Homélies St Jean-Paul II 1030


VOYAGE APOSTOLIQUE À TORONTO,

À CIUDAD DE GUATEMALA ET À CIUDAD DE MÉXICO

XVIIème JOURNÉE MONDIALE DE LA JEUNESSE




Messe pour la célébration de la XVIIème Journée Mondiale de la Jeunesse au Downsview Park, Toronto (28 juillet 2002)

Toronto - Downsview Park, dimanche 28 juillet 2002
1031
«Vous êtes le sel de la terre...

Vous êtes la lumière du monde» (
Mt 5,13 Mt 5,14)

Chers jeunes de la XVII Journée mondiale de la Jeunesse,
Chers frères et soeurs!

1. Sur une montagne proche du lac de Galilée, les disciples de Jésus étaient à l'écoute de sa voix douce et pressante: douce comme le paysage même de la Galilée, pressante comme un appel à choisir entre la vie et la mort, entre la vérité et le mensonge. Le Seigneur prononça alors des paroles de vie qui seraient appelées à résonner pour toujours dans le coeur des disciples.

Aujourd'hui, il vous adresse les mêmes paroles, jeunes de Toronto, de l'Ontario et de tout le Canada, des Etats-Unis, des Caraïbes, de l'Amérique de langue espagnole et portugaise, de l'Europe, de l'Afrique, de l'Asie et de l'Océanie. Ecoutez la voix de Jésus au plus profond de vos coeurs! Ses paroles vous disent qui vous êtes en tant que chrétiens.Elles vous enseignent ce que vous devez faire pour demeurer dans son amour.

2. Jésus offre une chose, "l'esprit du monde" en offre une autre. Dans la lecture d'aujourd'hui, tirée de la lettre aux Ephésiens, saint Paul affirme que Jésus nous fait passer des ténèbres à la lumière (cf. Ep Ep 5,8). Assurément, le grand Apôtre pensait à la lumière qui l'avait aveuglé, lui le persécuteur des chrétiens, sur le chemin de Damas. Quand il avait recouvré la vue, rien n'était plus comme avant. Paul était né de nouveau et, désormais, rien n'aurait pu lui soustraire la joie qui avait inondé son âme.

Chers jeunes, vous êtes vous aussi appelés à être transformés. "Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d'entre les morts, et le Christ t'illuminera" (Ep 5,14): c'est encore Paul qui parle.
"L'esprit du monde" offre de multiples illusions, de nombreuses parodies du bonheur. Il n'est sans doute pas de ténèbres plus épaisses que celles qui s'insinuent dans l'âme des jeunes lors-que de faux prophètes éteignent en eux la lumière de la foi, de l'espérance et de l'amour. La tromperie la plus grande, la source la plus importante de malheur consistent dans l'illusion de trouver la vie en se passant de Dieu, d'atteindre la liberté en excluant les vérités morales et la responsabilité personnelle.

3. Le Seigneur vous invite à choisir entre ces deux voix, qui sont en compétition pour s'emparer de votre âme. Ce choix constitue la substance et le défi de la Journée mondiale de la Jeunesse. Pourquoi vous êtes-vous rassemblés ici de toutes les parties du monde? Pour dire ensemble au Christ: "Seigneur, vers qui pourrions-nous aller?" Qui, qui a les paroles de la vie éternelle? "Tu as les paroles de la vie éternelle" (Jn 6,68). Jésus, l'ami intime de chaque jeune, a les paroles de la vie.

Le monde dont vous hériterez est un monde qui a désespérément besoin d'un sens renouvelé de la fraternité et de la solidarité humaine. C'est un monde qui a besoin d'être touché et guéri par la beauté et par la richesse de l'amour de Dieu. Le monde actuel a besoin de témoins de cet amour. Il a besoin que vous soyez le sel de la terre et la lumière du monde. Le monde a besoin de vous, le monde a besoin de sel, de vous comme sel de la terre et lumière du monde.

1032 4. Le sel est utilisé pour conserver et maintenir saine la nourriture. En tant qu'apôtres du troisième millénaire, il vous revient de conserver et de maintenir vive la conscience de la présence de Jésus-Christ, notre Sauveur, en particulier dans la célébration de l'Eucharistie, mémorial de sa mort rédemptrice et de sa résurrection glorieuse. Vous devez maintenir vive la mémoire des paroles de vie qu'il a prononcées, des merveilleuses oeuvres de miséricorde et de bonté qu'il a accomplies. Vous devez sans cesse rappeler au monde que "l'Evangile est la puissance de Dieu qui sauve" (cf. Rm Rm 1,16).

Le sel assaisonne et donne du goût à la nourriture. En suivant Jésus, vous devez changer et améliorer la "saveur" de l'histoire humaine. Par votre foi, votre espérance et votre amour, par votre intelligence, votre courage et votre persévérance, vous devez humaniser le monde dans lequel nous vivons.Isaïe indiquait déjà dans la première lecture d'aujourd'hui le moyen d'y parvenir: "Faire tomber les chaînes injustes... partager ton pain avec celui qui a faim... [faire disparaître] le geste de menace et la parole malfaisante... Alors ta lumière se lèvera dans les ténèbres" (Is 58,6-10).

5. Même une petite flamme qui vacille soulève le lourd manteau de la nuit. Combien plus de lumière pourrez-vous faire tous ensemble, si vous êtes proches les uns des autres dans la communion de l'Eglise! Si vous aimez Jésus, aimez l'Eglise! Ne vous découragez pas devant les fautes et les manquements de certains de ses fils! Le préjudice causé par certains prêtres et religieux à des personnes jeunes et fragiles nous remplit tous d'un profond sentiment de tristesse et de honte. Mais pen-sez à la grande majorité des prêtres et des religieux qui vivent généreusement leur engagement, et dont l'unique désir est de servir et de faire le bien! Aujourd'hui, il y a ici beaucoup de prêtres, de séminaristes et de personnes consacrées: soyez proches d'eux et soutenez-les! Et si, au plus profond de votre coeur, vous entendez résonner le même appel au sacerdoce ou à la vie consacrée, n'ayez pas peur de suivre le Christ sur la voie royale de la Croix! Dans les moments difficiles de l'histoire de l'Eglise, le devoir de la sainteté devient encore plus urgent. Et la sainteté n'est pas une question d'âge. La sainteté, c'est vivre dans l'Esprit Saint, comme l'ont fait Kateri Tekakwitha, ici en Amérique, et de nombreux autres jeunes.

Vous êtes jeunes, le Pape est âgé, avoir 82 ou 83 ans de vie, ce n'est pas pareil que 22 ou 23 ans. Mais le Pape fait encore siennes vos attentes et vos espérances. Jeunesse de l'esprit, jeunesse de l'esprit! Même si j'ai vécu des moments de profondes ténèbres, sous de durs régimes totalitaires, j'ai vu assez de choses pour être convaincu de manière inébranlable qu'aucune difficulté, qu'aucune peur n'est assez grande pour étouffer complètement l'espérance qui jaillit éternellement dans le coeur des jeunes.

Vous êtes notre espérance, les jeunes sont notre espérance. Ne laissez pas mourir cette espérance! Pariez votre vie sur elle! Nous ne sommes pas la somme de nos faiblesses et de nos échecs; au contraire, nous sommes la somme de l'amour du Père pour nous et de notre capacité réelle à devenir l'image de son Fils.

6. Je termine par une prière:
Seigneur Jésus Christ,
garde ces jeunes dans ton amour.
Fais qu'ils entendent ta voix
et qu'ils croient à ce que tu dis,
car toi seul
1033 as les paroles de la vie éternelle.

Apprends-leur
comment professer leur foi,
comment faire don de leur amour,
comment communiquer
leur espérance aux autres.

Fais d'eux
des témoins crédibles de ton Evangile,
dans un monde qui a tant besoin
de ta grâce qui sauve.

Fais d'eux
1034 le nouveau peuple des Béatitudes,
pour qu'ils soient le sel de la terre
et la lumière du monde
au début
du troisième millénaire chrétien.

Marie, Mère de l'Eglise,
protège et guide
ces jeunes hommes
et ces jeunes femmes
du vingt-et-unième siècle.

Tiens-les tous serrés
1035 contre ton coeur maternel. Amen.



Messe et Canonisation du Bienheureux Hermano Pedro de San José de Betancurt à l'Hippodrome, Guatemala (30 juillet 2002)

Hippodrome de Guatemala, mardi 30 juillet 2002



1. "Venez les bénis de mon Père [...] dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait" (
Mt 25,34-40). Comment ne pas penser que ces paroles de Jésus, sur lesquelles se conclura l'histoire de l'humanité, puissent également s'appliquer à Frère Pedro, qui se consacra avec tant de générosité au service des plus pauvres et des laissés-pour-compte?

Alors que j'inscris aujourd'hui dans l'Album des Saints Frère Pedro di San José di Betancur, je le fais dans la conviction de l'actualité de son message. Avec pour seuls bagages sa foi et sa confiance en Dieu, le nouveau saint traversa l'Atlantique pour se mettre au service des pauvres et des populations autochtones d'Amérique: d'abord à Cuba, puis au Honduras et enfin sur cette terre bénie du Guatemala, sa "terre promise".

2. Je remercie cordialement Mgr Rodolfo Quezada, Archevêque de Guatemala, pour les aimables paroles qu'il m'a adressées en me présentant cette communauté ecclésiale bien-aimée. Je salue Messieurs les Cardinaux, les évêques guatémaltèques, l'évêque de Tenerife et tous ceux qui sont venus d'autres lieux du continent américain.

Je salue également avec beaucoup d'estime les prêtres et les hommes et femmes consacrés, ainsi que les religieuses de clôture. J'adresse aussi un salut particulier et affectueux aux frères de l'Ordre de Bethléem et aux soeurs de Bethléem, fruit de l'inspiration de la Mère Encarnación Rosal, première bienheureuse guatémaltèque et réformatrice de la Communauté dont elle décida la fondation dans le but de retrouver les valeurs fondamentales des disciples de Frère Pedro.

Je remercie en particulier pour leur présence à cette célébration les présidents des Républiques du Guatemala, du Salvador, du Honduras, du Nicaragua, du Costa Rica, de Panama et de la République dominicaine, ainsi que le Premier Ministre du Belize et les autres autorités civiles. J'apprécie également la participation à cette manifestation de la Mission venue d'Espagne pour cette heureuse occasion.

Je souhaite également exprimer mon estime et ma proximité aux nombreux autochtones. Le Pape ne vous oublie pas et, en admirant les valeurs de votre culture, il vous encourage à surmonter avec espérance les situations quelquefois difficiles que vous traversez. Construisez un avenir de manière responsable, travaillez pour le progrès harmonieux de vos peuples! Vous méritez le respect de tous et vous avez droit de vous réaliser pleinement dans la justice, dans le développement intégral et dans la paix.

3. "Pour que se fortifie en vous l'homme intérieur, que le Christ habite en vos coeurs, et que vous soyez enracinés, fondés dans l'amour" (Ep 3,16-17). Ces paroles de saint Paul, que nous avons écoutées aujourd'hui, manifestent la manière dont la rencontre intérieure avec le Christ transforme l'être humain, en le remplissant de miséricorde envers son prochain.

Frère Pedro fut un homme de profonde prière, sur sa terre natale déjà, à Tenerife, et ensuite au cours de toutes les étapes de sa vie, jusqu'à son arrivée ici où, en particulier dans le monastère du Calvaire, il cherchait assidûment la volonté de Dieu à chaque instant.

1036 C'est pourquoi il est un exemple lumineux pour les chrétiens d'aujourd'hui, auxquels il rappelle que, pour être saint, "il faut un christianisme qui se distingue avant tout dans l'art de la prière" (Novo millennio ineunte NM 32). Je renouvelle donc mon exhortation à toutes les communautés chrétiennes, du Guatemala et des autres pays, à être d'authentiques écoles de prière, dans lesquelles prier soit au centre de toute activité. Une vie intense de piété produit toujours des fruits abondants.

Frère Pedro forgea ainsi sa spiritualité, en particulier dans la contemplation des mystères de Bethléem et de la Croix. Si, dans la naissance et l'enfance de Jésus, il approfondit l'événement fondamental de l'Incarnation du Verbe, ce qui le porta presque naturellement à découvrir dans l'homme le visage de Dieu, dans la méditation sur la Croix, il trouva la force d'exercer de manière héroïque la miséricorde envers les personnes les plus humbles et dans le besoin.

4. Aujourd'hui, nous sommes les témoins de la profonde vérité des paroles du Psaume que nous venons de réciter: le juste "ne craint pas... Il fait largesse, il donne aux pauvres; sa justice demeure à jamais" (111, 8-9). La justice qui perdure est celle que l'on pratique avec humilité, en partageant dans son coeur le sort de ses frères, en semant partout l'esprit de pardon et de miséricorde.

Pedro de Betancur se distingua précisément pour avoir pratiqué la miséricorde avec un esprit humble et une vie austère. Il sentait dans son coeur de serviteur l'exhortation de l'Apôtre Paul: "Quel que soit votre travail, faites-le avec âme, comme pour le Seigneur, et non pour des hommes" (Col 3,23). C'est pourquoi il fut véritablement un frère pour quiconque vivait dans le besoin et il s'engagea avec tendresse et un amour immense pour leur salut. C'est ce qui se manifeste dans les événements de sa vie, comme dans son dévouement envers les malades du petit hôpital de Notre-Dame de Bethléem, berceau de l'Ordre de Bethléem.

Aujourd'hui encore, le nouveau saint est une invitation pressante à pratiquer la miséricorde dans la société actuelle, surtout quand sont si nombreux ceux qui attendent une main tendue qui les secoure. Nous pensons aux enfants et aux jeunes sans-abri ou sans éducation, aux femmes abandonnées qui doivent faire face à tant de besoins; aux multitudes de laissés-pour-compte dans les villes; aux victimes des organisations de crime organisé, de prostitution ou de la drogue; aux malades sans assistance ou aux personnes âgées qui vivent seules.

5. Frère Pedro "est un héritage à ne pas perdre; il faut en faire l'objet d'une gratitude permanente et avoir un propos renouvelé d'imitation" (Novo millennio ineunte NM 7). Cet héritage doit susciter chez les chrétiens et chez tous les citoyens le désir de transformer la communauté humaine en une grande famille, où les relations sociales, politiques et économiques soient dignes de l'homme, et au sein de laquelle soit promue la dignité de la personne à travers la reconnaissance effective de ses droits inaliénables.

Je voudrais conclure en rappelant que la dévotion à la Très Sainte Vierge accompagna toujours la vie de piété et de miséricorde de Frère Pedro. Qu'Elle nous guide nous aussi afin que, illuminés par les exemples de l'"homme fait charité", comme est connu Pedro de Betancur, nous puissions arriver jusqu'à son fils Jésus. Amen.

A l'issue de la célébration eucharistique, le Pape a adressé à l'assemblée les paroles suivantes:

Avant de quitter ce lieu merveilleux, le lieu de la canonisation du premier saint du Guatemala et de Tenerife, je souhaite vous dire que vous m'avez ému une fois de plus.

Merci, merci infiniment, Guatemala! Pour cette foi, pour cet accueil, pour ces rues admirablement décorées. Merci, parce que je sais que derrière chaque croix, il y a un coeur. Vous êtes fidèles à Dieu, à l'Eglise et à votre tradition catholique, illuminés par l'exemple du saint Frère Pierre.

Guatemala toujours fidèle sous la protection du Saint Christ d'Esquipulas. Guatemala, je te porte dans mon coeur.

1037 Loué soit Jésus-Christ!





31 juillet 2002, Messe et Canonisation du Bienheureux Juan Diego Cuauhtlatoatzin en la Basilique de N.S. de Guadalupe, Mexico

Basilique Notre-Dame de Guadalupe, mercredi 31 juillet 2002



1. "Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père car tel a été ton bon plaisir" (
Mt 11,25-26).

Très chers frères et soeurs: ces paroles de Jésus dans l'Evangile d'aujourd'hui constituent pour nous une invitation particulière à louer et à rendre grâce à Dieu pour le don du premier saint autochtone du continent américain.

C'est avec une grande joie que je viens en pèlerinage dans cette basilique de Guadalupe, coeur marial du Mexique et de l'Amérique, pour proclamer la sainteté de Juan Diego Cuauhtlatoatzin, simple et humble indio qui contempla le visage doux et serein de la Vierge de Tepeyac, si cher aux populations du Mexique.

2. Je remercie Monsieur le Cardinal Norberto Carrera Rivera, Archevêque de Mexico, pour les paroles affectueuses qu'il m'a adressées, ainsi que les hommes et les femmes de cet archidiocèse primatial, pour leur accueil chaleureux: j'adresse à tous mon plus cordial salut. Je salue avec affection également le Cardinal Ernesto Corripio Ahumada, Archevêque émérite de Mexico, ainsi que les autres Cardinaux, les Evêques mexicains, de l'Amérique, des Philippines et d'autres parties du monde. Dans le même temps, je remercie de façon particulière Monsieur le Président et les Autorités civiles pour leur participation à cette célébration.

J'adresse aujourd'hui un salut particulièrement affectueux aux nombreux autochtones venus des diverses régions du pays, représentant les diverses ethnies et cultures qui constituent la réalité mexicaine riche et multiforme. Le Pape leur exprime sa proximité, son profond respect et son admiration, et les accueille fraternellement au nom du Seigneur.

3. Comment était Juan Diego? Pourquoi Dieu fixa-t-il son regard sur lui? Le Livre de l'Ecclésiastique, comme nous venons de l'entendre, nous enseigne que "grande est la puissance du Seigneur, mais il est honoré par les humbles" (3, 20). De même, les paroles de saint Paul proclamées au cours de cette célébration éclairent cette façon divine de réaliser le salut: "ce qui dans le monde est sans naissance et ce que l'on méprise, voilà ce que Dieu a choisi; ce qui n'est pas, pour réduire à rien ce qui est, afin qu'aucune chair n'aille se glorifier devant Dieu" (1Co 1,28 1Co 1,29).

Il est émouvant de lire les récits de Guadalupe écrits avec délicatesse et empreints de tendresse. En eux, la Vierge Marie, la servante "qui exalte le Seigneur" (Lc 1,46), se manifeste à Juan Diego comme la Mère du vrai Dieu. Elle lui donne, comme signe, des roses précieuses et, lorsqu'il les montre à l'Evêque, il découvre représentée sur son manteau l'image bénie de Notre-Dame.

"L'événement de Guadalupe - comme l'a souligné l'épiscopat mexicain - signifia le début de l'évangélisation avec une vitalité qui dépassa toutes les attentes. Le message du Christ, à travers sa Mère, reprit les éléments centraux de la culture autochtone, les purifia et leur donna leur signification définitive de salut" (14 mai 2002, n. 8). C'est pourquoi Guadalupe et Juan Diego revêtent une signification ecclésiale et missionnaire profonde et sont un modèle d'évangélisation parfaitement inculturée.

1038 4. "Du haut des cieux Yahvé regarde, il voit tous les fils d'Adam" (Ps 32,13), avons-nous proclamé avec le Psalmiste, confessant une fois de plus notre foi en Dieu, qui ne fait pas de distinc-tion de race ou de culture. Juan Diego, en accueillant le message chrétien sans renoncer à son identité autochtone, découvrit la profonde vérité de la nouvelle humanité, dans laquelle tous sont appelés à être fils de Dieu. De cette façon, il facilita la rencontre fructueuse de deux mondes et se transforma en protagoniste de la nouvelle identité mexicaine, intimement unie à la Vierge de Guadalupe, dont le visage métis exprime sa maternité spirituelle qui embrasse tous les Mexicains. A travers lui, le témoignage de sa vie doit continuer à donner vigueur à la construction de la nation mexicaine, à promouvoir la fraternité entre tous ses fils et à favoriser toujours plus la réconcilition du Mexi-que avec ses origines, ses valeurs et ses traditions.

Ce noble devoir d'édifier un Mexique meilleur, plus juste et plus solidaire, exige la collaboration de chacun. En particulier, il est nécessaire de soutenir aujourd'hui tous les autochtones dans leurs aspirations légitimes, en respectant et en défendant les valeurs authentiques de chaque groupe ethnique. Le Mexique a besoin de ses autochtones et les autochtones ont besoin du Mexique!

Bien-aimés frères et soeurs de toutes les ethnies du Mexique et d'Amérique, en exaltant aujourd'hui la figure de l'indio Juan Diego, je désire vous exprimer à tous la proximité de l'Eglise et du Pape, en vous embrassant avec affection et en vous exhortant à surmonter avec espérance les situations difficiles que vous traversez.

5. En ce moment décisif de l'histoire du Mexique, alors que le seuil du nouveau millénaire a déjà été franchi, je confie à la puissante intercession de saint Juan Diego les joies et les espérances, les craintes et les problèmes du bien-aimé peuple mexicain, que je porte dans mon coeur.

Béni soit Juan Diego, indio bon et chrétien, que le peuple simple a toujours considéré comme un vrai saint! Nous te demandons d'accompagner l'Eglise en pèlerinage au Mexique, afin qu'elle soit chaque jour et toujours plus, évangélisatrice et missionnaire. Encourage les Evêques, soutiens les prêtres, suscite de nouvelles et saintes vocations, aide tous ceux qui offrent leur vie pour la cause du Christ et pour la diffusion de son Royaume.

Heureux Juan Diego, homme fidèle et authentique! Nous te confions nos frères et soeurs laïcs, afin que, se sentant appelés à la sainteté, ils diffusent l'esprit évangélique dans tous les domaines de la vie sociale. Bénis les familles, soutiens les époux dans leur mariage, encourage les efforts des parents en vue d'éduquer leurs enfants de façon chrétienne.

Regarde avec bienveillance la douleur de tous ceux qui souffrent dans leur corps et dans l'esprit, de tous ceux qui souffrent de la pauvreté, de la solitude, de la marginalisation ou de l'ignorance. Que tous, gouvernants et gouvernés, agissent toujours selon les exigences de la justice et le respect de la dignité de tout homme, afin que se consolide la véritable paix.

Bien-aimé Juan Diego, "l'aigle qui parle"! Enseigne-nous le chemin qui conduit à la Virgen Morena de Tepeyac, afin qu'Elle nous accueille dans l'intimité de son coeur, car Elle est la Mère amoureuse et pleine de compassion qui conduit jusqu'au vrai Dieu. Amen.

Au terme de la Messe, le Pape reprenait la parole:

A l'issue de la canonisation de Juan Diego, je souhaite renouveler mon salut à vous tous qui avez pu y participer, certains dans la basilique, d'autres dans des lieux proches et beaucoup d'autres encore à travers la radio et la télévision. Je remercie de tout coeur tous ceux que j'ai rencontrés le long des rues que j'ai parcourues, pour l'affection qu'ils m'ont témoignée. Avec le nouveau saint, vous avez un merveilleux exemple d'homme bon, à la conduite vertueuse, fils loyal de l'Eglise, docile à l'égard des Pasteurs, amoureux de la Vierge, bon disciple de Jésus. Qu'il soit un modèle pour vous qui l'aimez tant et qu'il intercède pour le Mexique afin qu'il demeure toujours fidèle. Portez à tous le message de cette célébration, ainsi que le salut et l'affection du Pape à tous les Mexicains.





1er août 2002, Liturgie de la Parole et Béatification des Martyrs Juan Bautista et Jacinto de Los Angeles en la Basilique de N.S. de Guadalupe

1039 Basilique Notre-Dame de Guadalupe, jeudi 1er août 2002



Très chers frères et soeurs!

1. "Heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux" (
Mt 5,10). Dans le passage évangélique des Béatitudes, cette dernière Béatitude invite à ne pas se décourager face aux persécutions que l'Eglise a affrontées dès ses débuts. Dans le Discours de la Montagne, Jésus promet le bonheur authentique à ceux qui ont une âme de pauvres, qui sont affligés ou qui sont doux; ainsi qu'à ceux sont qui assoiffés de justice et de paix, qui agissent avec miséricorde ou qui ont le coeur pur.

Face aux souffrances humaines qui accompagnent le chemin de la foi, saint Pierre exhorte: "Mais, dans la mesure où vous participez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin que, lors de la révélation de sa gloire, vous soyez aussi dans la joie et l'allégresse" (1P 4,13).

C'est avec cette conviction que Juan Bautista et Jacinto de los Angeles affrontèrent le martyre, en restant fidèles au culte du Dieu vivant et véritable, et en refusant les idoles.

Alors qu'ils pâtissaient des tortures, ils répondirent avec force à l'invitation à renoncer à la foi catholique et à se sauver: "Puisque nous avons professé le baptême, nous suivrons toujours la vraie religion". Ils sont un exemple lumineux du fait que l'on ne doit rien placer avant la promesse baptismale, pas même sa propre vie, à l'instar des premiers chrétiens qui, régénérés par le baptême, abandonnèrent toute forme d'idôlatrie (cf. Tertullien, De baptismo, 12, 15).

2. Je salue avec affection les Cardinaux et les évêques réunis dans cette basilique. en particulier l'Archevêque d'Oaxaca, Mgr Héctor Gonzáles Martínez, les prêtres, les religieux, les religieuses et les fidèles laïcs, en particulier ceux qui viennent d'Oaxaca, terre natale des nouveaux bienheureux, où leur souvenir reste si vif.

Votre terre constitue un riche mélange de cultures. L'Evangile arriva en ce lieu en 1529, avec les Pères dominicains, qui utilisèrent les langues locales et les us et coutumes des communautés locales. On commença ainsi à connaître Dieu dans les langues locales. Parmi les fruits de ces semailles chrétiennes se détachent deux grands martyrs.

3. Dans la deuxième lecture, saint Pierre nous a rappelé que "si c'est comme chrétien [que quelqu'un souffre], qu'il n'ait pas honte, qu'il glorifie Dieu de porter ce nom" (1P 4,16). Juan Bautista et Jacinto de los Angeles, qui ont versé leur sang pour le Christ, sont d'authentiques martyrs de la foi. Comme l'Apôtre Paul, ils peuvent se demander au plus profond d'eux-mêmes: "Qui nous séparera de l'amour du Christ? La tribulation, l'angoisse, la persécution, la faim, la nudité, les périls, le glaive?" (Rm 8,35).

Ces deux chrétiens autochtones, irrépréhensibles dans leur vie personnelle et familiale, souffrirent le martyre pour rester fidèles à la foi catholique, heureux d'être baptisés. Ils constituent un exemple pour les fidèles laïcs, appelés à se sanctifier dans les circonstances ordinaires de la vie.

4. Avec cette béatification, l'Eglise souligne sa mission d'annoncer l'Evangile à toutes les nations. Les nouveaux bienheureux, fruit de la sainteté de la première évangélisation parmi les indiens zapotèques, encouragent les autochtones d'aujourd'hui à apprécier leur culture et leur langue et, surtout, leur dignité de fils de Dieu que les autres doivent respecter dans le contexte de la nation mexicaine, dont les origines de sa population sont diverses et qui est disposée à édifier une famille commune dans la solidarité et la justice.

1040 Les deux bienheureux constituent un exemple de la façon dont, sans mythifier les propres coutumes ancestrales, on peut parvenir à Dieu sans renoncer à sa propre culture, en se laissant cependant illuminer par la lumière du Christ, qui renouvelle l'esprit religieux des meilleures traditions des peuples.

5. "Merveilles que fit pour nous Yahvé, nous étions dans la joie" (
Ps 125,3). En entendant ces paroles du Psalmiste, notre coeur se remplit de joie, car Dieu a béni l'Eglise d'Oaxaca et le peuple mexicain à travers deux de ses fils, qui sont aujourd'hui élevés à la gloire des autels. Ces derniers, en accomplissant de façon exemplaire leurs fonctions publiques, sont un modèle pour ceux qui, dans les petits villages ou dans les grandes structures sociales, ont le devoir de promouvoir le bien commun avec diligence et abnégation personnelle.

Juan Bautista et Jacinto de los Angeles, époux et pères de famille à la conduite irréprochable, comme il fut alors reconnu par leurs concitoyens, rappellent aux familles mexicaines d'aujourd'hui la grandeur de leur vocation, la valeur de la fidélité dans l'amour et de l'accueil généreux de la vie.

L'Eglise se réjouit donc car, à travers ces nouveaux bienheureux, elle a reçu des signes sûrs de l'amour de Dieu à notre égard (cf. Prefazio dei Santi II). Et la communauté chrétienne d'Oaxaca et du Mexique tout entier se réjouit également, car le Tout-Puissant a posé ses yeux sur deux de ses fils.

6. Devant le doux visage de la Vierge de Guadalupe, qui a constamment nourri la foi de ses fils mexicains, nous renouvelons notre engagement à évangéliser, qui a également caractérisé la vie de Juan Bautista et de Jacinto de los Angeles. Nous faisons participer à cette mission toutes les communautés chrétiennes, afin qu'elles proclament avec enthousiasme leur foi et qu'elles la transmettent intégralement aux nouvelles générations. Annoncez l'Evangile, en établissant des liens de communion fraternel et en témoignant de votre foi par une vie exemplaire en famille, au travail et dans les relations sociales! Cherchez déjà ici, sur terre, le Royaume de Dieu et sa justice, à travers une solidarité effective et fraternelle avec les moins chanceux ou les marginaux (cf. Mt Mt 25,34-35).

Nous exprimons à notre Mère céleste la joie que nous éprouvons en voyant ses fils élevés à la gloire des autels, en lui demandant dans le même temps de bénir, de conseiller et d'aider, comme elle l'a toujours fait de ce Sanctuaire de Tepeyac, le cher peuple mexicain et toute l'Amérique.

Je me souviens qu'au cours de ma première visite en 1979, j'ai pu visiter Oaxaca. Je me réjouis d'avoir pu béatifier aujourd'hui deux de ses fils. Je rends grâce à Dieu!

A l'issue de la cérémonie de béatification, le Pape Jean-Paul II a prononcé les paroles suivantes:
J'ai pu ressentir ici cette estime et mon retour ici m'a permis d'éprouver une profonde joie spirituelle dont je rends grâce à Dieu et à Sa Très Sainte Mère.

Merci à vous tous qui avez préparé ma visite, soignant tous les détails. Merci à vous qui, avec tant d'affection, m'avez accueilli dans les rues de cette ville, vous qui êtes venus de si loin, vous qui avez écouté et accueilli le message que je vous laisse, vous qui priez tant pour mon ministère de Successeur de saint Pierre.

Alors que je m'apprête à quitter cette terre bénie, me viennent sur les lèvres les paroles de la chanson populaire en langue espagnole: "Je m'en vais, mais je ne pars pas. Je m'en vais, mais je ne m'absente pas, même si je m'en vais, mon coeur reste là".

1041 Mexique, Mexique, merveilleux Mexique, que Dieu te bénisse!



VOYAGE APOSTOLIQUE EN POLOGNE

17 août 2002, Dédicace solennelle du nouveau Sanctuaire de la Divine Misericorde, Kraków - Lagiewniki


Kraków-Lagiewniki
Samedi 17 août 2002



"O inconcevable et insondable Miséricorde de Dieu,
Qui peut t'adorer et t'exalter dignement?
O attribut suprême de Dieu tout-puissant
Tu es la douce espérance des pécheurs" (Journal, 951 - édit. it. 2001, p. 341).

Très chers frères et soeurs!

1. Je répète aujourd'hui ces paroles simples et sincères de sainte Faustyna, pour adorer avec elle et avec vous tous le mystère inconcevable et insondable de la miséricorde de Dieu. Comme elle, nous voulons professer qu'il n'existe pas pour l'homme d'autre source d'espérance en dehors de la miséricorde de Dieu. Nous désirons répéter avec foi: Jésus, j'ai confiance en Toi!

Nous avons particulièrement besoin de cette annonce, qui exprime la confiance dans l'amour tout-puissant de Dieu, à notre époque, où l'homme éprouve des sentiments d'égarement face aux multiples manifestations du mal. Il faut que l'invocation de la miséricorde de Dieu jaillisse du plus profond des coeurs emplis de souffrance, d'appréhension et d'incertitude, mais dans le même temps à la recherche d'une source infaillible d'espérance. C'est pourquoi nous venons aujourd'hui ici, au sanctuaire de Lagiewniki, pour redécouvrir dans le Christ le visage du Père: de Celui qui est "Père des miséricordes et Dieu de toute consolation" (2Co 1,3). Avec les yeux de l'âme, nous désirons contempler le regard de Jésus miséricordieux, pour trouver dans la profondeur de ce regard le reflet de sa vie, ainsi que la lumière de la grâce que, tant de fois déjà, nous avons reçue et que Dieu nous réserve pour tous les jours et pour le dernier jour.


Homélies St Jean-Paul II 1030