui, il est assisté par Mgr Kechichian, un autre fils spirituel de l'Abbé Méchitar. Je lui souhaite à lui aussi un ministère pastoral long et fructueux.

971 Avec son Vicaire précédent, devenu par la suite Evêque des catholiques arméniens en Iran, et aujourd'hui avec l'Archevêque-coadjuteur, les prêtres et les religieuses qui consacrent avec tant de générosité leurs énergies par amour de l'Evangile, Mgr Der Nersessian vous a enseigné et vous a montré que l'Eglise catholique sur cette terre n'est pas une rivale. Nos relations sont empreintes d'un esprit fraternel. De même qu'au cours des années de silence, vous aviez placé l'image du Pape à côté de celle du Catholicos, ainsi aujourd'hui, au cours de cette liturgie, nous prierons non seulement pour la hiérarchie catholique, mais également pour Sa Sainteté Karékine II, Catholicos de tous les Arméniens.

Votre Sainteté, dans votre bonté, vous avez invité l'Evêque de Rome à célébrer l'Eucharistie avec la communauté catholique dans la ville sainte d'Etchmiadzine, et vous nous honorez de votre présence en cette joyeuse circonstance. N'est-ce pas là un signe merveilleux de notre foi commune? Cela n'exprime-t-il pas le désir ardent de tant de frères et de soeurs, qui souhaitent nous voir avancer d'un pas rapide sur la voie de l'unité? Mon coeur désire ardemment hâter le jour où nous célébrerons ensemble le Divin Sacrifice, qui fait de nous tous une seule chose. Votre Sainteté, sur cet autel qui est le vôtre, je demande au Seigneur de pardonner nos erreurs du passé contre l'unité et de nous conduire à l'amour qui dépasse toutes les barrières.


5. Très chers frères et soeurs catholiques, vous êtes à juste titre fiers de cette antique terre de vos pères, et vous-mêmes êtes les héritiers de son histoire et de sa culture. Dans l'Eglise catholique, l'hymne de louange s'élève à Dieu de nombreux peuples et dans de nombreuses langues.

Mais cet enchevêtrement de voix diverses en une unique mélodie ne détruit en rien votre identité d'Arméniens. Vous parlez la douce langue de vos ancêtres. Vous chantez votre liturgie comme cela vous a été enseigné par les saints Pères de l'Eglise arménienne. Avec vos frères de l'Eglise apostolique, vous témoignez du même Seigneur Jésus, qui n'est pas divisé. Vous n'appartenez ni à Apollos, ni à Céphas, ni à Paul: "Vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu" (
1Co 3,23).


6. En tant qu'Arméniens, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs que tous les autres Arméniens, vous aidez à reconstruire la nation. Dans ce devoir d'une grande importance, je suis certain que nos frères et soeurs de l'Eglise apostolique arménienne considèrent les membres de la communauté catholique comme fils de la même Mère, la terre bénie de l'Arménie, terre de martyrs et de moines, de docteurs et d'artistes. Les divisions qui ont eu lieu ont laissé les racines intactes. Nous devons rivaliser entre nous non pas pour créer des divisions ou nous accuser réciproquement, mais pour faire preuve de charité réciproque. L'unique concurrence possible entre les disciples du Seigneur est celle de voir qui est en mesure d'offrir l'amour le plus grand! Rappelons-nous les paroles de votre grand Evêque Nerses de Lambron: "Il n'existe aucun moyen d'être en paix avec Dieu, pour personne, si la paix avec les hommes n'est pas établie avant... Si nous aimons, et que cela est à notre portée, l'amour sera de notre côté; si notre mesure est la rancoeur et la haine, alors, la rancoeur et la haine nous attendent".

Aujourd'hui, l'Arménie attend de tous ses fils et filles des efforts vigoureux et des sacrifices renouvelés. L'Arménie a besoin que tous ses fils oeuvrent de tout coeur pour le bien commun. Cela seul garantira que le service honnête et généreux de ceux qui oeuvrent dans la vie publique est récompensé par la confiance et l'estime du peuple; que les familles sont unies et fidèles, que chaque vie humaine est accueillie avec amour dès sa conception et préservée avec amour même lorsqu'elle est frappée par la maladie ou la pauvreté. Et où pourrez-vous trouver la force pour ce grand engagement commun? Vous la trouverez là où le peuple arménien a toujours puisé l'inspiration pour persévérer dans ses idéaux élevés et pour défendre son héritage culturel et spirituel: dans la lumière et dans le salut qui vous viennent de Jésus-Christ.

L'Arménie a faim et soif de Jésus-Christ, pour lequel un grand nombre de vos ancêtres ont donné leur vie. En ces temps difficiles, les personnes sont à la recherche de pain. Mais lorsqu'elles l'ont, leur coeur voudrait davantage, il voudrait une raison de vivre, une espérance qui les soutiennent dans le dur travail quotidien. Qui les poussera à placer leur confiance en Jésus-Christ? Vous, chrétiens d'Arménie, vous tous ensemble!


7. Tous les chrétiens arméniens se tournent ensemble vers la Croix de Jésus-Christ comme unique espérance du monde et véritable lumière et salut de l'Arménie. Vous êtes tous nés sur la Croix, du côté transpercé du Christ (cf. Jn 19,34). Vous avez à coeur la Croix, car vous savez qu'elle est la vie et non la mort, la victoire et non l'échec. Vous le savez, car vous avez appris la vérité que saint Paul proclame aux Philippiens: son incarcération n'a servi qu'à faire avancer l'Evangile (1, 12). Regardez votre amère expérience, qui fut également, à sa façon, une forme d'incarcération. Vous vous êtes chargés de votre Croix (cf. Mt Mt 16,24) et celle-ci ne vous a pas anéantis! Elle vous a même recréés de façon mystérieuse et merveilleuse. Telle est la raison pour laquelle, après mille sept cents ans, vous pouvez affirmer avec les paroles de Michée: "Ne te réjouis pas à mon sujet, ô mon ennemie, si je suis tombée, je me relèverai; si je demeure dans les ténèbres, Yahvé est ma lumière" (7, 8). Chrétiens d'Arménie, après la grande épreuve, le temps est venu de se relever! Ressuscitez avec Celui qui à toute époque a été votre lumière et votre salut!


8. Au cours de ce pèlerinage oecuménique, je désirais ardemment visiter les lieux où les fidèles catholiques vivent en grand nombre. J'aurais voulu prier sur les tombes des victimes du terrible tremblement de terre de 1988, en sachant qu'un grand nombre d'entre eux en supportent encore les conséquences tragiques. Je désirais visiter personnellement l'hôpital Redemptoris Mater, auquel j'ai moi-même eu la joie de contribuer lorsque l'Arménie était en difficulté, et dont je sais qu'il est très apprécié pour le service qu'il offre, grâce au travail inlassable des Camilliens et des Petites Soeurs de Jésus. Mais, malheureusement, rien de tout cela n'a été possible. Sachez que vous occupez tous une place dans mon coeur et dans mes prières.

Très chers frères et soeurs, lorsque de ce lieu saint vous rentrerez chez vous, rappelez-vous que l'Evêque de Rome est venu pour honorer la foi du peuple arménien, auquel vous appartenez et qui lui est particulièrement chère. Il est venu célébrer votre fidélité et votre courage et louer Dieu qui vous a accordés de voir le jour de la liberté. Ici, auprès de ce splendide autel, rappelons-nous de ceux qui ont combattu pour voir ce jour et qui ne le virent pas, mais le contemplent aujourd'hui dans la gloire éternelle du Royaume de Dieu.

Que la glorieuse Mère de Dieu, que vous aimez si tendrement, veille sur ses fils arméniens, et prenne pour toujours chacun - les petits, les jeunes, les familles, les personnes âgées, les malades - sous son manteau protecteur.

972 Armenia semper fidelis! La paix de Dieu soit toujours avec vous! Amen.



30 septembre 2001, Messe pour l’ouverture de la Xème Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Evêques

Dimanche 30 septembre 2001


1. "L'Evêque: Serviteur de l'Evangile de Jésus-Christ pour l'espérance du monde".

C'est sur ce thème que se tiendront les travaux de la dixième Assemblée générale ordinaire du Synode des Evêques, que nous ouvrons maintenant au nom du Seigneur. Elle fait suite à la série d'Assemblées spéciales à caractère continental, qui se sont déroulées en préparation au grand Jubilé de l'An 2000, des Assemblées ayant toutes en commun la perspective de l'évangélisation, comme en témoignent les Exhortations apostoliques post-synodales publiées jusqu'à présent. C'est dans cette même perspective que se situe l'Assemblée actuelle, qui se place également dans la continuité des précédentes Assemblées ordinaires, consacrées aux diverses vocations du Peuple de Dieu: les laïcs, en 1987; les prêtres, en 1990; la vie consacrée, en 1994. La réflexion sur les Evêques complète ainsi le tableau d'une ecclésiologie de communion et de mission, que nous devons toujours avoir devant les yeux.

C'est avec une grande joie que je vous accueille, très chers et vénérés frères dans l'Episcopat, venus de toutes les parties de monde. Vous retrouver et travailler ensemble, sous la conduite du Successeur de Pierre, témoigne que "tous les évêques participent en une communion hiérarchique au souci de l'Eglise universelle" (Christus Dominus
CD 5). J'étends mon cordial salut aux autres membres de l'Assemblée et à tous ceux qui, au cours des prochains jours, collaboreront à son bon déroulement. Je remercie en particulier le Secrétaire général du Synode, le Cardinal Jan Pieter Schotte, ainsi que ses collaborateurs, qui ont activement préparé cette réunion synodale.


2. La nuit de Noël 1999, en inaugurant le grand Jubilé, après avoir ouvert la Porte Sainte, je l'ai traversée en tenant dans mes mains le Livre des Evangiles. C'était un geste hautement symbolique. En lui nous pouvons voir d'une certaine façon le contenu tout entier du Synode que nous inaugurons aujourd'hui et qui aura pour thème: "L'Evêque: Serviteur de l'Evangile de Jésus-Christ pour l'espérance du monde".

L'Evêque est "minister, serviteur". L'Eglise est au service de l'Evangile. "Ancilla Evangelii": ainsi pourrait-on la définir, en reprenant les paroles prononcées par la Vierge à l'annonce de l'Ange. "Ecce ancilla Domini", dit Marie; "Ecce ancilla Evangelii", continue à dire aujourd'hui l'Eglise.
"Propter spem mundi". L'espérance du monde est en Christ. En Lui, les attentes de l'humanité trouvent un vrai et solide fondement. L'espérance de tout être humain provient de la Croix, signe de la victoire de l'amour sur la haine, du pardon sur la vengeance, de la vérité sur le mensonge, de la solidarité sur l'égoïsme. C'est à nous que revient la tâche de communiquer cette annonce salvifique aux hommes et aux femmes de notre temps.


3. "Heureux les pauvres en esprit".

La béatitude évangélique de la pauvreté, constitue un message précieux pour l'Assemblée synodale que nous commençons. La pauvreté est, en effet, un trait essentiel de la personne de Jésus et de son ministère de salut et elle représente l'une des conditions indispensables pour que l'annonce évangélique trouve une écoute et un accueil auprès de l'humanité d'aujourd'hui.

973 Vénérés Frères, à la lumière de la première Lecture, tirée du prophète Amos, et plus encore de la célèbre parabole du "mauvais riche" et du pauvre Lazare, racontée par l'évangéliste Luc, nous sommes invités à examiner notre attitude à l'égard des biens terrestres et l'usage que nous en faisons. Nous sommes invités à vérifier à quel point se trouve, dans l'Eglise, la conversion personnelle et communautaire à une pauvreté évangélique effective. Les paroles du Concile Vatican II nous reviennent en mémoire: "Mais, comme c'est dans la pauvreté et la persécution que le Christ a opéré la rédemption, l'Eglise, elle aussi, est donc appelée à entrer dans cette même voie pour communiquer aux hommes les fruits du salut" (Lumen gentium LG 8).


4. C'est la voie de la pauvreté qui nous permettra de transmettre à nos contemporains "les fruits du salut". En tant qu'Evêques, nous sommes donc appelés à être pauvres au service de l'Evangile. A être des serviteurs de la parole révélée, qui, quand il le faut, élèvent leur voix pour défendre les derniers, en dénonçant les abus de ceux qu'Amos appelle les "insouciants" et les "bons vivants". A être des prophètes qui soulignent avec courage les péchés sociaux liés au consumérisme, à l'hédonisme, à une économie qui creuse un fossé inacceptable entre luxe et misère, entre un petit nombre de "mauvais riches" et d'innombrables "Lazare" condamnés à la misère. A chaque époque, l'Eglise s'est faite solidaire de ces derniers, et a eu des Pasteurs saints, qui se sont rangés aux côtés des pauvres, en apôtres courageux de la charité.

Mais pour que la voix des Pasteurs soit crédible, il faut qu'ils donnent eux-mêmes la preuve d'une conduite détachée des intérêts privés et attentive à l'égard des plus faibles. Il faut qu'ils constituent un exemple pour la communauté qui leur est confiée, en enseignant et en soutenant cet ensemble de principes de solidarité et de justice sociale qui forment la doctrine sociale de l'Eglise.


5. "Pour toi, homme de Dieu" (1Tm 6,11): c'est de ce titre que saint Paul qualifie Timothée dans la seconde Lecture, qui vient d'être proclamée. C'est une page dans laquelle l'Apôtre trace un programme de vie éternellement valable pour l'Evêque. Le Pasteur doit être un "homme de Dieu"; sa vie et son ministère sont entièrement placés sous le pouvoir divin et tirent leur lumière et leur vigueur du mystère suréminent de Dieu.

Saint Paul poursuit ainsi: "Toi, homme de Dieu, [...] poursuis la justice, la piété, la foi, la charité, la constance, la douceur" (v. 11). Quelle sagesse dans ce "poursuis"! L'Ordination épiscopale ne confère pas la perfection des vertus: l'Evêque est appelé à poursuivre son chemin de sanc-tification avec plus d'intensité, pour atteindre l'envergure du Christ, Homme parfait.

L'Apôtre ajoute: "Combats le bon combat de la foi, conquiers la vie éternelle à laquelle tu as été appelé..." (v. 12). Chers frères, en route vers le Royaume de Dieu, nous affrontons notre dur combat quotidien pour la foi, en ne cherchant d'autre récompense que celle que Dieu nous donnera à la fin. Nous sommes appelés à rendre cette "belle profession de foi en présence de nombreux témoins" (vv. 12). La splendeur de la foi devient ainsi témoignage: reflet de la gloire du Christ dans les paroles et dans les gestes de chacun de ses fidèles ministres.

Saint Paul conclut: "Je t'en prie devant Dieu, garde le commandement sans tache et sans reproche jusqu'à l'Apparition de notre Seigneur Jésus-Christ" (v. 14). "Le commandement"! Dans ce mot, il y a tout le Christ: son Evangile, son testament d'amour, le don de son Esprit qui accomplit la loi. Les Apôtres ont reçu de Lui cet héritage et nous l'ont confié, afin qu'il soit con-servé et transmis intact jusqu'à la fin des temps.


6. Très chers frères dans l'épiscopat! Le Christ nous répète aujourd'hui: "Duc in altum - Avance en eau profonde!" (Lc 5,4). A la lumière de son invitation, nous pouvons relire le triple munus que l'Eglise nous a confié: munus docendi, sanctificandi et regendi (cf. Lumen gentium LG 25-27 Christus Dominus CD 12-16).

Duc in docendo! "Proclame la parole - dirons-nous avec l'Apôtre -, insiste à temps et contretemps, réfute, menace, exhorte, avec une patience inlassable et le souci d'instruire" (2Tm 4,2).

Duc in sanctificando! Les "filets" que nous sommes appelés à jeter parmi les hommes sont avant tout les Sacrements, dont nous sommes les principaux dispensateurs, organisateurs, promoteurs et gardiens (cf. Christus Dominus CD 15). Ils forment une sorte de "filet" salvifique, qui libère du mal et conduit à la plénitude de la vie.

Duc in regendo! En tant que Pasteurs et vrais Pères, assistés par les prêtres et les autres collaborateurs, nous avons la mission de rassembler la famille des fidèles et de susciter en son sein la charité et la communion fraternelle (cf. ibid. n. 16).

974 Aussi difficile et ardue que soit cette mission, personne ne doit se décourager. Avec Pierre et les premiers disciples, nous aussi, nous renouvelons avec confiance notre sincère profession de foi: Seigneur, "sur ta parole je vais lâcher les filets" (Lc 5,5)! Sur ta Parole, ô Christ, nous voulons servir ton Evangile pour l'espérance du monde!

Ô Vierge Marie, nous plaçons également notre confiance dans ton assistance maternelle. Toi qui as guidé les premiers pas de la communauté chrétienne, sois également pour nous un soutien et un encouragement. Marie, intercède pour nous, toi que nous invoquons avec les paroles du Serviteur de Dieu Paul VI comme "auxiliaire des Evêques et Mère des Pasteurs". Amen!





7 octobre 2001, Béatification de 7 Serviteurs de Dieu

Dimanche 7 octobre 2001


1. "Le juste vivra par sa fidélité" (Ha 2,4): c'est avec ces paroles pleines de confiance et d'espérance que le prophète Habaquq s'adresse au peuple d'Israël à un moment particulièrement tourmenté de son existence. Relues par l'Apôtre Paul à la lumière du mystère du Christ, ces mêmes paroles sont utilisées afin d'exprimer un principe universel: c'est à travers la foi que l'homme s'ouvre au salut qui lui vient de Dieu.

Nous avons aujourd'hui la joie de contempler ce grand mystère de salut rendu actuel avec les nouveaux bienheureux. Ce sont eux les justes qui, en raison de leur foi, vivent aux côtés de Dieu pour l'éternité: Ignazio Maloyan, Evêque et martyr; Nikolaus Gross, père de famille et martyr; Alfonso Maria Fusco, prêtre; Tommaso Maria Fusco, prêtre; Emilie Tavernier-Gamelin, religieuse; Eugenia Picco, vierge; Maria Euthymia Uffing, vierge.

Ces frères illustres, à présent élevés à la gloire des autels, ont su traduire leur indomptable foi dans le Christ en une extraordinaire expérience d'amour envers Dieu et de service envers leur prochain.
Mgr Ignace Maloyan


2. Mgr Ignace Maloyan, mort martyr à l'âge de 46 ans, nous rappelle le combat spirituel de tout chrétien, dont la foi est exposée aux attaques du mal. C'est dans l'Eucharistie qu'il puisait, jour après jour, la force nécessaire pour accomplir avec générosité et passion son ministère de prêtre, se consacrant à la prédication, à la pastorale des sacrements et au service des plus pauvres. Tout au long de son existence, il a pleinement vécu la parole de saint Paul: "Ce n'est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d'amour et de raison" (2Tm 1,14 2Tm 1,7). Devant les dangers de la persécution, le bienheureux Ignace n'accepta aucun compromis, déclarant à ceux qui faisaient pression sur lui: "A Dieu ne plaise que je renie Jésus mon Sauveur. Verser mon sang en faveur de ma foi est le plus vif désir de mon coeur!". Que son exemple éclaire aujourd'hui tous ceux qui veulent être de vrais témoins de l'Evangile, pour la gloire de Dieu et pour le salut de leurs frères!


Soeur Emilie Tavernier-Gamelin

3. Dans sa vie de mère de famille et de religieuse fondatrice des Soeurs de la Providence, Emilie Tavernier-Gamelin a été le modèle d'un courageux abandon à la Providence. Son attention aux personnes et aux situations la conduisit à inventer des formes nouvelles de charité. Elle avait un coeur ouvert à toute détresse, servant spécialement les pauvres et les petits, qu'elle désirait traiter comme des rois. Considérant qu'elle avait tout reçu du Seigneur, elle donnait sans compter. Tel était le secret de sa joie profonde, même dans l'adversité. Dans un esprit de totale confiance en Dieu et avec un sens aiguisé de l'obéissance, tel le "serviteur quelconque" de l'Evangile, elle accomplit son devoir d'état comme un commandement divin, voulant faire en tout la volonté du Seigneur. Que la nouvelle bienheureuse soit un modèle de contemplation et d'action pour les Soeurs de son Institut et pour les personnes qui travaillent avec elles!


Nikolaus Gross

975 4. Les deux nouveaux bienheureux allemands nous ramènent à une période sombre du XXème siècle. Tournons le regard vers le bienheureux Nikolaus Gross, journaliste et père de famille. Il comprit avec sagacité que l'idéologie national-socialiste ne pouvait pas s'accorder avec la foi chrétienne. Il prit courageusement la plume pour défendre la dignité des personnes. Nikolaus Gross aimait beaucoup sa femme et ses enfants. Toutefois, à aucun moment le lien qui l'unissait à sa famille ne lui fit abandonner le Christ et son Eglise. Il savait bien que "si aujourd'hui nous n'engageons pas notre vie, comment pourrons-nous ensuite prétendre nous trouver aux côtés de Dieu et de notre peuple".

C'est en raison de cette conviction qu'il fut conduit à l'échafaud, mais les portes du ciel s'ouvrirent à lui. Dans le bienheureux martyr Nikolaus Gross se réalisa ce qu'avait prédit le prophète: "Le juste vivra par sa fidélité" (
Ha 2,4).


Soeur Euthymia Uffing

5. Soeur Euthymia a rendu un témoignage d'un tout autre genre. Cette soeur clémentine s'est consacrée au soin des malades, en particulier des prisonniers de guerre et des immigrés. Elle fut même appelée "Maman Euthymia". Après la guerre, elle dut s'occuper d'une blanchisserie au lieu de prendre soin des malades. Elle aurait certainement préféré servir les personnes plutôt que les machines. Malgré tout, elle demeura une soeur pleine de compassion, ayant un sourire amical et une bonne parole pour tous. Elle exprimait ainsi son désir: "Le Seigneur doit m'utiliser comme un rayon de soleil qui illumine chaque jour". Elle vécut selon la devise suivante: quoi que nous fassions, nous ne sommes toujours que "des serviteurs inutiles; nous avons fait ce que nous devions faire" (Lc 17,10). Sa grandeur se trouve dans la foi dans les petites choses.


Dom Alfonso Maria Fusco

6. "Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé...", s'exclame Jésus en conversant avec ses disciples (Lc 17,6).

Ce fut une foi ferme et authentique qui guida l'oeuvre et la vie du bienheureux dom Alfonso Maria Fusco, fondateur des Soeurs de Saint Jean-Baptiste. Dès sa jeunesse, le Seigneur avait placé dans son coeur le désir passionné de consacrer sa vie au service des plus pauvres, en particulier des enfants et des jeunes, qu'il rencontrait en grand nombre dans sa ville natale d'Angri, en Campanie. C'est pour cette raison qu'il entreprit le chemin du sacerdoce et devint, dans un certain sens, "le Don Bosco du Sud". Dès le début, il souhaita engager dans son oeuvre plusieurs jeunes qui partageaient son idéal, en leur proposant comme devise les paroles de saint Jean Baptiste: "Parate viam Domini", "Préparez le chemin du Seigneur" (Lc 3,4). Confiants dans la divine Providence, le bienheureux Alfonso Maria et les Soeurs baptistines ont accompli une oeuvre bien supérieure à leurs propres attentes. D'une simple maison d'accueil est né un Institut, qui est aujourd'hui présent dans seize pays et dans quatre continents, aux côtés des "humbles" et des "derniers".


Dom Tommaso Maria Fusco

7. La singulière vitalité de la foi, attestée par l'Evangile d'aujourd'hui, apparaît également dans la vie et dans l'activité de dom Tommaso Maria Fusco, fondateur de l'Institut des Filles de la Charité du Très Précieux Sang. En vertu de la foi il sut vivre, dans le monde, la réalité du Royaume de Dieu d'une façon toute particulière. Parmi ses prières, l'une d'entre elles lui était particulièrement chère: "Je crois en toi, mon Dieu; fais croître ma foi". Telle est précisément la requête que les Apôtres adressent à Jésus dans l'Evangile d'aujourd'hui (cf. Lc 17,6). Le bienheureux Tommaso Maria avait en effet compris que la foi est avant tout un don, une grâce. Personne ne peut la conquérir ou la gagner tout seul. On peut seulement la demander, l'implorer d'En-haut. C'est pourquoi, illuminés par le précieux enseignement du nouveau bienheureux, ne nous lassons jamais d'invoquer le don de la foi, car "le juste vivra par sa fidélité" (Ha 2,4).


Eugenia Picco

8. La synthèse vitale entre contemplation et action, assimilée à partir de la participation quotidienne à l'Eucharistie, fut le fondement de l'expérience spirituelle et de l'élan de charité d'Eugenia Picco. Au cours de sa vie, elle s'efforça toujours de se mettre à l'écoute de la voix du Seigneur, selon l'invitation de la liturgie dominicale d'aujourd'hui (cf. Refrain du Psaume responsorial), en ne se soustrayant jamais aux tâches que l'amour envers le prochain lui demandait. A Parme, elle s'occupa des personnes pauvres, répondant aux besoins des jeunes et des familles indigentes et assistant les victimes de la guerre qui, en cette période, ensanglantait l'Europe. Même face à la souffrance, avec les inévitables moments de difficulté et d'égarement que celle-ci comporte, la bienheureuse Eugenia Picco sut transformer l'expérience de la douleur en occasion de purification et de croissance intérieure. La nouvelle bienheureuse, nous apprend l'art d'écouter la voix du Seigneur, afin d'être des témoins crédibles de l'Evangile de la charité en cette première partie du millénaire.


976 La vocation à la sainteté

9. "Mirabilis Deus in sanctis suis!". Avec les Communautés dans lesquelles les nouveaux bienheureux ont vécu et pour lesquelles ils ont prodigué leurs meilleures énergies humaines et spirituelles, nous voulons rendre grâce à Dieu, "admirable dans ses saints". Dans le même temps, nous lui demandons, par leur intercession, de nous aider à répondre avec une ardeur renouvelée à la vocation universelle à la sainteté.
Amen!


A l'issue de la Messe de béatification, et après la prière de l'Angelus, le Saint-Père a salué les pèlerins de langue française:

Je vous salue, chers pèlerins venus de différents pays pour les béatifications de ce jour. Puissent ces nouvelles figures de sainteté, en particulier Mgr Maloyan et Soeur Emilie Gamelin, vous aider à devenir vous-mêmes des saints, dans la vie qui est la vôtre, en donnant un éloquent témoignage quotidien de votre amour pour le Christ et pour vos frères et soeurs, notamment les plus pauvres!



19 octobre 2001, Messe d’Inauguration de l'Année Académique des Universités Ecclésiastiques romaines

Vendredi 19 octobre 2001


1. "Abraham crut à Dieu, et ce lui fut compté comme justice" (
Rm 4,3). Les paroles adressées par saint Paul à la communauté chrétienne de Rome, reproposées dans la liturgie de ce soir, nous aident à vivre encore plus intensément la rencontre traditionnelle d'aujourd'hui, qui réunit autour de la Table eucharistique la communauté des Universités ecclésiastiques de l'Urbs, au début de la nouvelle année académique.

Dans son Epître aux Romains, après avoir tracé le tableau sombre et plein de désolation d'une humanité finie sous le poids du péché et incapable de se sauver par elle-même, l'Apôtre Paul proclame l'Evangile de la justification, offerte par Dieu à tous les hommes dans le Christ. Pour mieux exprimer le contenu de cette annonce, il propose l'exemple de la foi d'Abraham, père de tous les croyants. Nous sommes ainsi conduits au coeur du message chrétien, qui proclame la réalisation du salut dans la rencontre entre l'initiative gratuite de Dieu et la réponse nécessaire de l'homme, qui accueille le don de Dieu à travers la foi.

La réflexion approfondie et articulée de Paul sur le mystère chrétien constitue une invitation pour tous les disciples du Seigneur à une compréhension toujours plus adéquate des contenus de la foi. Cette invitation vaut en particulier pour les théologiens, dont la mission dans l'Eglise, accomplie en communion avec les Pasteurs légitimes de Dieu, est précisément celle de contribuer, à travers leur travail, à l'approfondissement du contenu de la Révélation et de l'exprimer dans un langage compréhensible aux hommes de leur temps. Il s'adresse également aux professeurs des diverses disciplines ecclésiastiques, appelés à soutenir la communication de la foi et à promouvoir la recherche de la vérité.


2. A travers les paroles de l'Apôtre, qui invitent à imiter l'exemple de foi d'Abraham, je suis heureux de souhaiter une cordiale bienvenue à chacun de vous, qui participez à cette célébration solennelle. Je salue avant tout le Cardinal Zenon Grocholewski, Préfet de la Congrégation pour l'Education catholique, qui préside la Liturgie eucharistique. J'adresse également une pensée reconnaissante aux Recteurs des Universités ecclésiastiques, aux membres du Corps enseignant et aux Recteurs des séminaires et des Collèges, ainsi qu'à tous ceux qui, sous diverses formes, offrent leur collaboration active à la formation spirituelle, culturelle et humaine des étudiants, et qui sont présents ici ce soir. Je vous embrasse enfin tous, très chers jeunes, qui avez le privilège d'approfondir auprès du Siège de Pierre votre formation culturelle et spirituelle. Je désire adresser une parole particulière d'affection et d'encouragement à tous ceux qui commencent cette année leur itinéraire dans la communauté universitaire romaine. Soyez conscients que l'engagement et les efforts de cette période consacrée à l'étude, à la lumière et avec le soutien de la grâce de Dieu, écoutée et suivie de façon généreuse, portera des fruits abondants de bien, non seulement pour vous, mais également pour tous ceux que vous rencontrerez dans les engagements et dans les responsabilités auxquels vous serez appelés.

977 A vous tous, - étudiants, professeurs, formateurs et responsables académiques, - je désire exprimer ma profonde estime et ma reconnaissance pour l'engagement pris dans le milieu académique et didactique. Je souhaite de tout coeur que l'année, inaugurée aujourd'hui de façon solennelle, contribue à produire en tous des fruits abondants de sagesse et de grâce.


3. Le Concile Vatican II a souligné avec force que l'Eglise est "mystère de communion", dérivant de l'unité du Père, du Fils et du Saint-Esprit (cf. Lumen gentium
LG 4 Unitatis redintegratio UR 2). Cette communion doit être entendue comme une cohésion harmonieuse de divers ministères, charismes et dons, animés par le même Esprit, au service de la même mission et orientés vers la même fin. Dans cette vision organique de l'unité de l'Eglise, le savoir théologique, en accord avec ses hypothèses, doit être pleinement inséré dans le cadre vital de la communion ecclésiale. En effet, la réflexion théologique répond essentiellement au dynamisme même de la foi, et, par conséquent, fait partie intégrante de l'évangélisation. Le théologien est appelé à offrir sa contribution de recherche et d'approfondissement de la vérité révélée afin que l'Evangile du salut soit mieux compris et communiqué plus facilement à tous les hommes.

C'est pourquoi le théologien, dans la recherche comme dans l'enseignement, doit toujours être conscient de la vocation ecclésiale intrinsèque de son activité. De la même façon, les professeurs des autres disciplines ecclésiastiques seront soutenus par une forte passion pour la vérité et par une volonté cohérente de servir la mission évangélisatrice de l'Eglise.


4. C'est pourquoi, très chers professeurs et étudiants des Universités ecclésiastiques romaines, je vous invite à prendre une conscience toujours plus claire de l'importance et de la délicatesse de votre devoir. Ayez surtout la con-science d'accomplir votre travail avec l'Eglise, dans l'Eglise et pour l'Eglise. Cela exige une confrontation permanente avec le sensus fidei du Peuple de Dieu et une profonde harmonie avec le Magistère de l'Eglise, qui a précisément le devoir d'être le garant de la foi confiée par le Christ aux Apôtres et à leurs successeurs.

Je vous exhorte, en particulier, vous, étudiants, à profiter des occasions qui vous sont offertes par la Ville et le diocèse de Rome. En effet, ici, outre les amples possibilités de choix entre les enseignements universitaires, on rencontre également une foule de représentants d'une extraordinaire variété de cultures et de traditions. Tout cela doit favoriser une confrontation sereine et constructive, qui encourage chacun dans l'engagement à la recherche de la vérité à laquelle tous doivent tendre.


5. Je souhaite de tout coeur que l'expérience d'études à Rome aide chacun à approfondir le sens d'appartenance à l'Eglise et l'expérience de sa "catholicité". A travers le mystère de la passion, de la mort et de la résurrection du Christ, Dieu rassemble de toutes les nations de la terre un Peuple nouveau, afin qu'il proclame dans le monde ses merveilles et annonce à tout homme la joie du salut. En effet, la béatitude qui nous a été reproposée dans le Psaume responsorial - "Bienheureux l'homme auquel tu donnes le salut" - est destinée au monde entier.

Il s'agit d'une annonce joyeuse qui attend d'être proclamée "au grand jour" et de résonner "sur les toits" (cf. Lc 12,3), comme Jésus nous l'a rappelé dans l'Evangile, afin que chaque homme et chaque femme puisse le connaître et l'accueillir dans sa vie.

L'étude de la théologie et des disciplines ecclésiastiques est orientée vers l'évangélisation. Sachez donc acquérir une méthode rigoureuse, en affrontant avec courage et générosité la difficulté de la recherche, pour faire ensuite l'expérience en première personne de la rencontre féconde entre foi et raison. A travers ces deux "ailes", vous pourrez vous approcher toujours plus de la contemplation de la vérité (cf. Fides et ratio, Introduction) et devenir d'heureux compagnons de voyage pour les hommes de notre temps, souvent déboussolés et égarés sur les routes du monde.


6. "Soyez sans crainte, vous valez mieux qu'une multitude de passereaux" (Lc 12,7). Les paroles de Jésus, qui concluent le passage évangélique d'aujourd'hui, contiennent un message d'encouragement et de réconfort avant tout pour les disciples, qui les entendirent directement de la bouche du Maître en se préparant à affronter une mission de témoignage de l'Evangile difficile et risquée. Puissent-elles également vous soutenir tous, chers jeunes, au moment où vous commencez une nouvelle période de préparation à la mission que le Seigneur vous confiera.

Que la protection maternelle de la Vierge Marie, Siège de la Sagesse, vous accompagne tous, professeurs et étudiants, au cours de cette année universitaire et enseigne à chacun de vous à conserver et à méditer avec un coeur pur et disponible l'annonce de l'Evangile (cf. Lc 2,19 Lc 2,51).

Que Marie, Vierge de l'accueil et de l'écoute, Mère du Verbe fait chair, guide et protège toujours votre chemin vers la pleine et parfaite compréhension de la vérité.

Au terme de l'homélie, le Saint-Père a prononcé les paroles suivantes:

Permettez-moi de rappeler l'époque où j'étais Evêque de Cracovie. Aujourd'hui et demain, nous fêtons saint Jean Cantius qui, au Moyen Age, était professeur à l'Université de Cracovie. Ce jour-là, le 20 octobre, est le jour de l'inauguration de l'année académique des écoles de cette ville; surtout de la célèbre Université jagellonne. En rappelant ce jour de l'inauguration à Cracovie et en partant de l'inauguration que nous célébrons aujourd'hui à Rome, je voudrais adresser à tous les centres académiques de l'Eglise dans chaque partie du monde, la Bénédiction du Seigneur pour la nouvelle année.

Loué soit Jésus-Christ!




Homélies St Jean-Paul II 963