Homélies St Jean-Paul II 1042

1042 2. Nous nous apprêtons à dédier ce nouveau temple à la Miséricorde de Dieu. Avant cet acte, je voudrais remercier de tout coeur ceux qui ont contribué à sa construction. Je remercie en particulier le Cardinal Franciszek Macharski, qui a tant oeuvré pour cette initiative, manifestant sa dévotion pour la Divine Miséricorde. J'embrasse avec affection les Soeurs de la Bienheureuse Vierge Marie de la Miséricorde, et je les remercie pour leur oeuvre de diffusion du message laissé par sainte Soeur Faustyna. Je salue les Cardinaux et les Evêques de Pologne, avec à leur tête le Cardinal-Primat, et les Evêques provenant de diverses parties du monde. Je me réjouis de la présence des prêtres diocésains et religieux, ainsi que des séminaristes.

Je salue de tout coeur les participants à cette célébration et, de façon particulière, les représentants de la fondation du Sanctuaire de la Divine Miséricorde qui est à l'origine de la construction, ainsi que les ouvriers des diverses entreprises. Je sais que de nombreuses personnes ici présentes ont apporté leur généreux soutien matériel à cette construction. Je prie afin que Dieu les récompense de leur magnanimité et de leurs efforts par sa Bénédiction.

3. Frères et Soeurs! Tandis que nous dédions cette nouvelle église, nous pouvons nous poser la question qui tenaillait le roi Salomon, alors qu'il consacrait comme maison de Dieu le temple de Jérusalem: "Mais Dieu habiterait-il vraiment avec les hommes sur la terre? Voici que les cieux et les cieux des cieux ne le peuvent contenir, moins encore cette maison que j'ai construite!" (
1R 8,27). Oui, à première vue, lier des "espaces" déterminés à la présence de Dieu pourrait sembler inopportun. Toutefois, il faut rappeler que le temps et l'espace appartiennent entièrement à Dieu. Même si le temps et le monde entier peuvent être considérés comme son "temple", il existe toutefois des temps et des lieux que Dieu choisit afin qu'en eux, les hommes fassent l'expérience de façon particulière de sa présence et de sa grâce. Et les personnes, poussées par le sentiment de la foi, viennent en ces lieux, certaines de se trouver véritablement devant Dieu présent en eux.

C'est dans ce même esprit de foi que je suis venu à Lagiewniki, pour dédier ce nouveau temple, convaincu qu'il s'agit d'un lieu particulier choisi par Dieu pour déverser la grâce de sa miséricorde.

Je prie afin que cette église soit toujours un lieu d'annonce du message de l'amour miséricordieux de Dieu; un lieu de conversion et de pénitence; un lieu de célébration de l'Eucharistie, source de la miséricorde; un lieu de prière et d'imploration assidue de la miséricorde pour nous et pour le monde. Je prie avec les paroles de Salomon: "Sois attentif à la prière et à la supplication de ton serviteur, Yahvé, mon Dieu, écoute l'appel et la prière que ton serviteur fait aujourd'hui devant toi! Que tes yeux soient ouverts jour et nuit sur cette maison [...] Ecoute la supplication de ton serviteur et de ton peuple Israël lorsqu'ils prieront en ce lieu. Toi, écoute du lieu où tu résides, au ciel, écoute et pardonne" (1R 8,28-30).

4. "Mais l'heure vient - et c'est maintenant - où les véritables adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité, car tels sont les adorateurs que cherche le Père" (Jn 4,23). Lorsque nous lisons ces paroles du Seigneur Jésus dans le Sanctuaire de la Divine Miséricorde, nous nous rendons compte de façon tout à fait particulière que l'on ne peut pas se présenter ici sinon en esprit et en vérité. C'est l'Esprit Saint, Consolateur et Esprit de Vérité, qui nous conduit sur les voies de la Divine Miséricorde. En convaincant le monde "en fait de péché, en fait de justice, et en fait de jugement" (Jn 16,8), il révèle dans le même temps la plénitude du salut dans le Christ. Cette oeuvre de conviction en fait de péché advient dans une double relation à la Croix du Christ. D'un côté, l'Esprit Saint nous permet, à travers la Croix du Christ, de reconnaître le péché, chaque péché, dans toute la dimension du mal qu'il contient et cache en lui. De l'autre, l'Esprit Saint nous permet, toujours à travers la Croix du Christ, de voir le péché à la lumière du mysterium pietatis, c'est-à-dire de l'amour miséricordieux et indulgent de Dieu (cf. Dominum et vivificantem DEV 32).

Et ainsi, "convaincre le monde en fait de péché" devient dans le même temps connaître que le péché peut être éliminé et que l'homme peut de nouveau correspondre à la dignité de fils bien-aimé de Dieu. En effet, la Croix "est le moyen le plus profond pour la divinité de se pencher sur l'homme [...]. La croix est comme un toucher de l'amour éternel sur les blessures les plus douloureuses de l'existence terrestre de l'homme" (Dives in misericordia DM 8). Cette vérité sera toujours rappelée par la pierre angulaire de ce sanctuaire, prélevée sur le Calvaire, d'une certaine façon sous la Croix sur laquelle Jésus-Christ a vaincu le péché et la mort.

Je crois fermement que ce nouveau temple restera pour toujours un lieu où les personnes se présenteront devant Dieu en Esprit et vérité. Elles viendront avec la confiance qui accompagne tous ceux qui ouvrent humblement leur coeur à l'action miséricordieuse de Dieu, à l'amour que même le plus grand péché ne peut vaincre. Ici, dans le feu de l'amour divin, les coeurs brûleront du désir de conversion, et quiconque cherche l'espérance trouvera le réconfort.

5. "Père éternel, je t'offre le Corps et le Sang, l'Ame et la Divinité de ton Fils bien-aimé, Notre Seigneur Jésus-Christ, pour nos péchés et ceux du monde entier; pour sa Passion douloureuse, accorde-nous ta miséricorde, ainsi qu'au monde entier" (Journal, 476 - éd. it. p. 193). A nous et au monde entier... Comme le monde d'aujourd'hui a besoin de la miséricorde de Dieu! Sur tous les continents, du plus profond de la souffrance humaine, semble s'élever l'invocation de la miséricorde. Là où dominent la haine et la soif de vengeance, là où la guerre sème la douleur et la mort des innocents, la grâce de la miséricorde est nécessaire pour apaiser les esprits et les coeurs, et faire jaillir la paix. Là où manque le respect pour la vie et pour la dignité de l'homme, l'amour miséricordieux de Dieu est nécessaire, car à sa lumière se manifeste la valeur inestimable de chaque être humain. La miséricorde est nécessaire pour faire en sorte que chaque injustice du monde trouve son terme dans la splendeur de la vérité.

C'est pourquoi, aujourd'hui, dans ce sanctuaire, je veux confier solennellement le monde à la Divine Miséricorde. Je le fais avec le désir que le message de l'amour miséricordieux de Dieu, proclamé ici à travers sainte Faustyna, atteigne tous les habitants de la terre et remplisse leur coeur d'espérance. Que ce message se diffuse de ce lieu dans toute notre Patrie bien-aimée et dans le monde. Que s'accomplisse la promesse solide du Seigneur Jésus; c'est d'ici que doit jaillir "l'étincelle qui préparera le monde à sa venue ultime" (cf. Journal, 1732 - éd. it. p. 568). Il faut allumer cette étincelle de la grâce de Dieu. Il faut transmettre au monde ce feu de la miséricorde.

Dans la miséricorde de Dieu, le monde trouvera la paix, et l'homme trouvera le bonheur! Je confie ce devoir, très chers frères et soeurs, à l'Eglise qui est à Cracovie et en Pologne, et à tous les fidèles de la Divine Miséricorde, qui viendront ici de Pologne et du monde entier. Soyez des témoins de la Miséricorde!

1043 6. Dieu, Père miséricordieux,
qui as révélé Ton amour
dans ton Fils Jésus-Christ,
et l'as répandu sur nous
dans l'Esprit Saint Consolateur,
nous Te confions aujourd'hui
le destin du monde
et de chaque homme.
Penche-toi sur nos péchés,
guéris notre faiblesse,
vaincs tout mal, fais
1044 que tous les habitants de la terre
fassent l'expérience
de ta miséricorde,
afin qu'en Toi, Dieu Un et Trine,
ils trouvent toujours
la source de l'espérance.
Père éternel,
pour la douloureuse Passion
et la Résurrection de ton Fils,
accorde-nous ta miséricorde,
ainsi qu'au monde entier!
Amen.

1045 Au terme de la Messe, avant de donner la Bénédiction apostolique, le Pape Jean-Paul II a adressé aux fidèles les paroles de remerciement suivantes:

Au terme de cette liturgie solennelle, je voudrais dire qu'un grand nombre de mes souvenirs personnels sont liés à ce lieu. Je venais ici surtout au cours de l'occupation nazie, lorsque je travaillais à l'usine Solvay toute proche. Aujourd'hui encore, je me souviens de la rue qui conduisait de Borek Falecki à Debniki, que je parcourais tous les jours en allant travailler à divers horaires, avec mes sabots aux pieds. A cette époque, c'est ce que l'on portait. Comment aurait-on pu imaginer que ce jeune homme en sabots aurait un jour consacré la basilique de la Divine Miséricorde à Lagiewniki de Cracovie.

Je me réjouis de la construction de ce beau temple consacré à la Miséricorde Divine. Je confie au soin du Cardinal Macharski et à tout l'archidiocèse de Cracovie et aux Soeurs de la Madone de la Miséricorde la dimension matérielle, mais surtout spirituelle, de ce sanctuaire. Que cette collaboration dans l'oeuvre de la diffusion du culte de Jésus miséricordieux apporte des fruits abondants dans le coeur des fidèles, en Pologne et dans le monde entier.

Que Dieu miséricordieux bénisse abondamment tous les pèlerins qui viennent et qui viendront ici à l'avenir.
18 août 2002, Messe et Béatifications de quatre témoins de l’amour miséricordieux - Esplanade de Blonie, Kraków

Mgr Zygmunt Szczesny Felinski
Père Jan Adalbert Balicki
Père Jan Beyzym
Soeur Sancja Szymkowiak



Cracovie - Parc Blonia
Dimanche 18 août 2002



1046 "Voici quel est mon commandement: vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés" (Jn 15,12).

Très chers frères et soeurs!

1. Les paroles du Seigneur Jésus que nous venons d'écouter s'inscrivent de façon particulière dans le thème de l'assemblée liturgique d'aujourd'hui, au parc Blonia de Cracovie: "Dieu, riche de miséricorde". Cette devise résume d'une certaine façon toute la vérité sur l'amour de Dieu, qui a racheté l'humanité. "Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ" (Ep 2,4-5). La plénitude de cet amour s'est révélée dans le sacrifice de la Croix. En effet: "Nul n'a plus grand amour que celui-ci: donner sa vie pour ses amis" (Jn 15,13). Telle est la mesure de l'amour de Dieu! Telle est la mesure de la miséricorde de Dieu!

Lorsque nous sommes conscients de cette vérité, nous nous rendons compte que l'invitation du Christ à aimer les autres, comme Il nous a aimés, nous propose à tous cette même perspective.

Nous nous sentons d'une certaine façon poussés à offrir jour après jour notre vie, en faisant preuve de miséricorde envers nos frères, en utilisant le don de l'amour miséricordieux de Dieu. Nous nous rendons compte que Dieu, en nous accordant la miséricorde, attend que nous soyons les témoins de la miséricorde dans le monde d'aujourd'hui.

2. L'invitation à témoigner de la miséricorde retentit avec une éloquence particulière ici, dans la ville bien-aimée de Cracovie, dominée par le sanctuaire de la Divine Miséricorde de Lagiewniki et par le nouveau temple que j'ai eu hier la joie de consacrer. Ici, cette invitation retentit de façon familière, car elle remonte à la tradition séculaire de la ville, dont le signe distinctif a toujours été la disponibilité à aider les personnes dans le besoin. On ne peut oublier que de nombreux saints et bienheureux - prêtres, personnes consacrées et laïcs - qui consacrèrent leur vie à des oeuvres de miséricorde, font partie de cette tradition. A partir de l'Evêque Stanislas, de la Reine Edwige, de Jean de Kety et de Piotr Skarga, jusqu'à frère Adalbert, Angela Salawa, et le Cardinal Sapieha, les générations de fidèles de cette ville, au cours des siècles, se sont transmis l'héritage de la miséricorde. Aujourd'hui, cet héritage est remis entre nos mains et ne doit jamais tomber dans l'oubli.

Je remercie le Cardinal Franciszek Macharski qui, à travers ses paroles de salut, a voulu nous rappeler cette tradition. Je suis reconnaissant pour l'invitation à visiter ma ville de Cracovie et pour l'hospitalité qui m'a été offerte. Je salue les personnes présentes, en commençant par les Cardinaux et les Evêques, ainsi que ceux qui participent à cette Eucharistie à travers la radio et la télévision.

Je salue toute la Pologne. Je parcours en esprit l'itinéraire lumineux sur lequel sainte Faustyna Kowalska s'est préparée à accueillir le message de la miséricorde - de Varsovie, en passant par Plock, Vilnius, jusqu'à Cracovie - en rappelant également tous ceux qui, sur cet itinéraire, ont coopéré à l'apostolat de la Miséricorde. Je désire saluer nos hôtes. J'adresse des paroles de salut à Monsieur le Président de la République polonaise, à Monsieur le Premier ministre, ainsi qu'aux représentants des Autorités de l'Etat et du territoire. J'embrasse de tout coeur mes concitoyens, en particulier ceux qui souffrent de la pauvreté et de la maladie; ceux qui sont frappés par de multiples difficultés, les chômeurs, les sans abris, les personnes d'un âge avancé et seules, les familles nombreuses. Je leur assure que je suis proche d'eux spirituellement et que je les accompagne constamment par la prière. Mon salut s'étend également à mes concitoyens présents dans le monde. Je salue de tout coeur également les pèlerins réunis ici des divers pays d'Europe et du monde. J'adresse un salut particulier aux Présidents de la Lituanie et de la Slovaquie ici présents.

3. Depuis le début de son existence, l'Eglise, se réclamant du mystère de la Croix et de la Résurrection, prêche la miséricorde de Dieu, signe d'espérance et source de salut pour l'homme. Il semble toutefois qu'aujourd'hui, elle soit appelée de façon particulière à annoncer au monde ce message. Elle ne peut négliger cette mission, si c'est Dieu lui-même qui l'y appelle à travers le témoignage de sainte Faustyna.

Dieu a choisi pour cela notre époque. Peut-être parce que le XX siècle, en dépit des incontestables succès remportés dans de nombreux domaines, a été particulièrement marqué par le "mystère de l'iniquité". Avec cet héritage de bien mais également de mal, nous sommes entrés dans le nouveau millénaire. Face à l'humanité s'ouvrent de nouvelles perspectives de développement et, dans le même temps, des dangers jusqu'à présent inconnus. Souvent, l'homme vit comme si Dieu n'existait pas et prend même la place de Dieu. Il s'arroge le droit du Créateur d'interférer dans le mystère de la vie humaine. Il veut décider, à travers des manipulations génétiques, de la vie de l'homme et déterminer la limite de la mort. En repoussant les lois divines et les principes moraux, il porte ouvertement atteinte à la famille. Il tente de diverses façons de faire taire la voix de Dieu dans le coeur des hommes; il veut faire de Dieu le "grand absent" dans la culture et dans la conscience des peuples. Le "mystère de l'iniquité" continue de marquer la réalité du monde.

En faisant l'expérience de ce mystère, l'homme vit la peur de l'avenir, du vide, de la souffrance, de l'anéantissement. Peut-être précisément à cause de cela, c'est comme si le Christ, à travers le témoignage d'une humble soeur, était entré à notre époque pour indiquer clairement la source du réconfort et de l'espérance qui se trouve dans l'éternelle miséricorde de Dieu.

1047 Il faut faire retentir le message de l'amour miséricordieux avec une vigueur renouvelée. Le monde a besoin de cet amour. L'heure est venue de faire parvenir le message du Christ à tous: en particulier à ceux dont l'humanité et la dignité semblent se perdre dans le mysterium iniquitatis.

L'heure est venue où le message de la Divine Miséricorde doit répandre l'espérance dans les coeurs et devenir l'étincelle d'une nouvelle civilisation: la civilisation de l'amour.

4. L'Eglise désire annoncer inlassablement ce message, non seulement par des paroles ferventes, mais par une pratique ardente de la miséricorde. C'est pourquoi elle indique sans cesse des exemples merveilleux de personnes qui, au nom de l'amour de Dieu et de l'homme, "sont allées et ont porté du fruit". Aujourd'hui, elle y ajoute quatre nouveaux bienheureux. Les époques auxquelles ils ont vécu sont différentes, leurs vies personnelles sont diverses. Toutefois, ils sont unis par ce trait de sainteté particulier qui est le dévouement à la cause de la miséricorde.

Le bienheureux Zygmunt Szczesny Felinski, Archevêque de Cracovie, à une époque difficile marquée par le manque de liberté civile, a invité à persévérer dans le service généreux aux pauvres, à fonder des institutions éducatives et des structures caritatives. Il fonda lui-même un orphelinat et une école et fit venir dans la capitale les Soeurs de la Bienheureuse Vierge Marie de la Miséricorde, en soutenant l'oeuvre qu'elles avaient commencée. Après la fin de l'insurrection de 1863, poussé par des sentiments de miséricorde envers ses frères, il défendit ouvertement les persécutés. Le prix payé pour cette fidélité a été la déportation en Russie, pendant vingt ans. Là aussi, il continua à se rappeler des personnes pauvres et abandonnées en faisant preuve à leur égard d'un grand amour, d'une grande patience et d'une grande compréhension. On a écrit de lui que, "au cours de son exil, opprimé par tous, dans la simplicité de la prière, il est toujours resté seul au pied de la Croix, en se confiant à la Divine Miséricorde".

Il s'agit d'un exemple de ministère pastoral, que je veux confier de façon particulière à mes frères dans l'épiscopat. Très chers amis, Monseigneur Felinski soutient vos efforts pour créer et mettre en place un programme pastoral de la miséricorde. Que ce programme constitue votre engagement, tout d'abord dans la vie de l'Eglise et, comme cela est nécessaire et opportun, également dans la vie sociale et politique de la nation, de l'Europe et du monde.

Mû par cet esprit de charité sociale, Monseigneur Felinski s'est profondément engagé dans la défense de la liberté nationale. Cela est nécessaire aujourd'hui également, alors que diverses forces, guidées par une fausse idéologie de liberté, cherchent à s'approprier ce terrain. Alors qu'une propagande bruyante de libéralisme, de liberté sans vérité et sans responsabilité, s'intensifie également dans notre pays, les pasteurs de l'Eglise ne peuvent manquer d'annoncer l'unique et infaillible philosophie de la liberté qu'est la vérité de la Croix du Christ. Cette philosophie de liberté est structurellement liée à l'histoire de notre nation.

5. Le désir d'apporter la miséricorde aux plus indigents a conduit le bienheureux Jan Beyzym, jésuite et grand missionnaire - sur l'île lointaine de Madagascar, où, par amour du Christ, il a consacré sa vie aux lépreux. Il servit jour et nuit tous ceux qui vivaient marginalisés et exclus de la vie de la société. A travers ses oeuvres de miséricorde en faveur des personnes abandonnées et méprisées, il a apporté un témoignage extraordinaire. Un témoignage qui a d'abord résonné à Cracovie, puis en Pologne et, enfin, parmi les Polonais à l'étranger. Des fonds ont été recueillis pour construire l'hôpital dédié à la Madone de Czestochowa, qui existe aujourd'hui encore. Un des promoteurs de cette aide a été le saint frère Adalbert.

Je me réjouis que cet esprit de solidarité dans la miséricorde continue à être vivant dans l'Eglise polonaise; c'est ce que manifestent les nombreuses oeuvres d'aide aux communautés frappées par les catastrophes naturelles dans les régions du monde, ainsi que la récente initiative d'acquérir le surplus de production de céréales pour le destiner à ceux qui souffrent de la faim en Afrique. J'espère que cette noble idée pourra se réaliser.

L'oeuvre caritative du bienheureux Jan Beyzym était inscrite dans sa mission fondamentale: apporter l'Evangile à ceux qui ne le connaissent pas. Voilà le plus grand don de la miséricorde: conduire les hommes au Christ et leur permettre de connaître et de goûter à l'amour. C'est pourquoi je vous demande: priez afin que dans l'Eglise de Pologne naissent des vocations missionnaires. Soutenez sans cesse les missionnaires par l'aide et la prière.

6. La vie du bienheureux Jan Balicki fut marquée par le service de la miséricorde. Comme prêtre, il a toujours eu un coeur ouvert aux personnes dans le besoin. Son ministère de miséricorde, outre l'aide aux malades et aux pauvres, s'est exprimé avec une énergie particulière à travers le ministère du confessionnal, plein de patience et d'humilité, toujours prêt à rapprocher le pécheur repenti du trône de la grâce divine.

En faisant mémoire de lui, je voudrais dire aux prêtres et aux séminaristes: je vous en prie mes frères, n'oubliez pas que, en tant que dispensateurs de la Divine Miséricorde, vous avez une grande responsabilité; rappelez-vous également que le Christ lui-même vous réconforte par la promesse laissée à travers sainte Faustyna: "Dis à mes prêtres que les pécheurs endurcis s'attendriront à leurs paroles, lorsqu'ils parleront de ma Miséricorde infinie et de la compassion que j'ai pour eux dans mon Coeur" (Journal, 1521 - ed. it. 2001, p. 504).

1048 7. L'oeuvre de la miséricorde a tracé l'itinéraire de la vocation religieuse de la bienheureuse Sancja Szymkowiak, Soeur "séraphique". Déjà, dans sa famille, elle reçut un amour fervent pour le Sacré-Coeur de Jésus, et dans cet esprit, elle fut pleine de bonté pour tous, en particulier pour les plus pauvres et les personnes dans le besoin. Elle commença à apporter de l'aide aux pauvres, d'abord comme membre de l'Association mariale et de l'Association de la Miséricorde de saint Vincent, pour se consacrer ensuite, ayant embrassé la vie religieuse, au service des autres avec davantage de ferveur. Elle accepta les périodes difficiles de l'occupation nazie comme une occasion de se consacrer totalement aux personnes dans le besoin. Elle considérait sa vocation religieuse comme un don de la Divine Miséricorde.

En saluant la Congrégation de la Bienheureuse Vierge Marie des Douleurs - les Soeurs "séraphiques" -, je m'adresse à toutes les religieuses et aux personnes consacrées. Que la bienheureuse Sancja soit votre exemple, votre patronne. Adoptez son testament spirituel synthétisé par une phrase simple: "Si l'on se consacre à Dieu, il faut se donner jusqu'à se perdre totalement".

8. Frères et soeurs, en contemplant la figure de ces bienheureux, je veux rappeler une fois de plus ce que j'ai écrit dans l'Encyclique sur la Divine Miséricorde: "L'homme parvient à l'amour miséricordieux de Dieu, à sa miséricorde, dans la mesure où lui-même se transforme intérieurement dans l'esprit d'un tel amour envers le prochain" (Dives in misericordia
DM 14). Si seulement nous pouvions redécouvrir sur cette voie, toujours plus profondément, le mystère de la Miséricorde Divine, et le vivre de façon quotidienne!

Face aux formes modernes de pauvreté qui, comme je le sais, ne manquent pas dans notre pays, nous avons besoin aujourd'hui - comme je l'ai défini dans la Lettre Novo millennio ineunte - d'une "imagination de la charité", dans un esprit de solidarité envers le prochain, afin que l'aide soit un témoignage de "partage fraternel" (cf. n. 50). Que cette "imagination" ne manque pas aux habitants de Cracovie et de toute notre Patrie. Que celle-ci trace le programme pastoral de l'Eglise qui est en Pologne. Puisse le message de la miséricorde de Dieu se refléter toujours dans les oeuvres de miséricorde de l'homme!

Ce regard d'amour est nécessaire pour s'apercevoir du frère qui est à côté de nous, qui, en perdant son travail, sa maison, la possibilité de nourrir dignement sa famille et d'assurer l'instruction de ses enfants, ressent un sentiment d'abandon, d'égarement et de méfiance. Une "imagination de la charité" est nécessaire, pour pouvoir aider un enfant démuni matériellement et spirituellement; pour ne pas tourner le dos au jeune garçon ou à la jeune fille happé par le monde des diverses dépendances ou du crime; pour apporter conseil, réconfort, soutien spirituel et moral à ceux qui entreprennent une lutte intérieure contre le mal. Que ne manque pas l'"imagination" là où une personne dans le besoin supplie: "Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien". Grâce à l'amour fraternel, que ne manque jamais ce pain. "Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde" (Mt 5,7).

9. Au cours de mon premier pèlerinage dans ma patrie, en 1979, ici, au parc Blonia, j'ai dit que: "Quand nous sommes forts de l'Esprit de Dieu, nous sommes aussi forts de la foi en l'homme - forts de la foi, de l'espérance et de la charité - qui sont indissociables - et nous sommes prêts à rendre témoignage à la cause de l'homme face à celui à qui cette cause tient vraiment à coeur". C'est pourquoi je vous ai demandé: "Ne dédaignez jamais la charité, qui est la chose "la plus grande" qui s'est manifestée à travers la croix, et sans laquelle la vie humaine n'a ni racines, ni sens" (10 juin 1979, Insegnamenti de Jean-Paul II, II, p. 1521-1522; cf. ORLF n. 28 du 19 juin 1979).

Frères et soeurs, je répète aujourd'hui cette invitation: ouvrez-vous au plus grand don de Dieu, à son amour, qui, à travers la Croix, s'est manifesté au monde comme amour miséricordieux. Aujourd'hui, alors que nous vivons d'autres temps, à l'aube du nouveau siècle et du nouveau millénaire, continuez à être "prêts à témoigner de la cause de l'homme". Aujourd'hui, de toutes mes forces, je prie les fils et les filles de l'Eglise et les hommes de bonne volonté de ne jamais séparer, quoi qu'il arrive, la "cause de l'homme" de l'amour de Dieu. Aidez l'homme moderne à faire l'expérience de l'amour miséricordieux de Dieu! Que dans sa splendeur et sa chaleur, il sauve son humanité!



19 août 2002, Messe du 400e anniversaire du Sanctuaire de la Madone de Kalwaria

Sanctuaire de Kalwaria Zedrzydowska
Lundi 19 août 2002



"Salut à toi, Reine, Mère de Miséricorde,
1049 notre vie, notre douceur, notre espérance, salut à toi!"

Très chers frères et soeurs!

1. J'arrive aujourd'hui dans ce sanctuaire en pèlerin, comme j'y venais lorsque j'étais enfant puis dans ma jeunesse. Je me présente devant la Madone de Kalwaria comme lorsque je venais en tant qu'Evêque de Cracovie, pour lui confier les problèmes de l'archidiocèse et des personnes que Dieu avait confiées à mes soins pastoraux. Je viens ici et, comme lors, je répète: Salut à toi! Salut à toi, Reine, Mère de Miséricorde!

Combien de fois ai-je fait l'expérience que la Mère du Fils de Dieu pose ses yeux miséricordieux sur les préoccupations de l'homme affligé et obtient pour lui la grâce de résoudre des problèmes difficiles, et que lui, dans la petitesse de ses forces, se remplit d'émerveillement devant la force et la sagesse de la Divine Providence. Mais toutes les générations de pèlerins qui viennent ici depuis quatre cents ans n'en ont-elles pas également fait l'expérience? Si, bien sûr. Sinon la célébration d'aujourd'hui n'aurait pas eu lieu. Vous ne seriez pas ici, vous, très chers frères, qui parcourez les chemins de Kalwaria, en suivant les traces de la Passion et de la Croix du Christ et l'itinéraire de la compassion et de la gloire de sa Mère. De façon admirable, ce lieu aide le coeur et l'esprit à pénétrer le mystère de ce lien qui unit la passion vécue par le Sauveur à la compassion éprouvée par sa Mère. Au centre de ce mystère d'amour, celui qui vient ici se retrouve lui-même, retrouve sa vie, sa vie quotidienne, sa faiblesse et, en même temps, la force de la foi et de l'espérance: cette force qui naît de la conviction que la Mère n'abandonne pas son enfant dans les difficultés, mais le conduit à son Fils et le confie à sa miséricorde.

2. "Or près de la Croix de Jésus se tenaient sa mère et la soeur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala" (
Jn 19,25). Celle qui était liée au Fils de Dieu par les liens du sang et de l'amour maternel, là, au pied de la Croix, vivait cette union dans la souffrance. Elle seule, malgré la douleur de son coeur de mère, savait que cette souffrance avait un sens. Elle avait confiance - confiance malgré tout - qu'il était en train d'accomplir l'antique promesse: "Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ton lignage et le sien. Il t'écrasera la tête et tu l'atteindras au talon" (Gn 3,15). Et sa confiance trouva sa confirmation quand le Fils agonisant s'adressa à elle: "Femme!".

Pouvait-elle, à ce moment-là, au pied de la Croix, s'attendre à ce que d'ici peu, trois jours plus tard, la promesse de Dieu serait tenue? Cela restera pour toujours un secret de son coeur. Nous savons toutefois une chose: Elle, la première d'entre tous les êtres humains, participa à la gloire du Fils ressuscité. Elle - comme nous le croyons et le professons - a été élevée au ciel corps et âme pour faire l'expérience de l'union dans la gloire, pour se réjouir aux côtés du Fils des fruits de la Divine Miséricorde et les obtenir pour ceux qui cherchent refuge auprès d'Elle.

3. Le lien d'amour mystérieux. Avec quelle splendeur ce lieu l'exprime-t-il! L'histoire affirme qu'au début du XVII siècle, Mikolaj Zebrzydowski, le fondateur du sanctuaire, posa les fondations afin de construire la chapelle du Golgotha, sur le modèle de l'église de la Crucifixion à Jérusalem. Il désirait de cette façon, avant tout autre chose, rendre plus proche de lui-même et des autres le mystère de la passion et de la mort du Christ. Plus tard toutefois, en projetant de construire les chemins de la Passion du Seigneur, du Cénacle au Sépulcre du Christ, guidé par la dévotion mariale et par l'inspiration de Dieu, il voulut installer sur ce chemin des chapelles évoquant des moments de la vie de Marie. Et c'est ainsi que sont nés d'autres sentiers et une nouvelle pratique religieuse qui, dans un certain sens, complète la Via Crucis: la célébration dite du Chemin de la Compassion de la Mère de Dieu et de toutes ces femmes qui ont souffert à ses côtés. Depuis quatre siècles se succèdent des générations de pèlerins qui reparcourent ici les pas du Rédempteur et de sa Mère, faisant abondamment appel à cet amour qui résista aux souffrances et à la mort, et trouva son couronnement dans la gloire du ciel.

Tout au long de ces siècles, les pèlerins ont été fidèlement accompagnés par les Pères Franciscains, dits "Bernardins", chargés de l'assistance spirituelle du sanctuaire de Kalwaria. Aujourd'hui, je veux leur exprimer ma gratitude pour cette prédilection envers le Christ qui a souffert et sa Mère qui a compati; une prédilection qu'avec ferveur et dévouement, ils transmettent dans le coeur des pèlerins. Très chers Pères et Frères "Bernardins", que le Bon Dieu vous bénisse dans ce ministère, maintenant et à l'avenir!

4. En 1641, le sanctuaire de Kalwaria a été enrichi par un don particulier. La Providence dirigea vers Kalwaria les pas de Stanislaw Paszkowski de Brzezie, pour qu'il confie à la garde des pères "Bernardins" l'image de la Très Sainte Mère, déjà renommée pour ses grâces quand elle se trouvait dans sa chapelle de famille. Depuis lors, et en particulier depuis le jour de son couronnement, auquel a procédé l'Evêque de Cracovie, Albin Sas Dunajewski, en 1887 avec l'approbation du Pape Léon XIII, les pèlerins terminent leur pèlerinage en suivant les chemins en sa présence. Au début, ils venaient ici de toute la Pologne, mais également de Lituanie, de Russie, de Slovaquie, de Bohème, de Hongrie, de Moravie et d'Allemagne. Les habitants de Silésie témoignent d'une affection particulière pour elle, et ont offert la couronne de Jésus; et depuis le jour de son couronnement, ils participent chaque année à la procession qui a lieu le jour de l'Assomp-tion de la Bienheureuse Vierge Marie.

Combien ce lieu a été important pour la Pologne divisée par les partitions successives! Mgr Dunajewski - devenu par la suite Cardinal - l'a bien exprimé, à l'occasion du couronnement, par cette prière: "En ce jour, Marie a été élevée au ciel et y a été couronnée. Pour l'anniversaire de ce jour, tous les saints déposent leurs couronnes au pied de leur Reine, et aujourd'hui, le peuple polonais lui aussi amène les couronnes d'or, afin qu'elles soient posées par les mains de l'Evêque sur le front de Marie sur ces images miraculeuses.

Récompense-nous pour cela, ô Mère, afin que nous soyons tous un entre nous et avec Toi". Il priait ainsi pour l'unité de la Pologne divisée. Aujourd'hui, alors qu'elle a trouvé son unité territoriale et nationale, les paroles de ce Pasteur ne perdent rien de leur actualité, mais acquièrent même une nouvelle signification. Il faut les répéter aujourd'hui, en demandant à Marie qu'elle nous obtienne l'unité de la foi, l'unité de l'esprit et de la pensée, l'unité des familles et l'unité sociale. Dans ce but, je prie aujourd'hui avec vous: fais en sorte, ô Mère de Kalwaria, "que nous soyons tous un entre nous et avec Toi".

1050 5."Ainsi, s'il-te-plaît!
Toi qui est notre Avocate,
porte sur nous
Tes yeux miséricordieux.
Et après cet exil,
montre-nous Jésus,
le fruit béni de tes entrailles.

Ô clémente, ô pieuse,
ô douce Vierge Marie!".
Porte, ô Notre Dame des Grâces,
ton regard vers ce peuple
1051 qui depuis des siècles
est resté fidèle à Toi et à ton Fils.
Tourne ton regard vers cette nation,
qui a toujours répondu
à l'espérance de ton amour de Mère.
Tourne vers nous ton regard,
Tes yeux miséricordieux,
obtiens-nous ce dont Tes fils
ont le plus besoin.
Ouvre les coeurs des riches
aux besoins des pauvres
1052 et des personnes qui souffrent.
Aux chômeurs,
fais rencontrer un employeur.
Aide ceux
qui sont réduits à l'indigence
à trouver une maison.
Aux familles, apporte l'amour
qui fait surmonter
toutes les difficultés.
Aux jeunes, indique la route
et des perspectives pour l'avenir.
1053 Enveloppe les enfants
dans le manteau de ta protection,
pour qu'ils ne soient pas offensés.
Anime les communautés religieuses
de la grâce de la foi,
de l'espérance et de la charité.
Fais que les prêtres
marchent sur les traces de ton Fils
en offrant chaque jour
leur vie pour leurs brebis.
Aux évêques,
1054 obtiens la lumière de l'Esprit Saint,
afin qu'ils guident l'Eglise
qui est sur ces terres
vers le Royaume de ton Fils
sur une voie unique et droite.

Très Sainte Mère,
Notre Dame de Kalwaria,
obtiens pour moi les forces
du corps et de l'esprit,
afin que je puisse
accomplir jusqu'à son terme
la mission
1055 que m'a confiée le Ressuscité.
A Toi, je remets tous les fruits
de ma vie et de mon ministère;
à Toi, je confie le sort de l'Eglise;
à Toi, je confie ma nation;
en Toi, j'ai confiance
et à Toi encore une fois je déclare:

Totus Tuus, Maria!
Totus Tuus. Amen.

Au terme de la Messe, avant de donner sa Bénédiction, le Saint-Père a prononcé les paroles suivantes:

Voici que se conclut mon pèlerinage en Pologne, à Cracovie. Je suis heureux que le couronnement de cette visite ait lieu précisément ici, à Kalwaria, aux pieds de Marie. Une fois de plus, je désire confier à sa protection vous tous réunis ici, l'Eglise qui est en Pologne et tous mes concitoyens. Que son amour soit la source de grâces abondantes pour notre pays et ses habitants.

1056 Lorsque j'ai visité ce Sanctuaire en 1979, je vous ai demandé de prier pour moi, tant que je vivrai, et après ma mort. Aujourd'hui, je vous remercie ainsi que tous les pèlerins de Kalwaria pour ces prières, pour le soutien spirituel que je reçois continuellement. Et je continue à vous demander: ne cessez pas de prier - je le répète une fois de plus - tant que je vivrai et après ma mort. Et moi, comme toujours, je répondrai à votre bienveillance en vous recommandant tous au Christ miséricordieux et à sa mère.





11 septembre 2002, Obsèques de S. Em. le Cardinal Lucas Moreira Neves, O.P.

Mercredi 11 septembre 2002



1. "In laudem gloriae gratiae suae" (
Ep 1,6). Les paroles de l'Apôtre Paul, que nous avons écoutées dans la deuxième Lecture, constituent comme une synthèse immédiate et éloquente de toute l'existence de notre vénéré frère, le cher Cardinal Lucas Moreira Neves, à qui nous allons donner le dernier salut. Il avait lui-même choisi ces paroles de saint Paul comme incipit de son testament spirituel, rédigé le Jeudi saint de l'An 2000, en y reconnaissant l'inspiration et l'illumination intérieure qui l'avaient accompagné au cours de toute son existence. Il écrivait: "In laudem gloriae... que ces paroles de saint Paul... qui me servent depuis presque plus de soixante ans d'illumination spirituelle, me servent d'inspiration également au moment de comparaître devant Dieu. Je désire profondément qu'en ce moment se concentre et atteigne son point culminant toute mon action de grâce à la Très Sainte Trinité".

2. Entré très jeune dans l'Ordre des Frères prêcheurs, il conserva toute sa vie un profond attachement à sa vocation et à son identité de fils spirituel de saint Dominique. Dans le testament susmentionné, il confiait: "J'ai aimé cette vocation avec passion", et il poursuivait: "J'espère mourir en restant pleinement fidèle à l'essentiel de la vocation dominicaine". Sa vocation religieuse s'enrichit et s'exprima de façon magnifique dans un intense ministère sacerdotal, tout d'abord aux côtés des étudiants catholiques, puis dans l'animation du "Mouvement chrétien des familles", ainsi que parmi les intellectuels, les journalistes et surtout les artistes du théâtre et du cinéma.

En tant qu'Evêque auxiliaire de São Paulo, il fut apprécié pour ses remarquables qualités d'esprit et de coeur, pour sa sensibilité pastorale, pour son inépuisable charité envers les pauvres, en particulier envers "ses" meñinos de rua... En raison de ces qualités, il fut appelé à assumer des charges toujours plus importantes.

L'Eglise, les laïcs, le sacerdoce, le service pétrinien, les jeunes dans les associations et dans les mouvements ecclésiaux, ont été parmi les thèmes les plus chers au Cardinal Moreira Neves, approfondis et exposés en d'innombrables occasions. Comment ne pas rappeler, à ce propos, le cours d'Exercices spirituels qu'il prêcha au Vatican en 1982, apprécié par tous pour le profond souffle spirituel et ecclésial qui le parcourait?

3. Enrichi par le service accompli à la Curie romaine en faveur de toute la communauté catholique, Lucas Moreira Neves revint dans son bien-aimé Brésil, en qualité d'Archevêque du siège primatial de São Salvador da Bahia. Après l'avoir fait entrer dans le Collège cardinalice, je le rappelai à Rome en juin 1998, pour lui confier la charge de Préfet de la Congrégation pour les Evêques, qu'il conserva jusqu'en septembre 2000, lorsque pour des raisons de santé, il demanda à en être relevé.

Précisément au cours de ces longues années marquées par la maladie, sa collaboration incessante au bien de ses frères est devenue, dans un certain sens, plus efficace en vertu de l'union intime avec le Seigneur Jésus. C'est le Cardinal Neves lui-même qui le confesse, avec un ton plus réservé, comme conscient de révéler l'un des points les plus intimes et délicats de son âme. "Il me coûte beaucoup de le faire d'un point de vue naturel, de la simple raison humaine, mais, dans une perspective de foi et d'obéissance à la Volonté de Dieu, je rends également grâce pour la maladie". Et il explique la raison plus profonde de cette attitude de foi: "Je suis réconforté par la certitude que, par cette souffrance, je suis entré en communion avec la Passion du Christ, j'ai vécu sur terre une partie de Purgatoire et j'ai collaboré, plus que par toute prédication, à la rédemption de mes frères".

4. C'est précisément cette vision de foi qui nous aide à vivre plus intensément le triste moment du détachement de la vie terrestre de notre Frère bien-aimé. La douleur pour la disparition de sa personne vénérée, grand don pour l'Eglise et pour la société civile, est adoucie par l'espérance de la résurrection, fondée sur la parole même de Jésus, écoutée dans l'Evangile. "Oui, telle est la volonté de mon Père, que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour" (Jn 6,40). Face au mystère de la mort, tout semble être irrémédiablement perdu pour l'homme qui n'a pas la foi. C'est la parole du Christ qui éclaire alors le chemin de la vie et qui confère sa valeur à chacun de ses moments. Jésus-Christ est le Seigneur de la vie, et il est venu pour "que je ne perde rien de tout ce qu'il [le Père] lui a donné" (cf. Jn Jn 6,39).

C'est précisément dans cet horizon de foi que notre cher frère a vécu toute son existence, totalement consacrée à Dieu et au service de ses frères, en particulier des plus pauvres, devenant ainsi le témoin de cette foi courageuse qui se fie aveuglément à Dieu.

1057 5. "Scio quod Redemptor meus vivit" (Jb 19,25). Dans le grand silence qui entoure le mystère de la mort, s'élève, pleine d'espérance, la voix de l'antique croyant: Job implore le salut du Vivant, dans lequel chaque événement humain trouve son sens et sa fin.

"Videbo Deum meum. Quem visurus sum ego ipse, et oculi mei conspecturi sunit" (Jb 19,26-27), affirme le texte sacré, laissant entrevoir, au terme du pèlerinage terrestre, le Visage miséricordieux du Seigneur. C'est à cette recherche du visage de Dieu qu'est consacrée la dernière pensée du Cardinal Neves, qui a voulu conclure son testament spirituel en exprimant un dernier désir: "Sur ma tombe, j'aimerais que l'on écrive seulement la Parole du Psaume: Vultum tuum, Domine, quaesivi". Et nous croyons, à la lumière de la foi, que notre vénéré et cher frère, contemple déjà, révélé dans la joie du paradis, ce Visage miséricordieux du Christ, qu'il a cherché dans l'espérance au cours de toute sa vie terrestre.

Voilà ce que nous demandons de façon particulière à la Très Sainte Vierge Marie, Reine de l'espérance, alors que nous confions à la terre la dépouille mortelle du Cardinal Lucas Moreira Neves. Que la Sainte Vierge veuille l'accueillir entre ses bras maternels et le conduire à la contemplation du saint visage de son Fils Jésus, dans le choeur en fête des anges et des saints, pour toute l'éternité. Amen!





20 septembre 2002, Obsèques de S. Em. le Cardinal François-Xavier Nguyên Van Thuân

Vendredi 20 septembre 2002



1. "Leur espérance était pleine d'immortalité" (Sg 3,4).

Ces paroles réconfortantes du Livre de la Sagesse nous invitent à élever, à la lumière de l'espérance, notre prière de suffrage pour l'âme élue du défunt Cardinal François-Xavier Nguyên Van Thuân, qui a placé toute sa vie précisément sous le signe de l'espérance.

Certes, sa douloureuse disparition remplit de douleur ceux qui l'ont connu et aimé: sa famille, en particulier sa mère, à laquelle je renouvelle l'expression de ma proximité affectueuse. Je pense également à la bien-aimée Eglise du Viêt-nam, qui l'a engendré dans la foi; et je pense également à tout le peuple vietnamien, que le vénéré Cardinal a expressément rappelé dans son testament spirituel, en affirmant l'avoir toujours aimé. Le Saint-Siège regrette le Cardinal Van Thuân, qui a consacré ses dernières années à son service, comme Vice-Président, puis comme Président du Conseil pontifical "Justice et Paix".

A tous, en ce moment également, il semble lancer avec une affection persuasive une invitation à l'espérance. Lorsque, en l'an 2000, je lui demandai de guider les méditations pour les Exercices spirituels à la Curie Romaine, il choisit comme thème: "Témoins de l'espérance". Maintenant que le Seigneur l'a éprouvé "comme l'or au creuset" et l'a agréé "comme un parfait holocauste", nous pouvons véritablement dire que "son espérance était pleine d'immortalité" (cf. Sg Sg 3,4 Sg Sg 3,6). C'est-à-dire qu'elle était pleine du Christ, vie et résurrection de ceux qui ont confiance en Lui.

2. Espère en Dieu! C'est par cette invitation à placer sa confiance dans le Seigneur, que le cher Cardinal avait commencé les méditations des Exercices spirituels. Ses exhortations sont restées gravées dans ma mémoire en vertu de la profondeur des réflexions, enrichies de souvenirs personnels constants, relatifs en grande partie à ses treize années passées en prison. Il racontait que précisément en prison, il avait compris que le fondement de la vie chrétienne est de "choisir Dieu seulement", en s'abandonnant totalement entre ses mains paternelles.

Nous sommes appelés, ajoutait-il à la lumière de son expérience personnelle, à annoncer à tous l'"Evangile de l'espérance"; et il précisait que ce n'est qu'à travers la radicalité du sacrifice que l'on peut porter à terme cette vocation, même au milieu des épreuves les plus dures. "Valoriser chaque douleur - disait-il - comme l'un des innombrables visages de Jésus crucifié et l'unir au sien signifie entrer dans la même dynamique de douleur-amour; cela signifie participer à sa lumière, à sa force, à sa paix; cela signifie retrouver en nous une présence de Dieu plus nouvelle et plus pleine" (Témoins de l'espérance, Rome 2001, p. 124).

1058 3. On pourrait se demander d'où il puisait la patience et le courage qui l'ont toujours distingué. Il confiait, à ce propos, que sa vocation sacerdotale était liée de façon mystérieuse mais réelle au sang des martyrs tombés au cours du siècle dernier tandis qu'ils annonçaient l'Evangile au Viêt-nam. "Les martyrs, observait-il, nous ont enseigné à dire oui: un oui sans condition ni limite à l'amour du Seigneur; mais également un non aux flatteries, aux compromis, à l'injustice, même dans le but de sauver sa vie" (Ibid ., pp. PP 139-140). Et il ajoutait qu'il ne s'agissait pas d'héroïsme, mais de fidélité mûrie en tournant son regard vers Jésus, modèle de tout témoin et de tout martyre. Un héritage à accueillir chaque jour dans une vie pleine d'amour et de douceur.

4. En adressant notre ultime salut à ce messager héroïque de l'Evangile du Christ, nous remercions le Seigneur de nous avoir donné en lui un exemple lumineux de cohérence chrétienne jusqu'au martyre. Il a affirmé de lui-même, avec une simplicité impressionnante: "Dans l'abîme de mes souffrances... je n'ai jamais cessé d'aimer chacun, je n'ai exclu personne de mon coeur" (ibid., p. 124).

Son secret était une confiance indomptable en Dieu, alimentée par la prière et la souffrance acceptée avec amour. En prison, il célébrait chaque jour l'Eucharistie avec trois gouttes de vin et une goutte d'eau dans le creux de sa main. C'était son autel, sa cathédrale. Le Corps du Christ était son "médicament". Il racontait avec émotion: "Chaque fois, j'avais l'occasion de tendre les mains et de me clouer sur la Croix avec Jésus, de boire avec lui le calice plus amer. Chaque jour, en récitant les paroles de la consécration, je confirmais de tout mon coeur et de toute mon âme un nouveau pacte, un pacte éternel entre Jésus et moi, à travers son sang mêlé au mien" (ibid., n. 168).

5. "Mihi vivere Christus est" (Ph 1,21). Fidèle jusqu'à la mort, le Cardinal Nguyên Van Thuân a fait sienne l'expression de l'apôtre Paul que nous venons d'écouter. Il a conservé la sérénité et même la joie, même au cours de son long et douloureux séjour à l'hôpital. Au cours des derniers jours, lorsque désormais, il était incapable de parler, il demeurait le regard fixé sur le Crucifix qu'il avait devant lui. Il priait en silence, tandis qu'il accomplissait son ultime sacrifice couronnant une existence marquée par la configuration héroïque au Christ sur la Croix. Les paroles proclamées par Jésus à l'imminence de sa Pâque s'adaptent bien à lui: "Si le grain de blé en terre ne meurt pas, il demeure seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit" (Jn 12,24).

Ce n'est qu'à travers le sacrifice de lui-même que le chrétien contribue au salut du monde. Il en a été ainsi pour notre vénéré Frère Cardinal. Il nous quitte, mais son exemple demeure. La foi nous assure qu'il n'est pas mort, mais qu'il est entré dans le jour éternel qui ne connaît pas de crépuscule.

6. "Sainte Marie,... priez pour nous... à l'heure de notre mort". En prison, lorsqu'il lui était impossible de prier, il avait recours à Marie: "Mère, tu vois que je suis à bout, je n'arrive plus à réciter aucune prière. Alors,... me remettant entre tes mains, je répète simplement: "Ave Marie!" (ibid., p. 253).

Dans son testament spirituel, après avoir demandé pardon, le défunt Cardinal assure continuer à aimer chacun. "Je pars avec sérénité, affirme-t-il, et je n'éprouve de haine pour personne. J'offre toutes les souffrances que j'ai vécues à Marie Immaculée et à saint Joseph".

Le testament se conclut sur une triple recommandation: "Aimez la Sainte Vierge et ayez confiance en saint Joseph, soyez fidèles à l'Eglise, soyez unis et faites preuve de charité envers tous". Telle est la synthèse de son existence même.

Puisse-t-il être accueilli à présent, avec Joseph et Marie, pour contempler dans la joie du Paradis le visage glorieux du Christ, qu'il a cherché sur terre avec ardeur comme son unique espérance.
Amen!





4 octobre 2002, Célébration oecuménique des Vêpres pour le VII centenaire de la naissance de sainte Brigitte de Suède

1059 Vendredi 4 octobre 2002



1. "Non je n'ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié" (
1Co 2,2). Les paroles de l'Apôtre Paul, qui ont retenti au cours de cette célébration oecuménique, ont eu un écho singulier dans l'activité et dans l'expérience mystique de sainte Brigitte de Suède, dont nous commémorons le VII centenaire de la naissance. Lors des diverses étapes de son existence, où elle fut tout d'abord une épouse, mère et éducatrice, puis une veuve et, pour finir, une initiatrice d'un nouveau chemin de vie consacrée, la sainte s'est constamment inspirée du mystère de la passion et de la mort du Christ. Ses yeux ne se sont pas lassés de contempler le visage du Crucifié.

Nous la rappelons ce soir, alors que nous rendons grâce au Seigneur pour une si illustre et sainte fille de la noble terre de Suède, liée à la ville de Rome et témoin singulier des profondes racines chrétiennes de la civilisation européenne.

2. C'est avec une grande joie que je vous présente mon salut cordial, chers frères et chères soeurs, qui prenez part à cette solennelle Liturgie du soir en l'honneur de sainte Brigitte. J'adresse une pensée particulière à mes frères Evêques, au clergé et aux religieuses et religieux présents.

Dans un esprit de fraternité et d'amitié, je salue les illustres représentants des Eglises luthériennes. Votre présence à l'occasion de cette prière est un motif de joie profonde. J'espère que cette rencontre au nom du Seigneur promouvra notre dialogue oecuménique et abrègera le chemin vers la pleine unité des chrétiens.

Je désire adresser un salut spécial à Leurs Majestés, le roi et la reine de Suède, représentés ici par leur fille, la princesse Victoria.

Je salue respectueusement les autres autorités civiles et religieuses qui prennent part, aux côtés des organisateurs, des orateurs et des participants, au symposium sur le thème "La voie de la beauté pour un monde plus juste et digne", qui commémore le 700 anniversaire de la naissance de sainte Brigitte. J'adresse un salut affectueux aux chères Soeurs de l'Ordre du Très Saint-Sauveur de Sainte-Brigitte, réunies ici avec leur Abbesse générale.

3. Ici, auprès des tombes des Apôtres et dans les lieux sanctifiés par le sang des martyrs, sainte Brigitte passa de nombreuses heures en prière au cours de son séjour à Rome. Ici, elle puisa sa force et sa fermeté pour être en mesure d'accomplir l'engagement profondément charitable, missionnaire et social qui fit d'elle l'une des personnes les plus remarquables de son temps.

En contemplant le Seigneur crucifié et en union intime avec sa Passion, elle fut capable, avec une détermination prophétique, de compléter la mission que le Christ lui avait confiée pour le bien de l'Eglise et de la société de l'époque.

La statue de marbre placée à l'extérieur de la Basilique vaticane, près de l'entrée communément appelée "Porte de la Prière", exprime de façon appropriée l'ardeur de sa vie et de sa spiritualité. Sainte Brigitte est représentée dans une attitude de prière, en train de contempler le Christ crucifié, avec le livre de ses "Révélations" ouvert, un bâton et un sac de pèlerin.

4. J'ai à coeur d'éclairer un autre aspect de la personnalité de cette grande missionnaire de la foi, que j'ai voulue proclamer co-patronne de l'Europe: il s'agit de son aspiration active et zélée pour l'unité des chrétiens. A une époque complexe et difficile de l'histoire ecclésiale et européenne, cette indomptable disciple du Seigneur ne cessa d'oeuvrer pour la cohésion et le progrès authentique de l'unité des croyants. J'ai plaisir à répéter ici ce que j'ai voulu récemment rappeler aux Soeurs Brigidines, dans un Message commémoratif pour le VII centenaire de sa naissance. Sainte Brigitte - ai-je écrit - "se présente donc à nous comme un témoin de l'oecuménisme. Sa personnalité harmonieuse inspire la vie de l'Ordre qui fait remonter ses origines jusqu'à Elle, dans l'idée d'un oecuménisme spirituel et en même temps actif" (n. 6) (cf. ci-contre le Message à Mère Tekla Familgietti). Il s'agit d'un héritage spirituel à recueillir, d'un engagement commun à poursuivre avec une joyeuse générosité. Cependant, comme l'unité de l'Eglise est une grâce de l'Esprit, nous sommes conscients qu'il faut tout d'abord l'implorer constamment dans la prière, puis l'édifier avec une ténacité inlassable, chacun en offrant sa propre contribution personnelle.

1060 5. Très chers frères et soeurs, c'est aujourd'hui la fête de saint François d'Assise. Chacun connaît l'admiration et la dévotion de cette Tertiaire franciscaine à l'égard du "Poverello" d'Assise. Parmi les nombreux pèlerinages qu'elle accomplit dans les principaux sanctuaires de l'époque, ressort celui de l'été 1352 à Assise. Ce fut une visite qui laissa dans son esprit et dans son coeur un souvenir indélébile.

Que ces deux grands saints nous aident, eux qui ont exercé une si grande influence dans la vie de l'Eglise et dans l'histoire du continent européen, à être comme eux de courageux témoins du Christ et de son message éternel de salut. Que Marie, pour qui sainte Brigitte eut toujours une grande dévotion, intercède pour nous afin que nous puissions contribuer efficacement à l'instauration du Royaume du Christ et à la construction de la civilisation de l'amour.





6 octobre 2002, Canonisation de Josemaría Escrivá de Balaguer

Dimanche, 6 octobre 2002


1. "En effet, tous ceux qu'anime l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu" (
Rm 8,14). Ces paroles de l'Apôtre Paul, qui viennent de retentir dans notre assemblée, nous aident à mieux comprendre le message significatif de la canonisation d'aujourd'hui de Josemaría Escrivá de Balaguer. Il s'est laissé guider docilement par l'Esprit, convaincu que ce n'est qu'ainsi qu'il est possible d'accomplir totalement la volonté de Dieu.

Cette vérité chrétienne si fondamentale était le thème récurrent de sa prédication. En fait, il ne se lassait pas d'inviter ses fils spirituels à invoquer l'Esprit Saint pour faire en sorte que leur vie intérieure, c'est-à-dire la vie de relation avec Dieu, et leur vie familiale, professionnelle et sociale, faite de petites réalités terrestres, ne soient pas séparées, mais constituent une seule existence "sainte et pleine de Dieu". "Découvrons Dieu, écrivait-il, dans les choses les plus visibles et les plus matérielles" (Entretiens avec Mgr Escriva, n. 114).

Son enseignement est, aujourd'hui encore, actuel et urgent. En vertu du baptême qui l'incorpore au Christ, le croyant est appelé à maintenir une relation ininterrompue et vitale avec le Seigneur. Il est appelé à être saint et à collaborer au salut de l'humanité.

2. "Yahvé Dieu prit l'homme et l'établit dans le jardin d'Eden pour le cultiver et le garder" (Gn 2,15). Le Livre de la Genèse, comme nous l'avons entendu dans la première lecture, nous rappelle que le Créateur a confié la terre à l'homme, pour la "cultiver" et la "garder". Les croyants agissant au sein des diverses réalités de ce monde, contribuent à réaliser ce projet divin universel. Le travail, et toute autre activité, menée à bien avec l'aide de la Grâce, se convertissent en instruments de sanctification quotidienne.

"La vie habituelle d'un chrétien qui a la foi, avait l'habitude d'affirmer Josemaría Escrivá, quand il travaille ou se repose, quand il prie ou quand il dort, à tout moment, est une vie dans laquelle Dieu est toujours présent" (Méditations, 3 mars 1954). Cette vision surnaturelle de l'existence ouvre un horizon extraordinaire de perspectives salvifiques, parce que, même dans le contexte, monotone en apparence, des événements terrestres ordinaires, Dieu se rend proche de nous et nous pouvons coopérer à son dessein de salut. Par conséquent, il est plus facile de comprendre ce qu'affirme le Concile Vatican II quand il dit: "le message chrétien ne détourne pas les hommes de la construction du monde [...], il leur en fait au contraire un devoir plus pressant" (Gaudium et Spes, GS 34).

3. Elever le monde vers Dieu et le transformer de l'intérieur: voici l'idéal que le saint fondateur vous indique, frères et soeurs bien-aimés, qui vous réjouissez aujourd'hui de son élévation à la gloire des autels. Il continue de vous rappeler la nécessité de ne pas vous laisser intimider par une culture matérialiste, qui menace de dissoudre l'identité la plus authentique des disciples du Christ. Il aimait répéter avec vigueur que la foi chrétienne s'oppose au conformisme et à l'inertie intérieure.

En suivant ses traces, diffusez dans la société, sans distinction de race, de classe, de culture ou d'âge, la conscience que nous sommes tous appelés à la sainteté. Efforcez-vous d'être saints vous-mêmes en premier lieu, en cultivant un style évangélique d'humilité et de service, d'abandon à la Providence et d'écoute constante de la voix de l'Esprit. Ainsi, vous serez "sel de la terre" (cf. Mt Mt 5,13), et "ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux" (ibid., 5, 16).

1061 4. Certainement, les difficultés et les incompréhensions ne manquent pas pour celui qui tente de servir avec fidélité la cause de l'Evangile. Le Seigneur purifie et modèle avec la force mystérieuse de la Croix ceux qu'il appelle à le suivre; mais dans la Croix, répétait le nouveau saint, nous trouvons lumière, paix et joie: Lux in Cruce, requies in Cruce, gaudium in Cruce!

Depuis que, le 7 août 1931, au cours de la célébration de la messe, résonnèrent dans son âme les paroles de Jésus: "Et moi, une fois élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi!" (
Jn 12,32), Josemaría Escrivá comprit plus clairement que la mission des baptisés consiste à élever la Croix du Christ au-dessus de toute réalité humaine, et il sentit naître en lui l'appel passionnant à évangéliser tous les milieux. Il accueillit alors sans hésiter l'invitation faite par Jésus à l'Apôtre Pierre et qui a résonné il y a peu sur cette place: "Duc in altum!". Il l'a transmise à toute sa famille spirituelle, pour qu'elle offre à l'Eglise une contribution vigoureuse de communion et de service apostolique. Cette invitation s'étend aujourd'hui à nous tous. "Avance en eau profonde, nous dit le divin Maître, et lâchez vos filets pour la pêche" (Lc 5,4).

5. Pour accomplir une mission si exigeante, une croissance intérieure permanente alimentée par la prière est cependant indispensable. Saint Josemaría fut un maître dans la pratique de la prière, qu'il considérait comme une "arme" extraordinaire pour racheter le monde. Il recommandait toujours: "D'abord, la prière; ensuite, l'expiation; en troisième lieu, et seulement en "troisième lieu", l'action" (Chemin, n. 82). Ce n'est pas un paradoxe, mais une vérité éternelle: la fécondité de l'apostolat se trouve avant tout dans la prière et dans une vie sacramentelle intense et constante. Ceci est, au fond, le secret de la sainteté et du vrai succès des saints.

Que le Seigneur vous aide, très chers frères et soeurs, à recevoir cet exigeant héritage ascétique et missionnaire. Que Marie vous soutienne, que le saint fondateur invoquait sous les appellations de Spes nostra, Sedes sapientiae, Ancilla Domini!

Que la Madone fasse de chacun de nous un authentique témoin de l'Evangile, prêt à apporter en tous lieux une généreuse contribution à l'édification du Royaume du Christ. Que l'exemple et l'enseignement de saint Josemaría nous servent de stimulant, afin que, au terme de notre pèlerinage terrestre, nous puissions nous aussi participer au bienheureux héritage du Ciel. Là, avec les anges et tous les saints, nous contemplerons le visage de Dieu, et nous chanterons sa gloire pour toute l'éternité!





13 octobre 2002, Visite de Sa Béatitude le Patriarche Théoctiste, Patriarche de l'Eglise orthodoxe roumaine

Dimanche 13 octobre 2002
1. "Gloire à ce Dieu, notre Père, dans les siècles des siècles!" (Ph 4,20).

C'est ainsi que se conclut le passage de la Lettre aux Philippiens qui vient d'être proclamé. Cet écrit de l'Apôtre Paul est imprégné d'une joie fervente. La même joie comble aujourd'hui le coeur de l'Evêque de Rome en raison de la visite appréciée de son bien-aimé frère, Sa Béatitude Théoctiste, Patriarche de l'Eglise orthodoxe roumaine, et pour avoir pu écouter avec lui la Bonne Nouvelle.

Je vous salue avec une affection fraternelle, Votre Béatitude, ainsi que vos collaborateurs. Ma pensée cordiale s'étend en esprit au Saint-Synode, au clergé et aux fidèles de l'Eglise orthodoxe de Roumanie, qui m'ont ouvert leurs bras et leur coeur à l'occasion de ma visite à Bucarest, au printemps 1999, il y a trois ans.

2. J'ai écouté avec une grande attention vos réflexions inspirées, vibrantes d'une aspiration ardente à la pleine communion de nos Eglises. J'ai ressenti dans celles-ci une harmonie encourageante de sentiments et de volontés, visant à réaliser le commandement que le Christ a confié à ses disciples au cours de la dernière Cène: "Ut omnes unum sint - afin que tous soient un" (Jn 17,21).

1062 Votre Béatitude, je suis heureux de pouvoir célébrer en votre présence cette sainte Liturgie, mystère de notre foi, et d'invoquer avec vous le Seigneur pour l'unité et pour la paix dans la sainte Eglise et dans le monde. Ensemble, en ce lieu, nous sommes les témoins du chemin commun entrepris vers le rapprochement de l'Eglise catholique et de l'Eglise orthodoxe de Roumanie. Je rends grâce au Seigneur pour ce qu'il nous a déjà donné au cours de notre pèlerinage de communion. J'invoque sa grâce, afin qu'il nous accorde de mener à bien ce qu'il a suscité parmi nous, pour soutenir l'engagement vers la pleine communion.

3. "J'ai tout préparé, tout est prêt, venez!" (cf. Mt
Mt 22,4).

Dans la page évangélique qui vient d'être proclamée en langue latine et roumaine, en respirant presque, pour ainsi dire, "avec deux poumons", l'invitation aux noces royales a retenti. Nous sommes tous invités. L'appel du Père miséricordieux et fidèle constitue le noyau même de la Révélation divine et, en particulier, de l'Evangile. Nous sommes tous appelés, appelés par notre nom.

Venez! Le Seigneur nous a appelés pour faire partie de son Eglise, une, sainte, catholique et apostolique. Au moyen de l'unique Baptême, nous sommes insérés dans l'unique Corps du Christ. Mais notre réponse a-t-elle toujours été un "oui" inconditionné? Parfois, n'avons-nous pas, hélas, refusé l'invitation? N'avons-nous pas déchiré la tunique sans couture du Seigneur, en nous éloignant les uns des autres? Oui! Notre division réciproque est contraire à sa volonté.

"La noce est prête, mais les invités n'en étaient pas dignes" (Mt 22,8): ce sévère jugement pourrait s'appliquer à nous. Un jour, nous devrons rendre compte de ce que nous avons fait pour l'unité des chrétiens.

4. Dans sa grâce envers nous, pécheurs, Dieu nous a accordé ces derniers temps de nous rapprocher davantage, à travers la prière, la parole et les oeuvres, de la plénitude de l'unité voulue par Jésus pour ses disciples (cf. Unitatis redintegratio, UR 1). En nous s'est accrue la conscience d'être invités ensemble aux noces royales. Le Christ nous a laissé en héritage, à la veille de sa Passion, le mémorial vivant de sa mort et de sa résurrection, dans lequel, sous les espèces du pain et du vin, il nous donne son Corps et son Sang. Comme l'a répété le Concile Vatican II, l'Eucharistie est la source et le sommet de toute la vie chrétienne, le centre rayonnant de la Communauté ecclésiale (cf. Const. Sacrosanctum Concilium SC 10 et Christus Dominus CD 30).

L'Eglise catholique et les Eglises orthodoxes, en célébrant selon leurs traditions respectives la véritable Eucharistie, vivent, dès à présent, dans une profonde communion, même si elle n'est pas pleine. Que le jour béni où nous pourrons véritablement vivre dans sa plénitude notre parfaite communion puisse arriver le plus tôt possible. Aujourd'hui, l'invitation de l'Evangile s'adresse en particulier à nous. Que Dieu nous garde de faire comme ceux qui "s'en allèrent, qui à son champ, qui à son commerce" (Mt 22,5).

5. Dans la parabole évangélique, le roi demanda à l'un de ses invités: "Mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir une tenue de noces?" (Mt 22,12). Ces paroles nous interpellent. Elles nous rappellent que nous devons nous préparer aux noces royales, en nous revêtant du Seigneur Jésus-Christ (cf. Rm 13,14 Ga 3,27).

La participation à l'Eucharistie présuppose la conversion à une vie nouvelle. Egalement, la participation commune, la pleine communion, présuppose la conversion. Il n'y a pas d'oecuménisme véritable sans conversion intérieure et sans renouvellement de l'esprit (cf. Unitatis redintegratio UR 6-7), sans que l'on surmonte les préjugés, les soupçons; sans que l'on élimine les paroles, les jugements, les actes qui ne réflètent pas avec équité et vérité la condition de frères séparés; sans la volonté de parvenir à estimer l'autre, à instaurer une amitié réciproque, à alimenter un amour fraternel.

Pour rejoindre la pleine communion, nous devons surmonter avec courage notre paresse et notre étroitesse de coeur (cf. Novo millennio ineunte NM 48). Nous devons cultiver la spiritualité de la communion, qui est capacité "de considérer notre frère dans la foi comme "l'un des nôtres", pour savoir partager ses joies et ses souffrances, pour deviner ses désirs et répondre à ses besoins, pour lui offrir une amitié vraie et profonde" (ibid., n. 43). Nous devons sans cesse alimenter la passion pour l'Unité.

Votre Béatitude a opportunément souligné qu'en Europe et dans le monde, profondément sécularisés, apparaît une crise spirituelle inquiétante. Le témoignage commun des chrétiens devient donc d'autant plus urgent.

1063 6. Très chers frères et soeurs! Je confie au Seigneur ces réflexions, qui prennent aujourd'hui une importance particulière. Cette Liturgie voit, en effet, ensemble, le Successeur de Pierre, Evêque de Rome, et le Patriarche orthodoxe de Roumanie. Nous sommes tous les deux les témoins de la volonté croissante d'unité et de communion de nos Eglises. Tous les deux, bien que conscients des difficultés persistantes, sommes certains que notre exemple trouvera un écho profond dans chaque lieu où les catholiques et les orthodoxes vivent côte-à-côte. Que le désir de reconnaître notre frère dans l'autre et de nous réconcilier avec lui puisse se nourrir de notre témoignage. Telle est la première condition indispensable pour nous approcher, ensemble, de l'unique Table du Seigneur.

Nous invoquons pour cela l'Esprit d'unité et d'amour et l'intercession de la Très Sainte Vierge, Mère de l'Eglise.

7. Je voudrais enfin envoyer un salut affectueux au peuple roumain et à tous ses membres. Je ne pourrai jamais oublier la visite historique que la divine Providence m'a donné d'effectuer, il y a trois ans, à Bucarest. L'accueil, le climat et les sentiments intenses, la ferveur et l'enthousiasme spirituel, les attentes des personnes, en particulier des jeunes, et les paroles d'espérance: tout reste imprimé dans mon âme. Unitate! Unitate! Ces paroles entendues au terme de ma visite sont indélébiles. Unitate! Unitate! Je rends grâce à Dieu afin qu'il m'accorde dès à présent, d'une certaine façon, de pouvoir rendre les attentions qui me furent alors réservées.

Votre Béatitude, en revenant dans votre patrie, assurez votre peuple que la Roumanie, qualifiée par la tradition du beau titre de "Jardin de la Mère de Dieu", est dans le coeur de l'Evêque de Rome, qui prie chaque jour pour le bien-aimé peuple roumain. Que Dieu bénisse toujours la Roumanie!





20 octobre 2002, Béatification de 6 Serviteurs de Dieu - Journée mondiale des Missions

Dimanche 20 octobre 2002



1. "Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit" (
Mt 28,19).

Jésus ressuscité quitte ainsi les Apôtres, avant de retourner au Père: "Allez!".Sa dernière parole est une invitation à la mission, qui est dans le même temps une promesse, un testament et un engagement. Le Christ confie aux disciples son message de salut et leur demande de le diffuser et de le témoigner jusqu'aux extrémités de la terre.

Telle est la signification de la Journée mondiale des Missions d'aujourd'hui. Par une coïncidence providentielle, c'est précisément en cette journée que sont proclamés plusieurs nouveaux bienheureux, qui ont accompli de façon singulière le mandat d'annoncer et de témoigner l'Evangile. Il s'agit de Daudi Okelo et Jildo Irwa, Andrea Giacinto Longhin, Marcantonio Durando, Marie de la Passion et Liduina Meneguzzi.

Dans le contexte de la Journée mondiale des Missions, leur béatification nous rappelle que le premier service à rendre à la mission est la recherche sincère et constante de la sainteté. Nous ne pouvons pas témoigner avec cohérence de l'Evangile si, auparavant, nous ne le vivons pas fidèlement.

2. Mes pensées se tournent avant tout vers les deux jeunes catéchistes d'Ouganda, Daudi Okelo et Jildo Irwa. Ces deux témoins courageux n'étaient que des enfants lorsque, avec simplicité et foi, ils versèrent leur sang pour le Christ et son Eglise. Avec un enthousiasme juvénile pour leur mission et l'enseignement de la foi à leurs concitoyens, ils partirent en 1918 pour le Nord de l'Ouganda. C'est là, alors que l'évangélisation venait juste de commencer dans cette région, qu'ils décidèrent d'embrasser la mort plutôt que d'abandonner la région et faillir à leurs devoirs de catéchistes. Nous pouvons véritablement voir dans leur vie et dans leur témoignage qu'ils étaient "aimés et choisis de Dieu" (cf. 1Th 1,4).

1064 Daudi et Jildo sont élevés aujourd'hui à la gloire des autels. Ils sont présentés à la communauté chrétienne tout entière comme exemples de sainteté et de vertu, et comme modèles et intercesseurs pour les catéchistes à travers le monde, en particulier dans les lieux où les catéchistes souffrent en raison de leur foi, et doivent parfois affronter l'exclusion sociale et même le danger personnel. Puissent la vie et le témoignage de ces deux serviteurs dévoués de l'Evangile inspirer de nombreux hommes et femmes - en Ouganda, en Afrique, et partout ailleurs - à répondre avec générosité à l'appel à devenir catéchistes, en transmettant la connaissance du Christ aux autres et en renforçant la foi des communautés qui ont récemment reçu l'Evangile du salut.

3. "Je t'ai appelé par ton nom" (
Is 45,4). Les paroles avec lesquelles le prophète Isaïe indique la mission confiée par Dieu à ses élus expriment bien la vocation d'Andrea Giacinto Longhin, l'humble capucin qui a été pendant trente-deux ans Evêque du diocèse de Trévise, au début du siècle dernier, du XX siècle. Il a été un pasteur simple et pauvre, humble et généreux, toujours disponible envers son prochain, selon la plus authentique tradition capucine.

On l'appelait l'Evêque des choses essentielles. A une époque marquée par des événements dramatiques et douloureux, il s'est révélé un père pour les prêtres et un pasteur zélé de son peuple, toujours présent aux côtés de ses fidèles, en particulier dans les moments de difficulté et de danger. Il anticipait ainsi ce que devait souligner le Concile oecuménique Vatican II, en indiquant dans l'évangélisation "l'un des principaux devoirs des Evêques" (Christus Dominus CD 12 cf. Redemptoris missio RMi 63).

4. "Nous nous rappelons [...] l'activité de votre foi, le labeur de votre charité, la constance de votre espérance" (1Th 1,2-3). Les paroles de l'Apôtre dessinent le portrait spirituel du Père Marcantonio Durando, de la Congrégation de la Mission et digne fils de la terre piémontaise. Il vécut de la foi et d'un ardent élan spirituel, en refusant toute forme de compromis ou de tiédeur intérieure.

A l'école de saint Vincent de Paul, il sut reconnaître dans l'humanité du Christ l'expression la plus grande, et dans le même temps la plus accessible et désarmante, de l'amour de Dieu envers chaque homme. Aujourd'hui encore, il nous indique le mystère de la Croix comme le moment culminant où nous est révélé le mystère insondable de l'amour de Dieu.

5. "Nous le savons frères bien-aimés de Dieu, vous avez été choisis par lui" (1Th 1,4). Marie de la Passion s'est laissée saisir par Dieu, capable de combler la soif de vérité qui l'habitait. Fondant les Soeurs Franciscaines Missionnaires de Marie, elle brûlait de communiquer les flots d'amour qui bouillonnent en elle et veulent se répandre sur le monde. Au coeur de l'engagement missionnaire, elle place l'oraison et l'Eucharistie, car pour elle adoration et mission se fondent en une même démarche. Nourrie de l'Ecriture et des Pères de l'Eglise, mystique et active, passionnée et intrépide, elle se donne avec une disponibilité intuitive et audacieuse à la mission universelle de l'Eglise. Chères soeurs, à l'école de votre fondatrice, en communion profonde avec l'Eglise, accueillez l'invitation à vivre, dans une fidélité renouvelée, les intuitions de votre charisme fondateur, pour que nombreux soient ceux qui découvrent Jésus, celui qui nous fait entrer dans le mystère d'amour qui est Dieu.

6. "Rapportez à Yahvé, familles des peuples, rapportez à Yahvé gloire et puissance" (Ps 95,7). Les paroles du Psaume responsorial expriment bien l'aspiration missionnaire, qui a envahi soeur Liduina Meneguzzi, des Soeurs de saint François de Sales. Au cours de son existence, brève mais intense, soeur Liduina se prodigua en faveur de ses frères les plus pauvres et qui souffraient, en particulier à l'hôpital de la mission de Dire-Dawa, en Ethiopie.

Avec un zèle apostolique fervent, elle cherchait à faire connaître à chacun notre unique Sauveur, Jésus. A l'école de celui qui est "doux et humble de coeur" (cf. Mt Mt 11,29), elle apprit à diffuser la charité, qui naît d'un coeur pur, en surmontant toute médiocrité et inertie intérieure.

7. "Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde" (Mt 28,20). Telle est la promesse que le Christ fit à ses disciples, en s'apprêtant à quitter le monde pour revenir au Père.

Je suis avec vous pour toujours! Je suis avec toi, dit Jésus, Eglise qui est en pèlerinage dans le monde. Je suis avec vous, jeunes communautés ecclésiales en terres de mission. N'ayez pas peur d'établir un dialogue avec tous. Apportez à chacun le message du salut! Soyez courageux!

Que Marie, Etoile de l'évangélisation, et les nouveaux bienheureux protègent et accompagnent vos pas sur les routes du monde. Amen!





1065 25 octobre 2002, Messe à l'occasion du début de l'Année académique des Universités ecclésiastiques romaines

Vendredi 25 octobre 2002




1. "C'est la race de ceux qui recherchent ta face, Dieu" (cf. Ps
Ps 23,6).

Les paroles que nous avons chantées comme refrain au Psaume responsorial revêtent une signification particulière aujourd'hui, dans cette Basilique. En effet, elle voit réunis les Recteurs, les professeurs et les étudiants des Universités ecclésiastiques romaines pour la traditionnelle célébration du début de la nouvelle Année académique.

J'adresse à tous un salut cordial. J'étends une pensée de gratitude particulière au Cardinal Zenon Grocholewski, qui préside la Célébration eucharistique, ainsi qu'à ses collaborateurs pour le travail quotidien qu'ils accomplissent au sein de la Congrégation pour l'Education catholique.

2. En tournant mon regard vers vous, très chers frères et soeurs, je pense avec reconnaissance: voilà, Seigneur, "c'est la race de ceux qui recherchent ta face". En effet, qu'est-ce que l'étude de la théologie, sinon une façon particulière de rechercher la face de Dieu? Il en est de même pour l'engagement dans les autres sciences, enseignées dans vos Universités, qui n'est rien d'autre que de s'approcher de la réalité de l'homme, de l'Eglise, de l'histoire dans laquelle Dieu se révèle lui-même, ainsi que son mystère insondable de salut.

"A Yahvé sa terre et sa plénitude, le monde et tout son peuplement" (Ps 23,1): quelle que soit la perspective sous laquelle il regarde la réalité, le croyant sait qu'il marche, pour ainsi dire, sur "une terre sainte" (cf. Ex Ex 3,5), car il n'est rien de positif, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'homme, qui ne reflète de quelque façon la sagesse divine. "Yahvé, notre Seigneur, qu'il est puissant ton nom par toute la terre!" (Ps 8,2 Ps 8,10).

3. Le passage évangélique qui vient d'être proclamé nous parle de deux degrés de "sagesse": un premier dergé consiste dans la capacité de "discerner le visage de la terre et du ciel" (Lc 12,56), c'est-à-dire de saisir des liens de cause à effet dans les phénomènes naturels. A un autre degré, plus profond, se situe au contraire la capacité à juger le "temps" dans lequel se développe l'histoire du salut, le temps où Dieu oeuvre et attend la collaboration de l'homme.

Dans la "plénitude du temps", rappelle saint Paul (Ga 4,4), Dieu envoie son Fils unique. L'Evangéliste Jean observe toutefois qu'il "est venu chez lui et les siens ne l'ont pas accueilli" (Jn 1,11). La présence du Verbe incarné confère au temps une qualité particulière: elle le rend "décisif" dans le sens où se décide en lui le destin éternel de chaque homme et de l'humanité tout entière. Au don suprême de Dieu correspond la responsabilité suprême de l'homme.

4. L'observation sévère adressée par le Christ à la foule s'applique bien à notre époque, dans laquelle l'humanité a développé une très grande capacité à analyser et à lire les phénomènes pour ainsi dire "en superficie", mais tend à éviter les interrogations les plus profondes sur les significations ultimes, sur le sens de la vie et de la mort, sur le bien et sur le mal dans l'histoire.

L'accusation cinglante "Hypocrites!" (Lc 12,56), issue des lèvres de Jésus, dit clairement qu'il ne s'agit pas seulement ici de ne pas savoir juger ce qui est juste (cf. Lc Lc 12,57), mais également de ne pas vouloir l'accepter. L'hypocrisie consiste donc en une fausse sagesse, qui se complaît de nombreuses connaissances, mais qui se garde bien de se compromettre avec des questions délicates sur le plan religieux et moral.

1066 5. La première lecture d'aujourd'hui, tirée de l'Epître de saint Paul aux Ephésiens, présente une admirable synthèse entre foi et vie, entre théologie et sagesse évangélique: il s'agit de la perspective de l'unité. Celle-ci se nourrit de certaines vertus que l'Apôtre énumère: humilité, douceur, patience, tolérance mutuelle dans la charité (cf. Ep Ep 4,2). L'exhortation morale de Paul est entièrement fondée sur la contemplation du mystère et sur sa traduction dans le comportement concret des membres de la communauté.

L'antidote contre l'hypocrisie est donc un mouvement circulaire constant entre ce que l'on sait et ce que l'on vit, entre le message de vérité reçu en don avec la vocation chrétienne et les comportements concrets personnels et communautaires. En d'autres termes, entre le savoir de la foi et la sainteté de la vie.

6. Ces réflexions, inspirées par la Parole de Dieu, interpellent en particulier ceux qui travaillent dans les Universités ecclésiastiques. Professeurs et étudiants sont appelés à exercer une attention constante pour interpréter les signes des temps en relation au Signe central de la Révélation divine, le Christ Seigneur. Et celles-ci sont plus particulièrement appelées à se placer de façon toujours renouvelée au service de l'unité de l'Eglise.Cette unité, ouverte de par sa nature sur la dimension catholique, trouve ici à Rome, le milieu idéal pour être crue, étudiée et servie.

Chers frères et soeurs, l'unité du Corps ecclésial se conserve et s'édifie au moyen du lien de la paix, dans la vérité et la charité (cf. Ep Ep 4,3). Il est donc nécessaire que vos Universités soient avant tout des lieux d'authentique sagesse chrétienne, dans lesquels chacun s'engage en personne à accomplir une synthèse cohérente entre foi et vie, entre les contenus étudiés et la conduite pratique.

Que les Saints soient en cela des maîtres pour vous, en particulier les Docteurs de l'Eglise et ceux qui ont consacré leur vie à l'étude et à l'enseignement. Ceux-ci sont, au sens le plus profond, la "race de ceux qui recherchent la face [de Dieu]" (Ps 23,6) et, précisément pour avoir été des contemplateurs passionnés de la face de Dieu, ils ont su également transmettre aux autres les reflets lumineux de vérité, de beauté et de bonté qui en découlent.

Que la Très Sainte Vierge Marie, Siège de la Sagesse, veille toujours sur vos communautés académiques et sur chacun de vous. Qu'elle obtienne de l'Esprit Saint une abondance de sagesse, de science et d'intelligence, afin que, comme dit saint Paul dans l'Epître aux Ephésiens, vous puissiez "comprendre avec tous les saints, ce qu'est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur, [et connaître] l'amour du Christ, qui surpasse toute connaissance, et vous entrerez par votre plénitude dans toute la Plénitude de Dieu" (Ep 3,18-19).

Amen!



5 novembre 2002, Célébration eucharistique en mémoire des Cardinaux et des Evêques défunts au cours de l'année
Mardi 5 novembre 2002

Le passage à la mort est en réalité l'entrée solennelle dans la plénitude de la vie

1. "Yahvé est bon pour qui se fie à lui, pour l'âme qui le cherche" (Lm 3,25).

1067 La solennité de la Toussaint et la Commémoration de Tous les fidèles défunts suscite chaque année dans la communauté ecclésiale une atmosphère de prière intense et diffuse. Une atmosphère à la fois triste et douce, dans laquelle la certitude réconfortante de la communion des saints atténue la douleur, qui ne disparaît jamais entièrement, pour les personnes disparues.

Entourés par cette atmosphère spirituelle particulière, nous nous retrouvons autour de l'autel du Seigneur, unis en prière pour les Cardinaux et les Evêques qui ont conclu leur séjour terrestre au cours des douze derniers mois. Et alors que, par l'intercession du Christ, nous offrons nos prières d'intercession pour eux, nous sommes reconnaissants des exemples qu'ils nous ont laissés afin d'accompagner notre chemin.

2. En ce moment, les prélats défunts sont vivement présents dans notre esprit. Nous étions attachés à certains d'entre eux par des liens de profonde amitié et je sais, en parlant ainsi, que j'exprime également les sentiments d'un grand nombre d'entre vous. J'ai à coeur de mentionner de façon particulière, les vénérés Cardinaux qui nous ont quittés: Paolo Bertoli, Franjo Kuharic, Louis-Marie Billé, Alexandru Todea, Johannes Joachim Degenhardt, Lucas Moreira Neves, François-Xavier Nguyên Van Thuân, John Baptist Wu Cheng-Chung. A leur souvenir s'unit celui des Archevêques et des Evêques qui, dans les différentes parties du monde, sont parvenus au terme de leur chemin terrestre.

Ces frères sont arrivés au but. Il y a eu un jour où chacun d'eux, encore plein d'énergie, a prononcé son "Me voilà!" au moment d'être ordonné prêtre. D'abord dans leur coeur, puis à haute voix, ils ont dit: "Me voilà!". Tous ont été de façon particulière unis au Christ, associés à son Sacerdoce.

A l'heure de leur mort, ils ont prononcé le dernier "Me voilà!", accompagnant celui de Jésus, qui mourut en remettant son esprit entre les mains du Père (cf. Lc
Lc 23,46). Au cours de toute leur vie, en particulier après l'avoir consacrée à Dieu, ils ont "cherché les choses d'en haut" (Col 3,1). Et à travers la parole et l'exemple, ils ont exhorté les fidèles à en faire tout autant.

3. Ils ont été des pasteurs, des pasteurs du troupeau du Christ. Combien de fois, avec le Peuple saint de Dieu, ont-ils récité le Psaume "De profundis"! Lors des obsèques, dans les cimetières, dans les maisons où était entrée la mort: "De profundis clamavi ad te, Domine / ... quia apud te propitiatio est / ...speravit anima mea in Domino / ... quia apud Dominum misericordia / et copiosa apud eum redemptio" (Ps 129,1 Ps 129,4 Ps 129,5 Ps 129,7).

Chacun d'entre eux a donné sa propre vie pour annoncer ce pardon du Christ, la miséricorde du Christ, la rédemption du Christ. Jusqu'au moment où est venue la dernière heure pour chacun d'eux. A présent, nous sommes ici pour prier pour eux, pour offrir le Sacrifice divin à l'intention de leurs âmes élues: "Domine, exaudi vocem meam" (Ps 129,2)!

4. Ils ont été des pasteurs. Grâce au service de la prédication, ils ont communiqué au coeur des fidèles la vérité bouleversante et réconfortante de l'amour de Dieu: "Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas mais ait la vie éternelle" (Jn 3,16). Au nom du Dieu d'amour, leurs mains ont béni, leurs paroles ont réconforté, leur présence - même silencieuse - a témoigné avec éloquence que la miséricorde de Dieu n'a pas de fin, que sa compassion est inépuisable (cf. Lm Lm 3,22).

Certains d'entre eux ont eu la grâce d'offrir ce témoignage de façon héroïque, en affrontant de dures épreuves et des persécutions inhumaines. Dans cette Eucharistie, nous en rendons louange à Dieu, en implorant de pouvoir honorer dignement leur mémoire et le lien éternel d'amitié fraternelle, dans l'attente de pouvoir les embrasser à nouveau dans la maison du Père.

5. "Quand le Christ sera manifesté, lui qui est votre vie, alors vous aussi vous serez manifestés avec lui pleins de gloire" (Col 3,4).

Ces paroles de saint Paul, qui ont retenti dans la deuxième lecture, nous invitent à regarder la vie éternelle, vers laquelle nos vénérés frères ont accompli le dernier pas. A la lumière du Mystère pascal du Christ, leur mort est, en réalité, l'entrée dans la plénitude de la vie. Le chrétien, en effet - comme le dit l'apôtre - est déjà "mort" pour le Baptême et son existence est mystérieusement "cachée avec le Christ en Dieu" (Col 3,3).

1068 Sous cette lumière de la foi, nous nous sentons donc encore plus proches de nos frères défunts: la mort nous a apparemment séparés, mais la puissance du Christ et de son Esprit nous unit de façon encore plus profonde. Nourris du pain de la vie, nous aussi, avec ceux qui nous ont précédés, nous attendons avec une ferme espérance notre pleine manifestation.

Que la Vierge Marie veille sur eux comme sur nous, et nous permette de parvenir tous à occuper la "place" que le Christ, notre vie, nous a préparée dans la maison du Père (cf. Jn
Jn 14,2-3).

"Salve Regina!".





1er décembre 2002, Célébration eucharistique pour la communauté philippine de Rome

1er Dimanche de l'Avent, 1 décembre 2002

"Conservez votre riche héritage culturel et religieux"

Longue vie aux Philippines!

1. "Toi, Yahvé, tu es notre Père, note Rédempteur, tel est ton nom depuis toujours" (Is 63,16). Au début de l'Avent, la Liturgie nous invite à goûter à nouveau au message réconfortant de la paternité de Dieu. Les paroles tirées du Livre du prophète Isaïe et que nous venons d'écouter, nous introduisent au noyau central de la prédication de Jésus. A la requête précise des disciples: "Seigneur, apprends-nous à prier", Il répond en les encourageant à s'adresser à Dieu sous le doux nom de "Père" (cf. Lc Lc 11,1-4).

Oui, Dieu est notre Père! Il prend soin de nous, car nous sommes l'oeuvre de ses mains. Il est toujours prêt à pardonner les pécheurs repentis, et à accueillir avec tendresse ceux qui ont confiance en son infinie miséricorde (cf. Is Is 64,4).

Très chers frères et soeurs de la communauté catholique philippine de Rome! Je suis heureux de partager avec vous cette annonce réconfortante, tandis que nous entreprenons le chemin de l'Avent. J'aurais voulu vous rendre visite le 24 février dernier et célébrer l'Eucharistie dans la Basilique Sainte Pudenziana au Viminal. Cela n'a pas été possible et c'est pour cela qu'aujourd'hui, je vous accueille avec une grande joie ici, au Vatican, reprenant ainsi mes rencontres habituelles avec les paroisses et les communautés de notre diocèse.

2. Je vous salue avec une grande affection et, à travers vous, je salue les milliers de Philippins et de Philippines qui vivent à Rome et dans d'autres villes d'Italie. Je salue le Cardinal-Vicaire et l'Evêque auxiliaire de la zone centrale, qui ont le souci constant de votre soin pastoral. Je salue également votre concitoyen, le Cardinal José Sanchez, Préfet émérite de la Congrégation pour le Clergé, qui nous honore de sa présence ici aujourd'hui.

1069 Je salue également avec respect la présence de Leurs Excellences les Ambassadeurs des Philippines auprès du Saint-Siège et auprès de la République d'Italie, ainsi que les autres représentants de la communauté philippine.

Mes salutations cordiales s'adressent également aux prêtres, aux religieux et aux religieuses et aux fidèles laïcs qui, de diverses façons, servent votre nombreuse et vivante communauté. Je salue de façon particulière votre aumônier zélé, le Père Alberto Mena Guevara. Je le remercie de ses aimables paroles au début de cette célébration et de sa présentation des nombreuses activités qui ont lieu en la Basilique Sainte-Pudenziana, qui a été confiée en 1991 au Sentro Pilipino. Il y a quelques mois, il a repris en main le riche héritage de soin pastoral légué par le bien-aimé Père Remo Bati, après dix ans de service généreux et fidèle à la communauté. Je remercie également M. Exequiel Garcia et le jeune Mark Angelo, qui ont parlé en votre nom à tous.

La préoccupation de l'Eglise pour les fidèles Philippins se manifeste également dans les trente-neuf centres pastoraux situés dans la ville, dans lesquels vous pouvez promouvoir vos propres traditions chrétiennes et leur donner une nouvelle vie, grâce aux services liturgiques et apostoliques qui y sont offerts.

3. Chers frères et soeurs, conservez précieusement le riche héritage culturel et religieux qui fait partie intégrante de votre identité. Un grand nombre d'entre vous ont eu la chance de trouver un emploi ici, en Italie, et ont atteint un niveau de vie qui vous permet d'aider vos familles dans votre pays. Pour d'autres, toutefois, - et j'espère qu'ils sont peu nombreux - votre statut d'immigrants a été pour vous la cause de graves problèmes, y compris la solitude, la séparation de votre famille, la perte des valeurs transmises par le passé et parfois même la perte de votre foi.

Je voudrais vous renouveler à tous, et en particulier aux nombreuses femmes ici présentes, les paroles d'encouragement que nous avons entendues dans la Liturgie d'aujourd'hui: Ne vous découragez pas! Notre foi ne doit pas s'affaiblir, car le Seigneur est près de nous. Le fait que vous soyez immigrés vous rend encore plus chers aux yeux de Jésus qui, comme nous le rappelons au cours de l'Avent, est venu sur terre pour nous sauver.

Continuez donc avec confiance et détermination, le long du chemin de foi et de solidarité si bien exprimé par la devise mentionnée par votre aumônier, qui vous appelle à la "communion", au "témoignage" et à la "proclamation de l'Evangile". Le témoignage d'une vie authentiquement chrétienne vous maintiendra unis les uns les autres et continuera de vous attirer le respect et l'aide des autres. Je demande à ceux qui vous emploient de vous accueillir et de vous aimer en tant que frères et soeurs bien-aimés dans le Christ. Chacun d'entre nous doit oeuvrer ensemble pour édifier la civilisation de l'amour.

4. "Veillez...Veillez".Cette exhortation que Jésus nous adresse dans l'Evangile (cf. Mc
Mc 13,33 Mc Mc 13,35), est le rappel fondamental du temps de l'Avent: veiller dans l'attente du Messie. Très chers frères et soeurs, demeurons éveillés pour être prêts à rencontrer le Sauveur, qui vient nous révéler le visage du Père céleste.

Que Marie, l'humble vierge de Nazareth, élue par Dieu pour devenir la Mère du Rédempteur, rende fructueuse notre attente dans la prière du Rédemp-teur. Amen!

Longue vie aux Philippines!





10 décembre 2002, Messe pour les étudiants et les professeurs des universités romaines

Mardi 10 décembre 2002



1070 1. "Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu" (Is 40,1).

C'est avec cette invitation que s'ouvre ce que l'on appelle le "Livre de la consolation", dans lequel le Second Isaïe apporte au peuple en exil l'annonce joyeuse de la libération. Le temps de la punition est révolu; Israël peut se tourner avec confiance vers l'avenir: le retour dans sa patrie l'attend enfin.

Cette annonce joyeuse vaut également pour nous. Au fond, nous sommes tous des pèlerins en chemin. La vie est une longue route, sur laquelle chaque être humain, pèlerin de l'Absolu, peine à la recherche d'une demeure stable et sûre. Le temps qui passe lui confirme qu'il ne peut pas trouver cette demeure ici-bas. Notre patrie véritable et définitive est le ciel. L'auteur de l'Epître aux Hébreux dira: "Car nous n'avons pas ici-bas de cité permanente, mais nous recherchons celle de l'avenir" (He 13,14).

Dans cette perspective, la parole du prophète est réconfortante. Il assure que Dieu est en chemin avec nous: "Consolez, consolez mon peuple [...] alors la gloire de Yahvé se révélera et toute chair, du coup, la verra" (Is 40,1). Dans la nuit de Bethléem, le Verbe de Dieu est devenu notre compagnon de voyage; il a assumé notre chair elle-même et a accepté de partager jusqu'au bout notre condition. Dans la foi, nous pouvons donc accueillir dans toute la richesse de sa signification le voeu: "Consolez, consolez mon peuple!".

2. C'est avec ce sentiment de joie intime que je vous adresse mon salut, illustres Recteurs et professeurs, et à vous, très chers étudiants des Universités de Rome. J'exprime à chacun ma gratitude, pour avoir tenu à participer à ce traditionnel rendez-vous du temps de l'Avent.

Je salue en particulier le Vice-ministre des Universités et la délégation des Recteurs italiens présents à cette célébration, ainsi que les représentants des Universités européennes. Je remercie le Recteur de l'Université "Tor Vergata" et l'étudiante de "La Sapienza" des paroles qu'ils m'ont adressées, interprétant vos sentiments. Je suis heureux d'être en votre compagnie.

3. Ecoutons à présent de nouveau le prophète. Il nous aide à mieux comprendre le message de joie que le mystère de Noël apporte aux hommes de tout temps et de toute culture. La naissance du Christ est une annonce réconfortante pour toute l'humanité.

Oui, "alors la gloire de Yahvé se révélera et toute chair, d'un coup, la verra" (Is 40,5). Nous pouvons tous la contempler et en être illuminés. Face à cette gloire, poursuit le prophète, "toute chair est de l'herbe et toute grâce est comme la fleur des champs" (Is 40,6).

La gloire de Dieu et la gloire des hommes: existe-t-il une gloire humaine qui puisse être comparée à la gloire divine? Même les grands de la terre, comme Nabuchodonosor, Darius, Cyrus sont comme "l'herbe", comme la fleur qui "se fâne lorsque le souffle de Yahvé passe sur elles" (Is 40,7). Rien ne résiste à Dieu. Lui seul, par sa toute-puissance, règne sur l'univers et conduit le destin des hommes et de l'histoire.

Regardons le siècle qui vient de s'écouler et notre époque: combien les puissances qui prétendaient imposer leur domination se sont révélées fragiles! Même la science, la technique, la culture, lorsqu'elles manifestent des prétentions de toute-puissance, se révèlent au fond comme l'herbe qui pousse rapidement, comme une fleur qui se flétrit et meurt.

4. Les paroles du prophète que nous avons entendues ensemble résonnent dans le coeur de chacun. Elles n'attentent pas à la liberté humaine; au contraire, elles l'enrichissent en la guidant sur des sentiers d'authentique promotion humaine. Dans cette perspective, la pastorale universitaire, que l'Eglise promeut avec soin dans les centres d'étude et de recherche scientifique, est d'un grand secours.

1071 Je me souviens de mon expérience personnelle à l'Université. Du contact quotidien avec les élèves et les professeurs, j'ai appris qu'il faut fournir une formation intégrale, capable de préparer les jeunes à la vie: un enseignement qui les éduque à assumer de façon responsable leur rôle dans la famille et dans la société avec une compétence non seulement professionnelle, mais également humaine et spirituelle. De ces années, qui ont marqué mon existence, j'ai tiré d'utiles enseignements, que j'ai tenté de reproposer dans le traité d'éthique chrétienne "Amour et responsabilité" et dans l'oeuvre théâtrale sur le mariage "La boutique de l'orfèvre".

5. Revenons une fois de plus au texte du prophète, que nous propose la liturgie d'aujourd'hui. Il s'agit d'une page très dense de significations, qui annonce au peuple découragé: "Voici le Seigneur Yahvé qui vient avec puissance, son bras assure son autorité" (
Is 40,10). La toute-puissance de Dieu, comme nous le comprendrons mieux dans le mystère de Noël, est empreinte de tendresse et de miséricorde. Il s'agit d'une puissance d'amour, qui se penche avec prédilection sur les faibles et les humbles.

La page évangélique que nous venons de proclamer, nous aide à comprendre en profondeur ce message d'espérance. Le pasteur dont parle Jésus abandonne quatre-vingt-dix-neuf brebis sur la montagne pour aller à la recherche de celle qui s'est égarée (cf. Mt Mt 18,12-14). Dieu ne considère pas l'humanité comme une masse anonyme, mais s'arrête sur chaque individu et prend soin de chacun avec un soin personnel. Le Christ est le véritable Pasteur qui, de son bras, rassemble son troupeau, il "porte [les agneaux] sur son sein, il conduit doucement les brebis mères" (Is 40,11).

6. La parabole de la brebis égarée est éloquente. La brebis, à la différence des autres animaux, comme par exemple le chien, ne sait pas revenir seule à la maison et a besoin d'être guidée par le pasteur. De même, nous aussi sommes incapables de nous sauver avec nos seules forces. Nous avons besoin de l'intervention d'En-haut. Et à Noël, ce prodige d'amour s'accomplit: Dieu est devenu l'un de nous pour nous aider à retrouver le chemin qui conduit au bonheur et au salut.

Illustres Recteurs et professeurs, très chers étudiants! Ouvrons notre coeur à l'Enfant qui naîtra pour nous à Bethléem! Préparons-nous à recevoir sa lumière qui illumine nos pas et son amour qui apporte vigueur à notre existence. Que la Très Sainte Vierge Marie, Siège de la Sagesse, nous accompagne dans cette attente fervente.

Avec ces sentiments, je forme pour vous et vos familles de sincères voeux de Noël. Que les prochaines fêtes de Noël soient sereines et saintes! Bon Avent et bon Noël! Amen.





15 décembre 2002, Messe avec communauté de la paroisse "Saint Jean Népomucène Neumann"

Salle Paul VI
IIIème Dimanche de l'Avent, 15 décembre 2002
1. "Restez toujours joyeux" (1Th 5,16). Cette invitation de l'Apôtre Paul aux fidèles de Thessalonique, qui vient de retentir dans notre assemblée, exprime bien l'atmosphère de la liturgie de ce jour. C'est en effet aujourd'hui le troisième dimanche de l'Avent, appelé traditionnellement dimanche "Gaudete", le mot latin par lequel commence l'Antienne d'Entrée.

"Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur". Face aux difficultés inévitables de la vie, aux incertitudes et aux craintes pour l'avenir, à la tentation du découragement et de la déception, la Parole de Dieu repropose toujours la "joyeuse annonce" du salut: le Fils de Dieu vient pour guérir "les plaies des coeurs brisés" (cf. Is Is 61,1). Que ce bonheur, annonce anticipée de la joie de Noël désormais proche, puisse envahir le coeur de chacun de nous et chaque domaine de notre existence.

1072 2. Très chers frères et soeurs de la paroisse "San Giovanni Nepomuceno Neumann": soyez les bienvenus! Comme il est beau de vous rencontrer à l'approche des fêtes de Noël. Noël, nous le savons, est une fête ressentie de façon particulière par les familles et les enfants, et vous êtes une paroisse composée de nombreuses jeunes familles.

J'exprime à tous mon salut le plus cordial. Je salue le Cardinal Vicaire, l'Evêque auxiliaire du Secteur Ouest, votre curé, le Père Danilo Bissacco, et ses vicaires, à qui est confié le soin de la communauté. Je remercie ceux qui, en votre nom, ont voulu exprimer des sentiments d'affection et de communion au début de la célébration. A travers vous qui êtes ici présents, je désire faire parvenir une parole sincère de proximité aux presque dix mille personnes qui résident sur le territoire de la paroisse.

Réunis autour de l'Eucharistie, nous nous rendons plus facilement compte que la mission de chaque communauté chrétienne est celle d'apporter le message de l'amour de Dieu à tous les hommes. Voilà pourquoi il est important que l'Eucharistie soit toujours le coeur de la vie des fidèles, comme elle l'est aujourd'hui pour votre paroisse, même si tous ses membres n'ont pas pu y participer personnellement.

3. Deux ans après sa fondation, votre communauté ne dispose pas encore d'un centre de culte adapté. Précisément en ce troisième dimanche de l'Avent, le diocèse célèbre la Journée de prière et de sensibilisation afin que tous les quartiers de la ville, en particulier ceux de la périphérie, aient une église avec les structures nécessaires au bon déroulement des activités liturgiques, de formation et pastorales.

Je souhaite également qu'il soit possible pour vous de réaliser ce projet au plus tôt, sans toutefois ne jamais perdre le style missionnaire qui, au cours de ces années, a rendu votre famille paroissiale vivante et dynamique.

Je connais les difficultés auxquelles elle doit quotidiennement faire face. L'ancienne "Borgata Fogaccia", actuellement plus connue comme "Borgata Montespaccato", où se trouve la paroisse, est un quartier très peuplé, dont les constructions ont été édifiées sans suivre de plan d'urbanisme, privé de structures sociales, où l'on constate une présence importante d'immigrés extra-communautaires, ainsi que de personnes à la recherche d'un emploi stable.

4. Il ne faut toutefois pas se décourager. Du reste, votre jeune communauté ne manque pas d'esprit d'entreprise, également grâce aux Pères rédemptoristes qui, en véritables fils de saint Alphonse, ont accepté de s'occuper de vous au cours de l'année du grand Jubilé. Malgré la pauvreté des structures et les difficultés de chaque jour, vous prêtez quant à vous déjà attention à ceux qui sont en difficulté.

Très chers frères et soeurs, poursuivez ce chemin. Prenez en particulier soin des enfants et des adolescents, en ne leur faisant pas manquer votre attention, votre amitié et votre confiance. Soutenez les familles, en particulier les familles nouvelles et celles qui sont pauvres ou en difficulté.

Très chers amis, que vous protège votre Patron, saint Jean Népomucène Neumann, qui n'est peut-être pas aussi connu qu'il le mériterait. Cette grande figure d'Evêque missionnaire, pionnier extraordinaire de l'Evangile en Amérique du Nord, à la moitié du XIX siècle, se prodigua pour le Seigneur, pour l'Eglise et pour le peuple qui lui était confié au cours de ses brèves années d'existence. Imitez son zèle pour l'annonce de l'Evangile et son amour ardent pour l'Eglise et pour son prochain en difficulté.

5. "Rendez droit le chemin du Seigneur" (
Jn 1,23). Accueillons cette invitation de l'Evangéliste! L'approche de Noël nous incite à une attente plus vigilante du Seigneur qui vient, alors que la liturgie d'aujourd'hui nous présente saint Jean-Baptiste comme exemple à imiter.

Tournons ensuite notre regard vers Marie, "cause" de notre joie véritable et profonde, afin qu'elle obtienne pour chacun ce bonheur qui vient de Dieu et que personne ne pourra plus jamais nous enlever. Amen!





1073 24 décembre 2002, Messe de Minuit



1. «Dum medium silentium tenerent omnia... – un silence enveloppait toute chose, la nuit en était au milieu de son cours; alors, ô Seigneur, ta Parole puissante s’élança du trône royal» (Antienne du Magnificat, 26 décembre).

En cette Sainte Nuit s’accomplit l’antique promesse: le temps de l’attente est terminé, et la Vierge met au monde le Messie.

Jésus naît pour l’humanité, qui est à la recherche de liberté et de paix; il naît pour tout homme, qui est opprimé par le péché, qui a besoin du salut et qui est assoiffé d’espérance.

Au cri incessant des peuples: Viens, Seigneur, sauve-nous !, Dieu répond en cette nuit: sa Parole éternelle d’amour a assumé notre chair mortelle. «Sermo tuus, Domine, a regalibus sedibus venit». Le Verbe est entré dans le temps: il nous est né, l’Emmanuel, Dieu-avec-nous.

Dans les cathédrales et dans les basiliques, comme dans les églises les plus petites et les plus reculées de toute la terre, s’élève avec émotion le chant des chrétiens: «Aujourd’hui nous est né un Sauveur» (Psaume responsorial).

2. Marie «mit au monde son fils premier-né; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire» (
Lc 2,7).

Telle est l’icône de Noël: un fragile nouveau-né, que les mains d’une femme protègent de pauvres vêtements et déposent dans une mangeoire.

Qui peut penser que ce petit être humain est le «Fils du Très-Haut» (Lc 1,32) ? Elle seule, sa Mère, connaît la vérité et en garde le mystère.

En cette nuit, nous pouvons, nous aussi, passer’ par son regard pour reconnaître en cet Enfant le visage humain de Dieu. À nous aussi, hommes du troisième millénaire, il est possible de rencontrer le Christ et de le contempler avec les yeux de Marie.

La nuit de Noël devient ainsi école de foi et de vie.

1074 3. Dans la deuxième lecture, qui vient d’être proclamée, l’Apôtre Paul nous aide à comprendre l’événement du Christ que nous célébrons en cette nuit de lumière. Il écrit: «La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes» (Tt 2,11).

La «grâce de Dieu manifestée» en Jésus est son amour miséricordieux, qui préside à toute l’histoire du salut et qui la conduit vers son accomplissement définitif. La révélation de Dieu «dans l’humilité de notre nature humaine» (cf. Première préface de l’Avent) constitue une anticipation sur la terre de sa «manifestation» glorieuse à la fin des temps (cf. Tt Tt 2,13).

Et pas seulement cela. L’événement historique que nous vivons dans ce mystère est la «voie» qui nous est offerte pour parvenir à la rencontre avec le Christ glorieux. En effet, par son Incarnation, Jésus «nous apprend – comme le dit l’Apôtre – à rejeter le péché et les passions d’ici-bas, pour vivre dans le monde présent en hommes raisonnables, justes et religieux, et pour attendre le bonheur que nous espérons avoir» (Tt 2,12-13).

Ô Noël du Seigneur, tu as inspiré des Saints en tout temps ! Je songe entre autres à saint Bernard et à ses méditations spirituelles devant la scène touchante de la crèche; je songe à saint François d’Assise, penseur inspiré de la première animation vivante du mystère de la Sainte Nuit; je songe à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus qui, face à la conscience moderne orgueilleuse, a proposé à nouveau, par sa «petite voie», l’authentique esprit de Noël.

4. «Vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire» (Lc 2,12).

L’Enfant couché dans la pauvreté d’une mangeoire: tel est le signe de Dieu. Les siècles et les millénaires passent, mais le signe demeure, et il vaut aussi pour nous, hommes et femmes du troisième millénaire. C’est un signe d’espérance pour toute la famille humaine; un signe de paix pour ceux qui souffrent à cause de conflits de tout genre; un signe de libération pour les pauvres et les opprimés; un signe de miséricorde pour ceux qui sont enfermés dans le cercle vicieux du péché; un signe d’amour et de réconfort pour ceux qui se sentent seuls et abandonnés.

C’est un signe ténu et fragile, humble et silencieux, mais riche de la puissance de Dieu, qui s’est fait homme par amour.

5. Seigneur Jésus, avec les bergers
nous nous approchons de ta crèche
pour te contempler enveloppé de langes
et couché dans la mangeoire.

1075 Ô Enfant de Bethléem,
nous t’adorons en silence avec Marie,
ta Mère toujours Vierge.
À toi, la gloire et la louange dans les siècles,
Toi le divin Sauveur du monde ! Amen.



31 décembre 2002, Vêpres et Te Deum

Lundi 31 décembre 2002



1. "Né d'une femme, né sujet de la loi" (
Ga 4,4).

Par cette expression, l'Apôtre Paul résume le mystère du Fils de Dieu, "engendré et non pas créé, de la même substance que le Père".

"Tu Patris sempiternus es Filius" - venons-nous de chanter dans l'hymne Te Deum. Dans l'abîme insondable de Dieu prend origine ab aeterno la mission du Christ, destinée à "ramener toutes choses sous un seul Chef, les êtres célestes comme les terrestres" (Ep 1,10).

Le temps, commencé lors de la création, atteint sa plénitude lorsqu'il est "visité" par Dieu en la Personne du Fils unique. Au moment où Jésus naît à Bethléem, événement d'une portée incalculable dans l'histoire du salut, la bonté de Dieu acquiert un "visage" visible et tangible (cf. Tt Tt 3,4).

1076 Devant l'Enfant, que Marie enveloppe dans des langes et dépose dans la mangeoire, tout semble s'arrêter. Celui qui est l'Alpha et l'Oméga, le principe et la fin, pleure dans les bras d'une femme: le Créateur est né parmi nous!

En Jésus, le Père céleste a voulu nous racheter du péché et nous adopter comme ses fils (cf.
Ga 4,5). Avec Marie, nous nous arrêtons dans un silence rempli d'adoration face à un aussi grand mystère!

2. Tel est le sentiment qui nous envahit, alors que nous célébrons les premières Vêpres de la solennité de la Très Sainte Vierge Marie, Mère de Dieu. La Liturgie fait coïncider cette fête mariale significative avec la fin et le début de l'année. C'est pourquoi, ce soir, nous unissons à la contemplation du mystère de la maternité divine de la Vierge, le cantique de notre gratitude pour le déroulement de l'année 2002, alors que se présente à l'horizon de l'histoire l'année 2003. Nous rendons grâce à Dieu du plus profond de notre coeur pour tous les bienfaits qu'il nous a accordés au cours des douze mois qui se sont écoulés.

Je pense, en particulier, à la réponse généreuse de nombreux jeunes à la proposition chrétienne; je pense à la sensibilité ecclésiale croissante à l'égard des valeurs de la paix, de la vie et de la sauvegarde de la création; je pense également à certains pas significatifs sur le difficile chemin oecuménique. Nous rendons grâce à Dieu pour tout cela. En effet, ses dons devancent et accompagnent toujours chaque geste positif que nous accomplissons.

3. Chers frères et soeurs, je suis heureux de vivre ces moments, comme chaque année, avec vous tous qui représentez la Communauté diocésaine de Rome. J'adresse à chacun un salut cordial. Je salue le Cardinal-Vicaire, les Evêques auxiliaires, les prêtres et les religieuses engagés dans le service pastoral dans les diverses paroisses et dans les Bureaux diocésains. Je salue le Maire de Rome, les membres de la Junte et du Conseil municipal, ainsi que les Autorités provinciales et régionales. Ma pensée s'étend à tous ceux qui vivent dans notre ville et dans notre région, en particulier à ceux qui se trouvent dans des situations de difficultés et d'indigence.

Le chemin de l'Eglise de Rome a été caractérisé cette année par un engagement particulier pour les vocations sacerdotales et religieuses. Le Congrès diocésain de juin dernier a porté son attention sur ce thème décisif pour le présent et l'avenir de l'évangélisation. C'est vers ce même objectif que convergent les diverses initiatives et activités pastorales promues par le diocèse. L'attention aux vocations est à juste titre insérée dans le choix de s'engager pour la mission et qui, après la Mission dans la Ville, constitue la ligne directrice de la vie et de la pastorale de l'Eglise de Rome.

4. Tous doivent se sentir concernés par cette vaste action au service de la mission et des vocations. C'est cependant en premier lieu aux prêtres qu'il revient de travailler pour les vocations sacerdotales, tout d'abord en vivant avec joie le grand don et le mystère que Dieu a placés en eux, afin qu'ils puissent "engendrer" de nouvelles et saintes vocations.

Que la pastorale des vocations soit une priorité pour les paroisses, appelées à être des écoles de sainteté et de prière, des terrains de charité et de service à nos frères, et en particulier pour les familles qui, en tant que cellules vitales, composent la communauté paroissiale. Lorsque l'amour règne entre les conjoints, les enfants grandissent moralement de façon saine et les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée fleurissent plus facilement.

En cette année, que j'ai voulu proclamer "Année du Rosaire", je vous invite en particulier, chères familles de Rome, à réciter quotidiennement le Rosaire, afin que parmi vous se crée un climat favorable à l'écoute de Dieu et à l'accomplissement fidèle de sa volonté.

5. "Fiat misericordia tua, Domine, super nos, quemadmodum speravimus in Te - Que ta miséricorde soit avec nous: en Toi nous avons espéré".

Ta miséricorde, Seigneur! En cette liturgie de fin d'année, la louange et l'action de grâce s'accompagnent d'un sincère examen de conscience personnel et communautaire. Nous demandons pardon au Seigneur pour les manquements dont nous nous sommes rendus coupables, certains que Dieu, riche de miséricorde, est infiniment plus grand que nos péchés.

1077 "En Toi nous avons espéré". En Toi, Seigneur, - réaffirmons-nous ce soir - se trouve notre espérance. Avec Noël, tu as apporté la joie au monde, en faisant rayonner ta lumière sur le chemin des hommes et des peuples. Les inquiétudes et les angoisses ne peuvent pas la faire disparaître; le rayonnement de ta présence nous réconforte constamment.

Puisse chaque homme et chaque femme de bonne volonté rencontrer la puissance de ton amour et de ta paix et en faire l'expérience. Puissent la ville de Rome et l'humanité tout entière t'accueillir comme son unique sauveur. Tel est mon voeu pour tous; un voeu que je dépose entre les mains de Marie, Mère de Dieu, Salus Populi Romani.





2003

1er janvier 2003, Solennité de la Très Sainte Mère de Dieu - XXXVIème Journée mondiale de la Paix



1. "Que Yahvé te bénisse et te garde! [...] Que Yahvé fasse pour toi rayonner ton visage et te fasse grâce! (
Nb 6,24 Nb 6,26): telles sont les paroles de la bénédiction que, dans l'Ancien Testament, les prêtres prononçaient sur le peuple élu lors des grandes fêtes religieuses. La Communauté ecclésiale l'écoute à nouveau aujourd'hui, alors qu'elle demande au Seigneur de bénir la nouvelle année qui vient de commencer.

"Que Yahvé te bénisse et te garde". Face aux événements qui bouleversent la planète, il apparaît avec clarté que seul Dieu peut toucher l'âme humaine en profondeur; seule sa paix peut redonner l'espérance à l'humanité. Il faut qu'Il tourne vers nous son visage, qu'Il nous bénisse, qu'Il nous protège et qu'Il nous fasse don de sa paix.

Il est donc plus que jamais opportun de commencer la nouvelle année en invoquant de Lui ce don précieux. Nous le faisons à travers l'intercession de Marie, Mère du "Prince de la Paix".

2. Au cours de cette célébration solennelle, je suis heureux d'adresser mon salut respectueux aux Illustres Ambassadeurs du Corps diplomatique accrédités près le Saint-Siège. J'adresse ensuite un salut affectueux à mon Secrétaire d'Etat et aux autres responsables des dicastères de la Curie romaine, en ayant une pensée particulière pour le nouveau Président du Conseil pontifical "Justice et Paix". Je désire leur manifester ma reconnaissance pour leur engagement quotidien en faveur d'une coexistence pacifique entre les peuples, selon les orientations des Messages pour la Journée mondiale de la Paix. Le Message de cette année ré-évoque l'Encyclique Pacem in terris, quarante ans après sa publication. Le contenu de ce document historique du Pape Jean XXIII qui fait autorité constitue "un engagement permanent" pour les croyants et pour les hommes de bonne volonté à notre époque assombrie par des tensions, mais également riche de multiples attentes positives.

3. Lorsque Pacem in terris fut écrite des nuages sombres s'amoncelaient à l'horizon du monde, et le cauchemar d'une guerre atomique pesait sur l'humanité.

Mon vénéré Prédécesseur, que j'ai eu la joie d'élever aux honneurs des autels, ne se laissa pas gagner par la tentation du découragement. Au contraire, plaçant une solide confiance en Dieu et dans les potentialités du coeur humain, il indiqua avec force "la vérité, la justice, l'amour et la liberté" comme les "quatre piliers" sur lesquels construire une paix durable (cf. Message cit., n. 3).

Son enseignement demeure actuel. Aujourd'hui comme alors, malgré des atteintes graves et répétées à la coexistence sereine et solidaire des peuples, la paix est possible et constitue un devoir. La paix est même le bien le plus précieux qu'il faut invoquer de Dieu et construire par tous les moyens possibles, à travers des gestes concrets de paix, de la part de chaque homme et de chaque femme de bonne volonté (cf. Message cit., n. 9).

1078 4. La page évangélique que nous venons d'écouter nous a ramenés en esprit à Bethléem, où les pasteurs se rendirent pour adorer l'Enfant lors de la nuit de Noël (cf. Lc 2,16). Comment ne pas tourner le regard avec appréhen-sion et douleur vers ce lieu saint où naquit Jésus?

Bethléem! La Terre Sainte! La ten-sion dramatique et persistante, dans laquelle se trouve cette région du Moyen-Orient, rend plus urgente la recherche d'une solution positive du conflit fratricide et insensé qui l'ensanglante depuis trop longtemps. Cela exige la coopération de tous ceux qui croient en Dieu, conscients que l'authentique religiosité, loin d'opposer les individus et les peuples, les pousse plutôt à édifier ensemble un monde de paix.

J'ai voulu le rappeler avec force dans le Message pour la Journée mondiale de la Paix d'aujourd'hui: "La religion possède un rôle vital pour susciter des gestes de paix et consolider des conditions de paix". Et j'ai ajouté qu'"elle peut exercer ce rôle d'autant plus efficacement qu'elle se concentre plus résolument sur ce qui lui est propre: l'ouverture à Dieu, l'enseignement d'une fraternité universelle et la promotion d'une culture de la solidarité" (Message cit., n. 9).

Face aux conflits actuels et aux ten-sions menaçantes du moment, j'invite encore une fois à prier afin que l'on recherche des "moyens pacifiques" de détente s'inspirant d'une "volonté d'entente loyale et constructive", en harmonie avec les principes du droit international (cf. Message cit., n. 8).

5. "Dieu envoya son Fils, né d'une femme, né sujet de la Loi... afin de nous conférer l'adoption filiale" (Ga 4,4-5). Dans la plénitude du temps, nous rappelle saint Paul, Dieu envoya dans le monde un Sauveur, né d'une femme. La nouvelle année s'ouvre donc sous le signe d'une femme, sous le signe d'une mère: Marie.

Dans un prolongement idéal avec le grand Jubilé, dont l'écho ne s'est pas encore éteint, j'ai voulu proclamer, en octobre dernier, l'Année du Rosaire. Après avoir reproposé avec force le Christ comme unique Rédempteur du monde, j'ai désiré que cette année soit marquée par la présence particulière de Marie. Dans la Lettre apostolique Rosarium Virginis Mariae j'ai écrit que "le Rosaire est une prière orientée par nature vers la paix, du fait même qu'elle est contemplation du Christ, Prince de la paix et "notre paix" (Ep 2,14). Celui qui assimile le mystère du Christ - et le Rosaire vise précisément à cela - apprend le secret de la paix et en fait un projet de vie" (n. 40).

Que Marie nous aide à découvrir le visage de Jésus, Prince de la Paix. Qu'Elle nous soutienne et nous accompagne en cette nouvelle année; qu'Elle obtienne pour nous et pour le monde entier le don tant désiré de la paix. Loué soit Jésus-Christ!





6 janvier 2003, Solennité de l’Epiphanie du Seigneur, Ordination des évêques

Lundi 6 janvier 2003

1. "Debout! Resplendis! car voici ta lumière" (Is 60,1).

Le prophète Isaïe s'adresse ainsi à la ville de Jérusalem. Il l'invite à se laisser illuminer par son Seigneur, lumière infinie qui fait resplendir sa gloire sur Israël. Le Peuple de Dieu est appelé à devenir lui-même lumière, pour orienter le chemin des nations, sur lesquel-les pèsent les "ténèbres" et l'"obscurité" (Is 60,2).

1079 Cet oracle retentit dans la plénitude de sa signification en la solennité d'aujourd'hui de l'Epiphanie du Seigneur. Le Rois Mages, qui arrivent de l'Orient à Jérusalem, sont guidés par un astre céleste (cf. Mt Mt 2,1-2) et représentent les prémisses des peuples attirés par la lumière du Christ. Ils reconnaissent en Jésus le Messie, et ils montrent de façon anticipée qu'est en train de se réaliser le "mystère" dont parle saint Paul dans la deuxième Lecture: "Les païens [...] sont bénéficiaires de la même Promesse, dans le Christ Jésus, par le moyen de l'Evangile" (Ep 3,6).

2. Très chers frères élus à l'épiscopat, vous devenez aujourd'hui à plein titre les ministres de ce mystère, en recevant le Sacrement qui fait de vous des successeurs des Apôtres.

Vos noms et vos visages parlent de l'Eglise universelle: la Catholica, dans le langage des anciens Pères. Vous provenez, en effet, de divers pays et continents; et vous êtes à présents destinés à de nouveaux pays.

La foi dans le Christ, lumière du monde, a guidé vos pas depuis votre jeunesse jusqu'au don de vous-mêmes dans la consécration sacerdotale. Au Seigneur vous n'avez pas donné de l'or, de l'encens et de la myrrhe, mais votre vie elle-même. A présent, le Christ vous demande de renouveler cette oblation, pour assumer dans l'Eglise le ministère épiscopal. Comme il le fit un jour avec les Douze, il invite chacun de vous à partager pleinement sa vie et sa mission (cf. Mc Mc 3,13-15).

Recevez la plénitude du don; dans le même temps vous est demandée la plénitude de l'engagement.

3. Je vous salue avec affection et je vous embrasse spirituellement un par un. Je vous salue, chers Mgr Paul Tschang In-nam, Mgr Celestino Migliore, Mgr Pierre Nguyên Van Tôt, Mgr Pedro López Quintana, qui serez mes représentants dans des pays de l'Asie et de l'Afrique et auprès de l'Organisation des Nations unies. Je vous remercie du précieux service rendu jusqu'à présent au Saint-Siège, et je souhaite que votre ministère pastoral contribue à faire resplendir parmi les peuples la lumière du Christ. Dans le respect des institutions et des cultures, invitez les nations, auxquelles vous êtes envoyés, à s'ouvrir à l'Evangile. Seul le Christ peut garantir un profond renouveau des consciences et des peuples.

Je vous salue, chers Mgr Angelo Amato et Mgr Brian Farrell, à qui j'ai respectivement confié, dans la Curie romaine, les charges de Secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et de Secrétaire du Conseil pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens. Que votre service suive toujours de façon assurée la voie de la fidélité à la Tradition catholique et l'engagement dans le dialogue oecuménique.

Je vous salue ensuite, chers Mgr Calogero La Piana, Evêque de Mazara del Vallo (Italie); Mgr René-Marie Ehuzu, Evêque d'Abomey (Bénin); Mgr Ján Babjak, Evêque de l'éparchie de Presov (Slovaquie); Mgr Andraos Abouna, Auxiliaire du Patriarcat de Babylone des Chaldéens (Irak); Mgr Milan Sasik, Administrateur apostolique "ad nutum Sanctae Sedis" de l'éparchie de Mukacheve (Ukraine); Mgr Giuseppe Nazzaro, Vicaire apostolique d'Alep des Latins (Syrie).

Que les bien-aimées communautés ecclésiales qui vous accueilleront, et que je salue avec affection, puissent trouver en vous des pasteurs diligents et généreux. Sur l'exemple et à l'aide du Bon Pasteur, guidez toujours les croyants dans les paturages de la vie éternelle.

4. "A ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples: si vous avez de l'amour les uns pour les autres" (Jn 13,35).

Chers et vénérés pasteurs, le divin Maître vous demande de vivre et de témoigner de son amour. En effet, c'est l'annonce de l'amour salvifique de Dieu qui est la synthèse de la mission qu'aujourd'hui, solennité de l'Epiphanie du Seigneur, l'Eglise vous confie.

1080 Faites resplendir la beauté de l'Evangile, synthèse de la charité divine, aux yeux du troupeau qui vous est confié. Offrez à tout le peuple chrétien un clair témoignage de sainteté. Soyez toujours l'épiphanie du Christ et de son amour miséricordieux, et que rien ne vous empêche de mener à bien cette mission.

Que la Très Sainte Vierge Marie, maîtresse d'une parfaite configuration à son Fils divin, vous soutienne et vous protège dans les diverses tâches que vous êtes appelés à remplir.

Comme vous y exhorte l'Apôtre, ayez pour souci de refléter "comme en un miroir la gloire du Seigneur" et vous serez transformés "en cette même image, allant de gloire en gloire" (cf.
2Co 3,18).

Que cela s'accomplisse en chacun de vous, pour la gloire de Dieu et le bien des âmes. Amen!



12 janvier 2003, Messe en la chapelle sixtine et baptêmes

Fête du Baptême du Seigneur
Dimanche 12 janvier 2003
1. "Cherchez Yahvé pendant qu'il se laisse trouver, invoquez-le pendant qu'il est proche" (Is 55,6).


Ces paroles, tirées de la deuxième partie du Livre d'Isaïe, retentissent en ce dimanche qui conclut le temps de Noël. Elles constituent une invitation à approfondir la signification que possède pour nous la fête d'aujourd'hui du Baptême du Seigneur.

Revenons en esprit sur les rives du Jourdain, où Jean-Baptiste administre un baptême de pénitence, en exhortant à la conversion. Jésus se présente lui aussi au Précurseur, transformant par sa présence ce geste de pénitence en une manifestation solennelle de sa divinité. A l'improviste, une voix retentit du ciel: "Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur" (Mc 1,11), et l'Esprit descend sur Jésus sous la forme d'une colombe.

En cet événement extraordinaire, Jean voit se réaliser ce qui avait été prédit à propos du Messie, né à Bethléem, adoré par les pasteurs et par les Rois Mages. C'est précisément Lui qui a été annoncé par les prophètes, le Fils bien-aimé du Père, que nous devons chercher alors qu'il se laisse trouver, et que nous devons invoquer alors qu'il est proche de nous.

1081 A travers le Baptême, chaque chrétien le rencontre de manière personnelle: il est inséré dans le mystère de sa mort et de sa résurrection, et il reçoit une vie nouvelle, qui est la vie même de Dieu. Quel grand don et quelle grande responsabilité!

2. La liturgie nous invite aujourd'hui à puiser "dans l'allégresse aux sources du salut" (
Is 12,3); elle nous exhorte à revivre notre Baptême, en rendant grâce pour les nombreux dons reçus.

C'est avec ces sentiments que je m'apprête, comme c'est désormais la tradition, à administrer le sacrement du Baptême à plusieurs nouveau-nés, dans cette merveilleuse Chapelle Sixtine, où le pinceau de grands artistes a représenté les moments essentiels de notre foi. Ces enfants provenant en grande partie d'Italie, mais aussi de Pologne et du Liban, sont au nombre de vingt-deux.

Je vous salue tous, chers frères et soeurs, qui avez voulu prendre part à cette célébration suggestive. Je vous salue en particulier avec une grande affection, chers parents, parrains et marraines, appelés à être pour ces petits enfants les premiers témoins du don fondamental de la foi. Le Seigneur vous confie, en tant que gardiens responsables, leur vie qui est si précieuse à ses yeux. Engagez-vous avec amour afin qu'ils grandissent "en sagesse, en taille et en grâce"; aidez-les à être fidèles à leur vocation.

Dans un instant, vous renouvellerez, également en leur nom, la promesse de lutter contre le mal et d'adhérer pleinement au Christ. Que votre existence soit toujours marquée par cet engagement généreux!

3. Soyez également conscients que le Seigneur vous demande une nouvelle et plus profonde collaboration: c'est-à-dire qu'il vous confie la tâche quotidienne de les accompagner sur le chemin de la sainteté. Efforcez-vous d'être vous-mêmes des saints afin de guider vos enfants vers ce but élevé de la vie chrétienne. N'oubliez pas que, pour être saints, "il faut un christianisme qui se distingue avant tout dans l'art de la prière" (Lett. apost. Novo millennio ineunte NM 32).

Que Marie, la Sainte Mère du Rédempteur, qui a accueilli avec une totale disponibilité le projet de Dieu, vous soutienne, en alimentant votre espérance et votre désir de servir fidèlement le Christ et son Eglise. Que la Madone aide en particulier ces enfants, afin qu'ils réalisent jusqu'au bout le projet que Dieu forme pour chacun d'eux. Qu'Elle aide les familles chrétiennes du monde entier à être d'authentiques "écoles de prière", dans lesquelles prier de façon unie constitue toujours plus le coeur et la source de toute activité!



25 janvier 2003, Conclusion de la Semaine de prière pour l’Unité des Chrétiens

Basilique Saint-Paul-hors-les-murs
Samedi 25 janvier 2003



1. «Ce trésor, nous le portons dans des vases d’argile» (2Co 4,7).

1082 Ces paroles, tirées de la deuxième lettre aux Corinthiens, ont été le fil conducteur de la «Semaine de prière pour l’Unité des Chrétiens» qui s’achève aujourd’hui. Dans cette liturgie des vêpres de la fête de la Conversion de saint Paul, elles éclairent notre méditation. L’Apôtre nous rappelle que c’est dans des vases d’argile que nous portons le «trésor» qui nous a été confié par le Christ. À tous les chrétiens, il est donc demandé de poursuivre leur pèlerinage terrestre sans se laisser accabler par les difficultés et par les afflictions (cf. Lumen gentium LG 8), avec la certitude que, grâce à l’aide et à la puissance qui vient d’en haut, tout obstacle pourra être dépassé.

Dans une telle certitude, je suis heureux de prier avec vous ce soir, chers frères et soeurs des Églises et Communautés ecclésiales présentes à Rome, unis par l’unique Baptême dans le Seigneur Jésus Christ. Je vous salue tous très cordialement.

Mon plus vif désir est que l’Église de Rome, à laquelle la Providence a confié une «présidence dans la charité» toute spéciale (S. Ignace d’Antioche, Lettre aux Romains, prol.), devienne toujours davantage un modèle de relations oecuméniques fraternelles.

2. Comme chrétiens, nous sommes conscients d’être appelés à donner au monde le témoignage du «glorieux Évangile» que le Christ nous a remis (cf. 2Co 4,4). En son nom, unissons nos efforts pour servir la paix et la réconciliation, la justice et la solidarité, spécialement aux côtés des pauvres et des plus petits de la terre.

Dans cette perspective, il m’est cher de rappeler la Journée de prière pour la paix dans le monde, qui a eu lieu à Assise, il y a un an, le 24 janvier. Cet événement à caractère interreligieux lança au monde un message fort: toute personne authentiquement religieuse est poussée à demander à Dieu le don de la paix, en renouvelant sa volonté de la promouvoir et de la construire avec les autres croyants. Le thème de la paix demeure plus que jamais urgent; il interpelle de manière particulière les disciples du Christ, Prince de la Paix, et il constitue un défi et un effort pour le mouvement oecuménique.

3. Répondant à l’unique Esprit qui guide l’Église, nous voulons, ce soir, rendre grâce à Dieu pour les fruits nombreux et abondants qu’il a fait fleurir sur le chemin de l’oecuménisme, Lui qui est le dispensateur de tout don. Comment ne pas rappeler, en plus de la rencontre oecuménique d’Assise qui a vu la participation de représentants de haut rang de presque toutes les Églises et Communautés ecclésiales d’Orient et d’Occident, la visite à Rome, au mois de mars, d’une Délégation du Saint-Synode de l’Église orthodoxe de Grèce ? En juin, il y eut aussi la signature avec le Patriarche oecuménique Bartholamaios Ier de la Déclaration commune sur la sauvegarde de la création; en mai, j’ai eu la joie de rendre visite au Patriarche Maxime de Bulgarie; en octobre, j’ai reçu la visite du Patriarche Théoctiste de Roumanie, avec lequel j’ai aussi signé une Déclaration commune. Je ne puis non plus oublier la visite de l’Archevêque de Cantorbéry, le Dr Carey, au terme de son mandat, et les rencontres avec les Délégations oecuméniques des Communautés ecclésiales d’Occident, ainsi que les progrès enregistrés par les diverses Commissions mixtes de dialogue.

En même temps, nous ne pouvons pas ne pas reconnaître avec réalisme les difficultés, les problèmes, et parfois les déceptions que nous rencontrons encore. Ainsi, il arrive que nous ressentions parfois une certaine lassitude, un manque de ferveur, alors que reste vive la souffrance de ne pouvoir encore partager le Repas eucharistique. Cependant, l’Esprit Saint ne cesse de nous surprendre et il continue à accomplir des prodiges extraordinaires.

4. Dans la situation oecuménique actuelle, il est important de considérer que seul l’Esprit de Dieu est en mesure de nous donner la pleine unité visible; seul l’Esprit de Dieu peut répandre une ferveur nouvelle et un courage renouvelé. Voilà pourquoi il faut souligner l’importance de l’oecuménisme spirituel, qui constitue l’âme de tout le mouvement oecuménique (cf. Unitatis redintegratio UR 6-8).

Cela ne signifie aucunement qu’il faille réduire le dialogue théologique, encore moins le négliger; il a donné des fruits abondants au cours des dernières décennies. On ne peut absolument pas y renoncer. En effet, l’unité entre les disciples du Christ ne peut qu’être une unité dans la vérité (cf. encycl. Ut unum sint UUS 18-19). C’est vers ce but que le Seigneur nous guide, y compris par le moyen des dialogues théologiques qui constituent une occasion indubitable d’enrichissement réciproque.

Toutefois, c’est seulement dans l’Esprit Saint qu’il est possible de recevoir la vérité de l’Évangile, qui, dans sa profondeur, nous oblige tous. L’oecuménisme spirituel ouvre nos yeux et nos coeurs à la compréhension de la vérité révélée, nous rendant capables de la reconnaître et aussi de l’accueillir, grâce aux argumentations des autres chrétiens.

5. L’oecuménisme spirituel se réalise en premier lieu par la prière élevée à Dieu, en commun quand cela est possible. Comme Marie et les disciples après l’Ascension du Seigneur, il est important pour nous de continuer à nous réunir et à invoquer assidûment l’Esprit Saint (cf. Ac Ac 1,12-14). À la prière s’ajoute l’écoute de la Parole de Dieu dans la Sainte Écriture, fondement et nourriture de notre foi (cf. Dei Verbum DV 21-25). Par ailleurs, il n’y a pas de rapprochement oecuménique sans conversion du coeur, sans sanctification personnelle et renouvellement de la vie ecclésiale.

1083 En outre, les communautés de vie consacrée et les mouvements spirituels nés récemment jouent un rôle plus singulier que jamais pour faciliter la rencontre avec les antiques et vénérables Églises de l’Orient, marquées par l’esprit monastique. Des signes encourageants et prometteurs de reprise de la vie spirituelle sont présents aussi dans le cadre des Communautés ecclésiales de l’Occident, et je me réjouis des échanges fructueux qui se produisent entre ces diverses réalités chrétiennes.

Il ne faut pas non plus oublier les cas où des ecclésiastiques d’autres Églises fréquentent les Universités catholiques : hôtes de nos séminaires, ils prennent part à la vie des étudiants, conformément à la discipline ecclésiale en vigueur. L’expérience montre que cela conduit à un enrichissement mutuel.

6. Le souhait que nous exprimons ensemble aujourd’hui est que la spiritualité de la communion croisse sans cesse ! Puisse s’affermir en chacun de nous – comme je l’ai écrit dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte – la capacité de considérer le frère dans la foi, dans l’unité du Corps mystique, «comme "l’un des nôtres", pour savoir partager ses joies et ses souffrances».

Qu’il nous soit donné de voir «ce qu'il y a de positif dans l'autre, pour l'accueillir et le valoriser comme un don de Dieu : un "don pour moi", et pas seulement pour le frère qui l'a directement reçu». Que personne ne se fasse d’illusion ! Sans une authentique spiritualité de la communion, les éléments extérieurs de la communion «deviendraient des façades sans âme, des masques de communion plus que ses expressions et ses chemins de croissance» (n. 43).

Avançons donc avec courage et patience sur ce chemin, en faisant confiance à la puissance de l’Esprit! Il ne nous appartient pas de fixer les temps ni les échéances; la promesse du Seigneur nous suffit.

Forts de la parole du Christ, nous ne céderons pas à la lassitude, mais au contraire nous intensifierons nos efforts et notre prière pour l’unité. Que résonne ce soir dans nos coeurs son invitation qui nous encourage : «Duc in altum !» Allons de l’avant, en nous fiant toujours à Lui ! Amen!



1 février 2003, Messe en la Fête de la Présentation du Seigneur - VIIème Journée de la Vie Consacrée

Samedi 1er février 2003



1. "Et lorsque furent accomplis les jours pour leur purification... ils l'emmenèrent (l'enfant) à Jérusalem pour le présenter au Seigneur" (
Lc 2,22). L'Enfant Jésus entra dans le temple de Jérusalem dans les bras de la Vierge Marie.

"Né d'une femme, né sujet de la Loi" (Ga 4,4), Il suit le destin de tout garçon premier-né de son peuple: selon la Loi du Seigneur il doit être "racheté" par un sacrifice, quarante jours après sa naissance (cf. Ex 13,2 Ex 13,12 Lv 12,1-8).

Ce nouveau-né, extérieurement semblable en tout aux autres, ne passe pas inaperçu: l'Esprit Saint ouvre les yeux de la foi au vieillard Syméon, qui s'approche et, ayant pris l'Enfant entre ses bras, reconnaît en Lui le Messie et rend louange à Dieu (cf. Lc 2,25-32). Cet enfant - prophétise-t-il - sera la lumière des nations et la gloire d'Israël (cf. v. 32), mais également "un signe en butte à la contradiction" (v. 34) car, selon les Ecritures, il réalisera le jugement de Dieu. Et le pieux vieillard prédira à sa mère stupéfaite que cela se produira à travers une souffrance, à laquelle elle participera elle aussi (cf. v. 35).

1084 2. Quarante jours après Noël, l'Eglise célèbre ce mystère joyeux très suggestif, qui, d'une certaine façon, anticipe la douleur du Vendredi Saint et la joie de la Pâque. La tradition orientale appelle la fête d'aujourd'hui la "fête de la rencontre", car, dans l'espace sacré du temple de Jérusalem, se réalise la rencontre entre la bienveillance de Dieu et l'attente du peupe élu.

Tout cela acquiert une signification et une valeur eschatologique dans le Christ: il est l'Epoux qui vient accomplir l'alliance nuptiale avec Israël. De nombreuses personnes sont appelées, mais combien d'entre elles sont réellement prêtes à l'accueillir, avec le coeur et l'esprit vigilant (cf. Mt
Mt 22,14)? Dans la liturgie d'aujourd'hui, nous contemplons Marie, modèle de ceux qui attendent et ouvrent docilement leur coeur à la rencontre avec le Seigneur.

3. Dans cette perspective, la fête de la Présentation de Jésus au Temple se révèle particulièrement adaptée à accueillir la louange reconnaissante des personnes consacrées, et c'est à juste titre que l'on célèbre depuis quelques années, précisément à cette date, la "Journée de la vie consacrée". L'icône de Marie, qui dans le temple, offre son Fils à Dieu, parle avec éloquence au coeur des hommes et des femmes qui ont fait un don total d'eux-mêmes au Seigneur, à travers les voeux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance pour le Royaume des cieux.

Le thème de l'offrande spirituelle se fond avec celui de la lumière, introduit par les paroles de Syméon. La Vierge apparaît ainsi comme le candélabre qui apporte le Christ, "lumière du monde". Avec Marie, des milliers de religieux, religieuses et laïcs consacrés se rassemblent aujourd'hui dans le monde entier et renouvellent leur consécration, en tenant des cierges allumés entre leurs mains, expression de leur existence ardente de foi et d'amour.

4. Ici ausssi, dans la Basilique Saint-Pierre, s'élève ce soir une solennelle action de grâce à Dieu pour le don de la vie consacrée dans le diocèse de Rome et dans l'Eglise universelle. Je salue avec une grande cordialité le Cardinal Eduardo Martínez Somalo, Préfet de la Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique, et ses collaborateurs. Chers frères et soeurs, religieux, religieuses et laïcs consacrés, je vous salue également tous avec affection! A travers votre présence nombreuse, pieuse et joyeuse, vous donnez à l'assemblée liturgique le visage de l'Eglise-Epouse, qui cherche tout entière, comme Marie, à se conformer pleinement à la Parole divine.

Du haut de leurs niches, le long des murs de cette basilique, les Fondateurs et les Fondatrices d'un grand nombre de vos Instituts veillent sur vous. Ils rappellent le mystère de la communion des saints, en vertu duquel, dans l'Eglise en pèlerinage, se renouvelle de génération en génération le choix de suivre le Christ à travers une consécration spéciale, selon les multiples charismes suscités par l'Esprit. Dans le même temps, ces figures vénérées invitent à tourner le regard vers la patrie céleste, où, dans l'assemblée des saints, de nombreuses âmes consacrées louent en totale béatitude le Dieu Un et Trine, qu'elles ont aimé sur la terre et servi d'un coeur libre et indivis.

5. Pauvreté, chasteté et obéissance sont les signes distinctifs de l'homme racheté, intérieurement affranchi de l'esclavage de l'égoïsme. Libres pour aimer, libres pour servir: ainsi sont les hommes et les femmes qui renoncent à eux-mêmes pour le Royaume des cieux. Sur les traces du Christ, crucifié et ressuscité, ils vivent cette liberté comme une solidarité, se chargeant des poids spirituels et matériels de leurs frères.

C'est le "servitium caritatis" multiforme, qui s'exerce dans la clôture et dans les hôpitaux, dans les paroisses et dans les écoles, parmi les pauvres et les migrants, dans les nouveaux aréopages de la mission. De mille façons la vie con-sacrée constitue une épiphanie de l'amour de Dieu dans le monde (cf. Exhort. apos. Vita consecrata, cap. III).

L'âme reconnaissante, nous rendons aujourd'hui grâce à Dieu pour chacun d'eux. Par l'intercession de la Vierge Marie, que le Seigneur enrichisse toujours plus son Eglise de ce grand don. Pour la louange et la gloire de son nom et pour la diffusion de son Royaume. Amen!





5 mars 2003, Mercredi des Cendres

1. "Sonnez du cor à Sion! Prescrivez un jeûne, publiez une solennité, réunissez le peuple, convoquez la communauté" (Jl 2,15-16).

1085 Ces paroles du prophète Joël mettent en lumière la dimension communautaire de la pénitence. Certes, le repentir ne peut provenir que du coeur, siège, selon l'anthropologie biblique, des intentions profondes de l'homme. Toutefois, les actes de pénitence exigent d'être vécus également avec les membres de la communauté.

En particulier dans les moments difficiles, suite à des difficultés ou face à un danger, la Parole de Dieu, à travers la bouche des prophètes, appelait les croyants à une mobilisation pénitentielle: tous sont convoqués, sans aucune exception, des personnes âgées aux enfants; tous unis pour implorer de Dieu la compassion et le pardon (cf. Jl
Jl 2,16-18).

2. La communauté chrétienne écoute cette puissante invitation à la conversion, au moment où elle s'apprête à entreprendre l'itinéraire quadragésimal, qui est inauguré par l'antique rite de l'imposition des cendres. Ce geste, que certains pourraient considérer comme appartenant à d'autres temps, contraste certainement avec la mentalité de l'homme moderne, mais cela nous pousse à en approfondir le sens en découvrant sa force et son impact particuliers.

En déposant les cendres sur le front des fidèles, le célébrant répète: "Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière". Retourner à la poussière est le destin qui apparemment lie les hommes et les animaux. Toutefois, l'être humain n'est pas seulement chair, mais également esprit; si la chair a pour destin la poussière, l'esprit est voué à l'immortalité. En outre, le croyant sait que le Christ est ressuscité, remportant également dans son corps une victoire sur la mort. Lui aussi marche dans l'espérance vers cette perspective.

3. Recevoir les cendres sur le front signifie donc se reconnaître comme créatures, faites de glaise et destinées à la glaise (cf. Gn 3,19); cela signifie dans le même temps se proclamer pécheurs, ayant besoin du pardon de Dieu pour pouvoir vivre selon l'Evangile (cf. Mc Mc 1,15); cela signifie, enfin, raviver l'espérance de la rencontre définitive avec le Christ dans la gloire et dans la paix du Ciel.

Cette perspective de joie engage les croyants à faire tout leur possible pour anticiper dans le temps présent une partie de la paix future. Cela suppose la purification du coeur et l'affermissement de la communion avec Dieu et les frères. C'est à cela que visent la prière et le jeûne auxquels, face aux menaces de guerre qui pèsent sur le monde, j'ai invité les fidèles. A travers la prière, nous nous plaçons entièrement entre les mains de Dieu, et ce n'est que de Lui que nous attendons la paix authentique. A travers le jeûne, nous préparons notre coeur à recevoir la paix du Seigneur, don par excellence et signe privilégié de la venue de son Royaume.

4. La prière et le jeûne doivent donc être accompagnés par des oeuvres de justice; la conversion doit se traduire en accueil et en solidarité. A ce sujet, l'ancien prophète admoneste : "N'est-ce pas plutôt ceci le jeûne que je préfère: défaire les chaînes injustes, délier les liens du joug; renvoyer libres les opprimés, et briser tous les jougs?" (Is 58,6).

Il n'y aura pas de paix sur terre tant que perdureront les oppressions des peuples, les injustices sociales et les déséquilibres économiques encore existants. Mais pour les grands changements structurels souhaités, les initiatives et les interventions extérieures ne suffisent pas; il faut avant tout une conversion commune des coeurs à l'amour.

5. "Revenez à moi de tout votre coeur" (Jl 2,12). Nous pourrions dire que le message de la célébration d'aujourd'hui se résume dans cette exhortation implorante de Dieu à la conversion du coeur.

Cette invitation est répétée par l'Apôtre Paul dans la seconde lecture: "Nous vous en supplions au nom du Christ: laissez-vous réconcilier avec Dieu [...] Le voici maintenant le moment favorable; le voici maintenant le jour du salut" (2Co 5,20 2Co 6,2).

Chers frères et soeurs, voici le moment favorable pour revoir notre attitude à l'égard de Dieu et de nos frères.

1086 Voici le jour du salut, au cours duquel nous examinons profondément les critères qui nous orientent dans notre conduite quotidienne.

Seigneur, aide-nous à retourner de tout coeur à Toi, Chemin qui conduis au salut, Vérité qui rends libres, Vie qui ne connais pas la mort.





23 mars 2003, Béatification de 5 Serviteurs de Dieu

III Dimanche du Carême - 23 mars 2003
Dans la matinée du dimanche 23 mars 2003, le Pape Jean-Paul II a présidé, sur la Place Saint-Pierre, une célébration eucharistique au cours de laquelle il a élevé à la gloire des autels cinq nouveaux bienheureux. Il s'agit de: Pierre Bonhomme, prêtre, fondateur de la Congrégation des Soeurs de Notre-Dame du Calvaire; María Dolores Rodríguez Sopeña, vierge, fondatrice de l'Institut catéchétique "Dolores Sopeña"; María Caridad Brader, vierge, fondatrice de la Congrégation des Soeurs franciscaines de Marie Immaculée; Juana María Condesa Lluch, fondatrice de la Congrégation des Servantes de Marie Immaculée; László Batthyány-Stratt-mann, laïc, père de famille.




1. "Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ait la vie éternelle" (Chant à l'Evangile cf.
Jn 3,16). Ces paroles de la Liturgie d'aujourd'hui, troisième dimanche de Carême, nous invitent à contempler, avec les yeux de la foi, le grand Mystère que nous célébrerons à Pâques. Il s'agit du don total et définitif de l'amour de Dieu réalisé à travers la mort et la résurrection de Jésus.

Le Mystère de la rédemption, auquel tous les fidèles sont appelés à participer, a été vécu de façon singulière par les nouveaux bienheureux, que j'ai la joie d'élever aujourd'hui à la gloire des autels: Pierre Bonhomme, prêtre, fondateur de la Congrégation des Soeurs de Notre-Dame du Calvaire; María Dolores Rodríguez Sopeña, vierge, fondatrice de l'Institut catéchétique "Dolores Sopeña"; María Caridad Brader, vierge, fondatrice de la Congrégation des Soeurs franciscaines de Marie Immaculée; Juana María Condesa Lluch, fondatrice de la Congrégation des Servantes de Marie Immaculée; László Batthyány-Strattmann, laïc, père de famille.

Le bienheureux Pierre Bonhomme

2. "Le commandement du Seigneur est limpide, il clarifie le regard" (Ps 18,10). Cela s'applique naturellement au Père Pierre Bonhomme, qui trouva dans l'écoute de la Parole de Dieu, notamment des Béatitudes et des récits de la Passion du Seigneur, l'orientation pour vivre en intimité avec le Christ et pour l'imiter, guidé par Marie. La méditation de l'Ecriture fut la source incomparable de son activité pastorale, en particulier de son attention aux pauvres, aux malades, aux sourds-muets et aux personnes handicapées, pour lesquels il fonda l'Institut des "Soeurs de Notre-Dame du Calvaire". A l'exemple du nouveau bienheureux, nous pouvons redire: "Mon modèle ce sera Jésus-Christ, on se plaît à ressembler à celui qu'on aime". Puisse le Père Bonhomme nous encourager à devenir des familiers de l'Ecriture, pour aimer le Sauveur et pour être ses inlassables témoins par leur parole et par leur vie!

La bienheureuse María Dolores Rodriguez Sopeña

3. "Je suis Yahvé, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Egypte, de la maison de servitude" (Ex 20,1). La grande révélation du Sinaï nous montre Dieu qui rachète et libère de tout esclavage, portant ensuite ce dessein à sa plénitude dans le mystère rédempteur de son Fils unique, Jésus-Christ. Comment ne pas faire parvenir ce message sublime en particulier à ceux qui ne l'entendent pas dans leur coeur parce qu'ils ignorent l'Evangile?

1087 Dolores Rodríguez Sopeña ressentit cette nécessité et désira répondre au défi d'apporter la rédemption du Christ dans le monde du travail. C'est pourquoi elle se proposa comme objectif "de faire de tous les hommes une seule famille en Jésus-Christ" (Constitutions de 1907).

Cet esprit se concrétisa dans les trois oeuvres fondées par la nouvelle bienheureuse: le Mouvement de Laïcs "Sopeña", l'Institut des Dames catéchistes, appelées aujourd'hui "Catéchistes Sopeña", et l'Oeuvre sociale et culturelle "Sopeña". A travers elles, en Espagne et en Amérique latine, se poursuit une spiritualité qui promeut l'édification d'un monde plus juste, en annonçant le message de salut de Jésus-Christ.

La bienheureuse Juana María Condesa Lluch

4. "Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage; mais le septième jour est un sabbat pour Yahvé ton Dieu" (
Ex 20,9 Ex 20,10). La lecture de l'Exode que nous venons d'entendre nous rappelle le devoir de travailler, afin de collaborer par nos efforts à l'oeuvre du Créateur et édifier ainsi un monde meilleur et plus humain. Toutefois, au XIX siècle, l'insertion de la femme dans le monde du travail rémunéré en dehors du foyer domestique mit en difficultés sa vie de foi et sa dignité humaine. C'est ce dont se rendit compte la bienheureuse Juana Condesa Lluch, guidée par son extrême sensibilité religieuse. Dans sa jeunesse, elle fut profondément chrétienne: elle assistait chaque jour à la messe dans l'église du patriarche, renforçant sa foi par une prière assidue. Elle se prépara ainsi à se consacrer entièrement à l'amour de Dieu, en fondant la Congrégation des Servantes de Marie Immaculée qui, fidèle à son charisme, poursuit son engagement pour la promotion de la femme qui travaille.

La bienheureuse María Caridad Brader

5. "Nous proclamons, nous, un Christ crucifié... puissance de Dieu et sagesse de Dieu" (1Co 1,23 1Co 1,24). Dans la deuxième lecture d'aujourd'hui, saint Paul rapporte comment il annonçait Jésus-Christ, y compris à ceux qui attendaient plutôt des prodiges ou de la sagesse humaine. Le chrétien doit toujours annoncer son Seigneur, sans se décourager face aux difficultés, aussi grandes soient elles.

Au cours de l'histoire, de nombreux hommes et femmes ont annoncé le Royaume de Dieu. Parmi ceux-ci, il faut mentionner Mère Caridad Brader, Fondatrice des Soeurs franciscaines de Marie Immaculée.

Un jour, la nouvelle bienheureuse quitta son intense vie religieuse dans le couvent de Maria Hilf, dans sa patrie suisse, afin de se consacrer entièrement, tout d'abord en Equateur puis en Colombie, à la mission ad gentes. Avec une confiance illimitée dans la Divine Providence, elle fonda des écoles et des instituts, en particulier dans les quartiers pauvres, et elle diffusa ainsi une profonde dévotion eucharistique.

Sur le point de mourir, elle dit à ses soeurs: "N'abandonnez pas les bonnes oeuvres de la Congrégation, les aumônes et une grande charité à l'égard des pauvres, une grande charité entre les soeurs, une profonde adhésion aux évêques et aux prêtres". Quelle belle leçon d'une vie missionnaire au service de Dieu et des hommes!

Le bienheureux Lászlo Batthyány-Strattmann

6. "Ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes" (1Co 1,25). Ces paroles du saint Apôtre Paul reflètent la dévotion et le style de vie du bienheureux Lászlo Batthyány-Stratt-mann, qui fut père de famille et médecin. Il utilisa le riche héritage de ses nobles ancêtres pour soigner gratuitement les pauvres et pour construire deux hôpitaux. Son intérêt le plus grand n'étaient pas les bien matériels, et le succès et la carrière ne furent pas non plus les objectifs de sa vie. Il enseigna et vécut tout cela au sein de sa famille, devenant ainsi le meilleur témoin de la foi pour ses enfants. Tirant sa force spirituelle de l'Eucharistie, il montra à ceux que la Divine Providence conduisait à lui la source de sa vie et de sa mission.

1088 Le bienheureux László Batthyány-Strattmann ne plaça jamais les richesses de la terre avant le vrai bien qui est dans les cieux. Que son exemple de vie familiale et de généreuse solidarité chrétienne soit un encouragement pour tous les fidèles à suivre fidèlement l'Evangile.

7. La sainteté des nouveaux bienheureux nous incite à tendre nous aussi à la perfection évangélique, en mettant en pratique toutes les paroles de Jésus. Il s'agit certainement d'un itinéraire ascétique exigeant, mais possible pour tous.

Que la Vierge Marie, Reine de tous les saints, nous soutienne par son intercession maternelle.

Que ces nouveaux bienheureux soient nos guides sûrs vers la sainteté. Amen!



13 avril 2003, Dimanche des Rameaux

«Voici ta Mère!» (
Jn 19,27)



1. "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur!" (Mc 11,9).

La liturgie du Dimanche des Rameaux est comme une porte d'entrée solennelle dans la Semaine Sainte. Elle associe deux moments opposés entre eux: l'accueil de Jésus à Jérusalem et le drame de la Passion: "l'"Hosanna" joyeux et le cri plusieurs fois répété: "Crucifie-le!"; l'entrée triomphale et la défaite apparente de la mort sur la Croix. Elle anticipe ainsi l'"heure" où le Messie devra beaucoup souffrir, sera tué et ressuscitera le troisième jour (cf. Mt Mt 16,21), et elle nous prépare à vivre en plénitude le mystère pascal.

2. "Crie de joie, fille de Jérusalem / Voici que ton roi vient à toi" (Zc 9, 9). En accueillant Jésus, la Cité dans laquelle vit la mémoire de David se réjouit; la Cité des prophètes, dont un grand nombre subirent le martyre pour la vérité; la Cité de la paix, qui au cours des siècles a connu la violence, la guerre, la déportation.

D'une certaine façon, Jérusalem peut être considérée comme la Ville-symbole de l'humanité, en particulier en ce dramatique début de troisième millénaire que nous vivons. C'est pourquoi les rites du Dimanche des Rameaux acquièrent une éloquence particulière. Les paroles du prophète Zacharie retentissent de façon réconfortante: "Exulte avec force, fille de Sion! / Crie de joie, fille de Jérusalem! / Voici que ton roi vient à toi: / Il est juste et victorieux, / humble, monté sur un âne / ... l'arc de guerre sera retranché. / Il annoncera la paix aux nations" (9, 9-10). Aujourd'hui nous sommes en liesse, car Jésus, le Roi de la Paix, entre à Jérusalem.

3. Alors, le long de la descente du mont des Oliviers, les enfants et les jeunes de Jérusalem accoururent à la rencontre du Christ, en l'acclamant et en agitant joyeusement des rameaux d'olivier et des palmes.

1089 Aujourd'hui, ce sont les jeunes du monde entier qui l'accueillent, célébrant dans chaque communauté diocésaine la dix-huitième Journée mondiale de la Jeunesse.

Je vous salue avec une grande affection, chers jeunes de Rome, et vous aussi, qui êtes venus en pèlerinage de divers pays. Je salue les nombreux responsables de la pastorale des jeunes, qui participent au Congrès sur les Journées mondiales de la Jeunesse, organisé par le Conseil pontifical pour les Laïcs. Et comment ne pas exprimer une solidarité fraternelle aux jeunes de votre âge éprouvés par la guerre et la violence en Irak, en Terre Sainte et dans diverses autres régions du monde?

Aujourd'hui, nous accueillons avec foi et exultation le Christ, qui est notre "roi": roi de vérité, de liberté, de justice et d'amour. Tels sont les quatre "piliers" sur lesquels il est possible de construire l'édifice de la paix véritable, comme l'écrivait il y a quarante ans dans l'Encyclique Pacem in terris le bienheureux Pape Jean XXIII. Je vous remets en esprit, jeunes du monde entier, ce Document historique, plus que jamais actuel: lisez-le, méditez-le, efforcez-vous de le mettre en pratique. Vous serez alors "bienheureux", car authentiques fils du Dieu de la paix (cf. Mt
Mt 5,9).

4. La paix est un don du Christ, qui nous a été obtenu à travers le sacrifice de la Croix. Pour l'obtenir de façon efficace, il est nécessaire de monter avec le divin Maître jusqu'au Calvaire. Et qui, mieux que Marie, peut nous guider dans cette ascension, elle qui précisément sous la Croix nous a été donnée pour Mère à travers l'apôtre fidèle saint Jean? Afin d'aider les jeunes à découvrir cette merveilleuse réalité spirituelle, j'ai choisi comme thème du Message pour la Journée mondiale de la Jeunesse de cette année, les paroles du Christ mourant: "Voici ta mère!" (Jn 19,27). En acceptant ce testament d'amour, Jean ouvrit sa maison à Marie (cf. Jn 19,27), c'est-à-dire qu'il l'accueillit dans sa vie, partageant avec Elle une proximité spirituelle entièrement nouvelle. Le lien intime avec la Mère du Seigneur conduira le "disciple bien-aimé" à devenir l'apôtre de cet Amour qu'il avait puisé au Coeur du Christ à travers le Coeur immaculé de Marie.

5. "Voici ta Mère!" Jésus adresse ces paroles à chacun de vous, chers amis. A vous aussi, il demande de prendre Marie comme Mère "dans votre maison", de l'accueillir "parmi vos biens", car "c'est Elle qui, en accomplissant son ministère maternel, vous éduque et vous modèle jusqu'à ce que le Christ soit formé pleinement en vous". Que Marie fasse en sorte que vous répondiez généreusement à l'appel du Seigneur, et que vous persévériez avec joie et fidélité dans la mission chrétienne!

Au cours des siècles, de nombreux jeunes ont entendu cette invitation et nombreux sont ceux qui continuent à le faire également à notre époque. Jeunes du troisième millénaire, n'ayez pas peur d'offrir votre vie comme réponse totale au Christ! Lui, Lui seul change la vie et l'histoire du monde.

6. "Vraiment cet homme était Fils de Dieu!" (Mc 15,39). Nous avons à nouveau écouté la claire profession de foi, exprimée par le centurion, "voyant qu'il avait ainsi expiré" (ibid.). C'est de ce qu'il a vu, que naît le surprenant témoignage du soldat romain, le premier à proclamer que cet homme crucifié "était Fils de Dieu".

Seigneur Jésus, nous aussi nous avons "vu" comment tu as souffert et comment tu es mort pour nous. Fidèle jusqu'au bout, tu nous a arrachés à la mort par ta mort. Avec ta Croix, tu nous a rachetés.

Toi, Marie, Mère qui souffres, tu es le témoin silencieux de ces instants décisifs pour l'histoire du salut.

Donne-nous tes yeux pour reconnaître sur le visage du Crucifié, défiguré par la douleur, l'image du Ressuscité glorieux.

Aide-nous à l'embrasser et à avoir confiance en Lui, afin de devenir dignes de ses promesses.

1090 Aide-nous à lui être fidèles aujourd'hui et tout au long de notre vie.

Amen!



17 avril 2003, Messe Chrismale



1. "Par l'onction de l'Esprit Saint tu as constitué le Christ, ton Fils, Pontife de l'alliance nouvelle et éternelle".

Ces paroles, que nous écouterons d'ici peu dans la Préface, constituent une catéchèse appropriée sur le Sacerdoce du Christ. C'est Lui le Suprême Pontife des biens à venir, qui a voulu perpétuer son sacerdoce dans l'Eglise à travers le service des ministres ordonnés, auxquels il a confié la tâche de prêcher l'Evangile et de célébrer les sacrements du salut.

Cette célébration suggestive qui, le matin du Jeudi Saint, voit les prêtres et leur évêque rassemblés autour de l'autel, constitue dans un certain sens une "introduction" au saint Triduum pascal. Au cours de cette célébration, sont bénis les Huiles et le Chrême, qui serviront à l'onction des catéchumènes, au réconfort des malades et à l'administration de la Confirmation et de l'Ordre sacré.

Les Huiles et le Chrême, intimement liés au Mystère pascal, contribuent de façon efficace au renouvellement de la vie de l'Eglise à travers les Sacrements. L'Esprit Saint, à travers ces signes sacramentels, ne cesse de sanctifier le peuple chrétien.

2. "Aujourd'hui s'accomplit à vos oreilles ce passage de l'Ecriture" (
Lc 4,21). La page évangélique qui vient d'être proclamée dans notre assemblée nous ramène à la synagogue de Nazareth, où Jésus, ayant déroulé le livre d'Isaïe, commence à lire: "L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a consacré par l'onction" (Lc 4,18). Il applique à sa propre personne l'oracle du Prophète, en concluant: "Aujourd'hui s'accomplit ce passage de l'Ecriture" (v. 21).

Chaque fois que l'assemblée liturgique se rassemble pour célébrer l'Eucharistie, cet "aujourd'hui" devient actuel. Le mystère de l'unique Christ et Prêtre suprême de la nouvelle et éternelle Alliance devient présent et se concrétise.

Sous cette lumière, nous comprenons mieux quelle valeur possède notre ministère sacerdotal. L'Apôtre nous invite à raviver sans cesse le don de Dieu reçu par l'imposition des mains (cf. 2Tm 1,6), soutenus par la certitude réconfortante que Celui qui a commencé cette oeuvre en nous la mènera à bien jusqu'au Jour du Christ Jésus (cf. Ph Ph 1,6).

Messieurs les Cardinaux, vénérés frères dans l'épiscopat, très chers prêtres, je vous salue avec affection. Aujourd'hui, au cours de la Messe chrismale, nous faisons mémoire de cette grande vérité qui nous concerne directement. Le Christ nous a appelés, à un titre particulier, à participer à son sacerdoce. Chaque vocation au ministère sacerdotal est un don extraordinaire de l'amour de Dieu et, dans le même temps, un mystère profond, qui concerne les insondables desseins divins et les abîmes de la conscience humaine.

1091 3. "Je chanterai toujours l'amour du Seigneur" (Psaume responsorial). L'âme remplie de gratitude, nous renouvellerons dans quelques instants les promesses sacerdotales. Ce rite nous ramène par l'esprit et le coeur au jour inoubliable où nous avons pris l'engagement de nous unir intimement au Christ, modèle de notre sacerdoce, et d'être de fidèles dispensateurs des mystères de Dieu, en nous laissant conduire non par des intérêts humains, mais uniquement par l'amour pour Dieu et pour le prochain.

Chers frères dans le sacerdoce, sommes-nous restés fidèles à ces promesses? Que ne s'éteigne pas en nous l'enthousiasme spirituel de l'Ordination sacerdotale. Et vous, très chers fidèles, priez pour les prêtres afin qu'ils soient d'attentifs dispensateurs des dons de la grâce divine, en particulier de la miséricorde de Dieu dans le sacrement de la Confession et du Pain de vie dans l'Eucharistie, mémorial vivant de la mort et de la résurrection du Christ.

4. "De génération en génération j'annoncerai sa vérité" (Antienne de la communion). Chaque fois que l'on célèbre le Sacrifice eucharistique dans l'assemblée liturgique, se renouvelle la "vérité" de la mort et de la résurrection du Christ. C'est ce que nous ferons avec une émotion particulière ce soir, en revivant la Dernière Cène du Seigneur. Pour souligner l'actualité du grand mémorial de la rédemption, au cours de la Messe in Cena Domini, je signerai l'Encyclique intitulée: Ecclesia de Eucharistia, que j'ai voulu vous adresser de manière particulière, chers prêtres, au lieu de la traditionnelle Lettre du Jeudi Saint. Accueillez-la comme un don particulier à l'occasion du 25 anniversaire de mon ministère pétrinien et faites-la connaître aux âmes confiées à vos soins pastoraux.

Que la Vierge Marie, femme "eucharistique", qui a porté dans son sein le Verbe incarné et qui a fait d'elle-même une offrande permanente au Seigneur, nous conduise tous vers une compréhension toujours plus profonde de l'immense don et mystère que représente le Sacerdoce. Qu'Elle nous rende dignes de son Fils Jésus, Prêtre suprême et éternel. Amen!





17 avril 2003, Messe de la Cène du Seigneur

1. "Il les aima jusqu'à la fin"(
Jn 13,1).

A la veille de sa passion et de sa mort, le Seigneur Jésus voulut rassembler autour de lui encore une fois ses Apôtres, afin de leur remettre ses dernières consignes et de leur donner le témoignage suprême de son amour.

Entrons nous aussi dans la "grande pièce garnie de coussins, toute prête, à l'étage" (cf. Mc Mc 14,15) et apprêtons-nous à écouter les pensées les plus intimes qu'Il désire nous confier; apprêtons-nous, en particulier, à accueillir le geste et le don qu'Il a prévus pour ce dernier rendez-vous.

2. Pendant qu'ils dînent, voilà Jésus qui se lève de table et commence à laver les pieds des disciples.Pierre refuse tout d'abord, puis il comprend et il accepte. Nous sommes nous aussi invités à comprendre: la première chose que le disciple doit faire est de se mettre à l'écoute de son Seigneur, en ouvrant son coeur pour accueillir l'initiative de son amour. Ce n'est qu'ensuite qu'il sera invité à accomplir, à son tour, ce que le Maître a accompli. Il devra lui aussi s'engager à "laver les pieds" de ses frères, en traduisant en gestes de service réciproque cet amour qui constitue la synthèse de tout l'Evangile (cf. Jn 13,1-20).

Toujours au cours de la Cène, sachant que son "heure" est désormais venue, Jésus bénit et fractionne le pain, puis il le distribue aux Apôtres en disant: "Ceci est mon corps"; il fait la même chose avec le calice: "Ceci est mon sang". Et il leur commande: "Faites-le en mémoire de moi" (1Co 11,24 1Co 11,25). Nous avons véritablement là le témoignage d'un amour allant "jusqu'à la fin" (Jn 13,1). Jésus se donne en nourriture aux disciples, afin de devenir une seule chose avec eux. La "leçon" qu'il faut apprendre apparaît encore une fois: la première chose à faire est d'ouvrir son coeur pour accueillir l'amour du Christ. L'initiative est la sienne: c'est son amour qui nous rend capables d'aimer nos frères à notre tour.

Voilà donc: le lavement des pieds et le sacrement de l'Eucharistie: deux manifestations d'un même mystère d'amour confié aux disciples "pour que - dit Jésus - vous fassiez, vous aussi, comme moi j'ai fait pour vous" (Jn 13,15).

1092 3. "Faites ceci en mémoire de moi" (1Co 11,24). La "mémoire", que le Seigneur nous a laissée ce soir-là, concerne le moment culminant de son existence terrestre, le moment de son offrande en sacrifice au Père, par amour de l'humanité. Et c'est une "mémoire" qui se situe dans le contexte d'une cène, la cène pascale, au cours de laquelle Jésus se donne à ses Apôtres sous les espèces du pain et du vin, comme leur nourriture sur le chemin vers la patrie du Ciel.

Mysterium fidei! Voilà ce que proclame le célébrant après avoir prononcé les paroles de la consécration. Et l'assemblée liturgique répond en exprimant avec joie sa foi et son adhésion pleine d'espérance. L'Eucharistie est un mystère véritablement grand! Un mystère "incompréhensible" pour la raison humaine, mais si lumineux pour les yeux de la foi! La Table du Seigneur, dans la simplicité des symboles eucharistiques - le pain et le vin partagés - se révèle également comme la table de la fraternité concrète.Le message qui en émane est trop clair pour qu'on puisse l'ignorer: ceux qui prennent part à la Célébration eucharistique ne peuvent pas rester insensibles face aux attentes des pauvres et des indigents.

4. C'est précisément dans cette pers-pective que je désire que les dons recueillis au cours de cette célébration soient destinés à soulager les nécessités urgentes de ceux qui souffrent en Irak, en raison des conséquences de la guerre. Un coeur qui a éprouvé l'amour du Seigneur s'ouvre spontanément à la charité envers ses frères.

"O sacrum convivium, in quo Christus sumitur".

Nous sommes tous invités, ce soir, à célébrer et à adorer jusqu'à tard dans la nuit le Seigneur qui s'est fait nourriture pour nous, pèlerins dans le temps, en nous offrant sa chair et son sang.

L'Eucharistie est un grand don pour l'Eglise et pour le monde. Afin, précisément, que soit accordée une attention toujours plus profonde au sacrement de l'Eucharistie, j'ai voulu offrir à toute la communauté des croyants une Encyclique, dont le thème central est le Mystère eucharistique: Ecclesia de Eucharistia. Dans quelques instants, j'aurai la joie de la signer, au cours de cette Célébration qui réévoque la Dernière Cène, lorsque Jésus nous laissa sa propre personne en testament suprême d'amour. Dès à présent, je la confie tout d'abord aux prêtres, pour qu'ils la diffusent à leur tour, au bénéfice de tout le peuple chrétien.

5. Adoro te devote, latens Deitas! Nous t'adorons, ô admirable Sacrement de la présence de Celui qui aima les siens "jusqu'à la fin". Nous te remercions, ô Seigneur, qui dans l'Eucharistie édifies, rassembles et vivifies l'Eglise.

O divine Eucharistie, flamme de l'amour du Christ qui brûles sur l'autel du monde, fais que l'Eglise, réconfortée par Toi, soit toujours plus attentive à essuyer les larmes de ceux qui souffrent et à soutenir les efforts de ceux qui aspirent à la justice et à la paix.

Et Toi, Marie, Femme "eucharistique", qui as offert ton sein virginal pour l'incarnation du Verbe de Dieu, aide-nous à vivre le Mystère eucharistique dans l'esprit du Magnificat. Que notre vie soit une louange sans fin au Tout-Puissant, qui s'est caché sous l'humilité des signes eucharistiques.

Adoro te devote, latens Deitas...
Adoro te... adiuva me!





1093 19 avril 2003, Veillée Pascale

1. «N’ayez pas peur! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié? Il est ressuscité : il n’est pas ici» (
Mc 16,6).

À l’aube du premier jour après le sabbat, comme le raconte l’Évangile, quelques femmes vont au sépulcre honorer le corps de Jésus qui, crucifié le vendredi, avait été enveloppé en hâte dans un linceul et déposé dans le sépulcre. Elles le cherchent, mais elles ne le trouvent pas: il n’est plus dans le lieu où il avait été déposé. De lui, demeurent seulement les signes de sa sépulture: le tombeau vide, les bandelettes, le linceul. Cependant, les femmes sont troublées à la vue d’un «jeune homme vêtu de blanc» qui leur annonce : «Il est ressuscité: il n’est pas ici»

Cette nouvelle bouleversante, qui change le cours de l’histoire, continue, depuis lors, à retentir de génération en génération : annonce ancienne et toujours nouvelle. Une fois encore, elle a résonné durant cette Veillée pascale, mère de toutes les veillées, et elle se répand en ce moment sur toute la terre.

2. Ô sublime mystère de cette sainte Nuit ! Nuit durant laquelle nous revivons l’événement extraordinaire de la Résurrection ! Si le Christ était demeuré prisonnier du tombeau, l’humanité et la création tout entière auraient, d’une certaine manière, perdu leur sens. Mais toi, Ô Christ, tu es vraiment Ressuscité !

Ainsi les Écritures, que nous venons d’écouter dans la liturgie de la Parole et qui retracent toutes les étapes du projet salvifique de Dieu, trouvent leur accomplissement. Au commencement de la création, «Dieu vit tout ce qu’il avait fait : c’était très bon» (Gn 1,31). À Abraham, il avait promis : «Toutes les nations de la terre s’adresseront l’une à l’autre la bénédiction par le nom de ta descendance» (Gn 22,18). Nous avons de nouveau entendu l’un des plus anciens cantiques de la tradition juive, qui révèle la signification de l’antique exode, lorsque «le Seigneur sauva Israël de la main de l’Égypte» (Ex 14,30). Et les promesses des Prophètes continuent à se réaliser en notre temps: «Je mettrai en vous mon esprit: alors vous suivrez mes lois...» (Ez 36,27).

3. En cette nuit de la Résurrection, tout recommence à partir du «commencement»; la création retrouve sa signification authentique dans le plan du salut. C’est comme un nouveau départ de l’histoire et du cosmos, parce que le Christ est ressuscité, «pour être parmi les morts le premier ressuscité» (1Co 15,20). Lui, «le dernier Adam», est devenu «l’être spirituel qui donne la vie» (1Co 15,45).

Même le péché de nos premiers parents est chanté, lors de l’Exsultet pascal, comme «felix culpa», «bienheureuse faute de l’homme, qui valut au monde le seul Rédempteur!». Là où le péché a abondé, maintenant la grâce surabonde et «la pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle» (Ps 117,22) d’un édifice spirituel indestructible.

En cette sainte Nuit, est né un peuple nouveau, avec lequel Dieu lui-même a scellé une alliance éternelle dans le sang du Verbe incarné, crucifié et ressuscité.

4. C’est par le Baptême que l’on devient membre du peuple des rachetés. «Si, par le baptême dans sa mort, nous a rappelé Paul dans l’Épître aux Romains, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, de même que le Christ, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts» (6, 4).

Cette exhortation vous est particulièrement destinée, chers catéchumènes, vous à qui, dans quelques instants, l’Église, notre Mère, communiquera le grand don de la vie divine. Vous qui êtes originaires de divers pays, la divine Providence vous a conduits ici, auprès du tombeau de saint Pierre, pour recevoir les Sacrements de l’initiation chrétienne: le Baptême, la Confirmation et l’Eucharistie. Vous entrez ainsi dans la Maison du Seigneur, vous êtes consacrés par l’huile d’allégresse, et vous pouvez vous nourrir du Pain du ciel.

1094 Soutenus par la puissance de l’Esprit Saint, persévérez dans votre fidélité au Christ et proclamez avec courage son Évangile.

5. Chers Frères et Soeurs ici rassemblés ! Nous aussi, dans quelques instants, nous nous unirons aux catéchumènes pour renouveler les promesses de notre Baptême. De nouveau, nous renoncerons à Satan et à ses oeuvres, pour adhérer fermement à Dieu et à son projet de salut. Ainsi, nous exprimerons notre ferme volonté de mener une vie évangélique.

Marie, témoin joyeux de l’événement de la Résurrection, aide-nous tous à mener «une vie nouvelle»; donne à chacun la conscience que, le vieil homme en nous ayant été crucifié avec le Christ, nous devons nous considérer et nous comporter en hommes nouveaux,«vivants pour Dieu, dans le Christ Jésus» (
Rm 6,4 Rm 6,11).

Amen. Alléluia !



24 avril 2003: Obsèques de S. Em. le CardinalAurelio Sabattani

Jeudi 24 avril 2003


1. "Heureux les affamés et assoiffés de la justice... Heureux les artisans de paix" (Mt 5,6 Mt 5,9).

Nous venons d'entendre à nouveau, au cours de cette célébration par laquelle nous prenons congé du vénéré Cardinal Aurelio Sabattani, la page évangélique des Béatitudes. Que de fois a-t-il eu l'occasion de la méditer au cours de sa longue existence!

"Heureux!". Jésus proclame bienheureux ceux qui l'ont suivi jour après jour, en allant à contre-courant de la logique de ce monde. Dans la foule de ses disciples fidèles, il nous semble, malgré les limites de toute existence humaine, que notre frère trouve lui aussi sa place, lui qui a rendu un service riche et généreux à l'Eglise. Pour le repos de son âme, nous offrons cette liturgie eucharistique, en demandant au Seigneur de le prendre en miséricorde et de lui accorder la béatitude promise aux pauvres en esprit, aux humbles, aux miséricordieux, aux artisans de paix, à tous ceux qui ont faim et soif de justice.

2. "Soyez dans la joie et l'allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux" (Mt 5,12). Notre demeure définitive et notre "récompense", comme le rappelle Jésus dans l'Evangile, ne sont pas sur cette terre, mais dans les cieux. Le regretté Cardinal en était bien conscient, lui qui recommande dans son testament spirituel de "vivre dans la foi et dans la grâce de Dieu, l'unique chose qui ait une valeur éternelle". En effet, il savait bien que c'est justement en conformant sa volonté à la volonté du Christ, en particulier dans les moments difficiles et douloureux de la vie, que le croyant devient digne des béatitudes évangéliques. C'est uniquement en s'abandonnant avec confiance entre les mains du Seigneur, en cultivant en toute circonstance une intimité ininterrompue avec Lui que l'on devient de véritables "fils de Dieu".

3. "Pour moi, certes, la Vie c'est le Christ et mourir représente un gain" (Ph 1,21). Telles sont les paroles que l'Apôtre Paul pouvait s'appliquer à lui-même au terme de son existence. Des sentiments analogues sont exprimés par le regretté Cardinal dans son testament spirituel. En reconnaissant que Dieu l'avait constamment comblé de biens singuliers, il s'est maintenant présenté à son jugement, après avoir lui-même exercé la charge de juge au sein de l'Eglise. Il s'est présenté avec une sereine confiance, comme il le déclare lui-même, dans la conscience d'avoir toujours été guidé par le désir de servir le Christ et l'Eglise.

1095 Le Christ est "le juge établi par Dieu pour les vivants et les morts", affirme l'Apôtre Pierre dans la première lecture (Ac 10,42), qui vient tout juste d'être proposée à notre attention. Le Cardinal Sabattani a essayé de vivre en union avec Lui, en s'efforçant de mettre en pratique ses enseignements. Cela est pour nous aussi un motif de réconfort au moment de la séparation. Qui a confiance dans le Seigneur, nous a rappelé le Psaume responsorial, n'a rien à craindre même lorsqu'il passe un ravin de ténèbre (cf Ps 23 [22]).

4. Il nous semble juste de relire précisément dans cette perspective le long passage sur terre du Cardinal Aurelio Sabattani, notamment les dernières années marquées par un grand nombre de souffrances. Titulaire d'une maîtrise "in utroque iure", il travailla, après son ordination sacerdotale, à la Secrétairerie d'Etat, puis dans son diocèse d'Imola. De retour à Rome, il fut nommé Prélat auditeur de la Rote romaine.

Mon vénéré Prédécesseur, le Serviteur de Dieu Paul VI, l'élut en 1965 Archevêque et Prélat de la Sainte Maison de Lorette, où il demeura jusqu'en 1971.

Rentré à Rome en tant que Secrétaire du Tribunal suprême de la Signature apostolique, il eut l'occasion de participer à divers Congrès internationaux, où l'on apprécia le spécialiste brillant et éclairé en droit canonique.

Membre du Collège cardinalice depuis 1983 avec le Titre de "Sant'Apollinare alle Terme", il s'est consacré avec dévouement à l'administration de la justice en qualité de Préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique. Il a par la suite été Archiprêtre de la Basilique vaticane patriarcale, Vicaire général pour la Cité du Vatican et Président de la Fabrique de Saint-Pierre.

5. Maintenant, au terme de son pèlerinage terrestre, il est parvenu à la patrie céleste, que le Seigneur réserve à ses fidèles serviteurs.

Le Mystère pascal, que nous célébrons solennellement en cette Octave de Pâques, revêt aujourd'hui pour nous une signification éloquente. La vie reçue avec le Baptême ne s'achève pas avec la mort, parce qu'en mourant sur la Croix, le Christ a vaincu le pouvoir de la mort. "Dans l'ordre humain, ai-je rappelé durant la Via Crucis au Colisée, la mort a le dernier mot. La parole qui vient après, la parole de la Résurrection, est uniquement Parole de Dieu".

C'est pourquoi dans la Préface, nous répéterons avec un abandon empli de confiance les paroles de l'espérance chrétienne: "A tes fidèles, Seigneur, la vie n'est pas ôtée mais transformée et, alors qu'est détruite la demeure de cet exil terrestre, un séjour éternel est préparé au ciel".

Nous donnerons dans quelques instants le dernier salut sur cette terre au cher Cardinal Aurelio Sabattani. Ouvrons notre coeur à cette annonce d'espérance qui nous vient de la foi. C'est cette même espérance qui a illuminé la vie sacerdotale et apostolique du Cardinal Sabattani.

Que la Sainte Vierge, en le serrant dans ses bras maternels, l'introduise dans ce Paradis pour lequel il a vécu, oeuvré, souffert et prié. Que les saints l'accueillent et qu'il soit avec eux et pour toujours bienheureux en Dieu. Amen!





27 avril 2003, Béatification de 6 Serviteurs de Dieu

1096 II Dimanche de Pâques, 27 avril 2003



1. "Rendez grâce à Yahvé, car il est bon, car éternel est son amour!" (
Ps 117,1). Voici ce que chante l'Eglise aujourd'hui, en ce deuxième dimanche de Pâques, Dimanche de la "Divine Miséricorde". Dans le Mystère pascal, se révèle pleinement le dessein salvifique réconfortant de l'amour miséricordieux de Dieu, dont les saints et les bienheureux du Paradis sont les témoins privilégiés.

Par une coïncidence providentielle, j'ai la joie d'élever aux honneurs des autels six nouveaux bienheureux précisément en ce Dimanche où nous célébrons la "Divine Miséricorde". En chacun d'eux, de manière différente, s'est manifestée la tendre et surprenante miséricorde du Seigneur: Jacques Alberione, prêtre, Fondateur de la Famille paulinienne; Marco d'Aviano, prêtre, de l'Ordre des Frères mineurs capucins; Maria Cristina Brando, vierge, Fondatrice de la Congrégation des Soeurs victimes expiatrices de Jésus-Sacrement; Eugenia Ravasco, vierge, Fondatrice de la Congrégation des Filles des Sacrés-Coeurs de Jésus et de Marie; Maria Domenica Mantovani, vierge, Co-fondatrice de l'Institut des Petites Soeurs de la Sainte-Famille; Giulia Salzano, vierge, Fondatrice de la Congrégation des Soeurs catéchistes du Sacré-Coeur.

2. "Ceux-là (ces signes) ont été mis par écrit... pour qu'en croyant vous ayez la vie en son nom" (Jn 20,31). La Bonne Nouvelle est un message universel destiné aux hommes de tous les temps. Il est personnellement adressé à chacun et demande à être traduit concrètement dans la vie. Lorsque les chrétiens deviennent des "évangiles vivants", ils se transforment en "signes" éloquents de la miséricorde du Seigneur et leur témoignage atteint plus facilement le caeur des personnes. En tant qu'instruments dociles entre les mains de la Divine Providence, ils marquent profondément l'histoire. C'est ce qui s'est produit pour ces six nouveaux bienheureux, qui proviennent de la chère Italie, une terre féconde en saints.

3. Le bienheureux Jacques Alberione comprit la nécessité de faire connaître Jésus-Christ, Chemin, Vérité et Vie, "aux hommes de notre temps, par les moyens de notre temps" - comme il aimait à dire -, et il s'inspira de l'Apôtre Paul, qu'il définissait "le théologien et l'architecte de l'Eglise", demeurant toujours docile et fidèle au Magistère du Successeur de Pierre, "phare" de vérité dans un monde souvent privé de solides références à des idéaux. "Que ce soit un groupe de saints qui utilise ces moyens", aimait à répéter cet apôtre des temps nouveaux.

Quel formidable héritage laisse-t-il à sa Famille religieuse! Puissent ses fils et ses filles spirituelles conserver intact l'esprit des origines, pour répondre de façon adaptée aux exigences de l'évangélisation du monde d'aujourd'hui.

4. C'est à une époque et dans un contexte différents que resplendit la sainteté du bienheureux Marco d'Aviano, dans l'âme duquel brûlait le désir de prière, de silence, d'adoration du mystère de Dieu. Ce contemplatif itinérant sur les routes d'Europe fut au centre d'un vaste renouvellement spirituel, grâce à une courageuse prédication accompagnée de nombreux prodiges. Prophète désarmé de la miséricorde divine, il fut poussé par les circonstances à s'engager activement pour défendre la liberté et l'unité de l'Europe chrétienne. Le bienheureux Marco d'Aviano rappelle au continent européen, qui s'ouvre en ces années à de nouvelles perspectives de coopération, que son unité sera plus solide si elle se fonde sur les racines chrétiennes communes.

5. Ce que Dieu a accompli à travers Maria Cristina Brando est surprenant. Elle possède une spiritualité eucharistique et expiatrice, qui se partage en deux voies, comme "deux branches qui partent du même tronc": l'amour de Dieu et l'amour pour le prochain. Le désir de prendre part à la passion du Christ est comme "transvasé" dans ses oeuvres éducatives, qui ont pour objectif de rendre les personnes conscientes de leur dignité et de leur permettre de s'ouvrir à l'amour miséricordieux du Seigneur.

6. La bienheureuse Eugenia Ravasco se consacra entièrement à la diffusion de l'amour pour les Coeurs du Christ et de Marie. En contemplant ces deux Coeurs, elle se passionna pour le service du prochain et donna sa vie avec joie pour les jeunes et les pauvres. Elle sut s'ouvrir avec clairvoyance aux urgences missionnaires, en consacrant une attention particulière à ceux qui étaient "loin" de l'Eglise.

L'expression: "faire le bien par amour du Coeur de Jésus" et "brûler du désir du bien des autres, en particulier de la jeunesse", résume bien son charisme, qu'elle a légué à son Institut.

7. C'est dans le même sillage que se place la bienheureuse Maria Domenica Mantovani. Cette digne fille de la terre véronaise, disciple du bienheureux Giuseppe Nascimbeni, s'inspira de la sainte Famille de Nazareth pour se faire "toute à tous", toujours attentive aux nécessités du "pauvre peuple". Sa façon d'être fidèle en toute circonstance, jusqu'au dernier souffle, à la volonté de Dieu, par qui elle se sentait aimée et appelée, fut extraordinaire. Quel bel exemple de sainteté pour chaque croyant!

1097 8. Que dire, ensuite, de la bienheureuse Giulia Salzano? Anticipant l'avenir, elle fut une apôtre de la nouvelle évangélisation, dans laquelle elle unit l'action apostolique à la prière, offerte sans relâche en particulier pour la conversion des personnes "indifférentes".

Cette nouvelle bienheureuse nous encourage à persévérer dans la foi et à ne jamais perdre confiance en Dieu, qui fait tout. Appelés à être les apôtres des temps modernes, puissent les croyants s'inspirer également de la bienheureuse Giulia Salzano, "afin de communiquer à toutes les créatures la charité immen-se du Christ".

9. "Eternelle est la miséricorde de Dieu!", qui resplendit en chacun des nouveaux bienheureux. A travers eux, Dieu a accompli de grandes merveilles! O Seigneur, ta miséricorde est véritablement éternelle! Tu n'abandonnes pas celui qui a recours à Toi. En même temps que ces nouveaux bienheureux, avec une dévotion filiale, nous te répétons: Jésus, en Toi je place ma confiance! "Iesu, ufam Tobie!": les paroles de sainte Faustine Kowalska.

Aide-nous, Marie, Mère de la Miséricorde, à proclamer à travers notre existence que "la miséricorde de Dieu est éternelle". Maintenant et toujours. Amen! Alléluia!




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